Rapport de la présidente du Bundestag, Madame le professeur Rita Süssmuth,

Rapport
de la présidente du Bundestag,
Madame le professeur Rita Süssmuth,
sur le thème
«Le rôle à jouer par les Parlements dans le renforcement de l'économie de marché et
dans la coordination du développement économique et politique en Europe de l'Ouest»,
rapport présenté
à l'occasion de la Conférence des Présidents des Parlements
des Etats membres du Conseil de l'Europe,
du 7 au 9 juin 1996 à Budapest
1. Le rôle à jouer par les parlements dans le renforcement de l'économie de
marché
1.1. L'Etat et l'économie
Le rôle que les Etats peuvent jouer dans le renforcement de l'économie de marché
est conditionné par la forme des rapports entretenus entre l'Etat et l'économie.
Ces rapports sont un thème ancien, difficile, porteur d'idéologie et non libre
d'émotions.
De plus, l'État et l'économie ne sont pas les seuls acteurs de la politique
économique ; il s'y ajoute une multitude d'autres acteurs, par exemple les
entreprises, les salariés, les fédérations du patronat et les syndicats ainsi que les
consommateurs.
Dans le cas de figure tel qu'on le rencontrait jadis dans les pays à capitalisme d'Etat,
l'Etat et l'économie peuvent être identiques. Mais l'Etat et l'économie peuvent aussi
être séparés. En outre, il existe des formes mixtes de séparation de l'Etat et de
l'économie, un exemple en étant l'économie de marché qui, en Allemagne, est
toujours, aussi, une économie de marché sociale, laquelle n'attribue et n'autorise à
l'Etat que des tâches déterminées dans le processus économique.
Dans l'économie de marché et l'économie de marché sociale, le rôle de l'Etat dans
le processus économique se circonscrit à la réunion des conditions nécessaires et à
la pose des préalables. Ainsi incombe-t-il à l'Etat d'établir et de garantir un régime
de propriété et de concurrence. En outre, il incombe aussi à l'Etat d'intervenir face à
de graves troubles du mécanisme de régulation de l'économie de marché et pour
corriger les aléas politiquement non souhaitables du fonctionnement du marché, en
particulier pour la répartition des revenus. L’Etat a, en outre, pour tâche de garantir
la sécurité sociale, de mettre à disposition les biens publics originels et de limiter le
plus possible ou de chercher à éviter le plus possible les effets négatifs écologiques
inhérents aux activités économiques de la société.
En République fédérale d'Allemagne, nous avons ancré les exigences de la
politique économique dans une loi adoptée par le Bundestag, la loi sur la promotion
de la stabilité et de la croissance dans l'économie. Selon ce que nous appelons le
«carré magique» de cette loi, la Fédération et les Länder doivent prendre des
mesures économiques et financières de telle manière que, dans le cadre de
l'économie de marché, elles contribuent simultanément à la stabilité du niveau de
prix, à un niveau d'emploi élevé et à l'équilibre du commerce extérieur
parallèlement à une croissance économique permanente et appropriée.
Il est évident que les limites posées à une ingérence inadéquate de l'Etat dans le
processus économique ne peuvent être que fluides. A cela s'ajoute que le passage
de l'Etat réglementaire à l'Etat producteur a fait augmenter considérablement les
attentes et les exigences posées à la compétence de l'Etat en matière de politique
économique et sociale. De ce fait, les Parlements ont aussi une importante fonction
d'explication sur le rôle de l'Etat dans l'économie de marché sociale.
Je tiens à souligner particulièrement, en raison de sa signification, un volet de la
réglementation étatique, ce qu'il est convenu d'appeler les biens publics.
En recourant exclusivement à sa puissance, l'Etat peut atteindre d'importants
objectifs supérieurs incombant à l'Etat, par exemple la garantie de la sécurité
extérieure. De même, pour instaurer et maintenir la paix intérieure, l'Etat jouit du
monopole de la force. Dans les deux domaines, il est cependant, de façon
élémentaire, tributaire de la conviction fondamentale et concordante des citoyens.
L'Etat ne peut cependant pas garantir à lui seul la paix sociale et économique ni le
développement florissant de l'économie ni la maximisation de la prospérité. Dans
ce domaine, il est tributaire du concours que doivent apporter d'autres acteurs. Cela
implique des règles du jeu bien précises dont le respect est essentiel pour le bien-
être économique d'un pays.
1.2. L'économie de marché et la démocratie
Économie de marc et démocratie ont plus de points commun qu'on a
généralement tendance à le croire. Toutes deux s'appuient sur les mêmes principes
et se complètent mutuellement. L'économie de marché et la démocratie vivent de la
liberté individuelle et de la responsabilité du citoyen, mais aussi du système des
«checks and balances».
Un économiste allemand bien connu, Walter Euken, a un jour déclaré que
l'économie de marché idéale et typique était une «démocratie de consommateurs»,
un «référendum populaire qui dure l'année entière et du matin au soir, la forme de
démocratie techniquement la plus idéale qui puisse même exister».
Il est incontestable que le système du marché, qui se fonde sur la garantie de la
propriété privée, comporte un élément de partage des pouvoirs qui impose des
limites à un Etat tout puissant et constitue un préalable des plus essentiels à la
liberté individuelle.
Dans leur grande majorité, les Etats démocratiques, empreints de cet enseignement,
ont ancré la liberté individuelle, la liberté de la propriété, la liberté économique et
contractuelle ainsi que la liberté de coalition dans leur constitution.
En faisant profession de foi envers l'Etat social, la République fédérale
d'Allemagne a en outre élevé au rang d'engagement constitutionnel la responsabilité
sociale de l'Etat.
1.3. Les Parlements et le développement économique
Les Parlements ne peuvent jouer un rôle dans le développement économique que là
où l'Etat a des possibilités d'intervention et seulement dans le cadre des systèmes
constitutionnels nationaux. Dans cette mesure, ils ont une triple fonction à
assumer :
- Les Parlements adoptent les lois fondamentales qui établissent les conditions-
cadre au processus économique.
- En outre, les Parlements ont la fonction importante de contrôler l'action du
gouvernement dans le secteur de la politique économique.
- L'une des fonctions les plus importantes des Parlements dans le processus
économique consiste à défendre les intérêts des divers acteurs, à les concentrer, à
les intégrer dans le processus de formation de l'opinion et à tenter d'instaurer une
péréquation entre eux et les autres intérêts pour le bien de la collectivité.
Le fait que l'économie de marché sociale ait entamé une marche triomphale après la
Seconde Guerre mondiale est aussi une preuve que les Parlements se sont montrés à
la hauteur de ces tâches importantes.
Les répercussions attendues de l'économie de marché pour la prospérité sont
déterminantes pour les efforts consentis à l'échelle mondiale en vue d'instaurer
et/ou d'améliorer les structures d'économie de marché.
Pour de nombreux Etats d'Europe centrale et orientale, elles ont été la raison pour
laquelle, après l'effondrement de l'ancienne Union soviétique, ils se sont engagés
dans la voie de la démocratie et de l'économie de marché. Le Conseil de l'Europe et
son Assemblée parlementaire ont, dans ce contexte, joué un rôle important en tant
qu'agence pour l'échange d'informations et de vues et en tant qu'auxiliaire pour
l'édification de structures démocratiques et d'économie de marché.
A ce propos, ce ne semble pas seulement à première vue être un paradoxe de
('Histoire que, au moment même où la démocratie et l'économie de marché sont
introduites dans les pays d'Europe centrale et orientale, l'économie de marché se
voie exposée de plus en plus à des doutes dans les pays occidentaux.
L'explication de ce phénomène est relativement simple : l'économie de marché est
«acceptée» tant que la prospérité augmente. Si la «production de la prospérité»
connaît des ratés ou si les effets attendus de la prospérité ne se font pas sentir
immédiatement, l'acceptation de l'économie de marché diminue très rapidement.
C'est la situation dans laquelle se trouve actuellement le système de l'économie de
marché sociale dans les pays développés de ('Ouest. Le chômage ainsi que les
problèmes sociaux et écologiques sont, pour elle, une grande mise à l'épreuve.
1.4. Les Parlements et les dangers pesant sur le développement de l'économie
de marché
Le chômage croissant, les limites financières et autres posées à la politique sociale
ainsi que les problèmes de la politique de protection de l'environnement constituent
donc de grands défis pour toutes les personnes concernées. C'est pourquoi on
n'attend pas seulement du concept de l'économie de marché sociale la garantie du
développement économique et la sécurité sociale, mais aussi la compatibilité
écologique.
1.4.1. Le chômage
Pour beaucoup, le chômage constitue un problème insoluble dans le cadre de
l'économie de marché.
Les causes principales des problèmes d'emploi à long terme dans les pays
développés pratiquant l'économie de marché sont cependant de nature très diverse.
Ils ont leur origine en partie dans la dynamique des mutations structurelles de
l'économie intérieure et de l'économie mondiale et en partie dans la réglementation
du marché du travail.
Ce n'est cependant pas le fait du hasard si les pays ayant la proportion d'Etat la plus
élevée dans la production sont, en règle générale, aussi ceux qui présentent le taux
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