T U M E U R S U e s è h t Syn R O L O G I Q U E S Les tumeurs urologiques Ph. Beuzeboc* LE CANCER DU REIN Plusieurs équipes françaises ont publié dans de grandes revues internationales sur le cancer du rein en 1998. Épidémiologie Bretheau (1) et les membres du comité d’oncologie de l’AFU (Association française d’urologie) ont rapporté, dans une enquête prospective sur une période de deux ans (avril 1992mars 1994), les caractéristiques de 1 486 cancers du rein diagnostiqués dans 54 centres français, analysées de façon très didactique. Ce travail est d’autant plus à encourager que notre pays brille rarement par ses données épidémiologiques. L’âge moyen au diagnostic était de 62,1 ans avec un sex-ratio M/F de 2,1. Quarante pour cent des tumeurs étaient découvertes fortuitement grâce à l’échographie. Une néphrectomie a pu être réalisée dans 93 % des cas, un traitement médical dans 5 % d’entre eux. La répartition suivant le stade était la suivante : 8 % pT1, 53 % pT2, 21 % pT3a, 18 % pT3b. Il y avait un envahissement ganglionnaire dans 9 % des cas et des métastases viscérales dans 6 % d’entre eux. Les tumeurs découvertes de façon fortuite étaient intracapsulaires dans 80 % des cas. Au plan histologique, les carcinomes à cellules claires étaient représentés à 66 %, les tumeurs tubulo-papillaires à 12 %, les oncocytomes à 5 % (inclus en raison de l’impossibilité d’un diagnostic préopératoire). Une atteinte de la surrénale homolatérale et une thrombose de la veine cave étaient toutes deux observées dans 4 % des cas. Le diamètre maximal moyen était de 6,4 ± 3,5 cm, 14 % étaient multicentriques. Le grade nucléaire (disponible dans 66 % des cas) était significativement corrélé à l’envahissement de la graisse périrénale et à l’atteinte ganglionnaire. Essais d’immunothérapie à base d’interféron et d’interleukine 2 : trois publications importantes ont paru Négrier et coll. (2) ont publié dans le New England Journal of Medicine les résultats de l’essai de la fédération des centres comparant, chez 452 patients métastatiques, l’interféron α (Roféron 18 000 000 UI x 3/semaine), l’interleukine 2 i.v. (18 000 000 UI/m2 x 5 jours, 6 cycles à 3 semaines d’intervalle), ou l’association des deux (interleukine à la même dose + interféron 6 000 000 UI x 3/semaine). Les taux de réponse étaient * Service d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris. La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998 respectivement de 6,5 %, 7,5 % et 18,6 % (p < 0,01) sans différence de survie globale entre les trois groupes. Les bons résultats d’Azpodien avec la triple association de 5-FU, interleukine 2 et interféron α (48,6 % de RO) n’ont été confirmés ni par les essais du groupe immunologie de la fédération (3) ni par celui de Tourani et coll. (4). Dans le premier essai, 111 patients ont été inclus entre février et octobre 1995 et traités par interleukine 2 sous-cutanée (9 000 000 UI x 6 jours une semaine sur 2 pendant 8 semaines), interféron α (6 000 000 UI à J1-J2-J3) pendant 8 semaines et 5-FU en perfusion continue (600 mg/m2/jour pendant 5 jours toutes les 4 semaines). Le taux de réponse a été, avec seulement deux RP, de 1,8 % (IC : 0 - 4,3 %). Le second (SCAPP II) a utilisé un traitement d’induction souscutané d’interleukine 2 (18 000 000 UI) et d’interféron α (9 000 000 UI) trois fois par semaine avec des injections intraveineuses hebdomadaires de 5-FU (750 mg/jour). Les patients répondeurs ou stables ont reçu un traitement d’entretien selon les mêmes modalités sur 15 jours, suivi de 3 semaines de repos. La méthodologie statistique a fait appel à un test triangulaire. À la fin de la période d’induction, 12 patientes sur 62 ont présenté une RO (19 %, IC 10 - 31 %). À l’inverse, l’équipe du M.D. Anderson Cancer Center (5) a rapporté chez 55 patients de meilleurs résultats avec un taux de RO de 31 % (IC : 18 - 46 %) en utilisant de l’interleukine 2 (2 000 000 UI/m 2/jour de J1 à J5) et du 5-FU en perfusion continue (600 mg/m2 J1 à J5) associé à de l’interféron souscutané (4 000 000 UI/m2/jour) au prix d’une toxicité rédhibitoire pour recommander ce schéma thérapeutique. Autres immunothérapies L’interféron gamma-1b s’est montré inefficace dans un essai canadien randomisé versus placebo (6). Le GM-CSF à dose sous-cutanée de 10 µg/kg/j pendant 14 jours tous les 28 jours présente une activité marginale, avec une stabilité prolongée chez 24 patients traités (7). Le traitement le plus efficace reste la résection des métastases quand elle est possible. Dans l’expérience du Memorial Sloan Kettering de New York (MSKCC) (8), sur une série de 278 patients en première récidive, 111 ont été opérés dans une optique curatrice, 70 de façon palliative et 67 n’ont pas été opérés. Les survies globales à 5 ans étaient respectivement de 44 %, 14,5 % et 11 %. Trois facteurs influençaient la survie : l’intervalle libre supérieur à 12 mois (55 % versus 9 %, p < 0,0001), le caractère unique/multiple des métastases (54 % versus 9 %, p < 0,001) et l’âge inférieur à 60 ans (49 % versus 241 T U M E U R S U 35,5 %, p < 0,05). Parmi les 94 patients ayant une métastase unique, le pronostic était nettement meilleur lorsque celle-ci était pulmonaire (54,5 %, n = 50) plutôt que cérébrale (18 %, n = 11). Une observation récente de régression métastatique spontanée permet d’actualiser la bibliographie de ce phénomène exceptionnel (9). Le mécanisme en reste toujours aussi supputatif (10). CANCER DU TESTICULE ET TUMEURS GERMINALES EXTRAGONADIQUES Tumeurs germinales non séminomateuses Dans les tumeurs germinales non séminomateuses de stade I, Heidenreich et coll. (11) ont analysé, chez 149 patients, les paramètres de risque de métastases et retrouvé les facteurs classiques : la présence d’emboles vasculaires, le pourcentage de carcinome embryonnaire et l’invasion d’albuginée alors que p53, bcl-2, MIB-1, cathepsine D et cadherine E n’ont pas de valeur pronostique. Combiner le pourcentage de carcinome embryonnaire (< 45 %) et l’absence d’envahissement vasculaire permet de prédire, dans 90 % des cas, un vrai stade I. À l’opposé, la présence de plus de 80 % de carcinome embryonnaire avec présence d’emboles vasculaires est prédictif d’un stade IIA dans 88 % des cas. La prévalence d’un cancer bilatéral est influencée par la chimiothérapie d’une première tumeur, aussi Sonneveld et coll. (12) ont-ils étudié cette prévalence dans une population stade I au cours de 30 ans d’expérience dans le même centre. La prévalence était de 4,7 % (8/170) entre 1967 et 1981, et de 2,9 % (8/275) entre 1982 et 1997. Dans la base de données d’Indianapolis (13), sur 2 088 patients, 21 (1 %) ont présenté un cancer bilatéral (16 métachrones, 5 synchrones), certains jusqu’à 25 ans après le diagnostic d’une première tumeur. Le traitement ne doit pas être différent de celui des autres tumeurs. Dans les stades III de bon pronostic, les résultats à long terme de la comparaison de 3 versus 4 BEP n’ont montré aucune différence en termes de survie sans récidive et de survie globale (14). L’essai randomisé conduit par le MRC/EORTC, comparant un schéma BOP/VIP-B à un traitement BEP/EP dans des formes à mauvais pronostic, n’a retrouvé, dans une série de 380 patients, aucune différence en termes de rémission complète, de survie sans progression ou de survie globale (15). Le VeIP permet d’obtenir un taux de rémission complète de 49,6 % et 23,7 % de survie prolongée sans récidive lors de la rechute d’une tumeur traitée initialement par une chimiothérapie d’induction à base de cisplatine et d’étoposide (16). Il faut néanmoins insister sur le fait qu’aucun des 32 patients présentant un primitif non séminomateux extragonadique n’est en rémission. En ce qui concerne les facteurs prédictifs de la réponse thérapeutique, les données du MSKCC sur 796 patients traités par une chimiothérapie à base de platine ne font que confirmer les facteurs significatifs indépendants que constituent une tumeur primitive médiastinale, une tumeur non purement séminoma242 R O L O G I Q U E S teuse, des métastases viscérales non pulmonaires (osseuse, hépatique, cérébrale), la valeur préthérapeutique des LDH et des HCG (17). Rayson et coll. (18), à la Mayo Clinic, ont retrouvé une association entre sarcoïdose et cancer du testicule avec une incidence de sarcoïdose augmentée d’environ 100 fois par rapport à une population standard d’hommes jeunes. Cela mérite confirmation. Séminomes Le coût de la surveillance des stades précoces (I et II) traités par chirurgie et radiothérapie n’apparaît pas justifié, selon une étude du M.D. Anderson Cancer Center, avec seulement deux récidives sur 58 patients, une DFS à 8 ans de 93 % et une survie globale à 100 % (19). Si la radiothérapie est suffisante dans les stades IIA et IIB (89 % sans récidive), pour les lésions IIC et IID (>10 cm), malgré un contrôle local excellent, le risque inacceptable de 50 % de rechute à distance indique clairement que la chimiothérapie doit constituer le traitement premier (20). L’expérience de l’institut Gustave-Roussy (IGR) sur 72 patients de stade évolué traités par une chimiothérapie à base de cisplatine a été rapportée par Culine (21). Avec un follow-up médian de 64 mois, 83 % sont en vie et en rémission. Tumeurs germinales médiastinales Fizazi et coll. (22) ont rapporté 29 cas de tumeurs non séminomateuses traités à l’IGR. Ces tumeurs doivent être considérées comme une entité à part. Seuls 40 % des patients peuvent envisager une survie à long terme avec les chimiothérapies par cisplatine et l’exérèse des masses résiduelles. Cinq patients ont développé une hémopathie (21 % des patients en rémission complète), l’analyse cytogénétique des cellules leucémiques montrant dans deux cas un isochromosome du bras court du chromosome 12 (12p). Reprenant dans une autre publication quinze séminomes médiastinaux, le tout couplé à une analyse de 68 cas de la littérature, ils ont pu conclure que la chimiothérapie d’induction par cisplatine permettait, dans ces cas-là, d’améliorer les chances de curabilité (87 % versus 62 %) par rapport à une radiothérapie initiale (23). Transformation maligne de tératomes Une multitude de tumeurs, notamment des sarcomes (le plus souvent des rhabdomyosarcomes), des adénocarcinomes, des tumeurs neuro-endocrines, parfois des hémopathies, peuvent survenir chez des patients traités pour une tumeur germinale. L’équipe du MSKCC a rapporté 46 cas (24). Le site de transformation était, dans 44 % des cas, au niveau de la tumeur initiale, dans 43 % d’entre eux, au niveau d’un site métastatique. Les anomalies cytogénétiques retrouvées, en particulier i (12p), sont bien le reflet de la clonalité des tumeurs germinales. Ces transformations malignes ne répondent pas aux chimiothérapies par cisplatine, la résection chirurgicale en représentant le principal traitement. La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998 LE CANCER DE VESSIE L’étude des marqueurs phénotypiques peut-elle être utile dans la prise en charge thérapeutique des tumeurs urothéliales infiltrantes ? Des études ont montré l’impact potentiel de mutations de la p53 et de l’expression d’une protéine Rb altérée (25). Stein et coll. ont retrouvé une valeur pronostique de l’expression de p21, confirmant l’importance des voies dépendant de la p53 (26). Pour les tumeurs strictement vésicales, la positivité de p21 (présente dans 89 cas sur 115) était associée à un taux de rechute à 5 ans de 13 % et une survie globale de 81 %, alors que les tumeurs p21 négatives avaient un taux de rechute de 49 % et une survie de 50 %. Vollmer et coll. (27) ont étudié les relations entre l’expression en immunohistochimie de p53, MIB-1, c-erbB-2, du récepteur de l’EGF (EGFR), de bcl-2, et le grade histologique. Si les grades 2 et 3 représentent les facteurs prédictifs d’invasion les plus importants, les tumeurs de grade I positives pour MIB-1 ou p53 ont un risque majoré. Bcl-2 et p53 ont un effet inverse et interactif : quand la p53 est absente, la présence de bcl-2 entraîne un risque moindre d’invasion. Ce rôle “protecteur” disparaît quand les deux sont présents. Ni l’expression d’EGF-R ni celle de c-erbB-2 ne sont aussi importantes que celles des trois autres. Dans les grades III, l’expression de l’un des deux, et, a fortiori, des deux diminue le risque d’invasion. Une étude de l’expression de l’UPA (urokinase-type plasminogen activator), protéase impliquée dans l’invasion et le pouvoir métastatique, de son inhibiteur le PAI (plasminogen activateur inhibitor) et de son récepteur l’UPAR, en immunohistochimie, n’a pas montré d’intérêt pronostique évident dans les tumeurs urothéliales du haut appareil (28). Deux nouveautés en imagerie nécessitent d’être signalées avant de définir leur place en pratique. Plusieurs équipes (29) ont étudié l’injection en IRM de nouveaux produits de contraste faisant appel à des particules supramagnétiques d’oxyde de fer qui permettent de différencier les ganglions métastatiques iliaques de ganglions bénins avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 80 % (les particules étant captées par les macrophages seulement quand les relais ganglionnaires sont normaux). Une IRM était réalisée avant et 24 h après leur injection intraveineuse. Barentz et coll. (30) a souligné l’intérêt de l’IRM dynamique dans l’évaluation de l’effet de la chimiothérapie après M-VAC. La chimiothérapie des formes avancées, en prolongeant la survie, a modifié l’évolution clinique de la maladie, avec, notamment, une augmentation de l’incidence des métastases neuroméningées (31). En phase métastatique, de nouvelles combinaisons, alternatives au M-VAC, sont à l’étude. Plusieurs résultats concernant l’association paclitaxel-carboplatine ont été rapportés : – Redman et coll. (32), avec une dose de 200 mg/m2 de pacliLa Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998 taxel suivie de carboplatine (AUC = 5), ont publié un taux de réponse de 51,5 % (IC : 35 - 68 %) chez 36 patients. La médiane de survie était courte (9,5 mois). – Vaughn et coll. (33) ont obtenu 50 % de RO, dans un essai d’augmentation des doses de paclitaxel de 150 à 225 mg/m2, avec une dose plus élevée de carboplatine (AUC = 6) chez les patients traités avec 225 mg/m2. – L’expérience multicentrique française (34) rapportée à Athènes à l’ESMO, chez 58 patients inclus, dont 53 évaluables, utilisant le paclitaxel à la dose de 225 mg/m 2 en 3 heures et le carboplatine à une AUC 6, a retrouvé 4 RC (8 %) et 14 RP (26 %). La tolérance dans tous ces essais était acceptable, ne nécessitant pas de facteur de croissance hématopoïétique. L’association d’ifosfamide (1,5 g/m2 à J1-J2-J3), de paclitaxel (200 mg/m2 en 3 heures J1) et de cisplatine (70 mg/m2 à J1) a donné dans un essai phase II du MSKCC, chez 29 patients, un taux de réponse de 79 % (IC : 60 - 92 %) (35). La toxicité hématologique a été prévenue par l’association systématique de G-CSF. La gemcitabine apparaît aussi comme une drogue prometteuse (36). Chez des patients naïfs, Stadler (37) a rapporté un taux de RO de 28 % (11/40) avec une dose hebdomadaire (J1-J8-J15) de 1 200 mg/m2. Après le cisplatine, la gemcitabine conserve une activité importante, 22,5 % de RO (12,9 % RC) dans un essai récemment publié par Lorusso et coll. (38). Quelle chirurgie de rattrapage est-il possible d’envisager après échec d’une radiothérapie locale ? Une équipe californienne a rapporté son expérience d’une cystoprostatectomie de sauvetage avec néovessie chez 18 patients. Leur taux de continence diurne et nocturne était respectivement de 67 % et 56 % (39). Leurs suites opératoires n’ont pas été plus difficiles. Formes cliniques particulières – Les tumeurs urothéliales du haut appareil stades III et IV ne bénéficient pas d’une radiothérapie postopératoire isolée, le pronostic étant à la maladie métastatique (40). – Dans les cancers génito-urinaires épidermoïdes métastatiques ou localement avancés, l’association de méthotrexate (200 mg/m2 à J1-J15-J22), de cisplatine (20 mg/m2) et de bléomycine (10 mg/m 2 de J2 à J6) tous les 28 jours a permis d’obtenir, dans un essai de phase II ayant inclus 30 patients, un taux de RO de 55 % (IC : 36-72 %), avec une durée de réponse de 4,7 mois. La médiane de survie a été de 11,5 mois (41). – Lopez-Beltran et coll. (42) ont étudié les caractéristiques clinicopathologiques de 41 cas de carcinosarcomes (n = 15) et carcinomes sarcomatoïdes de vessie (n = 26). Ces deux formes sont hautement agressives avec un pronostic similaire : deux survivants de 8 à 131 mois pour les carcinosarcomes, 17 patients sur 21 décédés de leur cancer (survie moyenne de 9,8 mois) pour les carcinomes sarcomatoïdes, trois de causes différentes. 243 T U M E U R S U LE CANCER DE PROSTATE Prévention Ces dernières années, plusieurs enquêtes épidémiologiques ont étudié le lien possible entre concentration sanguine de sélénium et risque de cancer (43). Une relation inverse a été retrouvée dans les cancers de l’œsophage, du côlon et du rectum, de l’estomac, du poumon. À des concentrations élevées, le sélénium possède un effet protecteur contre l’action de certains carcinogènes dans des modèles animaux. Les résultats de l’essai de Clark et coll. (44), sur une population de patients présentant un cancer cutané baso- ou spinocellulaire, ayant retrouvé un risque relatif de cancer de prostate de 0,35 dans la population traitée par sélénium, sont fortement en faveur d’une relation de cause à effet. La supplémentation en sélénium était randomisée (200 µg/j pour une durée moyenne de 4,5 ans) et l’étude conduite en double-aveugle contre placebo. Le bénéfice pourrait être apparent dans les trois ans, voire plus tôt. Une étude finlandaise (45) a rapporté une diminution de 32 % (IC : - 47 % à - 12 %) de l’incidence du cancer de prostate, mais également de la mortalité de 41 % (- 65 % à - 1 %) dans une population recevant de l’α-tocophérol par rapport à une population n’en recevant pas dans un essai de prévention de cancer conduit chez 29 133 fumeurs. Les causes de mortalité d’une cohorte de 584 patients dont le diagnostic de cancer de prostate a été établi entre 1980 et 1984 ont été analysées par une équipe californienne (46). La mortalité spécifique a été de 54 %. Les sujets de race noire, les sujets âgés de 65 ans ou plus et ceux présentant une maladie plus avancée, traités par hormonothérapie couraient davantage le risque de mourir de leur cancer. Micrométastases médullaires La majorité des cellules épithéliales (70-75 %) révélées en immunofluorescence par des anticorps anticytokératine (8, 18) au niveau de la moelle osseuse de patients atteints de cancers limités à la prostate présentent des aberrations cytogénétiques (aneusomies, gains de chromosomes) confirmant bien leur nature métastatique (47). La présence de ces micrométastases médullaires chez des patients traités par prostatectomie est prédictive de la survie sans récidive dans l’étude de Wood et Banerjee (48). Un volume tumoral supérieur à 4 cm3 identifie également un groupe traité par prostatectomie radicale ou radiothérapie externe à mauvais pronostic (49). Curiethérapie de prostate (50) Dans les cancers localisés, plusieurs équipes ont rapporté leur expérience de traitement par implantation de grains d’iode radioactif, sujet d’actualité, la technique venant d’être introduite en France. En 15 ans, plus de 1 000 patients ont été traités ainsi au MKSCC. L’échographie transrectale permet de guider la dépose des grains. 244 R O L O G I Q U E S Les patients à faible risque (stade T1c et T2a, PSA ≤ 10 ng/ml, Gleason ≤ 6) ont un risque de progression du PSA à cinq ans non statistiquement différent après traitement par prostatectomie radicale, radiothérapie externe ou implants avec ou sans déprivation hormonale néoadjuvante, alors que, pour les patients à risque intermédiaire (T2b, Gleason > 7 ou 10 < PSA < 20) et ceux à haut risque (T2c, PSA > 20, Gleason ≥ 8), les risques relatifs d’échec comparés à la radiothérapie seule sont respectivement de 3,1 et 3 dans une étude regroupant 1 872 patients (888 prostatectomies radicales, 218 implants avec ou sans déprivation androgénique néoadjuvante, 766 radiothérapies externes) (51). D’autres auteurs (52) ont rapporté les résultats à 10 ans d’une série de 152 patients, d’âge moyen 70 ans, présentant un cancer de prostate localisé de haut grade, traités par implants d’iode 125 avec ou sans radiothérapie externe. La survie à 10 ans est de 65 %, seuls 3 des 152 patients (2 %) sont décédés de leur cancer, 64 % restent cliniquement en vie et biologiquement en rémission à 10 ans. Ces résultats sont assez comparables à ceux des traitements curatifs chirurgicaux ou radiothérapiques. Néanmoins, une validation irréfutable de cette technique est encore nécessaire, justifiant la mise en place d’essais comparatifs. Dans les cancers localement avancés En cas d’envahissement histologique des vésicules séminales après prostatectomie radicale, les données d’une équipe de Philadelphie (53) suggèrent qu’un traitement adjuvant précoce par radiothérapie, dans les formes pT3c avec un taux de PSA postopératoire indétectable, réduit le risque d’échappement biologique. Le taux de rémission biologique à trois ans était de 86 % chez les patients traités immédiatement par radiothérapie versus 48 % chez 20 patients uniquement surveillés. Seay et coll., de la Mayo Clinic (54), ont rapporté les résultats à long terme de 790 patients pTx N⊕ traités par prostatectomie avec ou sans (96 soit 12 %) déprivation androgénique précoce. L’âge moyen était de 64 ans, la médiane de follow-up de 6,5 ans, 60 % des cas étaient inférieurs ou égaux à T2 et 31 % avaient un score de Gleason inférieur ou égal à 6. Les survies globales (et spécifiques à la maladie) étaient respectivement, à 5, 10 et 15 ans, de 87 % (91), 69 % (79) et 39 % (60). Les patients avec une tumeur diploïde ont significativement moins de risques de récidive biologique ou clinique (p = 0,038) et une survie spécifique bien meilleure (p = 0,0009) que les aneuploïdes. Le traitement hormonal n’a pas d’effet sur la survie en cas de tumeurs non diploïdes. Pour les tumeurs diploïdes, la castration ne modifie pas la survie jusqu’à la 10e année, mais réduit en revanche significativement la mortalité par cancer après 10 ans (p < 0,002). Dans les stades D L’essai randomisé de l’Intergroup (55) comparant une orchidectomie avec (n = 700) ou sans (n = 687) flutamide, présenté en 1997 à l’ASCO, a été publié dans le New England Journal of Medicine. Il n’y a aucune différence entre les deux groupes en termes de survie globale (p = 0,14). La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998 Thérapeutiques innovantes (56) Le TNP-470, agent anti-angiogénique analogue de la fumagilline, limite la croissance de cellules carcinomateuses non hormonodépendantes dans un modèle de xénogreffe chez la souris. Miki et coll. (57) ont étudié les effets inhibiteurs du TNP470 sur la croissance de la tumeur primaire et sur celle des métastases pulmonaires chez la souris nude inoculée avec des cellules d’une lignée de cancer prostatique de rat AT6-3, et ont rapporté une diminution significative de la taille des métastases pulmonaires à la fois avec des injections sous-cutanées et intraveineuses. Troy et coll. (58) ont tenté de caractériser les cellules dendritiques présentes dans les tumeurs primaires prostatiques. Ils ont retrouvé statistiquement moins de cellules dendritiques et de cellules de Langerhans dans les cancers prostatiques par rapport au tissu prostatique normal. Les cellules dendritiques étaient en outre apparemment faiblement activées. Les raisons en sont inconnues. Influences inhibitrices locales ? Absence d’un antigène prostatique de surface suffisamment immunogène ? Des techniques permettant d’augmenter l’expression des antigènes sont actuellement en cours d’étude avec des essais de vaccination à l’aide de constructions utilisant comme vecteur un virus de la vaccine modifié, porteur de l’ADNc du PSA. ■ R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S 1. Bretheau D., Koutani A., Lechevallier A. et coll. A French national epidemiologic survey on renal cell carcinoma. Cancer 1998 ; 82 : 538-44. 2. Négrier S., Escudier B., Lasset C. et coll. Recombinant human interleukin 2, recombinant human interferon alpha-2a, or both in metastatic renal-cell carcinoma. N Engl J Med 1998 ; 338 : 1272-8. 3. Ravaud A., Audhuy B., Gomez F. et coll. Subcutaneous interleukin-2, interferon alpha-2a, and continuous infusion of fluorouracil in metastatic renal cell carcinoma : a multicenter phase II trial. J Clin Oncol 1998 ; 16 : 2728-32. 4. Tourani J.M., Pfister C., Berdah J.F. et coll. 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La Lettre du Cancérologue - volume VII - n° 6 - décembre 1998