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...avec le Pr Philippe Azouvi* sur
l’efficacité de la rééducation de l’hémiplégie vasculaire
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La rééducation bénéficie-t-elle à tous les
patients ou à certains d’entre eux ?
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Il semble que l’effet de la rééducation soit plus important sur les
hémiplégies de gravité modérée. Ce sont ces patients qui semblent profiter le plus de la rééducation. Les hémiplégiques les
plus légers récupèrent bien de toute façon, et sur les hémiplégies
les plus graves, l’effet de la rééducation est malheureusement
plus limité.
Toutefois, cela ne signifie pas qu’il n’y ait rien à faire pour les
hémiplégiques les plus graves. En particulier, un travail réalisé
par l’équipe de Wade en Angleterre, sur un sous-groupe d’hémiplégiques très graves, a montré qu’une prise en charge dans
une structure spécialisée avait tout de même une efficacité. En
effet, même si ces patients ne s’amélioraient pas plus en termes
de déficit neurologique ni en termes d’indépendance fonctionnelle, le taux de mortalité, la durée de séjour ainsi que les
chances de retour au domicile étaient meilleurs chez les patients
traités en unité spécialisée, par rapport à des patients pris en
charge dans une unité de médecine générale.
Il n’y a donc pas a priori de raison pour refuser l’accès à des
structures de rééducation à des patients qui présentent une
hémiplégie grave.
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Quand débuter la rééducation : précocement ou
de façon retardée ?
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La réponse à cette question est d’abord une réponse de bon
sens : le plus tôt possible. Ottenbacher et Jannell, dans une
méta-analyse récente, constataient que l’effet de la rééducation
était plus important quand celle-ci était réalisée précocement.
Toutefois, en tenant compte bien entendu des possibilités pratiques et du contexte. Dans certains cas, la gravité du tableau
* Service de rééducation neurologique,
hôpital Raymond-Poincaré, Garches.
La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000
initial, la nécessité des soins médicaux vitaux font que la rééducation active doit être retardée. Cela ne doit toutefois pas empêcher les mesures de rééducation passive visant à protéger l’état
cutané et à entretenir l’état articulaire pour éviter les rétractions.
Toutefois, si la rééducation active doit être retardée pour ces différentes raisons, il ne semble pas que cela modifie de façon
importante le pronostic fonctionnel final. Ainsi, certains travaux
ont comparé l’évolution de l’aphasie ou de la négligence de
patients rééduqués précocement avec celle de patients pris en
charge plus tardivement (après deux mois). À terme, il n’y avait
quasiment pas de différence entre les deux groupes. Le retard
initial peut ainsi être rattrapé.
On peut donc dire en résumé que si la rééducation doit bien sûr
être débutée le plus tôt possible, elle n’est jamais une urgence
sauf en ce qui concerne les mesures passives de protection de
l’état cutané et articulaire.
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Doit-on rééduquer les patients au-delà d’une
année sur les plans moteur et du langage ?
Il y a peu d’études sur ce sujet. Il est certain, là encore, que l’efficacité de la rééducation est proportionnellement moins
importante à ces stades tardifs. Les rééducations dites d’ “entretien” à un rythme peu intensif (une séance par semaine) n’ont
jamais fait la preuve d’une réelle efficacité. Toutefois, dans certains cas bien ciblés, il est possible d’améliorer à un stade tardif certains symptômes déficitaires par une prise en charge
intensive. Cela a pu être montré, par exemple, sur la rééducation de la marche chez des patients vus environ deux ans après
l’accident et chez qui une rééducation très ciblée a permis
d’améliorer la vitesse de marche. Toutefois, après l’arrêt de
cette prise en charge, les patients revenaient à l’état initial, et
on peut donc penser qu’il aurait fallu poursuivre sur une durée
plus longue cette rééducation. Dans certains cas d’aphasie également, des prises en charge cognitives très spécialisées ont pu
améliorer certains symptômes déficitaires de l’aphasique à un
stade chronique.
Toutefois, ces améliorations ne concernent certainement pas
tous les patients et il est donc essentiel de bien en cibler les indications.
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Quelles sont la durée et la fréquence optimales
de la rééducation, par jour, par semaine (combien
de séances hebdomadaires et sur quelle durée) ?
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Il n’y a pas de réponse définitive à cette question qui n’a pas
réellement fait l’objet d’études contrôlées. Toutefois, il est clair
que l’efficacité de la rééducation dépend en grande partie de son
intensité. Quelques études peu nombreuses ont comparé l’effet
d’une rééducation intensive versus une rééducation plus
conventionnelle et ont montré un bénéfice léger mais significatif en faveur des traitements intensifs. Cela est également vrai
pour la rééducation de l’aphasie. Comme le notait récemment
Joseph, des études anciennes, qui utilisaient des durées courtes
de rééducation hebdomadaires du langage (moins de 2 heures),
avaient rapporté des résultats négatifs, alors que la plupart des
études ayant utilisé des durées de 5 heures par semaine ou plus
de rééducation orthophonique ont pu mettre en évidence un
effet significatif.
L’idéal serait donc d’avoir, dans les trois premiers mois de l’accident vasculaire cérébral, une séance par jour de 45 minutes
d’orthophonie et de rééducation motrice, et ce quatre ou cinq
jours par semaine. Cela n’est toutefois pas toujours possible, en
particulier du fait du faible nombre de rééducateurs disponibles
dans les services non spécialisés.
à
Quand arrêter la rééducation orthophonique
motrice ?
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Là encore, cette question n’est pas complètement résolue.
Comme on l’a vu plus tôt, il est certain que la rééducation la
plus efficace est celle qui est pratiquée précocement, dans les
trois à six premiers mois. Au-delà d’un an, l’efficacité décroît
même si elle n’est pas nulle. Aucune étude contrôlée ne permet
donc de répondre formellement à cette question. La pratique
veut qu’il soit habituel de réduire le nombre de séances de
rééducation au-delà de la première année. Cela doit toutefois
être évalué au cas par cas, et il peut être utile chez certains
patients de reprendre, après quelques mois d’interruption,
durant une période de un à deux mois, une rééducation plus
intensive en centre spécialisé de façon à éviter que le patient ne
perde ce qu’il a pu acquérir.
Aucune étude clinique n’a pour l’instant démontré de façon
convaincante l’efficacité de médicaments sur la récupération
neurologique. Des données expérimentales obtenues chez l’animal laissent penser que dans l’avenir certaines drogues, notamment des dérivés des amphétamines, pourraient être utiles. Cela
demande à être confirmé chez l’homme.
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L’objectif principal de l’ergothérapie est la réacquisition de
l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne (habillage, toilette, prise de la douche ou du bain, par exemple).
L’ergothérapie est également utile dans la rééducation du
membre supérieur de l’hémiplégique, même si, là encore, nous
manquons d’études contrôlées qui démontrent l’efficacité de ce
type de prise en charge. Enfin, les ergothérapeutes ont une compétence spécifique dans la rééducation de la négligence unilatérale qui, comme nous l’avons vu, est un point important de la
rééducation des hémiplégiques gauches.
É F É R E N C E S
B I B L I O G R A P H I Q U E S
Faut-il rééduquer la négligence ?
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La réponse est certainement oui, même si l’efficacité des rééducations de la négligence unilatérale reste discutée. Il est certain
que la négligence joue un rôle péjoratif sur la récupération de
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Quelle est la place de l’ergothérapie ?
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Y a-t-il des médicaments qui potentialisent
l’effet de la rééducation ?
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l’autonomie dans les activités de la vie quotidienne. La rééducation traditionnelle de la négligence unilatérale est essentiellement empirique, fondée sur un réentraînement de l’exploration
visuelle vers la gauche en utilisant un indiçage à gauche.
L’efficacité de ces traitements semble cependant surtout marquée sur les tâches utilisées en rééducation et se généralise peu à
des situations non directement travaillées. Le transfert des acquis
dans les activités de la vie quotidienne reste incertain. Toutefois,
plus récemment, certaines publications ont pu démontrer l’intérêt d’autres techniques de prise en charge, telles que l’activation
motrice de l’hémicorps gauche ou encore l’adaptation à des
prismes, déviant de 10 ° les images vers la droite. L’efficacité de
ces techniques demande encore à être confirmée.
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• Azouvi P. La rééducation améliore-t-elle les troubles secondaires à l’atteinte de
l’hémisphère mineur ? Annales de Réadaptation et de Médecine Physique 1997 ;
40 : 205-11.
• Joseph P.A. Quand doit-on commencer la rééducation orthophonique chez
l’hémiplégique aphasique ? Selon quelles modalités et pendant combien de
temps ? Annales de Réadaptation et de Médecine Physique 1998 ; 41 : 53-65.
• Ottenbacher K.J., Jannell S. The results of clinical trials in stroke rehabilitation
research. Archives of Neurology 1993 ; 50 : 37-44.
La Lettre du Neurologue - n° 1 - vol. IV - février 2000
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