O N G R È S Cours thématique de la SOFMIS : les lésions infracliniques du sein © Musée de l’École de Nancy C Nancy, 28-29 juin 1999 Les journées annuelles de la Société de Mastologie et d’Imagerie du Sein (SOFMIS) se sont déroulées à Nancy en juin 1999. Organisées par le Docteur J. Stinès (radiologue au Centre Alexis-Vautrin), elles étaient consacrées aux lésions infracliniques du sein. Les orateurs ont insisté sur l’importance de la pluridisciplinarité et du contrôle de qualité. Elles ont bénéficié d’un temps estival et de l’ambiance 1900 du Centenaire de l’École de Nancy. Il faut féliciter le Docteur Stinès pour la qualité de l’organisation. Les prochaines journées se dérouleront à Bordeaux en juin 2000. 1re JOURNÉE (rapportée par le Docteur E. Netter, Nancy) ■ L’estimation de l’incidence des can- cers pour la France est l’un des objectifs du réseau français des registres des cancers (FRANCIM). G. Chaplain (Dijon) a exposé les différentes données pour le cancer du sein invasif, estimées en 1995 à partir des neuf registres départementaux couvrant 10,2 % de la population, soit 33 867 cas : taux brut d’incidence de 113,8 pour 100 000 femmes ; probabilité d’avoir un cancer du sein au cours de sa vie (0 à 74 ans) évaluée à 10,1 % en utilisant l’incidence de la période 19881992 ; 10 789 décès, soit un taux brut de mortalité de 36,2 pour 100 000 femmes. Depuis 1975, la mortalité a augmenté de 8 % avec 800 décès supplémentaires par an pour chaque période de 5 ans ; l’incidence a augmenté de 60 % en 20 ans et de façon régulière. En 1990, la France se situe au même niveau que le Danemark, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, tant en ce qui concerne les taux standards d’incidence que la mortalité. Le cancer du sein reste malheureusement le plus fréquent des cancers féminins (32 %) et de tous les cancers. Les données sur les carci32 nomes non invasifs ne sont pas encore disponibles. ■ Les lésions frontières de la glande mammaire (R.M. Parache, Nancy) regroupent des lésions dont l’aspect microscopique est parfois ambigu. Seul leur aspect microscopique architectural et cellulaire permet de différencier les formes canalaires et lobulaires. Développées dans les unités ducto-lobulaires, elles regroupent : l’hyperplasie simple bénigne, l’hyperplasie épithéliale atypique, qui est un marqueur de risque ultérieur général bilatéral, voire un précurseur de cancer invasif, l’hyperplasie lobulaire atypique qui est associée à un risque légèrement supérieur à la forme canalaire mais qui diminue fortement après la ménopause ; les néoplasies non invasives avec la forme canalaire précurseur des lésions invasives et la forme lobulaire qui est avant tout un marqueur de risque. Tavassoli (1998) propose une nouvelle classification DIN (ductal intraepithelial neoplasia) en trois groupes qui permettrait une approche pluridisciplinaire de ces lésions non invasives : DIN 1 : hyperplasie simple, hyperplasie atypique, La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999 carcinome intracanalaire de bas grade ; DIN 2 : carcinome intracanalaire de grade intermédiaire ; DIN 3 : carcinome intracanalaire de haut grade sans nécrose. ■ Le diagnostic des carcinomes cana- laires in situ pose encore des difficultés aux pathologistes et aux thérapeutes (J.P. Bellocq, Strasbourg). Outre leur typage basé sur l’architecture lésionnelle, la classification sur le grade nucléaire témoigne de leur capacité proliférative et de leur potentialité à devenir invasifs. L’intérêt du grade garde toute sa valeur en cas de berge positive et le délai d’apparition de la récidive serait inversement proportionnel au grade du carcinome canalaire in situ laissé en place. Le risque métastatique ganglionnaire est évalué à moins de 1 % dans les séries récentes. L’intérêt de la technique en coupes larges a été souligné, qui garantit le respect de la topographie lésionnelle, ainsi que la contre-indication de l’examen extemporané pour ce type de lésion et la nécessité d’une orientation précise de la pièce. Au-delà du diagnostic histologique, le carcinome canalaire in situ nécessite un bilan d’extension lésionnel et périlésionnel optimal s’adaptant aux différents acteurs pratiquant la sénologie (taille, limites d’exérèse, multifocalité, lésions associées). ■ Le compte-rendu anatomopatholo- gique (J.M. Guinebretière, Paris) doit apporter au clinicien les renseignements clés en ce qui concerne le diagnostic, l’étendue des lésions et éventuellement le pronostic. La rédaction du compterendu doit répondre à de nombreux critères tant pour l’examen macroscopique (taille sur fragment frais ou fixé, nombre de lésions...) que pour l’examen microscopique (agencement architectural, cellules, taille tumorale, limites d’exérèse, environnement...) avec les éventuelles techniques spéciales utilisées (La Lettre du Sénologue 1999 ; 4 : 23). L’examen extemporané des lésions non palpables est déconseillé. Il ne sera réalisé que sur des lésions détectables sur pièce opératoire mesurant plus d’un centimètre. La lecture de ce compte-rendu doit être adaptée aussi bien au radiologue, qui doit retrouver le signe radiologique ayant conduit à l’intervention, qu’au La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999 chirurgien ou au chimiothérapeute, qui peuvent moduler les séquences thérapeutiques en fonction de celui-ci (limites de résection, grading, orientation). Tout comme le radiologue, le pathologiste doit s’inscrire dans une démarche d’assurance de qualité. ■ La mammographie (E. Netter, Nancy) reste l’examen de référence pour la détection précoce des cancers du sein à un stade infraclinique. La qualité photographique des clichés doit être optimale : bon contraste, densité optique constante et résolution spatiale élevée. Les différents facteurs influençant ces paramètres ont été évoqués, de même que le rôle du récepteur d’image et du développement (élément le plus sensible de la chaîne). L’art du positionnement du sein doit être souligné, tant pour les incidences standards que pour les incidences complémentaires. Ces dernières doivent résoudre les problèmes ou difficultés d’analyse. Les conditions de lecture sur des négatoscopes avec masques et des luminances comprises entre 2 000 et 6 000 cd/m2 évitent des phénomènes d’éblouissement. À ce titre, beaucoup de négatoscopes anciens des cliniciens ne sont plus adaptés au contraste des clichés actuels. Le compte-rendu mammographique doit répondre aux recommandations du Groupe Interdisciplinaire de Mammographie (GIM). La conclusion doit être claire, brève, précise, et résumer le problème tant pour la patiente que pour les correspondants. Le contrôle de qualité de la chaîne mammographique s’est imposé à la suite de la mise en place des programmes de dépistage de masse et selon les recommandations du GIM. ■ P. Taourel (Montpellier) a exposé les bases radio-anatomiques du sein : conception tridimensionnelle de la glande, radiovisibilité du sein en fonction de l’importance du tissu conjonctif et graisseux d’une part et rôle de l’hydratation d’autre part, variations physiologiques (sensibilité propre de la glande, incitations hormonales). ■ Sur les trois vagues de campagne de dépistage des Bouches-du-Rhône de 1990 à 1998 (B. Seradour, Marseille), 224 338 dépistages ont été réalisés avec des taux de rappels de 3,6 % à 4,5 %. Les foyers de microcalcifications ont représenté de 23 à 33 % de ces rappels. Le pourcentage des tests positifs entre le premier et le troisième tour a augmenté au bénéfice des images fibreuses. Après un test positif, 0,7 à 1 % des femmes ont subi une biopsie chirurgicale. La valeur prédictive positive varie de 60 à 67 % pour le signal fibreux et de 47 à 54 % pour les calcifications. Le taux de carcinomes canalaires in situ est de 8 % au premier tour et de 13 % au troisième : 74 % d’entre eux se manifestent par des calcifications. Les cancers invasifs inférieurs ou égaux à 10 mm représentent 33 % des cancers au premier tour et 45 % au deuxième tour avec, pour 70 % d’entre eux, des images fibreuses. Cette étude souligne que les images fibreuses représentent le signal le plus fréquent en dépistage organisé. ■ La connaissance sémiologique radiolo- gique des lésions infracliniques est d’un apport majeur pour le diagnostic précoce et influence le pronostic des cancers traités (O. Ouhioune, Saint-Cloud). La découverte de microcalcifications est une situation fréquente. Une étude de l’Institut Curie a montré que pour les calcifications de type II, le paramètre discriminant est la forme du foyer (si angulaire, 31,4 % de cancers) et que, pour le type III, le facteur discriminant serait plutôt l’âge (39 % de cancers après 40 ans). ■ A. Chapellier (Nice) a exposé les dif- férents critères de sémiologie échographique, rappelant l’étude de Stavros. Elle a souligné que l’échostructure homogène ou hétérogène d’un nodule, le caractère iso- ou peu hypo-échogène par rapport à la graisse et le renforcement postérieur des échos ne sont pas des éléments discriminants (voir fiche échographie mammaire dans ce numéro). On ne saurait dissocier la pratique de l’échographie de l’analyse fine de la mammographie, dont elle est complémentaire et dépendante, et de l’examen clinique. Malgré l’utilisation de sondes à haute fréquence, si la détection de microcalcifications est possible au sein d’une masse, leur caractérisation reste difficile. Une analyse séméiologique rigoureuse avec utilisation de sondes à haute fré33 C O N G quence pourrait permettre la détection de cancers infraradiologiques plus nombreux, mais également une diminution des biopsies chirurgicales pour lésions bénignes. R È S qualité du prélèvement dépend d’une technique rigoureuse (choix de la barrette, du matériel de ponction, de l’orientation du guidage en fonction de la lésion…) de la manipulation et de la fixation du matériel recueilli. ■ L’aide informatisée au diagnostic est- elle une réalité virtuelle ? R. Gilles (Bordeaux) a exposé les principes du traitement d’images, et les applications de la mammographie numérique, quelques applications de l’aide informatisée au diagnostic avec la détection automatique des calcifications, la caractérisation des foyers. La place de l’aide informatisée reste difficile à définir. La première étape serait probablement une aide à la détection focalisant l’attention du radiologue sur une zone suspecte. 2e JOURNÉE (rapportée par le Docteur A. Le Treut, Bordeaux) Il est indispensable de rationaliser les indications de la biopsie chirurgicale des lésions infracliniques. Les radiologues disposent de techniques de plus en plus performantes qui doivent être maîtrisées et utilisées judicieusement. Les pathologistes et les chirurgiens ont des exigences quant à la qualité des prélèvements et la précision des repérages pré-opératoires qui conditionnent l’attitude thérapeutique. De nombreuses questions se posent sur les meilleures stratégies à adopter, la prise en charge des patientes et les implications médico-légales liées à la découverte des lésions infracliniques. ■ Pour Y. Grumbach (Amiens), la cyto- ponction échoguidée s’inscrit dans le prolongement direct de l’examen clinique et de l’échographie en raison de sa rapidité et de son innocuité. Elle permet de régler le problème des kystes atypiques simulant une lésion solide. Elle est le plus souvent réservée à une anomalie circonscrite, solide, découverte dans un sein globalement dense, diffuse ou localisée à la mammographie. La microbiopsie échoguidée peut pallier les insuffisances de la cytoponction devant une image infraclinique à forte suspicion de malignité ou contenant des microcalcifications. Elle est également utile dans les seins inflammatoires, mais pour affirmer la bénignité d’une image douteuse. Dans ces deux applications, la 34 ■ Les biopsies mammaires guidées par stéréotaxie sont en pleine expansion. M.H. Dilhuydy (Bordeaux) rappelle les différents appareillages, analogiques, numériques, tables dédiées et les modalités de prélèvement. Elle présente l’expérience récente de l’Institut Bergonié qui dispose d’une table spécialisée pour réaliser les procédures MIBB (exclusivement radiologiques) et ABBI (nécessitant une équipe radio-chirurgicale) ; 44 procédures MIBB et 32 procédures ABBI ont été réalisées. Grâce à la maîtrise des techniques, les indications des microbiopsies percutanées sous stéréotaxie peuvent être affinées : – lorsqu’elles peuvent éviter de surveiller une lésion modérément suspecte, – lorsqu’elles peuvent éviter une chirurgie à visée diagnostique pour une lésion bénigne, – lorsqu’elles peuvent améliorer la prise en charge d’une lésion maligne. Les microbiopsies stéréotaxiques ou numériques connaissent un certain nombre de contre-indications liées à la patiente, à la morphologie du sein, au type de l’image. Le système ABBI a fait sa preuve sur le plan du diagnostic de lésions infracliniques. Il est en cours d’évaluation sur le plan thérapeutique. Sous anesthésie locale, il vise à enlever en monobloc la lésion avec une canule de 10 à 20 mm. Cette technique ambulatoire s’effectue dans des conditions de confort et de tolérance excellentes pour la patiente. ■ Peu de séries consacrées aux micro- biopsies guidées par stéréotaxie concernent spécifiquement les microcalcifications. Ph. Troufléau (Nancy) présente l’expérience du Centre Alexis-Vautrin ainsi qu’une recherche bibliographique très documentée. Une technique rigoureuse est indispensable. Elle est exposée en détail : l’aiguille de ponction la plus fréquemment utilisée est celle de 14 G. La moyenne des prélèvements est de 6. La radiographie des fragments prélevés est impérative. Le contrôle de qualité des appareils adaptables ou dédiés doit être réalisé périodiquement. De mars 1994 à mars 1999, 286 lésions ont été biopsiées, 137 ont été opérées, 149 ont bénéficié d’un suivi de plus de 12 mois. L’analyse histologique a identifié 157 lésions bénignes, 17 hyperplasies atypiques, 2 lésions suspectes, 85 CIC et 18 cancers canalaires infiltrants. Il y a eu 17 faux négatifs et 5 faux positifs. Cette microbiopsie guidée par stéréotaxie n’est pas un geste anodin, mais aucune complication grave n’a été observée. Ses limites sont liées à la technologie, à la balistique, à la patiente et à la lésion elle-même. Les microbiopsies ne donnent habituellement qu’un prélèvement parcellaire de la zone visée. Les résultats doivent être interprétés avec prudence, les suites à donner nécessitant une collaboration multidisciplinaire radio-histo-chirurgicale. ■ Le point de vue du chirurgien est exposé par J.L. Verhaeghe (Nancy) qui insiste d’emblée sur les contraintes préalables à toute chirurgie mammaire : connaissance en sénologie, écoute, disponibilité, collaboration étroite avec le radiologue et le pathologiste. L’indication d’éxérèse d’une lésion infraclinique n’est jamais urgente. Le recours à l’anesthésie générale reste recommandé. Le repérage préopératoire est indispensable pour optimiser les conditions d’accès du chirurgien et minimiser les contraintes pour la patiente. Les modalités de repérage varient selon les habitudes des équipes radio-chirurgicales. Elles doivent permettre de guider l’acte opératoire qui doit être à la fois efficace et esthétique, la qualité de l’exérèse restant primordiale. Munie des repères d’orientation, la pièce est radiographiée (procédure obligatoire) et adressée au laboratoire. Le recours à l’extemporané doit être évité dans les lésions infracliniques sauf en cas de nodule dur, suspect. La méthode ABBI, selon les mêmes indications qu’à Bordeaux, est une alternative ambulatoire. Quelle que soit la chirurgie engagée, toute exérèse doit faire l’objet d’un compte-rendu opératoire détaillé. Souvent qualifiée de banale, la chirurgie du sein nécessite un engagement de La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999 qualité et l’acceptation des contraintes d’une collaboration pluridisciplinaire. ■ F. Gaucher (Nancy), représentant le secteur libéral, a très clairement posé les problèmes soulevés par les prélèvements percutanés en pratique de ville. Le radiologue privé doit-il se contenter de fournir de bonnes mammographies ou aller le plus loin possible dans le diagnostic en réalisant toutes les techniques complémentaires à sa portée ? Après un exposé du coût des divers actes de radiologie, de cytologie, d’histopathologie et de chirurgie, F. Gaucher a développé le vécu des techniques engagées en aval de la première démarche diagnostique : doutes, angoisse et éventuel refus. Il faut éviter les prélèvements inutiles ou redondants et ne pas oublier qu’une surveillance à délais rapprochés pendant deux ans peut coûter aussi cher qu’une exérèse chirurgicale d’emblée. ■ L’IRM a-t-elle une place dans la stra- tégie de la prise en charge des lésions infracliniques du sein ? La réponse de A. Tardivon (Paris) est claire : l’IRM ne doit pas être une indication de routine en raison d’une spécificité n’excédant pas 80 %, entraînant un taux important de faux positifs. Il existe également la possibilité de faux négatifs, inférieure à 5 % pour les cancers infiltrants, mais de 5 à 60 % pour ceux in situ. Les indications sont la suspicion d’une récidive locorégionale dans un sein traité, la recherche d’un cancer primitif devant une adénopathie d’origine inconnue, la recherche d’un résidu tumoral après chimiothérapie, le bilan d’extension d’une lésion maligne (multifocalité, extension intracanalaire, bilan d’une maladie de Paget). ■ Il revenait à C. Depardieu (Nancy) de préciser le point de vue de l’anatomopathologiste sur la qualité des prélèvements et sur la qualité de l’interprétation en cytologie ou en histopathologie. La qualité des prélèvements est liée à la cible elle-même, mais aussi à l’expérience et à la technique du médecin. Les artefacts, fréquents en cytologie, doivent être réduits au minimum. La qualité de l’interprétation doit être évaluée par des audits internes utilisant les catégories diagnostiques définies par l’“European Guidelines for Quality Assurance in La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999 Mammography Screening” en 1996. Les classifications en cinq niveaux pour la cytologie (C1gC5) et la biopsie à l’aiguille (B1gB5) permettent de calculer les paramètres classiques (sensibilité, spécificité, VPP, VPN, FXP, FXN, prélèvements inadéquats…). Des standards ont été définis. L’évaluation objective et contrôlée permet une amélioration régulière des résultats d’ensemble. ■ Faut-il réaliser des échographies dans les seins denses ? Ph. Peetrons (Bruxelles) conseille d’effectuer des échographies systématiques dans les seins denses ou mixtes et d’en ponctionner les images solides. Il justifie sa position sur son expérience personnelle de découverte échographique de petits cancers sans traduction clinique ou mammographique et sur l’analyse de plusieurs publications. Si certaines études (Ciatto, Mazy, Maestro) ne montrent qu’une contribution relativement faible au diagnostic, d’autres (Jacob, Gordon, Kolb, Jefferson) estiment que l’amélioration de la détection mérite d’être considérée comme positive. Dans les seins denses, le bénéfice concerne 2,5 à 4 % des cancers sans traduction radioclinique et entre 7,5 et 11 % de cancers sans signes mammographiques, mais avec signes d’appel cliniques. Cette attitude a pour conséquence d’augmenter le nombre des ponctions et des biopsies. ■ A. Tardivon (Paris) présente d’une manière synthétique les avantages et les inconvénients de la mammographie numérisée : grande latitude dans la lecture, absence de film (édition à la demande, laser haute définition), transmission des images sur le site ou à l’extérieur, aide à la détection et au diagnostic, possibilité de tomographies et d’étude dynamique mais résolution spatiale limitée, coût, nécessité d’un apprentissage. Elle peut actuellement trouver son essor dans les applications dérivées : aide automatisée à la détection, réseaux d’images, études dynamiques. ■ Présentant une série personnelle très détaillée de cancers sur prothèse et une revue de la littérature, V. Hazebroucq (Paris) s’attache à répondre à deux questions principales : l’incidence du cancer est-elle modifiée par la prothèse ? Quelles sont les méthodes diagnostiques les plus performantes ? Il n’y a pas de corrélation prouvée entre l’utilisation de prothèses en gel de silicone et une majoration du risque de cancer du sein, qu’il s’agisse de prothèses d’augmentation à visée esthétique ou de prothèses au cours d’une reconstruction. L’examen clinique permet de découvrir des tumeurs plus petites chez les porteuses de prothèses que chez les femmes sans implants. Dans la série de Hazebroucq et Tristant, 60 % des tumeurs étaient palpables, la taille moyenne étant de 1,8 cm. Sur la mammographie, 90 % d’anomalies ont pu être décelées, certaines a posteriori. La qualité technique est primordiale, associant les incidences classiques, parfois la technique d’Eklund et l’étude numérisée de profil sur ERLM. L’échographie doit être effectuée systématiquement après détection clinique et mammographique. Elle apporte un bénéfice additionnel indiscutable dans le diagnostic et permet des prélèvements échoguidés avec une grande sécurité. ■ L’exposé de A. Lesur (Nancy) ana- lyse quatre situations de prescription de traitement hormonal substitutif après le dépistage : – la mammographie de dépistage met en évidence une lésion suspecte ➞ pas de THS ou interruption de celui-ci, – il n’existe aucune anomalie ➞ pas de contre-indication sénologique à la mise en œuvre du THS, en respect des autres contre-indications médicales, – il existe une anomalie antérieurement connue ➞ l’adénofibrome stable n’est pas une contre-indication au THS. La mastose fibrokystique pose des problèmes très divers. Les travaux classiques de Dupont et Page sont rassurants, cependant la prescription du THS doit être discutée au cas par cas, après biopsie éventuelle et appréciée en fonction des autres facteurs de risque, – le dépistage permet de découvrir une anomalie ➞ tant que le diagnostic formel de bénignité n’aura pas été affirmé par les explorations complémentaires et l’histologie, le THS sera différé ou interrompu. Une mammographie de qualité est indispensable avant toute prescription de THS. Elle sera éventuellement com35 C O N G plétée par un bilan sénologique devant toute anomalie ou toute modification péjorative de l’aspect radiologique antérieur. Il n’est pas sûr que le dépistage de masse soit adapté à la question de la prescription d’un traitement hormonal substitutif, ni à son suivi. ■ Y a-t-il une place pour les examens complémentaires lors des mastodynies de l’adolescence ? M. Boisserie-Lacroix (Bordeaux) insiste d’emblée sur la difficulté à déterminer la ligne de partage entre une banale tension douloureuse et une douleur pathologique. Les mastodynies péripubertaires, parfois intenses, ne nécessitent aucune investigation biologique ou radiologique complémentaire. L’examen clinique peut être complété par une échographie dont la fonction est surtout de rassurer. Les anomalies du développement des seins peuvent s’accompagner de douleurs, en particulier les hypertrophies ; si elles sont asymétriques, elles peuvent, outre l’échographie peu performante, nécessiter un complément mammographique ou IRM à la recherche d’un adénofibrome juvénile ou d’un hamartome. Les mastodynies de la plaque aréolomamelonnaire associées à des nodules sont l’indication principale de l’échographie qui met en évidence un kyste dont on pourra suivre la persistance ou la régression, et plus rarement un adénofibrome. Lors des douleurs localisées à un quadrant, l’échographie peut être un complément à l’examen clinique à la recherche d’un hématome (traumatisme), d’un abcès (inflammation) ou d’une tumeur bénigne. Le recours à la cytoponction ou à la microbiopsie, toujours très mal vécu dans l’adolescence, doit être limité aux difficultés d’identification avant une décision opératoire. La mastodynie de l’adolescence ne doit pas être banalisée. L’examen clinique, l’écoute permettent le plus souvent une certitude diagnostique. L’échographie peut être une aide indispensable. Les autres investigations doivent rester exceptionnelles. ■ L’exposé de A.F. Bertrand (Angers) a pour objectif de définir les justifications et les modalités de la surveillance du sein controlatéral après traitement d’un cancer du sein. L’incidence d’un cancer 36 R È S controlatéral est diversement appréciée : elle varie de 340 à 760 pour 100 000 suivant les auteurs. L’espérance de vie n’est pas affectée dans la mesure où le diagnostic est précoce, sans manifestation clinique. Les facteurs aggravant le risque de cancer controlatéral sont l’âge du diagnostic du premier cancer, le délai entre le premier cancer et le cancer controlatéral, les antécédents familiaux, l’histologie du premier cancer et une éventuelle radiothérapie. Le tamoxifène à titre adjuvant et/ou une chimiothérapie du premier cancer diminuent le risque. Les modalités de la surveillance du sein controlatéral sont bien codifiées mais pas toujours respectées. Une mammographie annuelle, nécessaire et suffisante, sera comparée aux examens précédents. La découverte d’une anomalie doit entraîner un complément d’investigations, les examens devant être réalisés rapidement car toute anomalie découverte entraîne, chez la femme, une anxiété majeure. ■ La prise en charge radiologique du cancer du sein et plus particulièrement des lésions infracliniques est une situation à haut risque juridique que V. Hazebroucq (Paris) situe à trois niveaux. La découverte secondaire d’un cancer du sein après qu’un examen de dépistage individuel ou un mammotest de dépistage de masse ait été considéré comme négatif ; il faut alors déterminer s’il s’agit d’un cancer inapparent ou d’un cancer “manqué” et évaluer la possibilité d’une faute entraînant la responsabilité du radiologue et les éventuelles conséquences du retard au diagnostic. La prise en charge des explorations complémentaires : cytoponction, microbiopsies directes ou guidées, repérage, radiographies de pièce opératoire peuvent engager la responsabilité du radiologue en cas d’incident ou de malfaçon. Il est indispensable d’obtenir un consentement éclairé et le respect des bonnes pratiques. Le suivi après la découverte d’une lésion chez une femme venue de sa propre initiative. L’information sur la nécessité d’une prise en charge dans un milieu spécialisé doit être claire et documentée. Le radiologue peut être amené à faire la preuve que cette information a bien été fournie à la patiente. La deuxième journée a été marquée par la conférence du Professeur Chardot sur “les interrogations éthiques en cancérologie”. Il n’est pas possible de résumer en quelques lignes cette lecture, fruit d’une longue expérience et d’une réflexion approfondie sur des problèmes actuels : – le rôle des médecins dans l’information et le consentement éclairé des malades cancéreux : tâche difficile car de nombreux facteurs interviennent (état du malade, angoisses, pression des médias, des laboratoires…) et sujet d’actualité (États Généraux des Malades du Cancer réunis par la Ligue Nationale contre le Cancer) ; – l’accompagnement des malades en cours de traitement et dans le suivi postthérapeutique et l’apport bénéfique des bénévoles ; – les progrès de la génétique et la création de consultations ; – la prévention et le dépistage, bénéfiques pour l’individu et la politique de santé de la collectivité. Le médecin ne peut agir seul. Une collaboration multidisciplinaire cohérente et efficace d’institutions comme les CLCC doit s’élargir et intégrer les compétences d’économistes, de juristes, de philosophes, de théologiens. L’objectif final est de guérir en donnant au malade une qualité de vie et une autonomie sans médico-dépendance. La Lettre du Sénologue - n° 6 - novembre 1999