endométrioïde bien différenciée (grade1) (6). Elle ne peut se
concevoir que chez les patientes pour lesquelles on a l’assurance
d’avoir un suivi post-thérapeutique parfaitement régulier, c’est-
à-dire dont la compliance à ce suivi ne comporte aucune faille.
Ce traitement conservateur a été proposé, de manière logique mais
empirique, aux femmes jeunes ayant une tumeur de très bon pro-
nostic: tumeur de stadeIa selon la classification de la FIGO 1987,
c’est-à-dire une tumeur limitée à un seul ovaire avec une capsule
intacte sans végétation extrakystique et sans adhérence
(6).
Pour
avoir la certitude que la tumeur de l’ovaire correspond au stadeIa,
un certain nombre de gestes chirurgicaux sont indispensables pour
affirmer l’absence d’extension extra-ovarienne : cytologie périto-
néale première, biopsies péritonéales multiples, omentectomie,
curetage endo-utérin, biopsies de l’ovaire controlatéral (en cas
d’anomalies macroscopiques) et lymphadénectomie pelvienne et
lombo-aortique. Les modalités du curage ganglionnaire pelvien et
lombo-aortique
sont discutées (curage unilatéral ou complet ?).
Théoriquement,
il existe une atteinte ganglionnaire chez 15 à 25%
des patientes ayant une tumeur de stade I macroscopique. Dans la
série de Benedetti-Panici, dans tous les cas, l’envahissement gan-
glionnaire était homolatéral à la tumeur. Ces constatations étaient
en faveur de la réalisation d’un curage ganglionnaire homolatéral
à la tumeur en cas de stade précoce
(2).
Néanmoins, plusieurs tra-
vaux récents ont démontré qu’il existait, de manière non excep-
tionnelle, une atteinte ganglionnaire controlatérale à la tumeur ini-
tiale chez les patientes ayant une tumeur de stadeI
(1, 4, 8, 9).
Le
curage ganglionnaire pelvien et lombo-aortique doit être complet
et bilatéral tout en préservant la vascularisation de l’ovaire contro-
latéral. Après l’analyse histologique des pièces opératoires préle-
vées lors de ces différents gestes, 30% des patients vont être
“surstadés”. Le traitement adjuvant éventuel dépendra de ces
résultats histologiques.
Il y a très peu de séries dans la littérature concernant les résul-
tats carcinologiques de ce traitement conservateur
(3, 5).
La
série la plus importante est celle de Colombo et Zanetta
(5,
11).
Ces deux études ont été réalisées dans la même institu-
tion, avec probablement les mêmes patientes, mais celle de
Zanetta et al. a un suivi plus long. L’étude initiale de Colombo
et al., plus axée sur les traitements adjuvants, compare deux
populations de patientes ayant bénéficié d’un traitement
conservateur (56patientes) et d’un traitement radical
(43patientes) pour une tumeur de stadeI chez des patientes de
moins de 40ans. Le traitement conservateur a été administré à
des patientes ayant un stade IB, IC, grade2 ou grade3: 21 des
56patientes ayant bénéficié d’un traitement conservateur
avaient une tumeur de grade2 ou 3 et 24patientes avaient une
tumeur de stadeIB (n=2) ou IC (n=22). Le taux de récidives
chez les patientes ayant bénéficié d’un traitement conservateur
est de 3 sur 56, contre 5 récidives sur 43 patientes ayant béné-
ficié d’un traitement radical (absence de différence significa-
tive). Dans la série actualisée de Zanetta et al., 20patientes ont
eu au moins une grossesse (11). À la lecture de ces résultats, la
chirurgie conservatrice donnerait des résultats carcinologiques
comparables à ceux de la chirurgie radicale et pourrait même
être proposée à des patientes ayant des stades plus avancés,
comme le rapportent Raspagliesi et al. (9).
Malheureusement, nos résultats diffèrent substantiellement des
résultats encourageants rapportés par les séries italiennes. Nous
avons repris les dossiers de 36patientes (dont 31suivies) ayant
bénéficié d’un traitement conservateur. Une chirurgie de stadifi-
cation complète a été réalisée dans le même temps que la chirur-
gie initiale chez 2 patientes, 27ont bénéficié d’une restadifica-
tion secondaire et deux n’ont pas eu de chirurgie de stadification
adaptée. Sixpatientes ont bénéficié d’une hystérectomie lors de
la chirurgie de restadification. Un traitement adjuvant (chimio-
thérapie) a été réalisé chez 10patientes. Parmi les 25patientes
traitées de façon conservatrice après une éventuelle chirurgie de
restadification, la stadification FIGO était: 19 stadeIA (grade 1
n=9; grade 2 n=10) ; 1 stadeIC; 2stadesII et 3patientes avec
stade initial inconnu. Sept patientes ont présenté au moins une
récidive, dont cinqfois sur l’ovaire conservé. La survie globale
sans récidive à 5ans pour les patientes ayant une lésion de
stadeIA grade1 et grade2 était respectivement de 89% et 71%.
Toutes les patientes avec une lésion de stadesupérieur àIA ont
récidivé. On n’a observé que quatre grossesses
(7).
Les résultats carcinologiques de notre série sont donc beaucoup
plus réservés : le traitement conservateur semble offrir les
mêmes chances de guérison que le traitement radical en cas de
tumeur de stadeIA grade 1. En cas de lésion de stade IA
grade2, les résultats du traitement conservateur semblent peut-
être un peu moins bons que ceux observés après traitement
radical. Toutes les patientes ayant une lésion supérieur à IA ont
récidivé. Le traitement conservateur ne devrait donc pas être
pratiqué en cas de cancer épithélial invasif de stade supérieur à
IA. Ces résultats rappellent que, à l’instar de la trachélectomie
élargie dans les cancers du col utérin, la chirurgie conservatrice
est, en carcinologie, une chirurgie d’exception (et non pas de
référence), ne devant être pratiquée que chez des patientes
dûment (et honnêtement) informées des risques (ou des incerti-
tudes) carcinologiques éventuels, et ayant une tumeur de stade
précoce avec d’excellents facteurs pronostiques. "
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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15
La Lettre du Gynécologue - n° 278 - janvier 2003
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