Cours thématique de la SOFMIS : les lésions infracliniques du sein C

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Cours thématique de la SOFMIS :
les lésions infracliniques du sein
© Musée de l’École de Nancy
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Nancy, 28-29 juin 1999
Les journées annuelles de la Société de Mastologie et
d’Imagerie du Sein (SOFMIS) se sont déroulées à Nancy
en juin 1999. Organisées par le Docteur J. Stinès (radiologue au Centre Alexis-Vautrin), elles étaient consacrées
aux lésions infracliniques du sein. Les orateurs ont
insisté sur l’importance de la pluridisciplinarité et du
contrôle de qualité. Elles ont bénéficié d’un temps estival et de l’ambiance 1900 du Centenaire de l’École
de Nancy.
Il faut féliciter le Docteur Stinès pour la qualité de
l’organisation. Les prochaines journées se dérouleront à
Bordeaux en juin 2000.
1re JOURNÉE (rapportée par le Docteur
E. Netter, Nancy)
■ L’estimation de l’incidence des can-
cers pour la France est l’un des objectifs
du réseau français des registres des cancers (FRANCIM). G. Chaplain (Dijon) a
exposé les différentes données pour le
cancer du sein invasif, estimées en 1995
à partir des neuf registres départementaux couvrant 10,2 % de la population,
soit 33 867 cas : taux brut d’incidence de
113,8 pour 100 000 femmes ; probabilité
d’avoir un cancer du sein au cours de sa
vie (0 à 74 ans) évaluée à 10,1 % en utilisant l’incidence de la période 19881992 ; 10 789 décès, soit un taux brut de
mortalité de 36,2 pour 100 000 femmes.
Depuis 1975, la mortalité a augmenté de
8 % avec 800 décès supplémentaires par
an pour chaque période de 5 ans ; l’incidence a augmenté de 60 % en 20 ans et
de façon régulière. En 1990, la France se
situe au même niveau que le Danemark,
le Royaume-Uni et les Pays-Bas, tant en
ce qui concerne les taux standards d’incidence que la mortalité. Le cancer du sein
reste malheureusement le plus fréquent
des cancers féminins (32 %) et de tous
les cancers. Les données sur les carci32
nomes non invasifs ne sont pas encore
disponibles.
■ Les lésions frontières de la glande
mammaire (R.M. Parache, Nancy)
regroupent des lésions dont l’aspect
microscopique est parfois ambigu. Seul
leur aspect microscopique architectural
et cellulaire permet de différencier les
formes canalaires et lobulaires. Développées dans les unités ducto-lobulaires,
elles regroupent : l’hyperplasie simple
bénigne, l’hyperplasie épithéliale atypique, qui est un marqueur de risque
ultérieur général bilatéral, voire un précurseur de cancer invasif, l’hyperplasie
lobulaire atypique qui est associée à un
risque légèrement supérieur à la forme
canalaire mais qui diminue fortement
après la ménopause ; les néoplasies non
invasives avec la forme canalaire précurseur des lésions invasives et la forme
lobulaire qui est avant tout un marqueur
de risque.
Tavassoli (1998) propose une nouvelle
classification DIN (ductal intraepithelial
neoplasia) en trois groupes qui permettrait une approche pluridisciplinaire de
ces lésions non invasives : DIN 1 :
hyperplasie simple, hyperplasie atypique,
La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999
carcinome intracanalaire de bas grade ;
DIN 2 : carcinome intracanalaire de
grade intermédiaire ; DIN 3 : carcinome
intracanalaire de haut grade sans nécrose.
■ Le diagnostic des carcinomes cana-
laires in situ pose encore des difficultés
aux pathologistes et aux thérapeutes (J.P.
Bellocq, Strasbourg). Outre leur typage
basé sur l’architecture lésionnelle, la classification sur le grade nucléaire témoigne
de leur capacité proliférative et de leur
potentialité à devenir invasifs. L’intérêt
du grade garde toute sa valeur en cas de
berge positive et le délai d’apparition de
la récidive serait inversement proportionnel au grade du carcinome canalaire in
situ laissé en place. Le risque métastatique ganglionnaire est évalué à moins de
1 % dans les séries récentes.
L’intérêt de la technique en coupes
larges a été souligné, qui garantit le respect de la topographie lésionnelle, ainsi
que la contre-indication de l’examen
extemporané pour ce type de lésion et
la nécessité d’une orientation précise
de la pièce. Au-delà du diagnostic histologique, le carcinome canalaire in situ
nécessite un bilan d’extension lésionnel
et périlésionnel optimal s’adaptant aux
différents acteurs pratiquant la sénologie
(taille, limites d’exérèse, multifocalité,
lésions associées).
■ Le compte-rendu anatomopatholo-
gique (J.M. Guinebretière, Paris) doit
apporter au clinicien les renseignements
clés en ce qui concerne le diagnostic,
l’étendue des lésions et éventuellement
le pronostic. La rédaction du compterendu doit répondre à de nombreux critères tant pour l’examen macroscopique
(taille sur fragment frais ou fixé, nombre
de lésions...) que pour l’examen microscopique (agencement architectural, cellules, taille tumorale, limites d’exérèse,
environnement...) avec les éventuelles
techniques spéciales utilisées (La Lettre
du Sénologue 1999 ; 4 : 23).
L’examen extemporané des lésions
non palpables est déconseillé. Il ne
sera réalisé que sur des lésions détectables sur pièce opératoire mesurant plus
d’un centimètre.
La lecture de ce compte-rendu doit être
adaptée aussi bien au radiologue, qui
doit retrouver le signe radiologique
ayant conduit à l’intervention, qu’au
La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999
chirurgien ou au chimiothérapeute, qui
peuvent moduler les séquences thérapeutiques en fonction de celui-ci
(limites de résection, grading, orientation). Tout comme le radiologue, le
pathologiste doit s’inscrire dans une
démarche d’assurance de qualité.
■ La mammographie (E. Netter, Nancy)
reste l’examen de référence pour la
détection précoce des cancers du sein à
un stade infraclinique.
La qualité photographique des clichés
doit être optimale : bon contraste, densité optique constante et résolution spatiale élevée. Les différents facteurs
influençant ces paramètres ont été évoqués, de même que le rôle du récepteur
d’image et du développement (élément
le plus sensible de la chaîne).
L’art du positionnement du sein doit être
souligné, tant pour les incidences standards que pour les incidences complémentaires. Ces dernières doivent résoudre
les problèmes ou difficultés d’analyse.
Les conditions de lecture sur des négatoscopes avec masques et des luminances
comprises entre 2 000 et 6 000 cd/m2 évitent des phénomènes d’éblouissement. À
ce titre, beaucoup de négatoscopes
anciens des cliniciens ne sont plus adaptés au contraste des clichés actuels.
Le compte-rendu mammographique doit
répondre aux recommandations du
Groupe Interdisciplinaire de Mammographie (GIM). La conclusion doit être
claire, brève, précise, et résumer le problème tant pour la patiente que pour les
correspondants.
Le contrôle de qualité de la chaîne
mammographique s’est imposé à la suite
de la mise en place des programmes de
dépistage de masse et selon les recommandations du GIM.
■ P. Taourel (Montpellier) a exposé les
bases radio-anatomiques du sein :
conception tridimensionnelle de la
glande, radiovisibilité du sein en fonction de l’importance du tissu conjonctif
et graisseux d’une part et rôle de
l’hydratation d’autre part, variations
physiologiques (sensibilité propre de la
glande, incitations hormonales).
■ Sur les trois vagues de campagne de
dépistage des Bouches-du-Rhône de
1990 à 1998 (B. Seradour, Marseille),
224 338 dépistages ont été réalisés avec
des taux de rappels de 3,6 % à 4,5 %.
Les foyers de microcalcifications ont
représenté de 23 à 33 % de ces rappels.
Le pourcentage des tests positifs entre le
premier et le troisième tour a augmenté
au bénéfice des images fibreuses. Après
un test positif, 0,7 à 1 % des femmes ont
subi une biopsie chirurgicale.
La valeur prédictive positive varie de 60
à 67 % pour le signal fibreux et de 47 à
54 % pour les calcifications.
Le taux de carcinomes canalaires in situ
est de 8 % au premier tour et de 13 % au
troisième : 74 % d’entre eux se manifestent par des calcifications.
Les cancers invasifs inférieurs ou égaux à
10 mm représentent 33 % des cancers au
premier tour et 45 % au deuxième tour
avec, pour 70 % d’entre eux, des images
fibreuses. Cette étude souligne que les
images fibreuses représentent le signal
le plus fréquent en dépistage organisé.
■ La connaissance sémiologique radiolo-
gique des lésions infracliniques est d’un
apport majeur pour le diagnostic précoce
et influence le pronostic des cancers traités (O. Ouhioune, Saint-Cloud). La
découverte de microcalcifications est une
situation fréquente. Une étude de l’Institut Curie a montré que pour les calcifications de type II, le paramètre discriminant
est la forme du foyer (si angulaire,
31,4 % de cancers) et que, pour le type
III, le facteur discriminant serait plutôt
l’âge (39 % de cancers après 40 ans).
■ A. Chapellier (Nice) a exposé les dif-
férents critères de sémiologie échographique, rappelant l’étude de Stavros.
Elle a souligné que l’échostructure
homogène ou hétérogène d’un nodule, le
caractère iso- ou peu hypo-échogène par
rapport à la graisse et le renforcement
postérieur des échos ne sont pas des éléments discriminants (voir fiche échographie mammaire dans ce numéro). On ne
saurait dissocier la pratique de l’échographie de l’analyse fine de la mammographie, dont elle est complémentaire et
dépendante, et de l’examen clinique.
Malgré l’utilisation de sondes à haute
fréquence, si la détection de microcalcifications est possible au sein d’une
masse, leur caractérisation reste difficile.
Une analyse séméiologique rigoureuse
avec utilisation de sondes à haute fré33
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quence pourrait permettre la détection
de cancers infraradiologiques plus nombreux, mais également une diminution
des biopsies chirurgicales pour lésions
bénignes.
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qualité du prélèvement dépend d’une
technique rigoureuse (choix de la barrette, du matériel de ponction, de
l’orientation du guidage en fonction de
la lésion…) de la manipulation et de la
fixation du matériel recueilli.
■ L’aide informatisée au diagnostic est-
elle une réalité virtuelle ? R. Gilles
(Bordeaux) a exposé les principes du
traitement d’images, et les applications
de la mammographie numérique,
quelques applications de l’aide informatisée au diagnostic avec la détection
automatique des calcifications, la caractérisation des foyers. La place de l’aide
informatisée reste difficile à définir. La
première étape serait probablement une
aide à la détection focalisant l’attention
du radiologue sur une zone suspecte.
2e JOURNÉE (rapportée par le Docteur
A. Le Treut, Bordeaux)
Il est indispensable de rationaliser les
indications de la biopsie chirurgicale des
lésions infracliniques. Les radiologues
disposent de techniques de plus en plus
performantes qui doivent être maîtrisées
et utilisées judicieusement. Les pathologistes et les chirurgiens ont des exigences
quant à la qualité des prélèvements et la
précision des repérages pré-opératoires
qui conditionnent l’attitude thérapeutique. De nombreuses questions se posent
sur les meilleures stratégies à adopter, la
prise en charge des patientes et les implications médico-légales liées à la découverte des lésions infracliniques.
■ Pour Y. Grumbach (Amiens), la cyto-
ponction échoguidée s’inscrit dans le
prolongement direct de l’examen clinique et de l’échographie en raison de sa
rapidité et de son innocuité. Elle permet
de régler le problème des kystes atypiques simulant une lésion solide.
Elle est le plus souvent réservée à une
anomalie circonscrite, solide, découverte dans un sein globalement dense,
diffuse ou localisée à la mammographie.
La microbiopsie échoguidée peut pallier
les insuffisances de la cytoponction
devant une image infraclinique à forte
suspicion de malignité ou contenant des
microcalcifications. Elle est également
utile dans les seins inflammatoires, mais
pour affirmer la bénignité d’une image
douteuse. Dans ces deux applications, la
34
■ Les biopsies mammaires guidées par
stéréotaxie sont en pleine expansion.
M.H. Dilhuydy (Bordeaux) rappelle les
différents appareillages, analogiques,
numériques, tables dédiées et les modalités de prélèvement. Elle présente
l’expérience récente de l’Institut Bergonié qui dispose d’une table spécialisée
pour réaliser les procédures MIBB
(exclusivement radiologiques) et ABBI
(nécessitant une équipe radio-chirurgicale) ; 44 procédures MIBB et 32 procédures ABBI ont été réalisées. Grâce à la
maîtrise des techniques, les indications
des microbiopsies percutanées sous stéréotaxie peuvent être affinées :
– lorsqu’elles peuvent éviter de surveiller une lésion modérément suspecte,
– lorsqu’elles peuvent éviter une chirurgie à visée diagnostique pour une lésion
bénigne,
– lorsqu’elles peuvent améliorer la prise
en charge d’une lésion maligne.
Les microbiopsies stéréotaxiques ou
numériques connaissent un certain
nombre de contre-indications liées à la
patiente, à la morphologie du sein, au
type de l’image. Le système ABBI a fait
sa preuve sur le plan du diagnostic de
lésions infracliniques. Il est en cours
d’évaluation sur le plan thérapeutique.
Sous anesthésie locale, il vise à enlever
en monobloc la lésion avec une canule
de 10 à 20 mm. Cette technique ambulatoire s’effectue dans des conditions de
confort et de tolérance excellentes pour
la patiente.
■ Peu de séries consacrées aux micro-
biopsies guidées par stéréotaxie concernent spécifiquement les microcalcifications. Ph. Troufléau (Nancy) présente
l’expérience du Centre Alexis-Vautrin
ainsi qu’une recherche bibliographique
très documentée.
Une technique rigoureuse est indispensable. Elle est exposée en détail :
l’aiguille de ponction la plus fréquemment utilisée est celle de 14 G. La
moyenne des prélèvements est de 6. La
radiographie des fragments prélevés est
impérative. Le contrôle de qualité des
appareils adaptables ou dédiés doit être
réalisé périodiquement.
De mars 1994 à mars 1999, 286 lésions
ont été biopsiées, 137 ont été opérées,
149 ont bénéficié d’un suivi de plus de
12 mois. L’analyse histologique a identifié 157 lésions bénignes, 17 hyperplasies
atypiques, 2 lésions suspectes, 85 CIC et
18 cancers canalaires infiltrants. Il y a eu
17 faux négatifs et 5 faux positifs.
Cette microbiopsie guidée par stéréotaxie n’est pas un geste anodin, mais
aucune complication grave n’a été
observée. Ses limites sont liées à la technologie, à la balistique, à la patiente et à
la lésion elle-même. Les microbiopsies
ne donnent habituellement qu’un prélèvement parcellaire de la zone visée. Les
résultats doivent être interprétés avec
prudence, les suites à donner nécessitant une collaboration multidisciplinaire radio-histo-chirurgicale.
■ Le point de vue du chirurgien est
exposé par J.L. Verhaeghe (Nancy) qui
insiste d’emblée sur les contraintes préalables à toute chirurgie mammaire :
connaissance en sénologie, écoute, disponibilité, collaboration étroite avec le
radiologue et le pathologiste.
L’indication d’éxérèse d’une lésion
infraclinique n’est jamais urgente. Le
recours à l’anesthésie générale reste
recommandé.
Le repérage préopératoire est indispensable pour optimiser les conditions
d’accès du chirurgien et minimiser les
contraintes pour la patiente. Les modalités de repérage varient selon les habitudes des équipes radio-chirurgicales.
Elles doivent permettre de guider l’acte
opératoire qui doit être à la fois efficace
et esthétique, la qualité de l’exérèse restant primordiale. Munie des repères
d’orientation, la pièce est radiographiée
(procédure obligatoire) et adressée au
laboratoire. Le recours à l’extemporané
doit être évité dans les lésions infracliniques sauf en cas de nodule dur, suspect.
La méthode ABBI, selon les mêmes
indications qu’à Bordeaux, est une alternative ambulatoire. Quelle que soit la
chirurgie engagée, toute exérèse doit
faire l’objet d’un compte-rendu opératoire détaillé.
Souvent qualifiée de banale, la chirurgie
du sein nécessite un engagement de
La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999
qualité et l’acceptation des contraintes
d’une collaboration pluridisciplinaire.
■ F. Gaucher (Nancy), représentant le
secteur libéral, a très clairement posé les
problèmes soulevés par les prélèvements
percutanés en pratique de ville. Le
radiologue privé doit-il se contenter de
fournir de bonnes mammographies ou
aller le plus loin possible dans le diagnostic en réalisant toutes les techniques
complémentaires à sa portée ?
Après un exposé du coût des divers actes
de radiologie, de cytologie, d’histopathologie et de chirurgie, F. Gaucher a développé le vécu des techniques engagées en
aval de la première démarche diagnostique : doutes, angoisse et éventuel refus.
Il faut éviter les prélèvements inutiles ou
redondants et ne pas oublier qu’une surveillance à délais rapprochés pendant
deux ans peut coûter aussi cher qu’une
exérèse chirurgicale d’emblée.
■ L’IRM a-t-elle une place dans la stra-
tégie de la prise en charge des lésions
infracliniques du sein ?
La réponse de A. Tardivon (Paris) est
claire : l’IRM ne doit pas être une indication de routine en raison d’une spécificité
n’excédant pas 80 %, entraînant un taux
important de faux positifs. Il existe également la possibilité de faux négatifs, inférieure à 5 % pour les cancers infiltrants,
mais de 5 à 60 % pour ceux in situ.
Les indications sont la suspicion d’une
récidive locorégionale dans un sein
traité, la recherche d’un cancer primitif
devant une adénopathie d’origine inconnue, la recherche d’un résidu tumoral
après chimiothérapie, le bilan d’extension d’une lésion maligne (multifocalité,
extension intracanalaire, bilan d’une
maladie de Paget).
■ Il revenait à C. Depardieu (Nancy) de
préciser le point de vue de l’anatomopathologiste sur la qualité des prélèvements et sur la qualité de l’interprétation
en cytologie ou en histopathologie.
La qualité des prélèvements est liée à
la cible elle-même, mais aussi à l’expérience et à la technique du médecin.
Les artefacts, fréquents en cytologie, doivent être réduits au minimum. La qualité
de l’interprétation doit être évaluée par
des audits internes utilisant les catégories
diagnostiques définies par l’“European
Guidelines for Quality Assurance in
La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999
Mammography Screening” en 1996.
Les classifications en cinq niveaux pour
la cytologie (C1gC5) et la biopsie à
l’aiguille (B1gB5) permettent de calculer les paramètres classiques (sensibilité,
spécificité, VPP, VPN, FXP, FXN, prélèvements inadéquats…).
Des standards ont été définis. L’évaluation objective et contrôlée permet une
amélioration régulière des résultats
d’ensemble.
■ Faut-il réaliser des échographies dans
les seins denses ?
Ph. Peetrons (Bruxelles) conseille
d’effectuer des échographies systématiques dans les seins denses ou mixtes et
d’en ponctionner les images solides. Il
justifie sa position sur son expérience
personnelle de découverte échographique de petits cancers sans traduction
clinique ou mammographique et sur
l’analyse de plusieurs publications.
Si certaines études (Ciatto, Mazy, Maestro) ne montrent qu’une contribution relativement faible au diagnostic, d’autres
(Jacob, Gordon, Kolb, Jefferson) estiment
que l’amélioration de la détection mérite
d’être considérée comme positive. Dans
les seins denses, le bénéfice concerne 2,5
à 4 % des cancers sans traduction radioclinique et entre 7,5 et 11 % de cancers
sans signes mammographiques, mais avec
signes d’appel cliniques.
Cette attitude a pour conséquence
d’augmenter le nombre des ponctions et
des biopsies.
■ A. Tardivon (Paris) présente d’une
manière synthétique les avantages et les
inconvénients de la mammographie
numérisée : grande latitude dans la lecture, absence de film (édition à la
demande, laser haute définition), transmission des images sur le site ou à l’extérieur, aide à la détection et au diagnostic,
possibilité de tomographies et d’étude
dynamique mais résolution spatiale limitée, coût, nécessité d’un apprentissage.
Elle peut actuellement trouver son essor
dans les applications dérivées : aide
automatisée à la détection, réseaux
d’images, études dynamiques.
■ Présentant une série personnelle très
détaillée de cancers sur prothèse et une
revue de la littérature, V. Hazebroucq
(Paris) s’attache à répondre à deux questions principales : l’incidence du cancer
est-elle modifiée par la prothèse ?
Quelles sont les méthodes diagnostiques
les plus performantes ?
Il n’y a pas de corrélation prouvée entre
l’utilisation de prothèses en gel de silicone et une majoration du risque de cancer du sein, qu’il s’agisse de prothèses
d’augmentation à visée esthétique ou de
prothèses au cours d’une reconstruction.
L’examen clinique permet de découvrir
des tumeurs plus petites chez les porteuses de prothèses que chez les femmes
sans implants. Dans la série de Hazebroucq et Tristant, 60 % des tumeurs
étaient palpables, la taille moyenne étant
de 1,8 cm.
Sur la mammographie, 90 % d’anomalies ont pu être décelées, certaines a posteriori. La qualité technique est primordiale, associant les incidences
classiques, parfois la technique
d’Eklund et l’étude numérisée de profil
sur ERLM. L’échographie doit être
effectuée systématiquement après détection clinique et mammographique. Elle
apporte un bénéfice additionnel indiscutable dans le diagnostic et permet des
prélèvements échoguidés avec une
grande sécurité.
■ L’exposé de A. Lesur (Nancy) ana-
lyse quatre situations de prescription de
traitement hormonal substitutif après le
dépistage :
– la mammographie de dépistage met en
évidence une lésion suspecte ➞ pas de
THS ou interruption de celui-ci,
– il n’existe aucune anomalie ➞ pas de
contre-indication sénologique à la mise
en œuvre du THS, en respect des autres
contre-indications médicales,
– il existe une anomalie antérieurement
connue ➞ l’adénofibrome stable n’est
pas une contre-indication au THS. La
mastose fibrokystique pose des problèmes très divers. Les travaux classiques de Dupont et Page sont rassurants, cependant la prescription du THS
doit être discutée au cas par cas, après
biopsie éventuelle et appréciée en fonction des autres facteurs de risque,
– le dépistage permet de découvrir une
anomalie ➞ tant que le diagnostic formel
de bénignité n’aura pas été affirmé par les
explorations complémentaires et l’histologie, le THS sera différé ou interrompu.
Une mammographie de qualité est
indispensable avant toute prescription
de THS. Elle sera éventuellement com35
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plétée par un bilan sénologique devant
toute anomalie ou toute modification
péjorative de l’aspect radiologique antérieur. Il n’est pas sûr que le dépistage de
masse soit adapté à la question de la
prescription d’un traitement hormonal
substitutif, ni à son suivi.
■ Y a-t-il une place pour les examens
complémentaires lors des mastodynies
de l’adolescence ? M. Boisserie-Lacroix
(Bordeaux) insiste d’emblée sur la difficulté à déterminer la ligne de partage
entre une banale tension douloureuse et
une douleur pathologique.
Les mastodynies péripubertaires, parfois
intenses, ne nécessitent aucune investigation biologique ou radiologique complémentaire. L’examen clinique peut
être complété par une échographie dont
la fonction est surtout de rassurer.
Les anomalies du développement des
seins peuvent s’accompagner de douleurs, en particulier les hypertrophies ; si
elles sont asymétriques, elles peuvent,
outre l’échographie peu performante,
nécessiter un complément mammographique ou IRM à la recherche d’un adénofibrome juvénile ou d’un hamartome.
Les mastodynies de la plaque aréolomamelonnaire associées à des nodules
sont l’indication principale de l’échographie qui met en évidence un kyste dont on
pourra suivre la persistance ou la régression, et plus rarement un adénofibrome.
Lors des douleurs localisées à un quadrant, l’échographie peut être un complément à l’examen clinique à la
recherche d’un hématome (traumatisme), d’un abcès (inflammation) ou
d’une tumeur bénigne.
Le recours à la cytoponction ou à la
microbiopsie, toujours très mal vécu
dans l’adolescence, doit être limité aux
difficultés d’identification avant une
décision opératoire. La mastodynie de
l’adolescence ne doit pas être banalisée.
L’examen clinique, l’écoute permettent
le plus souvent une certitude diagnostique. L’échographie peut être une aide
indispensable. Les autres investigations
doivent rester exceptionnelles.
■ L’exposé de A.F. Bertrand (Angers) a
pour objectif de définir les justifications
et les modalités de la surveillance du
sein controlatéral après traitement d’un
cancer du sein. L’incidence d’un cancer
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controlatéral est diversement appréciée :
elle varie de 340 à 760 pour 100 000
suivant les auteurs.
L’espérance de vie n’est pas affectée
dans la mesure où le diagnostic est précoce, sans manifestation clinique. Les
facteurs aggravant le risque de cancer
controlatéral sont l’âge du diagnostic du
premier cancer, le délai entre le premier
cancer et le cancer controlatéral, les
antécédents familiaux, l’histologie du
premier cancer et une éventuelle radiothérapie. Le tamoxifène à titre adjuvant
et/ou une chimiothérapie du premier
cancer diminuent le risque.
Les modalités de la surveillance du sein
controlatéral sont bien codifiées mais
pas toujours respectées. Une mammographie annuelle, nécessaire et suffisante, sera comparée aux examens
précédents. La découverte d’une anomalie doit entraîner un complément
d’investigations, les examens devant
être réalisés rapidement car toute anomalie découverte entraîne, chez la
femme, une anxiété majeure.
■ La prise en charge radiologique du
cancer du sein et plus particulièrement
des lésions infracliniques est une situation à haut risque juridique que V. Hazebroucq (Paris) situe à trois niveaux.
La découverte secondaire d’un cancer
du sein après qu’un examen de dépistage individuel ou un mammotest de
dépistage de masse ait été considéré
comme négatif ; il faut alors déterminer
s’il s’agit d’un cancer inapparent ou
d’un cancer “manqué” et évaluer la possibilité d’une faute entraînant la responsabilité du radiologue et les éventuelles
conséquences du retard au diagnostic.
La prise en charge des explorations complémentaires : cytoponction, microbiopsies directes ou guidées, repérage, radiographies de pièce opératoire peuvent
engager la responsabilité du radiologue
en cas d’incident ou de malfaçon. Il est
indispensable d’obtenir un consentement
éclairé et le respect des bonnes pratiques.
Le suivi après la découverte d’une
lésion chez une femme venue de sa
propre initiative. L’information sur la
nécessité d’une prise en charge dans
un milieu spécialisé doit être claire et
documentée. Le radiologue peut être
amené à faire la preuve que cette information a bien été fournie à la patiente.
La deuxième journée a été marquée
par la conférence du Professeur
Chardot sur “les interrogations
éthiques en cancérologie”.
Il n’est pas possible de résumer en
quelques lignes cette lecture, fruit d’une
longue expérience et d’une réflexion
approfondie sur des problèmes actuels :
– le rôle des médecins dans l’information et le consentement éclairé des
malades cancéreux : tâche difficile car
de nombreux facteurs interviennent
(état du malade, angoisses, pression des
médias, des laboratoires…) et sujet
d’actualité (États Généraux des Malades
du Cancer réunis par la Ligue Nationale
contre le Cancer) ;
– l’accompagnement des malades en
cours de traitement et dans le suivi postthérapeutique et l’apport bénéfique des
bénévoles ;
– les progrès de la génétique et la création de consultations ;
– la prévention et le dépistage, bénéfiques pour l’individu et la politique de
santé de la collectivité.
Le médecin ne peut agir seul. Une collaboration multidisciplinaire cohérente
et efficace d’institutions comme les
CLCC doit s’élargir et intégrer les compétences d’économistes, de juristes, de
philosophes, de théologiens. L’objectif
final est de guérir en donnant au malade
une qualité de vie et une autonomie sans
médico-dépendance.
La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999
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