dossier thématique d ossier thématique Les dérivations urinaires “palliatives“ “Palliative” urinary diversion ● ● M. Peyromaure* ▶ RésuMé Le terme de dérivation urinaire “palliative” s’applique à la prise en charge urologique des compressions de l’appareil urinaire par un cancer. Du fait de l’incidence croissante des cancers, notamment urologiques, et du développement des soins de support, les dérivations urinaires “palliatives” sont de plus en plus nécessaires en pratique courante. Cet article fait le point sur les différents procédés utilisés. ▶ SUMMARY Urinary diversion is applied when urinary system is blocked with a cancer. Because of enhancement in urologic neoplasm, and supportive care development, palliative urinary diversion are daily needed. This text is a review in different process. Keywords: Urinary diversion – Cancer. Mots-clés : Dérivations urinaires – Cancer. L e terme de dérivation urinaire “palliative” s’applique à la prise en charge urologique des compressions de l’appareil urinaire par un cancer. Il s’agit d’un drainage urinaire, soit de la vessie lorsque l’obstacle tumoral est urétral, soit du rein lorsque l’obstacle est urétéral. Du fait de l’incidence croissante des cancers, notamment urologiques, et du développement des soins de support, les dérivations urinaires “palliatives” sont de plus en plus nécessaires en pratique courante. Paradoxalement, elles sont peu décrites dans les congrès et la littérature médicale. Cet article fait le point sur les différents procédés utilisés. déRivation vésicale Généralités Une dérivation de la vessie est nécessaire en cas de rétention vésicale par compression ou envahissement de l’urètre. L’obstacle est lié à une tumeur pelvienne : cancer prostatique, vésical, rectal, utérin, etc. La rétention vésicale par compression tumorale occasionne rarement des douleurs, car il ne s’agit pas d’un obstacle aigu. L’obstruction se fait sur un mode progressif, et ses principales complications sont l’infection urinaire, l’incontinence par regorgement et l’insuffisance rénale. Ces complications ont un impact non seulement sur la qualité de vie, mais également sur le traitement du cancer lui-même. En effet, la survenue d’une complication, en particulier infectieuse, nécessite souvent d’interrompre une chimiothérapie en cours ou de différer sa mise en route. * Service d’urologie, hôpital Necker, Paris. 410 Résection endoscopique “palliative“ Il s’agit du traitement de choix des obstacles urétraux. Sous anesthésie générale ou rachianesthésie, l’intervention consiste à réséquer, à l’aide d’un endoscope, le tissu tumoral obstructif. La résection se fait à l’aide d’une anse métallique par laquelle passe un courant électrique de section. Elle dure quinze à quarantecinq minutes, et nécessite une hospitalisation de deux à trois jours. Cette intervention est similaire à la résection endoscopique réalisée classiquement pour l’hypertrophie bénigne de prostate, mais le risque d’incontinence postopératoire est plus élevé (1). En effet, la tumeur infiltre parfois le sphincter strié de l’urètre, qui n’a pas une compliance normale. La résection risque donc de démasquer un mauvais fonctionnement sphinctérien. Elle doit être minimale, et doit simplement rétablir une lumière urétrale. Un antécédent de radiothérapie pelvienne majore le risque d’incontinence postopératoire. Dans les tumeurs évoluées, la résection endoscopique “palliative” doit souvent être répétée à plusieurs mois d’intervalle, du fait de la repousse tumorale. Le risque d’incontinence augmente avec le nombre de résections. Endoprothèses urétrales Les endoprothèses urétrales sont une autre possibilité que la résection endoscopique, chez les patients inopérables. Ces endoprothèses se placent en consultation, sous anesthésie locale. Il existe deux types d’endoprothèses : les prothèses permanentes et les prothèses temporaires, qu’il faut changer régulièrement. Ces prothèses sont surtout utilisées comme traitement des rétrécissements de l’urètre et de l’hypertrophie bénigne de la prostate. Leurs complications sont nombreuses : migration, infections, troubles mictionnels. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 Leur place chez les patients présentant un obstacle tumoral est très discutée, ce pour deux raisons. D’une part, l’urètre n’est pas compliant en cas de cancer, et la mise en place de l’endoprothèse est la plupart du temps impossible. D’autre part, la progression du cancer entraîne rapidement une incarcération de la prothèse dans la tumeur, et celle-ci devient inextirpable. Bien que quelques cas aient été publiés, l’endoprothèse urétrale n’est donc pas recommandée dans cette indication. Sonde vésicale et cathéter sus-pubien “à demeure“ Il s’agit du seul recours chez les patients inopérables ou en phase terminale. Cette solution, le plus souvent, est bien tolérée par les patients, et améliore de manière significative leur qualité de vie. L’extrémité libre de la sonde vésicale peut être fermée par un fosset, ce qui évite le recours à une poche collectrice ; le patient ouvre alors lui-même le fosset à intervalles réguliers pour évacuer l’urine. La plupart du temps, cependant, la sonde est reliée à une poche collectrice. Des poches avec attaches à la cuisse sont disponibles afin de faciliter la marche et les activités diurnes. La sonde vésicale peut entraîner des douleurs urétrales ou pelviennes (contractions de la vessie), s’infecter ou se boucher. Des changements itératifs, toutes les quatre à douze semaines, sont nécessaires. En cas de mauvaise tolérance de la sonde, ou d’impossibilité technique à sa pose, on pourra avoir recours à la mise en place d’un cathéter sus-pubien. L’inconvénient principal du cathéter sus-pubien est d’être facilement arraché par le patient, surtout si ce dernier présente des épisodes d’agitation. L’utilisation d’une sonde ou d’un cathéter sus-pubien “à demeure” est très fréquente, que ce soit ou non dans le cadre d’une maladie cancéreuse. Cependant, il n’existe pas d’étude dans la littérature sur ce type de soin. En particulier, aucune équipe n’a analysé la tolérance ou la qualité de vie des patients. déRivation Rénale Généralités Une dérivation rénale est nécessaire en cas d’obstacle urétéral. L’obstacle urétéral peut être lié à une tumeur de l’uretère, ou bien à un envahissement ou à une compression par un autre type de tumeur. Il peut se situer à l’abouchement intravésical de l’uretère (cancer avancé de la vessie ou de la prostate) ou sur tout le trajet urétéral (adénopathies, carcinose péritonéale, etc.). Les complications potentielles en sont la lombalgie, la pyélonéphrite et, à l’extrême, la perte de la fonction rénale. Facilement détectée par l’échographie, l’hydronéphrose représente une indication de drainage rénal sauf dans de rares cas où elle est modérée et asymptomatique. Sonde double J Sous anesthésie générale ou rachianesthésie, une sonde est montée par voie endoscopique de la vessie vers le rein. L’extrémité supérieure de la sonde est positionnée dans le rein, l’extrémité inférieure dans la vessie. Le rein est ainsi drainé, car l’urine s’écoule par la sonde. Une sonde double J est habituellement La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007 changée tous les six mois, car, au-delà de ce délai, le risque de calcification est important. Certaines sondes peuvent être laissées en place jusqu’à un an (sondes de longue durée). L’avantage principal de la sonde double J est qu’il s’agit d’une dérivation interne. Il n’y a pas d’appareillage, et le patient n’est pas limité dans ses activités. Cependant, la sonde est parfois mal tolérée, car elle occasionne certains troubles : pollakiurie, impériosités, douleurs, hématurie. De plus, elle favorise les infections urinaires et la formation de calculs. Enfin, elle peut être comprimée par la tumeur, ce qui aboutit parfois à des hospitalisations répétées pour changements de sonde. Néphrostomie percutanée dossier thématique d ossier thématique Sous anesthésie générale ou rachianesthésie, ou sous simple anesthésie locale, une sonde est introduite dans le rein sous guidage échographique et par voie transcutanée. Cette sonde s’extériorise par la fosse lombaire, et l’urine est recueillie dans une poche. L’inconvénient majeur est qu’il s’agit d’une dérivation externe, mais l’avantage est qu’il n’y a ni troubles mictionnels ni risque de compression par la tumeur. Sonde double J ou néphrostomie ? En pratique courante, la question se pose souvent. Le profil du patient et les caractéristiques de son cancer guident la décision. Chez un patient actif, dont le cancer est peu évolutif, la sonde double J est préférable. Chez un patient présentant une mobilité restreinte et/ou un cancer très agressif, la néphrostomie est plus adaptée. En effet, il faut alors privilégier la qualité de vie en réduisant le nombre d’hospitalisations. La sonde double J expose à des changements fréquents. S.Y. Chung et al. (2) ont étudié ses résultats chez 101 patients présentant une compression urétérale par un cancer. Dans leur série, 138 montées de sonde double J ont été tentées. Le taux d’échec était de 40 %. De plus, 30 % des patients chez lesquels la sonde double J avait pu être montée ont eu secondairement une néphrostomie, après un délai moyen de 40 jours. Une seule étude a comparé spécifiquement la sonde double J et la néphrostomie chez des patients présentant un obstacle tumoral (3). Dans cette étude, le taux global de complications des deux procédures était identique, mais la néphrostomie était associée à un meilleur taux de drainage (98,7 % versus 89 %). Monter une sonde double J n’est pas toujours possible soit parce que le méat urétéral n’est pas visible dans la vessie, soit parce que l’obstacle urétéral est infranchissable. La néphrostomie percutanée reste alors la seule option. Il est parfois possible de descendre secondairement une sonde double J par la néphrostomie. Endoprothèse urétérale Il s’agit d’un stent, de quelques centimètres de longueur, mis en place à l’intérieur de l’uretère au niveau de l’obstacle. Cette technique est parfois utilisée pour des rétrécissements fibreux de l’uretère. Elle n’est pas recommandée dans les obstacles tumoraux. Une seule étude a rapporté l’utilisation d’endoprothèses urétérales chez des patients présentant un obstacle tumoral (4). 411 dossier thématique d ossier thématique Dans les trois cas étudiés, l’endoprothèse était obstruée par le cancer au bout de quelques mois, et des néphrostomies ont dû être mises en place. Pontage réno-vésical Cette intervention consiste à relier le rein à la vessie, en shuntant l’uretère, par deux tubes en matériau synthétique souscutané connectés l’un à l’autre. L’étude la plus importante a inclus 31 patients (5) ; elle montrait la faisabilité technique de la procédure, mais avec un risque significatif d’infection et d’obstruction (environ 20 %). conclusion En cas d’obstacle urétral, la résection endoscopique représente la meilleure solution pour réaliser une dérivation de la vessie. Il s’agit d’une intervention simple, mais associée à un risque significatif d’incontinence postopératoire. En cas d’obstacle urétéral, il existe deux options : la sonde double J ou la néphrostomie. La sonde double J est préférable chez les patients actifs, mais elle nécessite des hospitalisations régulières 412 pour changements itératifs. La néphrostomie, qui permet un drainage plus sûr des cavités rénales, nécessite un appareillage externe. Elle est donc réservée aux patients à mobilité restreinte ou à ceux qui ont présenté un échec à la pose d’une sonde double J. ■ RéféRences bibliogRaphiques 1. Crain DS, Amling CL, Kane CJ. Palliative transurethral prostate resection for bladder outlet obstruction in patients with locally advanced prostate cancer. J Urol 2004;171:668-71. 2. Chung SY, Stein RJ, Landsittel D et al. 15-year experience with the management of extrinsic ureteral obstruction with indwelling ureteral stents. J Urol 2004;172:592-5. 3. Ku JH, Lee SW, Jeon HG, Kim HH, Oh SJ. Percutaneous nephrostomy versus indwelling ureteral stents in the management of extrinsic ureteral obstruction in advanced malignancies: are there differences? Urology 2004;64:895-9. 4. Ahmed M, Bishop MC, Bates CP, Manhire AR. Metal mesh stents for ureteral obstruction caused by hormone-resistant carcinoma of prostate. J Endourol 1999;13:221-4. 5. Schmidbauer J, Kratzik C, Klingler HC, Remzi M, Lackner J, Marberger M. Nephrovesical subcutaneous ureteric bypass: long-term results in patients with advanced metastatic disease-improvement of renal function and quality of life. Eur Urol 2006;50:1073-8. La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007