M I S E A U P O I N T Ventilation à domicile au long cours dans les myopathies de l’adulte. Les principes de la prise en charge ● J.C. Raphael* Points forts Il existe de nombreuses myopathies susceptibles de provoquer une atteinte respiratoire. • Leur prise en charge est complexe et nécessite des équipes multidisciplinaires. • La gravité du syndrome restrictif est habituellement sous-estimée. • La mesure de la capacité vitale, à l’état stable, est indispensable. • L’indication d’une “ventilation de nécessité” repose sur l’existence d’une hypercapnie diurne (PaCO2 supérieure ou égale à 45 mmHg) et/ou d’une capacité vitale inférieure à 30 % des valeurs théoriques. • Le bénéfice d’une ventilation dite “de prévention” chez les patients qui n’ont pas ces critères de gravité reste à démontrer. • Il est indispensable d’établir un suivi de ces patients traités à domicile, ce qui impose de travailler en réseau avec les différents professionnels concernés (associations d’insuffisants respiratoires, hospitalisation à domicile ou équivalent, différents médecins libéraux et paramédicaux, services sociaux). l existe de nombreuses myopathies susceptibles de provoquer une atteinte simultanée des muscles des membres, du tronc et des muscles respiratoires. La plus connue, et la plus étudiée, est la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne. Sa prévalence est d’environ 3/100 000. La plus fréquente des myopathies est la myotonie de Steinert (prévalence 8/100 000). Contrairement à la précédente, son histoire naturelle est pourtant moins bien connue du fait de la diversité des formes cliniques. Dans le tableau I, nous avons tenté de résumer la classification des myopathies les plus fréquentes susceptibles de provoquer une atteinte respiratoire. Le point le plus important de ces 20 dernières années est que la mise en place d’une ventilation prolongée améliore de façon spectaculaire l’espérance de vie de ces patients. Il est maintenant bien établi que la majorité des patients atteints d’une dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne décédaient auparavant à l’âge de 20 ans. Les moyens actuels de ventilation permettent d’obtenir des gains de survie de 10 à 15 ans environ. Pourtant, la prise en charge de ces patients pose de très réels problèmes d’organisation. Peu d’équipes peuvent s’engager dans la prise en charge prolongée de grands handicapés moteurs et respiratoires. L’une des difficultés tient au fait qu’il faut faire appel I * Pôle ventilation à domicile, service de réanimation médicale, hôpital RaymondPoincaré, Garches. La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002 Tableau I. Principales myopathies susceptibles d’entraîner une atteinte de la fonction respiratoire. Dystrophies* musculaires progressives • Duchenne de Boulogne et Becker • Sarcoglycanopathie • Dystrophie des ceintures Dystrophies* musculaires congénitales • Avec ou sans déficit en mérosine Myopathies congénitales • Nemaline myopathie • Central core • Myotubulaire Dystrophie* myotonique • Steinert Maladies inflammatoires • Polymyosite et dermatomyosite Myopathies métaboliques • Myopathie mitochondriale • Lipidose (déficit en carnitine) • Glycogénose (déficit en maltase acide) * Les dystrophies sont caractérisées par un aspect particulier des fibres musculaires (irrégularité de taille) et le fait qu’elles sont la conséquence d’un déficit d’une des dystrophines. 137 M I S E A à des structures spécifiques, bien organisées, multidisciplinaires, susceptibles de faire face aux demandes médicales, qui sont nombreuses, mais également à tous les problèmes sociaux et économiques que posent la majorité de ces patients. Le but de cette mise au point est de brièvement résumer les principales étapes de cette prise en charge, en insistant sur les problèmes respiratoires. CONFIRMATION DU DIAGNOSTIC D’une façon générale, le diagnostic d’une maladie neuromusculaire, et en particulier celui des myopathies, est difficile. Outre les signes cliniques, la connaissance de ces maladies évolue de façon très rapide grâce aux progrès de la génétique et de la biologie moléculaire. Il est pourtant essentiel de faire ce diagnostic dans un but pronostique, mais également dans un but de prévention (conseils génétiques) puisque de nombreuses maladies sont à transmission génétique. Ce problème peut se poser lors de la mise en route de la ventilation. Dans notre expérience, pour 10 à 15 % des patients que nous suivons, le diagnostic initial a dû être modifié. INFORMATION DU PATIENT ET DE SA FAMILLE Ce chapitre majeur mériterait un long développement, qui ne peut être que résumé ici. Le constat habituel est que l’information est notoirement insuffisante, surtout en ce qui concerne les éléments du pronostic, le recours éventuel à un moyen de ventilation mécanique, tous les problèmes de la vie quotidienne (aménagement du lieu de vie, ressources économiques, organisation du travail, des loisirs, etc.). L’une des explications de ce fait est la multiplicité des intervenants et l’absence habituelle de coordination. Les patients ont été en contact avec de nombreux spécialistes (pneumologue, rééducateur, neurologue, pédiatre, chirurgien) : on comprend aisément que l’information délivrée ne soit pas cohérente, surtout si le diagnostic n’est pas établi avec certitude. L’information sur le problème spécifique de la ventilation est soit inexistante, soit erronée. Des études récentes ont montré que les spécialistes n’informaient pas leurs patients de ces problèmes soit parce qu’ils craignaient que cela ne soit pas réalisable à domicile, soit parce qu’ils étaient eux-mêmes a priori contre cette possibilité, avant même d’en informer le patient (1, 2). Cette attitude est évidemment contraire aux principes internationaux de l’éthique médicale. Une des solutions possibles serait d’élaborer un document décrivant les différentes étapes de la maladie, comme cela a été proposé dans la sclérose latérale amyotrophique (3). Il faut reconnaître que cette solution est peu conforme aux habitudes françaises et que, de toute façon, elle ne règle pas la question de l’information orale qui, dans ces maladies, doit être particulièrement longue et répétée. L’information doit également porter sur le mode de ventilation (invasive ou non invasive). Les principales associations ou services ont élaboré des documents décrivant ces méthodes. Il est également possible, grâce aux systèmes associatifs, de prendre contact avec des patients déjà soumis à ces traitements. 138 U P O I N T ÉVALUATION DU HANDICAP RESPIRATOIRE D’une façon générale, l’atteinte respiratoire de ces patients est sous-évaluée, voire totalement ignorée. La dyspnée est habituellement absente, ou très modeste chez des sujets qui présentent parfois une restriction majeure de leur capacité vitale, inférieure à 30 % des valeurs théoriques. Ce fait surprenant est classiquement expliqué par la limitation de l’effort physique (4). Cette explication mériterait d’être confirmée. L’existence d’une orthopnée, surtout lorsqu’elle survient de façon immédiate, dès le passage en décubitus, doit faire évoquer la présence d’une paralysie diaphragmatique bilatérale. La paralysie diaphragmatique a des conséquences majeures sur la mécanique respiratoire. Non seulement elle provoque une réduction marquée de la capacité vitale, mais de plus elle accentue le syndrome restrictif en position couchée du fait de la gravité, qui repousse les viscères vers le haut. Ce phénomène, encore aggravé durant le sommeil, a des répercussions majeures sur l’hématose. Il contribue à l’apparition de l’hypercapnie diurne. Les céphalées matinales, l’hypersomnie diurne, les troubles du sommeil sont des signes classiques de l’insuffisance respiratoire chronique qu’il faut savoir rechercher par un interrogatoire particulièrement rigoureux. C’est à l’état stable, deux mois au moins à distance d’un épisode aigu de décompensation, que cette évaluation clinique et paraclinique devrait être faite. Comme les signes cliniques ne sont ni sensibles, ni spécifiques, ce sont, en pratique, la mesure de la capacité vitale et, si besoin, l’étude des gaz du sang artériel qui vont permettre de quantifier la sévérité du syndrome restrictif. La capacité vitale (CV) reste le meilleur paramètre objectif qui permette de quantifier la diminution globale de la force des muscles respiratoires (5, 6). L’expérience acquise avec les poliomyélitiques a bien montré l’intérêt de la surveillance répétée de ce paramètre. La comparaison des chiffres obtenus en positions assise et couchée permet, de surcroît, de suspecter une atteinte diaphragmatique en cas de baisse significative de la CV mesurée en position couchée. La mesure de la CV est simple, non coûteuse, non invasive, facilement disponible. Elle devrait faire partie intégrante du bilan de tout malade atteint d’une maladie neurologique susceptible d’entraîner une paralysie des muscles respiratoires. En cas de réduction notable, ou de signes cliniques évocateurs, elle doit être complétée par la mesure des gaz du sang artériel diurnes. D’autres explorations sont disponibles, qui ne peuvent être détaillées ici, comme l’étude du sommeil. Signalons que la mesure des pressions maximales, inspiratoire et expiratoire, effectuées à la bouche, est un reflet de la force développée par les muscles inspiratoires et expiratoires. Le sniff-test est un bon indice de la force développée par le diaphragme. INDICATION ET CHOIX D’UN MOYEN DE VENTILATION MÉCANIQUE Deux types d’indication ont pu être définis, ventilation de nécessité et ventilation de prévention (7-9). Le prérequis indispensable est la participation active du patient et de sa famille. La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002 La ventilation de nécessité Ce type d’indication doit être compris comme un moyen palliatif destiné à suppléer de façon plus ou moins complète la paralysie des muscles respiratoires. Sans ventilation, on peut supposer que le décès ou des complications graves vont survenir dans les mois qui viennent. Comme cela a déjà été dit, cette décision doit idéalement être prise à l’état stable, à distance d’une poussée aiguë de décompensation. Bien que les critères d’indication soient différents d’une pathologie à l’autre, il est actuellement consensuellement admis qu’une hypercapnie diurne, supérieure à 45 mmHg (6 kPa), et/ou une CV < 30 % de la théorique, associées à des signes cliniques, même modestes, et à une élévation du CO2 total qui traduit l’hypoventilation alvéolaire chronique, sont des signes de gravité suffisamment inquiétants pour proposer une ventilation à domicile (10). Sauf contre-indication évidente tenant à un dysmorphisme buccofacial ou à des troubles de la déglutition, la stratégie habituellement préconisée est de proposer en première intention une ventilation non invasive en pression positive intermittente par masque nasal, buccal, ou bucconasal, sans que le choix entre ces différentes techniques puisse être actuellement défini (11). Le mode volume contrôlé est la méthode de référence car il est le plus simple à utiliser à domicile et assure a priori la plus grande sécurité. Les modes volume contrôlé assisté ou pression assistée permettent peut-être de faciliter l’adaptation au ventilateur. Néanmoins, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de travaux évaluant, dans cette indication particulière, ces trois modes de ventilation, ce qui fait que, dans l’état actuel des connaissances, il paraît légitime de n’utiliser en routine que la méthode de référence. La ventilation invasive par trachéotomie est réservée aux échecs de la ventilation non invasive, aux contre-indications, aux cas particuliers des malades qui seraient trachéotomisés à l’occasion d’une situation aiguë de décompensation, bien qu’il ait été préconisé dans ces cas de fermer la trachéotomie et de préférer à domicile une méthode non invasive (12). Cette ventilation est instituée la nuit, ce qui est logique, à la fois pour des raisons de confort, de tolérance, et du fait de l’aggravation nocturne des troubles respiratoires qui accompagnent ces maladies. Cette ventilation nocturne peut être complétée par une ventilation diurne. En fait, la détermination de la durée optimale de ventilation quotidienne se fait le plus souvent de façon empirique, en tenant compte de la demande du patient. Des critères objectifs, par exemple la variation de la capnie artérielle, sont extrêmement intéressants, mais, malheureusement, ils ne peuvent être surveillés que de façon très discontinue. La ventilation de prévention L’objectif de la ventilation de prévention est totalement différent. La question est ici de savoir si la prescription précoce d’un moyen de ventilation mécanique pourrait prévenir, ou tout au moins réduire, l’aggravation en principe inéluctable du syndrome restrictif chez des patients qui, par ailleurs, n’ont aucun des critères d’une ventilation de nécessité. Deux types d’arguments physiopathologiques peuvent justifier cette prescription. Le premier, ancien, fait appel à des notions de mécanique respiratoire. Il est en effet bien établi que la diminution de la force des muscles respiratoires s’accompagne d’une diminution de la compliance pulLa Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002 monaire, ce qui accroît encore la diminution de la CV. Le mécanisme de la diminution de la compliance pulmonaire n’est pas parfaitement connu mais il pourrait être la conséquence de microatélectasies. Une hyperinsufflation périodique du parenchyme pulmonaire pourrait lutter contre ce phénomène, comme cela avait été proposé dans les séquelles respiratoires de la poliomyélite. Les altérations pariétales dues à la cyphoscoliose associée, aux rétractions tendineuses, aux déformations de la cage thoracique sont d’autres arguments en faveur d’une ventilation de prévention. Cependant, il a été montré qu’une hyperinsufflation de 15 minutes ne modifiait pas à court terme la compliance pulmonaire de dix patients atteints de pathologies neurologiques diverses (13). Nous ne connaissons pas de travaux évaluant ce paramètre avec un traitement et un suivi plus prolongés. Le second argument repose sur les relations complexes qui existent entre les apnées nocturnes et le retentissement sur l’hypercapnie diurne. Les conséquences de l’hypotonie physiologique des muscles respiratoires survenant durant le sommeil sont majorées dans les maladies neurologiques associées à un syndrome restrictif. Ce phénomène est particulièrement évident chez les patients atteints d’une paralysie diaphragmatique, cas dans lequel l’association de la position couchée et de l’hypotonie explique que le risque d’apnée nocturne et de désaturation soit très élevé. La désaturation et l’hypercapnie nocturne pourraient favoriser l’apparition d’une hypercapnie diurne. La ventilation nocturne permet de diminuer, voire de faire disparaître, les épisodes de désaturation nocturne, ce qui aurait pour effet de faire reculer l’aggravation de l’hypercapnie diurne. Là encore, nous ne connaissons pas de travaux confirmant cette hypothèse sur un suivi prolongé. Finalement, la preuve de l’efficacité de la ventilation de prévention reste à apporter. Le seul essai thérapeutique disponible concerne la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne (14). Aucun bénéfice n’a pu être démontré chez les patients non traités par rapport au groupe traité par ventilation nasale nocturne. Fait inattendu, la mortalité était plus élevée dans le groupe traité, ce qui a conduit à l’arrêt prématuré de cette étude. ORGANISATION DU SUIVI Cette population de patients qui sont soit sur le point d’être ventilés, soit déjà ventilés, nécessite une surveillance attentive. Ce suivi peut difficilement se faire en consultation traditionnelle (nécessité d’examens, d’explorations fonctionnelles, vérification de la tolérance et de l’efficacité de la méthode de ventilation utilisée, vérification du matériel, étude du sommeil, etc.). L’hospitalisation de courte durée paraît donc la moins mauvaise solution ; elle est néanmoins peu appréciée par ces patients. La majorité d’entre eux ont une expérience ancienne de l’hôpital et en gardent habituellement un mauvais souvenir. Là encore, il faut informer les patients des objectifs de ce bilan et tenter de les convaincre de son utilité, tout en respectant un confort minimal, difficile à réaliser dans les conditions habituelles des hôpitaux publics. Il faut rappeler que, sur le plan réglementaire, les caisses d’assurance maladie exigent un renouvellement annuel de la prescription du matériel de ventilation, ce qui impose un minimum d’examens cliniques et paracliniques. 139 M I S E A Le suivi hospitalier de patients traités à domicile impose de travailler en collaboration étroite avec les structures de “terrain” (système associatif ou libéral d’associations d’insuffisants respiratoires, associations de malades, structures d’hospitalisation à domicile, différents médecins libéraux, différents lieux de vie). Ce fonctionnement en réseau, bien qu’il soit fortement recommandé par les pouvoirs publics, reste à l’évidence perfectible, Tableau II. Liste des participants (groupe VAD “Registre”). Centre 1 M. le Pr Jean-Claude Raphael M. le Dr David Orlikowski M. le Dr Karim Chadda Centre 2 Suisse (Lausanne-Genève) M. le Pr Jean-William Fitting M. le Dr Jean-Paul Janssens M. le Dr Christophe Uldry Centre 3 M. le Dr Jacques Milane M. le Pr Olivier Jonquet Centre 4 M. le Dr Deries Mme le Dr Marie-Françoise Rodet Centre 5 M. le Dr Jean-René Ordronneau M. le Dr Xavier Tchenio Centre 6 M. le Dr Éric Hazouard Centre 7 M. le Pr Jean-François Muir M. le Dr Luis Molano Centre 8 M. le Dr Jean-Marie Bedicam Centre 9 M. le Pr Jean-Philippe Derenne M. le Dr Jésus Gonzalez Centre 10 M. le Dr Bernard Wuyam M. le Dr Pepin 140 Service de réanimation médicale, hôpital Raymond-Poincaré, 92380 Garches Division de pneumologie, CHU Vaudois, 1011 Lausanne Division de pneumologie, hôpital universitaire de Genève, 1211 Genève-14 Centre de réhabilitation respiratoire, hôpital de Rolle, 1180 Rolle Réanimation médicale, assistance respiratoire Service de réanimation médicale, CHU de Montpellier, hôpital Gui-de-Chauliac, avenue BertinSans, 34295 Montpellier Cedex 05 Direction médicale, Centre médical infantile de Romagnat, 63540 Romagnat Service de pneumologie 1, hôpital Guillaume-et-René-Laennec, BP 1005, 44093 Nantes Cedex 01 Service de réanimation médicale, CHU Bretonneau, 2, boulevard Tonnelé, 37044 Tours Cedex Service de pneumo-phtisiologie Centre hospitalier régional et universitaire de Rouen, hôpital de Boisguillaume, 147, avenue du Maréchal-Juin, BP 100, 76031 Rouen Cedex U P O I N T d’autant que cette population est très inégalement répartie sur le territoire et que le nombre de centres capables de remplir ces missions est limité. Outre les problèmes de ventilation, il ne faut pas oublier les problèmes associés (kinésithérapie respiratoire et méthode de désencombrement, kinésithérapie des membres, adaptation d’un fauteuil, nombreux problèmes orthopédiques qui ne peuvent être détaillés ici). Dans certaines pathologies, des troubles de la déglutition peuvent apparaître. Lorsqu’ils sont persistants, et non transitoires, comme cela peut apparaître après une trachéotomie, ils peuvent conduire à une alimentation entérale qui, le plus souvent, se fera par une gastrostomie. L’alimentation entérale peut être partielle ou complète. ÉTUDE MULTICENTRIQUE NATIONALE : ORGANISATION ET RÉSULTATS PRÉLIMINAIRES Depuis une dizaine d’années, nous coordonnons une étude multicentrique qui a comme objectif le suivi en commun de la population plus générale des malades neuromusculaires ventilés à domicile dans une indication de nécessité. Cette étude comprend dix centres français et suisse (tableau II), qui, au 1er mars 2002, avaient inclus 401 patients, la majorité étant des myopathes (n = 251, tableau III). Soixante pour cent des patients sont en ventilation non invasive, 40 % en ventilation invasive par trachéotomie. D’ores et déjà, on peut constater que la mortalité est plus faible que dans la population générale d’insuffisants respiratoires traités à domicile, ce qui est en accord avec les données déjà disponibles (15). La qualité de vie, notamment dans la dystrophie de Duchenne de Boulogne, est supérieure à ce que l’on pourrait a priori penser dans une population d’adolescents très handicapés et très dépendants (15, 16). La ventilation non invasive, qui est un moyen de plus en plus répandu, nécessite une surveillance très attentive. Nous avons ainsi noté que 20 % environ des patients traités par ce moyen restaient hypercapniques sous ventilation (PaCO2 supérieure ou égale à 45 mmHg). Cela nous a conduit à réfléchir sur l’interface (type de masque), la mesure systématique des fuites, en particulier durant le sommeil. La ventilation invasive est plus efficace, mais elle n’est pas toujours acceptée par le patient : elle impose des contraintes supplémentaires (changement de canule par exemple), et nécessite Tableau III. Principales myopathies suivies dans l’étude multicentrique (n = 251). n Centre Édouard-Rist 14, rue Boileau, 75016 Paris Service de pneumologie CHU Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris Cedex 13 Service de pneumologie, pavillon D, CHU, hôpital Albert-Michalon, BP 217 X, 38043 Grenoble Cedex Dystrophie musculaire de Duchenne 104 Dystrophie musculaire de Becker 14 Dystrophie des ceintures 29 Dystrophie de Steinert 39 Myopathie congénitale 7 Déficit en maltase acide 15 Myopathie congénitale 11 Autres 32 La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002 R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Gibson B. Long-term ventilation for patients with Duchenne muscular dystrophy. Chest 2001 ; 119 : 940-6. 2. Rumbak MJ, Walker RM. Should patients with neuromuscular disease be Figure 1. Exemple d’adaptation d’un respirateur sur un fauteuil roulant électrique. Noter que le poids de la machine est un point crucial : un poids excessif peut modifier le centre de gravité et rendre inopérant le système de propulsion du fauteuil. Cette adaptation doit être faite par un professionnel. des précautions particulières (surveillance systématique de la trachée, choix des canules, adaptation pour maintenir la parole, formation de personnel à l’aspiration trachéale). D’une façon plus générale, il ne faut pas oublier que ce mode de ventilation doit être adapté pour le domicile. Il faut donc utiliser des méthodes simples, des machines robustes, penser à la sécurité (batterie autonome), pouvoir adapter la machine de ventilation sur le fauteuil roulant (figure 1). Pour aider le prescripteur, l’institut Garches (association loi 1901) a récemment créé un site Internet où sont présentés les différents modèles de canules et de masques disponibles dans le commerce (www.handicap.org). CONCLUSION La prise en charge des myopathes adultes a fait des progrès substantiels depuis une dizaine d’années. Il n’en reste pas moins que d’importants efforts doivent être poursuivis, tant en termes de soins (renforcement des réseaux de soins) qu’en termes de recherche physiopathologique (compréhension du mécanisme de l’atteinte respiratoire) et de recherche clinique appliquée (résultats obtenus en termes de morbidité, de mortalité, de qualité de vie, précision des indications). Il faudrait poser à plus grande échelle les problèmes de santé publique et de politique sociale : définition des structures optimales, coût réel de la prise en charge, conseils adaptés, formation des médecins et des personnels paramédicaux. ■ La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 4 - juillet-août 2002 denied the choice of the treatment of mechanical ventilation. Chest 2001 ; 119 : 683-4. 3. Miller RG, Rosenberg JA, Gelinas DF et al. and the ALS practice parameters task force. Practice parameter : the care of the patient with amyotrophic lateral sclerosis (an evidence-based review). Report of the Quality Standards Subcommittee of the American Academy of Neurology. Neurology 1999 ; 52 : 1311-23. 4. Smith PEM, Calverley PMA, Edwards RHT, Evans GA, Campbell EJM. Practical problems in the respiratory care of patients with muscular dystrophy. N Engl J Med 1987 ; 316 : 1197-205. 5. Raphael JC, Gajdos P, de Lattre J. Handicap respiratoire chronique d’origine neuromusculaire. Physiopathologie. Perspectives thérapeutiques. In : Fonction diaphragmatique. Travail respiratoire, Limoges, 21-23 mai 1987. Monographie de la Société de réanimation de langue française. Expansion scientifique éd., 1987 ; 203-28. 6. Macklem PT. Muscular weakness and respiratory function. N Engl J Med 1986 ; 314 : 775-6. 7. Raphael JC. Ventilation mécanique à domicile dans la dystrophie musculaire de Duchenne de Boulogne. Ventilation de nécessité et ventilation de prévention. Rev Mal Respir 1987 ; 4 : 195-7. 8. Raphael JC, Chevret S, Chastang Cl, Bouvet F and the French multicentric group. A prospective multicentre study of home mechanical ventilation in Duchenne de Boulogne muscular dystrophy. Eur Respir Rev 1992 ; 2 : 312-6. 9. Raphael JC, Chevret S, Chastang Cl, Bouvet F. Home mechanical ventilation in Duchenne’s muscular dystrophy : in search of a therapeutic strategy. Eur Respir Rev 1993 ; 3 : 270-4. 10. Conference consensus. Clinical indications for noninvasive positive pressure ventilation in chronic respiratory failure due to restrictive lung disease, COPD, and nocturnal hypoventilation. A consensus conference report. Chest 1999 ; 116 : 521-34. 11. Hillberg RE, Johnson DC. Noninvasive ventilation. N Engl J Med 1997 ; 337 : 1746-52. 12. Bach JR. Management of neuromuscular ventilatory failure by 24 hour non-invasive intermittent positive pressure ventilation. Eur Respir Rev 1993 ; 3 : 4-291. 13. De Troyer A, Deisser P. The effects of intermittent positive pressure breathing on patients with respiratory muscle weakness. Am Rev Respir Dis 1981 ; 124 : 132-7. 14. Raphael JC, Chevret S, Chastang Cl, Bouvet F and the French multicenter cooperative group on home mechanical ventilation assistance in Duchenne de Boulogne muscular dystrophy. Randomized trial of preventive nasal ventilation in Duchenne muscular dystrophy. Lancet 1994 ; 343 : 1600-4. 15. Raphael JC, Chevret S, Auriant I, Clair B, Gajdos P. 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