Bray sur seine

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Bray sur seine
Ce site veut vous faire connaître une petite ville perdue au Sud Est de
la Seine et Marne. Tout ces textes ont été écris par Mr Jean Gallot avec
l’aide des travaux d'une célébrité de notre région et historien de notre
ville: Jean-Marie SCHERER
Cette histoire sera celle de la baronnie de Bray, Seigneurie Royale de
940 à 1792.
INTRODUCTION
La création récente du pays Bassée-Montois se veut constituer un tissu socioéconomique favorisant l'épanouissement de communes rurales, aujourd'hui éclatées
entre cinq villes: Sens, Montereau-fault-Yonne, Nangis, Provins et Nogent-surSeine.
En réalité, ce réseau n'est pas nouveau et trouve son origine dans la baronnie
de Bray-sur-Seine.
Cette entité féodale correspondait à un territoire d'un tiers supplémentaire,
amputé à la révolution au profit du département de l'Yonne. Ce partage causa
préjudice à Bray-sur-Seine qui se vit reléguée dans un trou administratif et coupée
de son souverain l'archevêque de Sens. D'ailleurs, cette capitale de la gaule antique
(métropole dont dépendait Paris jusqu'au XIII ème siècle) subit, elle aussi, le même
sort dans un coin du département voisin de l'Yonne.
Si l'on considère l'évolution du bâti, le centralisme parisien semble avoir
amorcé ce phénomène cent cinquante ans avant la Révolution; l'urbanisme de
notre petite ville se caractérisait par ses pans de bois démontrant sa richesse avec
tours et pignons sur rue tandis que dans les campagnes, les maisons étaient
construites de terre et de damiers de craie. Dès le début de l'époque moderne,
notre ville ne réussit que très peu la transition architecturale vers l'âge classique,
et son usage d'une nouvelle noblesse, la pierre; les constructions de bois ne furent
plus que le reflet d'un bourg. Un sursaut de l'ère industrielle verra se substituer la
brique au bois dans une évolution stylistique intéressante.
La polarisation autour de Bray dont se réclament toujours nos voisins icaunais
est encore évoquée à travers le nom de leur rue ou route principale. Le
chansonnier Barrault la présentait en termes clairs à travers ces vers du XVI ème
siècle.
De Barbey et Misy
Vinneuf, Courlon, Bachy
Serbonnes et Michery
Sergines et Compigny
De Saint Jean et Pailly
Hollard et Chapolin
La Chapelle et Saint Martin
V'là les gais et cossus lurons
Et les agréables tendrons
Ensemble qui s'en vont
A Bray! A Bray
Danser à la foire de Bray
Ces mêmes populations continuent de fréquenter les grandes heures de notre
bonne vieille ville; ses foires bien sûr, mais tout simplement ses commerces, ses
services, son marché, ses fêtes...
Le propos se confirme pour l'essentiel du récent pays.
La baronnie s'est constituée autour des Bas-Pays d'une vallée de seine au cours
lent en étiage, qui après moult divagations, représente une vaste zone
marécageuse dont Bray tire son nom celtique. Cette colonne vertébrale est bordée
de terrasses crayeuses dénommées les Hauts-Champs. Les Pays-Hauts désignent les
plateaux icaunais bordés par la vallée de l'Oreuse.
Le fief de Mons ( les cinq communes du Montois) lui était attaché par des liens
de vassalité.
Entre chacune des cinq villes, la baronnie de Bray était un véritable défi
s'étirant le long des principales voies de communications: la très active rivière de
Seine lui donnait une vie riche en échange; la Via Agrippa (Rome-Boulogne-sur-Mer)
l'ouvrit au vaste monde, sa présence sur la rivière d'Yonne en faisait un trait d'union
entre Champagne et Val-de-Loire; une route jusqu'à Bordes l'attirait vers
l'incontournable capitale des rois de France.
L'histoire politique de cet espace nous plonge à plus d'un millénaire en-deça
aux fondements de notre civilisation; car c'est à partir de ces temps lointains que
notre cadre de vie s'est fixé: le paysage degg de la seine et ses pâturages, le
parcellaire, les villages inscrits dans une trames de voies, les monuments depuis les
mottes de donjons aux églises, en passant par nos habitats pittoresques.
Quel plus beau témoignage, à l'aube du troisième millénaire, que de passer en
revue toute son évolution historique: à travers notre contrée, c'est l'Europe d'hier
de de demain qui jaillit.
Chacun connaît, à Bray, la silhouette discrète, élégante et digne de Monsieur
Scherer, notre historien.
Diplôme et médaille de bronze Sciences-Arts-Lettres le 9 mai 1954, chevalier
de l'Etoile civique, il est fondateur, en 1950, du Cercle archéologique du canton de
Bray-sur-Seine qu'il préside depuis 1957 avec beaucoup de mérite. L'abondance et
la qualité des recherches dans les carrières de sable permirent l'installation des
deux premiers archéologues départementaux, sortis tout droit du Cercle.
MM. Mordant et Gouge réunissent aujourd'hui autours d'eux une équipe d'un
vingtaine de personnes à plein temps. Avant les pelles mécaniques, ils extraient
des milliers d'années d'un pays riche en vie au fil de la Seine, et aujourd'hui connu
au niveau mondial.
M. Scherer, conservateur de l'ancien musée de Bray-sur-Seine est le catalyseur
du premier fonds archéologique de notre pays. Il est regrettable que ces
découvertes ne concernent plus que les initiés de la base archéologique de
Bazoches-les-Bray, ou soient sorties de notre vallée pour le musée régional d'Ile de
France, à Nemours. Mais les nouvelles tendances culturelles de notre secteur nous
laissent espérer une meilleure diffusion de la connaissance locale in situ.
M. Scherer, dans cette même dynamique, fonda aussi le Groupement
archéologique de Seine-et-Marne, le 11 décembre 1958 au domicile parisien du
professeur Piganiol. Ce groupement réussit aujourd'hui l'heureux équilibre dans la
tradition d'un archéologie associative à une professionnalisation nécessaire: les uns
et les autres se complètent pour le plus grand bien des publications.
Délégué cantonal en 1974 pour le très novateur pré-inventaire du patrimoine
de Seine-et-Marne, M. Scherer s'est beaucoup penché sur les oeuvres mobilières et
immobilières. Il s'applique à les mettre en valeur en tant que vice-président du
Syndicat d'Initiative par des visites régulières de la Collégiale Notre-Dame et la
découverte du centre ville.
Il est l'auteur de diverses publications parmi lesquelles on peut citer les sujets
suivant; Origine des noms des rues de Bray ,les Fortifications de Bray et son
complexe hydraulique, la guerre de Trente ans, l'Histoire des Sociétés
locales...
M. Scherer s'est approprié durant sa longue vie, de nombreuses sources
documentaires lui permettant aujourd'hui d'éditer ce premier ouvrage. Suivront des
tomes traitant de l'Eglise dans notre baronnie, de ses origines pré-romaines, des
personnages et événements essentiels...
De la vie quotidienne aux événements célèbres, ancrée dans la réalité de sites
palpables, la vision du monde qu'à M. Scherer, est certes, parfois mélancolique
mais elle est fondamentalement vivante.
Jérôme Muniglia
Vice-Président de l'association Patrimoine et culture en Bassée.
CHAPITRE 1
D’UN EMPIRE A L’AUTRE
A partir du V ème siècle, une suite ininterrompue d'invasions, dites barbares,
déferlent sur l'Empire romain. Les troupes impériales ne sont plus en mesure de
défendre les frontières.
Vandales, Suèves, Alains, Wisigoths, Ostrogoths, Francs, Saxons, Burgondes,
Angles, par vagues successives, irrésistiblement franchissent les frontières de
l'Empire. Certains dévastent tout sur leur passage, d'autres prennent possessions de
territoires, fondant ainsi des petits Etats plus ou moins liés à Rome.
Les Huns, enfin, après avoir conquis les Balkans pénètrent en Gaule en l'an 451,
où les Francs, déjà implantés et alliés aux Romains, réagissent.
Les troupes impériales commandés par le général Aétius infligent aux Huns une
cuisante défaite près de Troyes. Mais cette bataille, bien que victorieuse, marque
la début de la désagrégation de l'Empire. Les Francs vont prendre la relève.
Dans le même temps, Odoacre renverse Romulus Augustule et prend le pouvoir,
mettant fin ainsi à l'Empire d'Occident.
En Gaule, le Royaume de Syagrius, dernier Romain dans le pays, ne règne que
sur la partie nord de la Lyonnaise, moins l'Armorique.
En 486, Clovis déjà maître de la Belgique s'empare du royaume de Syagrius et
se fait proclamer roi des Francs. Il meurt en 511. A cette époque, la notion d'Etat
n'est pas encore nettement définie dans la mentalité des nouvelles populations.
L'esprit de propriété reste primordial, ce qui provoque des partages à chaque
succession et, en conséquence, des divisions néfastes à une éventuelle unité
nationale.
Ainsi, l'ex-royaume de Syagrius devient la Royaume de Paris, qui sera plus tard
la Neustrie, c'est à dire le Royaume de l'Ouest.
La Lorraine deviendra l'Austrasie, ou le royaume de l'Est: capitale Metz.
Et nous aurons:
Le Royaume de Bourgogne, capitale Chalon, Le Royaume de Provence, capitale
Arles, Le Royaume d'Aquitaine, capitale Bordeaux, Il y eut même temporairement
un Royaume d'Orléans.
Outre les partages par héritages, de pères en fils ou entre frères et parfois
entre cousins, l'esprit de conquête demeurait vivace et les guerres localisées entre
voisins étaient fréquentes.
C'est ainsi que la population de la région de Bray-sur-Seine changea souvent de
royaume et de souverain. Après la chute de l'Empire romain, notre territoire fut
rattaché selon les périodes:
464 - 486 au Royaume de Syagrius
486 - 511 au Royaume Francs de Clovis
511 - 558 au Royaume de Paris de Childebert I er
558 - 561 au Royaume de Soissons de Clotaire I er
561 - 567 au Royaume de Paris de Caribert I er
567 - 596 au Royaume d'Austrasie de Sigebert I er
596 - 612 au Royaume de Bourgogne de Thierry II
612 - 747 au Royaume de Neustrie de Clotaire II et ses descendants
dont le célèbre Roi Dagobert
747 - 768 au Royaume Franc de Pépin le Bref
768 - 771 au Royaume Franc de Carloman
771 - 800 au Royaume Franc de Charlemagne
800 - 840 à l'Empire d'Occident de Charlemagne puis de Louis le Pieux
843 - 948 au Royaume France avec Charles II la Chauve.
Les rois de ces petits états, souvent peu instruits, et rarement aptes à
gouverner, laissaient généralement aux maires du palais toute latitude pour
l'administration de leur royaume.
Cette situation eut pour conséquence que Pépin le Bref, profitant des
circonstances, trouva le moyen de déposer son roi et de se faire sacrer roi des
Francs par le pape en 751. Pépin étant mort en 768, ses fils Carloman et Charles lui
succédèrent en se partageant le royaume. En 771, suite au décès de Carloman,
Charles hérite de son frère et réunifie le royaume de France. Il lutte contre les
Saxons, conquiert La Lombardie, réunifie la Gaule et fixe sa capitale à Aix-laChapelle.
En 782, il fait venir d'Angleterre, Alcuin, érudit et savant anglo-saxon, pour
instruire les jeunes aristocrates. La paix étant instaurée dans le royaume, la
culture prend son essor. Charles invite à sa cour des savants étrangers diffusant
l'instruction et développant les arts.
Puis Charles soumet la Frise, annexe la Saxe, puis la Bavière. En 796 il
entreprend la construction de la chapelle du palais d'Aix-la-Chapelle. En 799 il
soumet les Avars.
Enfin, le 25 décembre de l'an 800, Charlemagne est sacré Empereur romain
d'Occident par le pape Léon III. C'est à cette époque qu'intervient une réforme de
l'écriture en Europe, avec l'apparition de la minuscule caroline, très lisible,
qu'adopteront tous les copistes européens, sauf les Italiens.
Le VII ème siècles se termine en apothéose, Charlemagne est empereur. Ses
territoires immenses s'étendent de l'Italie aux côtes de la Mer du Nord, et de
l'Atlantique à l'Elbe. Cet empire romain d'Occident s'est ainsi continentalisé en se
dilatant vers le Nord et, sur les rives de la Méditerranée, rencontre deux autres
empires correspondant à deux civilisations: l'Empire byzantin (chrétiens d'Orient) et
l'Empire abbasside (musulmans).
Sans vouloir retracer cette épopée que fut le règne de Charlemagne, évoquons
brièvement ses principales campagnes: la Lombardie, la Saxe, l'Espagne, sans
oublier la longue lutte contre les Vikings, dont le premier raid connu est daté du 8
Juin 793. Mais parlons un peu de l'homme qui, encore jeune, fut appelé à régner
sur le peuple des Francs. Intrépide guerrier, d'une force rare, esprit vif, il avait le
don de savoir diriger ses troupes. Il avait la réputation de se bien tenir à table
comme à cheval, et... au lit. Ses nombreuses campagnes s'agrémentaient du
fameux repos du guerrier.
De sa première(?) concubine, Himiltrude, il eut un fils, Pépin, affligé d'une
infirmité qui lui valut le surnom de Pépin le Bossu. Sa première épouse fut une
princesse lombarde, fille du Roi Didier, dont le nom n'est pas connu avec certitude,
on propose: Désidérate, Désirée, Ermengarde et Bertrade. Puis il épousa Hildegarde
dont il eut Charles, Carloman, Pépin et Louis. Il épousa ensuite, devenu veuf,
Luigarde, puis Fastrade. Veuf une fois de plus, il envisagea d'épouser Irène,
impératrice d'Orient. Son projet était de réunir les deux empires en un seul, mais
ce projet ayant avorté, Charles s'en tint désormais au célibat. Un célibat tout à fait
supportable, écrit Jacques Delperrié de Bayac, puisque, sans compter ses passades,
il eut successivement quatre concubines: Madelgarde, Gervinde, Reine et Adelinde
qui lui donna un dernier fils; Thierri.
Après ce palmarès il nous revient en mémoire cette réflexion de notre ami le
Docteur Degenring:"Mais nous sommes tous plus ou moins descendants de
Charlemagne!".
Malgré les libertés qu'il prenait avec la morale, Charles restait néanmoins fort
religieux et même avec l'âge, sa dévotion s'approfondissait.
Guerroyant moins, il était plus souvent à Aix où la besogne ne lui manquait
pas. Haute politique, petits litiges, tout en principe passait par lui. Il recevait les
messagers qui arrivaient de toutes les parties de l'Empire, prenait connaissance des
rapports des missi, tranchant les affaires soumises en dernier ressort au tribunal du
palais.
Lorsqu'il se sentait las de ces charges, il se mettait en selle et partait pour
l'une de ses résidences des Ardennes ou des Vosges pour y passer quelques
semaines à chasser.
CHAPITRE 2
DERNIERS JOURS D'UN EMPEREUR
Charlemagne vieillissait, il avait plus de soixante-cinq ans, son longévité
étonnait ses contemporains. Cependant, il fut atteint par la maladie et l'infirmité,
il eut de fréquents accès de fièvre, et la suite d'une chute de cheval, il se mit à
boiter d'un pied.
Des deuils assombrirent ses dernières années. En mai 804 Alcuin était mort à
Saint-Martin de Tours. En 810, sa sœur Gisèle mourut à l'abbaye de Chelles, puis sa
fille Rothrude et son fils Pépin roi d'Italie et, le 4 décembre 805, Charles le Jeune,
l'aîné de ses fils légitimes.
Pendant trois années consécutives il y eut de fréquentes éclipses de soleil et
de la lune, et durant une semaine on vit sur le soleil une tâche noirâtre.
La Terre trembla à plusieurs reprises en Italie et en Gaule. A Aix, la galerie de
bois qui reliait la salle de réception à la chapelle s'écroula tout à coup le jour de
l'Ascension, et la pomme d'or qui décorait le faîte du toit de la chapelle fut frappée
par la foudre et brisée. Le pont de bois que Charles avait fait construire sur le Rhin
près de Mayence fut entièrement détruit par un incendie.
L'été de 810, au cours de sa dernière expédition en Saxe contre le roi Danois
Godefrid, un matin que l'Empereur venait de quitter son camp et de se mettre en
route avant le lever du jour, par un temps serein, un météore d'une luminosité
éclatante descendit du ciel devant les cavaliers et traversa l'air de droite à gauche.
Tandis que tous admiraient ce prodigue et cherchaient à l'interpréter, le cheval de
Charlemagne tomba la tête en avant, le jetant à terre avec tant de violence que
l'agrafe de son manteau en fut arraché, son baudrier brisé, et le javelot qu'il tenait
à la main, projeté à plus de vingt pieds; il ne put se relever qu'avec l'aide des
officiers qui l'entouraient.
Il y avait à la chapelle d'Aix, sur la marge de la corniche intérieure, une
inscription en cinabre indiquant le nom de celui qui l'avait fait construire. On
pouvait lire à la dernière ligne les mots Karolus princeps (Charles prince). Or
quelques mois avant sa mort, plusieurs personnes remarquèrent que les lettres qui
formaient le mot princeps étaient presque complètement effacées...
Charlemagne fut-il impressionné par cette suite de phénomènes étranges?
En mai et juin 813, il réunit cinq conciles provinciaux, à Reims, Arles, Chalon,
Tours et Mayence. Les pères examinèrent la situation matérielle et morale dans
l'Eglise et dans l'Etat. Il relevèrent avec rigueur les défaillances des hauts
fonctionnaires et des ecclésiastiques et finirent en proclamant la nécessité de
l'entente et de la concorde entre tous les hommes, et plus encore, entre les
puissants qui avaient la charge d'administrer.
Charlemagne pensa alors à régler la succession de l'Empire, ce qui ne devait
pas poser de problème puisque l'affaire était pratiquement arrangée avec Byzance,
et que, des fils légitimes, il ne lui en restait qu'un, Louis d'Aquitaine, âgé de trente
cinq ans.
L'entourage de Charles pensait qu'il était temps de procéder à la désignation
officielle du successeur. Le fidèle Eginhard le fit savoir au souverain qui comprit
que l'avis était sage et qu'il ne fallait plus tarder. Au début de septembre, il manda
son fils à Aix et y convoqua l'armée ainsi que les évêques, les abbés, les comtes et
leurs subordonnés de tous les pays et de tous les peuples de l'Empire. Le plaid
réuni, manquaient les Romains et les Lombards; il se trouva donc que la dernière
assemblée du règne comprenait une majorité de Francs.
Devant tous, Charles prit la parole, rappelant les services que son fils Louis
avait rendu à l'Etat et il insista sur les qualités qui faisaient de lui le prince le plus
digne de régner sur les Francs en l'ensemble du peuple chrétien. Puis, s'adressant à
tous, il leur demanda s'ils consentaient à ce qu'il transmit à son fils le titre
impérial. Tous répondirent par l'affirmative, disant que ce dessein était conforme à
la volonté de Dieu et à l'intérêt du royaume.
Ainsi, Louis d'Aquitaine ne serait pas élevé à la dignité impériale par le fait du
souverain pontife, comme l'avait été son père treize ans plus tôt, mais suivant
l'antique coutume, par élection et le consentement unanime des Francs. Le
couronnement eut lieu quelques jours plus tard, le dimanche 11 septembre, dans
une cérémonie grandiose en la chapelle d'Aix.
Ainsi, Louis fut désigné héritier du titre impérial, et, en principe, associé à son
père à la tête des ses Etats, mais Charles avait l'habitude de régner seul et son fils
avait à s'occuper de son propre royaume. Louis, nanti de riches présents, retourna
peu de temps après en Aquitaine. Au moment de se séparer, le père et le fils
s'étreignirent et s'embrassèrent avec des larmes sur la visage. Ils ne devaient plus
se revoir.
Louis partit; Charles quitta Aix à son tour pour aller chasser dans les Ardennes;
ce fut le dernier plaisir du vieil empereur.
Charles regagna son palais d'Aix vers le 1er novembre. Il était las mais n'en
continua pas moins de sortir, de monter à cheval et de se baigner dans la piscine.
Au mois de janvier 814, il prit froid après un bain et fut saisi d'une fièvre
violente qui le contraignit à s'aliter. Son corps s'affaiblit, une pleurésie se déclara.
Le 27 janvier Charles sentit qu'il lui fallait régler sa dernière affaire en ce monde;
il manda son archichapelain; l'archevêque Hildebald, et reçut de lui la communion
et l'extrême-onction. Le palais d'ordinaire si remuant et si bruyant se figea et se
tut. Les proches de la cour se mirent en prières.
Le lendemain à l'aube, une aube tardive d'hiver, Charles est en agonie. Il est
étendu dans sa chambre. Il ne parle plus, il ne bouge plus, c'est à peine s'il respire,
mais dans ce grand corps muet et inerte, la pensée vit, cachée derrière son front
immobile et ses paupières closes.
Une longue existence s'achève, pleine de fracas, de violences, de souvenirs
féroces ou tendres.
A la troisième heure du jour, Charles fait le signe de la croix sur son front et sa
poitrine, il joint les jambes, étend les bras sur son corps et, fermant les yeux,
chante à voix basse ces paroles du psalmiste:"Seigneur, je recommande et je
remets mon âme entre vos mains".
L'Empereur Charlemagne est mort.
CHAPITRE 3
LA FIN D'UN EMPIRE
Charlemagne fut enseveli le jour même de sa mort dans la basilique d'Aix. La
coutume depuis les temps mérovingiens, était de donner une sépulture aux rois, les
églises qu'ils avaient fondées. Le corps fut lavé, revêtu des ornements impériaux et
mis dans un sarcophage antique sur l'une de faces duquel était sculpté l'enlèvement
de Proserpine par Pluton, aidé de Minerve.
Le sarcophage fut descendu dans un caveau creusé sous le pavement de la
chapelle, les dalles furent ensuite replacées. Lorsque Louis d'Aquitaine arriva un
mois plus tard, il fit élever sur le tombeau de son père un monument composé
d'une arcade dorée avec l'effigie de Charlemagne et portant l'inscription:
SUB HOC CONDITORIO SITUM EST CORPUS
KAROLI MAGNI ATQUE ORTHODOXI IMPERATORIS
QUI REGNUM FRANCORUM NOBILITER AMPLIAVIT
ET PER ANNOS XLVII FELICITER REXIT
DECESSIT SEPTUAGENARIUS ANNO DOMINI DCCC°XIII°
INDICTIONE VII, KAL, FEB
(Sous ce tombeau repose le corps de Charles, grand et orthodoxe empereur qui
amplifia noblement le royaume des Francs et régna heureusement pendant
quarante-sept années. Il mourut septuagénaire, l'an du Seigneur 814 septième
indication, le 5 des calendes de février)
Louis d'Aquitaine, plus connu dans les manuels d'histoire sous le nom de Louis
le Pieux ou Louis le Débonnaire, était en effet très dévot mais n'était débonnaire
que par intermittence, passant de la faiblesse à l'excès de sévérité. On doit lui
reconnaître le mérite d'avoir tenté de poser les bases de la pérennité de l'Empire
en affirmant la primauté du principe unitaire sur les partages successoraux
maintenus.
Mais lui-même ne sut se tenir aux règles qu'il avait édictées, ses fils se
révoltèrent, lui firent la guerre, puis guerroyèrent entre eux; c'était déjà le retour
aux pires moments de l'époque mérovingienne...
Louis le Débonnaire avait épousé Ermengarde en 798. De cette union naquirent
au moins trois garçons: Lothaire, Pépin et Louis. Lorsqu'en 814, suite au décès de
Charlemagne, Ermengarde se trouva impératrice d'Occident, au lieu de seconder
Louis le Débonnaire en vue d'assurer la pérennité de l'Empire en maintenant les
principes établis par Charlemagne, elle s'efforça au contraire de reprendre des
anciennes coutumes des Francs pour le partage successoraux, dans le seul but
d'assurer la fortune de ses fils au détriment de l'intérêt de l'Etat.
Cependant, dès 814, l'Empereur Louis envoie Lothaire qui n'a que quatorze ans,
régner sur la Bavière. En vue d'agrandir le futur patrimoine de ses trois fils,
Ermengarde entreprend de récupérer tous les fiefs dont Charlemagne avait doté
ses enfants illégitimes qu'elle fit cloîtrer. Puis elle s'en prend à Bernard, roi d'Italie,
petit fils de Charlemagne et neveu de Louis, son époux, qu'elle fait déposer et
condamner. Louis, par amour pour elle, consent à lui crever les yeux, il meurt le
lendemain de son supplice. Ainsi Lothaire devient roi d'Italie. Ces événements se
passaient en 818. Ermengarde ne survit pas longtemps à ses forfaits, elle mourut
cette même année.
Pourtant, sur les instances d'Ermengarde, Louis avait, l'année précédente,
établi les clauses dans l'éventualité de sa succession.
En digne descendant de Charlemagne, Louis ne pouvait se complaire dans son
veuvage. En vue de découvrir la compagne de ses rêves il organisa à Aix un
concours de beauté en 819. Welf, comte de Bavière, y avait amené sa fille Judith
dont les charmes décidèrent du choix de l'empereur. Le mariage fut célébré, et
Louis commença une nouvelle vie. Un fils, Charles, naquit en 823.
Judith, à son tour songea à l'avenir de son enfant, et voulut pour lui un
royaume comme en possédaient les fils de la première impératrice: Lothaire, Pépin
et Louis. L'empereur se voit donc dans l'obligation de remanier son partage étable
en 817. Après longue réflexion, il se décide, en 829, à attribuer l'Alamanie à
Charles. Les princes qui n'admettent pas de modifications aux dispositions de l'an
817 se soulèvent contre leur père. Une assemblée à Compiègne envoie Judith au
cloître et dépose l'Empereur.
En 830, une nouvelle assemblée à Nimègue rétablit Louis le Débonnaire qui
bientôt dépose Pépin et donne son royaume d'Aquitaine à Charles.
Judith, purgée par serment du crime d'adultère avec Bernard de Septimanie,
reprend son pouvoir.
En 832,nouvelle coalition et en 833 à Rothfeld, Louis le Débonnaire est
abandonné de tous, obligé de faire pénitence à Saint-Michel de Soissons et Judith
reléguée à Tortone.
En 835, Louis le Débonnaire reprend le pouvoir et en 837 donne un nouveau
royaume à Charles.
A la mort de Pépin, sur les instance de Judith, un nouveau partage est élaboré
par le traité de Worms en 839.
En 840, l'empereur à nouveau en conflit avec son fils Louis le Germanique, se
préparait à lui livrer bataille lorsqu'il mourut dans une île du Rhin. Bien que
reconnu empereur au décès de son père, Lothaire se retrouva bientôt en conflit
avec ses frères, Louis le Germanique et Charles le Chauve, qui contestaient à
nouveau les modalités de la succession concernant les territoires revenant
respectivement à chacun. Ces deux derniers se coalisèrent pour attaquer Lothaire
qui, de son côté, avait fait appel à l'aide de son neveu Pépin II, roi d'Aquitaine.
Le premier choc entre les deux groupes belligérants eut lieu aux environs du 15
juin 841 à Jaulnes, près de Bray-sur-Seine, dans la vallée où la Via Agrippa franchit
la Seine sur un pont de bois. Cette voie romaine reliait Lyon à Boulogne-sur-Mer.
Jaulnes, d'origine gauloise avait été fortifiée par les Romains, et le croisement
avec l'ancien chemin longeant le fleuve, ainsi que le trafic par bateaux avait donné
une certaine importance à la cité. Pithou évoque de terribles combats aux fosses
de Jaulnes entre Lothaire et Charles le Chauve, précisant que ce fut une grande
défaite pour la noblesse de Champagne. Ayant rassemblé ses troupes, Lothaire se
dégagea en empruntant la voie romaine en direction du sud, peut-être pour tenter
de tendre un piège à ses ennemis, ou encore, dans le but de se replier sur
l'Aquitaine où des troupes fraîches pourraient assurer la victoire? Mais Louis le
Germanique et Charles le Chauve le rattrapèrent près de Fontenoy-en-Puisaye le 25
juin 841, et lui infligèrent une cuisante défaite.
Il s'en suivit une trêve qui aboutit au traité de Verdun le 10 août 843. Par ce
traité, Lothaire recevait la Lotharingie qui avec le temps se transforma en
Lothringen puis en Lorraine, ainsi que toute une bande de territoire jusqu'à la
Méditerranée. Il conservait le titre d'empereur, mais son fils Lothaire II ne sera que
roi de Lorraine.
Louis le Germanique prenait possession des territoires germaniques à l'Est de
l'Empire.
Charles le Chauve se vit attribuer le pays des Francs qui devint ainsi le
royaume de France
On peut rêver d'une Europe qui aurait traversé les siècles, unie, et à qui
eussent été épargnées les innombrables guerres intérieures qu'il subit jusqu'à nos
jours, écrit Jacques Delpierre de Bayac. L'Empire de Charlemagne ne survécut
même pas trente années à son fondateur, encore fut-ce par hasard, car de ses fils
légitimés, un seul restait en vie à la fin du règne.
CHAPITRE 4
NAISSANCE D'UN ROYAUME
Charles 1er, dit le chauve, devient donc le premier roi de France.
C'est à tort que l'on a pu l'accuser de faiblesse, car il ne fut pas sans énergie, mais
les moyens d'action n'étaient pas entre ses mains.
De toutes parts surgissaient dans le royaume des seigneuries grandes et petites,
innombrables, attestant des ambitions de possesseurs de domaines, guerroyant
entre eux, complotant contre l'autorité royale, entretenant un climat d'intrigues
permanentes.
Louis 1er avait épousé en premières noces Ermentrude, fille d'Eudes, comte
d'Orléans, qui lui donna quatre fils, dont l'aîné, Louis le Bègue, lui succèdera sur le
trône, et trois filles, dont Judith.
En ce temps-là, en Angleterre, Egbert est roi de Wessex et de Kent, il meurt en
839. On dit que pour monter sur le trône, son fils Ethelwolf rompit ses voeux
monastiques. En 855 il fit un pèlerinage à Rome, et à son retour, passant par la
France, rendit visite à Charles 1er, dont la fille Judith lui plut tant qu'il l"épousa.
Elle n'avait que treize ans.
A son retour en Angleterre, il eut la douleur de trouver Ethelbald, son fils né d'une
première union, en révolte contre lui. Ethelbeld força son père à lui céder une
partie du royaume. Ethelwolf mourut en 858 et Ethelbald régna sur le royaume
reconstitué, et prit pour femme Judith, veuve de son père. Ce ne fut que sur les
instances de l'évêque de Winchester qu'il consentit à la renvoyer. De retour en
France, elle épousa Baudouin comte de Flandre.
Charles le Chauve s'était rendu à Rome après du pape pour envisager les moyens de
lutter contre les sarrasins. A son retour il fut saisi d'une violente maladie et mourut
à Bros, au pied du Mont Cenis.
Son fils Louis le Bègue, lui succéda sur le trône. Né en 846, il avait trente et un ans
lorsqu'il accéda au pouvoir. Sans domaine, sans finances et sans armée, il fut réduit
à la plus complète impuissance. Il eut même à combattre une faction qui refusait
de la reconnaître et à la tête de laquelle était Bernard, marquis de Gothie; il put le
vaincre avec le concours de Boson, duc de Vienne, d'Hugues l'Abbé et de Bernard
comte d'Auvergne, qui garda pour lui la Gothie.
Le pape Jean VIII, au concile de Troyes en 878 lui proposa la couronne impériale,
mais Louis, atteint d'une maladie de langueur retourna à Compiègne où il mourut
en 879
De son mariage avec Ansgarde, soeur d'Eudes, comte de Bourgogne, il avait eu deux
fils: Louis et Carloman. De sa seconde épouse Adélaïde, naquit Charles son fils
posthume.
A la mort de son père, Louis III accèda au pouvoir avec Carloman; il prit la
Neustrie, Carloman le Burgondie et l'Aquitaine. Une alliance entre eux et Louis le
Germanique fut conclue contre les Normands, contre Boson roi de Provence, et
contre le fils de LothaireII, Hugues, qui réclamait la Lorraine. Louis III battit les
Normands à Saucourt-en-Vimeu en 881.
Lorsqu'il mourut, Carloman resta seul roi en 882. Lui-même décéda en 884. Charles
III, le Simple, n'avait alors que cinq ans, les Grands du royaume jugèrent qu'il était
trop jeune pour être choisi comme roi à une époque aussi troublée et appelèrent
au trône Charles le Gros, fils de Louis le Germanique, qu'ils remplacèrent 887 par
Eudes, comte de Paris. Mais, à mesure que grandissait le jeune Charles, le parti
carolingien se reformait sous la direction de Foulques, archevêque de reims. Celuici sacra roi, le fils de Louis II en 893. Pendant cinq ans, Charles III essaya
vainement de disputer le trône à son rival. Sur son lit de mort, en 898, Eudes
recommanda à ses vassaux de se soumettre au Carolingien, et celui-ci fut alors
reconnu de tous sans contestation.
Deux faits signalent son règne:
- Il fait la paix avec les Normands par le traité de Saint-Clair-sur-Epte en 911.
- Il fait l'acquisition du royaume de Lorraine, le dernier des Carolingiens allemands,
Louis l'Enfant, étant mort sans postérité en 911.
Les Lorrains se donnèrent à Charles qui garda la région tant qu'il régna. Cependant
un vif mécontentement se fait jour parmi les Grands à partir de 920. Leur chef est
le duc Robert, frère du roi défunt, Eudes. Ses partisans le font couronner à Reims
en 922. Charles attaque les rebelles, près de Soissons en 923, Robert Ier est tué
dans l'action mais Charles, vaincu, doit prendre la fuite pendant que ses sujets
élèvent pour roi, le beau-frère de Robert, Raoul, duc de Bourgogne.
Peu après, l'infortuné carolingien, attiré à Château-Thierry dans un guet-apens par
le comte Herbert de Vermandois, fut traîtreusement retenu prisonnier et enfermé
dans la tour Peronne où il mourut. Sa femme Odgive, se réfugie en Angleterre avec
son jeune fils, Louis, ce qui vaudra à ce dernier le surnom ;d'Outre-Mer. Louis IV
d'Outremer, né en 921 n'avait que trois ans lors de ces évènements. Il fut rappelé
en France à la mort de Raoul en 936, par le duc Hugues le Grand qui n'avait pas
voulu prendre pour lui la couronne.
Louis IV résista à la coalision d'Hugues, d'Herbert de Vermandois, et de Guillaume
de Normandie, auxquels il enleva le concours d'Othon Ier, roi de Germanie, en
épousant Gerberge, soeur de l'Empereur et en renonçant à la Lorraine.
Il tenta vainement, à la mort de Guillaume de s'emparer de la Normandie.
Prisonnier, il ne fur relâcher par les Normands que pour tomber dans les mains
d'Hugues le Grand et après un an de captivité il dut céder au duc de France, Laon,
sa dernière place forte en 946.
Il tente de se venger en s'alliant à Othon Ier et à Conrad, roi de Provence. Les trois
rois envahirent la France et s'emparèrent de reims. Le pape intervient, un concile
tenu à Ingelheim excommunia Hugues en 948, mais ce ne fut pourtant qu'en 950
que ce dernier rendit Laon à Louis IV.
Louis IV fit reconnaître son autorité en Bourgogne, en 951, mais il ne put arrêter
deux invasions Hongroises. Il mourut des suites d'une chute de cheval en 954.
Son fils, Lothaire le remplaça sur le trône, né en 941, il n'avait que treize ans.
Grâce à l'activité et à l'énergie de sa mère Gerberge qui invoqua l'appui des ses
frères Othon Ier et Brunon, archevêque de Cologne, Lothaire put, à la mort de son
père, être sacré à Reims.
Lothaire dut, à vrai dire, accorder à Hugues la souveraineté sur la Bourgogne et
l'Aquitaine, et l'accompagner au siège de Poitiers. Après la mort de Hugues, en 956,
il y eut un accord complet entre les Robertiens et les Carolingiens, par suite de la
présence des deux soeurs Gerberge et Halthuide à la tête du royaume et du duché
de France. Ce fut alors l'archevêque de Cologne qui, pendant neuf ans, gouverna la
France. Lothaire provoqua par ses vues sur la Lorraine, une invasion en France
d'Othon II qu'il ne repoussa qu'avec l'aide de Hugues Capet, en 978. Probablement
en vue d'une diversion dans les opérations de guerre, Othon semble avoir envoyé
des troupes en direction de Paris. Ces troupes sous le commandement de Boson,
firent des ravages sur leur passage et notamment dans la région de Bray-sur-Seine
dont la tradition conserve le souvenir de l'incendie de l'église ou du monastère de
Saint Sauveur, mais peut-être des deux. Ils furent délogés que grâce à des renforts
venus de Sens.
Mais la traité de Margut, conclu avec l'Empereur, enleva tout prestige à Lothaire.
Son impuissance à maintenir son fils Louis en Aquitaine diminua encore son
autorité. Il réussit cependant à s'emparer de la Haute-Lorraine et commençait la
conquête de la Basse-Lorraine lorsqu'il mourut, laissant la couronne à son fils Louis
V.
Louis V était né en 967, il avait donc vingt ans à son avénement. Conseillé sans
doute par son oncle Charles de France il se dégagea de l'influence de sa mère, et
pour châtier l'archevêque de Reims, Adalbéron, qu'il considérait comme un traître,
se plaça sous l'ascendant de Hugues Capet. Adalbéron, assiégé dans Reims, du
promettre de se justifier. Mais en 987 Louis mourut sans postérité d'un accident de
chasse.
Le royaume de France se trouvait soudain en déshérence. Hugues Capet, déjà au
courant des affaires et possesseur de nombreux fiefs, posa sa candidature et les
Grands réunis en assemblée le proclamèrent roi de France. Sacré à Reims, pour
assurer l'hérédité du trône, il fit couronner son fils quelques fois après sa propre
élection.
Une nouvelle dynastie allait régner sur la France.
Il convient maintenant de préciser que Hugues Capet était un Franc Salien et que
l'application de la Loi salique au niveau de l'Etat alait changer les vieilles coutumes
concernant les successions.
Le royaume devenait indivisible, et seul, le fils aîné pouvait en hériter au décès du
roi. Dans le cas où le fils aîné précède son père dans la tombe, c'est toujours son
frère le plus âgé qui devient roi.
Enfin, dans le cas où il n'y aurait plus d'ayant droit en ligne directe, le même
principe devient applicable aux branches collatérales avec priorité pour le branche
aînée.
Ainsi, l"application de la loi salique devait assurer le pérennité et la stabililité de
l'Etat et de la dynastie.
Enfin, il faut aussi remarquer la primauté masculine.
CHAPITRE 5
FORMATION DU COMTE DE CHAMPAGNE
Au temps de l'Empire romain, pour administrer un territoire aussi vaste, on
l'avait divisé en région dénommées diocèses, à le tête de chacun desquels était un
magistrat, romain ou grec, appelé évêque qui était chargé de l'inspection et du
contrôle dans la province qui lui était attribuée. En 923 D'autre part, divers
officiers attachés au service de l'Empereur, ou des chefs militaires commandant
une province, avaient le titre de comte. Il convient ici de rappeler qu'en général,
les peuples conquis demeuraient sur leur territoire qui devenait un diocèse de
l'Empire.
C'est ainsi que la région qui nous intéresse plus particulièrement, étant en pays
Sénon, resta incluse dans le diocèse de Sens, et que le pays voisin à l'Est, en pays
tricasse, fut maintenu dans le diocèse de Troyes.
Après la dislocation de l'Empire romain les divisions administratives restèrent
en place, et le Christianisme s'étant implanté, les chefs religieux, par analogie,
prirent le titre d'évêque et conservèrent le terme de diocèse à leur territoire.
Cependant, sur le plan de l'administration civile, les seigneurs s'arrogèrent des
prérogatives qui n'eurent pas toujours l'assentiment des souverains, et durant plus
de deux siècles l'esprit de propriété supplanta le sens de l'Etat. Il fallut attendre le
règne de Charlemagne pour voir apparaître les premiers comtes bénéficiaires. A ce
moment, il arriva que plusieurs diocèses soient réunis pour former une région
administrative.
Le comté est, à l'origine, la terre de juridiction d'un comte. Ainsi, de l'union
des pays des Tricasses, des Rémi, des Cataluni, fut formé le comté de Champagne
dont le premier comte fut Aldraume. Après lui, en 854, Eudes de France, fils de
Robert le Fort, fut le premier des comtes héréditaires.
En 923 commence la lignée des comtes de Champagne avec Herbert de
Vermandois qui avait acquis la Champagne par son mariage avec Adèle, petite-fille
de Robert Ie Fort, et nièce de Eudes de France. Il mourut en 943. Il était
descendant direct de Charlemagne, par la branche de Pépin roi d'Italie, et il eut au
moins huit enfants dont Liegeard, épouse de Thibault le Tricheur, lui-même
descendant direct de Charlemagne, par la branche de Charles le Chauve. Thibault
le Tricheur fut comte de Blois, de Chartres, de Tours, de Beauvais, et de Meaux.
Il prit part à toutes les grandes affaires de son temps, seconda le duc de
France, Hugues le Grand et les seigneurs de la maison de Vermandois, dans tout ce
qu'ils firent contre Louis IV d'Outre-Mer, fut lui-même geôlier du roi, et mérita par
une foule de perfidies le surnom que lui donnèrent ses contemporains.
CHAPITRE 6
CREATION DE LA BARONNIE DE BRAY
En cinquante ans, après la mort de Charlemagne, l'Empire est devenu un panier
de crabes. L'orgueil et la cupidité ont fait des seigneurs de véritables brigands.
Pour eux, même la vie n'a pas de valeur, seule la puissance compte, et sur le plan
religieux on ne garde des principes que ceux qui ne gênent pas.
Les évêques et les moines restent les garants d'une époque révolue et l'espoir
d'un avenir réhumanisé.
Le fin du IXème siècle voit ces luttes fratricides, car tous, ou presque, sont
descendants directs, plus ou moins légitime du grand empereur, dans un climat de
crimes, de complots, de rebellions, de fourberies incessantes.
Parvenus à ce point de l'Histoire, il nous faut faire un retour en arrière pour
saisir le déroulement des événements.
Revenons au début du règne de Charles III. Nous avons vu que, fils posthume de
Louis II et d'Adélaïde, il n'avait que cinq ans lorsqu'il hérita du trône de France en
884.
Le régence fut d'abord assurée par Charles le Gros, fils de Louis le Germanique
jusqu'en 887, puis par Eudes comte de Paris qui se fit couronner roi à Compiègne.
Mais Foulques, archevêque de Reims, soutenant les revendications carolingiennes
des seigneurs du nord contestait la souveraineté d'Eudes, et en 893, il sacrait
Charles III roi de France, qui ne prit pleinement ses pouvoirs qu'en 898 au décès
d'Eudes. Il a alors dix-neuf ans et Adélaïde, sa mère songe à le marier.
Nous n'avons pas pu déceler l'origine d'Adélaïde, mais son mariage peut déjà
témoigner d'une haute naissance. Elle apparaît comme une personne sage, et
l'ambiance de la cour et de l'époque l'aurait peut-être inclinée à rechercher pour
son fils une épouse étrangère aux perturbations de son entourage. N'oublions pas
qu'en Allemagne comme en France régnaient des descendants de Charlemagne.
Pourquoi ne pas chercher ailleurs? En Angleterre, par exemple. Eh oui! pourquoi
pas en Angleterre. Nous avons vu dans un chapitre précédent qu'un prince anglais
était venu chercher une princesses française. Pourquoi ne pas rendre la politesse
ou perpétuer la tradition?
Au début du Xème siècle Edouard Ier, dit l'Ancien, est roi d'Angleterre. Suivant
divers historiens, Edouard Ier accéda au trône en 899 ou en 901, et régna jusqu'à sa
mort en 925. Il eut trois fils qui tous règneront:
- Athelstan: roi de 925 à 940
- Edmond: roi de 940 à 946
- Edred: roi de 946 à 955
Il a également au moins trois filles: Edith, qui aurait épousé Othon le Grand,
empereur d'Allemagne
Odgive, qui épousa le roi de France Charles III
Enfin une troisième dont l'histoire a oublié le nom, qui épousa Alveric.
Ces deux derniers personnages nous sont révélés par un document rédigé en
958 au palais royal de Laon, alors capitale de la France.
Si le nom de l'épouse n'est pas mentionné, il y a fort heureusement celui
d'Alveric qui devient l'un des plus intéressants, sinon le plus mystérieux personnage
de notre histoire.
Qui était Alveric ? Etait-il lui aussi un des descendants de Charlemagne et par
conséquent un cousin de Charles III ? Le mot ducis, genetif de dux, peut se traduire
par conducteur, guide, chef, général d'armée; il peut avoir parfois le sens du prince
ou souverain. On peut supposer qu'Alveric pouvait être le chef des armées de
Charles III; quand au titre de prince, peut-être aussi, s'il était effectivement
descendant de Charlemagne. A son sujet on ne peut faire que des suppositions... le
mystère demeure.
Alveric par ce mariage se trouvait être le gendre du roi d'Angleterre et le beaufrère des trois futurs rois d'Angleterre et du roi de France Charles III. On lui connaît
deux fils.
Théobald, qui épousa la fille de Bernard, comte de Senlis, qui était bel et bien
un authentique descendant de Charlemagne par Pépin roi d'Italie. Ce mariage lui
permit d'ailleurs de devenir lui-même comte de Senlis.
Burkhard (Bouchard), qui épousa Hildegarde, fille de Thibaut, comte de
Chartres et de Blois.
Nous allons maintenant suivre Bouchard de plus près car il va devenir l'un des
plus importants personnages de cette époque.
Toujours par le même document déjà cité, nous savons que le roi Edred était
son oncle maternel. De ce fait nous avons pu établir une généalogie unissant la
famille royale d'Angleterre à la famille royale de France.
Ainsi, Bouchard était petit-fils du roi Edouard l'Ancien; neveu des futurs rois
d'Angleterre Athelstan, Edmond et Edred, et du roi de France Charles III; en outre,
cousin germain du roi de France Louis IV, et cousin du roi de France Lothaire.
Enfin, toujours par ce même document, nous savons que Bouchard est
militaire, mais sans précision de grade, et nous constatons aussi qu'il était animé
de profonds sentiments religieux.
Il semble bien qu'il ait entretenu des relations assez étroites avec sa famille
d'outre-Manche, et qu'il servait le roi de France, Louis IV avec dévouement? C'est
vraisemblablement en récompense de ses services qu'il devint seigneur de
Montlhéry, et enfin, sans doute en raison d'une mutuelle amitié, que Louis IV créa
pour lui la Baronnie de Bray.
Au temps des Romains, la région de Bray, territoire Sénon, fut incorporée au
diocèse de Sens. Par la suite, bien que le territoire ecclésiastique ne fut jamais
modifié en tant que tel, il arriva que des seigneurs, ou même des rois,
s'approprient certaines parties. C'est ainsi que le nord du diocèse fut rattaché à des
royaumes plus ou moins éphémères comme la Neustrie, la Bourgogne, Le Royaume
de Paris; sans doute aussi au Royaume d'Orléans, à l'Austrasie, etc... jusqu'à
l'unification de l'Empire de Charlemagne.
Au moment de la dislocation de l'Empire d'Occident, nous avons évoqué la
bataille qui eut lieu à Jaulnes entre frères ennemis, où la noblesse de Champagne
subit tant de pertes, qu'il fut décidé que "même épouse de roturier, la femme
noble pouvait par la vertu de son ventre, avoir descendance qui se forlignait pas
en transmettant son propre nom à ses fils...".
Les combats , dit-on, furent tellement acharnés et terribles, que certains
auteurs ont pu prétendre que la terre était comme une boue rougie de sang. En
plus de ces pertes humaines, il y eut très probablement de grands dégâts dans
l'agglomération, car c'est à partir de ce moment que la population commença à
affluer sur le village voisin; Braïacum. Ce nom serait du au fait qu'il était entouré
de marécages.
Après ces combats fratricides évoqués, et l'application des clauses du traité de
Verdun, toute cette région fut incorporée à la France.
Nous avons vu précédemment que Louis IV ne fut appelé à régner qu'en 936; il
n'avait que quinze ans, et Bouchard lui fut certainement d'un grand secours. C'est
probablement vers 946 que Bouchard rapporta d'Angleterre le corps de SaintPavace, avec quelques moines bénédictins de Persora, don de son oncle le roi
Edred, dans l'intention de fonder un monastère sur cette terre de campagne
dénommée Bray villam quae dicitur Brayacus. Ceci semble prouver que la terre de
Bray appartenait déjà à Bouchard.
En ce même temps, Louis IV ne songeait-il pas à Paris? de son palais au sommet
de Laon, sa capitale, il voyait le vaste bassin de la Seine, et il devinait en son
centre la vraie capitale de la France. Mais avant de quitter Laon, il lui fallait
garantir Paris. Est-ce à cette fin que Bouchard détient déjà Montmorency, puis
Montlhéry, et vers 940 la terre de Bray?. On y ajoutera Chevreuse, Crécy, Ecouen;
et son frère ne détient-il pas Senlis? Autant de forts ceinturant la capitale pour
couper la route à l'envahisseur éventuel.
Mais est-ce aussi pour honorer la haute valeur militaire de Bouchard que Louis
IV crée cette baronnie de Bray, l'une des plus importantes d'Europe, comportant
plus de quatre-vingts fiefs, un véritable petit Etat
Vraiment, Bouchard ne pouvait pas dire que le roi n'était pas son cousin. Qu'on
en juge par l'étendue de ce territoire dont la frontière au sud, est à dix kilomètres
seulement de Sens; dont l'axe nord-sud à trente-quatre kilomètres à la frontière de
la Brie, et également trente-quatre kilomètres du confluent de la Seine et de
l'Yonne, à la frontière du comté de Champagne. Si l'on tient compte de tous ses
fiefs on constate que Bouchard est devenu un grand seigneur, sans pouvoir obtenir
le titre de comte ou de duc.
Sans doute, une chartre de Louis IV avait dû être établie en justification des
ses possessions, mais nous n'en avons point trouver trace; Bouchard non plus
semble-t-il. Mais tant que Louis IV était roi il n'y avait pas de problème. Mais Louis
IV meurt en 954 et son fils Lothaire lui succéde sur le trône de France.
Dans un premier temps, tout en demeurant fidèle et dévoué au nouveau roi,
Bouchard observait Lothaire avec quelque méfiance, aussi en 958, il se décida à
faire confirmer ses possessions, ce qui fut fait par cette chartre du dix décembre
958, rédigée au palais royal de Laon.
Cette chartre évoque pratiquement tout ce que nous avons exposé, et
notamment la fondation du monastère de Saint-Sauveur, et associe l'assentiment
d'Hilderamus, archevêque de Sens à celui du roi. Ce détail, très important, nous
rappelle une chartre de 815, attribuée à Charlemagne ou à Louis le débonnaire,
concernant la principauté d'Andorre placée sous la double suzeraineté du roi de
France et de l'évêque de Séo de Urgel. Il en sera de même, nous le verrons, du roi
de France et de l'archevêque de Sens.
LA CHARTE DE LOTHAIRE
Peu d'historiens se sont penchés sur l'histoire de Bray-sur-Seine, et la plus part se
sont fourvoyés en conjectures sans fondements. Certains vont même jusqu'à
déclarer Bouchard d'origine obscure, voire incertaine. Même le cardinal
Baudrillard, qui semble avoir eu entre les mains une copie de la charte de Lothaire
y perd son latin, lorsqu'il écrit au sujet du frère de Bouchard:"...sur le conseil de
Thibaud, seigneur de Centulliis( Chantilly?), son frère...".
Pourquoi propose-t-il Chantilly?
Centuliis se traduit par Cent lis. On pense déjà aux lys de la Maison de France, en
désignant la cité de Senlis, par transcription phonétique.
Or, cette fameuse charte nous est parvenue grâce à l'obligeance de notre ami
Jacques Bontillot, archéologue, et archiviste de la ville de Montereau qui, par un
heureux hasard en découvrit une copie dont il nous transmit un duplicata.
Lothtrius, dei gratia Francorum rex.
Notum fieri vilumus fidelibus nostris quod Burchardus miles filius Alverici ducis.....
A l'intention des lecteurs peu familiarisés avec la langue latine en usage à l'époque,
nous vous donnons la traduction ci-après.
Lothaire, par la grâce de Dieu, roi des Francs.
Nous voulons que soit connu à nos loyaux sujets que le soldat Bouchard, fils du Chef
Alveric, est venu trouver notre sérénité, nous priant, qu'un certain monastère que
lui-même avait établi, en accord avec Hildegarde son épouse, et d'après l'avis de
Théobald, Seigneur de Senlis, son frère, sur le fleuve Seine, près de Bray, en
l'honneur de notre souverain Sauveur pour y placer, y conserver, et honorer les
corps des saints Paterne Martyr et Pavace, confesseur, lequel dernier corps il
apporta d'Angleterre avec quelques religieux que son oncle maternel, le roi
Aedredus lui avait donné du monastère de Persora pour qu'ils s'établissent et
servent Dieu dans le dit monastère, sous la profession de la règle de Saint Benoit,
nous aussi, nous accordions qu'il soit à jamais ferme et stable et que nous fortifions
par la force de notre majesté toutes les choses qui étaient prodiguées à ce même
lieu provenant de ses biens sans délai.
Site de la Famille Bouchard
En étant favorable à sa demande, nous ordonnons que le susdit monastère soit
stable à l'avenir en confirmant tout ce que nous avons accordé, maître
Hilderamnus, archevêque de sens, demandant pour lui-même que ce lieu désormais
soit sans entrave et en paix.
Tout ce qui de plus a été donné à ce même lieu par le dit Bouchard, à savoir, le
bourg qui est appelé Bray, et les deux moulins près du bourg qui est appelé
Montmorency, et les serviteurs et les servantes, et tout le reste, que les moines les
possèdent en paix sans délai.
Moi, Guy, chancelier en lieu d'Artoldus, archichancelier royal, j'ai contre-signé,
donné au palais de Laon, près du monastère de Saint-Jean, le dix décembre, l'an
cinq du règne de Lothaire, roi très illustre.( La date correspond à l'année 958).
Ce texte d'origine est parfaitement clair, et permet d'établir une généalogie qui
met en évidence les liens familiaux de Bouchard de Montmorency, avec les Maisons
d'Angleterre et de France.
Nos Bouchard n'est pas ce vague chevalier évoqué par Merlet dans son étude sur les
comtés de Champagne.
En outre, cette charte paraît aussi confirmer un document antérieur concernant la
souveraineté de Bouchard sur la baronnie de Bray.
PREMIERE DYNASTIE
C'est probablement vers l'an 940 que Bouchard Ier fut gratifié de la baronnie de
Bray et de Montlhéry. Toutefois, si nous prenions la liberté de qualifier la baronnie
de Bray de seigneurie royale, c'est moins pour son appartenance à la couronne
royale, qu'en raison de la personnalité de son premier baron: Bouchard de
Montmorency, descendant direct du roi d'Angleterre, Edouard Ier, mais aussi par le
fait qu'il se trouve être le cousin germain du roi de France Louis IV. Comme son
père, c'est un militaire accompli, courageux et tacticien. Il doit probablement à sa
mère une éducation religieuse excellente.
Edouard Ier, roi d'Angleterre
Lorsqu'il prend possession de son domaine, il le parcourt, observe, et constate
sans doute un peu étonné que Braium ne paraît pas présenter grand intérêt au
cœur de cette vallée marécageuse et peu peuplée. Toutefois, il considère que le
lieu est relativement bien situé, pratiquement au centre de la baronnie. sans doute
que Janua (Jaulnes) sur la Via Agrippa aurait été préférable, mais sa quasidestruction au siècle précédent durant les terribles combats des fils de Louis le
débonnaire, ne semble pas permettre une restauration rapide. Il s'en tiendra donc
à Braium, déjà habité par les Celtes depuis des siècles.
Il repère une éminence naturelle où il va construire son château. Il semble qu'il
n'ait pas tardé à commencer les travaux.
De même, à Montlhéry, il remarque une butte, peut-être antérieurement
réalisée un ne sait à quelles fins, et là aussi, envisage la construction d'un
"château".
Le mot château qui a traversé l'histoire, est d'abord une tour. Il y a en effet un
symbolisme de la tour qui remonte à la nuit des temps.
La tour est un signe de puissance, de force, de propriété, d'honneur, un signe
qui se perpétue à travers les âges.
La plus ancienne tour réalisée, est la fameuse tour de Babel construite peu de
temps après le déluge par les descendants de Noé.
Plus tard, en Mésopotamie, les Sumériens construisirent des "Ziggourats" tours
à étages, un des éléments du complexe sacré.
Cette tradition se poursuivit en Asie mineur.
Saint Matthieu, l'évangéliste, nous rapporte les paroles de Jésus, dans le texte
d'une parabole (21-33): "il y avait un homme, maître de maison, qui planta une
vigne. Il l'entoura d'une haie, y creusa un pressoir, et bâtit une tour ..."
Ce passage de l'écriture démontre bien que la tour est un signe de possession
et peut-être de richesse.
Au Moyen-âge, le "donjon" était la tour maîtresse du château fort et, à
l'origine, la demeure du seigneur.
Après l'instauration des communes, les cités d'une certaine importance
construisirent des "beffrois" pour marquer leur puissance.
Dans les villes d'Aquitaine, les citoyens parvenus à un rôle d'élite, ajoutaient
jusqu'à une époque récente, une tourelle à leur hôtel comme signe d'honorabilité.
Actuellement, on ne construit plus de tour, mais les élus municipaux, plantent
un mât devant leur maison dans les campagnes d'Aquitaine.
Et n'oublions pas nos tours de clochers qui se perpétuent sans doute sans que
l'on y prête attention, ce symbole qui a survécu à des milliers de générations.
On ne connaît pas précisément la date du début de la construction de la tour
de Bray, de même, il n'est pas aisé d'évaluer la durée des travaux. A cette époque,
construire était une affaire de longue haleine. La travail des carriers, la taille des
pierres, leur transports, et enfin l'assemblage sur place, nécessitait beaucoup de
main d'œuvre, et sans doute de finances. On estime que la tour de Montlhéry aurait
été terminée vers l'an 1015 par Thibaut File-Etoupe, fils de Bouchard. Il se peut
que celle de Bray ait pu être terminée plus tôt, mais il n'est pas certain que
Bouchard, décédé en 985, ait pu la voir.
C'est que Bouchard, dans le même temps, avait deux autres chantiers
importants: la construction de l'église de Bray, à proximité de la tour et la
construction d'un monastère à environ deux kilomètres en aval de Bray, dans un
lieu boisé arrosé de plusieurs bras de la Voulzie.
C'est là qu'il voulait que soient déposés le corps de Saint Pavace que lui avait
donné son oncle Edred, roi d'Angleterre, et le corps de Saint Paterne qu'il avait
recueilli au bord de la Via Agrippa, près de Sergines.
Cependant les qualités militaires de Bouchard pouvaient le faire appeler auprès
du roi. C'est ainsi qu'en 978, le roi Lothaire envisagea de récupérer la Lorraine, ce
qui provoqua l'intervention de l'empereur germanique Othon II. Sans doute, pour
faire diversion, ou pour éloigner Bouchard de la zone de combat, Othon envoya une
troupe commandée par Boson en direction de l'Ile de France.
Certains auteurs prétendent que Paris était visé. Cependant, suivant la vallée
de la Seine, Boson pénétra dans la baronnie de Bray qui ne disposait que peu de
moyens de défense, mettant le pays à sang et à sac. Un messager partit à Sens
chercher du secours auprès du comte Renaud qui s'empressa de venir à la tête de
ses troupes. Mais tout comte qu'il était, Renaud n'était pas un personnage
recommandable, et ses nombreuses exactions lui faisaient de nombreux ennemis.
Toujours est-il que ce jour-là, il délivra Bray des troupes germaniques . Pourtant
les chroniqueurs de l'époque ne sont pas tous d'accord dans leur relations des faits.
Certains prétendent que l'église de Bray fut incendiée par un brigand nommé
Boson, d'autres laissent entendre que Boson aurait été fait prisonnier par Renaud
qui aurait ensuite pillé la cité et brûlé l'église.
A la suite de ces événements il faut reconstruire l'église. Initialement bâtie sur
un plan carré avec nef centrale limitée par deux rangée de six colonnes, séparant
des collatéraux. Il semble que dans un premier temps on ait construit à l'identique,
et qu'un peu plus tard on réalisa le chœur avec déambulatoire.
En ce qui concerne la "château" ou grosse Tour, il semble qu'il ait été aménagé
pour être habitable, au moins temporairement.
Enfin, pour éviter le retour de désastres occasionnés par d'éventuelles
manifestations guerrières, on décida de ceindre la ville de remparts.
Bouchard Ier étant mort en 985, c'est à l'initiative de son fils Thibaut dit FileEtoupe que l'on doit la plupart de ces aménagements, mais il serait sans doute
téméraire de prétendre qu'il les ait achevés, car il est mort à son tour en 1031.
Si Thibaut File-Etoupe peut-être considéré comme le digne successeur de son
père, sa descendance fut souvent marquée par une hérédité venue de Thibaut le
Tricheur, par Hildegarde épouse de Bouchard.
On y remarque parfois des sujets de haute valeur, mais hélas aussi des
individus cupides, jaloux, voire même assassins.
Milon Ier succéda à Thibaut, sur Bray et Montlhéry; il est cité dans des
documents datés de 1031, 1034, 1057. Son fils, Guy Ier le Grand, est cité en 1043,
probablement décédé en 1073. Il avait épousé Hodierne de la Ferté et Gometz, en
1057. A ce moment, on constate que le domaine de Montlhéry s'est augmenté de
Chevreuse, Châteaufort, La Ferté, Gometz. leur fils, Milon II dit le Grand, fut
seigneur de Bray, Montlhéry, et Chevreuse. Il épousa Lithuise de Troyes.
Louis IV, roi de France
Le 27 novembre 1095 le pape Urbain II prêche la première croisade à Clermont
à l'occasion du concile. Une grande partie de l'Europe se prépare à libérer
Jérusalem dont se sont emparés les arabes.
Il s'en suite une ambiance générale, une activité, qui fait diversion aux craintes
des frayeurs de l'an 1000.
Milon, baron de Bray, qui tient de son grand-père le fougue du guerrier et une
profonde foi chrétienne, se prépare à cette expédition.
Son voisin Geoffroi de Sergines l'accompagne, ainsi que diverses seigneurs du
diocèse de Sens.
En 1096 l'Europe s'ébranle en direction du Bosphore. De nombreux chroniqueurs
et historiens ont longuement traité du sujet et nous ne nous y étendrons pas. Après
de terribles batailles contre Turcs et Arabes, les rescapés de l'aventure
abandonnent mais ne s'avouent pas vaincus. En 1101, Milon retourne en Palestine,
participe à la bataille de Rama en 1102. A Ascalon il est fait prisonnier, et l'on
n'entendit plus parler de lui.
A partir de ce moment, Guy II, dit Troussel, lui succède.
En ce temps-là apparaît un curieux personnage: Guy le Rouge. Il paraît être le
fils d'un certain Hugues, fils de Thibaut File-Etoupe, cité en 1043, 1063, 1068,
1107. Marié en première noce à Adélaïde de Rochefort, après avoir reçu de son
père les fiefs de Gournay et le tiers de Châteaufort. Au décès de son beau-père il
devient comte de Rochefort. Il eut d'abord deux enfants: Guy III de Rochefort et
Agnès, mariée à Anseau de Garlande.
Devenu veuf, il épouse en seconde noces Elisabeth de Montdidier, comtesse de
Crécy, veuve en première noces de Bouchard II, comte de Corbeil, dont il eut un
enfant: Hugues de Crécy, seigneur de Châteaufort vers 1086, puis seigneur de
Montlhéry.
Selon certaines sources, Guy le Rouge, aurait été marié en troisième noces à
Lucienne de Montfort vers 1109.
Guy II dit Troussel, marié à Mabille, succéda à son père en 1102 sur Montlhéry,
Chevreuse et Châteaufort, jusqu'à 1104, ensuite sans doute aussi à Bray. Il eut deux
enfants: Elisabeth de Monthlèry, mariée à Philippe de Mantes, fils naturel du roi
Philippe Ier et de Bertrade de Montfort, et Milon, dit le Jeune, vicomte de Troyes
et Baron de Bray.
Elisabeth avait reçu en dot de son père, le terre de Monthlèry, mais pour une
raison et par des moyens que nous ignorons, Milon le Jeune s'était déclaré titulaire
du fief de Monthlèry. Or, il se trouve que Hugues de Crécy avait des vues sur ce
fief. Selon les chroniqueurs, Hugues se garda bien de faire sentir à Milon qu'il lui
avait voué une haine à mort. Ayant surpris Milon au château de Rochefort, il le fit
prisonnier, le chargea de chaînes et l'emmena de château en château jusqu'au
château de Gometz où il l'enferma en haut d'une tour. Enfin, il l'étrangla, dit-on de
ses propres mains, et le jeta par la fenêtre pour faire croire à un suicide.
Ainsi, Hugues put prendre possession de Monthlèry qui devient alors le repaire
de brigands où venait se réfugier tous les seigneurs en rébellion contre le pouvoir
royal. Cet assassinat eut lieu en 1118, et le chroniqueur ajoute:"sous Philippe Ier,
le château de Monthlèry, repaire du brigand Hugues de Crécy, fit blanchir
prématurément les cheveux du roi". Plus tard, acquise à la couronne, la forteresse
fut rasée par le jeune, qui n'avait pas de postérité, mettait fin à la première
dynastie des barons de Bray.
Milon étant vicomte de Troyes, Thibaut II, comte de Champagne, profita de la
circonstance, et peut-être aussi en raison d'une certaine parenté, pour prendre
possession de la baronnie de Bray.
DEUXIEME DYNASTIE
Après la dynastie fondée par Bouchard, si étroitement liée à la couronne
d'Angleterre et à la couronne de France, on pourrait penser qu'avec Thibaut II, la
baronnie de Bray perdrait son éclat, voire sa gloire.
Heureusement, il n'en sera rien. Le sang de Charlemagne, le grand ancêtre, par
Thibaut le Tricheur, coule toujours dans les veines du baron de Bray, comte de
Champagne.
Mais il n'y a pas que le sang qui compte, et l'esprit du tricheur demeure
également. Nombreuses sont les rebellions contre le roi de France, fomentés par le
nouveau baron de Bray.
Sans doute dans le but de mettre fin aux révoltes de ses vassaux, Louis VII
devenu roi en 1137, tente une politique diplomatique avec eux, par le truchement
de mariages.
Lui-même épouse en troisièmes noces, Alix, fille de Thibaut de Champagne, et
donne en mariage deux de ses filles à deux frères de son épouse.
La France connaît alors une période de constructions d'églises, de cathédrales
et d'abbayes. En 1023 on commençait du Mont-Saint-Michel, en 1063 Notre-Dame
de Paris, en 1153 la cathédrale de Sens, en 1220 celle d'Amiens.
Thibaut II meurt en 1152, son fils Henry Ier devient baron de Bray. Il termine la
restauration de l'église de Bray dont la consécration est célébrée le 31 août 1169
par Guillaume de Champagne, archevêque de Sens. Puis en 1174, le baron Henry Ier
fonde le chapitre et l'église de Bray devient la Collégiale Notre-Dame.
Pour l'Europe, c'est un nouveau temps des croisades.
En 1146, à Vezelay, Saint Bernard prêche la deuxième croisade.
Henri Ier, baron de Bray, part en 1147 avec le roi Louis VII et Conrad de
Hohenstaufen.
La troisième croisade a lieu de 1189 à1192; elle est dirigée par le roi PhilippeAuguste assisté du baron de Bray, Henri II, fils de Henri Ier, qui sera désigné roi de
Chypre, puis roi de Jérusalem, du consentement des seigneurs croisés.
Le baron de Bray Henri II, était également comte de Champagne et duc de
Bourgogne. C'est très probablement lui qui fit construire le palais des ducs de
Bourgogne dans la grande rue de Bray. Il est sans doute à l'origine de l'Hôtel-DieuSaint-Antoine établi à proximité du palais, comme c'était la coutume à l'époque.
Avec Henri II, couvert de gloire et d'honneurs, la dynastie régnante à Bray
redevient vraiment une seigneurie royale. En outre, n'était-il pas le neveu du roi
Louis VII, et le cousin germain du roi Philippe II Auguste? Et lui-même roi de Chypre
et de Jérusalem.
Mais Henri meurt en 1197, et son fils Thibaut III lui succède sur la baronnie de
Bray et le comté de Champagne. Il épouse Blanche de Navarre, sœur du roi Sanche
VII.
Au cours de cette époque l'Europe est de nouveau agitée pas les croisades. La
troisième, avec Philippe-Auguste (1189-1192).
La quatrième (1202-1204), la cinquième (1217-1221) et la sixième (1228-1229)
sans la participation directe de la France.
Cette absence est due en partie aux conflits quasi-permanents avec
l'Angleterre, consécutifs au divorce en 1152 de Louis VII d'avec Aliènor d'Aquitaine,
laquelle s'était remarié avec Henri Plantagenet duc de Normandie et roi
d'Angleterre.
Lorsque les petits Français apprennent l'Histoire de France, on leur dit que la
guerre de Cents ans a commencé en 1337 et s'est terminé en 1453, mais en réalité
les combats ont duré trois siècles.
Mais n'anticipons pas et voyons d'abord ce qui se passe à la cour de PhilippeAuguste.
Entre les combats, la diplomatie occupe les esprits, tant pour Jean-sans-Terre,
roi d'Angleterre, que pour Philippe-Auguste.
Le roi de France estime qu'un mariage serait susceptible de resserrer les liens
entre les deux familles. Son fils Louis, né en 1187, bien qu'encore jeune pourrait
peut-être faciliter un rapprochement.
Au cours d'un entretien au château de Gaillon, peu après Noël 1199, les rois,
Philippe et Jean, envisagent un tel mariage entre Louis et l'une des filles du roi de
Castille.
Les ambassadeurs français se rendent sans tarder au château de Palencia où
réside la cour castillane en vue de ramener la future épouse du prince Louis. Ils
trouvent là, Aliènor d'Aquitaine qui malgré son grand âge, avait fait le voyage pour
demander à son fils de faire aboutir le projet, aidant au choix de la future reine
parmi ses petites-filles. Elle avait perçu chez Blanche, la plus jeune, de réelles
qualités d'intelligence, de vivacité et de volonté. Après quelques hésitations les
ambassadeurs français acceptent Blanche comme fiancé du prince Louis.
Viennent ensuite différents conciliabules et marchandages entre Jean-sansTerre, Beaudouin IX comte de Flandre, et Philippe II Auguste, suivis de divers
accords et traités.
Louis IX ou Saint Louis, Tableau de Gréco
Enfin, après un long voyage à travers la France, la jeune Blanche de Castille
arriva le 23 mai 1200 à la petite église de Pontmort en Normandie pour la
cérémonie du mariage; cérémonie vite expédiée précise Gérard Sivery et qui note:"
mariage de pré-adolescent, Louis n'avait pas encore treize ans, et Blanche était
plus jeune de quelques mois".
Dans les premiers temps, ce très jeune couple connut des difficultés à sa
mesure. Peu après son arrivée à Paris, si loin de sa famille, la petite Blanche se
trouvait fort isolée, elle pleurait souvent, et Louis essayait de la consoler.
Durant quelques années ils vécurent à la cour de France que Philippe-Auguste
voulait austère, mais où, de temps à autre; de grandes fêtes apportaient de la
gaieté.
Et puis, autour du couple princier, des jeunes de plus en plus nombreux vinrent
animer l'entourage royal.
Mais certains enfants élevés à la cour étaient trop jeunes pour être de vrais
compagnons pour Louis et Blanche. Par exemple, les enfants d'Agnès de Méranie,
légitimés dès 1201; Charlot, un demi-frère de Louis né vers 1206 d'une certaine
demoiselle d'Arras maîtresse du roi; puis les fils de Baudouin, comte de Flandres et
de Hainaut, dont Philippe-Auguste leur oncle exigea la venue à la cour comme
otages en l'absence de leur père, parti en 1202 à la croisade et devenu empereur
de Constantinople en 1204, disparu en 1206.
Mais celui qui sera, pour nous sans doute; le plus intéressant et qui arrive à la
cour à partir de 1209, c'est Thibaut IV de champagne, fils posthume et héritier de
Thibaut III, mort en mai 1201 à l'âge de vingt-deux ans. Epouse adolescente,
Blanche se penche avec sollicitude et affection sur cet enfant de huit ans. Thibaut
n'oubliera pas.
Lors des fêtes de Noël de 1212, paraît à la cour, le poète Gace Brulé; ses vers
charment Thibaut dont il devient le véritable initiateur et conseiller. Thibaut, âme
sensible, s'adonne alors souvent à la poésie, ce qui lui vaudra dans l'Histoire le
surnom de Thibaut le Chansonnier.
Le temps ayant passé, Thibaut se rendit à l'abbaye de la Pommeraie pour
rendre hommage de la baronnie à l'archevêque de Sens.
Mais quelle mouche le piqua en 1221 quand, pour une raison inconnue, il se
révolta soudain contre le roi. Pour le châtier, Philippe-Auguste se mit
immédiatement à la tête de ses troupes et résolut de fondre sur la Champagne. En
situation de nette infériorité et sans allié, Thibaut, effrayé, se jeta aux pieds du
roi et lui demanda la paix qu'il obtint en échange de la baronnie de Bray. Il restait
cependant comte de Champagne.
A vrai dire, Philippe-Auguste affectionnait déjà depuis longtemps cette
baronnie de Bray où il possédait déjà le château de Villeceaux.
Quand à Thibaut, le dernier maillon de la deuxième dynastie des barons de
Bray, nous allons le suivre encore quelques temps, car il restera en relations
étroites avec la nouvelle dynastie; de par son caractère et de sa personnalité, il a
fortement marque son époque.
Philippe II Auguste meurt à Mantes le 14 juillet 1223. Signalons en passant que
c'est à lui que la France doit d'avoir été dotée de baillis et de prévôts pour
l'administration du territoire.
Le 6 août 1223, Louis VIII et Blanche de Castille sont couronnés à Reims.
On attribue à Thibaut l'établissement en 1226 des fours banaux à proximité du
palais, où les habitants devaient venir faire cuire leur pain. La rue du four
perpétue le souvenir de cette fondation. Toutefois on peut penser que c'est en
qualité de comte de Champagne qu'il prit cette initiative puisque de fait, il n'était
plus baron de Bray.
Cette même année, le 8 novembre 1226, Louis VIII meurt; son fils Louis IX est
sacré à Reims le 29 novembre, il n'a que douze ans.
La régence est confiée à sa mère, Blanche de Castille. Or celle-ci, on ne sait
pourquoi, n'avait pas permis à Thibaut d'assister au sacre. Thibaut, vexé, cherche
vengeance, et s'en va rejoindre les vassaux révoltés en vue d'exiger le départ de la
régente.
Mais cette défection ne dure pas, et le 2 mars 1227, Thibaut fait sa soumission
publique au roi et à la reine Blanche qu'il servit fidèlement jusqu'à 1236.
Les vassaux rebelles s'en prirent alors à Thibaut lui-même et, ayant mis sur
pied trois armées, envahirent la Champagne en 1230. Thibaut dut son salut à la
reine qui intervient avec l'armée royale et Louis IX, et la révolte fut matée.
En 1234, le roi de Navarre Sanche VII, oncle de Thibaut, meurt. Thibaut est
héritier du trône et le comte de Champagne, ex-baron de Bray, devient roi de
Navarre sous le nom de Thibaut Ier.
L'entente de Blanche de Castille et de Thibaut, leurs affrontements suivis de
réconciliations, leur collaboration politique, évidente sur biens des points, tout
cela peut relever de la seule raison d'Etat, mais s'expliquer aussi par les liens de
famille et d'amitié. Toutefois, il semble que l'opinion publique de l'époque y a vu
tout autre chose.
En 1248 Louis IX part pour la septième croisade. Thibaut prend part à
l'expédition, et sa chanson LIV: Appel à la croisade, en est un témoignage.
Cette croisade fut hélas une terrible débâcle à la suite de la défaite de la
Mansourah, où le roi fut fait prisonnier.
En novembre 1252, Blanche de Castille meurt et les princes Alphonse et
Charles assurent la régence.
En 1253 Thibaut meurt à son tour, et son fils Thibaut II devient roi de navarre.
En 1254, le roi Louis IX rentre de la croisade.
En 1255, Thibaut II épouse Isabelle, fille du roi Louis IX.
Nous avions envisagé de terminer ce chapitre par une chanson de Thibaut, un
de ces poèmes courtois que certains pensent écrits à l'intention de Blanche de
Castille, mais nous avons estimé que le texte rédigé en francien risquait de ne pas
être apprécié par nombre de lecteurs. A cette époque le latin est encore la langue
administrative, et le français ne sera généralisé que deux siècles plus tard, et
encore il sera ce que nous appelons aujourd'hui le vieux français.
Signalons enfin, que certains historiens ne maîtrisent pas toujours le rang exact
de certains personnages. Principalement en ce qui concerne Thibaut, orthographié
aussi Thibaud ou Thibault, dans la baronnie de Bray, c'est Thibaut IV (en tenant
compte de Thibaut-File-Etoupe), dans le comté de Champagne c'est Thibaut VI, et
dans le royaume de Navarre c'est Thibaut Ier, bien qu'il s'agisse du même
personnage.
Il convent de noter que le comte de Champagne avait déjà organisé une
croisade en compagnie de Frédéric II de Germanie de 1228 à 1241, et qui fut un
échec.
En 1270, il participa également à la huitième croisade avec le roi Louis IX. Ce
fut une véritable catastrophe.
TROISIEME DYNASTIE
La troisième dynastie commence, nous l'avons vu, avec Philippe II Auguste.
Cette fois, c'est le roi de France lui-même qui devient baron de Bray, et c'est en
qualité de vassaux de l'archevêque de Sens, que les rois de France vont tour à tour
aller à l'abbaye de la Pommeraie rendre hommage de leur baronnie à leur suzerain.
Dans le précédent chapitre nous avons évoqué les principaux événements de
l'époque, dans le présent, nous allons tenter de retrouver les signes laissés par nos
nouveaux barons.
Le château de Villeceaux garde le souvenir de Philippe Auguste. Dans ce même
temps, la duchesses de Champagne avait favorisé l'accueil de nombreux juifs
chassés de leur pays par les Arabes.
La renommée des foires de Champagnes attirait sans doute ces usuriers habiles
à tirer profit des opérations commerciales et financières, et la baronnie, par
répercussion, et notamment à Bray, en avait accueilli un certain nombre. On
raconte que certains d'entre eux se seraient saisis d'un chrétien qu'ils auraient
crucifié. Le fait fut rapporté à Philippe Auguste de retour de la troisième croisade,
qui se rendit immédiatement à Bray pour tirer vengeance de cette abominable
atrocité, et fit brûler vifs environ quatre-vingts Juifs.
Est-ce pour perpétuer le souvenir de cette crucifixion qu'il y a eut à Bray, le
rue du Calvaire, aujourd'hui rue Joseph Barra, et que la porte sud de la ville fut
appelée Porte du Calvaire?
On peut aussi penser que le lieu de supplice aurait été sur la butte formée par
l'amoncellement des terres déplacées lors du creusement des fossés des
fortifications. La rue des buttes existe toujours.
Toutefois, certains auteurs évoquent un événement à peu près semblable à
Troyes. Y a-t-il confusion? Serait-ce une légende? Nous ne ferons pas de
commentaire sur ce sujet , mais observons seulement que le souvenir demeure.
Mais les Juifs, ainsi que les Croisés, apportaient du Proche-Orient une véritable
calamité: la lèpre.
Déjà, dans la Bible, il est fait état de cette maladie, et l'Evangile témoigne de
la guérison d'un lépreux par le Christ.
On sait que le lèpre est une maladie infectieuse, qui couvre la peau de
pustules et lèse le système nerveux. Jusqu'au XXème siècle aucune guérison n'a été
possible. En outre, il s'agit d'une maladie extrêmement contagieuse. La seule
parade possible était l'isolement total des malades. dans l'antiquité les lépreux
étaient exclus de la société.
Le Christianisme apporta au moins un allègement de la douleur morale de ces
malades en les réunissant dans des établissements crées à leur intention, où les
religieuses leur prodiguaient quelques soins et la nourriture. C'est en 1240, semblet-il, que Louis IX aurait fondé à Bray la maladrerie Saint-Laurent. Cette léproserie,
obligatoirement située hors des murs pour éviter toute contamination, se trouvait à
l'emplacement de l'actuel cimetière, et comportait des bâtiments d'habitation et
une chapelle, le tout entièrement clos de murs.
QUATRIEME DYNASTIE
Ainsi que nous venons de le voir le roi de Navarre, Charles III, est devenu baron
de Bray depuis le 5 juin 1404. Il avait succédé à son père Charles II en 1387 sur le
trône de Navarre. Il est connu dans l'histoire sous le nom de Charles III le Noble, ce
qui témoigne semble-t-il de bons sentiments parfaitement reconnus.
1404 - Dès le mois de janvier, la France reprend les hostilités contre
l'Angleterre avec succès, en Guyenne et en Picardie.
C'est aussi, le 27 avril, le décès de Philippe Le Hardi, duc de Bourgogne, auquel
succède son fils, Jean-sans-Peur.
Depuis quelques temps déjà, pour se protéger, certains villages avaient été
autorisés à être ceints de fossés, les terres de déblais étant entassés en guise de
remparts. Ce fut le cas des Ormes-sur-Voulzie, de Luisetaines et d'autres localités.
A partir de 1407, à la guerre, vont s'ajouter maints soulèvements intérieurs et
des luttes de factions et d'intérêts, principalement entre les Armagnacs et les
Bourguignons.
Assassinats, massacres, pillages, incendies et toutes les horreurs du
déchaînement de forces incontrôlables.
Comment la baronnie de Bray va-t-elle traverser cette tourmente?
Le baron Charles de Navarre ne parait pas impliqué directement dans les
troubles qui l'entourent, et sans doute n'a-t-il pas, sur place, de troupes disponibles
ou suffisantes; en outre, la charte de fondation de la baronnie ne précise-t-elle pas
que ce territoire doit demeurer en paix? Mais les frontières ne sont pas signalées et
les Anglais mettent souvent pieds où ils ne devraient pas.
En 1410, par le Pacte de Gien, les ducs de Bourbons, d'Orléans et de Bretagne,
ainsi que les comtes d'Alençon et de Clermont, s'allient au service du roi. Le 23 mai
1414, les Bourguignons s'allient aux Anglais contre les Armagnacs (duc de
Bretagne).
En décembre 1418 le dauphin s'intitule Régent du royaume.
Jean Sans Peur
Le 9 mai 1419 c'est l'échec de la conférence de paix entre Jean-sans-Peur et
Henri V d'Angleterre. Le duc de Bourgogne comprend alors où est l'intérêt de la
France, et décide de se rapprocher du dauphin. C'est alors qu'il reçoit la visite de
Tannegui-du-Chatel, principal chef Armagnacs, venant l'inviter à une conférence
avec le Dauphin à Montereau le 10 septembre. Après quelques hésitations, il
accepte.
Le 9, il arrive au palais de Bray, où il passe la nuit. Nous n'avons pas trouvé de
document concernant l'hôte qui le reçut, ni la présence de Charles de Navarre à
Bray à cette époque.
Le lendemain matin, accompagné d'une faible escorte, il prend le chemin de
Montereau. Laissant son escorte à l'entrée du pont d'Yonne, il s'avance à pied vers
le dauphin, fléchit le genou devant lui, et déclare qu'il est venu à son appel pour
s'accorder avec lui pour le salut du royaume qui sera son héritage. Au moment où,
sur l'invitation du dauphin, il se redresse, Tannegui-du-Chatel lui assène un coup de
hache à la tête, le tuant net. Ce meurtre provoqua une recrudescence des combats
entre les Armagnacs et les Bourguignons.
Le fils de Jean-san-Peur, Philippe le Bon devient duc de Bourgogne et se
prépare à venger son père; le 21 mai 1420 il signe le traité de Troyes avec le roi
d'Angleterre.
Le roi Charles VI meurt le 21 octobre 1422. Le 30 octobre à Bourges, le dauphin
se proclame roi, sous le nom de Charles VII.
Mais dans le même temps, Henri V s'est fait reconnaître roi de France, par les
Parisiens et les Bourguigons.
Les batailles se succèdent à l'avantage des Anglais jusqu'en 1428; c'est alors
que Jean Dunois, le 3 septembre, bat Warwick à Montargis.
Le 6 mars 1429, Jeanne d'Arc rencontre Charles VII à Chinon. Le 8 mai, elle
délivre Orléans où sont les Anglais depuis sept mois. Puis le 18 juin, nouvelle
victoire à Patay. Le moral des troupes françaises remonte.
En juillet, Jeanne d'Arc conduit le roi à Reims où il est sacré le 17
Dans l'entourage du roi on discutait au sujet des opérations à venir. Jeanne
souhaitait délivrer Paris, les Grands du royaume voulaient regagner le sud de la
Loire. Le roi décide de suivre leur avis. De Reims, la troupe se dirigea sur Provins
où il passa la nuit. Au matin du 4 août on se mit en marche en direction du sud.
Passant par les Ormes-sur-Voulzie ils arrivèrent au pont de Bray. Roubault, dans sa
notice, les fait arriver par la route d'Everly qui ne fut construite que deux cents ans
plus tard par le baron de Bray.
Le pont de Bray se trouvait, à l'époque, à peu près à mi-chemin entre Bray et
Mouy ( aujourd'hui Le Vieux Mouy, le Mouy actuel n'existait pas). C'était un pont de
bois sur pilotis. Il semble que Bray ait donné son accord préalable pour le passage
des troupes royales. Pourtant un détachement de troupes anglaises se trouvait à
proximité du pont sur l'autre rive. L'armée française voyant que le pont était au
pouvoir de l'ennemi ne voulut pas combattre, et malgré le roi, tourna la tête en
direction de Paris, car Jeanne était d'avis de reprendre cette ville aux anglais.
Le 26 août, les troupes du roi et de Jeanne arrivaient à Saint-Denis. Des
combats eurent lieu sans succès pour les français, et avec l'armée démoralisée;
Jeanne quitta Saint-Denis le 13 septembre pour arriver à Bray trois jours plus tard,
le 16 septembre. Cette fois le pont était libre et les portes de la ville étaient
ouvertes. La tradition affirme que Jeanne est entrée par le porte Saint-Jean, celle
à proximité du pont.
Le roi, Jeanne et une partie de leur suite furent reçus au palais de Bray, le
reste probablement à la Grosse Tour, et peut-être aussi dans divers bâtiments
comme l'Hôtel-Dieu Saint-Antoine.
Le 17 septembre au matin, probablement accompagnée du roi, Jeanne assista
à la messe en la collégiale Notre-Dame. Ensuite, toute la troupe quitta Bray,
sortant par la porte Notre-Dame (dite aussi porte du Calvaire) et par le chemin de
Bourgogne, puis se dirigea vers les pays de Loire.
Le 23 mai 1430, Jeanne d'Arc est faite prisonnière devant Compiègne. On
connaît le suite: son procès, son martyre.
Jean Dunois qui l'avait secondé de tout son courage et de tout ses talents, va
s'efforcer de continuer son oeuvre et sera l'un des agents les plus heureux de
l'expulsion des anglais.
Vue d'ensemble du château de Sigy
Porche du château de Sigy
En 1432, Antoine de Roux était lieutenant de Denis de Chailly et à ce titre,
gouverneur du château de Sigy. Il était le petit-fils de Pierre du Roux, gentilhomme
au service du roi en 1309 et gouverneur du château de Sigy. Son petit-fils Antoine
fut d'abord échanson de Louis VII.
Denis de Chailly commandait pour le roi le corps de troupe destiné à attaquer
l'armée anglaise, repliée sous Paris. Trop faible en nombre pour rester sur la
défensive, il opéra sa retraite sur la rive gauche de la Seine en abandonnant aux
anglais, Corbeil, Melun, Monterau, Bray et Nogent; il s'enferma dans Provins, et
tandis qu'il occupait l'armée anglaise à faire le siège de cette ville, il fit
contraindre les habitants des villages voisins à se réfugier avec les bestiaux et leurs
vivres dans les lieux fortifiés. Les possesseurs temporaires des châteaux avaient été
tués en grand nombre au cours de la guerre. Denis de Chailly dissémina ses troupes
dans ces châteaux.
Après avoir pris Provins, les anglais vinrent les assiéger. Le 6 octobre 1432 un
corps important de l'armée anglaise attaqua celui de Sigy. Antoine du Roux fit une
défense désespérée. Lorsque l'armée anglaise se retira, du Roux restait sur les
ruines du château avec quelques hommes. Sa courageuse résistance lui attira les
faveurs royales, il reçut en récompense le fief de Sigy en toute propriété. Il fut
autorisé à la reconstruction du château et à creuser les larges fossés qui
l'entourent.
Le 21 septembre 1435, le traité d'Arras scelle la réconciliation entre Philippele-Bon duc de Bourgogne et le roi Charles VII.
Philippe le Bon
Le 12 novembre 1437 Charles VII entre dans Paris après dix-neuf ans d'absence.
En novembre 1439 Charles VII crée une armée royale. Il semble bien que ce soit
lui qui, dans le cadre de cette armée, établit le Corps de Taupins, soldats du génie
militaire dont le rôle était de miner les fortifications à leur base, afin d'y faire des
brèches pour permettre aux assiégeant de s'introduire intra-muros.
L'existence de la rue des Taupins, à Bray, semble maintenir le souvenir d'une
intervention des Taupins sur une partie des fortifications au sud de la ville, entre la
Grosse Tour et la Porte Notre-Dame. Toutefois nous n'avons pas trouvé à quelle
occasion ces faits se seraient produits.
Tandis que Charles VII reconquiert progressivement son royaume, aidé par Jean
Dunois, (après la capitulation de Bordeaux le 19 octobre 1453, les anglais ne
possèdent plus que Calais sur le continent), le baron de Bray organise son domaine.
Pour la gestion de ses affaires il fait appel à quelques uns de ses sujets de
Navarre. Dès 1413, un document fait état d'une famille Pampelune résidant à SaintPregts (aujourd'hui Grisy-sur-Seine).
Pour les finances il nomme un trésorier: el cajon, mot espagnol qui signifie le
caissier en français. C'est probablement à lui que la commune de Montigny-leGuesdier doit la construction de la Grange aux Dimes, où étaient entreposés les
impôts en nature, principalement des céréales.
C'est sans doute aussi par l'influence hispanique que Saint-Jacques est devenu
la patron de la paroisse.
En outre, un certain nombre de sujets de Navarre semblent être venus
s'installer dans la commune pour y travailler, ce qui fit que jusqu'à nos jours, les
habitants de Montigny-le-Guesdier ont été nommés les espagnols par les
autochtones. Au début de ce siècle beaucoup d'entre-eux parlaient encore un
dialecte particulier, mélange de basque, d'espagnol et de français. Pendant très
longtemps, en France, et sans doute aussi ailleurs, seul le nom de baptême était
utilisé, et pour distinguer des personnes ayant le même nom de baptême on
ajoutait le nom du pays d'origine, soit celui du métier exercé, soit un surnom ou un
sobriquet.
C'est pour cette raison que nous avons trouvé une famille Pampelune ainsi
qu'une famille Navarre (lieu d'origine). Une famille Cajon (profession), un Manuel
de Jaulnes (lieu de Résidence)? Quand à la famille Jacquin, elle semble dériver du
prénom espagnol Joaquim.
Ainsi furent formés les patronymes.
Nous avons traversé un peu rapidement cette période pour évoquer les
principaux événements qui l'ont marquée, et nous devons maintenant reprendre le
cours de la quatrième dynastie des barons de Bray.
Nous savons que le roi de Navarre, Charles III le Noble, prit possession de la
baronnie en 1404. Il mourut en 1425 et son fils Jean hérité de la Navarre et de la
baronnie de Bray. Il ne régna que très peu de temps et mourut sans postérité. sa
sœur Jeanne lui succéda cette même année, puis sa sœur Blanche, épouse de Jean
II d'Aragon. Etrange, n'est-ce pas, cette succession de décès pour finalement placer
la Navarre entre les mains de Jean II qui la convoitait depuis longtemps. A la mort
de Blanche en 1441, son fils Carlos de Viana, hérita de la Navarre, mais il dut la
défendre par les armes contre son père.
Jean II d'Aragon
Vint-il prendre possession de la baronnie de Bray? les archives ne semble pas y
faire allusion. Il s'y serait pourtant trouvé bien en sécurité en attendant l'héritage
du royaume d'Aragon, et loin des poisons de Juana Enriquez, la maîtresse de son
père. Carlos mourut, empoisonna par Juana en 1461.
Nous devons aussi mentionner que les Anglais, en se retirant de la région,
avaient rendu le pont de Bray inutilisable, et qu'on dut le remplacer par un bac.
La tradition garde le souvenir d'un événement qui se serait produit en 1450
dans le village de Mons, fief non inclus dans la baronnie, mais cependant
dépendant de la Grosse Tour de Bray.
F.A. Delettre rapporte qu'un corps de troupe Bourguignons était campé dans les
environs de Vaudoy; un détachement qu'on estime à six cents hommes s'en détacha
pour venir prendre des vivres dans la région de Mons. Ces troupes furent signalées
par des émissaires partis du château de Vanvillé.
Les habitants de Mons se concertèrent sur les moyens de défenses avec les
officiers du Ban en garnison à Donnemarie, et il fut décidé qu'ils se borneraient à se
défendre derrière leurs remparts, et que s'ils étaient sérieusement attaqués, les
troupes du Ban se porteraient à leur secours au premier son de tocsin. Les
habitants de Mons, au nombre de deux cent trente quatre, n'écoutant que leur
courage, se portèrent à la rencontre des Bourguignons et les attaquèrent; trop
faible en nombre, ils se replièrent sur le village et s'enfermèrent dans la tour de
l'église; Ils s'établirent sur la plate-forme de cette tour du haut de laquelle ils
firent une résistance désespérée.
Les Bourguignons investirent cette tour en abattant des pans de murailles. Les
habitants faisaient rouler sur eux des pierres qu'ils arrachaient du haut de la tour;
ils tuèrent un certain nombre de Bourguignons. Ces pertes excitèrent leur furie; un
dernier assaut les rendit maîtres de la tour.
Les cris de désespoirs des assiégés finirent par être entendus à Donnemarie; les
troupes de Ban se portèrent à leur secours. Lorsqu'ils arrivèrent, elles trouvèrent
deux cent trente quatre cadavres des habitants impitoyablement massacrés et
gisant au bas de la tour parmi les mort des Bourguignons. Elles se mirent à leur
poursuite mais ne purent les atteindre.
Nous ne mettons pas en doute la véracité de ce récit, mais nous pensons qu'il y
a erreur de date. Des faits à peu près similaires se sont effectivement produits
dans toute la région, mais avant 1450. N'oublions pas que le traité d'Arras du 21
septembre 1435 précédemment mentionné, avait scellé la réconciliation entre
Philippe le Bon, duc de Bourgogne, et le roi Charles VII. Donc s'il s'agit vraiment de
Bourguigons, les faits se sont produits avant la signature du traité. Par contre, si la
date de 1450 est réelle, c'est qu'il ne s'agit pas de Bourguignons mais de troupe
incontrôlées et livrées à elle mêmes, comme il y en a pratiquement toujours eu.
Au baron Carlos de Viana, décédé en 1461, succéda sa sœur Blanche à laquelle
succéda, la même année, sa sœur Eléonore d'Aragon.
En 1462 la baronnie de Bray est saisie par décret à la requête de Jean, bâtard
d'Orléans et comte de Dunois sur la famille de Navarre. On se perd en conjonctures
sur cette date et sur son origine. La vente de la baronnie eut lieu la 19 juillet 1463
et l'adjudication, faite au comte Dunois comme étant le plus offrant et dernier
enchérisseur.
Ainsi se termine la quatrième dynastie de barons de Bray?
Les religieuses soignantes ne pouvaient plus, à l'égal des malades, avoir de
rapports directs avec l'extérieur, ce qui dénote à la fois, un dévouement
exemplaire, un sacrifice total, et une foi profonde.
En 1270 Louis IX part pour sa huitième croisade à laquelle il pense depuis deux
ans. Il meurt à Tunis le 25 août de cette même année. Le retour de la croisade
n'est qu'une suite de malheurs.
Le 22 mai 1271 Louis IX est inhumé à Saint-Denis.
Le 6 août 1297, le pape Boniface VIII promulgue la Bulle de canonisation de
Louis IX qui devient Saint-Louis.
Bray gardera le souvenir de son royal baron en baptisant Place Saint-Louis la
parvis de la Collégiale Notre-Dame; et le chemin de la maladrerie deviendra la Rue
du Faubourg Saint-Laurent.
Avec le temps, la lèpre disparut de nos régions et la maladrerie déserte fut
abandonnée. Vers 1830 la municipalité décida la destruction des bâtiments en vue
d'implanter à leur place l'ancien cimetière. Avant de démolir la chapelle, par une
pieuse intention, on recueillit la statue de Saint-Laurent pour la replacer dans une
niche aménagée à cet effet sur une maison sise au 13 de la rue des Taupins, en
signe de dévotion au Saint protecteur du quartier, dont les habitants prirent la
coutume de fêter leur patron tous les ans, le 10 août.
La messe de Saint-Laurent célébrée en la collégiale voisine était
particulièrement suivie, et la brioche bénie distribuée à tous les habitants du
quartier. L'après-midi, des jeux et compétitions diverses ainsi qu'un concert
attiraient la foule sous les tilleuls, et parfois, en soirée, un bal terminait la fête.
La dernière guerre de 1939-1945 interrompit la tradition qui ne fut pas reprise.
La maison où nichait Saint-Laurent fut vendue et le nouveau propriétaire
probablement anticlérical, fit déposer la statue qui fut alors placée dans la
collégiale.
Déjà, au début du siècle, un autre anticlérical, avait remplacé Saint-Louis par
la Convention Nationale, et Saint-Laurent par Danton; le même, dans un autre
quartier avait aussi remplacé Saint-Nicolas par le président Carnot. Les Braytois ne
sont nullement xénophobes, au contraire, plutôt accueillants, mais ils seraient
sensibles au respect des souvenirs qui les lient aux générations passées.
Enfin, en ce qui concerne Louis IX, certains indices nous feraient soupçonner
qu'il aurait détaché de la baronnie les fiefs de La Tombe, Marolles-sur-Seine, SaintMaurice, les Bordes, Barbey et Misy-sur-Yonne pour les réunir à ses terres de
Montereau.
Après Louis IX, nos barons-rois se succèdent à un rythme accéléré tandis que
les relations franco-anglaises ne vont pas cesser de se détériorer.
Philippe III ne règne qu'une quinzaine d'années et meurt en 1285, au retour
d'une désastreuse campagne en Aragon.
Philippe IV qui lui succède ne semble pas être un bon administrateur ni un fin
diplomate. Il est en conflit avec le pape Boniface VIII. Il combat dans les Flandres.
En 1302, le 18 mai: Matines de Bruges et massacre des Français. Le 11 juillet, à
Courtrai, le chevalerie française est écrasée par les Flamands. Le 20 mai 1303,
Philippe IV restitue la Guyenne au roi d'Angleterre, et en 1304, il parvient à
récupérer Lille, Douai et Béthune.
Philippe IV
Le 2 avril 1305, la reine Jeanne meurt. Rien ne va plus pour Philippe IV; après
avoir dévalué la monnaie il s'attaque aux riches Templiers. En mai 1314, scandale à
la cour pour adultère de ses brus Marguerite et Blanche. Enfin il meurt le 29
novembre.
Louis X le Hutin accède au trône et il est couronné le 24 août 1315; il est
également héritier de sa mère Jeanne de Navarre et à ce titre, réunit la Navarre à
la couronne. Il meurt le 4 juin 1316 laissant une fille, Jeanne. Cependant la reine
Clémence est enceinte et Philippe le Long se fait proclamer régent. Le 4 novembre
la reine met au monde un fils, Jean, qui meurt le 19. Le régent devient roi;
Philippe V le Long est sacré le 6 janvier 1317. Il a sans doute besoin de fonds et
bailli la baronnie de Bray à Robert, duc de Bourgogne, frère de la première femme
de Louis X, et oncle de Jeanne de Navarre.
On constate que l'on ne règne pas longtemps à cette époque, et après tant de
décès aussi rapprochés, Philippe V décède le 3 janvier 1322. Il ne laisse que des
filles, et en raison de la loi salique, son frère Charles IV le Bel est sacrée le 11
février. Il apporte à la couronne ses comtés de la Marche et de Bigorre tout en
conservant la Navarre. Son frère avait déjà apporté la comté de Poitiers. Le
domaine de la couronne s'étoffe, et pour l'agrandir encore, le 1er juillet 1324, il
confisque la duché de Guyenne. Ce fut une grave erreur.
Après le décès en couche de la reine Marie, il épouse en troisième noces,
Jeanne d'Evreux en 1325 et lui donne la baronnie de Bray. Il meurt le 1er février
1328. La reine Jeanne est enceinte. Elle accouche le 1er avril d'une fille mort-née.
C'est la fin des Capétiens directs.
Son cousin, Philippe de Valois accède au trône et est sacré le 29 mai; il devient
Philippe VI. En sa qualité de baron de Bray, en 1331 il rend foi et hommage de la
baronnie à l'archevêque de Sens. En 1337 Edouard III, roi d'Angleterre, revendique
la couronne de France, et ce sera le début de la guerre de Cent ans.
En 1343 Philippe VI donne privilège au doyen et chanoines du Chapitre de Bray
de faire cuire leur pain au four royal sans payer aucun fournage ni redevance.
Philippe VI avait abandonné la Navarre à Jeanne, fille de Louis X et épouse de
Philippe d'Evreux. Après le décès de Jeanne, la baronnie de Bray, indivisée entre
les couronnes de France et de Navarre, retourna à Charles VI qui vendit sa part à
Charles de Navarre le 5 juin 1404.
Dans ce même temps les combats entre la France et l'Angleterre font rage, la
chance tourne tantôt d'un côté et tantôt de l'autre, avec des trêves plus ou moins
prolongées, et des rebellions, des révoltes, des émeutes et des alliances qui se font
et se défont au gré de la fortune de l'un et de l'autre camp. C'est ainsi que le roi de
France fait des concessions, en Normandie, à Charles de Navarre pour le dissuader
d'aider l'Angleterre.
En comme si ces malheurs ne suffisent pas, la Grande Peste fait son apparition
en 1348. Venue de Chine elle envahie pratiquement toute l'Asie, l'Afrique, puis
l'Europe. On estime le nombre des victimes à 25 millions pour l'Europe et 23
millions en Asie. Le nombre de victimes en Afrique n'est pas connu. Quelques rares
documents font état de pestiférés dans la baronnie et à Bray même.
Philippe meurt en 1350, son fils Jean II le Bon est fait prisonnier par les Anglais
et meurt à Londres en 1364. Le dauphin Charles, régent en l'absence de son père,
est sacré le 19 mai 1364 sous le nom de Charles V et lorsqu'il meurt, le 16
septembre 1380, son fils Charles n'a que douze ans.
Le duc d'Anjou assure la régence jusqu'au sacre. Charles VI est nommé dans
l'histoire Charles VI le Fou. Bien que ces accès de folie ne furent que temporaires il
ne fut pas le roi qu'aurait exigé la situation de la France à ce moment, quand à la
reine Isabeau de Bavière, ses sentiments n'était nullement en faveur du royaume
de France.
Notre propos n'est pas de relater ici l'Histoire de France proprement dite, mais
plus précisément celle de la baronnie de Bray. Or nous venons de voir, c'est en
1404 que le roi de France cède la baronnie de Bray à Charles de Navarre, et nous
changeons de Dynastie.
CINQUIEME DYNASTIE
D'après Michelin dans ses Essais historiques, Charlot d'Allonville, écuyer, prit
possession de la baronnie de Bray au nom de Jean Dunois, duc d'Orléans, et en
rendit foi et hommage à Louis de Melun, archevêque de Sens, en abbaye de la
Pommeraie selon l'usage.
Il semble qu'il fut en quelque sorte gouverneur de la baronnie durant une
période qu'il ne nous est pas possible de préciser.
Pour le lecteur, Jean Dunois n'est pas inconnu, car il fut un fidèle compagnon
de Jeanne d'Arc.
Il était le fils naturel de Louis d'Orléans (second fils du roi de France, Charles
V) et de Mariette d'Enghien. Né vers 1403 il fut élevé dans la maison de son père
avec les enfants légitimes par les soins de la duchesse Valentine de Milan.
Son père l'avait gratifié du fief de Dunois, un ancien pays de France
comprenant une partie de la Beauce, intégré au diocèse de Chartres.
Pour toutes ces raisons il fut connu dans l'Histoire sous le nom de Jean Dunois,
Bâtard d'Orléans, mais ce n'est qu'en 1439 qu'il devint comte de Dunois.
Il mourut au château de l'Hay en 1468 sans avoir pu, or son souvenir, marquer
son règne dans la baronnie de Bray.
Son fils, François, hérita de la baronnie de Bray et du comté de Longueville. Il
devint d'ailleurs duc de Longueville en 1505.
Charles VII
C'est certainement au baron François Ier, que Bray doit la construction du pont
commencé en 1498. Cet ouvrage d'une longueur de cent toises (presque deux cents
mètres), était composé de vingt-deux arches. Pour permettre l'entrée en ville on
avait ouvert une poterne dans le rempart à peu près au milieu de front de Seine. Il
aboutissait sur la rive droite au chemin de Mouy (le Vieux-Mouy maintenant) à
Henrien et Peugny.
Cette tête de pont fut à l'origine de la naissance de l'actuelle commune de
Mouy-sur-Seine, en raison de sa proximité du commerce braytois et des possibilité
de refuge en cas de conflit.
Il est à signaler que divers moulins furent établis sous quelques arches.
Certains auteurs on prétendu que le premier immeuble à gauche à la sortie du pont
de Bray, immédiatement après le rempart, aurait appartenu à la famille Dunois.
Les bâtiments du fond ont été remaniés plus tard, mais le portail sur rue paraît
avoir conservé son caractère d'origine.
On ignore la date de décès de François Ier, mais on sait que son fils François II
lui succéda. Il décéda sans descendance en 1512, et son frère Louis, hérita de tous
ses biens et titres.
Louis, quatrième baron de Bray de la cinquième dynastie, décéda en 1516,
laissant, une fille pour unique héritière: Charlotte de Longueville qui devint
baronne de Bray. Remarquons en passant que la loi salique ne s'appliquait pas dans
la baronnie de Bray, peut-être l'avez-vous déjà remarqué avec la dynastie
précédente.
Jean Dunois
En 1515, le roi de France Louis XII meurt sans enfant mâle. François Ier, fils de
Charles de Valois et de Louise de Savoie hérite de la couronne. Il avait épousé
Claude de France, la fille du souverain défunt.
Le règne de François Ier est d'abord assez tumultueux et les conflits armés se
succèdent avec tous les voisins: Angleterre, Autriche, Espagne, Venise et même le
saint-Siège.
En 1517 Martin Luther affiche ses quatre-vingt-quinze thèses an Allemagne. En
1522 il traduit la bible en Allemand.
Durant cette période, suite aux guerres en Italie, François Ier appelle Léonard
de Vinci à sa cour. C'est le début de la Renaissance qui donnera une impulsion
formidable à la création artistique nationale en France.
Bien que souvent contraint à prendre les armes, François Ier est cependant un
administrateur et un organisateur. Il a remarqué certaines qualités de son jeune
oncle, Philippe de Savoie, frère de Louise.
Nommé à cinq ans évêque de Genèvre, il quitta son évêché le 1510 et reçut en
apanage le Comté de Génevois. Il soutient d'abord la cause de Charles Quint. Pour
l'attirer à lui, François Ier lui donne en 1528, le Duché de Nemours, et lui fait
épouser Charlotte d'Orléans, baronne de Bray. Leur fils Jacques est né en 1531 à
l'abbaye de Vauluisant. Hélas! Philippe n'aura pas le temps de profiter de sa famille
ni de son Duché, il meurt en 1533.
Charlotte continue de conduite les affaires de la baronnie et assure la régence
du Duché de Nemours.
Il est à noter que malgré la multiplicité des fonctions des même personnes,
nous le verrons encore plus tard, la baronnie de Bray n'a jamais été réunie au
Duché de Nemours, quoique l'aient prétendu certains auteurs.
En France, François Ier gouverne et administre. En 1530, il crée le Collège de
France; en 1533 il se dote d'une infanterie permanente; en 1553 il institue l'état
civil; en 1539 il signe à Villers-Cotterets, l'ordonnance imposant le Français dans les
actes officiels et la justice.
Mais l'influence de Luther pénètre dans le royaume de France et dans la
baronnie de Bray. Calvin diffuse, propage l'esprit de la réforme et, dès 1538 il
fonde la première Eglise Réformée. Ainsi la France va bientôt connaître une
nouvelle période de guerres fratricides.
Charlotte s'efforce de prodiguer à Jacques une éducation aussi complète que
possible. A quinze ans il commandait déjà une compagnie de chevaux légers. Il sera
considéré comme l'un des grands capitaines de son temps.
L'invention de l'imprimerie par Gutenberg permet la multiplication et la large
diffusion de la doctrine de Luther, que l'église qualifie hérétique. Or, l'hérésie était
considérée à la fois comme un outrage à l'autorité divine de l'église, et comme un
attentat contre la société civile. C'est pourquoi une double action judiciaire était
intentée contre les hérétiques, et cela entraîna l'institution de l'inquisition, dont
les Cathares avaient déjà été victimes. Le protestantisme remis l'inquisition au
goût du jour.
La baronnie de Bray ne semble pas avoir été trop perturbée par la nouvelle
doctrine. On signale cependant le cas d'Etienne Denisot du village de Plessis-SaintJean, qui fut jugé pour hérésie au tribunal de Bray. On lui reprochait d'avoir
proféré des paroles hérétiques et blasphématoires. Le jugement a ordonné que:"le
condamné sera traîné sur la claie, fera amende honorable devant l'église NotreDame de Bray, la torche à la main, et sera ensuite pendu, étranglé, brûlé, et ses
cendres jetées au vent". Ce jugement fut rendu le 6 septembre 1551. A cette date
il semble que Charlotte était encore baronne de Bray, mais pour peu de temps.
Nous n'avons trouvé aucun document faisant état de son décès.
Il y a dans l'église de Bray un tableau représentant la Vierge priant; selon une
tradition locale cette peinture serait un portrait de Charlotte d'Orléans, baronne de
Bray et duchesse de Nemours. Malheureusement cette oeuvre n'est pas signée, ce
qui ne permet pas une authentification certaine.
SIXIEME DYNASTIE
La sixième dynastie des barons de Bray commence avec le fils de Charlotte,
Jacques Ier de Savoie. Par un document concernant le chapitre Notre-Dame de
Bray, on sait qu'il était baron en 1561. A noter qu'il était également duc de
Nemours.
Cependant, malgré les persécutions, les jugements, les bûchers, les idées de la
Réforme s'imposaient et des villes entières devenaient protestantes, comme
Auxerre, Orléans, Macon, etc....
François Ier, Roi de France Claude de France, femme
du Roi de France
Le moment approchait où Bray allait être disputée entre les factions
protestante et catholique.
Dans la région, les hostilités commencèrent par le massacre des protestants de
Sens, où une centaine de victimes, hommes, femmes et enfants, fut égorgée et
jetée dans l'Yonne. Les protestants répondirent en brisant un grand nombre
d'églises et d'objets de culte. Puis la guerre civile se généralisa.
Pour la suite de ce chapitre, nous ferons appel à François Richard qui a très
soigneusement étudié cette période.
En ce temps-là, le duc d'Albe, avec des forces espagnoles, avait côtoyé la
France à l'Est pour gagner les Flandres où grondait la révolte. D'autre part six mille
suisses venaient d'être enrôlés par la France. Les protestants se persuadèrent que
ces mouvements de troupe étaient le résultat d'un accord conclu avec l'Espagne
pour anéantir la réforme de France et aux Pays-Bas. En fait ils se trompaient.
La France avait engagé les Suisses pour garder ses frontières à l'Est et au Nord
pendant les opérations du duc d'Albe, et durant qu'elles se poursuivaient, la cour,
loin de se préparer à la lutte, se reposait insouciante au château de Montceaux,
près de Meaux, peu ou pas défendu. Elle ignora jusqu'au dernier moment les
préparatifs de guerre des protestants et, lorsqu'ils parvinrent à sa connaissance,
elle se refusa d'abord à y croire.
La concentration des forces huguenottes s'effectua à Vallery.
Le Prince de Condé avait obtenu cette terre d'une manière indigne d'un
homme, surtout d'un prince de sang. sa femme était morte en 1564. Bien que
défavorisé au point de vue physique, sa qualité de prince de sang, et de chef des
réformés, ainsi que son esprit, le faisait rechercher en mariage par les dames de
son parti.
Le Prince de Condé
L'un d'elles crut pouvoir faire agréer sa main. Elle s'appelait Marguerite de
Lutrac, et était veuve du Maréchal de Saint-André, tué à la bataille de Dreux en
1562. Elle était immensément riche. Son mari avait fait bâtir un château dans le
beau domaine de Vallery et avait entassé dans cette demeure, comme dans
d'autres, d'innombrables objets de valeur. L'éclat de cette fortune tentait le Prince
de Condé, mais outre qu'il trouvait la prétendante à sa main un peu mure, il était
"enchaîné" par une demoiselle d'honneur de la Reine-mère, Isabeau de Limenis dont
il allait avoir, ou avait eu un enfant.
Jacques de Savoie
Il hésitait; pour le décider, Marguerite de Lutrac commit l'imprudence, avant la
signature de tout contrat, de lui faire cadeau de la terre et du château de Vallery.
Condé s'empressa d'accepter mais une fois qu'il eut pris possession du domaine, il
refusa la main de sa coreligionnaire enflammée, laquelle dut, un peu plus tard se
résigner à une alliance moins illustre. A ce moment, d'ailleurs, Condé, rompant
avec l'une et l'autre de ses femmes, se maria avec Françoise d'Orléans, sœur du duc
de Longueville, Marquise de Rothelin, dame de Blandy-les-Melun. Et voilà comment
la famille de Condé obtint Vallery et comment il se fait que lui-même et tous ses
descendants repose actuellement dans l'église de ce petit village.
Les Huguenots avaient pour objectif de surprendre la cour à Montceaux en vue
de s'emparer du roi et de l'obliger à souscrire à toutes leurs revendications et
exigences. Si Condé n'eut pas eu Vallery, la concentration Huguenotte ne se serait
pas effectuée en ce point, la marche des révoltés se serait effectuée de toute
autre façon, et la baronnie de Bray aurait probablement été épargnée.
L'armée des protestants, une fois en mouvement, se dirigea sur Montceaux à
marches forcées. Le roi et sa cour furent sauvés de justesse grâce au sang froid et
à l'intrépidité de Jacques de Savoie, baron de Bray, qui le ramena à Paris, encadrés
par les six mille Suisses, talonnés par les troupes de Condé.
La cour désormais en sûreté dans sa capitale, les Huguenots qui campaient
dans la plaine de Saint-Denis en entreprirent le siège. Le connétable de
Montmorency, âgé de presque quatre-vingts ans, fut chargé de les dissiper à l'aide
des forces royales. La bataille de Saint-Denis fut un succès pour les royalistes, mais
le vieux connétable y laissa sa vie. Les Huguenots se retirèrent en direction de
Lagny puis de Montereau, soit de leur point de départ.
Pourquoi? parce qu'ils attendaient des renforts du duc des deux-Ponts et qu'ils
leurs avaient probablement assigné cette ville comme point de ralliement; parce
qu'il s'agissait de protéger leurs arrières et parce qu'enfin, par ces ressources, cette
région leur permettait le ravitaillement de leur armée. Ils s'emparèrent de Misy,
mirent Courlon qui leur résistait, à feu et à sang, s'emparèrent de la ville de Bray
après un siège assez court, et poursuivirent leur marche en direction de Sézanne,
se livrant partout au carnage, au brigandage et aux dévastations.
Pendant ce temps, une armée royale chargée d'arrêter cette insurrection, se
concentrait à Larchant. Elle était placée sous le commandement du duc d'Anjou,
promut lieutenant général. C'était la première campagne du futur Henri III. Comme
il n'avait que seize ans, il était assisté, cela va de soi, de compétences militaires,
parmi lesquelles Jacques Ier baron de Bray, son fidèle serviteur Carnavalet, et
Artus de Cossé qui, cette année là, devait être fait maréchal de France.
A propos de l'attaque de la ville de Bray, l'abbé Hatton, dans ses chroniques,
précise:" Les habitants de Provins élurent M. de Lours, gentilhomme catholique
demeurant à deux petites lieues, qui accepta la charge et se rendit à Provins pour
y faire le service du roi et des habitants, ayant pris pour son lieutenant M. de la
Barge, de Moulin d'Ocle, homme bien catholique et religieux.
M. de Lours assembla une compagnie de trois cents hommes, partie de gens
d'église, partie d'artisans de ville et de village. Ils furent nourris et payés au dépens
de la ville et logés par bulletins dans les maisons des habitants. Mais ils étaient si
mal nourris et équipés que les habitants n'en faisaient compte.
Sollicité d'envoyer du secours aux habitants de Bray, assiégés par les
Huguenots, M. de Lours leur envoya secours d'hommes et de poudre. En attendant
le départ de ce renfort, des messagers furent chargés de porter à Bray douze livres
de poudre à canon.
Ils emportèrent ces douze livres jusqu'au-dit Bray, où elles leur fut enlevées
par les Huguenots qui avaient passé la rivière de Seine à gué, pour garder et
empêcher le secours d'entrer dans la ville. Cent arquebusiers de la compagnie de
M. de Lours furent dépêchés sous la conduite de M. de la Barge, son lieutenant,
pour mener la nuit au-dit Bray, mais n'y entrèrent pas parce que, étant aux Ormes,
ils apprirent que la ville s'étaient rendue aux ennemis".
Après la prise de Bray, le camp Huguenot séjourné de dix-huit à vingt jours
entre Sens, Nogent et Bray. Les villages de Courlon, Montigny-le-Guesdier,
Villenauxe-la-Petite, Passy, Noyen, et d'autres villages de la baronnie furent brûlés
du feu qu'ils y mirent. Celles de Villiers-sur-Seine, Luisetaines, Paroy, furent réduit
en cendres. de nombreuses communes, limitrophes de la baronnie, furent
également saccagées.
Vers le 10 ou 12 décembre, le camp huguenot passa la rivière de Seine pour se
retirer en Brie, et les paroisses de Saint-Sauveur, Mouy, Les Ormes, Everly, Gouaix
furent remplies de cette vermine huguenote(sic) pour garder le passage de Bray,
servant d'avant-garde au prince de Condé qui était logé dans cette ville.
Après avoir traversé la baronnie de Bray, la guerre fit le tour de la France pour
se terminer, temporairement, par la paix de Saint-Germain en 1570. Après ses
exploits militaires, Jacques Ier se trouvait en présence d'un important chantier: la
reconstruction de l'église détruite par Condé. Toute la toiture était à refaire. Il
semble que la charpente et la voûte aient été réalisées par des charpentiers de
bateaux braytois, une profession qui se maintint à Bray jusqu'au début du XXème
siècle. La voûte plafonnée fait penser à une carène renversée. Les entraits sont
ornées de sculptures évoquant des textes sacrés, des personnages bibliques, un
événement au chapitre, et même les armes de la Maison de Savoie.
Jacques Ier profitant des circonstances décida l'agrandissement de l'église en la
dotant, côté nord, de hautes chapelles et d'un portail ouvrant sur la rue de l'église,
le tout, naturellement selon la style Renaissance. Evidemment, la réalisation de ce
programme demanda plusieurs années. A noter aussi la cuve des fonds baptismaux,
véritable oeuvre d'art sur laquelle le sculpteur a gravé les blasons de Bray, de
France et de Savoie, en de significatives combinaisons. Il porte la date de 1570.
Une scène représente la baptême du Christ.
Quatre chapelles furent ainsi réalisées probablement successivement et non
simultanément si l'on en juge pat l'évolution du style.
D'autre part, Jacques Ier était également un administrateur qui tenait cette
qualité de sa mère. Il entreprit donc l'organisation de la baronnie en la partageant
en mairies. A cette époque la mairie était une juridiction ou justice sur un
territoire défini et limité sous l'autorité d'un maire ou d'un prévôt.
Un registre établi par Jacques Ier, et conservé aux archives d'Auxerre, donne
détail de ces divisions administratives. Nous avons pensé que le lecteur en sera
intéressé.
Mairie de Bray- Fiefs rattachés: Mouy-sur-Seine, Grand-Peugny, Petit-Peugny,
Jaulnes, Neuvry, Mousseaux-les-Bray, Avigny, Mont-Léon, Briolles.
Mairie de Montigny-le-Guesdier- Fiefs rattachés: Villeceaux, Compigny-lesBray, Plessis-Saint-Jean, Pailly, La Garenne, Servins, Barrault, La Chenove, La
Pommeraie, La Chapelle-sur-Oreuse, Saint-Martin-sur-Oreuse.
Marie de Courlon- Fiefs rattachés: Serbonnes, Bordeau, Dumesnil, Mautret, La
Portillon, Haute-Rive.
Mairie de la Villeneuve-aux-Molières- Fiefs rattachés: Les Bordes, Valjouan.
Mairie des Ormes-sur-Voulzie- Fiefs rattachés: Couture, Moulin d'Ocle, Paroy,
Sigy, Saint-Sauveur, Servigny, Luisetaines, Savins, Jutigny, Lizines.
Marie de Dontilly- Fiefs rattachés: Sognolles (en partie), Plessis-aux-Chats,
Gurcy-le-Châtel, Bécherelles, Chalautre-la-Reposte, Charmoy, Preuilly, Gratteloup.
Mairie de Bazoches-les-Bray- Fiefs rattachés: Balloy, Gravon, La Tombe, les
Beaumonts.
Mairie de Vinneuf- Fiefs rattachés: Chaumont, Champigny-sur-Yonne,
Villeblevin, Champrond.
Mairie de Passy- Fiefs rattachés: Villiers-sur-Seine, Athis, Les Thurets, Noyensur-Seine, La Port-Montain, Vesoul(sic), Grisy, Saint-Pregts, Hautchamps,
Champignolles, Villuis, Toussacq, Baby, Plessis-du-Mée, Villenauxe-la-Petite,
Villiers-sur-Terre, Vernoy, Vertilly.
Mairie d'Egligny- Fiefs rattachés: Vimpelles, Chatenay-sur-Seine, Bourbitou,
Chantecler, Champerreux, Parouzeau, Cutrelles, Villenavotte.
Certains fiefs sont devenus des communes, d'autres sont des hameaux, et
quelques-une ont complètement disparu.
SEPTIEME DYNASTIE
Les Mesmes sont une ancienne famille du Béarn, connue depuis le XIIème
siècle, et qui joua un rôle important dans l'Histoire du Béarn et de la Navarre. On
cite Henri de Mesmes, fils de Jean-Jacques, né en 1490, qui professa à l'université
de Toulouse. La reine de Navarre lui donna une place en son Conseil où il passa au
service du roi de France François Ier.
Henri de Mesmes
Henri de Mesmes, le nouveau baron de Bray appartenait à une famille de
parlementaires et de diplomates particulièrement brillants. C'était son grand-père,
Henri de Mesmes, qui, en compagnie de Biron, avait en 1570, négocié avec les
protestants le traité de Saint-Germain. Cette paix avait été qualifiée de boiteuse
parce que le premier était seigneur de malassis et que le second boitait.
Son frère, Claude de Mesmes, comte d'Avaux, Conseiller d'Etat, fut
ambassadeur à Venise, au Danemark, en Suède et en Pologne. Il participa avec
Jean de la Barde, aux négociations d'Osnabrück, et à celle de Munster (1595-1650).
Notre baron avait épousé Marie de la Vallée des Fossés, dont l'arrière grand-père,
Gabriel de la Vallée était gentilhomme ordinaire du roi et chevalier de ses ordres.
Henri de Mesmes ne régna pas longtemps sur la baronnie de Bray, car il mourut
en 1650. Sa fille Antoinette-Louise hérité de la baronnie. C'est sans doute vers 1660
qu'elle épousa Louis-Victor de Vivonne. Georges Martin qui a étudié l'histoire de la
maison de Rochecouard et sa généalogie, ne précise pas la date de ce mariage.
Notons que les historiens considèrent généralement Louis-Victor de Vivonne
comme étant le baron de Bray, alors qu'en réalité c'est son épouse Antoinette de
Mesmes qui avait hérité de la baronnie de son père, et que la loi salique n'était pas
appliquée sur ce territoire.
Louis-Victor de Vivonne
Mais qui donc était ce Louis-Victor de Rochecouart, duc de Mortemart et de
Vivonne, prince de Tonnay-Charente, marquis de Moigneville, seigneur de
Limaloges et autres lieux?? Issu d'une famille dont l'origine est antérieure à l'an 990,
il était le fils de Gabriel de Rochecouart et de Diane de Grandseigne.
Gabriel de Rochecouart, duc de Mortemart naquit en 1600. Henri IV l'admit à
participer à l'éducation du dauphin. Il fut fait premier gentilhomme de la chambre
du roi Louis XIII en 1630, fait chevalier des ordres du roi en 1633. Nommé
gouverneur de Paris et de l'Ile de France en 1669, il fit bâtir un premier hôtel
Montmart, rue Saint-Guillaume à Paris. Intelligent, cultivé, plein d'esprit, aimant la
musique, la danse, la chasse, les grandes chevauchée en forêt, les plaisirs de la
table et les douceurs de l'amour. Il mourut en son hôtel le 26 décembre 1675.
Il eut cinq enfants: Louis-Victor, Gabrielle, Marie-Christine, Françoise-Athénaïs
et Marie-Gabrielle-Madeleine.
Louis-Victor, dès son plus jeune âge, entra à la cour où il fut enfant d'honneur
de Louis XIV. Tandis que les enfants d'honneur du jeune roi étaient négligés, bien
qu'on les eût tous mis au collège de Grassins, son père lui donna dans sa maison un
précepteur sous le quel, plus heureux que ses compagnons, il fit des progrès qui
l'ont rendu célèbre par ces bons mots.
Dès qu'il eût l'âge de porter les armes, il alla servir en Flandre comme
volontaire, sous les commandements du grand Turenne, et se distingua à l'attaque
des lignes d'Arras, à la prise de Landrecies et de Condé en 1655. Elevé au grade de
mestre de camp, il partit pour l'Italie et servit dans l'armée navale commandée par
le duc de Beauford, amiral de France. L'année suivante il fut employé en qualité de
maréchal de camp des armées du roi, et sous les ordres du même chef, à
l'expédition contre Gigéri, dans le Royaume d'Alger, dans laquelle il exerça par
commission le charge de général des galères. la guerre ayant été déclarée à
l'Espagne en 1667, il se distingua en Flandre, sous les yeux du roi, aux sièges d'Ath,
de Tournay, de Douai et de Lille.
Après la paix d'Aix-la-Chapelle, il parut à la tête d'une escadre devant Alger, et
obligea la régence à faire avec la France un traité pour la sûreté du commerce. Il
eut ensuite le commandement des galères avec les quelles il alla, en qualité de
général de l'Eglise, au secours de l'île de Cadie.
Après le mort du duc de Beaufort, il monta le vaisseau amiral. Lorsqu'à son
retour il passa par Rome, le pape Clément IX lui donna les marques les plus
distinguées de son estime, et l'honora du gonfalon de l'Eglise, avec permission de le
porter dans ses armes, lui et sa postérité. En 1669, il fut pourvu de la charge de
général des galères. Cette dignité l'obligea de fixer son séjour à Marseille.
En 1672, la guerre ayant été déclarée aux Hollandais, il se trouva au fameux
passage du Rhin. Son cheval de bataille, appelé Jean Le Blanc, fit au milieu du
fleuve un faux pas qui faillit renverser son maître. Tranquillement Louis-Victor lui
dit:" Tout beau, Jean Le Blanc, voudrais-tu me faire mourir en eau douce un
général des galères?". Au même moment il reçut à l'épaule un coup de feu dont il
ne guérit jamais et qui le força de porter toujours le bras en écharpe, mais il
supportait gaiement cette disgrâce. Durant la campagne de 1673 il servit encore en
Hollande et se signala au siège de Maëstricht. Le roi récompensa ses services en lui
donnant le gouvernement de la Champagne en 1677, avec le titre de Vice-Roi de
Sicile. Son père étant mort en 1675, il exerça la charge de premier gentilhomme de
la chambre, et mena désormais la vie de courtisan voluptueux, ami des lettres, et
disposé à plaire au roi en bassesse.
A cinquante-deux ans, il était parvenu au comble des honneurs: riche, aimé de
son maître, il avait un fils qui donnait les plus belles espérances, et à qui le roi
avait accordé la survivance de toutes les charges du père, mais ce fils mourut le 3
avril 1688. Le duc de Vivonne en fut gravement affecté, et il ne tarda pas à le
suivre dans la tombe. Il mourut de 15 septembre 1688, après une douloureuse
maladie, suite de ses excès autant que de ses blessures.
Il avait quatre sœurs: Gabrielle née en 1633, Françoise-Athénaïs née en 1640,
Marie-Christine dont nous n'avons pas eu la date de naissance, et Marie-GabrielleMadeleine, née en 1645. La première épousa le marquis de Tranges, la seconde le
marquis de Montespan, les deux autres entrèrent au couvent.
Seule, Madame de Montespan nous intéresse dans le cadre de cet ouvrage.
L'abbé Têtu déclara un jour:"Madame de Montespan parle comme une personne qui
lit, Madame de Trianges comme une personne qui rêve, Madame de Fontevrault
comme une personne qui parle".
Françoise-Athenaïs était, selon Saint-Simon, " Belle comme le jour jusqu'aux
derniers moments".
Madame de Montespan
La marquise de Montespan avait obtenu pour elle, par le crédit de Monsieur,
frère du roi, auquel il était attaché, une place de dame du palais de la reine. La
marquise de Montespan parut à la cour avec tout ce qu'il faut pour se faire
remarquer et pour plaire. A la beauté, elle joignait l'esprit, le plus vif, le plus fin,
le mieux cultivé, Louis XIV, occupé par son amour pour le duchesse de la Vallière,
ne fit pas, de prime abord, attention à Madame de Montespan. Mais lorsque celle-ci
se fut liée avec la duchesse, le roi, la rencontrant souvent chez sa maîtresse et
chez la reine, remarqua sa conversation, et insensiblement, il se laissa charmer par
la belle marquise.
On s'aperçut après quelques temps de la liaison, devenue intime, qui s'était
établie entre le roi et elle. C'est à partir de 1670 qu'éclata la faveur de madame de
Montespan. En 1671, le comte de Lauzin fut mis à Pignerol pour avoir eu l'audace
de se cacher sous le lit de Madame de Montespan pendant que le roi s'y trouvait.
Monsieur de Montespan avait d'abord espéré tirer maints avantages de cette
situation, mais impatient, il se porta publiquement à des excès scandaleux qu'il
s'attira l'ordre d'aller vivre dans ses terres.
Nous n'insisterons pas sur ces ébats et aventures amoureuses, car nous pensons
que les lecteurs les connaissent déjà depuis longtemps.
De ces amours royales naquirent dix enfants. Les deux premiers moururent en
bas âge, et les deux derniers furent cachés à la connaissance du roi. Les six autres
furent légitimés; ce sont: le comte de Vexin, le duc du Maine, Mademoiselle de
Nantes, Mademoiselle de Tours, Mademoiselle de Blois, et le comte de Toulouse.
Tous ces bâtards légitimés furent élevés par Madame Scarron, qui deviendra
Madame de Maintenon, et qui finalement épousera le vieux roi, sans jamais porter
le titre de reine.
Nous voici parvenus à l'épilogue.
Mademoiselle de Blois
Mademoiselle de Blois fut épousée par Philippe, duc d'Orléans, arrière-petit-fils
d'Henri IV. A la mort du roi Louis XIV le 1er septembre 1715, il devint régent du
royaume de France en attendant la majorité de Louis XV.
Cette maison d'Orléans a été représentée par la suite par d'illustres
personnages, tel le roi Louis-Philippe Ier dont une fille épousa le premier roi des
Belges, dynastie toujours régnante. D'autres descendants se rencontrent dans
presque toutes les familles royales d'Europe.
HUITIEME DYNASTIE
Louis-Victor de Rochechouart et Antoinette de Mesmes eurent six enfants, dont
Louis, le seul garçon, qui mourut en 1688 quelques jours avant son père. Au décès
d'Antoinette en 1709, c'est donc Jean-Batiste, fils unique de Louis qui hérité de la
baronnie de Bray. Il était né en 1682. Il fut d'abord connu sous le nom de comte de
Rochechouart, puis duc de Mortemart. A l'âge de 17 ans il fut capitaine au régiment
de Champagne, ensuite colonel de celui de Béarn en 1702, puis de dauphin
infanterie en 1704. Il se trouva au siège de Nice en 1706.
Il fut reçu au Parlement comme duc et pair de France le 16 janvier 1747. Le
marquisat d'Everly n'a jamais fait partie de la baronnie de Bray, mais depuis le
baron de Mesmes, son château était resté la résidence habituelle de la famille
quand elle n'était pas à Paris. De ce fait, le palais des Ducs de Bourgogne à Bray se
trouva peu à peu abandonné. Toutefois, les actes de vassalité devaient toujours
s'effectuer à la Grosse Tour, aussi, étant souvent absent de Bray, le baron avait fini
de déléguer ses pouvoirs à un procureur fiscal. Ainsi, c'est devant cet officier, que
le 24 juillet 1756, Jean-François-Alexandre de Bernard put reconnaître tenir
noblement, en pleine fief, foi et hommage, sa terre et seigneurie de Champignysur-Yonne, du baron de Bray, duc de Rochechouart-Mortemart.
Signalons qu'en 1717, il avait fait effectuer des réparations au pont de Bray, et
un péage avait été institué pour en couvrir les frais.
Ce baron rendit l'âme le 16 janvier 1757.
De son mariage avec Marie-Madeleine Colber, il eut quatre enfants: Louis
(1708-1725), Marie-Anne, décédée en bas âge, Jean-Baptiste-Victor né en 1712, et
Charles-Auguste, décédé en bas âge.
Seul vivant à la mort de son père, c'est donc Jean-Baptiste-Victor qui hérita de
la baronnie de Bray. Il fut d'abord appelé le Chevalier de Rochechouart, ayant été
reçu Chevalier de l'Ordre de Malte dès le berceau.
Il fut capitaine de cavalerie au régiment de Saint-Simon en 1730; colonel et
brigadier des armées du roi en 1743; il obtint le 4 octobre 1750 de Monsieur
Languet, archevêque de sens, l'autorisation d'édifier dans son château d'Everly, une
chapelle privée, dédiée à Notre-Dame et à Saint-Jean l'Evangéliste. Il mourut à
Paris le 30 juillet 1771. Une croix de Malte en pierre d'ardoise perpétue son
souvenir au début de l'allée centrale de l'église de Bray.
Lorsque Jean-Baptiste-Victor hérita de la baronnie, il constata une situation
financière déficitaire et dut prendre des mesures en conséquence.
Dès 1758 il loue à bail à Maître Bijole, notaire à Bray, le greffe du bailliage des
eaux et forêts du marquisat d'Everly et du bailliage de Saint-Sauveur, avec le droit
de scel des sentences et actes, mais avec obligation de tenir de bons registres pour
les procès criminels à la requête du-dit seigneur. Le prix de location est fixé à 390
livres par an.
En 1764, il loue la chasse au pluvier, moyennant 22 livres. Le 1er janvier 1768,
il loue au sieur Claude Morisot, le péage du pont de Bray pour la somme de 250
livres par an. Au mois de novembre 1770 il loue le droit de chasse aux canards pour
90 livres par an.
Au cours de cette période il semble que l'on ait effectué quelques grands
travaux routiers. Par bonheur, Daniel Trudaine possédait quelques fiefs dans la
baronnie, et c'est probablement à lui que nous devons quelques routes plus
rectilignes que les anciens chemins dont certains pouvaient dater de l'époque
gauloise. Trois grands axes furent ainsi réalisés: la route de Bray à Dontilly, la
route Montereau - Bray-sur-Seine - Nogent-sur-Seine, et la route de Bray-sur-Seine
à Pont-sur-Yonne.
Rappelons que Trudaine avait été nommé directeur des Ponts et Chaussées en
1743.
Il avait fondé l'Ecole des Ponts et Chaussées en 1747, et créé le corps des
Ingénieurs des Ponts et Chaussées en 1750.
Jean-Batiste-Victor de Montemart, décéda en 1771.
De son second mariage avec Charlotte de Manneville il eut cinq garçons dont
l'aîné lui succéda à la baronnie de Bray: Victurnien-Jean-Baptiste était né le 8
février 1752 à Everly.
Il entra très jeune dans l'artillerie et fut, en octobre 1768, admis à l'école
d'artillerie de Strasbourg. Il fut nommé colonel du régiment de Lorraine d'infanterie
le 20 mars 1774, puis brigadier des armées du roi le 1er janvier 1784, et maréchal
de camp le 9 mars 1788.
Sur le plan financier, il se vit contraint de poursuivre les pratiques de son père
et, dès le 13 mars 1772, il loua les fours banaux à Pierre Billy, boulanger, contre la
somme de 600 livres et, le 1er juillet de la même année, la pêche de la rivière
Seine, moyennant 150 livres.
En 1775, il vend à Maître Colmet-Daage, avocat au Parlement, son procureur
de bailliage de Bray et Everly, une charge de notaire royal pour la somme de 1200
livres. Cette même année, il fait construire à ses frais par Noël de Cugnières la
route d'Everly à Bray.
On pourrait penser que les affermages des barons de Bray auraient pu être
réalisés en vue de soulager des soucis de gestion, mais ces apparentes difficultés
financières n'étaient-elles pas le reflet de la situation de la France?
La politique intérieure de Louis XVI est caractérisée par une instabilité
constante, et l'on voit se succéder une suite de ministres que le peuple conteste et
renverse: Turgot, Jacques Necker, Calonne, Lamoignon, Brienne...
Mais la véritable cause du mécontentement populaire était surtout un manque
de nourriture, et la rareté faisait monter les prix, la misère ne cessait de
s'accroître.
La raison initiale est que depuis quelques années les récoltes n'avaient pas été
satisfaisantes et, si en campagne les laboureurs (le mot cultivateur n'était pas
encore en usage) subissaient une diminution de leurs recettes, dans les villes la
pain se faisait rare et cher.
A Bray, le 21 décembre 1788, eut lieu une assemblée des habitants sous le
présence du bailli. Les maires et échevins exposèrent que la rigueur et la dureté
des temps avaient interrompu le commerce des grains, du fait que la Seine était
prise par les glaces depuis plusieurs semaines; de telle sorte que la classe la plus
nombreuse de la population, qui est aussi la plus malheureuse et la plus indigente,
composée de mariniers, bachotteurs, et voituriers par eau, manquaient de
ressources. L'assemblée donna le pouvoir aux officiers municipaux de faire des
distributions de pain.
Certes, la misère était grande, et cela était le résultat non seulement de
mauvaises récoltes, mais aussi d'un hiver particulièrement rigoureux au cours
duquel des individus allaient dans les fermes acheter les grains et faisaient monter
les cours, spéculant sur la misère du peuple. Il y eut quelques émeutes à Bray, sans
gravité, sauf celle du 1er mai 1789 dans la halle aux grains où l'on força les
fermiers à livrer leur grain au-dessous de leur valeur réelle.
Toutes ces difficultés du moment aidaient à propager dans les esprits des idées
porteuses d'espoir que des agitateurs semaient au hasard des rencontres et
discussions, promettant dans un proche avenir, une ère de prospérité, de liberté,
de justice et de solidarité.
Le 8 août 1788, le roi avait fixé le convocation des Etats-Généraux pour le 5
mai 1789. Au jour dit, l'ouverture officielle eut lieu à Versailles, en présence du roi
et de mille deux cents députés. le tiers s'opposa aux deux autres ordres.
Victurnien-Jean-Basptiste avait succédé à son père comme duc et pair de
France. Il fut député de la noblesse des bailliages de Guéret et de Sens, aux EtatsGénéraux. Il fit parte de la seconde Assemblée des notables, où éclatèrent en
maintes circonstances, son talent d'orateur et son entente des affaires.
Comme pair de France, il soutient, au Parlement, la cause des protestants pour
leur faire rendre droits civils.
Le 5 août 1791, il prit part à la grande discussion qui eut lieu dans l'Assemblée
constituante, au sujet de l'hérédité royale. Muni de la teneur du traité d'Utrecht, il
en donna lecture et, puisant la droiture de son esprit et la chaleur de ses
convictions légitimistes, les arguments les plus judicieux et les plus forts, il
contribua à éclairer les Constituants qui votèrent par 541 voix contre 438 la motion
suivante:" L'Assemblée reconnaît par acclamation et déclare comme points
fondamentaux de la Monarchie Française, que la personne du roi est inviolable et
sacrée, que le trône est indivisible. La couronne est héréditaire dans la famille
régnante, de mâle en mâle, par ordre de progéniture, sans entendre rien préjuger
sur l'effet des renonciations."
Quelques mois plus tard il donnait sa démission pour se reposer à la campagne.
Victurnien-Bonaventure de Rochechouart de Montmart, frère cadet du
précédent, né à Everly le 20 octobre 1753 servit aussi dans l'artillerie. Il fut
capitaine au régiment de Navarre en 1771, puis colonel en 1784, et colonelcommandant en 1784, toujours dans le même régiment. En 1788 il présida
l'Assemblée de la noblesse du bailliage de Rouen, et fut élu par cette même
assemblée, le 23 avril 1789, député de son ordre aux Etats-Généraux.
Nous n'avons pas pu déterminer auquel des deux frères on doit attribuer
l'abolition des privilèges et des droits féodaux votée par l'Assemblée dans la nuit du
4 août 1789, selon une tradition sur la proposition du député Mortemart.
Cependant la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789 n'avaient pas résolu les
problèmes, ni rétablit le calme.
Dès le 28 octobre 1790 l'Assemblée constituante affirme le Droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes.
C'est en 1791 que l'Assemblée constituante décide de la départementalisation
et de la suppression des provinces. Les députés de Navarre protestent et se retirent
de l'Assemblée.
Dans la baronnie les avis sont partagés. On sait qu'au cours de l'Histoire les
mouvements populaires n'y ont apporté que des troubles, des pillages et des
victimes.
Quant au baron, il a compris, le 18 juin de cette année-là; il cède à la
municipalités de Bray, les poids, balances, aulne, étalons et matrices pour la
somme de 222 livres.
La France, il le pressent, va traverser une période terrible, et tandis que
gronde la révolution dans la capitale, il se prépare à se réfugier en Angleterre.
PROPOS SUR LE MONTOIS
La région du Montois, du bas-latin Montesius (pays montueux) est situé sur la
rive gauche de l'Auxence, donc hors limite de la baronnie de Bray-sur-Seine. Le
montois (au livre des vassaux: Montioz, après 1221) n'eut aucune importance au
point de vue politique et administratif.
Il semble qu'un seigneur de la région, ait décidé de bâtir un château sur l'un
des points élevés du secteur sud de ce territoire.
La localité qui s'établit sur le versant nord de la colline prit le nom de Mons,
bien évocateur du lieu.
la tradition qui rapporte la prédominance de Mons et qui paraît considérer
cette localité comme ayant été une sorte de capitale ou chef-lieu du Montois,
serait une erreur. C'est le château qui est important et non le village à ses pieds.
De l'avis de tous les auteurs érudits qui ont étudié cette région, il n'y a jamais eu
de province du Montois, quoique ait put prétendre F.A. Delettre.
Suivant le souhait de la reine de France, le Montois proprement dit est devenu
une baronnie qui appartint, à partir du IXè siècle, aux chanoine de Tours.
Ainsi, les chanoines de Saint Martin de Tours eurent-ils pour mission de
christianiser le Montois, étendant même leur influence sur de nombreux villages
des environs.
Eglise et cloître de Donnemarie en Montois
Il semble que le doyen de cette communauté aurait, en outre, eu le titre de
baron du Montois. Toutefois, selon les documents officiels, le Montois dépendait
administrativement de la Grosse Tour de Bray, ce qui laisse à entendre que le
Montois était rattaché à la baronnie de Bray.
Nous présumons que les chanoines de Saint Martin de Tours auraient édifié, sur
le flanc sud de la colline du Montois, vers le Xè siècle, un premier édifice religieux
sous le vocable de Donna maria, ou Dona Maria, selon l'évolution du latin de
l'époque.
Avec le temps, le bâtiment prit de l'importance, profitant des styles successifs
en usage, tandis que le vocable passant du latin au français devint Donnemarie,
baptisant ainsi la localité groupée autour de son église. C'est alors que Donnemarieen-Montois devint le chef lieu de la région, comprenant Thenisy-en-Montois,
Sognolles-en-Montois, Mons-en-Montois et Cessoy-en-Montois.
Tour de l'église de Mons en Montois
Pour clore ces propos, nous évoquerons la fin du périple que Catherine de
Médicis fit effectuer à son fils Charles IX, en 1565, pour lui faire découvrir son
royaume. En fin de parcours, ils furent reçus à Noyen-sur-Seine par de Kernevenoy
(dit Carnavalet), seigneur du lieu; puis le lendemain, après un court arrêt à Braysur-Seine, ils furent accueillis par Pierre Thierry, seigneur de Mons-en-Montois et
possesseur du château que nous avons évoqué au début de ces propos.
RETRAITE DE MEAUX
La 29 septembre 1567. Marche du régiment Suisse de Pfiffer, de Meaux à Paris,
précédé des chevaux légers du roi, commandés par Jacques de Savoie, baron de
Bray-sur-Seine, duc de Nemours; la cavalerie des Huguenots, ayant à sa tête la
prince de Condé et l'Amiral de Coligni, s'efforce de rompre , par ses décharges, le
bataillon quarré des Suisses. Elle répète, avec le plus opiniâtre acharnement, ses
attaques en plein jour et en rase campagne, pendant sept lieues de chemin mais la
fermeté des Suisses les rendit toutes inutiles.
Les Huguenots ne firent leur retraite que sur le déclin du jour. Les Suisses
continuèrent leur marche jusqu'aux faubourgs de Paris. Charles IX avait montré la
grande intrépidité au milieu des attaques. Il ne cessait d'encourager le bataillon et
il disait qu'il aimait mieux mourir roi que vivre serf et captif.
Nous devons la gravure ci-après, à l'amabilité de Monsieur Jean-Claude Samara,
qui a bien voulu accepter de nous en laisser faire une reproduction, ce dont nous le
remercions très vivement.
La gravure en avait été réalisée par Louis-Joseph Masquelier, d'après le tableau
original peint par un peintre que nous n'avons pas pu identifier, dans un château
qu'il ne nous a pas été possible de déterminer. Le peintre en cause a
vraisemblablement été témoin des combats, ainsi que cela se faisait à l'époque.
Quant à Louis-Joseph Masquelier, c'est un graveur français né à Cigoing (Nord)
en 1741 et mort à Paris en 1811. Il réalisa donc sa gravure environ deux siècles
après la bataille en cause.
Jacques Ier avait épousé sa maîtresse Mademoiselle de Guise, en 1566, bien
qu'ayant déjà un enfant avec Mademoiselle de Rohan. De son mariage légitime il
eut deux enfants: Charle-Emmanuel, né en 1567 et Henri, né en 1572. En plus des
diverses activités il avait conservé des contacts étroits avec sa famille de Savoie, et
c'est à Annecy qu'il mourut en 1585. Charle-Emmanuel hérita de la baronnie de
Bray. Du vivant de son père il porta le titre de prince du Genevois. Apparenté aux
Guises il avait été nommé gouverneur de Paris.
Cependant, le 24 août 1572, le massacre de la Saint-Barthélémy, à Paris
comme en province, provoque des milliers de morts et entraîne une nouvelle
guerre de religion.
En 1576, Henri de Navarre prend la tête de l'armée protestante. La France vit
une nouvelle période de troubles et de combats entrecoupés de courtes trêves. Le
2 août 1589, le roi Henri III est assassiné à Saint-Cloud. Henri de Navarre accède au
trône de France; mais c'est un roi sans royaume, et il doit conquérir la France.
Dès les premiers jours de mars 1590, Henri de Navarre, devenu Henri IV, après
avoir soumis la Maine et la Normandie, se retourna vers Paris. Il y eut choc à Ivry,
avec l'armée de Mayenne, le 14 mars au matin. On connaît les péripéties de cette
bataille qui fut une victoire pour le Béarnais.
A la fin de mars 1590, Henri IV se trouvait maître de la vallée de la Seine, de
Rouen jusqu'aux portes de la capitale, dont le baron de Bray, Charles-Emanuel, se
trouvait être gouverneur et ne voulait pas se rendre. Il résolut alors de s'emparer
des villes de la Haute-Seine, et d'empêcher ainsi le ravitaillement de Paris qu'il
voulait assiéger sans plus de retard.
Dans cette vue il partit de Mantes le 28 mars et, après avoir reçu la soumission
de Corbeil, Lagny, Melun, Moret, Crécy, et Provins, il entra le 15 avril à Montereau.
Pont-sur-Yonne et Bray-sur-Seine capitulèrent dans ce même temps. Il fit occuper
les ponts et alla s'établir à Bray le mardi 15 avril, décidé à y rester jusqu'à Pâques,
"pour donner loisir à chacun de faire ses dévotions".
Les caprices de l'Histoire font qu'il était reçu par Henri de Savoie, le frère de
Charles-Emmanuel, gouverneur de Paris.
De Bray, Henri IV envoya une trompette sommer la ville de Sens de lui ouvrir
ses portes. Il avait eu avis, affirme comte de Bastard, que des démêlés s'étaient
élevés entre les autorités sénonaises, et il voulait en profiter pour s'assurer de
cette place sur la rivière d'Yonne. Avant de faire une réponse définitive, les
habitants de Sens demandèrent délai jusqu'au lundi de Pâques, 23 avril.
Depuis 1584, époque où l'on assurait que les Valois s'éteindraient sans
postérité, Sens était une ville dont le zèle catholique ne s'était pas démenti. La
ligue y avait trouvé des partisans frénétiques dans toutes les classes de la société,
et Jacques Harlay de Champvallon, gouverneur pour Mayenne, incitait à la
résistance. Ancien amant de Marguerite de Valois, Champvallon avait des raisons
personnelles de s'opiniâtrer.
La garnison, peu nombreuse, était commandée par des officiers résolus: le
capitaine de la Motte-Coutelas, gouverneur d'Auxerre, le Marquis Malavicinis,
l'Italien Peloso. Les habitants avaient creusé des fossés, élevé le rempart de la
porte Saint-Antoine, et construit deux casemates. Le 23 avril, le parlementaire
royal fut renvoyé à Sens, mais les habitants refusèrent de se rendre.
Vingt-quatre heures ne s'étaient pas écoulées que Champvallon avertissait le
Maréchal d'Aumont qui était au camp d'Henri IV, de son désir de l'entretenir.
les négociations durèrent deux jours, et aboutirent à un projet de capitulation
préparé dans une assemblée présidée, le 26 avril, par l'archevêque de Sens, Nicolas
Pallevé, et à laquelle avaient assisté le gouverneur de la ville et les capitaines des
compagnies d'hommes d'armes, l'archidiacre et le trésorier de l'église, le lieutenant
général et le lieutenant particulier, l'avocat du roi, le maire, les échevins, les
conseillers du bailliage, les capitaines des quartiers, et des marchands.
Les articles de cette capitulation servaient de courte-échelle à tous les
dignitaires présents à l'assemblée du 26 avril, ainsi qu'à leurs parents et amis,
absents de la ville.
Henri IV reçut ce document à Bray le 27 avril. Il était porté par la MotteCoutelas, accompagné du lieutenant particulier Delépine, et d'un échevin de Sens
muni de pleins pouvoirs. Le roi examina les conditions, sourit à plusieurs reprises,
et renvoya les plénipotentiaires en leur promettant de passer par leur ville.
Le maréchal d'Aumont précéda d'un jour le monarque dont le projet était
d'être à Sens le dimanche 29 avril. Mais le 28 au soir, Henri IV fut averti que la
populace de la ville, travaillée par les moines, s'était soulevée, et ne voulait pas
entendre parler de capitulation. Une lettre de Champvallon confirmait cette
nouvelle. Le gouverneur, pour éviter la fureur du peuple, avait dû se retirer à
l'archevêché.
Le roi prit immédiatement la route de Sens et arriva dans les faubourgs avec
son artillerie, sur les quatre heures du soir. Les pièces furent de suite mises en
batterie, mais pour donner aux habitants le temps de parlementer, on ne
commença le feu que le lendemain à dix heures du matin. La ville était sur une
forte défensive. Les assiégés, sans trop de mal, essuyèrent les premières
décharges, causant eux-mêmes des pertes à l'ennemi.
Au dire des chroniqueurs, une compagnie de volontaires se fit surtout
remarquer. Elle avait pris le nom de Compagnie du Sabot, d'où les soldats qui en
faisaient partie, celui de Sabotiers. " Ce sont les sabotiers de Sens" répondit-on.
"Ventre Saint-Gris, fit le monarque, si ce sont là prouesses de sabotiers de cette
ville, que ne doit-on pas attendre des autres corps de métiers."
A deux heures du soir, la brèche étant devenu praticable, le Béarnais envoya à
l'assaut ses arquebusiers qui furent repoussés. Le narrateur royalistes du Journal
de ce qui s'est passé en l'armée du roy, raconte de la façon suivante l'attaque
d'Henri IV:
"... Sa Majesté feist hier investir promptement la ville et logea son artillerie
avec une diligence incroiable, tellement qu'en un même jour, ils se trouvèrent
investis, battus et assallys. Depuis cette heure-là, on ne s'aperçeut plus de rumeur
ny division dans la ville, parce que sa Majesté étoit en doubte de l'éstat du dedans
et ne voulait pas laisser perdre ceste ambiguïté ses bon sujeectz qui avoient tenu
son party, sa Majesté envoya quelques nombres d'arquebusiers pour se loger sur le
brèche qui n'étoit qu'une tour ouverte, et quelques pas de courtine, n'y ayant esté
tiré que deux cents coups de canon, prou suffisans toutefois, si partye de ceulx de
dedans eussent esté en armes par luy comme on l'avoit asseuré.
Lesdits arquebusiers s'y logèrent et furent suyviys de plusieurs, tant de la
noblesse que des régiments pour y donner mais oultre ce qu'il apparut assez en la
forme de leur défense, qu'ils n'étoient pas en division dans la ville, sa majesté fut
advertie, par une voye secrète qu'ils étoient bien d'accord, et non sans occasion
d'avoir oppinions que la négociation, dés le commencement, n'avoit pas été
sincère".
Il semble en effet que ce ne fut que pour retarder la marche du roi sur Paris
que le gouverneur de Sens et les notables firent croire à leur intention de
capituler. Désabusé, Henri IV abandonnant la ville où il eut fallu soutenir un siège
en règle, quitta les faubourgs le 3 mai et se dirigea sur l'Ile de France. Privée de
ses privilèges en 1591, la ville de Sens fera sa soumission le 16 avril 1594.
Le 25 juillet 1593, Henri IV abjure le protestantisme. Le 27 février 1594, il est
sacré roi à Chartres et le 22 mars, il entre dans Paris.
Charles-Emmanuel entre temps avait quitté son poste de gouverneur du
Lyonnais avec l'intention de continuer la lutte. Mais l'archevêque de Lyon, Pierre
d'Epinac, le fit enfermer à Pierre Encize en 1593, au moment où il songeait à se
constituer une principauté indépendante avec le Lyonnais, Le Forez, le Beaujolais,
le Minervois et le Dauphiné.
Il s'échappa l'année suivante, et il préparait, avec l'aide des Espagnols, une
expédition contre Lyon en 1595 lorsqu'il mourut.
Durant sa longue absence et ses aventures diverses, son frère Henri de Savoie,
assumait les fonctions de duc de Nemours et de baron de Bray. Jusqu'au décès de
son frère Charles-Emmanuel, il fut connu sous le titre de marquis de Saint-Sorlin.
Entraîné par les Guise, il s'engagea dans le parti de la Ligue et devint gouverneur
du Dauphiné en 1591.
Il se réconcilia avec Henri IV en 1596, puis il se retira dans son château
d'Annecy. Il reparut à la cour en 1616 et épousa en 1618, Anne de Lorraine, la fille
unique du duc d'Aumale. Il fit représenter un grand nombre de ballets à la cour.
De son mariage il eut deux fils: Charles-Amédé, né en 1624, et Henri, né en
1625. Lui-même décéda en 1632.
Son fils Charles-Amédé lui succéda au duché de Nemours et à la baronnie de
Bray. Il servit comme volontaire aux sièges de Gravelines en 1645 puis de Béthune
et de Lens. En 1646 il commanda la cavalerie au siège de Courtrai. Cependant, il
apparaît que, vivant probablement au-dessus de ses moyens, la famille de SavoieNemours avait des difficultés financières. Pour cette raison, Henri, cadet de
Charles-Amédé, avait été destiné à l'état écclésiastique. On le trouve d'abord Abbé
de l'abbaye de Saint-Rémi de Reims puis, en 1651, il fut nommé archevêque de
Reims.
Résidant le plus souvent à Paris à proximité de la cour, Charles-Amédé ne
semble pas s'être intéressé beaucoup aux affaires de la baronnie de Bray sauf, sans
doute, en ce qui concerne les ressources qu'il pouvait en tirer. Son père avait été
plus attentif à l'administration de la baronnie si l'on en juge par le fait que le 15
janvier 1603, il avait fait assigner au Parlement un nommé Boizelu, fermier du
greffe de Provins, pour lui faire défense de poursuivre les appellations de Bray-surSeine autre part qu'à la dite cour, et de contester ailleurs qu'en celle les droits de
prairie audit Bray. Cet exemple, entre autres, atteste bien le statut de
protectorat, voire de principat de la baronnie de Bray.
Mais revenons à nos deux garnements de Charles-Amédé et Henri, duc-baron et
archevêque. Leur situation financière les met aux abois et les pousse à faire argent
de leurs biens. En 1645, ils obtiennent du Parlement un arrêt qui leur permet de
vendre la baronnie de Bray, les terres et seigneuries de Courlon et Villeneuve-leComte, moyennant la somme de 186.000 livres, à la charge que la dite somme sera
employée au paiement des dettes de Monsieur le Duc de Nemours et de l'abbé
Saint-Rémi de Reims. Ainsi va se terminer la sixième dynastie des barons de Bray.
Le 10 juillet 1647, Charles-Amédé de Savoie et Henri de Savoie vendent la
baronnie de Bray à Monsieur le Président Henri de Mesmes, seigneur de Roissy, et à
madame Marie de la Vallée des Fossés, marquise d'Everly, son épouse. Après la
liquidation de la baronnie de Bray, Charles-Amédé se laissa entraîné dans la Fronde
par sa maîtresse, la duchesse de Chatillon, et prit part aux combats de Bléneau et
du Faubourg Saint-Antoine où il reçut neuf blessures. Il fut tué quelques temps
après d'un coup de pistolet dans un duel avec son beau-frère, le duc de Rochefort.
Quant à Henri, à la mort de son frère en 1652, il se fit relever de ses vœux,
entra dans le monde, et se maria en 1657 avec Marie d'Orléans-Longueville. Il
mourut sans enfant en 1659.
STATUS QUO
Une meute de fanatique s'est emparée du pouvoir mais personne ne gouverne
vraiment. les attaques se déchaînent pratiquement contre tout et contre tous. la
noblesse d'abord, puis le clergé avec la suppression des ordres religieux, la saisie
des biens, voire même la démolition d'édifices du culte. Tous les biens seigneuriaux
et ecclésiastiques sont déclarés biens nationaux.
En 1791, on proclame l'abolition des corporations, des maîtrises et des
jurandes; puis c'est l'interdiction des associations patronales et ouvrières.
Suppression du droit de grève.
Enfin la constitution des tribunaux d'exception où les loups vont pouvoir se
dévorer entre-eux, et supprimer toute personne déclarer suspecte. Le roi même n'y
échappera pas et mourra sur l'échafaud le 21 janvier 1793.
Ce faisant, les révolutionnaires ne guillotinaient pas que le roi de France, mais
du même coup le roi de Navarre, dont le peuple, deux siècles plus tard, criera
encore vengeance.
Et cette même année, c'est toute l'Europe qui se coalise et entre en guerre
contre la France, tandis que les provinces entières se soulèvent contre ce désordre
général. La Bretagne, la Provence, et diverses villes contestent contre les
responsables de cet ensemble de calamités.
Dans la baronnie de Bray, on demeure dans l'expectative. Evidemment il s'y
trouve aussi quelques révolutionnaires, mais semble-t-il assez peu fanatiques. Les
édiles Braytois sont restés relativement modérés, ayant plus le souci de leurs
administrés que de la politique partisane, bien que quelques enragés se soient
distingués, provoquant de fréquent changements de maires et responsables locaux.
Dans l'esprit de nombreux habitants, tant en ville qu'en campagne, on se
considérait un peu comme dans un no man's land, en raison du statut spécial de la
baronnie.
Il n'empêche que l'église de Bray devint le temple de la raison. Risible, n'estce-pas, de vouloir honorer la raison après avoir détruit tout ce qui pouvait être
raisonnable dans tous les domaines de la vie courante, dans le travail et dans les
institutions? Car dans la baronnie il y avait des écoles, des hôpitaux, du travail, du
commerce, et un art de vivre, même avec de faibles moyens.
Ainsi, malgré la tourmente qui sévissait aux frontières de la petite principauté,
au mois de janvier 1790 on avait installé douze réverbères. Puis, pour lutter contre
le chômage engendré par les troubles extérieurs, on organisa un atelier de charité.
En 1791, le maire, Colmet-Daage établit un arrêté en trente-quatre articles
concernant la marché aux grains. A la séance du Conseil du 2 janvier 1792, à Bray,
on s'occupe de la formation de la garde nationale.
Des troubles s'étant produits le vendredi 23 mars sur le marché aux grains, les
commandements de la garde et de la gendarmerie sont requis pour maintenir de
l'ordre. On prend des mesures nécessaires pour protéger les cultivateurs qui
viendront au marché du 30. Pour le marché du 6 avril, on requiert quatre-vingt-dix
hommes de la garde nationale. On est obligé de prendre les mêmes mesures durant
tout le mois.
En France, la république est proclamée le 21 septembre 1792. Quelques jours
après, Vigny, ancien maire de Bray et député à la Convention, dans le procès de
Louis XVI, votait pour la détention et le bannissement jusqu'à la paix. Jean Nicolas
Vigny, originaire de Commercy, était venu se fixer à Bray où il exerçait le métier
de tailleur. Partisan de réformes utiles mais nullement révolutionnaires, en 1789, il
se retrouvait maire de la ville. En 1791 il était élu député de la Convention.
Le 10 juin 1794, les lois de prairial réorganisent le tribunal révolutionnaire en
instaurant la Grande Terreur. A Paris, la guillotine coupe les têtes sans
interruption. Les condamnées arrivent par charetté. Nombreux sont ceux qui
abandonnent la capitale pour se mettre en sécurité à l'étranger. L'Angleterre,
l'Autriche, l'Allemagne et l'Espagne accueillent des Français de toutes conditions.
Mais les frontières sont loin et difficiles à atteindre. Aussi certains se risquent à
chercher refuge dans la baronnie de Bray qui semble jouir du statu quo.
Reçus et hébergés à Bray même, ou dans les villages, certains y ont laissé le
souvenir de leur passage ou de leurs activités, comme par exemple, la famille
Chassaigne qui fit souche à Mousseaux et qui est, dit-on, à l'origine de la culture
maraîchère.
Nous citerons aussi Sophie Maillard qui se savait menacée car elle avait
soustrait à la rage révolutionnaire une petite châsse contenant des reliques de
Martyrs des catacombes, qui se trouvait dans l'église des Minimes de Paris. Cet acte
de courage, mais surtout sa démonstration de piété, lui valut d'être condamnée à
l'exil. Ce fait atteste donc formellement la neutralité du territoire de Bray-surSeine, et le statu quo concernant l'ancienne baronnie.
Quelques jours après le 9 brumaire an III, probablement le 19, l'assemblée
municipale ordonne l'arrestation de Claude Colin et Pierre Soudrille, mariniers à
Bray, lesquels, étant requis légalement, ont refusé de conduire à Paris sur leur
bachot, un couplage de foin destiné aux subsistances militaires. Le 26, on met en
état d'arrestation Petit Ainé et Jacques Sognot pour le même motif. Colin qui avait
déjà antérieurement eu maille à partir avec les autorités, eut droit plus tard à la
reconnaissance de son courage et la Ruelle Colin perpétue son souvenir.
Ces événements suffisent à démontrer que s'il y avait dans la baronnie des
partisans de la révolution, il y avait aussi des éléments soucieux de maintenir la
situation de paix inscrite dans la charte d'institution du territoire. Un autre
personnage s'était également réfugié à Bray; il s'agit du seigneur de Fontenay-sousBois qui y demeura jusqu'à la fin de la tourmente révolutionnaire.
Cependant en France, les guerres ajoutent d'autres malheurs à ceux de la
révolution, aucun gouvernement n'est stable ni viable. En 1797, le Directoire est
institué, mais pour peu de temps, car dès le 9 octobre 1799 le Consulat le remplace
et gouverne, et le 28 février 1800 le général Bonaparte est nommé Premier Consul.
Son prestige militaire lui donne des possibilités que n'ont pas eu tous ceux qui l'on
précédé. Doué du sens de l'organisation il rétablit l'ordre, et les esprits se calment.
Il semble qu'une ère nouvelle commence.
Les émigrés reviennent en France. Sophie Maillard avant de quitter Bray,
dépose en l'église Notre-Dame le précieux reliquaire qu'elle avait soustrait à la
profanation des mécréants, en souvenir, et en remerciement du bon accueil qu'elle
avait reçu.
Victor de Rochechouart, fils du dernier baron de Bray, avait suivi son père en
Angleterre puis en Allemagne. Mis au courant de la nouvelle situation en France, il
y revient en 1799 pour obtenir sa radiation de la liste des émigrés.
Le 18 mai 1804, le Premier Consul est proclamé empereur. Le sacre aura lieu le
2 décembre suivant, par le Pape Pie VII à Notre-Dame de Paris. En 1808, Napoléon
Ier nomme Victor de Rochechouart, marquis de Mortemart. En 1809 il le fait
chevalier de la Légion d'Honneur. Mais avant de poursuivre notre récit, nous
voulons rappeler un événement curieux sur le plan de l'Histoire. Victor de
Mortemart de Rochechouart, le 20 avril 1801, épousait Anné-Eléonore de
Montmorency. Curieux ai-je écrit? N'est-ce pas singulier cette union du fils du
dernier baron de Bray, avec une descendante du premier baron; Bouchard de
Montmorency? Etrange coïncidence, présage? Espoir ou conclusion?
Napoléon approuve et utilise la départementalisation et ses conquêtes vont
porter à 130 départements le territoire de l'Empire; de Hambourg à Biarritz et de
Brest à Rome, auxquels il faut ajouter les protectorats de Suisse, Baden,
Wurtemberg, et la Bavière. Plus fort que Charlemagne.
Evidemment, pour la baronnie de Bray le statu quo se trouve supprimé, et si
Napoléon y jouit d'un certain crédit, une partie de la population regrette le temps
passé et espère un retour à l'ancien régime. La liberté, ce n'est pas un mot, c'est un
fait.
Le 22 avril 1809, une cinquième coalition passe à l'attaque; le 14 octobre après
plusieurs défaites, et surtout Wagram, elle signe le traité de Vienne et cède à la
France la Carniole, la haute Carinthie et une partie de la Croatie. Ajoutée à la
Dalmatie et à l'Istrie, ces territoires forment les Provinces Illiriennes incorporées à
l'Empire. Mais en 1812, l'entente franco-russe se dégrade. L'Autriche joue double
jeu, et c'est la terrible campagne de Russie. Au mois d'octobre, le général Malet
tente un coup d'état contre Napoléon. Il est fusillé.
En 1814, c'est la Campagne de France. Toute l'Europe déferle vers Paris. La
vieille baronnie voit déferler tour à tour les troupes françaises, prussiennes,
autrichiennes et russes. Le 2 avril le Sénat proclame la déchéance de l'empereur
qui abdique à Fontainebleau. Le traité de Fontainebleau institue Napoléon
souverain de l'île d'Elbe où il s'installe le 4 mai.
Le 3 mai, Louis XVIII est entré dans Paris. la France est ramenée à ses
frontières de 1790.
Le Ier octobre s'ouvre le Congrès de Vienne où toutes les puissances d'Europe se
réunissent pour réorganiser le continent. Talleyrand représente la France.
Napoléon Ier
Ainsi, au moment où nous écrivons ce texte, on compte parmi les descendants
de la sœur du baron de Bray, le roi d'Espagne, le roi des Belges, le grand-duc
héritier de Luxembourg, le prince de Naples, le duc de Brangance, le chef de la
Maison Impériale du Brésil, le prince héritier de Yougoslavie, le duc de
Wurttemberg, le roi Siméon des Bulgares, le chef de la Maison royale de Saxe, la
Reine Anne de Roumanie.
Le congrès s'éternise. Il s'agit de rétablir les états et de délimiter les
frontières. Il faut aussi ménager les intérêts des uns et des autres, et l'Angleterre
n'a jamais été un partenaire facile.
Dans la baronnie, après avoir adulé l'empereur, on s'est tourné vers le roi dans
l'espoir d'une éternelle liberté. Mais qui pourrait entrer en contact avec Talleyrand
pour défendre les intérêts braytois?
En le temps passe, le Congrès se poursuit, quand le Ier mars 1815, Napoléon
débarque à Golfe-Juan.
Napoléon Ier en habit d'Empereur des Français
Au cours des Cents-Jours il va tenter de restaurer son Empire. La défaite de
Waterloo annihile tous ses espoirs. Le roi reprend son trône, et le congrès ses
débats.
Résultat: le Comté souverain de Liège est attribué aux Pays-Bas, la Navarre et
la baronnie de Bray restent à la France. A Vienne, on ne connaît pas le droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes.
LE DECHIREMENT
Que faire de ce pays gênant qui n'est nulle part, fier de son Histoire et attaché
à ses traditions? Il n'est, en effet, ni en Champagne, ni en Bourgogne, et surtout
pas dans la Brie. Il faut le briser. La départementalisation a été particulièrement
bien étudiée pour la dislocation du pays, et répond parfaitement à la devise diviser
pour régner.
Talleyrand
Une partie, au sud, appelée les Pays-Hauts, constituée de colline, fut
rattachée au département de l'Yonne: préfecture, Auxerre; sous préfecture et
archevêché, Sens. La partie nord, correspondant à la vallée de la Seine,
dénommées la Bassée, fut rattachée au département de Seine-et-Marne:
préfecture, Melun; sous-préfecture, Provins; évêché, Meaux.
Bray-sur-Seine, de capitale, devient un simple chef-lieu de canton. les villages
du sud furent rattachés aux cantons de Sergines et de Pont-sur-Yonne dans le
département de l'Yonne. Les villages de la partie nord, furent rattachés aux
cantons de Montereau et de Donnemarie-en-Montois dans le département de Seineet-Marne. Probablement en vue d'un équilibre démographique et politique, on
procéda à un mixage de populations en ajoutant au canton de Bray-sur-Seine les
communes de Hermé, Gouaix, Everly, Chalmaison, Soisy-Bouy, et FontaineFourches, étrangères aux coutumes locales.
De même, pour le canton de Donnemarie-en-Montois, on lui attribua les mairies
de Dontilly, d'Egligny, et une partie de la marie des Ormes-sur-Voulzie, en
complément des sept communes du Montois; pour faire bonne mesure, on y ajouta
les communes de Coutençon et Montigny-Lencoup. Cette nouvelle répartition
administrative de la région est devenue une source d'erreurs pour de nombreux
historiens qui se basent généralement sur l'actuelle géographie des cantons, et
méconnaissent les limites territoriales antérieures.
A ce point de notre étude, nous nous voyons dans l'obligation de faire un peu
de lumière sur Donnemarie-en-Montois, implanté sur la rive gauche de la rivière
l'Auxence qui, dans cette région, servait de frontières entre la baronnie de Bray et
le royaume de france. La seigneurie de Mons, ancienne villa présumée d'origine
gallo-romaine, fut bâtie au sommet de la colline, d'où son nom latin Mons, en
français Mont.
Vers l'an 840, sur la fin de sa vie, l'impératrice Judith, épouse de Louis le
Débonnaire, appelé aussi Louis le Pieux, à l'exemple de son mari et de Charlemagne
qui avaient déjà fait de grandes générosités en faveur des établissements religieux,
donna aux chanoines de Tours, à titre précaire, la villa de Mons avec sept églises.
Louis XVIII
La mot église, à cette époque, n'avait pas le sens qu'il a de nos jours. L'église,
à l'origine, du latin comme du grec ecclesia, était l'ensemble des baptisés et des
religieux d'une localité.
L'église primitive était organisée comme une sorte de famille; elle fut donc,
d'abord une société. Lorsque l'empereur Constantin, vers l'an 323, déclara le
Christianisme religion d'Etat, les communautés chrétiennes, ou églises,
s'attribuèrent un certain nombre de fana (le fanum est synonyme de temple) et les
utilisèrent, comme avant eux les païens, pour l'exercice de leur culte. Aller à
l'église signifiait alors: aller à l'assemblée des chrétiens. Lorsque des édifices
chrétiens furent construits, on continua d'aller à l'église et c'est ainsi que le nom
passa à l'édifice.
Ainsi, dans cette donation de sept églises aux chanoines de Tours, nous ne
pensons pas qu'il s'agisse de bâtiments religieux, encore assez rares à l'époque,
mais de sept hameaux ou villages peuplés de chrétiens.
Cette donation fut confirmée par des chartes des rois depuis Charles-le-Chauve
jusqu'à Hugues Capet. Une ancienne copie d'une charte du 27 juin 919 porte la
mention Monte Donna Maria.
Les chanoines de Tours avaient déjà sans doute, à cette époque, commencé
l'édification d'une abbaye dédiée à la Vierge, et avec le temps, le hameau primitif
dont le nom ne nous est pas parvenu, va prendre le nom de Donna Maria (donna en
Italien signifiant dame). En outre, la copie évoquée peut aussi laisser supposer que
toute la colline prit le nom de l'abbaye et devint le Mont de dame Marie. Quant à la
villa de Mons, elle devint un puissant château-fort autour duquel se forma une
agglomération que les guerres obligèrent à fortifier et à entourer de fossés. Le
château devait être spacieux puisqu'en 1556 on y accueillit toute la cour de Charles
IX.
De même, autour de l'abbaye la population se regroupe en une nouvelle cité
qui fut également fortifiée. Pourtant, pendant longtemps, le siège administratif
était, semble-t-il, resté à Mons où était le château du seigneur.
En complément du don originel, la seigneurie ecclésiastique fut érigée en
baronnie, et un trésorier de Tours, en dignité, fut nommé avec titre de baron.
Selon M. Maillé, le premier trésorier pourvu de ce titre serait un membre de la
famille de Brion: Simon de Brion, prêtre, puis cardinal, et finalement élu pape le
22 février 1281 sous le nom de Martin IV.
Il n'est pas facile de déterminer l'époque à laquelle Mons donna son nom à sa
région qui serait devenue la baronnie du Montois, comme la région de Provins prit
le nom de Provinois, et ainsi de même pour de très nombreuses cités.
Lors de la départementalisation, Mons n'était plus qu'un village et Donnemarie
était devenue une petite ville, et c'est sans doute la raison qui la fit désigner
comme chef-lieu de canton.
Le résultat du déchirement de la baronnie de Bray-sur-Seine n'apporta aucune
amélioration à la population, surtout en ce qui concerne la Bassée où l'on trouvait,
sous l'ancien régime, en la bonne ville de Bray-sur-Seine, tous les services publics
indispensables à tous les actes de la vie civile. Si on y conserva un tribunal dit de
Justice de Paix, tous les autres services se trouvèrent répartis en des lieux divers
et variés selon les facéties de personnages présumés responsables.
Ainsi, la Préfecture est Melun; la Sous-Préfecture, le Tribunal de Première
Instance et le Tribunal de Commerce sont à Provins; l'évêché est à Meaux; la Cour
d'Appel à Paris; le direction des Contributions directes a longtemps été à Nangis,
puis à Provins; pour les Contributions indirectes c'est Provins et parfois Montereau;
la Chambre d'Agriculture est à Meaux; la Chambre des Métiers à Montereau; le
chambre de Commerce à Melun; pendant longtemps la subdivision des Ponts et
Chaussées, l'Architecture, et le service des Monuments Historiques furent à
Fontainebleau; le Service de la Navigation à Nogent-sur-Seine, la Région Militaire à
Versailles; les Archives à Auxerre et à Melun, l'Académie est à ,Créteil; les Eaux-etForêts à Orléans. Evidemment, tout dépend de l'idée que l'on se fait du progrès.
Quant aux habitants des Pays-Hauts, il semble qu'ils soient mieux lotis, ils
restent à proximité de sens où ils trouvent pratiquement tous les services qui leur
sont nécessaires, seule la préfecture est à Auxerre avec les Archives, et quelques
administrations régionales à Dijon.
Néanmoins, les Basséens ont conservé bien des habitudes avec Sens
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