ACTU
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MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2016LE MATIN
ACTU 5
MERCREDI 28 SEPTEMBRE 2016 LE MATIN
Passé les recommandations
de santé, l’apothicaire doit garder
son avis personnel pour lui.
SAN Beaucoup de femmes se plaignent
de la fon dont elles sont rues dans
les pharmacies lors de lachat d’une pilule du
lendemain. Où sont les limites de lacceptable?
LE LENDEMAIN, LA
P ILULE
NE PASSE PAS
«Eh ben… Mati-
nale, la pe-
tite!» s’est vu
rétorquer
Lorraine, 25
ans, lorsqu’elle a indiqué au phar-
macien l’heure du rapport sexuel
qui l’avait amenée là, à lui deman-
der une pilule du lendemain. Lors-
qu’elle voudra se procurer une
boîte de préservatifs avant de par-
tir, l’homme se fendra même d’un
«Et en plus, je vois qu’on va re-
mettre ça!» en ajoutant gogue-
nardement une huile de mas-
sage à ses achats.
Ce comportement, dé-
placé au vu des circonstan-
ces de la visite, n’est pas un
cas isolé. Un nombre im-
portant de femmes se sen-
tent en effet jugées, voire
humiliées, après un pas-
sage à la pharmacie pour
l’acquisition d’un contra-
ceptif d’urgence. Qu’elles
soient ironiques, morali-
satrices ou dégradantes,
les petites remarques ne
sont pas rares et dépassent
parfois le cadre de la pré-
vention nécessaire lors de
ce genre d’interventions.
Certaines fois de manière
choquante (voir les témoi-
gnages ci-dessus). Des fa-
çons de faire qui chagri-
nent certains praticiens,
comme Noëllie Genre,
pharmacienne et sociologue. «Ce
sont des expériences malheureu-
ses. C’est dommage quand cela se
passe aussi mal.» Alors que beau-
coup de femmes culpabilisent lors
de visites de ce type, la profession-
nelle préconise la bienveillance et
le désamorçage. «Il y a un travail à
faire du côté des pharmaciens pour
apprendre à aborder les patientes
sans les juger. Dès qu’on passe
dans le jugement, ça ne va plus.
Même avec la petite morale, on est
déjà sorti de l’éthique profession-
nelle.» Et que dire de
certaines questions sur
le plaisir ou les posi-
tions utilisées lors du
rapport sexuel? «C’est
simplement scanda-
leux. Aucune forme de
prévention n’exige
d’avoir de tels détails sur le dérou-
lement de l’acte.» La praticienne
recommande d’ailleurs à toute
femme surprise par une question
de ne pas hésiter à en demander le
fondement médical.
Quand ça se passe bien…
Mené correctement, l’entretien
sur la contraception d’urgence a
pourtant tout lieu d’être. Alexan-
dre Grand-Guillaume-Perrenoud,
docteur en sciences pharmaceuti-
ques et praticien, nous en rappelle
les enjeux. «Le premier but est
d’évaluer la façon dont la patiente
appréhende sa contraception, de
façon à l’aider à améliorer certains
points si nécessaire.» Qu’elles
proviennent d’un questionnaire ou
du praticien lui-même, les ques-
tions posées doivent permettre
d’écarter tout risque potentiel
dans le cas la pilule serait déli-
vrée, comme une grossesse
préexistante ou avancée… «La
dose d’hormones contenue dans
une pilule du lendemain est mas-
sive et certains risques non ano-
dins doivent être connus.» Sensi-
biliser, orienter, répondre aux
questions ou même informer sur
les alternatives de contraception
existantes, tels sont donc les ob-
jectifs que doit poursuivre le spé-
cialiste. Rien de plus. «Si votre
pharmacien se montre moralisa-
teur ou jugeant, n’oubliez pas que
votre dossier patient peut être
transféré en tout temps dans un
autre établissement.» Quant à la
prise de pilule sur place, autre sujet
de grogne chez les patientes, le
spécialiste en explique les fonde-
ments. «Certains l’exigent car ils
engagent leur responsabilité. Ils
pensent ainsi éviter que la pilule
soit gardée en réserve pour plus
gMême avec la petite
morale, on est déjà
sorti de l’éthique
professionnelle»
Noëllie Genre, pharmacienne et sociologue
tard ou distribuée à une autre fille
qui n’osait pas venir, par exem-
ple.» Une technique qui peut se
défendre mais qui n’est pas sans
représenter une forme d’échec.
«Si le pharmacien parvient à éta-
blir le dialogue et la confiance du-
rant son entretien, cette pratique
n’a pas lieu d’être, selon moi.»
Clash des réalités
Au-delà des grossières erreurs
éthiques qu’elle condamne, Noëllie
Genre tient à rappeler que les in-
compréhensions peuvent parfois
tronquer les impressions. «Tous
les ressentis sont légitimes, mais ils
peuvent provenir d’un malaise à la
fois des patientes et des pharma-
ciens, que chacun projette.» D’un
côté, un praticien qui va s’immiscer
difficilement dans la vie privée
d’une personne, de l’autre une pa-
tiente qui culpabilise à l’idée de
prendre une pilule… «L’agression
va être d’autant plus ressentie que
la culpabilité est présente. C’est
précisément celle-ci que l’on doit
chercher à désamorcer au plus vite
si on veut éviter le fiasco.»
Bien plus qu’une personne qui
ouvre et ferme des tiroirs, lit des
ordonnances et donne des boîtes,
le pharmacien (pour autant qu’il
ait une éthique) veille à ce que des
substances pouvant avoir des ef-
fets parfois destructeurs sur notre
organisme soient utilisées à bon
escient. Un apothicaire qui ne po-
serait pas de questions avant de
confier à une patiente une pilule du
lendemain serait d’ailleurs aussi
suspect que celui qui en pose trop.
Une limite à son pouvoir, néan-
moins, passé les considérations de
santé: son avis personnel, il peut se
le garder.
YANN MARGUET
gIl est au moins
au courant m’a
demanla pharma-
cienne sur un ton mépri-
sant. «Et vous le
connaissez, au moins
Marisa, 30 ans
«Ils m’ont forcée
à faire un test de gros-
sesse, sans quoi ils re-
fusaient de me la ven-
dre. J’ai été obligée de
la prendre devant eux
et ils ont vérifié que je
l’avais bien avalée»
Lilou, 30 ans
«On m’a refusé le service en me faisant
comprendre que ça prenait trop de temps
et qu’il fallait que j’aille voir ailleurs.
Heureusement, j’ai été très bien traitée
dans la seconde pharmacie je suis allée
et la pharmacienne a été outrée
par le comportement de ses confrères»
Virginie, 34 ans
«Les questions
du pharmacien
devenaient trop
détaillées. Couchée?
Debout? Vous
avez pris du plaisir?
Je suis partie
sans pilule» Marie, 32 ans
«On m’a dit: «Et vous
pensiez quoi? Qu’il suffi-
sait de prier le Saint-
Esprit pour éviter
de tomber enceinte?»
Juste après m’avoir de-
mandé si je savais com-
ment on fait les bébés»
Natalia, 27 ans
gLa pharmacienne
m’a dit: «Mais
ce ne serait tout
de même pas si
grave, à votre âge, de
tomber enceinte…»
Cécile, 33 ans
gMainte-
nant,
pour éviter
tout sermon,
je mens»
Christelle, 31 ans
Frederic Cirou/MAXPPP
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