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La Lettre du Sénologue - n° 19 - janvier/février/mars 2003
*Clinique Sainte-Catherine, Avignon.
E
t qu’à Dieu ne plaise que celle contre Myriad Genetics
ne soit pas portée sur les mêmes fonts baptismaux ! Parce
que, je ne sais pas si vous le sentez comme moi, mais,
indiscutablement, la température rectale actuelle de notre bonne
vieille planète est, médicalement parlant, fort alarmante ! À croire
qu’il y a collusion astrale entre Mars, Pluton, Uranus et Saturne,
ce que ne cesse de marteler notre grande prêtresse Babeth Teis-
sier, docteur ès sociologie, diplôme fraîchement et hautement
acquis auprès de nos clairvoyants universitaires, lui permettant,
in extremis, d’éviter la rôtissoire en place de Grève. Car, nul doute
que le monde s’agite : les bottes se cirent, les uniformes s’épous-
settent, les armes se démontent et se remontent dans le noir avec
force jurons, ça sifflote “La Madelon”, et même les mouches évi-
tent toute flatulence pour ne pas se prendre un Tomahawk entre
les ailes. La dernière destination à la mode est un petit pays où il
n’y a que du soleil, du sable, quelques anthrax, et même pas la
mer ! Non, vraiment, je vous le dis, l’ambiance générale n’est pas
à la sérénité : les Américains font rien-qu’à-embêter-tout-le-monde
et les journalistes n’ont que le mot “guerre” à la plume !
Reprenons, si vous le voulez bien, le petit différend euro-américain
dont je vous avais entretenus, il y a quelques mois, sur l’air
“Myriaaad, ton univers impitoyâââble”, car, comme le feuilleton
dont est tiré le susdit air, vous vous doutez bien qu’il existe some
rebondissements et que l’abominable J.R. (alias Mark Skolnic, direc-
teur scientifique de Myriad) n’a pas encore dit son last word ! Sur-
tout quand on apprend (Le Monde diplomatique) qu’il a en plus
“piqué” ses trouvailles au gentil Bobby (alias Mike Stratton, de l’Ins-
titut britannique de recherche contre le cancer) et qu’il dépose des
demandes de brevet tous azimuts à la cadence d’un pistolet Uzi : le
dernier en date concernant HOB1 ou Human Obesity 1 (L’Est Répu-
blicain). Quand on sait que l’obésité est en passe de devenir le pre-
mier fléau des pays riches, on imagine sans peine les retombées éco-
nomiques de ce genre de licence ! Skolnic a dû trop regarder James
Bond contre Dr No, et il n’a jamais dû réussir à dire correctement
My name is Bond, James Bond, alors il a préféré l’autre… Et, pen-
dant ce temps-là, la bataille fait rage et les gros titre nous assènent
des : “La guerre des gènes” (Le Nouvel Observateur, Comprendre
et agir, Biotech Futur), “Cancer du sein et de l’ovaire en première
ligne” (Biofutur), “Cancer du sein : le bras de fer sur les tests”
(Le Figaro), “Cancer du sein et guerre des brevets” (Le Nouvel
Observateur), où il est rapporté que ces tests de séquençage direct,
hormis le fait, connu, qu’ils ne dépistent pas toutes les mutations,
coûtent la bagatelle de 1 032,30 euros, contre 175 euros pour des
techniques de chromatographie liquide ! De quoi, vraisemblable-
ment, faire sursauter même les assureurs américains qui vont devoir
rembourser le test ! Myriad continue cependant à faire la sourde
oreille, exigeant le bénéfice absolu des royalties sur chaque test réa-
lisé (on se croirait au Monopoly !), et pousse même l’outrecuidance
jusqu’à passer des spots télévisuels publicitaires sous le titre “Be
RUMEURS
ready against cancer” style téléachat, pour vendre son test avec
réponse assurée sous huitaine sous pli cacheté ! Y a des claques qui
se perdent, quand même ! Mais les Français y veillent, et ils ont réussi
à entraîner derrière eux de nombreux pays européens, formant une
véritable levée de boucliers et déposant des oppositions à ces bre-
vets auprès de l’OEB (Office européen des brevets). Réponse en…
2006 ! De toute manière, des solutions existent sous la forme de
licences d’office et de licences obligatoires, outils juridiques mis à
la disposition des États pour des raisons de santé publique. Et ne pas
oublier, comme le souligne Alain Gallochat dans Les Échos, qu’en
pleine terreur collective de la maladie du charbon qui frappait les
États-Unis, les autorités américaines ont menacé le groupe allemand
Bayer de lui retirer son droit de propriété sur l’antibiotique spéci-
fique à cette maladie pour “besoin national” ! Que disait Moïse, déjà,
sur son rocher ? “Ne fais pas aux autres…” (Mais non ! Pas notre
cher Moïse Namer national, celui de la Bible, enfin !).
Mais les Américains ne sont, bien sûr, pas tous des impérialistes
autocratiques et l’on peut noter qu’une parlementaire américaine,
Lynn Rivers, a déposé au Congrès un projet de loi visant à exclure
les séquences génétiques du champ des brevets. Et il serait un
peu benêt d’imaginer que les financements publics seuls pour-
raient alimenter la recherche, et un peu frivole d’oublier que ces
guérillas touchent à un problème éthique, moral, religieux, phi-
losophique, et j’en passe, à savoir le génome humain et l’éternel
problème de sa brevetabilité.
Et qui dit génome souffle… clonage… thérapeutique ou, pire,
reproductif, et l’ombre terrible de l’Empire des Ténèbres obs-
curcit brutalement les cieux virginaux. Mais le Jedi veille… Et,
du fond de son antre ministériel, la prunelle malicieuse et déter-
minée, la gestuelle onctueuse et le vocable limpide, condamne à
vingt ans de réclusion criminelle tout fol insensé violant les lois
divines (AOL infos, Yahoo actualités). Et même si Raël remonte
dans sa soucoupe, il pourrait être poursuivi en extraterritorialité
pour crime contre l’humanité ! Mais inflexibilité n’est pas syno-
nyme de surdité, et notre charismatique ministre de la Santé, mal-
gré son désir d’interdiction de tout type de clonage, écoutant les
chœurs s’élevant du monde scientifique et des associations de
malades (“L’Académie des sciences se porte au chevet des bio-
thérapies”, Les Échos), par dérogation limitée à cinq ans, pro-
pose d’autoriser des recherches sur des embryons existants et ne
faisant plus l’objet d’une éventuelle procédure parentale.
Et, décidément, notre valeureux ministre (eh oui, hélas, je crains
fort que l’audition du discours inaugural des 24es Journées de la
SFSPM ne m’ait lamentablement réduite à l’état de groupie totale-
ment hystérique) est aux journaux ce que Sarkozy est au petit écran :
omniprésent ! Pas moins d’une cinquantaine de journaux (La Pro-
vence, Le Progrès, L’Est Éclair, Libération, Les Nouvelles de Falaise
et Condé, L’Écho républicain, Santé Magazine, etc., etc.) annonce
sur l’air mieux connu des “trois rois mages” (dont l’original, moins
connu, est celui de… l’Arlésienne) la mise en route pour 2004 du
dépistage organisé des cancers du sein à tout le territoire français !
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M. Escoute*
Revue de presse grand public
“Tant que Napoléon a choisi d’appeler ses batailles
Austerlitz ou Wagram, tout s’est très bien passé :
quand il a décidé d’en baptiser une Waterloo,
vous avez vu le résultat.”
Pierre Dac