Définition
L'argent est ce qui est gagné dans l'emploi: une partie de la valeur créée par le travail revient au
producteur sous forme de salaire, une autre partie lui est volée soit sous forme d'investissements
dont il est dépossédé, sur lesquels il n'a aucune prise, soit sous forme de dividendes.
L'argent est la condition d'accès aux choses les plus simples, les plus nécessaires. Il sert aussi de
vecteur de socialisation, de rencontre, de plaisir puisque l'acquisition de biens et de services est liée
à la dépense d'argent. Pour autant, l'accès à cette denrée rendue artificiellement précieuse est
conditionnée à la soumission à la logique de l'emploi, de l'activité lucrative.
Marchandise et capitalisme
Il faut bien distinguer les marchandises à prix et la production capitaliste. Ce sont deux choses
différentes, le marché n'implique pas nécessairement le capitalisme ... et le capitalisme n'implique
pas nécessairement le marché. Les marchandises à prix sont produite et vendues mais elles peuvent
être produites par des compagnies privées, par des fonctionnaires ou par des artisans, elles peuvent
être produites en dehors de la logique capitaliste, en dehors de ses institutions.
La logique de production capitaliste ne produit pas nécessairement des marchandises à prix mais
elle s'inscrit, selon Bernard Friot, dans quatre institutions qui la fondent:
- la propriété lucrative
le titre de propriété rapporte de l'argent
- le marché de l'emploi
les chômeurs-travailleurs doivent vendre leur force de travail en fonction de la demande
d'un marché sur lequel ils n'ont pas de prise, les propriétaires lucratifs des outils de
production maîtrisent, eux, l'embauche et les licenciements des employés
- la mesure de la valeur par le temps
c'est le temps de travail sous emploi qui sert à marquer, à créer la valeur - les
travailleurs au travail doivent aller vite, ils doivent produire un maximum de valeur
ajoutée par unité de temps
- le crédit
les créanciers prêtent de l'argent avec un taux d'intérêt, les endettés doivent rembourser
leurs dettes et des intérêts - ceci affecte toute la production puisque les acteurs
économiques doivent s'endetter
Tautologie
Une tautologie est un raisonnement circulaire genre il a de l'argent donc il est riche et, comme il est
riche, il a de l'argent.
La richesse liée à l'argent est tautologique. En fait, on peut définir la richesse comme les capacités
matérielles à produire ce dont on veut ou encore on peut voir la richesse comme un ensemble de
liens sociaux par lesquels la vie s'intisse mais l'argent fait l'impasse sur ces dimensions non
tautologiques de la richesse.
Fétichisme
L'argent est une dimension de mesure des marchandises, des biens et des services produit par le
travail humain. La valeur, l'évaluation monétaire de ces biens et de ces services sera exprimée en
argent.
Mais là où l'argent fonctionne comme fétiche, c'est qu'il devient la motivation des cycles
capitalistiques, il devient la motivation du travail humain et ce qui était un étalon, une façon de
mesurer ou de comparer les marchandises en devient la raison profonde. Cette mesure modèle,
sculpte l'activité économique. L'accumulation d'argent, l'accumulation fétichiste d'argent se
substitue à la richesse sociale, à la richesse humaine.
Le dieu cargo
Le dieu cargo est un mythe fétichiste pratiqué en Mélanésie. Les habitants du coin ont remarqué que
les colons déployaient toute une série de signes pour attirer à eux le cargo qui leur apportait vivres,
richesses et abondance.
Logiquement, les adeptes du dieu-cargo ont multiplié les signes susceptibles d'attirer le cargo (les
lumières, le ports, le signe des installations) pour attirer à eux les cornes de l'abondance.
L'argent et les signes auxquels il donne accès fonctionnent exactement de la même façon. Il s'agit
d'imiter les signes de la richesse, de la prospérité et du bonheur pour espérer attirer à soi la
prospérité ou le bonheur.
Ces dimensions économiques étant profondément sociales, elles ne peuvent être efficacement
invoquées par des signes d'argent, de numéraire, de classe.
Origine
Selon David Graeber, l'argent a comme origine la dette. Dans le mariage ou dans le meurtre, la
disparition de l'être aimé devait être 'dédommagée' d'une dette, par définition impayable.
Le numéraire a été créé pour les armées conquérantes, pour qu'elles puissent faire commerce de leur
butin (ou de leur solde).
L'argent a été exprimé par du métal précieux, avec le droit de battre monnaie, puis à des
reconnaissances de dette, puis à du papier monnaie et, maintenant, à des bits électroniques.
Inflation
La valeur de référence de l'argent n'a en soi pas grande importance puisque l'argent ne sert que
d'intermédiaire aux transactions financières. Il peut très bien n'y avoir aucune valeur de référence -
c'est le cas depuis l'abandon du système de Bretton Woods, en 1971, de la convertibilité du dollar en
or. Notons que quand la monnaie est liée à un métal précieux, elle a tendance à devenir très rare, ce
qui tue toute activité économique, notons aussi que, contrairement à ce que prétendent les
chrématisticiens (improprement nommés économistes) libéraux, l'argent sans contre valeur
métallique n'est pas nécessairement synonyme d'inflation. Le Greenback, aux États-Unis n'était pas
synonyme d'inflation avant la guerre de Sécession - il n'était lié à aucune contre valeur - mais
l'Assignat était soumis à une très forte inflation - alors qu'il était gagé sur les biens de l'Église.
L'argent sert d'étalon d'échange mais, comme toute valeur a pour origine le travail, il
n'est susceptible de représenter quelque chose que dans la mesure où le système
économique a produit des biens ou des services susceptibles de réaliser l'argent.
L'argent comme étalon a ceci de particulier qu'il peut varier. Qu'on imagine un
centimètre qui change en fonction d'un marché et l'on aura une idée du caractère peu
fiable de cette invention humaine. En fait, en dernier ressort, l'argent n'a de valeur que
parce que les gens croient qu'il en a. Toute monnaie est fiduciaire, toute monnaie repose
sur la confiance.
Parmi les éléments qui fondent la confiance dans la monnaie, il y a l'ensemble de ce qu'on peut
acquérir avec de l'argent, soit l'ensemble de la valeur de ce qui est produit par l'économie lucrative.
Ceci explique pourquoi l'inflation est davantage liée à la nature de la production
économique et moins à la nature de la monnaie en usage. Les conflits armés génèrent
toujours une forte inflation, les crises de surproduction, les crises de la demande créent
une forte déflation.
Friedman et l'école néo-classique expliquent l'inflation par cette équation:
(1)
M×V=P×Q
avec la production (Q) d'une économie pendant une période donnée corrigée par
l'évolution des prix (P) ; et la quantité de d'argent qui a été échangée dans l'économie au
cours de la période représentée par la quantité de monnaie en circulation (M) factorisée
par sa vitesse de circulation (V).
Cette vision des choses pose que toute dépense augmente V et donc pousse les prix vers
le haut à production inchangée.
Ceci fait l'impasse sur le fait que certaines dépenses augmentent la production Q - il
s'agit alors d'investissements (notamment, la sécurité sociale, l'enseignement, les
infrastructures publiques et privées) dans un deuxième temps. Par contre, un manque de
dépense contracte la production et fait baisser le même Q, ce qui est susceptible
d'affecter les prix également.
Par contre, la guerre diminue la quantité de valeur disponible pour réaliser le capital - Q
diminue - à besoins économiques inchangés (M.V), ce qui augmente mécaniquement les
prix P. De même, favoriser les hauts revenus et les dividendes permet de diminuer le
facteur V puisque cet argent est épargné plus que dépensé mais, à un moment donné, s'il
est réalisé à une grande échelle, il est susceptible de déclencher de l'inflation
gigantesque à terme. L'épargne, les hauts revenus et les dividendes ne sont qu'une façon
de postposer un problème rendu plus grave par le caractère exponentiel de
l'accumulation.
Création
Les économistes et les chrématisticiens comprennent mal le processus de création monétaire.
- La planche à billet intervient pour une partie négligeable de la création monétaire. Pour avoir une
idée de la proportion de l'argent liquide, divisez la totalité de vos avoirs financiers par la quantité de
liquide que vous avez sur vous. En moyenne, il s'agit de moins de 3%.
- Les dépôts ne constituent eux aussi qu'une faible proportion de la monnaie en circulation. L'argent
prêté par les banques ne correspond pas nécessairement à des dépôts.
- Il s'agit notamment de prêts sur base d'avoirs inférieurs aux montants des prêts. Les prêts sont
gagés, sont assurés par des dépôts inférieurs en quantité aux montants prêtés par le jeu des prêts
interbancaires. C'est le principe de réserves fractionnaires.
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