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té, des modes de confrontation des couches sociales, du temps, des racines et des
généalogies, c’est lui permettre de mieux déployer toute son efficacité.
On lui demande souvent de se mettre au service d’intérêts qui ne relèvent pas de son
domaine ou d’appliquer des mesures contraires à son éthique, qui est celle d’une
réponse thérapeutique face à l’expression d’une souffrance pathologique et d’une
demande d’aide. La situation est parfois caricaturale, comme on l’a vu récemment
dans la question de la délinquance sexuelle. La juste limitation de son domaine est
d’ailleurs difficile à trouver, comme dans la superposition d’une partie de son
champ avec celui du médico-social.
Avec amertume, on serait tenté de dire : on lui demande toujours beaucoup, on ne la
comprend pas souvent et on ne lui reconnaît jamais rien.
• Pourtant, la psychiatrie est au cœur d’une logique de santé publique et elle a été,
dès les années soixante, la première discipline à intégrer cette démarche, aujour-
d’hui encore timidement appliquée ailleurs.
• Pourtant, la désinstitutionnalisation a été massive, malheureusement sans une suf-
fisante amélioration des conditions d’hébergement. Dorénavant, la baisse du
nombre des lits ne veut plus rien dire dans une discipline dont les actions ne se
mènent plus au chevet du patient mais dans la cité, et s’étendent à la réintégration
de l’homme dans son milieu grâce à toute la dynamique de réinsertion qui a été mise
en place.
• Pourtant, la psychiatrie développe une problématique de citoyenneté, où les
malades ne sont plus nos malades mais des personnes à part entière, des usagers,
des citoyens atteints par la maladie. Elle réintroduit le subjectif et l’humain dans une
évolution toujours plus technique de la médecine. Elle promeut l’aspect relationnel
du soin comme lieu de restauration de la liberté. Elle privilégie le Sujet comme
acteur de son destin.
• Pourtant elle est, par ce regard particulier porté sur l’humain, par le très riche débat
d’idées qu’elle sous-tend et par le développement de la recherche au sein de la fédé-
ration de ses nombreuses sociétés scientifiques, extrêmement porteuse d’avenir.
Non, vraiment, on ne lui reconnaît rien : les infirmiers psychiatriques sont en lutte
depuis 4 ans pour leur reconnaissance sociale et leur qualification et cette bataille
laisse apparaître combien le désintérêt qu’on leur témoigne correspond au mépris
social scandaleux dont le malade mental reste l’objet. Dans le même temps, plu-
sieurs centaines de postes de praticien hospitalier demeurent non pourvus faute du
manque d’attractivité de la carrière publique. La démédicalisation guette, les postes
des paramédicaux sont en diminution constante quand le développement de l’extra-
hospitalier et l’accroissement des demandes supposent au contraire plus de moyens.
Les patients et leurs familles sont en attente de places qui font défaut dans les insti-
tutions médico-sociales et les lieux de réinsertion.
Monsieur le Ministre, les professionnels de la santé mentale, les patients et leurs
proches ont besoin de reconnaissance. Certes, cela va de pair avec un travail d’amé-
lioration des représentations sociales de la maladie mentale, mais, plus directement,
la reconnaissance de la psychiatrie passe par la défense de sa spécificité : spécifi-
cité de son domaine, celui de la personne, de son champ, qui dépasse celui d’une
médecine pure, du type de soins, essentiellement relationnel, de son organisation, le
secteur, et de ses actions, surtout extra-hospitalières. Même si une telle position irri-
Allocution d’ouverture
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (15), n° 211, juin 1998