La Lettre du Psychiatre - Suppl. Les Actualités au vol. II - n° 3 - juin 2006 17
E
n créant “l’Europe blanche” en
1978, la Communauté écono-
mique européenne n’avait pas envi-
sagé ce qui allait se passer par la
suite, c’est-à-dire la mobilité des pro-
fessionnels de santé, et donc la mise
en place d’un contrôle concernant
aussi bien les diplômes, les connais-
sances ou la permission ou non
d’exercer dans l’État d’origine.
Commission européenne : un certificat européen
de statut professionnel
La Directive européenne du 20 octobre
2005 corrige partiellement ce manque,
car elle crée un système qui permet de
savoir avec certitude qui circule, et
quelles sont ses compétences et ses
qualités morales. Un accord devrait être
conclu à la fin de l’année. Il mettra en
pratique cette directive par la création
d’un guichet unique dans chaque pays,
qui délivrera un certificat attestant les
qualités susdites chez son détenteur. Il
existe déjà des possibilités de faire
appel au conseil de l’ordre des méde-
cins (ou l’équivalent dans les pays de
l’Union), mais les informations diffèrent
d’un pays à l’autre – le contrôle est dif-
ficile –, et parfois y figure une inter-
diction d’exercer pour des raisons qui
n’en seraient pas dans un autre pays ou
certains documents semblent falsifiés.
Allemagne : paupérisation et exil des médecins
L
ors de la “Journée médicale de
Bavière” le 15 octobre 2005, un
tableau comparatif des revenus des
médecins allemands avec les médecins
de différents pays à économie et
niveau de vie comparables, comme
la France, le Danemark, la Grande-
Bretagne ou la Suède, a montré de
grandes différences de salaires ou
de rémunérations. Un médecin d’hôpi-
tal public ayant une formation au
moins équivalente dans tous ces
pays, sinon plus longue qu’en France,
peut gagner de 56 455 euros brut à
35 465 euros brut. Un médecin libéral
peut avoir un revenu de 65 400 euros,
ce qui comparativement à la France
est de 116 000 à 104 000 euros pour
un médecin du service public et
de 67 000 à 57 000 euros pour un
médecin libéral. Les revenus les plus
importants sont les revenus des
médecins anglais qui culminent à
127 300 euros. Les plus bas revenus
sont ceux des médecins suédois, qui
sont à peu près au même niveau que
les revenus des médecins allemands.
Quant aux médecins américains, ils
peuvent gagner de 268 000 euros
pour ceux qui travaillent en milieu
hospitalier à 152 000 euros pour les
médecins libéraux (mais les diffé-
rences de couverture sociale et
de niveau de vie sont à prendre
en considération). Pour les psy-
chiatres, la différence est connue :
ce sont les honoraires les plus bas
dans tous les pays, excepté la
Grande-Bretagne.
Le nouveau gouvernement allemand a
décidé de continuer à réduire les coûts
de la santé en privilégiant une diminu-
tion des revenus des médecins, ce qui
devient de plus en plus problématique,
car cela s’accompagne du licenciement
de personnel dans les cabinets médi-
caux. Les médecins allemands com-
mencent a déserter massivement leur
pays, pour aller s’installer dans des
pays plus attractifs comme la Grande-
Bretagne, où les revenus des médecins
sont très élevés et la charge de travail
relativement faible (24 heures/semaine
pour un psychiatre dans un hôpital,
avec 9 semaines, au minimum, de
congés payés).
Si la situation des malades est privi-
légiée en Europe occidentale, compa-
rativement à de nombreux autres
pays comme ceux de l’Est, la situa-
tion des médecins continue à se
dégrader et explique partiellement la
désaffection des étudiants pour les
études de médecine. Par ailleurs, les
démissions se produisent de plus en
plus souvent dans le milieu médical
avec de nouvelles orientations vers la
recherche ou l’industrie pharmaceu-
tique.
On assiste en Allemagne à un exil
vers l’Ouest ou les États-Unis et un
remplacement d’une partie des méde-
cins allemands par des médecins
encore plus mal lotis, venant des
nouveaux pays de l’Union euro-
péenne, essentiellement la Pologne
et la République tchèque.
La nouvelle politique allemande ne va
pas favoriser un maintien de méde-
cins et leur dernière manifestation à
Berlin montre que la situation se
dégrade rapidement dans les hôpi-
taux publics, ainsi que dans le sec-
teur libéral.
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