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La Lettre du Gynécologue - n° 297 - décembre 2004
a Société canadienne du cancer estime qu’il y aura
environ 1350 nouveaux cas de cancer du col utérin et
410 décès attribuables à ce cancer au Canada en 2004.
Au Québec, on prévoit 270 nouveaux cas et 85 décès. Par ailleurs,
les chiffres pourraient être supérieurs compte-tenu d’une sous-
déclaration possible au fichier des tumeurs du Québec. Environ la
moitié des nouveaux cas de cancer invasif du col utérin se retrou-
vent chez des femmes qui n’ont pas eu de cytologie ou dont la
plus récente remonte à plus de cinq ans et qui, dans la très grande
majorité des cas, présentent des facteurs de risque identiques tels
que des relations sexuelles précoces et un nombre élevé de parte-
naires sexuels.
Le dépistage opportuniste est largement pratiqué au Canada et y
est responsable d’une diminution importante de l’incidence du
cancer du col utérin, cette dernière étant passée de 21,6 par
100 000 femmes en 1969 à 8 pour 100 000 femmes en 2004.
Quant à la mortalité, elle est passée de 7,4 par 100 000 femmes en
1969 à 2 par 100 000 femmes en 2004. Malheureusement, le
dépistage opportuniste du cancer du col utérin résulte en un sur-
dépistage chez certaines femmes et en un dépistage inadéquat
chez d’autres, habituellement les plus sujettes à la survenue d’un
tel cancer.
Àplusieurs reprises, divers groupes d’études ont proposé l’organi-
sation de véritables programmes de dépistage systématique du can-
cer du col utérin partout au Canada, tel qu’il en existe en
Colombie-Britannique et en Europe, particulièrement en Finlande.
Un tel programme implique divers aspects, notamment : l’élabora-
tion de lignes directrices, l’éducation du public, la signature d’un
consentement explicite de la femme, un système d’information
adéquat, la formation du personnel, l’identification de la popula-
tion ciblée, une procédure adéquate de recrutement et de rappel des
femmes à intervalles réguliers particulièrement de celles à haut
risque, un prélèvement satisfaisant du spécimen cervico-vaginal,
des laboratoires avec programmes d’assurance-qualité, une prise
en charge compétente des frottis anormaux ainsi qu’une évaluation
constante de la qualité du programme lui-même.
Jusqu’à maintenant le dépistage du cancer du col utérin a surtout
été assuré par le frottis cervico-vaginal. Ce test, simple, peu coû-
teux et élaboré par Papanicolaou (1883-1962), a provoqué une
diminution importante de la mortalité par cancer du col utérin
dans les pays où son utilisation a été répandue. Il est intéressant de
rappeler que c’est sans aucune étude randomisée que la cytologie
cervico-vaginale s’est révélée être le test de dépistage d’un cancer
le plus performant en médecine. Les succès obtenus par le dépis-
tage opportuniste ont donné des arguments à ceux qui s’opposent
à la mise sur pied de programmes systématiques de dépistage.
Quoi qu’il en soit il faudra trouver des moyens pour en arriver
d’une part à dépister d’une facon adéquate les femmes à haut
risque qui n’ont jamais de dépistage et, d’autre part diminuer le
“surdépistage” des femmes qui ne sont pas à risque élevé.
Depuis quelques années, de nouvelles techniques pointent à
l’horizon dont le frottis en milieu liquide associé ou non à la
recherche de l’ADN du papilloma virus (HPV) et le dépistage
automatisé. Bien que le “National Institute for Clinical Excellence
(NICE)” du Canada aie recommandé en 2003 que le frottis en
milieu liquide soit utilisé d’une facon prioritaire dans le dépistage
du cancer du col utérin au Canada, le frottis conventionnel
demeure encore le test de dépistage le plus utilisé. Les nouveaux
tests de dépistage dont le rapport coût-bénéfice reste encore à
démontrer pourraient réduire le nombre de frottis faux négatifs
chez les femmes qui ne sont pas à haut risque mais non chez les
femmes à haut risque. Par ailleurs, comparativement aux frottis
conventionnels, les frottis en milieu liquide diminuent le nombre
de frottis insatisfaisants. Ces deux dernières constatations condui-
sent certains auteurs à préconiser un dépistage combiné associant
le frottis en milieu liquide et la recherche d’ADN-HPV chez les
femmes âgées de plus de 30 ans. Ainsi, ce type de dépistage pour-
rait augmenter celui des lésions malpighiennes de grade élevé
(HSIL), diminuer l’incidence du cancer du col utérin et augmenter
l’intervalle entre les prélèvements, tous ces facteurs pouvant pro-
voquer des économies substantielles.
Au Québec, les cancers les plus fréquents susceptibles de dépis-
tage sont les cancers du sein, du côlon-rectum et de la prostate.
Seul le cancer du sein profite d’un programme de dépistage systé-
matique. Le cancer colorectal aura peut-être bientôt un tel pro-
gramme alors que cela n’est pas encore le cas pour le cancer de la
prostate étant donné toutes les controverses scientifiques liées au
dépistage de ce cancer.
Environ 125 cas de cancer envahissant du col utérin sont diagnos-
tiqués annuellement dans la région de Montréal Centre. En février
2002, les Drs Michèle Deschamps et Pierre Band ont publié une
étude exhaustive présentée dans un document qui avait pour
objectif de dresser un bilan complet des activités de dépistage du
cancer du col utérin à Montréal, d’en évaluer les limites et les
lacunes, de proposer un plan d’action pour l’amélioration des ser-
vices et pour la mise en œuvre de projets de démonstration d’un
programme de dépistage sur une base de population qui pourrait
s’étendre à l’échelle du Québec. À mon avis, il y aurait lieu de
donner suite à ce rapport en organisant le plus tôt possible un
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DITORIAL
Réflexions à propos des cancers du col utérin
Pierre Audet-Lapointe*
* Médecin-conseil. Équipe prévention du cancer, direction de la santé publique,
agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services
sociaux de Montréal. E-mail : [email protected].
L
projet pilote pour la région de Montréal.
La recherche clinique, actuellement en cours, laisse entrevoir
des perspectives intéressantes dans le domaine de la préven-
tion. En effet, c’est plutôt à court terme qu’on croit obtenir un
vaccin en vue de prévenir et même traiter des infections HPV
et des lésions dysplasiques déjà existantes. Le Dr Richard
Winder du “National Health Services Cancer Screening
Programme” du Royaume-Uni a déclaré à Ottawa qu’il pré-
voyait que des vaccins contre le HPV seraient disponibles d’ici
cinq ans. D’après lui, un vaccin contre le papilloma virus
humain type 16 pourrait réduire l’incidence mondiale du can-
cer du col utérin de 57%, offrirait une plus grande protection
que la cytologie et aurait un impact déterminant sur les pro-
grammes systématiques de dépistage du cancer du col utérin.
Rappelons que le type 16 est prévalent dans 57,6% des cas de
cancer du col utérin selon une étude de Lowy publiée en 2003.
Koutsky et al. ont rapporté, en 2002, 100% d’efficacité du vaccin
à la suite d’un suivi de 15 mois d’un groupe de femmes âgées de
16 à 23 ans.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Bergeron C. Éditorial: quel frottis en 2003? La Lettre du Gynécologue
2003;286:3.
Building on Success, a Pan-Canadian Forum on Cervical Screening, Ottawa, 21-
22 novembre 2004, Report of Proceedings.
Deschamps M, Band PR, Xu N. Le dépistage du cancer du col utérin. État de
situation dans la région de Montréal Centre et éléments critiques pour améliorer ce
dépistage. Étude conduite en collaboration avec les chefs de pathologie et les chefs
de cytologie de la région Montréal Centre. Direction de la Santé Publique de
Montréal Centre et Institut national de la santé publique, février 2002.
Lotocki RJ. Viewpoints: cancer of the cervix: there is room for improvement!
Obstetrics and Gynaecology Canada 2004;8(1):2.
Institut national du cancer du Canada. Statistiques canadiennes sur le cancer
2004. www.cancer.ca.
Koutsky et al. NEJM 2002;november 21.
Lowy. JNCI Monographs 2003;31.
www.cancerscreening.nhs.uk.
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DITORIAL
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La Lettre du Gynécologue - n° 297 - décembre 2004
Vaginal and laparoscopic vaginal surgery
Daniel Dargent, Denis Querleu, Marie Plante, Karina Reynolds
On sait ce que doit la chirurgie gynécologique en France à Daniel Dargent. Il est celui qui a redonné
à la voie vaginale ses lettres de noblesse notamment dans la pratique de l’hystérectomie et dans la
prise en charge des troubles de la statique pelvienne. En outre, l’accord est unanime, dans et en
dehors de nos frontières, pour reconnaître que la voie cœliovaginale, dans le domaine de l’oncologie
gynécologique, a connu son avènement et son évolution sous la double influence du même Daniel
Dargent et de Denis Querleu. L’originalité de leur démarche a réussi avec les difficultés que l’on
imagine a convaincre la France et le monde de son intérêt. Aujourd’hui, ils publient en collaboration
avec M. Plante et K. Reynolds, un ouvrage de référence dont l’objectif est la démonstration des tech-
niques chirurgicales pelviennes. Ce volume est exhaustif, abordant l’ensemble des gestes concernant
la pratique opératoire : du plus “simple” a priori, la conisation au plus “sophistiqué”, la trachélecto-
mie élargie.
Richement iconographié, cet ouvrage mérite d’être lu par tout chirurgien gynécologue quel que soit son niveau de pratique. Il est
clair, didactique et pratique dans sa conception et son illustration. On sait les résistances qui existent encore à la diffusion de ces
techniques dont on aurait tort de penser que l’avantage s’exprime seulement en termes de moindre contrainte opératoire.
Depuis longtemps Daniel Dargent et Denis Querleu défendent l’idée que l’abord cœliovaginal est sur les plans anatomique, chirurgi-
cal et oncologique, la voie d’excellence que tout chirurgien gynécologue devrait privilégier.
Leur message, dont on sait l’ancienneté, commence seulement à convaincre la majorité des opérateurs. Le chemin est encore long pour
obtenir l’adhésion de tous à une pratique moderne de la chirurgie gynécologique pelvienne. Mais son aboutissement ne fait pas de doute...
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