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Ventilation à domicile au long cours
dans les myopathies de l’adulte.
Les principes de la prise en charge
● J.C. Raphael*
Points forts
Il existe de nombreuses myopathies susceptibles de provoquer une atteinte respiratoire.
• Leur prise en charge est complexe et nécessite des équipes multidisciplinaires.
• La gravité du syndrome restrictif est habituellement sous-estimée.
• La mesure de la capacité vitale, à l’état stable, est indispensable.
• L’indication d’une “ventilation de nécessité” repose sur l’existence d’une hypercapnie diurne (PaCO2 supérieure ou égale à
45 mmHg) et/ou d’une capacité vitale inférieure à 30 % des valeurs théoriques.
• Le bénéfice d’une ventilation dite “de prévention” chez les patients qui n’ont pas ces critères de gravité reste à démontrer.
• Il est indispensable d’établir un suivi de ces patients traités à domicile, ce qui impose de travailler en réseau avec les différents professionnels concernés (associations d’insuffisants respiratoires, hospitalisation à domicile ou équivalent, différents
médecins libéraux et paramédicaux, services sociaux).
l existe de nombreuses myopathies susceptibles de provoquer une atteinte simultanée des muscles des membres, du
tronc et des muscles respiratoires. La plus connue, et la
plus étudiée, est la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne. Sa prévalence est d’environ 3/100 000. La plus fréquente
des myopathies est la myotonie de Steinert (prévalence
8/100 000). Contrairement à la précédente, son histoire naturelle
est pourtant moins bien connue du fait de la diversité des formes
cliniques. Dans le tableau I, nous avons tenté de résumer la classification des myopathies les plus fréquentes susceptibles de provoquer une atteinte respiratoire.
Le point le plus important de ces 20 dernières années est que la
mise en place d’une ventilation prolongée améliore de façon spectaculaire l’espérance de vie de ces patients. Il est maintenant bien
établi que la majorité des patients atteints d’une dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne décédaient auparavant à l’âge
de 20 ans. Les moyens actuels de ventilation permettent d’obtenir des gains de survie de 10 à 15 ans environ.
Pourtant, la prise en charge de ces patients pose de très réels problèmes d’organisation. Peu d’équipes peuvent s’engager dans la
prise en charge prolongée de grands handicapés moteurs et respiratoires. L’une des difficultés tient au fait qu’il faut faire appel
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* Pôle ventilation à domicile, service de réanimation médicale, hôpital RaymondPoincaré, Garches.
La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002
Tableau I. Principales myopathies susceptibles d’entraîner une
atteinte de la fonction respiratoire.
Dystrophies* musculaires progressives
• Duchenne de Boulogne et Becker
• Sarcoglycanopathie
• Dystrophie des ceintures
Dystrophies* musculaires congénitales
• Avec ou sans déficit en mérosine
Myopathies congénitales
• Nemaline myopathie
• Central core
• Myotubulaire
Dystrophie* myotonique
• Steinert
Maladies inflammatoires
• Polymyosite et dermatomyosite
Myopathies métaboliques
• Myopathie mitochondriale
• Lipidose (déficit en carnitine)
• Glycogénose (déficit en maltase acide)
* Les dystrophies sont caractérisées par un aspect particulier des fibres musculaires
(irrégularité de taille) et le fait qu’elles sont la conséquence d’un déficit d’une des
dystrophines.
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à des structures spécifiques, bien organisées, multidisciplinaires,
susceptibles de faire face aux demandes médicales, qui sont nombreuses, mais également à tous les problèmes sociaux et économiques que posent la majorité de ces patients.
Le but de cette mise au point est de brièvement résumer les principales étapes de cette prise en charge, en insistant sur les problèmes respiratoires.
CONFIRMATION DU DIAGNOSTIC
D’une façon générale, le diagnostic d’une maladie neuromusculaire, et en particulier celui des myopathies, est difficile. Outre
les signes cliniques, la connaissance de ces maladies évolue de
façon très rapide grâce aux progrès de la génétique et de la biologie moléculaire. Il est pourtant essentiel de faire ce diagnostic dans un but pronostique, mais également dans un but de prévention (conseils génétiques) puisque de nombreuses maladies
sont à transmission génétique. Ce problème peut se poser lors
de la mise en route de la ventilation. Dans notre expérience, pour
10 à 15 % des patients que nous suivons, le diagnostic initial a
dû être modifié.
INFORMATION DU PATIENT
ET DE SA FAMILLE
Ce chapitre majeur mériterait un long développement, qui ne
peut être que résumé ici. Le constat habituel est que l’information est notoirement insuffisante, surtout en ce qui concerne les
éléments du pronostic, le recours éventuel à un moyen de ventilation mécanique, tous les problèmes de la vie quotidienne
(aménagement du lieu de vie, ressources économiques, organisation du travail, des loisirs, etc.). L’une des explications de ce
fait est la multiplicité des intervenants et l’absence habituelle de
coordination. Les patients ont été en contact avec de nombreux
spécialistes (pneumologue, rééducateur, neurologue, pédiatre,
chirurgien) : on comprend aisément que l’information délivrée
ne soit pas cohérente, surtout si le diagnostic n’est pas établi
avec certitude. L’information sur le problème spécifique de la
ventilation est soit inexistante, soit erronée. Des études récentes
ont montré que les spécialistes n’informaient pas leurs patients
de ces problèmes soit parce qu’ils craignaient que cela ne soit
pas réalisable à domicile, soit parce qu’ils étaient eux-mêmes a
priori contre cette possibilité, avant même d’en informer le
patient (1, 2). Cette attitude est évidemment contraire aux principes internationaux de l’éthique médicale.
Une des solutions possibles serait d’élaborer un document
décrivant les différentes étapes de la maladie, comme cela a été
proposé dans la sclérose latérale amyotrophique (3). Il faut reconnaître que cette solution est peu conforme aux habitudes françaises
et que, de toute façon, elle ne règle pas la question de l’information orale qui, dans ces maladies, doit être particulièrement longue
et répétée. L’information doit également porter sur le mode de ventilation (invasive ou non invasive). Les principales associations ou
services ont élaboré des documents décrivant ces méthodes. Il est
également possible, grâce aux systèmes associatifs, de prendre
contact avec des patients déjà soumis à ces traitements.
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ÉVALUATION DU HANDICAP RESPIRATOIRE
D’une façon générale, l’atteinte respiratoire de ces patients est
sous-évaluée, voire totalement ignorée. La dyspnée est habituellement absente, ou très modeste chez des sujets qui présentent parfois une restriction majeure de leur capacité vitale,
inférieure à 30 % des valeurs théoriques. Ce fait surprenant est
classiquement expliqué par la limitation de l’effort physique
(4). Cette explication mériterait d’être confirmée. L’existence
d’une orthopnée, surtout lorsqu’elle survient de façon immédiate, dès le passage en décubitus, doit faire évoquer la présence
d’une paralysie diaphragmatique bilatérale. La paralysie diaphragmatique a des conséquences majeures sur la mécanique
respiratoire. Non seulement elle provoque une réduction marquée de la capacité vitale, mais de plus elle accentue le syndrome restrictif en position couchée du fait de la gravité, qui
repousse les viscères vers le haut. Ce phénomène, encore
aggravé durant le sommeil, a des répercussions majeures sur
l’hématose. Il contribue à l’apparition de l’hypercapnie diurne.
Les céphalées matinales, l’hypersomnie diurne, les troubles du
sommeil sont des signes classiques de l’insuffisance respiratoire chronique qu’il faut savoir rechercher par un interrogatoire particulièrement rigoureux.
C’est à l’état stable, deux mois au moins à distance d’un épisode aigu de décompensation, que cette évaluation clinique et
paraclinique devrait être faite. Comme les signes cliniques ne
sont ni sensibles, ni spécifiques, ce sont, en pratique, la mesure
de la capacité vitale et, si besoin, l’étude des gaz du sang artériel qui vont permettre de quantifier la sévérité du syndrome
restrictif. La capacité vitale (CV) reste le meilleur paramètre
objectif qui permette de quantifier la diminution globale de la
force des muscles respiratoires (5, 6). L’expérience acquise avec
les poliomyélitiques a bien montré l’intérêt de la surveillance
répétée de ce paramètre. La comparaison des chiffres obtenus
en positions assise et couchée permet, de surcroît, de suspecter une atteinte diaphragmatique en cas de baisse significative de la CV mesurée en position couchée. La mesure de la CV
est simple, non coûteuse, non invasive, facilement disponible.
Elle devrait faire partie intégrante du bilan de tout malade atteint
d’une maladie neurologique susceptible d’entraîner une paralysie des muscles respiratoires. En cas de réduction notable, ou
de signes cliniques évocateurs, elle doit être complétée par la
mesure des gaz du sang artériel diurnes. D’autres explorations
sont disponibles, qui ne peuvent être détaillées ici, comme
l’étude du sommeil. Signalons que la mesure des pressions
maximales, inspiratoire et expiratoire, effectuées à la bouche,
est un reflet de la force développée par les muscles inspiratoires
et expiratoires. Le sniff-test est un bon indice de la force développée par le diaphragme.
INDICATION ET CHOIX
D’UN MOYEN DE VENTILATION MÉCANIQUE
Deux types d’indication ont pu être définis, ventilation de nécessité et ventilation de prévention (7-9). Le prérequis indispensable
est la participation active du patient et de sa famille.
La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002
La ventilation de nécessité
Ce type d’indication doit être compris comme un moyen palliatif
destiné à suppléer de façon plus ou moins complète la paralysie
des muscles respiratoires. Sans ventilation, on peut supposer que
le décès ou des complications graves vont survenir dans les mois
qui viennent. Comme cela a déjà été dit, cette décision doit idéalement être prise à l’état stable, à distance d’une poussée aiguë de
décompensation. Bien que les critères d’indication soient différents d’une pathologie à l’autre, il est actuellement consensuellement admis qu’une hypercapnie diurne, supérieure à 45 mmHg
(6 kPa), et/ou une CV < 30 % de la théorique, associées à des
signes cliniques, même modestes, et à une élévation du CO2 total
qui traduit l’hypoventilation alvéolaire chronique, sont des signes
de gravité suffisamment inquiétants pour proposer une ventilation à domicile (10). Sauf contre-indication évidente tenant à un
dysmorphisme buccofacial ou à des troubles de la déglutition, la
stratégie habituellement préconisée est de proposer en première
intention une ventilation non invasive en pression positive intermittente par masque nasal, buccal, ou bucconasal, sans que le
choix entre ces différentes techniques puisse être actuellement
défini (11). Le mode volume contrôlé est la méthode de référence
car il est le plus simple à utiliser à domicile et assure a priori la
plus grande sécurité. Les modes volume contrôlé assisté ou pression assistée permettent peut-être de faciliter l’adaptation au ventilateur. Néanmoins, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de travaux
évaluant, dans cette indication particulière, ces trois modes de ventilation, ce qui fait que, dans l’état actuel des connaissances, il
paraît légitime de n’utiliser en routine que la méthode de référence. La ventilation invasive par trachéotomie est réservée aux
échecs de la ventilation non invasive, aux contre-indications, aux
cas particuliers des malades qui seraient trachéotomisés à l’occasion d’une situation aiguë de décompensation, bien qu’il ait été
préconisé dans ces cas de fermer la trachéotomie et de préférer à
domicile une méthode non invasive (12). Cette ventilation est instituée la nuit, ce qui est logique, à la fois pour des raisons de
confort, de tolérance, et du fait de l’aggravation nocturne des
troubles respiratoires qui accompagnent ces maladies. Cette ventilation nocturne peut être complétée par une ventilation diurne.
En fait, la détermination de la durée optimale de ventilation quotidienne se fait le plus souvent de façon empirique, en tenant
compte de la demande du patient. Des critères objectifs, par
exemple la variation de la capnie artérielle, sont extrêmement intéressants, mais, malheureusement, ils ne peuvent être surveillés
que de façon très discontinue.
La ventilation de prévention
L’objectif de la ventilation de prévention est totalement différent. La question est ici de savoir si la prescription précoce d’un
moyen de ventilation mécanique pourrait prévenir, ou tout au
moins réduire, l’aggravation en principe inéluctable du syndrome
restrictif chez des patients qui, par ailleurs, n’ont aucun des critères d’une ventilation de nécessité. Deux types d’arguments physiopathologiques peuvent justifier cette prescription. Le premier,
ancien, fait appel à des notions de mécanique respiratoire. Il est
en effet bien établi que la diminution de la force des muscles respiratoires s’accompagne d’une diminution de la compliance pulLa Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002
monaire, ce qui accroît encore la diminution de la CV. Le mécanisme de la diminution de la compliance pulmonaire n’est pas
parfaitement connu mais il pourrait être la conséquence de microatélectasies. Une hyperinsufflation périodique du parenchyme
pulmonaire pourrait lutter contre ce phénomène, comme cela
avait été proposé dans les séquelles respiratoires de la poliomyélite. Les altérations pariétales dues à la cyphoscoliose associée, aux rétractions tendineuses, aux déformations de la cage
thoracique sont d’autres arguments en faveur d’une ventilation
de prévention. Cependant, il a été montré qu’une hyperinsufflation de 15 minutes ne modifiait pas à court terme la compliance
pulmonaire de dix patients atteints de pathologies neurologiques
diverses (13). Nous ne connaissons pas de travaux évaluant ce
paramètre avec un traitement et un suivi plus prolongés.
Le second argument repose sur les relations complexes qui existent entre les apnées nocturnes et le retentissement sur l’hypercapnie diurne. Les conséquences de l’hypotonie physiologique
des muscles respiratoires survenant durant le sommeil sont majorées dans les maladies neurologiques associées à un syndrome restrictif. Ce phénomène est particulièrement évident chez les patients
atteints d’une paralysie diaphragmatique, cas dans lequel l’association de la position couchée et de l’hypotonie explique que le
risque d’apnée nocturne et de désaturation soit très élevé. La désaturation et l’hypercapnie nocturne pourraient favoriser l’apparition d’une hypercapnie diurne. La ventilation nocturne permet de
diminuer, voire de faire disparaître, les épisodes de désaturation
nocturne, ce qui aurait pour effet de faire reculer l’aggravation de
l’hypercapnie diurne. Là encore, nous ne connaissons pas de travaux confirmant cette hypothèse sur un suivi prolongé.
Finalement, la preuve de l’efficacité de la ventilation de prévention reste à apporter. Le seul essai thérapeutique disponible
concerne la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne (14). Aucun bénéfice n’a pu être démontré chez les patients
non traités par rapport au groupe traité par ventilation nasale nocturne. Fait inattendu, la mortalité était plus élevée dans le groupe
traité, ce qui a conduit à l’arrêt prématuré de cette étude.
ORGANISATION DU SUIVI
Cette population de patients qui sont soit sur le point d’être ventilés, soit déjà ventilés, nécessite une surveillance attentive. Ce
suivi peut difficilement se faire en consultation traditionnelle
(nécessité d’examens, d’explorations fonctionnelles, vérification
de la tolérance et de l’efficacité de la méthode de ventilation utilisée, vérification du matériel, étude du sommeil, etc.). L’hospitalisation de courte durée paraît donc la moins mauvaise solution ; elle est néanmoins peu appréciée par ces patients. La
majorité d’entre eux ont une expérience ancienne de l’hôpital et
en gardent habituellement un mauvais souvenir. Là encore, il faut
informer les patients des objectifs de ce bilan et tenter de les
convaincre de son utilité, tout en respectant un confort minimal,
difficile à réaliser dans les conditions habituelles des hôpitaux
publics. Il faut rappeler que, sur le plan réglementaire, les caisses
d’assurance maladie exigent un renouvellement annuel de la prescription du matériel de ventilation, ce qui impose un minimum
d’examens cliniques et paracliniques.
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Le suivi hospitalier de patients traités à domicile impose de travailler en collaboration étroite avec les structures de “terrain”
(système associatif ou libéral d’associations d’insuffisants respiratoires, associations de malades, structures d’hospitalisation
à domicile, différents médecins libéraux, différents lieux de vie).
Ce fonctionnement en réseau, bien qu’il soit fortement recommandé par les pouvoirs publics, reste à l’évidence perfectible,
Tableau II. Liste des participants (groupe VAD “Registre”).
Centre 1
M. le Pr Jean-Claude Raphael
M. le Dr David Orlikowski
M. le Dr Karim Chadda
Centre 2
Suisse (Lausanne-Genève)
M. le Pr Jean-William Fitting
M. le Dr Jean-Paul Janssens
M. le Dr Christophe Uldry
Centre 3
M. le Dr Jacques Milane
M. le Pr Olivier Jonquet
Centre 4
M. le Dr Deries
Mme le Dr Marie-Françoise Rodet
Centre 5
M. le Dr Jean-René Ordronneau
M. le Dr Xavier Tchenio
Centre 6
M. le Dr Éric Hazouard
Centre 7
M. le Pr Jean-François Muir
M. le Dr Luis Molano
Centre 8
M. le Dr Jean-Marie Bedicam
Centre 9
M. le Pr Jean-Philippe Derenne
M. le Dr Jésus Gonzalez
Centre 10
M. le Dr Bernard Wuyam
M. le Dr Pepin
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Service de réanimation médicale,
hôpital Raymond-Poincaré,
92380 Garches
Division de pneumologie,
CHU Vaudois, 1011 Lausanne
Division de pneumologie,
hôpital universitaire de Genève,
1211 Genève-14
Centre de réhabilitation respiratoire,
hôpital de Rolle, 1180 Rolle
Réanimation médicale,
assistance respiratoire
Service de réanimation médicale,
CHU de Montpellier, hôpital
Gui-de-Chauliac, avenue BertinSans, 34295 Montpellier Cedex 05
Direction médicale,
Centre médical infantile
de Romagnat, 63540 Romagnat
Service de pneumologie 1,
hôpital Guillaume-et-René-Laennec,
BP 1005, 44093 Nantes Cedex 01
Service de réanimation médicale,
CHU Bretonneau, 2, boulevard
Tonnelé, 37044 Tours Cedex
Service de pneumo-phtisiologie
Centre hospitalier régional
et universitaire de Rouen,
hôpital de Boisguillaume,
147, avenue du Maréchal-Juin,
BP 100, 76031 Rouen Cedex
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d’autant que cette population est très inégalement répartie sur le
territoire et que le nombre de centres capables de remplir ces missions est limité. Outre les problèmes de ventilation, il ne faut pas
oublier les problèmes associés (kinésithérapie respiratoire et
méthode de désencombrement, kinésithérapie des membres,
adaptation d’un fauteuil, nombreux problèmes orthopédiques qui
ne peuvent être détaillés ici). Dans certaines pathologies, des
troubles de la déglutition peuvent apparaître. Lorsqu’ils sont persistants, et non transitoires, comme cela peut apparaître après une
trachéotomie, ils peuvent conduire à une alimentation entérale
qui, le plus souvent, se fera par une gastrostomie. L’alimentation
entérale peut être partielle ou complète.
ÉTUDE MULTICENTRIQUE NATIONALE :
ORGANISATION ET RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES
Depuis une dizaine d’années, nous coordonnons une étude multicentrique qui a comme objectif le suivi en commun de la population plus générale des malades neuromusculaires ventilés à
domicile dans une indication de nécessité. Cette étude comprend
dix centres français et suisse (tableau II), qui, au 1er mars 2002,
avaient inclus 401 patients, la majorité étant des myopathes
(n = 251, tableau III). Soixante pour cent des patients sont en
ventilation non invasive, 40 % en ventilation invasive par trachéotomie. D’ores et déjà, on peut constater que la mortalité est
plus faible que dans la population générale d’insuffisants respiratoires traités à domicile, ce qui est en accord avec les données
déjà disponibles (15). La qualité de vie, notamment dans la dystrophie de Duchenne de Boulogne, est supérieure à ce que l’on
pourrait a priori penser dans une population d’adolescents très
handicapés et très dépendants (15, 16). La ventilation non invasive, qui est un moyen de plus en plus répandu, nécessite une
surveillance très attentive. Nous avons ainsi noté que 20 % environ des patients traités par ce moyen restaient hypercapniques
sous ventilation (PaCO2 supérieure ou égale à 45 mmHg). Cela
nous a conduit à réfléchir sur l’interface (type de masque), la
mesure systématique des fuites, en particulier durant le sommeil.
La ventilation invasive est plus efficace, mais elle n’est pas toujours acceptée par le patient : elle impose des contraintes supplémentaires (changement de canule par exemple), et nécessite
Tableau III. Principales myopathies suivies dans l’étude multicentrique (n = 251).
n
Centre Édouard-Rist
14, rue Boileau, 75016 Paris
Service de pneumologie
CHU Pitié-Salpêtrière,
47-83, boulevard de l’Hôpital,
75651 Paris Cedex 13
Service de pneumologie, pavillon D,
CHU, hôpital Albert-Michalon,
BP 217 X, 38043 Grenoble Cedex
Dystrophie musculaire de Duchenne
104
Dystrophie musculaire de Becker
14
Dystrophie des ceintures
29
Dystrophie de Steinert
39
Myopathie congénitale
7
Déficit en maltase acide
15
Myopathie congénitale
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2. Rumbak MJ, Walker RM. Should patients with neuromuscular disease be
Figure 1. Exemple d’adaptation d’un respirateur sur un fauteuil roulant électrique. Noter que le poids de la machine est un point crucial :
un poids excessif peut modifier le centre de gravité et rendre inopérant
le système de propulsion du fauteuil. Cette adaptation doit être faite par
un professionnel.
des précautions particulières (surveillance systématique de la
trachée, choix des canules, adaptation pour maintenir la parole,
formation de personnel à l’aspiration trachéale).
D’une façon plus générale, il ne faut pas oublier que ce mode de
ventilation doit être adapté pour le domicile. Il faut donc utiliser
des méthodes simples, des machines robustes, penser à la sécurité (batterie autonome), pouvoir adapter la machine de ventilation sur le fauteuil roulant (figure 1). Pour aider le prescripteur,
l’institut Garches (association loi 1901) a récemment créé un site
Internet où sont présentés les différents modèles de canules et de
masques disponibles dans le commerce (www.handicap.org).
CONCLUSION
La prise en charge des myopathes adultes a fait des progrès substantiels depuis une dizaine d’années. Il n’en reste pas moins
que d’importants efforts doivent être poursuivis, tant en termes
de soins (renforcement des réseaux de soins) qu’en termes de
recherche physiopathologique (compréhension du mécanisme
de l’atteinte respiratoire) et de recherche clinique appliquée
(résultats obtenus en termes de morbidité, de mortalité, de qualité de vie, précision des indications). Il faudrait poser à plus
grande échelle les problèmes de santé publique et de politique
sociale : définition des structures optimales, coût réel de la prise
en charge, conseils adaptés, formation des médecins et des personnels paramédicaux.
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La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002
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Remerciements
Nous remercions les membres de l’étude multicentrique, les associations pour
insuffisants respiratoires et, notamment, l’ADEP (Association d’entraide des
polios et handicapés) et l’AFM (Association française de lutte contre les myopathies), qui a financé l’étude multicentrique.
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