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Le Courrier des addictions (4), n° 3, juillet/août/septembre 2002
temps d’incarcération comme occasion de
dépistage et de soins pour les conduites addic-
tives (Guyon, 1998).
Malgré les recommandations faites par diffé-
rents groupes de travail et commissions ad
hoc, il n’existe pas encore en France une sur-
veillance épidémiologique coordonnée dans
le champ des dépendances.
Les travaux menés au Conseil de l’Europe
(Groupe Pompidou) fournissent les principaux
indicateurs épidémiologiques à suivre pour
guider les politiques publiques ; la plupart des
pays reconnaissent les difficultés à utiliser les
conclusions des experts (Bless, 1997 et
Mignon, 1998).
D’ores et déjà, il existe cependant un certain
nombre de données qui permettent de caracté-
riser la situation française dans un contexte
européen. L’évolution des comportements en
matière de prise de risque, avec l’usage et l’as-
sociation de produits psychotropes, même si
on note une amélioration générale, est défavo-
rable par rapport à celle des pays voisins (cf.
Atlas de la santé en France).
Au niveau français, de grandes disparités géo-
graphiques perdurent, morts violentes et diffi-
cultés liées à l’alcoolisme prennent une grande
part dans la mortalité générale. Les caractéris-
tiques des accidentés montrent l’influence des
substances psychotropes : celle de l’alcool en
tout premier lieu, mais aussi d’autres au niveau
de leurs associations avec celui-ci, leur rôle
propre restant à surveiller, les arguments scien-
tifiques étant controversés.
L’indicateur de mortalité est utilisé de façon
classique en épidémiologie pour mesurer
l’évolution d’une maladie et son impact en
termes de santé publique dans une population.
Sa validité repose sur un système de déclara-
tion des causes médicales de décès fiables
dans l’attribution des causes principales et
associées au moment du décès et sur des inter-
prétations rigoureuses quant aux caractéris-
tiques des groupes concernés (âge, sexe, domi-
cile, catégorie socioprofessionnelle...).
Dans le domaine des conduites addictives, les
difficultés de certification et d’interprétation
globale sont multiples, tant sur un plan médi-
cal qu’administratif, puis épidémiologique, et
rendent délicates les comparaisons entre
conséquences ultimes des différentes addic-
tions : tabagisme, alcoolisme, toxicomanie.
Les données de mortalité ont l’intérêt majeur
de fournir des ordres de grandeur utiles en
santé publique mais nécessitent d’autres indi-
cateurs de morbidité ou de comportements,
pour apprécier l’impact des usages de sub-
stances psychoactives.
Les repères épidémiologiques montrent princi-
palement :
•au niveau quantitatif, les indicateurs de mor-
talité et morbidité ont une ampleur bien plus
importante pour l’alcoologie et la tabacologie
que pour la toxicomanie. Toutefois, la probabi-
lité de survenue des dommages sur la santé
apparaît plus tôt chez les toxicomanes ;
•la nature des causes de morbidité et mortalité
montre de grandes différences au niveau des
pathologies somatiques (cancers pour l’alcool
et le tabac, maladies infectieuses pour les
drogues). Les similitudes concernent plutôt les
pathologies psychiatriques et les conduites de
violence liées aux troubles de vigilance ;
•l’intrication des facteurs médicaux et sociaux
dans les comportements d’abus et dépendance
aux produits psychotropes entraîne de grandes
différences – en fonction des dépendances – au
niveau des retentissements sur l’environne-
ment :
– familial (risque materno-infantile),
– professionnel (inaptitude au poste),
– routier (troubles de vigilance, accidents...),
– social (violence à autrui, accidents...).
Actuellement, la politique de santé publique en
France recommande un rapprochement des
structures spécialisées dans le champ de l’ad-
dictologie. La prévention globale ne peut que
bénéficier des apports de compétences
acquises dans les différents secteurs et de leur
mutualisation.
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Responsables Non responsables Total effectif
(%) (%)
Rien 1 015 799 1 814
ni alcool, ni benzo- (56) (44)
diazépines, ni THC
THC seul 66 48 114
(58) (42 %)
THC + 3 5 8
Benzodiazépines (38) (62)
THC + 27 5 32
Alcool (84) (16)
THC + Alcool + 10 0 10
Benzodiazépines (100) (0)