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Éditorial
Act. Méd. Int. - Psychiatrie (19) n° 3, mars 2002
Éditorial
emploi d'un vocabulaire spécia-
lisé pour rendre compte, avec une
précision renouvelée, de concepts
utilisés dans l'évolution des théo-
ries et des pratiques est une nécessité.
Paradoxalement, certains concepts sont
employés avec une telle fréquence dans
différents domaines de connaissance, qu'il
est admis implicitement qu'ils sont utilisés
en toute clarté par chacun et qu'ils recou-
vrent pour tous le même sens, le même
savoir et, notamment, dans le registre
clinique, le même symptôme, syndrome,
catégorie, entité ou la même dimension
clinique. Ce consensus implicite sur le sens
univoque des mots ou des expressions n'est
pas si solide. Lorsqu'il est demandé aux
spécialistes d'expliquer certains concepts,
les divergences apparaissent, notamment
sur leur contenu précis et leurs limites
respectives.
Il existe donc un intérêt à revisiter certains
concepts pour les raviver, ou les rejeter, à la
lumière des connaissances actuelles.
Dans le registre de la clinique descriptive, le
concept de dégénérescence mis en exergue
par Morel en 1857 signifiait “une déviance
maladive d'un type primitif”. Ce concept fut
repris par Magnan à la fin du XIXesiècle
pour l'étendre à la psychiatrie. Il devint une
étiologie possible et un élément nosolo-
gique majeur pour une classification
clinique des maladies mentales. Ainsi,
furent reconnus des sujets prédisposés par
la présence de stigmates de dégénérescence
auxquels il fut accordé une importance
démesurée et redoutable. Les excès, notam-
ment dans le domaine de la criminologie,
furent combattus avec vigueur par J. Ballet
et Genil-Perrin, qui montrèrent la faiblesse
des arguments et de la théorie.
Le concept de discordance connut un sort
plus enviable et une actualité toujours
présente. Lorsque Chaslin, en 1912, utilisa
le terme de “discordance” pour montrer la
dysharmonie entre les symptômes, il se
rappelait l'étymologie du terme : “dis”,
séparer et “cor” de “cordis”, cœur, et par
contamination “c(h)orda”, c'est-à-dire
cordes d'un instrument de musique. Bleuler,
à la même époque, en 1913, crée le terme
de “schizophrénie” (scission de l'esprit) et
utilise le vocable “dissociation” pour dési-
gner la rupture de l'unité psychique repérée
dans le comportement et l'expression
verbale. Ce concept est repris actuellement
dans le cadre d'études des cognitions pour
préciser les perturbations intimes de la
pensée dans sa logique psychotique et
montrer les particularités du dysfonction-
nement mnésique. Le concept de discor-
dance et de dissociation est revisité avec
intérêt pour en comprendre la subtile
pathogénie et ouvrir des possibilités théra-
peutiques nouvelles.
Le concept de tension intérieure est utilisé
couramment en pratique, notamment dans
le cadre de l'anxiété et de la dépression. Il
recouvre une dimension complexe dont les
éléments constitutifs sont, pour certains,
repérés et définis avec difficulté. Les préci-
sions s'imposent non pas tant devant des
divergences, puisqu’il existe un accord
global sur la signification du concept, mais
devant les difficultés pour en préciser le
contenu. Il s'agit de revisiter ce concept
transnosographique pour mieux le connaître
et réexaminer sa substance, son sens, son
Les concepts revisités
M. Ferreri*
* CHU Saint-Antoine, Paris.
L’
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