Mise s au p oint t n i Mise s au p o L’impact des conduites addictives sur la santé publique en France : repères épidémiologiques Françoise Facy* La construction des politiques de santé publique résulte de choix sociaux construits sur des arguments scientifiques ou issus des principes de démocratie organisant notre société. Éducation, santé, et protection sociale sont des domaines privilégiés d’intervention de l’État, alors que le secteur de la production est fondé sur l’initiative privée. Instruites des conséquences sociales et individuelles des usages de substances psychoactives (tabac, alcool, drogues et médicaments psychotropes), les instances publiques sont amenées à légiférer pour intervenir sur l’offre et la demande de produits en fonction de groupes vulnérables (enfants, par exemple) ou de situations dangereuses (conduite automobile, par exemple). Les moyens utilisés vont de la réglementation fiscale vis-à-vis d’usages illicites (taxes sur la production, la circulation et la vente des produits licites) à la sanction judiciaire et à la prise en charge médicopsychosociale des personnes en difficulté du fait d’abus ou dépendance aux substances psychoactives. Pour justifier et orienter les moyens, les instances publiques élaborent des systèmes d’information et de surveillance. Mise s au poin t Méthode Les indicateurs couramment utilisés en épidémiologie pour l’étude des maladies et de l’état de santé des populations sont la morbidité et la mortalité. Les structures de soins servent d’observatoires du premier indicateur, le registre national des décès de l’INSERM fournit l’évolution annuelle des taux de mortalité suivant la classification internationale des maladies (CIM 10). Les indicateurs épidémiologiques se limitent aux conséquences des comportements de dépendance, et leurs recherches concernent : * Directeur de recherche INSERM, équipe d’épidémiologie en santé mentale, 44, Chemin de Ronde 78116 Le Vésinet Cedex. ** SMPR : Service médico-psychologique régional. 1. la mortalité au travers des causes principales ou associées de décès ; 2. la morbidité directe au niveau des lieux de soins spécialisés en toxicomanie ou en alcoologie, pour décrire les caractéristiques des sujets dépendants et évaluer leurs besoins de soins et de prise en charge ; 3. la morbidité indirecte au niveau de lieux de soins non spécialisés ; 4. la morbidité directe observée sur des lieux d’intervention judiciaire : l’injonction thérapeutique (en alternative à l’incarcération) et la prison (SMPR**). Chaque niveau d’étude requiert une organisation particulière de recueil de données en fonction : du contexte législatif (statut des produits), du système de soins spécialisés, des différentes réponses sociales répressives et préventives. On distingue la morbidité ressentie, qui est 97 celle qui ressort lorsque l’on interroge une population (mais dépend de la façon dont on l’interroge) ; la morbidité exprimée fait état d’une population auprès des services de santé, la morbidité diagnostiquée (mais, là aussi, il peut y avoir des biais comme des certificats de complaisance). La difficulté est en outre de définir le normal et le pathologique qui peuvent varier selon les sociétés et dans une même société à travers le temps, et dont la perception varie aussi selon les individus. Ainsi, connaître la morbidité réelle d’une population relève de l’utopie (Kovess, 1996). Mortalité liée aux différentes drogues Alcool et tabac Le terme d’alcoolisme renvoie à la fois à la consommation “abusive” d’alcool et à l’ensemble de troubles mentaux ou organiques, aigus ou chroniques causés par l’alcoolodépendance. Un nombre réduit de rubriques de la Classification internationale des maladies (CIM) font référence à l’alcool : cirrhose, psychose, alcoolodépendance, intoxication, myocardie, gastrite, polynévrite. Mais on ne peut limiter la mortalité par alcoolisme à ces seules causes. La statistique offre des moyens complémentaires pour mettre en évidence la relation de l’alcool avec diverses causes de décès et pour évaluer la part de la mortalité alcoolique dans la mortalité générale. Une étude approfondie, réalisée sur les décès en 1986, a ainsi permis d’évaluer à plus de 30 000 le nombre de décès provoqués par la consommation d’alcool, auxquels s’ajoutent près de 12 000 décès dus à la fois à l’alcool et au tabac (cancers des voies aérodigestives supérieures [VADS] et de l’œsophage), soit, au total, plus de 40 000 décès. L’estimation en 1997 porte sur 43 000 décès, alors que la mortalité générale concerne 530 000 cas. Les consommations d’alcool et de tabac entraîneraient au total de 90 000 à 100 000 décès par an (les psychoses alcooliques et les cirrhoses représentent 3 % de la mortalité masculine et 1,3 % de la mortalité féminine, et les cancers VADS 4 % de la mortalité masculine et 0,6 % de la mortalité féminine). Le lien entre consommation et mortalité est évident, mais des décalages dans le temps apparaissent parce qu’il s’agit essentiellement de maladies chroniques ou de longue durée (cirrhose, psychose, cancers). Aussi les baisses de consommation et de mortalité enregistrées ces dernières années sont-elles à suivre attentivement en fonction des changements de comportement chez les jeunes Mise s au p oint t n i Mise s au p o Recueils de données Toute une série de travaux sont réalisés par différents organismes, aux missions plus médicales pour certains et plus sociales pour d’autres. Ainsi, au niveau de la population générale, des enquêtes régulières sont organisées en France par l’INSEE et l’INSERM (mortalité). Des enquêtes ponctuelles sont organisées en fonction de thèmes précis et de groupes particuliers par le CFES, le CREDOC, le CREDES et l’INSERM (Guignon, 1994, et Facy, 2000). Les études en population générale permettent de suivre les évolutions des usages (Guignon, 1994). Les enquêtes auprès de groupes déviants ou marqués par des difficultés sont effectuées par des équipes cliniques ou des groupes de chercheurs constitués à l’occasion d’appels d’offre de recherche lancés par des ministères (Santé, Transport, Recherche, etc.) ou des organismes interministériels (HCSP, MILDT). Le côté événementiel de ces programmes entraîne une absence de régularité et d’homogénéité des recueils d’informations. Des synthèses sont réalisées depuis 1996 par l’OFDT, en lien avec l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies. – INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques. – CFES : Comité français d’éducation pour la santé. – CREDOC : Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie. – CREDES : Centre de recherche d’étude et de documentation en économie de la santé. – HCSP : Haut comité de santé publique. – MILDT : Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. – OFDT : Observatoire français des drogues et des toxicomanies. département à un autre. Cette étude montre que la toxicomanie ne représente qu’un très faible pourcentage de l’ensemble des décès toutes causes confondues des personnes des plus de 15 ans. Cette cause de mortalité joue toutefois un rôle significatif si l’on considère les décès avant 35 ans. De 20 à 29 ans en particulier, près de 10 % des morts sont directement dues à l’usage de stupéfiant en Île-de-France. Ce pourcentage est moins élevé dans les départements périphériques de la région parisienne que dans la capitale où il dépasse 12 %. La toxicomanie est à Paris, à cet âge, la troisième cause de mortalité après le SIDA et le suicide. Pour les autres départements d’Île-de-France, l’usage de stupéfiants se situe en quatrième position après les accidents de la circulation routière. La statistique nationale tenue par l’OCRTIS(1) enregistre une baisse importante des décès par overdose, montrant l’impact des politiques de traitement des toxicomanes. La complémentarité des données policières et médicales permet de relativiser la part quantitative de la toxicomanie dans la mortalité, très faible par rapport à l’alcoolisme et au tabagisme, mais elle incite par ailleurs à un suivi d’autres causes ultérieures de décès : maladies du foie et maladies infectieuses. Mise s au poin t (moins de vin quotidien mais plus de bière et d’alcools forts en fin de semaine). Mortalité par usage de stupéfiants Du fait de la complexité des circuits d’informations pour remplir les certificats de décès exploités par l’INSEE (sur un plan sociodémographique) et l’INSERM (sur un plan médical), l’importance des décès liés à des usages de substances psycho-actives est mal connue. Tout décès survenant dans des conditions suspectes entraîne une enquête de police et, dans un grand nombre de cas, les instituts médicolégaux (IML) sont requis pour procéder à des analyses toxicologiques. Les délais sont tels que les informations ne parviennent pas correctement au service de mortalité de l’INSERM qui considère alors ces décès comme étant de cause inconnue : 2 % pour l’ensemble du fichier mais 10 % pour les hommes entre 25-34 ans en région parisienne. Une recherche a été menée en 1990 avec l’Institut médico-légal de Paris, permettant d’apprécier la sous-estimation des décès après usage de stupéfiants et d’étudier leurs caractéristiques sociodémographiques. En 1990, 253 décès dus à un usage de stupéfiants sont dénombrés pour l’Île-de-France. La statistique nationale donnée par l’INSERM n’en connaissait que 36 %. La sous-estimation est très variable d’un Mortalité indirecte C’est parmi les causes violentes de décès (accidents, suicides, homicides) que l’on retrouve un nombre important d’abus d’alcool ou de drogue. Il est difficile d’en apprécier la part exacte, les analyses pharmacologiques n’étant pas systématiques. En 1990, 10 071 décès par accident de la circulation sont enregistrés. L’incidence de surmortalité masculine est de 3. On estime à 40 % le taux de sujets alcoolisés parmi les responsables présumés (Livre blanc sur la sécurité routière, 1996). Le taux comparatif de mortalité pour la France entière est de 9 pour 100 000 habitants – par rapport à la population générale recensée en 1990. L’évolution de ce taux depuis 20 ans montre une diminution de 25 % de la mortalité par accident de la circulation chez les hommes. La statistique établie en 1997 évalue à 8 500 les décès par accident de la circulation. D’autres accidents, survenus dans un cadre de travail, montrent également une part importante des effets dus à l’alcool : de 10 à 20 % des accidentés. Parmi les décès par suicide (11 500 par an en 1997), on relève l’importance des médicaments, (troisième mode de suicide et mode Le Courrier des addictions (4), n° 3, juillet/août/septembre 2002 98 principal dans les tentatives de suicide). Quelques études partielles montrent la surexposition au risque suicidaire des sujets dépendants, alcooliques ou toxicomanes (Debout, 1996). Le taux de mortalité par suicide est, chez les hommes, de 31,7 pour 100 000 et, chez les femmes, de 12,5 pour 100 000. Parmi les causes associées mentionnées dans les certificats de décès par suicide (en cause principale), le syndrome de dépendance alcoolique est noté pour 8 % des sujets de 15 à 44 ans et la pharmacodépendance pour 1 % (Atlas de la santé, 2000). Il est vraisemblable que ce soient des données minimales, mais elles illustrent déjà les groupes les plus exposés aux comorbidités suicidaires. Les disparités géographiques et sociales, connues depuis longtemps en termes de mortalité générale, perdurent en France ; la mortalité prématurée avant 65 ans enregistre certaines augmentations (ou absences de recul) dans lesquelles l’importance des comportements individuels est retrouvée, au niveau de l’alcoolisme et de la violence (Atlas de la santé, 2000). Morbidité Morbidité traitée directement Son étude dépend des structures de soins qui sont mises en place dans un contexte législatif de santé publique. Enquêtes auprès des services spécialisés 1. Caractéristiques des patients alcooliques Les centres de cure ambulatoire en alcoologie (CCAA) accueillent des sujets pour la plupart dépendants de l’alcool. L’Association nationale de prévention de l’alcoolisme en gère plus de la moitié sur l’ensemble du territoire et réalise une enquête annuelle auprès des nouveaux consultants. En 1998, plus de 16 000 sujets ont été décrits, montrant : • une surreprésentation d’hommes (76 %) ; • une moyenne d’âge de 42 ans (12 % ont plus de 50 ans) ; • des usages associés de tabac (66 %) ; • des usages d’autres toxiques, essentiellement des médicaments (11 %). La démarche auprès des CCAA est d’origine très diverse, mais l’alcoolémie routière représente 21 % des motifs de consultation, devant l’hôpital général (19 %) et le médecin généraliste (8 %). OCRTIS : Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants. (1) Mise s au p oint Mise s au p oint La morbidité est décrite selon différents outils et classifications de symptômes. La comparaison de différentes clientèles de centres à travers la grille ASI montre l’importance des problèmes de santé physique, puis psychologiques et relationnels pour les patients alcooliques. 2. Caractéristiques des patients toxicomanes À partir des centres spécialisés de soins aux toxicomanes, des enquêtes épidémiologiques nationales sont réalisées depuis 1986 par l’INSERM et le ministère de la Santé. L’héroïne demeure le produit dominant en France, contrairement aux pays nord-américains où la cocaïne est particulièrement répandue. La plupart des toxicomanes (plus des deux tiers) utilisent plusieurs produits. Le tabac est pratiquement utilisé par tous, puis le cannabis (43 %). L’alcool et les médicaments psychotropes sont utilisés par le tiers environ des toxicomanes consultants. La consommation associée d’alcool est différente selon les régions : les mêmes surreprésentations du nord et de l’ouest existent qu’en population générale ; les caractéristiques sociodémographiques montrent une surreprésentation masculine (75 %). La moyenne d’âge est de 29 ans. Au contraire des patients alcooliques, il s’agit d’une population peu insérée du point de vue socioprofessionnel. Les difficultés d’ordre pénal sont beaucoup plus fréquentes (36 % des hommes ont déjà été incarcérés). La morbidité est décrite à travers différentes enquêtes, reprises dans la synthèse de l’OFDT. Les maladies infectieuses constituent les motifs principaux de recours aux soins. Les estimations successives du nombre de personnes ayant des difficultés sanitaires ou sociales liées à des abus d’alcool ou de drogue les évaluent à 5 millions pour l’alcool et 200 000 à 300 000 pour les drogues illicites. Tous ne vont pas consulter les systèmes de soins spécialisés, et leur part est d’ailleurs difficile à apprécier en fonction des trajectoires différentes des sujets dépendants ; le pôle hospitalier et le pôle ambulatoire de médecine générale représentent les principaux lieux de recours aux soins (Baudier, 2000 et Conférence du consensus, 1999). Enquêtes auprès des services non spécialisés 1. Enquête auprès des services hospitaliers des urgences Une étude a été réalisée par l’INSERM en 1992 auprès de sept services pour évaluer et caractériser les sujets arrivant aux urgences, pour lesquels une consommation répétée (depuis plus d’un mois) de substances psychotropes (licites ou non) peut être repérée par les équipes. Au niveau des produits consommés quotidiennement avant la consultation aux urgences, ce sont les benzodiazépines qui sont le plus répandues (39 %), devant l’héroïne (28 %) et l’alcool (17 %). Des études plus récentes retrouvent l’importance des recours en urgence, avec des motifs différents suivant les dépendances et les risques associés. 2. Enquête auprès des services hospitaliers Le ministère de la Santé organise différentes enquêtes (SESI puis DRES(2)) pour suivre l’importance des recours aux soins selon différents motifs de consultation : ainsi l’enquête annuelle dite de “novembre” montre que la toxicomanie entraîne 17 000 consultations, dont plus de 29 % en milieu hospitalier, où l’augmentation a été la plus forte depuis 1991, notamment dans les services d’infectiologie, en relation avec l’épidémie du sida. L’alcoolisme est une source de morbidité en gastroentérologie, neurologie et psychiatrie. • 13 % des patients hospitalisés souffrent d’alcoolisme, 3 % étant hospitalisés pour ce motif et 10 % pour qui l’alcoolisme est une maladie associée ou un facteur de risque (L. Comruelle, S. Dumesnil, L’alcoolisme et le tabagisme chez les hospitalisés, 1997). • 7 % des patients pris en charge en psychiatrie le sont pour des troubles mentaux et du comportement liés à l’alcool (HCSP, La santé en France, 1996). • Des données sont variables suivant les régions, jusqu’à 18 % des hospitalisés (M. Reynaud). • Le syndrome d’alcoolisme fœtal touche 1 000 cas par an. Les motifs de recours sont très différents suivant l’alcoolisme ou la toxicomanie et rejoignent les résultats obtenus auprès de la médecine générale, où un patient sur cinq souffre d’une pathologie liée à l’alcool (M. Reynaud). Ce sont en général les complications qui sont traitées et non la dépendance ou l’usage nocif. Morbidité traitée indirectement À partir des connaissances cliniques sur les comorbidités identifiées (Parquet, 1995 ; Kokkevi, 1995) chez les sujets dépendants et des analyses épidémiologiques, différents risques sont identifiés. Deux risques sont étudiés : l’accident et la conduite délictueuse. Enquête épidémiologique auprès des accidentés L’étude la plus large porte sur 14 centres hospitaliers qui ont sélectionné, parmi les sujets hospitalisés en urgence, ceux qui avaient eu un accident de la circulation en conduisant un véhicule entre mai 1989 et juillet 1990 (Livre blanc, Sécurité routière, 1996). 99 Les méthodes biologiques d’analyse des différentes substances entraînent par ellesmêmes certaines difficultés : plus ou moins sensibles et spécifiques, elles ne donnent pas forcément les mêmes taux de prévalence des substances. L’association avec la responsabilité d’accident montre la place prépondérante de l’alcool, comme le confirment des études plus récentes, mais plus limitées géographiquement. Mise s au poin t Morbidité identifiée par le système judiciaire La loi de 1970 sur l’usage et l’abus de drogue prévoit deux modes d’intervention : l’injonction thérapeutique ou l’incarcération. Deux modes de prise en charge sont organisés par la suite : le suivi dans un centre ou par une antenne en prison. 1. Caractéristiques des sujets suivis après l’injonction thérapeutique Sur un échantillon de 6 111 toxicomanes consultants en 1994 dans les centres spécialisés répartis dans la France entière, on observe que la part des sujets accueillis après injonction thérapeutique est en augmentation depuis quelques années ainsi qu’une activité plus grande des équipes spécialisées en interaction avec les interventions judiciaires. Pour l’alcoolisme, d’autres interventions judiciaires sont en œuvre, motifs et besoins d’aide sont très différents. L’étude comparative faite avec l’ASI-IGT(3) montre l’importance de l’insertion socioprofessionnelle pour les alcooliques (Facy et Kokkevi, 1998 et Guyon, 1998). Les difficultés professionnelles sont à l’origine de nombreuses demandes de soins (Guyon, 1998). 2. Caractéristiques des toxicomanes incarcérés Les aspects sociaux reflètent la surreprésentation masculine et étrangère. Les aspects légaux soulignent l’importance des récidivistes. Pour les aspects toxiques, même si le produit principalement utilisé est l’héroïne pour les trois quarts des sujets, la polyintoxication est massive : cannabis, cocaïne, alcool, médicaments. L’importance des conduites d’alcoolisation excessive, précédant l’incarcération (ou simultanée) est indiquée par de nombreuses études, bien avant la toxicomanie. Les polyconsommations potentialisent les risques ultérieurs et justifient plus qu’ailleurs des pratiques professionnelles communes. L’étude des trajectoires comparées dans plusieurs pays européens et nord-américains montre l’importance du DRES : Direction des recherches et des études en santé. (3) ASI-IGT : Addiction Severity Index. Indexe de gravité de toxicomanie. (2) Mise s au p oint t n i Mise s au p o Rien ni alcool, ni benzodiazépines, ni THC THC seul THC + Benzodiazépines THC + Alcool THC + Alcool + Benzodiazépines Responsables (%) Non responsables (%) Total effectif 1 015 (56) 799 (44) 1 814 66 (58) 3 (38) 27 (84) 10 (100) 48 (42 %) 5 (62) 5 (16) 0 (0) 114 temps d’incarcération comme occasion de dépistage et de soins pour les conduites addictives (Guyon, 1998). Malgré les recommandations faites par différents groupes de travail et commissions ad hoc, il n’existe pas encore en France une surveillance épidémiologique coordonnée dans le champ des dépendances. Les travaux menés au Conseil de l’Europe (Groupe Pompidou) fournissent les principaux indicateurs épidémiologiques à suivre pour guider les politiques publiques ; la plupart des pays reconnaissent les difficultés à utiliser les conclusions des experts (Bless, 1997 et Mignon, 1998). D’ores et déjà, il existe cependant un certain nombre de données qui permettent de caractériser la situation française dans un contexte européen. L’évolution des comportements en matière de prise de risque, avec l’usage et l’association de produits psychotropes, même si on note une amélioration générale, est défavorable par rapport à celle des pays voisins (cf. Atlas de la santé en France). Au niveau français, de grandes disparités géographiques perdurent, morts violentes et difficultés liées à l’alcoolisme prennent une grande part dans la mortalité générale. Les caractéristiques des accidentés montrent l’influence des substances psychotropes : celle de l’alcool en tout premier lieu, mais aussi d’autres au niveau de leurs associations avec celui-ci, leur rôle propre restant à surveiller, les arguments scientifiques étant controversés. L’indicateur de mortalité est utilisé de façon classique en épidémiologie pour mesurer l’évolution d’une maladie et son impact en termes de santé publique dans une population. Sa validité repose sur un système de déclaration des causes médicales de décès fiables dans l’attribution des causes principales et associées au moment du décès et sur des interprétations rigoureuses quant aux caractéristiques des groupes concernés (âge, sexe, domicile, catégorie socioprofessionnelle...). Dans le domaine des conduites addictives, les difficultés de certification et d’interprétation globale sont multiples, tant sur un plan médical qu’administratif, puis épidémiologique, et rendent délicates les comparaisons entre conséquences ultimes des différentes addic- 8 32 10 tions : tabagisme, alcoolisme, toxicomanie. Les données de mortalité ont l’intérêt majeur de fournir des ordres de grandeur utiles en santé publique mais nécessitent d’autres indicateurs de morbidité ou de comportements, pour apprécier l’impact des usages de substances psychoactives. Les repères épidémiologiques montrent principalement : • au niveau quantitatif, les indicateurs de mortalité et morbidité ont une ampleur bien plus importante pour l’alcoologie et la tabacologie que pour la toxicomanie. Toutefois, la probabilité de survenue des dommages sur la santé apparaît plus tôt chez les toxicomanes ; • la nature des causes de morbidité et mortalité montre de grandes différences au niveau des pathologies somatiques (cancers pour l’alcool et le tabac, maladies infectieuses pour les drogues). Les similitudes concernent plutôt les pathologies psychiatriques et les conduites de violence liées aux troubles de vigilance ; • l’intrication des facteurs médicaux et sociaux dans les comportements d’abus et dépendance aux produits psychotropes entraîne de grandes différences – en fonction des dépendances – au niveau des retentissements sur l’environnement : – familial (risque materno-infantile), – professionnel (inaptitude au poste), – routier (troubles de vigilance, accidents...), – social (violence à autrui, accidents...). Actuellement, la politique de santé publique en France recommande un rapprochement des structures spécialisées dans le champ de l’addictologie. La prévention globale ne peut que bénéficier des apports de compétences acquises dans les différents secteurs et de leur mutualisation. Mise s au poin t Références bibliographiques – Kovess V. Épidémiologie et santé mentale. Flammarion 1996 : 131-41. – Drogues et toxicomanie. Indicateurs et Tendances. 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