L’Institut national du cancer (INCa) Entretien...

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Entretien...
L’Institut national du cancer
(INCa)
Entretien avec D. Khayat, (président de l’INCa, Paris)
> Réalisé par G. Mégret
Une des activités favorites du Français consiste à reprocher aux décideurs leurs promesses non tenues.
Et quand bien même celles-ci aboutissent, il se plaît à stigmatiser le retard pris par rapport à la décision initiale. Heureusement, quelques exceptions remarquables viennent contrecarrer ce mauvais procès
hexagonal. L’Institut national du cancer en est une illustration pratique dont tous les acteurs de la lutte
contre le cancer ne peuvent que tirer profit et, par voie de conséquence, faire bénéficier rapidement les
malades. Voici quelques éléments historiques, le présent et l’avenir de ce centre décisionnel et opérationnel de lutte contre le cancer qu’est l’INCa, grâce aux éclairages de son président, D. Khayat.
Du Plan Cancer à l’INCa
> 24 mars 2003
Lancement du plan de mobilisation nationale contre le cancer par Jacques Chirac. Le Président de la République y présente les 70 mesures préconisées. “Rattraper notre retard
en matière de prévention et de dépistage. Soigner plus
humainement. Donner une impulsion nouvelle à la recherche.
Pour mettre en œuvre ces priorités, il faut une structure
d’impulsion et de pilotage stratégique. Ce sera le rôle de
l’Institut national du cancer…”
> 7 mai 2003
À peine 6 semaines plus tard, création de la Mission interministérielle de lutte contre le cancer (MILC), dirigée par
P. Briand. Elle a la charge de coordonner la mise en œuvre
du plan de lutte contre le cancer. Entre autres, jusqu’à la
création de l’INCa, elle doit évaluer les dispositifs existants
en cancérologie et préparer, sur les plans technique et
administratif, la mise en place de l’INCa.
> 24 mai 2005
Deux ans plus tard – ce qui, n’en déplaise aux grincheux,
étant donné la dimension nationale et les implications
internationales de l’Institut, reste un délai tout à fait
raisonnable –, lancement de l’INCa. D. Khayat, dans son
discours inaugural, mettait l’accent sur les trois types
majeurs de participants impliqués dans la lutte contre le
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cancer : les chercheurs, les soignants et, bien entendu, les
malades. “… L’ensemble des acteurs a voulu la naissance
de l’INCa : les malades, qui ne veulent plus accomplir un
parcours du combattant pour recevoir leurs soins ; les
équipes de chercheurs, qui souhaitent trouver des synergies
et disposer des matériels les plus modernes ; et encore les
médecins, les soignants, qui veulent être entendus…”
Sans doute faut-il y ajouter un quatrième partenaire déterminant – selon la formule “sans qui rien ne serait possible“–,
à savoir le bailleur de fonds (ou les pouvoirs publics), qui,
par la tutelle du ministère de la Santé et de la Recherche,
finance l’INCa à hauteur de 70 millions d’euros pour 2005,
puis de 100 millions annuels ultérieurement, et permet
au cancer de mobiliser chaque année depuis 2003 plus de
110 millions d’euros de mesures financières nouvelles.
L’osmose avec les structures existantes
Mais on conçoit bien qu’une structure nationale, publique
– et pour autant autonome –, impliquée en permanence
dans la recherche, l’organisation des soins (à l’exclusion des
soins eux-mêmes), le développement de la prévention et
l’information des malades ait un besoin impératif de partenaires afin de créer une osmose efficace et une réactivité
rapide. Ces pontages avec des structures en place, grands
organismes administratifs ou centres de recherche reconnus, témoignent d’une volonté affirmée de l’INCa de placer
La Lettre du Cancérologue - Suppl. Les Actualités au vol. XIV - n° 4 - novembre 2005
le cancer au centre des objectifs poursuivis par la politique
nationale de santé. Ainsi, la LNC, l’ARC, la CANAM, l’UNCAM,
l’Inserm, le CNRS mais aussi les grandes fédérations hospitalières (FHP, FHF, FNCLCC, FEHAP) participent activement
au Groupement d’intérêt public (le GIP), forme juridique
spécifique dont l’INCa s’est doté.
Un institut, certes, de dimension nationale, mais quid des
hommes qui le composent et le font vivre ? Outre le conseil
d’administration, l’INCa regroupe 150 permanents au sein
de services financiers, sociaux, juridiques ou de communication et de nombreux départements tels que biologie
du cancer, recherche clinique, biostatistiques en sciences
humaines, relations institutionnelles, prévention, dépistage
et information des publics ou encore amélioration de
la qualité des soins et relations internationales. Il faut
aussi souligner l’existence d’un Comité des
malades, de leurs proches et des usagers
(CMPU) et d’un Comité de déontologie
(J.L. Binet, E. Couty et M.Tubiana), ainsi
que d’un conseil scientifique international présidé par D. Maraninchi et
composé d’experts français et internationaux dans toutes les disciplines fondamentales et cliniques
en oncologie.
Des missions multiples
La diversité et l’importance des
missions confiées à l’INCa
dépassent de très loin
l’horizon 2007, qui doit
marquer, théoriquement, la fin du Plan cancer, dont l’INCa
est en quelque sorte le premier dépositaire. Depuis son lancement il y a deux ans et demi, des progrès incontestables
en matière de prévention (offensive tous azimuts contre le
tabac), de dépistage (sein, cancer colorectal et utérus) et
d’accession à des soins de qualité pour tous ont déjà été
réalisés. Mais les résultats obtenus ne peuvent pas encore
être attribués à l’INCa, même s’il a dorénavant la charge de
poursuivre toutes ces opérations. S’y ajoute une fonction
d’élaboration et de diffusion des critères de qualité en cancérologie afin que les établissements de santé, hôpitaux et
réseaux puissent, à travers une autorisation de traitement
du cancer (courant 2006), fournir à chaque malade des
traitements adaptés, individualisés et conformes aux données scientifiques actuelles. La recherche constitue, bien
entendu, une partie indissociable de ses attributions,
sachant que l’INCa ne se pose pas en concurrent des grands
organismes (Inserm, CNRS), mais plutôt en coordinateur et
en soutien, y compris financier, de programmes et de
travaux interdisciplinaires.
L’international, enfin, n’échappe pas aux prérogatives de
l’INCa, d’autant plus que des compétences étrangères –
y compris états-uniennes, comme quoi la médecine
d’outre-Atlantique peut aussi se reconnaître dans celle
de l’Hexagone – figurent dans son Conseil scientifique.
Un réseau européen de collaboration portant sur la
recherche, la prévention, l’enseignement et la
formation va être développé. De même,
l’INCa va s’efforcer d’exporter dans
d’autres pays son expérience
de structure originale centralisatrice afin de faire
naître d’autres instituts
nationaux de fonctionnement analogue.
Si l’on ajoute enfin la
volonté affichée par l’INCa
de favoriser les rapports
tripartites entre lui-même,
l’Université et l’entreprise privée afin d’optimiser la recherche
– entre autres pour l’émergence
de nouveaux traitements –, on
peut mesurer l’ampleur des
tâches qui l’attendent.
Sans se laisser aller à
un optimisme béat, on
peut donc raisonnablement considérer que nous sommes, avec la “feuille de
route” présentée et l’ambition clairement exprimée par
l’INCa, bien au-delà des louables déclarations d’intention.
De cette feuille de route, D. Khayat disait d’ailleurs, en
guise de conclusion, dans son éditorial de présentation de
l’INCa : “C’est une plate-forme de dialogue : elle est à
l’image de la méthode participative que nous proposons à
nos partenaires, à tous ceux avec qui nous œuvrons, et aux
malades qui sont au cœur de notre action. Pour eux, pour
tous nos concitoyens, l’Institut national du cancer doit très
vite incarner le droit à l’espoir. Avec le Conseil d’administration, le Conseil scientifique international, le Comité des
usagers et des malades, le Comité de déontologie et l’ensemble des équipes de l’Institut national du cancer, je m’y
■
engage”.
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