196 L’ISiS MODERNE
langue française: Eliphas Lévi, Lacuria, Louis Lucas, Henri
Favre, etc., qui auront exercé une action décisive sur la pensée
des temps présents, et qui transmirent aux jeunes d’aujourd’hui
l’urne de sombre onyx au cœur de laquelle palpite l’asbeste lampe
de vie. Si cette chaîne d’esprits émissaires se brise chez une
nation; si, dans l’intervalle d’un siècle, nul homme ne naquit,
n1étéphysicien ou poète, pour constituer l’un des anneaux de la
nécessaire cadène, c’est que cette nation, caduque, va mourir.
Et comment pourrait-elle subsister puisque nul Voyant ne serait
la pour lui présenter l’idéal qui la fait vivre?
Eliphas Lévi aura-t-il en quelque influence sur le théâtre en
France? On peut déjà répondre affirmativement, puisque cette
action est évidente sur M. Joséphin Péladan, l’auteur de Baby-
lone. Son drame} Nemrod, si défaillante qu’en paraisse la forme,
est du moins pour rappeler le théâtre à ses origines sacrées. Si
l’on considère comme appartenant déjà au passé les belles ten-
tatives du drame romantique, comme Les Burgraves, Chatierton,
le théâtre français dans cette seconde moitié du X1x° siècle, ne
se peut enorgueillir que d’un solitaire et sublime chef—d’œuvre:
l’A.rël de Villiers de l’Isle-Adam. D’autre part, les habitués des
spectacles, relevant pour la plupart de la classe moyenne, ont
obtenu un théâtre au niveau de leurs appétences: un théâtre
bourgeois, un théâtre d’esclaves, un théâtre d’ilotes. La foule est
toujours asservie à la fatalité. Elle est enchaînée par ses passions
basses et ses conceptions médiocres. Le poète est un libérateur.
Il peut choisir le drame pour formule de son verbe de délivrance,
bienfaisant comme l’ange qui,
.....entrouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
Mais la masse des faibles demeure attachée àla servitude.
Cette liberté, cette plénitude de l’âme que lui apporte la main
robuste du Poète, est un vin trop fort pour ces êtres déprimés.
Leur lâcheté blasphème la parole de l’envoyé divin. La nécessaire
aventure d’0rphée déchiré par les jeunes Ménades, plus belles
du vertige de leurs saphiques luxures. a vêtu cet aspect dans
notre temps: C’est la basse plèbe des esprits vulgaires, qui
étouffe d’une anonyme et circulaire et graduelle poussée le sein
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Generated for John Patrick Deveney (University of Chicago) on 2014-12-17 03:49 GMT / http://hdl.handle.net/2027/coo.31924007282241
Public Domain in the United States, Google-digitized / http://www.hathitrust.org/access_use#pd-us-google
196
L'1s1s
MODERNE
langue
française:
Eliphas
Lévi,
Lacuria,
Louis
Lucas,
Henri
Favre,
etc.,
qui
auront
exercé
une
action
décisive
sur
la
pensée
des
temps
présents,
et
qui
transmirent
aux
jeunes
d’aujourd’hui
l'urne
de
sombre
onyx
au
cœur
de
laquelle
palpite
l’asbeste
lampe
de
vie.
Si
cette
chaîne
d'esprits
émissaires
se
brise
chez
une
nation;
si,
dans
l'intervalle
d’un
siècle,
nul
homme
ne
naquit,
métaphysicien
ou
poète,
pour
constituer
l'un
des
anneaux
de
la
nécessaire
cadène,
c'est
que
cette
nation,
caduque,
va
mourir.
Et
comment
pourrait-elle
subsister
puisque
nul
Voyant
ne
serait
là
pour
lui
présenter
l'idéal
qui
la
fait
vivre?
Eliphas
Lévi
aura-t-il
eu
quelque
influence
sur
le
théâtre
en
France?
On
peut
déjà
répondre
affirmativement,
puisque
cette
action
est
évidente
sur
M.
Joséphin
Péladan,
l'auteur
de
Baby-
lone.
Son
drame
Nemrod,
si
défaillante
qu’en
paraisse
la
forme,
est
du
moins
pour
rappeler
le
théâtre
à
ses
origines
sacrées.
Si
l'on
considère
comme
appartenant
déjà
au
passé
les
belles
ten-
tatives
du
drame
romantique,
comme
Les
Burgraves,
Chatterton,
le
théâtre
français
dans
cette
seconde
moitié
du
x1x°
siècle,
ne
se
peut
enorgueillir
que
d'un
solitaire
et
sublime
chef-d'œuvre:
l’Aæël
de
Villiers
de
Flsle-Adam.
D'autre
part,
les
habitués
des
spectacles,
relevant
pour
la
plupart
de
la
classe
moyenne,
ont
obtenu
un
théâtre
au
niveau
de
leurs
appétences:
un
théâtre
bourgeois,
un
théâtre
d'esclaves,
un
théâtre
d'ilotes.
La
foule
est
toujours
asservie
à
la
fatalité.
Elle
est
enchaînée
par
ses
passions
basses
et
ses
conceptions
médiocres.
Le
poète
est
un
libérateur.
Il
peut
choisir
le
drame
pour
formule
de
son
verbe
de
délivrance,
bienfaisant
comme
l'ange
qui,
.....entrouvrant
les
portes,
Viendra
ranimer,
fidèle
et
joyeux,
Les
miroirs
ternis
et
les
flammes
mortes.
Mais
la
masse
des
faibles
demeure
attachée
àla
servitude.
Cette
liberté,
cette
plénitude
de
l'âme
que
lui
apporte
la
main
robuste
du
Poète,
est
un
vin
trop
fort
pour
ces
êtres
déprimés.
Leur
lâcheté
blasphème
la
parole
de
l'envoyé
divin.
La
nécessaire
aventure
d'0rphée
déchiré
par
les
jeunes
Ménades,
plus
belles
du
vertige
de
leurs
saphiques
luxures.
_a
vêtu
cet
aspect
dans
notre
temps:
C'est
la
basse
plèbe
des
esprits
vulgaires,
qui
étouffe
d'une
anonyme
et
circulaire
et
graduelle
poussée
le
sein
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