ou à la crise actuelle2 – et, dans la mesure où l'accumulation n'est pas contrecarrée par une politique
volontariste, ces crises menacent de nous ramener à l'âge de la pierre avec, certes, des produits
financiers très élaborés. Nous traverserons alors un âge de pierre avec la pollution, le réchauffement
climatique et … le capitalisme.
Ces crises d'effondrement de la demande suite à la compression des salaires reviennent
périodiquement dans le système capitaliste. Elles se résolvent de toute façon par un retour de
l'interventionnisme étatique, par la régulation et par le développement du secteur public et des
salaires individuels et sociaux3. Mais ce retour de l'État comme acteur économique et des salaires
comme piliers de la valeur économique va souvent de pair avec l'autoritarisme politique et la
guerre. La guerre permet d'écouler la surproduction de valeur, elle permet de trouver des marchés
captifs qui acquièrent les marchandises impossibles à vendre du fait de l'accumulation. Entre ce qui
est produit comme valeur économique et ce qui est dépensé, il y a une différence : l'accumulation ε.
La valeur économique qui s'amasse est prélevée sur la production de valeur économique et ne se
dépense pas – si elle se dépense, elle ne s'amasse pas ; si elle s'amasse, elle ne se dépense pas. Pour
maintenir une production de valeur économique stable, il faut trouver des sources de dépenses
extérieures pour pallier la disparition de valeur économique dans l'accumulation.
La guerre détruit aussi de la valeur – à l'instar des bulles financières ou des crises immobilières. La
valeur accumulée ne peut se réaliser, ne peut s'incarner dans une production économique concrète et
disparaît tout simplement en tant que valorisation économique. On peut évaluer la disparition du
capital à 30 ou 40 % du PIB lors de la crise des années trente qui a culminé pendant la seconde
guerre mondiale. Actuellement, le capital accumulé à purger représente quelque 1.000 % du PIB4,
vingt à trente fois plus. La disparition de la valeur économique fait disparaître avec elle la valeur
d'usage, la valeur concrète. Une guerre détruit des avoirs financiers et, avec eux, détruit des
maisons, des usines, des ports, des terres agricoles, des centrales électriques, etc. et nous détruit,
nos femmes, nos maris, les nôtres.
De manière générale, on peut estimer les dégâts d'une guerre à la quantité d'accumulation à détruire.
Actuellement, cette accumulation représente plus de dix années de production économique, c'est-à-
dire plus de l'intégralité de la valeur économique correspondant à l'ensemble du patrimoine, à
l'ensemble des valeurs concrètes, d'usage, existant sur la terre. La nature d'un effondrement de ce
type, l'importance de ses dégâts font peur. C'est que, avec la disparition d'outils économiques et de
valeurs numéraires, ce sont des êtres humains, des ressources, des animaux qui disparaissent sans
qu'ils aient la moindre responsabilité dans la crise de surproduction.
L'accumulation de valeur économique met en danger l'économie concrète (et, avec elle l'économie
abstraite). Avec l'effondrement de l'économie concrète, ce sont les ressources qui sont menacées.
Toutes les ressources sont mises à sec avec l'effondrement : les ressources de l'humain, son
inventivité, sa créativité, ses instincts de vie ; les ressources naturelles, les minéraux, les
hydrocarbures, les terres agricoles, les ressources halieutiques, les ressources en eau, la qualité de
l'air, etc. ; les ressources sociales enfin, la composante sociale du travail ou de la vie culturelle.
2 La crise des subprimes est une crise de surproduction. La titrisation des emprunts hypothécaires a permis de les
consentir à des populations insolvables mais c'est l'insolvabilité de ces populations qui a forcé la création de ces
produits financiers exotiques pour maintenir le marché immobilier. Le manque de solvabilité des nouveaux
propriétaires immobiliers est directement lié à la stagnation salariale trentenaire aux États-Unis. Si les salaires
avaient augmenté en proportion du PIB dans ces pays, ces jeunes ménages auraient pu acquérir leur maison
comptant.
3 Polanyi en fait la démonstration en 1948 dans K. Polanyi, La Grande Transformation, op. cit.
4 Selon les évaluations officielles, le PIB mondial s'élève à 60 mille milliards de dollars alors que la seule
capitalisation boursière (produits dérivés, titres plus ou moins exotiques et marchés d'actions) s'élève à 700 mille
milliards de dollars.