MARS 98 MEP 27/04/04 11:44 Page 3653 Mise au point Le futur proche de la psychiatrie J. Tignol* “ Psychiatry is in a turbulent period, but so is all of medicine and health care”. Tel est le début du dernier pararaphe de l’éditorial “A changing psychiatry for the future”, par H. Pardes (6) , dans le numéro de novembre 1996 de Journal of l’ American Psychiatry . * Professeur de Psychiatrie, Bordeaux. L’auteur y commente deux articles du même numéro de ce journal qui suggèrent deux voies très différentes - quasiment opposées - pour la psychiatrie, confrontée à la fois aux changements liés au progrès scientifique et à ceux du système de soins. Il faut dire que depuis quelques années, les réunions et publications américaines sont riches en commentaires sur les conséquences, en règle jugées négatives, du “managed care”, gestion du soin au meilleur coût par les compagnies d’assurance américaines. Quoiqu’il en soit, dans le premier article, “Redifining the Role of Psyhiatry in Medicine”, Lieberman et Rush (5) montrent d’abord comment la psychiatrie est prise entre deux tendances contradictoires. La réduction des coûts entraîne la limitation des soins remboursés, la négligence des troubles mentaux par les médecins et/ou leur traitement par des conseillers ou des travailleurs sociaux, au moindre prix. Elle privilégie le recours au généraliste par rapport au spécialiste. Ce sont les patients les plus sérieusement atteints qui souffrent le plus de ces mesures. Or les progrès de la psychiatrie dans les domaines du diagnostic et du traitement des troubles psychiatriques la rendent aussi ou plus efficace que la médecine interne du point de vue thérapeutique. Cette situation paradoxale entraine une nécessité de redéfinir la psychiatrie et la formation psychiatrique, en tenant compte aussi du fait que le nombre des psychiatres se réduit par désaffection des étudiants et que l’on n’a pu prouver que les psychiatres étaient plus efficaces que les non-médecins dans la pratique de la psychothérapie. La redéfinition proposée l’est “sur la base des connaissances scientifiques et de leur application au soin des patients” et comporte une “remédicalisation” de la discipline, un rapprochement avec la 3653 neurologie comprenant une formation en partie commune (1 an/4) et une délégation de la psychothérapie aux nonmédecins. Les auteurs posent leur redéfinition à base scientifique dans l’alternative d’une redéfinition à base économique et politique qui ferait perdre à la psychiatrie son identité, son potentiel thérapeutique actuel et toute chance de développement futur. Il est frappant de lire dans le numéro de mars 1997 des Archives of General Psychiatry une opinion encore plus radicale peut-être sous la plume de Detre et Mc Donald (2) et sous le titre “Managed Care and the Future of Psychiatry”. Des analyses similaires amènent les auteurs à la conclusion que le psychiatre doit devenir un “clinical neuroscientist”, (soit un spécialiste en neurosciences cliniques selon ma traduction), et que la psychiatrie doit cohabiter avec, sinon épouser, la neurologie, quitte à y perdre son nom de jeune fille. Shore (7), en revanche, dans le deuxième article de l’American Journal, se place du point de vue du psychiatre public et des soins primaires. Il part du constat que les malades mentaux les plus atteints n’ont pas suffisamment accès au système de soins et sont de toute façon difficiles à traiter par un médecin généraliste du fait de leurs symptômes psychiatriques. Il propose donc d’introduire dans le cursus psychiatrique une option de formation en soins médicaux de base, qui permettrait ensuite aux psychiatres qui l’auraient choisie de donner eux-mêmes à la fois les soins psychiatriques et les soins somatiques aux patients - que nous appellerions chez nous les plus défavorisés - relevant du service public. Tout ceci bien sûr doit être entendu dans le contexte propre aux Etats-Unis. Mais sommes-nous si loin des EtatsUnis et des problèmes qui se posent à leurs psychiatres ? MARS 98 MEP 27/04/04 11:44 Page 3654 Mise au point Bien que n’ayant pas atteint les 14 % du produit national brut comme aux EtatsUnis (données de 1995), nos dépenses de santé sont devenues trop lourdes et leur réduction, à l’ordre du jour depuis plusieurs années, est maintenant entrée dans sa phase active. On nous dit que notre rapport spécialistes/généralistes est trop élevé et qu’il faut diminuer le nombre des spécialistes. L’accès direct au spécialiste est en question et diverses dispositions vont favoriser le recours initial au généraliste et une forme de contrôle de la consommation de soins spécialisés par son intermédiaire. La plupart des spécialités voient leur nombre de postes mis au concours de l’internat amputés. En Aquitaine il y aura un poste de psychiatre de moins au prochain concours, soit une diminution de 10 %. Le recrutement des psychiatres dans cette région a déjà été ramené en 1984, lors de la suppression de l’ancien internat des hôpitaux psychiatriques, au quart de ce qu’il était dans les 10 ans précédents. Si rien ne change, on peut donc prévoir que le non remplacement des 3/4 des psychiatres cessant leur activité tous les ans va commencer en 2005-2006 et se terminer aux alentours de 2020, où le nombre total de psychiatres en exercice sera réduit aux alentours du 1/4 du nombre actuel. Or d’une part le nombre des postes non occupés dans les hôpitaux psychiatriques est dèjà important et d’autre part aucun des psychiatres installés ne manque de clientèle. Il est vrai aussi que la moitié des psychiatres privés d’Aquitaine sont exclusivement psychothérapeutes (4). La politique de réduction des dépenses de santé va nous atteindre avec quelque retard par rapport aux Etats-Unis, et de façon différente vu la participation d’autres forces que le marché à la régulation de notre système de soins. Notons toutefois que la compagnie d’assurances AXA étudie avec un des syndicats de médecins français la mise sur pied d’un système de sécurité sociale privée sur le modèle américain, si l’on en croit Le Monde du 17/7/97. Quoiqu’il en soit, la démographie médicale va par contre rendre à coup sûr nécessaire une redéfinition du rôle du psychiatre et de la psy- Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n°208, Mars 1998 chiatrie, même si l’on ne tient pas compte des progrès, eux aussi remarquablement rapides, de la discipline, pour lesquels notre retard vis-à-vis des Etats-Unis est en train de devenir négligeable. Que peut-on donc avancer quant au futur proche de la psychiatrie en France ? La réduction drastique du nombre de psychiatres, couplée à l’accroissement de la technicité (biologie, imagerie, traitements) de la psychiatrie, va définitivement sonner le glas d’un système de soins horizontal, organisé comme un système de soins primaires sur la base de la disponibilité géographique et de l’égalité des structures de soin. Nous allons vers un système de soins organisé verticalement selon le modèle MCO (médecine-chirurgie-obstétrique, dans le langage de la planification). Le soin primaire en psychiatrie sera explicitement dévolu au médecin généraliste, comme pour le reste de la médecine. Le généraliste l’assure en fait déjà si l’on se fie aux prescriptions de psychotropes, dont il réalise la majorité, mais sans pouvoir le revendiquer trop fort, ni sans que l’on puisse le lui attribuer ouvertement, faute de formation ad hoc. Il va falloir former ces généralistes de l’an 2005. La réforme des études médicales tient-elle vraiment compte de cette nécessité ? On a introduit une pincée de sciences humaines en PCEM 1, initiative commentée le plus souvent assez négativement (trop peu, trop mal, ou inutile). Le Doyen de ma Faculté, neuropsychiatre de formation et humaniste, a bien voulu prendre à son compte l’injection de 50 heures de psychologie et sociologie en PCEM 2 et DCEM 1. Combien existe-t-il d’initiatives semblables ? Le stage en psychiatrie est recommandé pour tous les étudiants en médecine. C’est vraiment très bien mais la situation le nécessiterait obligatoire. D’autant plus que l’examen terminal de stage comptant pour partie dans la note de la matière se révèle une occasion irremplaçable de motiver et d’entrainer avec succès les étudiants à acquérir de réelles aptitudes pratiques, j’ai pu le constater. En augmentant le nombre, actuellement ridicule, des enseignants de psychiatrie, et avec un stage obligatoire, 3654 l’objectif d’une formation initiale en psychiatrie procurant au généraliste un bon niveau d’exercice pour les soins primaires n’a rien d’utopique. Pour les médecins déjà en exercice, une FMC bien conduite - avec le personnel adéquat en nombre suffisant - peut réaliser sans difficulté insurmontable une mise à niveau équivalente à la nouvelle formation initiale. Tout ceci implique bien sûr que médecins et décideurs reconnaissent que le soin psychiatrique requiert un niveau technique semblable à celui des autres spécialités. On ne s’improvise pas compétent en soins cardiologiques de base sans formation ; il ne peut en être autrement dans le cadre de la psychiatrie moderne. L’autre condition importante pour l’exercice de la psychiatrie en médecine générale est la consultation du spécialiste. A partir de quels délais et de quels critères la consultation du spécialiste en psychiatrie s’impose-t-elle, et à quel niveau ? On pourrait par exemple convenir qu’un état dépressif d’intensité moyenne, non compliqué, a priori compatible avec une prise en charge ambulatoire par le médecin traitant, soit obligatoirement référé pour consulation psychiatrique, en ville ou à l’hôpital, s’il n’est pas en rémission complète au bout de 2 mois. Il est facile de concevoir des protocoles de bonnes pratiques cliniques de consultation et d’hospitalisation pour les pathologies psychiatriques les plus fréquentes en fonction du diagnostic, des formes cliniques, de l’intensité des symptômes, des facteurs psychosociaux et des autres troubles associés. Les niveaux de consultation et d’hospitalisation secondaires et tertiaires seront eux aussi faciles à définir : spécialistes de ville ou d’hôpital, ou de clinique pour le niveau secondaire, niveau des cas difficiles mais relativement courants, centres universitaires ou centres d’excellence non universitaires publics ou privés pour le niveau tertiaire, niveau des cas les plus difficiles ou rares nécessitant des personnels et équipements très spécialisés. Personnels et équipements spécialisés, c’est la question du budget de la psychiatrie qui est posée. Mon propos n’est pas aujourd’hui de la discuter dans le détail, MARS 98 MEP 27/04/04 11:44 Page 3655 mais d’en poser le problème de façon globale non plus à moyen terme, mais dans l’actualité déjà. Point n’est besoin en effet d’attendre 2005 pour constater l’effet du progrès sur le budget des hôpitaux psychiatriques à la ligne Pharmacie. La clozapine en effet, maintenant épaulée par la risperidone, est en train, avec l’aide des ISRS, de faire exploser nos dépenses pharmaceutiques, auparavant ridiculement faibles pour des structures hospitalières. La clozapine, la plus ancienne et pour le moment la plus budgétivore de ces molécules onéreuses, apporte vraiment, comme l’a montré Kane (3) et comme nous avons pu le vérifier dans le service que je dirige, une amélioration considérable de l’état de 30 à 40 % des patients schizophrènes résitants aux neuroleptiques classiques, progrès littéralement fabuleux. Or si tous les secteurs psychiatriques ont des schizophrènes résistants et l’on pourrait dire qu’ils sont les lieux par excellence où l’on trouve les schizophrènes résistants - seule une minorité dans notre région leur prescrirait la clozapine. En revanche, dans un hôpital comme le nôtre, où le produit est prescrit toutes les fois qu’il est indiqué dans plusieurs secteurs, le pharmacien se trouve en difficulté budgétaire. Il appartient aux psychiatres de se mobiliser pour que l’augmentation des coûts des soins liée à leurs progrès soit financée avec la rapidité nécessaire. Les coûts autrement prohibitifs des progrès thérapeutiques somatiques ont toujours été, que je sache, rapidement financés. On prend des mesures pour ne pas utiliser abusivement ces moyens, mais on les met sans retard à la disposition des médecins et des patients. On regroupe les plateaux techniques complexes mais on les équipe. Sinon il faudrait penser que les patients psychiatriques sont des sous-patients et que les faire bénéficier des progrès de la science n’est pas une priorité. Les faibles budgets techniques actuels, médicaments et explorations, de la psychiatrie, ne doivent pas servir à évaluer ceux de demain qui seront incomparablement plus élevés. Le progrès thérapeutique est la meilleure façon de traiter le handicap lié à une par- tie des troubles mentaux, handicap qui conditionne encore l’image et la conception du soin psychiatrique dans notre pays. Il est hors de doute que l’application correcte et généralisée des progrès récents les plus importants va réduire le nombre des personnes handicapées et le degré de leur handicap dans le domaine des troubles de l’humeur (prévention des récidives des dépressions récurrentes et des troubles bipolaires et prévention de la dépression chronique), des troubles anxieux (traitement médicamenteux et cognitivo-comportemental du trouble panique, des phobies et du trouble obsessionel-compulsif) et de la schizophrénie (traitement précoce, prévention des rechutes, utilisation des nouveaux antipsychotiques). Deux questions, liées, se posent donc: comment assurer la généralisation de ces progrès ? comment prendre en charge les handicaps persistant malgré ces progrès ? Je ne traiterai pas en détail de la première. Les moyens de généralisation des progrès techniques sont connus : guidelines et/ou consensus, formation, contrôle ; encore faut-il les mettre en œuvre. La seconde mérite d’être un peu développée. Actuellement une grande partie des moyens de la psychiatrie publique est consacrée à la prise en charge de patients handicapés. Pour ne parler que des schizophrènes, ils constituent en moyenne 60 % des hospitalisations des secteurs de psychiatrie et les 3/4 au moins de ces schizophrènes là sont un tant soit peu handicapés. 25 % de la file active prise en charge par les infirmiers psychiatriques de notre secteur en visite à domicile avaient le statut de majeurs protégés en 1985 (8). Un nombre important de patients schizophrènes de ce même secteur, soignés par nous depuis longtemps (10 à 20 ans), ont fait le tour des structures existantes de soins externes (hôpitaux de jour, foyers et appartements thérapeutiques), pour revenir après plusieurs années de ce périple, en hospitalisation complète, faute le lieu de vie adapté, alors que leur soin à proprement parler ne le justifie pas. L’on sait maintenant que “sous traitement neuroleptique optimal” (1) le pronostic et 3655 le degré de handicap résiduel d’un patient schizophrène sont pratiquement fixés au bout de deux ans, et en tout cas au bout de cinq ans, d’évolution. Au delà de ces limites de temps, il s’agit donc de prise en charge du handicap et non de soin, sauf réévaluation périodique en fonction des progrès thérapeutiques. Pourquoi ne pas séparer comme ailleurs le soin de la prise en charge du handicap ? Nos schizophrènes chroniques hospitalisés au long cours faute de mieux ne sont pas très bien dans des unités de soins pour patients aigüs, qui, fidèles à leur mission de soin et surchargées, ne peuvent plus, d’aucune façon, être des “lieux de vie”. La séparation lieux de vie/lieux de soin parait la seule adaptée d’un point de vue technique, humain, et budgétaire. Elle doit s’accompagner d’une organisation spécifique de la prise en charge du handicap. Sa confusion avec le soin entraine en effet non seulement le manque de structures adaptées,mais aussi une conduite inadaptée de la prise en charge. Faute de reconnaître le handicap comme tel, on se fixe, pour le patient, des buts non réalistes, hors de sa portée. On essaie d’obtenir des progrès que les possibilités cognitives et affectives ne permettent plus et l’on néglige d’étayer les possibilités restantes par le dispositif d’assistance adéquat. L’organisation actuelle de la psychiatrie repose sur un système pensé en 1838 et revu en 1960 sur des idèes généreuses nées à la Libération. Il était, jusqu’aux années 70, adapté à la prise en charge de patients pour la plupart handicapés par des troubles mentaux chroniques faute de traitement efficace. Il ne l’est plus à l’évidence pour sa mission de soins (cf. supra). Il nécessite d’être adapté pour ce qui est de sa mission d’assistance en fonction de critères définis: qui sont les patients handicapés de la psychiatrie actuelle et des prochaines années compte-tenu du progrès des soins ? quel est leur nombre ? quels sont leurs besoins ? quelles structures et personnels sont les mieux à même de les prendre en charge compte-tenu de leur handicap ? La pénurie à venir va rendre illusoire MARS 98 MEP 27/04/04 11:44 Page 3656 Mise au point l’affectation de psychiatres à la prise en charge des patients handicapés par leurs troubles mentaux, autrement qu’au titre de directeur médical, superviseur, ou consultant, chaque psychiatre intervenant pour un nombre important de patients. La psychiatrie, heureusement, dispose d’un personnel, les infirmières et les infirmiers, dont, comme pour les médecins, une formation initiale adaptée ou un complèment de formation peuvent élargir l’autonomie d’intervention. Les “nouveaux handicapés” psychiatriques seront en effet pour la plupart sous traitement médicamenteux. S’occuper d’eux nécessitera de connaître et pathologie mentale et thérapeutique psychiatrique, ainsi que d’avoir les capacités relationnelles et organisationnelles adéquates. Si une partie des infirmières et infirmiers travaillant en psychiatrie va devoir travailler dans les services de soin secondaires et tertiaires, en soins aigüs, la plus grande partie est probablement appelée à travailler, de façon plus autonome qu’aujourd’hui, dans des institutions diverses, de l’équipe de visite à domicile au foyer résidentiel, dévolues à la prise en charge du handicap. Cette ébauche d’un système de prise en charge psychiatrique différencié n’est en fait qu’une adaptation de l’esprit du secteur aux progrès - et contraintes - du futur proche. Un soin secondaire et tertiaire, désectorisé par nécessité technique, assure la meilleure prévention possible du handicap par le meilleur traitement possible ; un dispositif d’assistance, sectorisé pour des interventions de proximité, assure, lui, la meilleure adaptation possible comptetenu du handicap qui persiste malgré le meilleur traitement possible. Le dernier volet prévisible du futur proche de la psychiatrie concerne la pratique de la (des) psychothérapie(s). Si la moitié des 400 psychiatres privés d’aujourd’hui en Aquitaine sont exclusivement psychothérapeutes (cf. supra), la moitié des 100 qui seront en activité Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n°208, Mars 1998 dans 15 ans ne pourront plus se permettre cela. Ou, autrement dit, 50 psychiatres privés non exclusivement psychothérapeutes ne pourront assurer qu’une partie des consultations de psychiatrie nécessaires aux patients difficiles pour lesquels le médecin traitant demandera un avis. Autrement dit encore, si les psychiatres n’assurent pas ces consultations, elles seront assurées par d’autres spécialistes (neurologues ? internistes ? alcoologues ? gériatres ? pédiatres ?), à un niveau sans commune mesure avec ce qui pourtant existe déjà. La démographie pousse donc inexorablement à la raréfaction de la pratique exclusive de la psychothérapie par les psychiatres. Les techniques psychothérapiques ont donc de plus en plus de chances d’être appliquées par des nonmédecins. Est-ce à dire que les psychiatres ne devront plus être formés à la (aux) psychothérapie(s) ? En fait, il existe au moins deux niveaux de réponse. D’une part, si l’exercice le plus habituel des psychiatres devient le diagnostic et la prescription, ils ne pourront pas méconnaitre, sauf risques graves, en particulier quant à leur efficacité, les facteurs psychosociaux qui influent sur le cours des troubles mentaux et l’observance des traitements ; ceci justifie une formation poussée à la “psychothérapie générale”, passant événtuellement par l’approfondissement d’une technique psychothérapique donnée pendant les années de formation. Cette question est actuellement à l’ordre du jour en France et en Europe. D’autre part - et ce sont mes auteurs américains de départ (6) qui présentent le problème sous cette forme - il est bien entendu que le psychiatre reste le directeur du soin psychiatrique. Mais si ce sont les non-médecins qui pratiquent les psychothérapies, comment le psychiatre directeur du soin mais non-psychothérapeute va-t-il trouver à la fois la compétence et la légitimité nécessaires pour 3656 prescrire et controler les dites psychothérapies ? Intéressant n’est-ce pas ? En conclusion, il semble bien que nous allons être confrontés dans les 15 prochaines années à un processus inéluctable de changement dans l’organisation du soin psychiatrique, sous l’influence concomitante des progrès techniques, de la démographie médicale et de la réduction des dépenses de santé. Comme tout changement, celui-ci peut se révéler positif. Les réflexions des auteurs américains montrent aussi certains de ses dangers. Nous devons donc réfléchir sur le proche avenir pour tenter d’infléchir le changement dans le sens le plus favorable aux patients autant qu’à notre discipline. Références 1. Breier A., Schreiber J., Dyer J., Pickar D. : NIMH longitudinal study of chronic schizophrenia. Arch. Gen. Psychiatry, 1991, 48 : 239-246. 2. Detre T.D., McDonald M.C. : Managed care and the future of psychiatry. Arch. Gen. Psychiatry, 1997, 54 : 201-204. 3. Kane J., Honigfeld G., Singer J., Meltzer H. : Clozapine for the treatment resistant schizophrenic : results of a US multicenter trial. Psychopharma-cology, 1989, 99 : 560-563. 4. Laffite C., Martin C., Grabot D., Tignol J. : Enquête sur la formation et la pratique des psychiatres libéraux de la région Aquitaine. Encéphale, 1996, XXII : 417-421. 5. Lieberman J.A., Rush A.J. : Redefining the role of psychiatry in medicine. Am. J. Psychiatry, 1996, 153 : 1388-1397. 6. Pardes H. A. : Changing psychiatry for the future. Am. J. Psychiatry, 1996, 153 : 13831386. 7. Shore J. : Psychiatry at a crossroad : our role in primary care. Am. J. Psychiatry, 1996, 153 : 1398-1403. 8. Tignol J., Martin C., Grabot D., Pierre P., Lamouroux A., Culeron B., Lafourcade F., Lavandier O. : La visite à domicile des infirmiers de secteur psychiatrique : évaluation de son processus, de sa clientèle et de ses résultats. Ann. Med. Psychol., 1992, 150 : 97104.