1517-2017 - 500 ANS APRÈS LUTHER
Bernard Sesboüé
S.E.R. | « Études »
2016/10 Octobre | pages 65 à 76
ISSN 0014-1941
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-etudes-2016-10-page-65.htm
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Pour citer cet article :
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Bernard Sesboüé, « 1517-2017 - 500 ans après Luther », Études 2016/10 (Octobre),
p. 65-76.
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r e l i g i o n e t s p i r i t u a l i t é
Études - Octobre 2016 - n° 4231
1517-2017
500 ANS APRÈS LUTHER
Bernard SESBOÜÉ
Le 31 octobre débutent les célébrations du 500e anniversaire
de la Réforme protestante. C’est l’occasion de revenir sur cette
histoire douloureuse, d’en analyser les causes et de voir com-
ment surmonter les divisions qui persistent encore.
Le 31octobre, le pape François va se rendre en Suède pour participer
au début des célébrations de cet anniversaire, le jour même où,
dit-on, il y a près de cinq cents ans, Luther achait ses fameuses
95thèses sur les indulgences sur la porte de léglise du château de Wit-
tenberg1. Lesprit de cette rencontre œcuménique, accomplie en un jour
particulièrement solennel, sera de vivre ensemble, catholiques et pro-
testants, une action de grâce et une repentance communes. Ce sera
aussi loccasion de rendre à la foi chrétienne un témoignage commun.
L’Église catholique au début du XVIe siècle
Mais de quoi sest-il agi, il y a cinq cents ans, et de quoi s’agit-il
aujourdhui pour nous ? Que s’est-il passé en 1517 ? En quoi cela
nous concerne-t-il encore aujourdhui ? Au XVIe siècle, l’Église
catholique était dans un piteux
état, tant et si bien quon ne
parlait, depuis longtemps déjà,
1. Ce  serait le 31 octobre 1517 que Luther aurait afché  ces fameuses thèses.  Les célébrations 
du 500eanniversaire de la Réforme protestante, qui s’étaleront sur un an, commencent donc  le 
31 octobre 2016.
Jésuite, professeur émérite 
de théologie au Centre Sèvres.
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que de la nécessité dune réforme, qui achoppait toujours. Quelques
mois plus tôt, en mars 1517, le cinquième concile du Latran venait de
se terminer sans avoir rien fait de sérieux. Mais, du point de vue
romain, le concile était fait et il n’y avait pas lieu de le recommencer.
Les abus étaient nombreux et criants : corruption, misère du clergé
(doù ce proverbe napolitain : « Si tu veux aller en enfer, fais-toi
prêtre !»), hiérarchie épiscopale et romaine bien peu édiante,etc.
Laaire la plus sensible pour le peuple chrétien était la grande
campagne pour les indulgences. Le pape LéonX, ls de Laurent de
Médicis, Laurent le Magnique, voulant reconstruire de manière
splendide la basilique Saint-Pierre de Rome, celle que nous connais-
sons aujourdhui, avait, pour cela, besoin de beaucoup d’argent. Il
lança donc en Europe, et en Allemagne en particulier, une grande
campagne qui concédait généreusement des «indulgences», moyen-
nant des aunes que lon espérait aussi généreuses. La prédication se
déplace alors des grandes vérités de la foi aux bienfaits spirituels des
indulgences. Les prédicateurs en arrivent à des arguments de bas
étage qui font du salut chrétien une sorte de troc nancier. Un grand
prédicateur dominicain des indulgences, le père Johann Tetzel, a
même vulgarisé ce proverbe : «Dès que largent sonne dans le tronc, il
y a une âme qui s’échappe du purgatoire.»
D’où viennent ces indulgences ?
Les indulgences sont issues de la pratique ancienne de la péni-
tence publique. À l’époque des Pères de l’Église, le dèle nétait sou-
mis au sacrement de pénitence que pour les fautes très graves (apos-
tasie, crime, adultère, etc.). Ces fautes exigeaient une pénitence
lourde et publique, comptant des observances diverses, dont lexclu-
sion de la communion eucharistique. Cette pénitence s’étalait dans
le temps et pouvait durer plusieurs années. Bien évidemment, les
pénitents désiraient que la pénitence puisse être abrégée le plus pos-
sible. On pouvait le faire moyennant de bonnes œuvres et en parti-
culier une aumône. Quand, au Moyen Âge, la pénitence est devenue
privée, on considéra que le péché, même pardonné, comportait des
séquelles qui demandaient une purication dans lau-delà. On a
transposé ainsi des éléments de discipline terrestre au mystère
transcendant du purgatoire, en y reportant des indications de jours
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5 0 0 a n s a p r è s l u t h e r
et de durée. Au XVIesiècle, la théologie qui sous-tendait la pratique
des indulgences était particulièrement dégradée, les indulgences
étant devenues lobjet dun véritable trac.
L’expérience spirituelle de Luther
Le moine augustin Martin Luther, jeune professeur à la faculté
de théologie de Wittenberg, trouve tout cela scandaleux. Non seule-
ment lAllemagne est mise en coupe réglée par ce nouvel impôt,
mais encore les consciences sont déformées dans lillusion que le
salut chrétien n’est pas une aaire de foi, mais quil peut s’acquérir
par de bonnes œuvres et principalement par laumône.
Cette conception est à lopposé de litinéraire spirituel de Luther.
Celui-ci, homme inquiet et torturé par les tentations, a essayé toutes
les formes dascèse pour se
libérer, mais sans résultat. Il se
sentait donc condamné par la
justice de Dieu, de laquelle il ne
retenait que son aspect punitif.
Un beau jour, le professeur dÉcriture sainte qu’il est devenu, lisant
lépître aux Romains de saint Paul, fait une découverte qui trans-
forme sa vie, et pour laquelle il est en plein accord avec linterpréta-
tion de saint Augustin. Devant luniversalité du péché dans lhuma-
nité, la justice de Dieu est révélée par la foi en Jésus Christ. «Nous
estimons en eet que lhomme est justié par la foi, indépendam-
ment des œuvres de la Loi» (Rm3,28). Paul prend pour exemple le
cas dAbraham qui «eut foi en Dieu et cela lui fut compté comme
justice» (Rm4,3).
La justice que nous pouvons recevoir de Dieu nest donc en rien
le fruit de nos bonnes œuvres : elle est un don gratuit de la miséri-
corde divine et de la justice par laquelle Dieu nous rend justes. La
justication par la grâce de Dieu moyennant notre foi sera pour
Luther larticle central du mystère chrétien, celui qui fait tenir ou
tomber l’Église (articulus stantis et cadentis ecclesiæ). En cela, il
inaugure une gure nouvelle de la foi, toute diérente de celle du
Moyen Âge. Il ne s’agit plus dobéir à ce que dit son curé et de bien
participer à tout ce que fait la communauté paroissiale. Il s’agit
dêtre intimement convaincu que la grâce de Dieu vient me rejoindre
Luther inaugure
une gure nouvelle de la foi
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dans ma misère et, en raison de ma foi, Dieu me considère désor-
mais comme son ami. Le rôle de la conscience personnelle est formel-
lement mis en avant.
La naissance et le développement de l’« affaire »
Que fait alors Luther ? Il écrit à Albert de Brandebourg, larche-
vêque de Magdebourg et de Mayence dalors, et dénonce à la fois la
pratique des indulgences et la théologie qui la sous-tend. Il pose
donc à la fois un problème de gestion pratique et un problème doc-
trinal. À sa lettre, il joint 95thèses sur les indulgences, an de pro-
poser un débat théologique, de type académique, sur une question
dont les fondements ne sont pas clairs. Ces thèses, certes tran-
chantes, ne sont nullement des propositions dénitives, elles ont
pour but de faire réagir et de parvenir plus tard à des conclusions
mûries. Ce que Luther ignore malheureusement, c’est que larche-
vêque est en contrat avec Rome, qui attend le plus vite possible de
largent frais, et que lui-même garde un certain pourcentage des
sommes récoltées. Mettre publiquement en cause la pratique des
indulgences reviendrait à tarir la source des prots qu’elles rap-
portent et à mettre en danger ses propres nances. Luther ne recevra
même pas de réponse. Ces thèses ont-elles été achées aux portes de
léglise du château de Wittenberg ? On en discute aujourdhui. En
tout cas, elles sont parvenues à la connaissance du public et
échappent désormais à toute gestion de la part de son auteur. Il vou-
lait un débat dans le cadre de son université : le débat envahit toute
l’Europe. Les «médias» du temps s’en emparent, c’est-à-dire lim-
primerie récemment inventée (autour de 1450), et laaire se répand.
Le scandale éclate donc devant une opinion exaspérée par les indul-
gences et travaillée par cette nouvelle gure de la foi qui est un premier
signe de lémergence des Temps modernes. Le succès rapide de Luther
ne s’explique que par la rencontre entre la conscience d’un homme et la
conscience d’un peuple. Laaire devient donc politique et ecclésiale. Elle
est interprétée spontanément comme une révolte contre lautorité du
pape. Le retour du théologien à l’Écriture et aux Pères de l’Église est
également compris comme une distance soupçonneuse prise à légard
de la théologie scholastique contemporaine. Il est aussi lobjet d’une
grande hostilité de la part de lestablishment ecclésiastique.
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