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and Memory
> PNAS
Coordonné par P. Derkinderen
Service de neurologie, centre d’investigations cliniques
et INSERM U643, CHU de Nantes
Mémoire, DNF
et protéine tau :
un ménage à trois pas si simple…
es lésions de dégénérescence
neurofibrillaire (DNF) sont principalement composées de protéines tau hyperphosphorylées. Leur
abondance est corrélée au déclin cognitif et à la perte neuronale au cours de
la maladie d’Alzheimer et dans les
modèles murins de tauopathies. Cette
association entre DNF, perte neuronale
et troubles cognitifs chez l’homme et
l’animal a longtemps fait penser que les
lésions de DNF étaient à l’origine du
processus neurodégénératif et de la
dysfonction cérébrale. Toutefois, cette
hypothèse n’a jamais été testée de
façon rigoureuse. C’est désormais chose
faite grâce à une étude américaine au
cours de laquelle des souris transgéniques exprimant une forme mutée de
tau humain associée à des tauopathies
(P301L) est susceptible d’être réprimée
expérimentalement par la doxycycline.
Ces souris développent avec l’âge des
DNF, une perte neuronale ainsi que des
troubles du comportement et de la
mémoire. L’administration de doxycycline, qui inhibe l’expression du transgène tau, permet une amélioration des
performances cognitives des souris, une
stabilisation de leur perte neuronale
mais, de façon surprenante, les DNF
continuent de s’accumuler (1).
L
Commentaire
Cet article bouscule donc l’idée communément admise de l’existence d’un lien
direct entre déclin cognitif, mort cellulaire et lésions de DNF au cours des
tauopathies. Cela relance la théorie
suggérant que les DNF ne sont pas
forcément neurotoxiques. Deux revues
avancent des hypothèses quant aux
résultats “déstabilisants” de cet article.
Tout d’abord, dans l’éditorial qui
l’accompagne, V. Lee et J. Trojanowski
proposent que l’effet pathogène de
tau ne soit pas en rapport avec un gain
de fonction, mais avec une perte de
fonction qui perturbe le transport
axonal (2). Une autre synthèse récente
sur la phosphorylation et l’agrégation
anormale de tau envisage que les lésions
de DNF soient en fait neuroprotectrices
en réponse au stress oxydatif. Le débat
est donc ouvert sur les agrégats de protéines tau dans les tauopathies : neuroprotecteurs ou toxiques, responsables
d’un gain de fonction ou d’une perte de
fonction (3). La discussion s’étend aussi
aux autres pathologies neurodégénératives avec agrégats anormaux de protéines, comme les synucléinopathies ou
la maladie de Huntington.
P. Derkinderen,
service de neurologie,
INSERM, Nantes.
R é f é r en c e s bi bl iog raph ique s
1. Santa Cruz K et al. Tau suppression in a neurodegenerative mouse model improves memory function.
Science 2005;309:476-81.
2. Trojanowski JQ, Lee VM. Pathological tau, a loss of
normal function or a gain in toxicity? Science 2005;
8:1136-7.
3. Lee HG et al. Tau phosphorylation in Alzheimer’s
disease: pathogen or protector? Trends Mol Med 2005;
11:165-9.
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 9 - novembre 2005
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Suppl. Vol. IX LN9
O UI,
Le peptide -amyloïde gêne
le trafic du récepteur NMDA
>
a maladie d’Alzheimer est caractérisée, entre autres, par la présence de
dépôts extracellulaires de peptide -amyloïde. Grâce aux modèles animaux (souris
transgéniques), il est désormais admis que
cette accumulation de peptide -amyloïde
provoque des anomalies de la plasticité
synaptique bien avant la mort neuronale.
Il est suggéré que ces anomalies de la
plasticité synaptique mettent en jeu les
récepteurs du glutamate, et tout particulièrement les récepteurs NMDA, mais
cela n’a jamais été prouvé… Une publication récente montre que l’exposition de
neurones de rat en culture primaire au
peptide -amyloïde diminue le nombre de
récepteurs NMDA à la surface cellulaire,
probablement par augmentation de leur
endocytose. Ces résultats ont ensuite été
confirmés in vivo, puisque la quantité de
récepteur NMDA est diminuée de moitié
dans les cerveaux de souris transgéniques
surexprimant une forme mutée de l’APP
(amyloid precursor protein), qui sont un
modèle murin de la maladie d’Alzheimer.
Un traitement de ces souris par un inhibiteur de la -sécrétase qui bloque la
production du peptide -amyloïde supprime cet effet, montrant ainsi que la
baisse de la quantité de récepteurs NMDA
est bien la conséquence de la présence
du peptide -amyloïde.
L
Commentaire
Cet article permet donc de proposer un
mécanisme moléculaire précis et original par lequel le peptide -amyloïde
serait toxique et néfaste pour la plasticité synaptique et donc la mémoire à
un échelon cellulaire.
P. Derkinderen
>
Snyder EM et al. Regulation of NMDA receptor
trafficking by amyloid-. Nat Neurosci 2005;
8:1051-8.
> Enfin un gène
pour le syndrome
de Gilles de la Tourette ?
ans la description initiale du syndrome de Gilles de la Tourette,
une origine familiale était suspectée…
Depuis, des hypothèses monogéniques
ou polygéniques ont été avancées, mais
rien n’a été prouvé. Un article fraîchement publié dans Science devrait donc
faire parler de lui… Tout a commencé
par un patient de sexe masculin, dont
l’âge n’est pas précisé, qui présentait un
syndrome de Gilles de la Tourette, sans
antécédents familiaux, et dont l’analyse
du caryotype a montré une inversion sur
le chromosome 13. Une étude de génétique moléculaire plus fine a permis de
montrer que 3 gènes candidats étaient
situés à proximité de la zone de “cassure”
à l’origine de l’inversion. Un seul de ces
gènes codait pour une protéine ayant
une fonction définie dans le système nerveux central, le gène Slit and Trk-like 1
(SLITRK1). La protéine SLITRK1 est, en
effet, abondante dans le système nerveux central et est impliquée dans la
croissance axonale. Les auteurs ont
ensuite screené 174 patients atteints de
syndrome de Gilles de la Tourette à la
recherche d’une mutation sur le gène
SLITRK1. Un patient présentait une mutation qui décalait le cadre de lecture et
qui entraînait la production d’une forme
tronquée de la protéine. Cette même
mutation était aussi trouvée chez la
mère du patient, qui avait une trichotillomanie. Cette mutation était absente
chez les 3 600 sujets témoins. Lorsque la
forme mutée de SLITRK1 est surexprimée
dans des neurones en cultures primaires,
elle ne favorise pas la croissance axonale,
contrairement à ce que l’on observe
avec la forme sauvage de la protéine.
Deux autres sujets testés, sans notion
D
de liens familiaux, avaient une particularité dans la région non codante du
gène SLITRK1 qui aurait pour conséquence de diminuer l’expression de SLITRK1.
Commentaire
Ce travail montre donc de façon convaincante qu’une mutation de SLITRK1 peut
être à l’origine d’un syndrome de Gilles
de la Tourette. Même si cette mutation
semble rare sur l’ensemble des syndromes
de Gilles de la Tourette, sa découverte
devrait permettre une meilleure compréhension de la physiopathologie de ce syndrome, comme cela a été le cas après la
découverte de mutations du gène codant
pour la synucléine dans la maladie de
Parkinson.
P. Derkinderen
> Abelson et al. Sequence variants in SLITRK1
are associated with Tourette’s syndrome. Science
2005;310:317-20.
>
Les cellules souches
neurales adultes : un espoir
pour le traitement des maladies
neurodégénératives
epuis le début des années 1960,
il a été montré que, chez le rat
adulte, des cellules souches situées
dans la zone sous-épendymaire du
ventricule latéral donnent perpétuellement naissance à des précurseurs
neuronaux, qui migrent jusqu’au bulbe
olfactif (BO). On sait depuis qu’ils s’y
différencient en interneurones et que
leur intégration au réseau des récepteurs sensoriels est nécessaire à la
mémoire et à la discrimination olfactive. Mais le dogme de l’immuabilité du
tissu nerveux chez l’adulte était si fort
que la communauté scientifique allait
D
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 9 - novembre 2005
9
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longtemps rejeter ou ignorer ces travaux fondateurs. Plus de vingt ans après,
la démonstration d’une neurogenèse
adulte chez l’oiseau chanteur, chez le
petit mammifère puis chez l’homme
allait susciter une formidable accélération des recherches. Le groupe de
Pierre-Marie Lledo avait déjà montré en
2004 le rôle clé de la ténascine-R dans
la migration des précurseurs neuronaux.
Un article récent de la même équipe
souligne le rôle déterminant du facteur
de transcription Pax6, qui contrôle
à la fois le niveau de neurogenèse
adulte et la différenciation des progéniteurs. Pax6 engage d’abord les cellules souches vers un destin neuronal.
Le maintien de son expression dans
les précurseurs neuronaux les oriente
ensuite vers un phénotype dopaminergique, alors que son extinction induit
un phénotype GABAergique. La surexpression de Pax6 par un vecteur viral
provoque une augmentation considérable du nombre de neurones dopaminergiques dans le BO.
Commentaire
Ces découvertes récentes sur les mécanismes de la migration et de la différenciation des cellules souches adultes
suscitent un formidable espoir pour le
traitement des maladies neurodégénératives comme la maladie de Parkinson.
Elles laissent entrevoir la possibilité de
détourner les cellules souches neurales de
leur destin olfactif vers d’autres structures,
telles que le striatum ou la substance
noire, et de les y différencier en neurones
dopaminergiques, ce qui permet d’éviter
les difficultés éthiques, techniques ou
immunologiques liées à l’utilisation de
cellules souches exogènes.
T. Lebouvier,
INSERM U643, Nantes.
>
Hack MA, Saghatelyan A, de Chevigny A et al.
Neuronal fate determinants of adult olfactory bulb
neurogenesis. Nat Neurosci 2005;8(7):865-72.
10
Coordonné par P. Derkinderen
>
La phosphorylation
de la synucléine est essentielle
pour sa neurotoxicité
es phosphorylations sont les principales modifications post-traductionnelles des protéines. La phosphorylation réversible de protéines est la
principale stratégie utilisée pour les
cellules eucaryotes afin de contrôler
l’activité des protéines. Dans les cellules eucaryotes, trois acides aminés,
les résidus sérine, thréonine et tyrosine, peuvent être phosphorylés.
Plusieurs travaux ont montré que
l’alpha-synucléine était phosphorylée
sur sérine (en position 129) au sein des
corps de Lewy, mais le rôle de cette
phosphorylation dans le processus neurodégénératif n’est pas connu. Une
équipe spécialisée dans les drosophiles
transgéniques aborde ce sujet dans un
récent numéro de Nature Neuroscience.
Dans un précédent travail, en surexprimant de la synucléine humaine sauvage
ou mutée chez des drosophiles, la
même équipe avait pu obtenir un
modèle de la maladie de Parkinson chez
cette mouche avec la présence de difficultés motrices (difficultés à grimper le
long d’un tube à essai) et d’anomalies
histologiques (dégénérescence des
quelques neurones dopaminergiques
avec présence d’agrégats intraneuronaux). Afin d’étudier le rôle de la phosphorylation de l’alpha-synucléine au
cours du processus neurodégénératif,
ils ont réalisé des expériences similaires
avec des mutants de synucléine ne pouvant être phosphorylés et avec des
mutants de synucléine mimant une
phosphorylation constante (en remplaçant le résidu sérine par un résidu acide
aspartique). Les drosophiles surexprimant la forme non phosphorylable de la
synucléine ne développent pas d’ano-
L
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 9 - novembre 2005
malies motrices ni de dégénérescence
des neurones dopaminergiques, alors
que celles surexprimant la forme “phospho-mimétique” ont une forme accélérée de maladie neurodégénérative. De
façon remarquable, les drosophiles qui
surexpriment la forme non phosphorylable de la synucléine ont plus d’inclusions intraneuronales que les drosophiles témoins et surexprimant la forme
“phospho-mimétique”.
Commentaire
Ces expériences montrent donc que la
phosphorylation sur sérine 129 de la
synucléine est essentielle au développement du processus neurodégénératif. L’autre conclusion de ce travail est
que la présence d’inclusions intraneuronales serait une réaction des neurones
au processus neurodégénératif ; ces
inclusions seraient neuroprotectrices
et non neurotoxiques, une idée très
“tendance” dans le domaine des pathologies neurodégénératives… À suivre.
P. Derkinderen
> Chen L, Feany MB. Alpha-synuclein phosphorylation controls neurotoxicity and inclusion
formation in a Drosophila model of Parkinson
disease. Nat Neurosci 2005;8:657-63.
>
Les bêta-lactamines
neuroprotectrices,
qui l’aurait prédit ?
e glutamate est le principal neurotransmetteur excitateur du système
nerveux central. Il joue un rôle essentiel
en physiologie neuronale en étant, en
particulier, impliqué dans de nombreux
phénomènes de plasticité synaptique.
Toutefois, il est désormais admis que le
glutamate peut, dans certaines circonstances, être toxique pour les neurones,
L
comme cela est proposé dans la physiopathologie de la sclérose latérale amyotrophique. Une fois libéré dans l’espace
synaptique, le glutamate peut se fixer sur
ses récepteurs spécifiques ou être capté
par les astrocytes grâce à un transporteur spécifique appelé GLT1. Des travaux
réalisés chez l’animal de laboratoire ont
montré que ce transporteur jouait un
rôle clé dans la régulation des fonctions
physiologiques et pathologiques du glutamate. Aucun traitement n’était jusqu’à
présent connu pour moduler l’activité de
GLT1 ou modifier son niveau d’expression. En utilisant un modèle de tranches
de moelle épinière de rat, une équipe
de Baltimore a donc screené plus de
1 000 molécules, à la recherche d’un
traitement capable de modifier l’expression de la protéine GLT1. Sur les
1 040 traitements testés, les plus actifs
sur l’augmentation de l’expression de
GLT1 étaient les bêta-lactamines (pénicilline, ampicilline, amoxicilline, etc.).
Ces données ont été confirmées in vivo
chez la souris puisqu’un traitement
chronique par ceftriaxone augmente
l’expression de GLT1 dans l’hippocampe
et la moelle épinière.
Commentaire
Le dernier point de cet article, et vraisemblablement le plus remarquable,
est que la ceftriaxone a un effet chez
des souris transgéniques qui sont un
modèle murin de sclérose latérale
amyotrophique. La ceftriaxone administrée aux souris en début de maladie
permet non seulement de diminuer la
perte de poids et le déficit moteur, mais
aussi d’augmenter la durée de vie
moyenne des souris de 122 à 132 jours.
Un protocole de recherche multicentrique sur les effets de la ceftriaxone
chez des patients atteints de sclérose
latérale amyotrophique vient de débuter (N Engl J Med 2005;352:13).
P. Derkinderen
>
Rothstein JD, Patel S, Regan MR et al.
Beta-lactam antibiotics offer neuroprotection
by increasing glutamate transporter expression.
Nature 2005;433(7021):73-7.
> De nouvelles perspectives
thérapeutiques pour le lithium ?
es tauopathies, dont font partie la
maladie d’Alzheimer, la paralysie
supranucléaire progressive, la dégénérescence cortico-basale et la maladie de
Pick, sont caractérisées par des lésions
intraneuronales appelées “dégénérescence neurofibrillaire” (DNF). Le principal constituant des DNF est la protéine
tau présente sous forme d’agrégats,
d’où l’éponyme tauopathie. Au sein des
lésions de DNF, la protéine tau est anormalement phosphorylée et de nombreux
travaux suggèrent que cette phosphorylation joue un rôle dans l’agrégation de
tau. Une des principales enzymes capables
de phosphoryler tau est la glycogen synthase kinase 3 (GSK3). L’utilisation
d’inhibiteurs de cette enzyme pourrait
donc s’avérer intéressante dans le traitement des tauopathies.
Plusieurs récents travaux in vitro et in
vivo ont montré que le lithium, pour
des concentrations voisines de celles
utilisées dans le traitement des troubles
de l’humeur, est un inhibiteur de GSK3.
Afin d’étudier si l’inhibition de GSK3
pouvait être proposée comme traitement
potentiel des tauopathies, des souris
transgéniques surexprimant une forme
mutée de la protéine tau humaine ont
été traitées par lithium. Ces souris ont
déjà été caractérisées antérieurement
et présentent des déficits cognitifs
ainsi que des inclusions intraneuronales
constituées de protéine tau hyperphosphorylée. Les auteurs ont tout d’abord
vérifié que le traitement par lithium
inhibait bien la GSK3 sérique chez les
L
souris. Ils ont ensuite montré, chez ces
souris transgéniques, que le lithium
diminuait la phosphorylation de tau sur
des épitopes habituellement phosphorylés par GSK3 et que les quantités de
“tau agrégée” étaient moins importantes
chez les souris traitées.
Commentaire
Le lithium semble donc potentiellement
intéressant dans les tauopathies. Deux
petits bémols toutefois : l’effet sur les
troubles de la mémoire et sur les difficultés motrices des souris n’a pas été
étudié dans l’article, et l’on regrettera
qu’il n’y ait pas eu d’analyse plus approfondie des sites de phosphorylation qui
sont sous la dépendance de cdk5.
P. Derkinderen
> Noble W et al. Inhibition of glycogen syn-
thase kinase-3 by lithium correlates with reduced
tauopathy and degeneration in vivo. Proc Natl
Acad Sci USA 2005;102:6990-5.
> Les muscles squelettiques
humains possèdent des profils
d’expression de gènes différents
uatre types de muscles squelettiques ont été étudiés : les muscles
deltoïde, quadriceps, gastrocnémien et
tibial antérieur. Trente-cinq échantillons
musculaires provenant de neuf patients
ont été prélevés lors d’autopsies. Les
hybridations des ARN correspondants
ont été réalisées sur des puces pangénomiques Affymétrix (U133A, U133B).
Après une première étape de normalisation, trois facteurs apparaissent comme
discriminants dans la classification des
échantillons : l’âge, le sexe et le type de
muscle. Après une deuxième étape de
normalisation, seules les variations
observées en fonction du type de
muscle sont discriminantes. Les profils
Q
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 9 - novembre 2005
11
> ACTUALITÉS
neurosciences
> Molecular psychiatry
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> Neurobiology of Learning
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> PNAS
> Behavioural Brain Research
> European Journal
of Neuroscience
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> Neuron
observés ne peuvent être mis en relation avec le type de fibres : le deltoïde
et le tibial antérieur ont des profils
d’expression différents, alors qu’ils possèdent de façon équivalente un fort
pourcentage de fibres musculaires de
type I. Chaque type musculaire possède
une signature d’expression génique
propre. La plupart des gènes différentiels entre ces types de muscles sont
des gènes spécifiquement exprimés dans
le muscle et, notamment, les gènes
associés à la membrane, par exemple le
discoidin domain receptor family, member 1 (DDR1). DDR1 est une tyrosine
kinase dont on connaît le rôle dans la
réparation du muscle lingual après
lésion vasculaire. Cette étude permet de
confirmer les variations biologiques de
ces différents types de muscle histologiquement non distinguables.
Commentaire
Kang et al. mettent en évidence la
présence de profils d’expression différents en fonction du type de muscle
examiné. Cette hypothèse était suggérée par l’atteinte préférentielle de
certains groupes musculaires en pathologie, notamment lors des dystrophies
musculaires. Elle avait déjà été étudiée
pour les muscles oculomoteurs. Ce travail
permet de confirmer cette hypothèse et
d’envisager quels sont les facteurs responsables de cette variation (DDR1). Il permet également de montrer l’importance
d’avoir une homogénéité du tissu musculaire lors des études de génomique fonctionnelle. Il reste bien sûr à élargir ces
données à d’autres types musculaires afin
d’établir des cartes d’expression de gènes
permettant d’appréhender la physiopathologie des maladies musculaires.
A. Magot,
INSERM U533, Nantes.
12
Coordonné par P. Derkinderen
> Kang PB et al. Variations in gene expression
among different types of human skeletal muscle.
Muscle Nerve 2005 (disponible on-line).
> Vers un vaccin
dans la maladie de Parkinson ?
l est troublant que des maladies neurodégénératives aussi différentes que
la maladie de Parkinson, la démence
d’Alzheimer, la chorée de Huntington ou
la paralysie supranucléaire progressive
aient pour caractéristique commune la
formation d’agrégats protéiques débordant les capacités de clairance de la
cellule. Ce phénomène est contemporain
(sinon responsable) de la mort neuronale.
L’immunothérapie, dont l’application la
plus directe est l’immunisation contre
les protéines agrégées, est une voie
thérapeutique dans ces maladies. Il a
récemment été montré, dans des modèles
animaux de démence d’Alzheimer ou de
chorée de Huntington, que des anticorps dirigés respectivement contre le
peptide A ou la huntingtine pouvaient
diminuer le nombre d’agrégats protéiques avec, dans le modèle Alzheimer,
une amélioration du déficit cognitif. Pour
la première fois, l’équipe de E. Masliah,
de l’université de Californie, rapporte
l’effet favorable de l’immunisation contre
l’-synucléine dans un modèle murin de
Parkinson. Les souris transgéniques
exprimant l’-synucléine humaine en
plus de la protéine sauvage présentent
des agrégats dans l’axone et les terminaisons synaptiques ainsi que des inclusions cytoplasmiques analogues aux
corps de Lewy. Ces lésions sont associées à une perte cellulaire et à un déficit moteur qui miment certains aspects
de la maladie. Après vaccination contre
l’-synucléine humaine, on observe
I
La Lettre du Neurologue - Suppl. Les Actualités au vol. IX - n° 9 - novembre 2005
une franche diminution des inclusions
cytoplasmiques et des agrégats présynaptiques. Plus intéressant, les souris
mutantes vaccinées récupèrent un nombre
de synapses fonctionnelles comparable
à celui des souris sauvages, alors que
les transgéniques non immunisées présentent une perte synaptique de 20 %.
Dans ce modèle, seule l’-synucléine
humaine, en excès, est reconnue par les
anticorps, épargnant la protéine murine
sauvage qui continue à exercer son rôle
physiologique au niveau de la synapse.
Il est remarquable, cependant, que
l’expression des monomères d’-synucléine humaine dans le cytosol reste
inchangée. La vaccination n’affecte que
les agrégats d’-synucléine humaine,
probablement parce que les polymères
pathologiques, associés à la membrane,
sont les seuls susceptibles d’être reconnus par les anticorps et dégradés par la
voie lysosomale.
Commentaire
Bien entendu, forts de l’expérience
de l’immunothérapie dans la maladie
d’Alzheimer, chercheurs et cliniciens
restent extrêmement prudents quant
aux applications thérapeutiques chez
l’homme. On attend avec intérêt les
résultats de l’équipe de E. Masliah sur
les conséquences de la vaccination
sur le déficit moteur. Mais, plus fondamentalement, le rôle des agrégats protéiques dans le processus neurodégénératif reste à démontrer, car on ignore
encore aujourd’hui s’ils en sont la cause
ou la conséquence. Prévenir leur formation est peut-être vain, voire néfaste.
TL
>
Masliah E, Rockenstein E, Adame A et al.
Effects of alpha-synuclein immunization in a
mouse model of Parkinson’s disease. Neuron
2005;46:857-68.
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