TUMEURS UROLOGIQUES
241
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998
LE CANCER DU REIN
Plusieurs équipes françaises ont publié dans de grandes revues
internationales sur le cancer du rein en 1998.
Épidémiologie
Bretheau (1) et les membres du comité d’oncologie de l’AFU
(Association française d’urologie) ont rapporté, dans une
enquête prospective sur une période de deux ans (avril 1992-
mars 1994), les caractéristiques de 1 486 cancers du rein diag-
nostiqués dans 54 centres français, analysées de façon très
didactique. Ce travail est d’autant plus à encourager que notre
pays brille rarement par ses données épidémiologiques. L’âge
moyen au diagnostic était de 62,1 ans avec un sex-ratio M/F de
2,1. Quarante pour cent des tumeurs étaient découvertes fortui-
tement grâce à l’échographie. Une néphrectomie a pu être réa-
lisée dans 93 % des cas, un traitement médical dans 5 %
d’entre eux. La répartition suivant le stade était la suivante :
8 % pT1, 53 % pT2, 21 % pT3a, 18 % pT3b. Il y avait un
envahissement ganglionnaire dans 9 % des cas et des méta-
stases viscérales dans 6 % d’entre eux. Les tumeurs décou-
vertes de façon fortuite étaient intracapsulaires dans 80 % des
cas.
Au plan histologique, les carcinomes à cellules claires étaient
représentés à 66 %, les tumeurs tubulo-papillaires à 12 %, les
oncocytomes à 5 % (inclus en raison de l’impossibilité d’un
diagnostic préopératoire). Une atteinte de la surrénale homola-
térale et une thrombose de la veine cave étaient toutes deux
observées dans 4 % des cas. Le diamètre maximal moyen était
de 6,4 ± 3,5 cm, 14 % étaient multicentriques. Le grade
nucléaire (disponible dans 66 % des cas) était significative-
ment corrélé à l’envahissement de la graisse périrénale et à
l’atteinte ganglionnaire.
Essais d’immunothérapie à base d’interféron et d’interleukine 2 :
trois publications importantes ont paru
Négrier et coll. (2) ont publié dans le New England Journal of
Medicine les résultats de l’essai de la fédération des centres
comparant, chez 452 patients métastatiques, l’interféron α
(Roféron 18 000 000 UI x 3/semaine), l’interleukine 2 i.v.
(18 000 000 UI/m2x 5 jours, 6 cycles à 3 semaines d’intervalle),
ou l’association des deux (interleukine à la même dose + inter-
féron 6 000 000 UI x 3/semaine). Les taux de réponse étaient
respectivement de 6,5 %, 7,5 % et 18,6 % (p < 0,01) sans dif-
férence de survie globale entre les trois groupes.
Les bons résultats d’Azpodien avec la triple association de
5-FU, interleukine 2 et interféron α(48,6 % de RO) n’ont été
confirmés ni par les essais du groupe immunologie de la fédé-
ration (3) ni par celui de Tourani et coll. (4).
Dans le premier essai, 111 patients ont été inclus entre février
et octobre 1995 et traités par interleukine 2 sous-cutanée
(9 000 000 UI x 6 jours une semaine sur 2 pendant
8 semaines), interféron α(6 000 000 UI à J1-J2-J3) pendant
8 semaines et 5-FU en perfusion continue (600 mg/m2/jour
pendant 5 jours toutes les 4 semaines). Le taux de réponse a
été, avec seulement deux RP, de 1,8 % (IC : 0 - 4,3 %).
Le second (SCAPP II) a utilisé un traitement d’induction sous-
cutané d’interleukine 2 (18 000 000 UI) et d’interféron α
(9 000 000 UI) trois fois par semaine avec des injections intra-
veineuses hebdomadaires de 5-FU (750 mg/jour). Les patients
répondeurs ou stables ont reçu un traitement d’entretien selon
les mêmes modalités sur 15 jours, suivi de 3 semaines de
repos. La méthodologie statistique a fait appel à un test trian-
gulaire. À la fin de la période d’induction, 12 patientes sur 62
ont présenté une RO (19 %, IC 10 - 31 %).
À l’inverse, l’équipe du M.D. Anderson Cancer Center (5) a
rapporté chez 55 patients de meilleurs résultats avec un taux de
RO de 31 % (IC : 18 - 46 %) en utilisant de l’interleukine 2
(2 000 000 UI/m2/jour de J1 à J5) et du 5-FU en perfusion
continue (600 mg/m2J1 à J5) associé à de l’interféron sous-
cutané (4 000 000 UI/m2/jour) au prix d’une toxicité rédhibi-
toire pour recommander ce schéma thérapeutique.
Autres immunothérapies
L’interféron gamma-1b s’est montré inefficace dans un essai
canadien randomisé versus placebo (6).
Le GM-CSF à dose sous-cutanée de 10 µg/kg/j pendant
14 jours tous les 28 jours présente une activité marginale, avec
une stabilité prolongée chez 24 patients traités (7).
Le traitement le plus efficace reste la résection des méta-
stases quand elle est possible. Dans l’expérience du Memorial
Sloan Kettering de New York (MSKCC) (8), sur une série de
278 patients en première récidive, 111 ont été opérés dans une
optique curatrice, 70 de façon palliative et 67 n’ont pas été
opérés. Les survies globales à 5 ans étaient respectivement de
44 %, 14,5 % et 11 %. Trois facteurs influençaient la survie :
l’intervalle libre supérieur à 12 mois (55 % versus 9 %,
p < 0,0001), le caractère unique/multiple des métastases (54 %
versus 9 %, p < 0,001) et l’âge inférieur à 60 ans (49 % versus
Les tumeurs urologiques
Ph. Beuzeboc*
S
ynthèse
* Service d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris.
35,5 %, p < 0,05). Parmi les 94 patients ayant une métastase
unique, le pronostic était nettement meilleur lorsque celle-ci
était pulmonaire (54,5 %, n = 50) plutôt que cérébrale (18 %,
n = 11).
Une observation récente de régression métastatique sponta-
née permet d’actualiser la bibliographie de ce phénomène
exceptionnel (9). Le mécanisme en reste toujours aussi suppu-
tatif (10).
CANCER DU TESTICULE ET TUMEURS GERMINALES
EXTRAGONADIQUES
Tumeurs germinales non séminomateuses
Dans les tumeurs germinales non séminomateuses de stade I,
Heidenreich et coll. (11) ont analysé, chez 149 patients, les
paramètres de risque de métastases et retrouvé les facteurs
classiques : la présence d’emboles vasculaires, le pourcentage
de carcinome embryonnaire et l’invasion d’albuginée alors que
p53, bcl-2, MIB-1, cathepsine D et cadherine E n’ont pas de
valeur pronostique. Combiner le pourcentage de carcinome
embryonnaire (< 45 %) et l’absence d’envahissement vasculaire
permet de prédire, dans 90 % des cas, un vrai stade I. À
l’opposé, la présence de plus de 80 % de carcinome embryon-
naire avec présence d’emboles vasculaires est prédictif d’un
stade IIA dans 88 % des cas.
La prévalence d’un cancer bilatéral est influencée par la chi-
miothérapie d’une première tumeur, aussi Sonneveld et coll.
(12) ont-ils étudié cette prévalence dans une population stade I
au cours de 30 ans d’expérience dans le même centre. La pré-
valence était de 4,7 % (8/170) entre 1967 et 1981, et de 2,9 %
(8/275) entre 1982 et 1997.
Dans la base de données d’Indianapolis (13), sur 2 088 patients,
21 (1 %) ont présenté un cancer bilatéral (16 métachrones,
5 synchrones), certains jusqu’à 25 ans après le diagnostic
d’une première tumeur. Le traitement ne doit pas être différent
de celui des autres tumeurs.
Dans les stades III de bon pronostic, les résultats à long terme
de la comparaison de 3 versus 4 BEP n’ont montré aucune dif-
férence en termes de survie sans récidive et de survie globale
(14).
L’essai randomisé conduit par le MRC/EORTC, comparant un
schéma BOP/VIP-B à un traitement BEP/EP dans des formes à
mauvais pronostic, n’a retrouvé, dans une série de 380 patients,
aucune différence en termes de rémission complète, de survie
sans progression ou de survie globale (15).
Le VeIP permet d’obtenir un taux de rémission complète de
49,6 % et 23,7 % de survie prolongée sans récidive lors de la
rechute d’une tumeur traitée initialement par une chimiothéra-
pie d’induction à base de cisplatine et d’étoposide (16). Il faut
néanmoins insister sur le fait qu’aucun des 32 patients présen-
tant un primitif non séminomateux extragonadique n’est en
rémission.
En ce qui concerne les facteurs prédictifs de la réponse théra-
peutique, les données du MSKCC sur 796 patients traités par
une chimiothérapie à base de platine ne font que confirmer les
facteurs significatifs indépendants que constituent une tumeur
primitive médiastinale, une tumeur non purement séminoma-
teuse, des métastases viscérales non pulmonaires (osseuse,
hépatique, cérébrale), la valeur préthérapeutique des LDH et
des HCG (17).
Rayson et coll. (18), à la Mayo Clinic, ont retrouvé une associa-
tion entre sarcoïdose et cancer du testicule avec une incidence
de sarcoïdose augmentée d’environ 100 fois par rapport à une
population standard d’hommes jeunes. Cela mérite confirma-
tion.
Séminomes
Le coût de la surveillance des stades précoces (I et II) traités
par chirurgie et radiothérapie n’apparaît pas justifié, selon une
étude du M.D. Anderson Cancer Center, avec seulement deux
récidives sur 58 patients, une DFS à 8 ans de 93 % et une sur-
vie globale à 100 % (19).
Si la radiothérapie est suffisante dans les stades IIA et IIB
(89 % sans récidive), pour les lésions IIC et IID (>10 cm),
malgré un contrôle local excellent, le risque inacceptable de
50 % de rechute à distance indique clairement que la chimio-
thérapie doit constituer le traitement premier (20).
L’expérience de l’institut Gustave-Roussy (IGR) sur
72 patients de stade évolué traités par une chimiothérapie à
base de cisplatine a été rapportée par Culine (21). Avec un fol-
low-up médian de 64 mois, 83 % sont en vie et en rémission.
Tumeurs germinales médiastinales
Fizazi et coll. (22) ont rapporté 29 cas de tumeurs non sémino-
mateuses traités à l’IGR. Ces tumeurs doivent être considérées
comme une entité à part. Seuls 40 % des patients peuvent envi-
sager une survie à long terme avec les chimiothérapies par cis-
platine et l’exérèse des masses résiduelles. Cinq patients ont
développé une hémopathie (21 % des patients en rémission
complète), l’analyse cytogénétique des cellules leucémiques
montrant dans deux cas un isochromosome du bras court du
chromosome 12 (12p).
Reprenant dans une autre publication quinze séminomes
médiastinaux, le tout couplé à une analyse de 68 cas de la litté-
rature, ils ont pu conclure que la chimiothérapie d’induction
par cisplatine permettait, dans ces cas-là, d’améliorer les
chances de curabilité (87 % versus 62 %) par rapport à une
radiothérapie initiale (23).
Transformation maligne de tératomes
Une multitude de tumeurs, notamment des sarcomes (le plus
souvent des rhabdomyosarcomes), des adénocarcinomes, des
tumeurs neuro-endocrines, parfois des hémopathies, peuvent
survenir chez des patients traités pour une tumeur germinale.
L’équipe du MSKCC a rapporté 46 cas (24). Le site de trans-
formation était, dans 44 % des cas, au niveau de la tumeur ini-
tiale, dans 43 % d’entre eux, au niveau d’un site métastatique.
Les anomalies cytogénétiques retrouvées, en particulier i (12p),
sont bien le reflet de la clonalité des tumeurs germinales. Ces
transformations malignes ne répondent pas aux chimiothéra-
pies par cisplatine, la résection chirurgicale en représentant le
principal traitement.
TUMEURS UROLOGIQUES
242
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998
LE CANCER DE VESSIE
L’étude des marqueurs phénotypiques peut-elle être utile dans
la prise en charge thérapeutique des tumeurs urothéliales infil-
trantes ?
Des études ont montré l’impact potentiel de mutations de la
p53 et de l’expression d’une protéine Rb altérée (25). Stein et
coll. ont retrouvé une valeur pronostique de l’expression de
p21, confirmant l’importance des voies dépendant de la p53
(26). Pour les tumeurs strictement vésicales, la positivité de
p21 (présente dans 89 cas sur 115) était associée à un taux de
rechute à 5 ans de 13 % et une survie globale de 81 %, alors
que les tumeurs p21 négatives avaient un taux de rechute de
49 % et une survie de 50 %.
Vollmer et coll. (27) ont étudié les relations entre l’expression
en immunohistochimie de p53, MIB-1, c-erbB-2, du récepteur
de l’EGF (EGFR), de bcl-2, et le grade histologique. Si les
grades 2 et 3 représentent les facteurs prédictifs d’invasion les
plus importants, les tumeurs de grade I positives pour MIB-1
ou p53 ont un risque majoré. Bcl-2 et p53 ont un effet inverse
et interactif : quand la p53 est absente, la présence de bcl-2
entraîne un risque moindre d’invasion. Ce rôle “protecteur”
disparaît quand les deux sont présents. Ni l’expression d’EGF-R
ni celle de c-erbB-2 ne sont aussi importantes que celles des
trois autres. Dans les grades III, l’expression de l’un des deux,
et, a fortiori, des deux diminue le risque d’invasion.
Une étude de l’expression de l’UPA (urokinase-type plasmino-
gen activator), protéase impliquée dans l’invasion et le pouvoir
métastatique, de son inhibiteur le PAI (plasminogen activateur
inhibitor) et de son récepteur l’UPAR, en immunohistochimie,
n’a pas montré d’intérêt pronostique évident dans les tumeurs
urothéliales du haut appareil (28).
Deux nouveautés en imagerie nécessitent d’être signalées
avant de définir leur place en pratique. Plusieurs équipes (29)
ont étudié l’injection en IRM de nouveaux produits de contras-
te faisant appel à des particules supramagnétiques d’oxyde de
fer qui permettent de différencier les ganglions métastatiques
iliaques de ganglions bénins avec une sensibilité de 100 % et
une spécificité de 80 % (les particules étant captées par les
macrophages seulement quand les relais ganglionnaires sont
normaux). Une IRM était réalisée avant et 24 h après leur
injection intraveineuse.
Barentz et coll. (30) a souligné l’intérêt de l’IRM dynamique
dans l’évaluation de l’effet de la chimiothérapie après M-VAC.
La chimiothérapie des formes avancées, en prolongeant la
survie, a modifié l’évolution clinique de la maladie, avec,
notamment, une augmentation de l’incidence des métastases
neuroméningées (31).
En phase métastatique, de nouvelles combinaisons, alterna-
tives au M-VAC, sont à l’étude.
Plusieurs résultats concernant l’association paclitaxel-carboplatine
ont été rapportés :
– Redman et coll. (32), avec une dose de 200 mg/m2de pacli-
taxel suivie de carboplatine (AUC = 5), ont publié un taux de
réponse de 51,5 % (IC : 35 - 68 %) chez 36 patients. La média-
ne de survie était courte (9,5 mois).
– Vaughn et coll. (33) ont obtenu 50 % de RO, dans un essai
d’augmentation des doses de paclitaxel de 150 à 225 mg/m2,
avec une dose plus élevée de carboplatine (AUC = 6) chez les
patients traités avec 225 mg/m2.
– L’expérience multicentrique française (34) rapportée à
Athènes à l’ESMO, chez 58 patients inclus, dont 53 éva-
luables, utilisant le paclitaxel à la dose de 225 mg/m2en
3 heures et le carboplatine à une AUC 6, a retrouvé 4 RC
(8 %) et 14 RP (26 %).
La tolérance dans tous ces essais était acceptable, ne nécessi-
tant pas de facteur de croissance hématopoïétique.
L’association d’ifosfamide (1,5 g/m2à J1-J2-J3), de paclitaxel
(200 mg/m2en 3 heures J1) et de cisplatine (70 mg/m2à J1) a
donné dans un essai phase II du MSKCC, chez 29 patients, un
taux de réponse de 79 % (IC : 60 - 92 %) (35). La toxicité
hématologique a été prévenue par l’association systématique
de G-CSF.
La gemcitabine apparaît aussi comme une drogue prometteuse
(36). Chez des patients naïfs, Stadler (37) a rapporté un taux de
RO de 28 % (11/40) avec une dose hebdomadaire (J1-J8-J15)
de 1 200 mg/m2. Après le cisplatine, la gemcitabine conserve
une activité importante, 22,5 % de RO (12,9 % RC) dans un
essai récemment publié par Lorusso et coll. (38).
Quelle chirurgie de rattrapage est-il possible d’envisager
après échec d’une radiothérapie locale ?
Une équipe californienne a rapporté son expérience d’une cys-
toprostatectomie de sauvetage avec néovessie chez 18 patients.
Leur taux de continence diurne et nocturne était respective-
ment de 67 % et 56 % (39). Leurs suites opératoires n’ont pas
été plus difficiles.
Formes cliniques particulières
– Les tumeurs urothéliales du haut appareil stades III et IV ne
bénéficient pas d’une radiothérapie postopératoire isolée, le
pronostic étant à la maladie métastatique (40).
– Dans les cancers génito-urinaires épidermoïdes métasta-
tiques ou localement avancés, l’association de méthotrexate
(200 mg/m2à J1-J15-J22), de cisplatine (20 mg/m2) et de bléo-
mycine (10 mg/m2de J2 à J6) tous les 28 jours a permis
d’obtenir, dans un essai de phase II ayant inclus 30 patients, un
taux de RO de 55 % (IC : 36-72 %), avec une durée de réponse
de 4,7 mois. La médiane de survie a été de 11,5 mois (41).
– Lopez-Beltran et coll. (42) ont étudié les caractéristiques
clinicopathologiques de 41 cas de carcinosarcomes (n = 15) et
carcinomes sarcomatoïdes de vessie (n = 26). Ces deux formes
sont hautement agressives avec un pronostic similaire : deux
survivants de 8 à 131 mois pour les carcinosarcomes,
17 patients sur 21 décédés de leur cancer (survie moyenne de
9,8 mois) pour les carcinomes sarcomatoïdes, trois de causes
différentes.
243
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998
LE CANCER DE PROSTATE
Prévention
Ces dernières années, plusieurs enquêtes épidémiologiques ont
étudié le lien possible entre concentration sanguine de sélé-
nium et risque de cancer (43). Une relation inverse a été
retrouvée dans les cancers de l’œsophage, du côlon et du rec-
tum, de l’estomac, du poumon. À des concentrations élevées,
le sélénium possède un effet protecteur contre l’action de cer-
tains carcinogènes dans des modèles animaux. Les résultats de
l’essai de Clark et coll. (44), sur une population de patients
présentant un cancer cutané baso- ou spinocellulaire, ayant
retrouvé un risque relatif de cancer de prostate de 0,35 dans la
population traitée par sélénium, sont fortement en faveur d’une
relation de cause à effet. La supplémentation en sélénium était
randomisée (200 µg/j pour une durée moyenne de 4,5 ans) et
l’étude conduite en double-aveugle contre placebo. Le bénéfice
pourrait être apparent dans les trois ans, voire plus tôt.
Une étude finlandaise (45) a rapporté une diminution de 32 %
(IC : - 47 % à - 12 %) de l’incidence du cancer de prostate,
mais également de la mortalité de 41 % (- 65 % à - 1 %) dans
une population recevant de l’α-tocophérol par rapport à une
population n’en recevant pas dans un essai de prévention de
cancer conduit chez 29 133 fumeurs.
Les causes de mortalité d’une cohorte de 584 patients dont le
diagnostic de cancer de prostate a été établi entre 1980 et 1984
ont été analysées par une équipe californienne (46). La morta-
lité spécifique a été de 54 %. Les sujets de race noire, les sujets
âgés de 65 ans ou plus et ceux présentant une maladie plus
avancée, traités par hormonothérapie couraient davantage le
risque de mourir de leur cancer.
Micrométastases médullaires
La majorité des cellules épithéliales (70-75 %) révélées en
immunofluorescence par des anticorps anticytokératine (8, 18)
au niveau de la moelle osseuse de patients atteints de cancers
limités à la prostate présentent des aberrations cytogénétiques
(aneusomies, gains de chromosomes) confirmant bien leur
nature métastatique (47). La présence de ces micrométastases
médullaires chez des patients traités par prostatectomie est pré-
dictive de la survie sans récidive dans l’étude de Wood et
Banerjee (48).
Un volume tumoral supérieur à 4 cm3identifie également un
groupe traité par prostatectomie radicale ou radiothérapie
externe à mauvais pronostic (49).
Curiethérapie de prostate (50)
Dans les cancers localisés, plusieurs équipes ont rapporté leur
expérience de traitement par implantation de grains d’iode
radioactif, sujet d’actualité, la technique venant d’être introduite
en France. En 15 ans, plus de 1 000 patients ont été traités
ainsi au MKSCC. L’échographie transrectale permet de guider
la dépose des grains.
Les patients à faible risque (stade T1c et T2a, PSA 10 ng/ml,
Gleason 6) ont un risque de progression du PSA à cinq ans
non statistiquement différent après traitement par prostatecto-
mie radicale, radiothérapie externe ou implants avec ou sans
déprivation hormonale néoadjuvante, alors que, pour les
patients à risque intermédiaire (T2b, Gleason > 7 ou 10 < PSA
< 20) et ceux à haut risque (T2c, PSA > 20, Gleason 8), les
risques relatifs d’échec comparés à la radiothérapie seule sont
respectivement de 3,1 et 3 dans une étude regroupant
1 872 patients (888 prostatectomies radicales, 218 implants
avec ou sans déprivation androgénique néoadjuvante,
766 radiothérapies externes) (51).
D’autres auteurs (52) ont rapporté les résultats à 10 ans d’une
série de 152 patients, d’âge moyen 70 ans, présentant un can-
cer de prostate localisé de haut grade, traités par implants
d’iode 125 avec ou sans radiothérapie externe. La survie à
10 ans est de 65 %, seuls 3 des 152 patients (2 %) sont décédés
de leur cancer, 64 % restent cliniquement en vie et biologique-
ment en rémission à 10 ans. Ces résultats sont assez compa-
rables à ceux des traitements curatifs chirurgicaux ou radiothéra-
piques. Néanmoins, une validation irréfutable de cette technique
est encore nécessaire, justifiant la mise en place d’essais com-
paratifs.
Dans les cancers localement avancés
En cas d’envahissement histologique des vésicules séminales
après prostatectomie radicale, les données d’une équipe de
Philadelphie (53) suggèrent qu’un traitement adjuvant précoce
par radiothérapie, dans les formes pT3c avec un taux de PSA
postopératoire indétectable, réduit le risque d’échappement
biologique. Le taux de rémission biologique à trois ans était de
86 % chez les patients traités immédiatement par radiothérapie
versus 48 % chez 20 patients uniquement surveillés.
Seay et coll., de la Mayo Clinic (54), ont rapporté les résultats
à long terme de 790 patients pTx Ntraités par prostatectomie
avec ou sans (96 soit 12 %) déprivation androgénique précoce.
L’âge moyen était de 64 ans, la médiane de follow-up de
6,5 ans, 60 % des cas étaient inférieurs ou égaux à T2 et 31 %
avaient un score de Gleason inférieur ou égal à 6. Les survies
globales (et spécifiques à la maladie) étaient respectivement, à
5, 10 et 15 ans, de 87 % (91), 69 % (79) et 39 % (60).
Les patients avec une tumeur diploïde ont significativement
moins de risques de récidive biologique ou clinique
(p = 0,038) et une survie spécifique bien meilleure (p = 0,0009)
que les aneuploïdes. Le traitement hormonal n’a pas d’effet sur
la survie en cas de tumeurs non diploïdes. Pour les tumeurs
diploïdes, la castration ne modifie pas la survie jusqu’à la
10eannée, mais réduit en revanche significativement la morta-
lité par cancer après 10 ans (p < 0,002).
Dans les stades D
L’essai randomisé de l’Intergroup (55) comparant une orchi-
dectomie avec (n = 700) ou sans (n = 687) flutamide, présenté
en 1997 à l’ASCO, a été publié dans le New England Journal
of Medicine. Il n’y a aucune différence entre les deux groupes
en termes de survie globale (p = 0,14).
TUMEURS UROLOGIQUES
244
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998
245
La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998
Thérapeutiques innovantes
(56)
Le TNP-470, agent anti-angiogénique analogue de la fumagil-
line, limite la croissance de cellules carcinomateuses non hor-
monodépendantes dans un modèle de xénogreffe chez la sou-
ris. Miki et coll. (57) ont étudié les effets inhibiteurs du TNP-
470 sur la croissance de la tumeur primaire et sur celle des
métastases pulmonaires chez la souris nude inoculée avec des
cellules d’une lignée de cancer prostatique de rat AT6-3, et ont
rapporté une diminution significative de la taille des méta-
stases pulmonaires à la fois avec des injections sous-cutanées
et intraveineuses.
Troy et coll. (58) ont tenté de caractériser les cellules dendri-
tiques présentes dans les tumeurs primaires prostatiques. Ils
ont retrouvé statistiquement moins de cellules dendritiques et
de cellules de Langerhans dans les cancers prostatiques par
rapport au tissu prostatique normal. Les cellules dendritiques
étaient en outre apparemment faiblement activées. Les raisons
en sont inconnues. Influences inhibitrices locales ? Absence d’un
antigène prostatique de surface suffisamment immunogène ?
Des techniques permettant d’augmenter l’expression des anti-
gènes sont actuellement en cours d’étude avec des essais de
vaccination à l’aide de constructions utilisant comme vecteur
un virus de la vaccine modifié, porteur de l’ADNc du PSA.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Bretheau D., Koutani A., Lechevallier A. et coll. A French national
epidemiologic survey on renal cell carcinoma. Cancer 1998 ; 82 : 538-44.
2. Négrier S., Escudier B., Lasset C. et coll. Recombinant human interleukin 2,
recombinant human interferon alpha-2a, or both in metastatic renal-cell
carcinoma. N Engl J Med 1998 ; 338 : 1272-8.
3. Ravaud A., Audhuy B., Gomez F. et coll. Subcutaneous interleukin-2,
interferon alpha-2a, and continuous infusion of fluorouracil in metastatic renal
cell carcinoma : a multicenter phase II trial. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 2728-32.
4. Tourani J.M., Pfister C., Berdah J.F. et coll. Outpatient treatment with
subcutaneous interleukin-2 and interferon alpha administration in combination
with fluorouracil in patients with metastatic renal cell carcinoma : results of a
sequential non randomized phase II study. J Clin Oncol 1992 ; 16 : 2503-13.
5. Elleshorst J.A., Sella A., Amato R.J. et coll. Phase II trial of 5-fluorouracil,
interferon
α
and continuous infusion interleukin-2 for patients with metastatic
renal cell carcinoma. Cancer 1997 ; 80 : 2128-32.
6. Gleave M.E., Elhilali M., Fradet Y. et coll. Interferon gamma-1b compared
with placebo in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med 1998 ; 338 :
1265-71.
7. Rini B.I., Stadler W.M., Spielberger R.T. et coll. Granulocyte-macrophage-
colony stimulating factor in metastatic renal cell carcinoma. A phase II trial.
Cancer 1998 ; 82 : 1352-8.
8. Kavalius J.P., Mastoraka D.P., Pavlovich C. et coll. Resection of metastatic
renal cell carcinoma. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 2261-6.
9. Lokich J. Spontaneous regression of metastatic renal cancer. Case report
and literature review. Am J Clin Oncol 1997 ; 20 (4) : 416-8.
10. Young R.C. Metastatic renal-cell carcinoma : what causes occasional
dramatic regressions ? N Engl J Med 1998 ; 338 (18) : 1305-6.
11. Heidenreich A., Sesteruhenn I.A., Mostafi F.K., Moul J.W. Prognostic risk
factors that identify patients with clinical stage I non seminomatous germ cell
tumors at low risk and high risk for metastasis. Cancer 1998 ; 83 : 1002-11.
12. Sonneveld D.J.A., Koops H.S., Sleijfer D.T., Hoekstra H.J. Bilateral
testicular germ cell tumours in patients with initial stage I disease : prevalence
and prognosis - a single centre’s 30 years’ experience. Eur J Cancer 1998 ; 34
(9) : 1363-7.
13. Coogan C.L., Foster R.S., Simmons G.R. et coll. Bilateral testicular tumors.
Management and outcome in 21 patients. Cancer 1998 ; 83 : 547-52.
14. Saxman S.B., Finch D., Gonin R., Einhorn L.H. Long-term follow up of a
phase III study of three versus four cycles of bleomycin, etoposide, and cisplatin
in favorable-prognosis germ-cell tumors : the Indiana university experience. J
Clin Oncol 1998 ; 16 : 702-6.
15. Kaye S.B., Mead G.M., Fossa S. et coll. Intensive induction-sequential
chemotherapy with BOP/VIP-B compared with treatment with BEP/EP for poor-
prognosis metastatic non seminomatous germ cell tumor : a randomized
Medical Research Council/European Organisation for Research and Treatment
of cancer study. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 692-701.
16. Loehrer P.J., Gonin R., Nichols C.R. et coll. Vinblastine plus ifosfamide
plus cisplatin as initial salvage therapy in recurrent germ cell tumor. J Clin
Oncol 1998 ; 16 : 500-4.
17. Bajorin D.F., Mazumbar M., Meyers M. et coll. Metastatic germ cell tumors :
modeling for response to chemotherapy. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 707-15.
18. Rayson D., Burch P.A., Richardson R.L. Sarcoidosis and testicular
carcinoma. Cancer 1998 ; 83 : 337-43.
19. Buchholz T.A., Walden T.L., Prestidge B.R. Cost-effectiveness of post
treatment surveillance after radiation therapy of early stage seminoma. Cancer
1998 ; 82 : 1126-33.
20. Warde P., Gospodarowicz M., Panzarella T. et coll. Management of stage II
seminoma. J Clin Oncol 1998 : 16 : 290-4.
21. Culine S., Abs L., Terner-Lacombe M.J. et coll. Cisplatin-based
chemotherapy in advanced seminoma : the Institut Gustave Roussy experience.
Eur J Cancer 1998 : 34 (3) : 353-8.
22. Fizazi K., Culine S., Droz J.P. et coll. Primary mediastinal non
seminomatous germ cell tumors : results of modern therapy including cisplatin-
based chemotherapy. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 725-32.
23. Fizazi K., Culine S., Droz J.P. et coll. Initial management of primary
mediastinal seminoma : radiotherapy or cisplatin-based chemotherapy. Eur J
Cancer 1998 ; 34 (3) : 347-52.
24. Motzer R.J., Amsterdam A., Prieto V. et coll. Teratoma with malignant
transformation : diverse malignant histologies arising in men with germ cell
tumors. J Urol 1998 ; 159 (1) : 133-8.
25. Cote R.J., Dunn M.D., Chatterjee S.J. et coll. Elevated and absent p21
expression is associated with bladder cancer progression and has cooperative
effects with p 53. Cancer Res 1998 ; 58 : 1090-4.
26. Stein J.P., Ginsberg D.A., Crossfeld G.D. et coll. Effects of p 21
WAF1/CIP1 expression on tumor progression in bladder cancer. J Nat Cancer
Inst 1998 ; 90 : 1072-9.
27. Vollmer R.O., Humphrey P.A., Swanson P.E. et coll. Invasion of the bladder
by transitional cell carcinoma. Cancer 1998 ; 82 : 715-23.
28. Nakanishi K., Kawai T., Torikatra C. et coll. Urokinase-type plasminogen
activator, its inhibitor, and its receptor in patients with upper urinary tract
carcinoma. Cancer 1998 ; 82 : 724-32.
29. Bellin M.F., Roy C., Kinkel K. et coll. Lymph node metastases safety and
effectiveness of MR imaging with ultrasmall superparamagnetic iron ixide
particles - initial clinical experience. Radiology 1998 ; 207 (3) : 799-808.
30. Barentz J.O., Berger-Hartog O., Witjes J.A. Evaluation of chemotherapy in
advanced urinary bladder cancer with fast dynamic contrast-enhanced MR
imaging. Radiology 1998 ; 207 (3) : 793-7.
31. Dhote R., Beuzeboc P., Thiounn N. High incidence of brain metastases in
patients treated with an M-VAC regimen for advanced bladder cancer. Eur Urol
1998 ; 33 : 392-5.
32. Redman B.G., Smith D.C., Flaherty L. et coll. Phase II trial of paclitaxel
and carboplatin in the treatment of advanced urothelial carcinoma. J Clin
Oncol 1998 ; 16 : 1844-8.
33. Vaughn D.J., Malkowicz S.B., Zoltick B. et coll. Paclitaxel plus carboplatin
in advanced carcinoma of the urothelium : an active and tolerable outpatient
regimen. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 255-60.
34. Mottet N., Prapotnich D., Beuzeboc P. et coll. Phase II study of Taxol®
(paclitaxel) and carboplatin in patients with advanced transitional cell
carcinoma of the urothelium. Ann Oncol 1998 ; 9 (suppl. 4) : 59 (abstr. 282P).
35. Bajorin D.F., Mc Caffey J.A., Mazumbar M. et coll. Treatment of patients
with transitional-cell carcinoma of the urothelial tract with ifosfamide,
paclitaxel, and cisplatin : a phase II trial. J Clin Oncol 1998 ; 16 (8) : 2722-7.
36. Moore J.M., Tannock I., Ernst S. et coll. Gemcitabine : a promising new
agent in the treatment of advanced urothelial cancer. J Clin Oncol 1997 ; 15 :
3441-5.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !