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Médecine
& enfance
Sclérose tubéreuse de Bourneville :
mise au point et perspectives
NEUROLOGIE
B. Desnous, S. Auvin
service de neurologie pédiatrique
hôpital Robert-Debré, Paris
La sclérose tubéreuse de Bourneville (STB) est une maladie génétique, de
transmission autosomique dominante. C’est une affection multisystémique,
d’expression variable, touchant l’enfant et l’adulte. A l’âge adulte, 95 % des
patients présentent des lésions spécifiques, cutanées, cérébrales, cardiaques,
rénales, pulmonaires et/ou rétiniennes (figure 1). Les manifestations cliniques
caractéristiques de la STB dépendent de l’âge du patient. Il semble donc primordial de connaître les signes cliniques devant faire évoquer ce diagnostic
pour chaque tranche d’âge, afin d’établir le suivi et la conduite à tenir au cours
de l’enfance, de la période anténatale à l’adolescence.
Rubrique dirigée par S. Auvin
DIAGNOSTIC,
EPIDÉMIOLOGIE
ET GÉNÉTIQUE
La prévalence de la STB est estimée
entre 1/6 000 et 1/10 000. Cette maladie autosomique dominante résulte de
mutations sur deux gènes suppresseurs
de tumeurs : TSC1, situé en 9q34, codant pour l’hamartine, et TSC2, situé en
16p13, codant pour la tubérine. Ces
deux protéines régulent la prolifération
et la différenciation cellulaire en inhibant le complexe mTOR (mammalian
target of rapamycin). Une mutation de
l’un de ces deux gènes est trouvée dans
90 % des cas. Les formes cliniques de la
maladie liées à une mutation de TSC2
sont plus graves. Dans deux tiers des
cas, la maladie est liée à une mutation
sporadique.
La STB se caractérise cliniquement par
la formation multisystémique d’hamartomes ; les organes les plus fréquemment touchés sont le cerveau, la peau,
les reins, l’œil, le poumon et le cœur. Le
diagnostic repose sur des critères cliniques, radiologiques et histopathologiques (tableau I) et sur l’identification de
mutations du gène TSC1 ou TSC2. Les
critères diagnostiques de STB sont établis depuis 1998. Le diagnostic de STB
est certain si deux critères majeurs ou
un critère majeur et deux critères mineurs sont présents ; le diagnostic est
probable si l’on trouve un critère majeur
et un critère mineur.
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FORMES CLINIQUES
ANTÉ- ET NÉONATALES :
ATTEINTES CARDIAQUES
ET CÉRÉBRALES
Durant la période anté- et périnatale, ce
sont les atteintes cardiaques et cérébrales qui prédominent.
Dès la vingt-sixième semaine d’aménorrhée, la découverte par échographie ou
IRM fœtales d’un rhabdomyome cardiaque, tumeur bénigne intra-cavitaire
et/ou intra-murale, conduit dans 50 à
80 % des cas au diagnostic de STB. Le
rhabdomyome intracardiaque unique
ou multiple est le plus souvent asymptomatique et involue spontanément
avec l’âge. En période néonatale, ces
anomalies sont rarement associées à
des arythmies ou des signes de cardiomyopathie. Des signes d’insuffisance
cardiaque sont très exceptionnels.
Au niveau cérébral, les hamartomes
consistent en des tubers corticaux et des
nodules sous-épendymaires (figures 2 et
3). Les tubers corticaux sont des masses
lisses et fermes situées au sommet des
circonvolutions cérébrales et constituées de neurones dystrophiques, de
larges astrocytes et de cellules géantes
multinuclées. Ils sont présents chez
80 % des sujets atteints de STB.
La découverte d’un rhabdomyome intracardiaque ou l’atteinte d’un des parents
doit faire demander une IRM fœtale, afin
de rechercher des tubers corticaux ou
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expression clinique (%)
rhabdomyomes cardiaques
100
taches achromiques
80
nodules sous-épendymaires
épilepsie
60
angiofibromes faciaux
40
angiomyolipomes rénaux
20
hamartomes rétiniens
0
40 ans
25 ans
15 ans
10 ans
5 ans
hamartomes hépatiques
1 an
Critères majeurs
첸 angiofibromes faciaux ou plaques fibreuses
frontales
첸 fibromes unguéaux ou péri-unguéaux
(tumeurs de Koenen)
첸 taches achromiques (3 ou plus)
첸 plaque « peau de chagrin »
첸 phacomes rétiniens multiples
첸 tubers corticaux
첸 nodule sous-épendymaire
첸 astrocytome à cellules géantes sousépendymaire
첸 rhabdomyome cardiaque, unique ou
multiple
첸 lymphangioleiomyomatose
첸 angiomyolipomes rénaux
Manifestations cliniques de la STB en fonction de l’âge (d’après Curatolo P. et al.)
naissance
Le diagnostic de STB est certain si 2 critères
majeurs ou 1 critère majeur et 2 critères
mineurs sont présents
Le diagnostic est probable si l’on trouve
1 critère majeur et 1 critère mineur
Figure 1
anténatal
Critères diagnostiques de la sclérose
tubéreuse de Bourneville
fibromes unguéaux
Figure 2
Astrocytomes ou SEGA chez un enfant de trois ans. IRM cérébrale séquences T1 avec
injection de gadolinium et T2 coupes axiales : astrocytome prenant le contraste situé à
proximité du trou de Monro gauche et plongeant dans la corne antérieure du ventricule
latéral gauche sans hydrocéphalie.
Critères mineurs
첸 kystes rénaux multiples
첸 polype rectal hamartomateux
첸 kystes osseux
첸 anomalies de migration du système nerveux
central
첸 fibromes gingivaux
첸 hamartomes non rénaux
첸 taches rétiniennes achromiques
첸 lésions cutanées « en confetti » ou « puits »
de l’émail dentaire
des nodules sous-épendymaires. La normalité de L’IRM n’exclut pas le diagnostic ; en effet, les tubers corticaux et nodules sous-épendymaires sont présents
très tôt mais pas toujours visibles, ce qui
rend le conseil génétique difficile.
Dans sa forme néonatale, la STB est généralement peu symptomatique, même
si les symptômes et leur fréquence sont
bien établis. Aussi ces derniers ne
conduisent-ils le plus souvent qu’au diagnostic et à la mise en place d’un suivi.
FORMES CLINIQUES
DU NOURRISSON :
L’ÉPILEPSIE
L’atteinte neurologique la plus répandue dans la STB est l’épilepsie ; elle est
développée par 60 à 93 % des patients.
Les premières crises débutent pour la
majorité des patients dans l’enfance et
pour 63 % durant la première année de
vie, sous la forme de crises partielles ou
de spasmes infantiles (38 % des cas). La
forme clinique à retenir est la survenue
chez un nourrisson de moins de un an
de spasmes infantiles, ou syndrome de
West. Le syndrome de West est défini
par une triade caractéristique : spasmes
en flexion ou extension, hypsarythmie
sur l’électroencéphalogramme intercritique, régression psychomotrice. 20 à
50 % des patients atteints de STB présentent un syndrome de West, et, dans
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plus de la moitié des cas, il révèle la
STB. L’IRM cérébrale réalisée dans le
cadre de cette épilepsie du nourrisson
permet de repérer des tubers corticaux
et/ou des nodules sous-épendymaires
très évocateurs du diagnostic.
La prise en charge doit être précoce afin
d’instaurer un traitement antiépileptique par Sabril® (vigabatrine), le délai
d’instauration d’un traitement antiépileptique semblant conditionner le pronostic neurologique.
Un examen dermatologique à l’aide
d’une lampe de Wood sera réalisé afin
de rechercher des taches achromiques,
seules lésions cutanées présentes à cet
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Figure 3
Tubers corticaux et nodules sous-épendymaires chez une patiente de cinq ans. IRM
cérébrale séquences T2 et T1 coupes axiales. Flèches noires : tubers corticaux. Flèches
blanches : nodules sous-épendymaires.
âge. L’existence de ces éléments cutanés
permettra de confirmer le diagnostic
(critère majeur). On réalisera également
un bilan à la recherche d’une atteinte
sur d’autres organes : une échographie
cardiaque afin de mettre en évidence un
éventuel rhabdomyome intracardiaque,
une échographie rénale recherchant des
kystes rénaux. Une analyse génétique
cherchant une mutation du gène TSC1
ou TSC2 sera également réalisée.
L’évolution des nourrissons développant un syndrome de West et répondant
bien à une monothérapie par Sabril®
peut être favorable, avec un développement psychomoteur normal. Seuls 30 %
des nourrissons présentant des spasmes
infantiles sont indemnes de crises à
long terme, les autres évoluent vers une
épilepsie pharmacorésistante avec
crises partielles motrices secondairement généralisées ou un syndrome de
Lennox-Gastaut. Dans ce dernier cas,
l’épilepsie s’accompagne d’anomalies
du développement psychomoteur et de
troubles autistiques.
Une surveillance annuelle du champ visuel est indispensable lors de l’instauration d’un traitement par Sabril®. En effet, on peut observer une réduction
concentrique asymptomatique du
champ visuel dépendant de la durée du
traitement.
FORMES CLINIQUES
DE L’ENFANT : ÉPILEPSIE,
DÉFICIENCE
INTELLECTUELLE ET
TROUBLES AUTISTIQUES
MANIFESTATIONS
NEUROLOGIQUES
Les manifestations cliniques prédominantes chez l’enfant sont l’épilepsie, le
développement d’astrocytomes intraventriculaires, la déficience intellectuelle et les troubles du comportement de
type autistique.
L’épilepsie débute le plus souvent avant
l’âge de un an par des spasmes infantiles, mais elle peut également apparaître chez le jeune enfant ou l’enfant
plus grand sous la forme d’une épilepsie
focale (ou multifocale) symptomatique.
Les manifestations cliniques sont alors
assez fréquemment des crises partielles
motrices secondairement généralisées.
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La relation entre le point de départ des
crises et la présence de tubers n’est pas
complètement établie. Certains tubers
peuvent être silencieux et ne donner aucun symptôme. En effet, les crises épileptiques auraient comme point de départ le cortex en périphérie du tuber
plutôt que le centre du tuber lui-même.
Ces épilepsies sont très souvent pharmacorésistantes. Les crises ne sont contrôlées que dans 31 à 47 % des cas après la
mise en place d’un premier traitement.
La pharmacorésistance atteint 75 % en
cas d’antécédents de spasmes infantiles,
versus 39 % chez les patients dont l’épilepsie n’a pas débuté par un syndrome
de West. Malheureusement, les rechutes
après rémission prolongée sont fréquentes. Une prise en charge chirurgicale peut être envisagée en cas de pharmacorésistance. Les indications sont les suivantes : présence de crises stéréotypées
pharmacorésistantes issues du cortex
non éloquent. Seule une exploration par
une équipe spécialisée permettra de retenir une indication chirurgicale. En cas
de contre-indication chirurgicale, la stimulation du nerf vague peut être une alternative thérapeutique.
Dans moins de 10 % des cas, les nodules
sous-épendymaires peuvent se transformer en astrocytomes à cellules géantes
(subependymal giant cell astocytoma :
SEGA) ; cette évolution est alors mise en
évidence par l’IRM cérébrale. Ces tumeurs bénignes, de croissance rapide,
apparaissent typiquement entre cinq et
dix ans ; elles peuvent entraîner une hydrocéphalie avec hypertension intracrânienne (HTIC) en bloquant l’écoulement
du LCR lorsqu’elles sont situées à proximité des trous de Monro. Les nodules
sous-épendymaires situés à proximité
des trous de Monro doivent donc être
surveillés. S’ils grossissent, prennent le
contraste après injection de gadolinium
et ne sont pas calcifiés, une IRM cérébrale doit être réalisée tous les six mois initialement puis annuellement. En cas
d’évolutivité, de taille supérieure à 3 cm
ou d’installation de signes d’HTIC, à savoir survenue d’une fatigue inhabituelle,
de céphalées, de vomissements, d’amputation du champ visuel, une nouvelle
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IRM cérébrale doit être immédiatement
réalisée et le patient doit bénéficier d’un
traitement neurochirurgical.
Dans la STB, les manifestations neurocognitives et psychiatriques sont très variables d’un patient à l’autre. Y compris
au sein d’une même famille, certains individus peuvent présenter un autisme
déficitaire sévère et d’autres mener une
vie normale. Le nombre et la localisation
des tubers corticaux sont des facteurs de
variabilité du phénotype neurologique.
La déficience intellectuelle touche 40 à
50 % des enfants atteints de STB ; elle
est quasi constamment associée à une
épilepsie. Le pronostic cognitif est étroitement lié à l’âge du début de l’épilepsie
(mauvais pronostic en cas de début
avant un an), à la sévérité de celle-ci
(meilleur pronostic en cas de bon
contrôle de l’épilepsie), au type d’épilepsie (mauvais pronostic si antécédent de
spasmes et d’état de mal épileptique).
D’autres facteurs de risque de retard intellectuel ont également été identifiés :
la mutation de TSC2, la localisation et le
nombre de tubers corticaux.
Chez l’enfant d’âge scolaire (six ans), il
est nécessaire d’évaluer systématiquement les fonctions cognitives à la recherche d’une déficience intellectuelle
ou de troubles neuropsychologiques
spécifiques. Ces derniers peuvent être
présents même en l’absence de crises
épileptiques. Les enfants présentant un
retard intellectuel sont plus susceptibles
de présenter des troubles autistiques ou
des déficits de l’attention avec hyperactivité. Concernant la présence de
troubles autistiques, il n’est pas encore
clairement établi si la neurobiologie de
la STB est en cause ou si cela est en lien
avec la déficience intellectuelle.
MANIFESTATIONS
EXTRA-NEUROLOGIQUES
Comme nous l’avons déjà évoqué, les
taches achromiques sont la première des
manifestations observables. L’intérêt de
les rechercher par un examen soigneux
à la lampe de Wood est surtout lié au
diagnostic. Les angiofibromes faciaux apparaissent à partir de l’âge de six ans et
sont présents chez 75 % des adultes. Il
s’agit de nodules charnus, arrondis et
roses, siégeant sur le nez et les joues
avec une topographie en ailes de papillon. Ils posent surtout un problème
esthétique.
Les atteintes rénales mises en évidence
dans l’enfance peuvent nécessiter un
traitement. Dans 75 % des cas, il s’agit
d’angiomyolipomes, volontiers multiples et bilatéraux. Les angiomyolipomes sont des tumeurs bénignes dont
l’évolutivité justifie une surveillance régulière dès la deuxième décennie (voir
infra). Dans 25 % des cas, les atteintes
rénales sont des kystes rénaux. Ils apparaissent généralement dans l’enfance et
n’ont pas de potentiel évolutif. Dans de
rares cas, des kystes rénaux multiples
peuvent être responsables d’hypertension artérielle ou d’insuffisance rénale
chronique. Enfin, le développement de
lésions rénales néoplasiques est possible chez l’enfant mais exceptionnelle.
Dès l’enfance, l’examen ophtalmologique peut être une aide au diagnostic
en mettant en évidence des hamartomes
rétiniens.
FORMES CLINIQUES
DE L’ADOLESCENT :
PROCHES DES FORMES
ADULTE
sentiment d’être dépassé, de ne pas
pouvoir faire face. Les mémoires visuelle et verbale semblent être également
fréquemment altérées.
MANIFESTATIONS PULMONAIRES
Des manifestations pulmonaires en rapport avec une lymphangioléiomyomatose pulmonaire peuvent survenir à la puberté. La fréquence de cette atteinte est
identique pour les mutations des gènes
TSC1 et TSC2. L’atteinte pulmonaire
n’est pas limitée au sexe féminin,
contrairement aux idées reçues. La lymphangioléiomyomatose pulmonaire est
une maladie interstitielle progressive
liée à la prolifération de cellules musculaires lisses anormales ; elle conduit au
développement de lésions kystiques multiples dont l’aspect tomodensitométrique
est caractéristique. Les symptômes sont
une dyspnée, une toux, des pneumothorax récidivants, des épanchements chyleux. L’évolution peut se faire vers l’insuffisance respiratoire terminale et le décès. Dans les formes sévères, la transplantation pulmonaire s’est montrée efficace. Des traitements spécifiques, comme la rapamycine, qui inhibent la voie
mTOR et limitent la croissance et la prolifération cellulaire, sont actuellement
en cours de développement avec des essais cliniques qui semblent prometteurs.
MANIFESTATIONS RÉNALES
MANIFESTATIONS
NEUROLOGIQUES
La surveillance neurologique doit se
poursuivre chez l’adolescent. Elle
consiste en une surveillance régulière
de l’épilepsie, même si cette dernière a
débuté à l’adolescence et est équilibrée.
Une évaluation régulière des fonctions
cognitives à la recherche de déficits
neuropsychologiques spécifiques et de
troubles neuropsychiatriques permet de
réaliser les adaptations nécessaires
dans la scolarisation et les apprentissages professionnels. En effet, des
troubles de l’attention et de la concentration sont retrouvés chez 50 % des patients. Ces troubles prédominent le plus
souvent sur l’attention partagée, ce qui
se traduit dans la vie quotidienne par le
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Les atteintes rénales sont plus évolutives et plus fréquentes dès la deuxième
décennie et nécessitent donc une surveillance rapprochée.
Les angiomyolipomes rénaux multiples
peuvent être découverts à l’échographie, au scanner ou à l’IRM. Le risque
de ces lésions est essentiellement hémorragique, notamment en cas de taille
supérieure à 3 ou 4 cm. Des douleurs
lombaires doivent faire évoquer un syndrome préfissuraire. Le traitement repose sur la chirurgie et l’embolisation.
MANIFESTATIONS
DERMATOLOGIQUES
Fortement présentes à cet âge, les manifestations dermatologiques conduisent
parfois au diagnostic. Il s’agit d’angio-
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fibromes faciaux, de taches achromi ques, de fibromes unguéaux et de
plaques en peau de chagrin. Le préjudice
esthétique doit être pris en compte et des
traitements spécifiques au laser proposés. Les essais cliniques réalisés avec la
rapamycine suggèrent une efficacité de
ce traitement sur les angiofibromes qui
posent le plus de problèmes esthétiques.
Cet effet ne constituait toutefois qu’un
critère d’évaluation secondaire, un essai
clinique spécifique est donc nécessaire.
MANIFESTATIONS
OPHTALMOLOGIQUES
L’examen ophtalmologique met en évidence des hamartomes rétiniens, lésions bénignes pouvant se calcifier,
chez 50 % des patients.
MODALITÉS DE SUIVI
ET DE SURVEILLANCE
L’atteinte multisystémique de la STB
nécessite une prise en charge multidisciplinaire. La surveillance à long terme
d’une STB doit cibler les atteintes les
plus fréquentes, celles qui peuvent être
traitées si elles sont identifiées précocement et celles qui peuvent menacer le
pronostic vital du patient. La détection
précoce d’angiomyolipomes rénaux,
d’astrocytomes à cellules géantes et de
complications cardiaques doit être le
principal enjeu d’un protocole de surveillance de STB.
Les recommandations actuelles préconisent que, lors du diagnostic, soient
réalisés systématiquement une IRM cérébrale, un électroencéphalogramme,
une évaluation des fonctions cognitives,
une IRM rénale, un examen ophtalmologique.
Même s’il n’y a pas de consensus fondé
sur des données cliniques, l’IRM cérébrale doit être réalisée avant l’âge de
deux ans et répétée tous les un à trois
ans chez l’enfant et l’adolescent. En cas
de facteur de risque (clinique ou neuroradiologique) de développement de
SEGA, l’IRM cérébrale devra être répétée tous les six mois à tous les ans jusqu’à l’âge adulte. Une imagerie cérébra-
le sera également réalisée devant toute
modification de la symptomatologie
neurologique.
Actuellement, nous ne disposons pas
non plus de recommandations concernant le rythme et les modalités (IRM,
scanner, échographie) de surveillance
des atteintes rénales de la STB.
L’échographie cardiaque est réalisée
uniquement si des signes cardiaques
sont présents.
Un scanner pulmonaire devra être réalisé à l’âge adulte et devant la survenue
de symptômes respiratoires.
Le rythme et les modalités de surveillance ophtalmologique, pulmonaire et cardiologique sont fonction des signes cliniques présentés par le patient.
DIAGNOSTIC PRÉNATAL
ET CONSEIL GÉNÉTIQUE
En anténatal, la découverte d’un (ou de
plusieurs) rhabdomyome(s) cardiaque(s) doit faire proposer aux parents la réalisation d’une IRM cérébrale
fœtale.
Une localisation cérébrale de la maladie
confirme le diagnostic mais son absence
ne l’exclut pas. Dans ce contexte, une
consultation génétique est réalisée afin
d’évaluer l’opportunité et la faisabilité
d’une analyse moléculaire anténatale.
La grande variabilité des présentations
cliniques de cette maladie rend souvent
difficile la discussion multidisciplinaire.
Lorsqu’il s’agit d’une forme familiale, la
mise en évidence de la mutation chez le
parent atteint rend théoriquement possible un diagnostic pré-implantatoire,
mais ces pratiques restent encore très
difficilement organisables. Par contre,
un diagnostic anténatal précoce par
étude moléculaire sur villosités choriales est toujours possible.
PERSPECTIVES
THÉRAPEUTIQUES
La cascade biochimique impliquée dans
la STB est identifiée, elle est liée à la
voie mTOR. En effet, l’hamartine et la
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tubérine, qui sont les deux protéines
mutées dans la STB, inhibent à l’état
normal cette voie métabolique et régulent ainsi la prolifération et la différenciation cellulaire.
Cette découverte a conduit à mener des
essais thérapeutiques avec l’évérolimus,
qui est un inhibiteur connu de la voie
mTOR surexprimée dans la STB. Les essais cliniques ont débuté et portent sur
le traitement des angiomyolipomes et
des SEGA ; leurs résultats sont prometteurs et ont conduit à une autorisation
de mise sur le marché. Une efficacité
sur les angiofibromes cutanés a été suggérée dans l’analyse des critères secondaires. Les travaux évaluant l’effet de
cette molécule dans l’épilepsie sont en
cours. Il semble qu’à l’arrêt du traitement on observe une recroissance tumorale. Les données sont encore insuffisantes pour définir la place de ce traitement médical par rapport à la chirurgie des SEGA et l’embolisation ou la chirurgie dans les angiomyolipomes. Mais
les travaux cliniques se poursuivent…
CONCLUSION
La STB est une maladie génétique multisystémique dont l’expression est fortement liée à l’âge du patient. Chez le
nourrisson, l’expression est dominée par
l’épilepsie, avec en premier lieu la survenue d’un syndrome de West chez les enfants de moins de un an. Chez l’enfant et
l’adolescent, l’apparition de manifestations multisystémiques justifie une prise
en charge multidisciplinaire.
La compréhension de la voie métabolique sous-jacente à cette maladie est
une avancée majeure, et l’arrivée sur le
marché des inhibiteurs de mTOR pourrait représenter le premier traitement
étiologique global de cette maladie. 첸
Pour en savoir plus
CURATOLO P., BOMBARDIERI R., JOZWIAK S. : « Tuberous
sclerosis », Lancet, 2008 ; 372 : 657-68.
MOAVERO R., CERMINARA C., CURATOLO P. : « Epilepsy secondary to tuberous sclerosis : lessons learned and current challenges », Childs Nerv Syst., 2010 ; 26 : 1495-504.
FRANZ D.N. : « Everolimus : an mTOR inhibitor for the treatment
of tuberous sclerosis », Expert Rev. Anticancer. Ther., 2011 ; 11 :
1181-92.
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