Dossier thématique
Le Courrier de colo-proctologie (V) - n° 1 - janv.-fév.-mars 2004
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et lui préférer “être violé ou agressé”.
De plus, il serait très préjudiciable de
mettre en doute la parole de la victime
ou de se laisser aller à une écoute
dubitative. De même, conseiller l’oubli
ou chercher à banaliser peut consti-
tuer en soi une violence morale.
L’interrogatoire sera minutieux et
méthodique et devra toujours faire
préciser :
– la date, l’heure, le lieu de l’agression,
le nombre et la qualité des agresseurs ;
– les circonstances de l’agression :
coups et blessures, violences verbales,
séquestration, etc.
– les événements associés : perte de
connaissance, chute, prise d’alcool, de
drogues, de médicaments, etc.
– le déroulement de l’agression : attou-
chements (et, si oui, de quelle nature,
pénétration, éjaculation, port d’un
préservatif ;
– le comportement après l’agression :
toilette, changement de vêtements,
prise de médicaments, d’alcool…
Seront aussi notés les antécédents
médicaux, chirurgicaux, familiaux
ainsi que l’attitude de la victime.
L’
EXAMEN
Il a pour but de dépister et traiter
les traumatismes physiques et psy-
chiques, de prévenir et traiter les
maladies sexuellement transmissibles
et de rassembler l’ensemble des don-
nées acquises pour rédiger un certifi-
cat médical initial. Il ne peut être
effectué sans l’accord de la victime.
Il peut aussi s’avérer que sa réalisa-
tion nécessite qu’il soit accompli
sous anesthésie générale
3
. Il com-
prendra :
– la date et l’heure de son déroulement,
le délai écoulé depuis l’agression ;
– un examen cutanéo-muqueux rigou-
reux de l’ensemble du corps. Les lé-
sions éventuelles seront précisément
décrites (siège, taille, aspect, ancien-
neté estimée, etc.) ;
– un examen anopérinéal complet pré-
cisant les données de l’inspection de
la palpation, des toucher anal et rectal,
de l’anuscopie et de la rectoscopie ;
– la réalisation de prélèvements.
L
ES PRÉLÈVEMENTS
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En cas d’agression récente, ils ont un
double but : médico-légal, d’une part
(recherche de spermatozoïdes, identi-
fication génétique de l’agresseur). Si
l’agression est ancienne, le but est
simplement médical (évaluation de
l’état de santé, dépistage des compli-
cations).
Les prélèvements médico-légaux
seront réalisés avec des gants. Chaque
prélèvement sera numéroté et identi-
fié avec un étiquetage rigoureux.
L’ensemble sera reporté dans l’obser-
vation et le certificat. Les modalités
des prélèvements du sperme à des fins
d’identification génétique ainsi que
les délais dans lesquels ils sont réali-
sables sont décrits dans l’article
d’Hervé Hudziac, p. 17.
Les prélèvements médicaux com-
prendront :
– la recherche de germes banals, de
gonocoques, de Chlamydia, de trépo-
nèmes ;
– une histologie en cas de lésions sus-
pectes avec imunohistochimie pour
l’herpès ;
– un test de grossesse chez la femme ;
– un bilan biologique à J0 puis
J + 1mois, 3 mois, 6 mois, 12 mois
(sérologie VIH, HTLV, hépatite B etC,
herpès, Chlamydia (recherche d’une
séro-conversion), transaminases) ;
– une recherche de toxiques si le
contexte y incite (prélèvement sanguin
pour antidépresseurs tricycliques,
benzodiazépines, barbituriques, etc.,
et prélèvement urinaire pour antidé-
presseurs, benzodiazépines, barbitu-
riques, carbamates, phénothiazines,
cannabis, amphétamine, cocaïne, métha-
done, opiacés, éthanol, ectasy, etc.).
L
E CERTIFICAT MÉDICAL
Il doit comprendre : l’identité du
médecin signataire, l’identité de la
victime, la date et l’heure de l’exa-
men, les déclarations de la victime
en reprenant ses mots (la victime
dit : “...”), les constatations de l’exa-
men clinique, la nature des prélève-
ments effectués, une conclusion com-
portant éventuellement la durée d’une
ITT et la prévision d’une IPP, la
signature du médecin sur chaque page
du certificat, le nom du médecin, de
la victime et la date de l’examen sur
chaque page. Point essentiel, le méde-
cin ne doit pas reprendre les dires de
la victime à son propre compte, quali-
fier l’infraction ou en désigner l’au-
teur, conclure à l’absence d’agression
en cas de négativité de l’examen. Des
modèles de certificat sont donnés en
encadrés 1 et 2
.
A
SPECTS DÉONTOLOGIQUES
ET LÉGAUX
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Le secret médical reste un pilier de
l’exercice de la médecine. Il est défini
dans l’article 4 du Code de déontologie :
“Le secret professionnel, institué dans
l’intérêt des patients s’impose à tout
médecin dans les conditions établies
par la loi. Le secret couvre tout ce qui
est venu à la connaissance du méde-
cin dans l’exercice de sa profession,
c’est-à-dire non seulement ce qui lui
a été confié, mais aussi ce qu’il a vu,
3. Interrogé sur la possibilité d’effectuer sous
anesthésie générale l’examen d’enfants victimes
d’abus sexuels, le Comité consultatif national
d’éthique a rappelé dans son avis du 20 février
1997, que la logique judiciaire doit s’effacer devant
l’intérêt de l’enfant. En d’autres termes, un examen
sous anesthésie générale ne peut être indiqué
que s’il y va du seul intérêt de l’enfant.
De plus, même si l’examen est utile à l’enfant,
il ne peut en aucun cas être réalisé sans son
consentement. http://www.ccne-ethique.org.
4. En cas de réquisition, le préciser sur la fiche de
renseignements cliniques et faire les prélèvements
en double pour une éventuelle contre-expertise.
5. http://www.conseil-national.medecin.fr.