Cardiopathie congénitale et grossesse

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Cardiopathie congénitale et grossesse
Magalie Ladouceur, Elise Barre, Jelena Radojevic, Sarah Cohen, Antoine Legendre, Laurence
Iserin.
Les cardiopathies congénitales sont les malformations les plus fréquentes à la naissance
touchant 0.8% des nouveaux nés. Les progrès en terme de diagnostic et de prise en charge, en
particulier chirurgicale, ont permis une nette amélioration de la survie de ces patients, y
compris ceux avec des lésions complexes. Aujourd’hui le nombre de patients adultes avec une
cardiopathie congénitale a dépassé celui des enfants. Cette augmentation de la survie a créé un
nouveau challenge pour les cardiologues adultes, qui sont maintenant confrontés à la prise en
charge de ces patients, qui ont des problématiques d’adulte. C’est le cas tout particulièrement
des femmes avec une cardiopathie congénitale en âge de procréer. La cardiopathie maternelle
est associée à une importante morbidité et mortalité maternelle dans le monde. Après le
suicide, la cardiopathie est la principale cause de décès maternelle au Royaume Uni1. La
composante essentielle de la prise en charge des patientes repose sur les conseils en matière
de contraception et sur la gestion de la grossesse et de l’accouchement. De tels soins
requièrent une connaissance sur les cardiopathies congénitales et une étroite collaboration
avec l’équipe d’obstétrique.
1. Adaptation cardiovasculaire normale au cours de la grossesse :
De profonds changements hémodynamiques surviennent au cours de la grossesse. Ce sont
essentiellement une augmentation du volume sanguin, du débit cardiaque, du volume
d’éjection ventriculaire et de la consommation d’oxygène.
-
Le premier et le second trimestre :
Une diminution des résistances vasculaires périphériques et une augmentation du volume
sanguin apparaissent dès la 6eme semaine de grossesse, et sont associées à une activation du
système rénine-angiotensine-aldostérone et à une diminution modérée de la concentration du
facteur natriurétique. Le volume sanguin continue à augmenter au-delà du 2eme trimestre
pour atteindre un plateau de 140 à 150% du niveau « pré-grossesse » à la 32eme semaine de
gestation. Parallèlement le débit cardiaque augmente jusqu’à la 25eme semaine de gestation.
1
Au départ l’augmentation du débit cardiaque est liée à l’augmentation du volume d’éjection
puis elle est due à une augmentation de la fréquence cardiaque. La pression artérielle
systolique et surtout diastolique chutes.
-
Le troisième trimestre et le terme.
Le troisième trimestre de grossesse est caractérisé par une augmentation rapide de la taille du
fœtus, et une dilatation de l’utérus, entrainant une compression hémodynamiquement
significative de la veine cave inférieure et donc une chute du retour veineux au cœur et donc
une diminution du débit cardiaque. Ceci se produit surtout lorsque la patiente est en décubitus
dorsal, et le simple fait d’être en décubitus latéral gauche augmente le volume d’éjection de
25-30% et le débit cardiaque.
-
Le travail et le péri-partum:
Durant le travail, le débit cardiaque augmente de 50%. Chaque contraction utérine ajoute 300
à 500ml de retour veineux sanguin dans le système veineux central. De plus La pression
artérielle et la fréquence cardiaque peuvent augmenter fortement alors que les manœuvres de
Valsalva peuvent entrainer d’importantes variations de la pression veineuse centrale. Ces
modifications hémodynamiques peuvent être atténuées par la péridurale, l’utilisation de
forceps ou de ventouses pour assister l’accouchement. Alors que la pratique d’une césarienne
peut éliminer le stress hémodynamique du travail et permet de contrôler le moment de
l’accouchement; elle est souvent associée à une grosse perte sanguine et à d’importantes
variations de volume sanguin.
Immédiatement après extraction du placenta survient une vasoconstriction splanchnique avec
environ 500ml de sang passant du lit utéro-placentaire dans la circulation maternelle. Ce
phénomène d’ « auto-transfusion » associé à la levée de la compression cave, augmente les
pressions veineuses centrales, la pré-charge ventriculaire et débit cardiaque.
-
Le post-partum :
Il commence à la 48eme heure après l’accouchement, avec la survenue d’une diurèse et
natriurèse. Un retour du volume sanguin, des résistances vasculaires périphériques et du débit
cardiaque à leur niveau « pré-grossesse » survient de la 4eme à 12eme semaine.
2
2. Conseil avant la conception:
Une discussion sur les futures grossesses et la contraception doit commencer dès
l’adolescence pour prévenir les grossesses accidentelles et potentiellement dangereuses chez
les femmes avec une cardiopathie congénitale. La patiente doit être informée de l’impact de la
grossesse sur sa cardiopathie et du retentissement sur le développement foetal. Les patientes
peuvent ainsi faire un choix éclairé si elles acceptent le risque associé à une grossesse. Ces
conseils doivent être donnés aussi bien par un obstétricien avec une expertise sur les
cardiopathies et par un cardiologue spécialisé dans les cardiopathies congénitales.
Conseils des patientes avec une cardiopathie congénitale en âge de procréer : les patiente
doivent être informées de :
- La morbidité et la mortalité maternelles et fœtales associées à la grossesse
- Le risque de récurrence de la malformation cardiaque chez l’enfant
- Le niveau de surveillance, la nécessité de traitement et/ou d’hospitalisation au cours de la
grossesse
- La contraception
3. Evaluation du risque maternel et fœtal
Idéalement toutes les femmes en âge de procréer avec une cardiopathie congénitale devraient
avoir une évaluation complète avant d’être enceinte. Cette évaluation doit identifier et
quantifier le risque pour la future mère et le risque potentiel pour le fœtus, en incluant le
risque de récurrence de la malformation cardiaque.
-
Evaluation clinique :
L’évaluation clinique est essentielle pour estimer le risque de la grossesse pour la mère et le
foetus, Elle doit déterminer la capacité à tolérer les changements hémodynamiques induits par
la grossesse. Certaines conditions constituent un risque élevé de morbidité ou de mortalité
pouvant contre-indiquer une grossesse (tableau 1). Ces conditions doivent justifier une
contraception efficace, et dans le cas d’une grossesse non désirée, ces conditions peuvent faire
indiquer une interruption volontaire de grossesse. La présence de lésions hémodynamiques
significatives, qui nécessitent une intervention par cathétérisme ou chirurgicale en l’absence
de grossesse, doivent faire différer la grossesse jusqu’à ce que ces lésions soient traitées. En
l’absence de ces lésions à haut risque, une évaluation précise peut permettre une stratification
3
du risque. Les patientes à haut risque sont celles qui ont une obstruction du cœur gauche, une
défaillance du ventricule systémique (FE<40%), une classe NYHA>II, et des antécédents de
trouble du rythme2. Une approche simplifiée consiste en une évaluation fonctionnelle basique.
En générale les patientes en classe NYHA I ou II on un pronostic relativement favorable
durant la grossesse, alors qu’une limitation fonctionnelle plus importante est un facteur de
risque élevé de complications cardio-vasculaires, et justifie des conseils sur le déroulement
d’une éventuelle grossesse et ses risques. Un test d’effort avec mesure de la consommation
d’oxygène peut apporter des données supplémentaires pour évaluer ce risque.
Tableau 1 : Risque maternel au cours de la grossesse des patientes avec une cardiopathie
congénitale
Risque élevé de complications ou de décès :
Hypertension artérielle pulmonaire
Syndrome d’Eisenmenger
Coarctation de l’aorte
Syndrome de Marfan avec aorte dilatée > 45mm
Sténose aortique serrée symptomatique
Ventricule unique avec fonction systolique altérée, avec ou sans dérivation type « Fontan »
Risque modéré de complications (5 à 15%) :
Cardiopathie cyanogène non réparée
Ventricule droit systémique (sous-aortique)
Circulation type « Fontan » de bon fonctionnement
Tétralogie de Fallot opérée avec fuite pulmonaire importante et dysfonction VD
Faible risque de complications (<1%)
CIA isolée, réparée ou non
CIV isolée, réparée ou pas
Coarctation réparée avec une aorte initiale de taille normale
Tétralogie de Fallot réparée avec une fonction VD normale et une fuite pulmonaire minime
4
-
Estimation du risque foetal
Tout d’abord, il y a une incidence élevée de complications fœtales ou néonatales (incluant le
retard de croissance intra-utérin, la mort fœtal in-utéro, la prématurité, l’hémorragie intracrânienne et l’hypotrophie néo-natale) chez les patientes avec une cardiopathie congénitale
par rapport à la population générale. Ce risque est plus élevé chez les patientes avec une
classe fonctionnelle basse, une cyanose (Saturation <85%), et une obstruction du coeur
gauche. Pour les patientes avec une bonne fonction cardio-vasculaire, sans cyanose, une
surveillance habituelle du développement fœtal suffit. Dans le cas contraire la croissance
fœtale doit être régulièrement contrôlée, également chez les patientes avec une HTA
systémique ou sous traitement β-bloquant.
Le risque de récurrence de la malformation cardiaque chez le fœtus est élevé. Ce risque varie
selon les lésions, mais il est généralement autour de 5 à 6% pour les enfants nés de mère
porteuse d’une cardiopathie congénitale et de 2 à 3% pour les enfants dont le père à une
malformation cardiaque3. Bien que la plupart des cardiopathies congénitales sont sporadiques,
3 à 5% sont associées à un syndrome génétique identifiable4.Généralement un conseil
génétique est justifié en cas de cardiopathie syndromique et chez les patients ayant d’autres
membres de la famille atteint d’une malformation cardiaque.
L’échocardiographie fœtale est devenue un outil performant en matière de détection
anténatale de la malformation cardiaque. Ce dépistage a permis de réduire considérablement
la mortalité périnatale des enfants avec une cardiopathie congénitale. Cet examen est
recommandé en cas de cardiopathie congénitale ou de syndrome des parents ou en présence
d’une épaisseur nucale anormale à la 12eme-13eme semaine de gestation. Cette échographie
est réalisée entre la 14eme et la 16eme semaine de gestation et elle est répétée à la 18-22eme
semaine.
4. Prise en charge de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum.
Les patientes avec un risque de complication modéré à élevé doivent être suivies dans un
centre spécialisé de niveau III, avec une prise en charge multi-disciplinaire comprenant des
obstétriciens, des anesthésistes, des cardiologues, des chirurgiens cardiaques, et des
néonatologues expérimentés. Certaines patientes auront besoin d’être hospitalisées au cours
du 3eme trimestre de grossesse, avec un repos au lit et une surveillance cardiologique
régulière. Si elles sont alitées, elles devront recevoir un traitement préventif antithrombotique, par héparine de bas poids moléculaire.
5
Une planification de l’accouchement doit être faite. Idéalement, les décisions concernant le
moment et le mode d’accouchement (voie basse ou césarienne) doivent être prises après
discussion multi-disciplinaire du cas, et avec la patiente. En général un accouchement par voie
basse a moins de risque de complications pour la mère et l’enfant. Par rapport à la césarienne,
il entraîne moins de modifications des volumes sanguins, moins d’hémorragies, moins de
complications thrombotiques, et peu d’infections. Cependant un travail prolongé et difficile
doit être évité chez ces patientes. Une épidural précoce, peut permettre de limiter une
augmentation du débit cardiaque lié aux contractions utérines et permet une délivrance
instrumentale. Un travail déclenché est souvent plus long qu’un travail spontané, il ne doit
donc être indiqué que pour des raisons obstétricales ou cardiaques. Au cours du travail un
monitorring ECG et de la saturation de la patiente est nécessaire. Le post-partum immédiat
peut être aussi potentiellement risqué avec une augmentation de la charge volumique liée à la
contraction utérine. A l’inverse, une hémorragie utérine, peut être responsable d’une
instabilité hémodynamique. Les substances oxytociques, utilisées pour augmenter la
contraction utérine, peuvent elles aussi induirent des variations hémodynamiques par
vasodilatation ou vasoconstriction, ce qui justifie une surveillance étroite lors de leur
utilisation. Le péripartum nécessite une surveillance très étroite, c’est tout particulièrement le
cas pour les patientes avec une HTAP, où le risque de décès maternel reste élevé jusqu’à 10
jours après l’accouchement.
Les patientes avec un faible risque de complication peuvent être suivies dans un centre local,
en tenant compte des recommandations des spécialistes.
5. Conditions spécifiques :
-
Les cardiopathies non cyanogène, sans shunt:
La sténose aortique congénitale est la lésion la plus commune qui échappe à la détection dans
l’enfance. L’obstruction entraine une hypertrophie ventriculaire gauche et une « précharge
dépendance », qui peut poser problème pour adapter les variations volumiques liées à la
grossesse. Par ailleurs l’obstruction à l’éjection du ventricule gauche, limite la capacité de la
patiente à augmenter son débit cardiaque, nécessaire à la grossesse. Le risque de
complications maternelles et fœtales est élevé dans ces cas. Cependant, il y a un large spectre
de sévérité de sténose, et ce risque varie en fonction. Les principales complications semblent
être l’insuffisance cardiaque et les troubles du rythme avec une fréquence de 9.4%5. Les
complications obstétricales et péri-natales sont fréquentes avec un risque de prématurité et
6
d’hypotrophie du nouveau né dans près d’un quart des cas. Les femmes avec une sténose
aortique modérée à sévère ou une clase NYHA II ont un plus grand risque de complications
cardiaques tardives après la grossesse incluant l’insuffisance cardiaque, les troubles du
rythme, les interventions cardiaques ou les morts d’origine cardiaque par rapport à des
patientes appariées selon leur âge et leur lésion aortique et qui n’ont jamais eu de grossesse6,
d’où l’importance de l’évaluation et des informations pré-grossesse, chez les patientes avec un
rétrécissement aortique. En cas de sténose serrée symptomatique au cours de la grossesse une
dilatation percutanée peut être envisagée au cours du second trimestre dans la mesure où la
valve est souple et qu’il n’y a pas une insuffisance aortique plus que minime.
La sténose pulmonaire est relativement rare en tant que lésion isolée, survenant pour environ
5 à 10 000 naissances et concernant 2% des cardiopathies congénitales. Parce que l’obstacle à
l’éjection du ventricule droit entraine une hypertrophie de ce dernier, les patientes peuvent
être plus sensibles à la surcharge volumique de la grossesse et peuvent avoir un risque de
trouble du rythme. Cependant, la grossesse est le plus souvent bien tolérée. Dans une série7 de
51 patientes qui ont eu 108 grossesses avec une sténose pulmonaire, les complications
cardiaques sont rares, avec seulement 2 cas d’aggravation de la tolérance fonctionnelle et 9
cas de palpitations sans trouble du rythme documenté. Il y a cependant un taux important de
fausses couches (19,4%) et de prématurité (16%), ainsi que de cardiopathie congénitale chez
le nouveau né (3,7%). Toutes les patientes avaient une classe NYHA I ou II, 78% avaient
moins qu’une sténose pulmonaire modérée et seulement 1 patiente avait une sténose
pulmonaire serrée avant la grossesse. Le risque de complication au cours de la grossesse est
donc faible chez les patientes avec une sténose pulmonaire moins que sévère et
asymptomatique.
La coarctation aortique est responsable d’une hypertension artérielle qu’il peut être difficile
de contrôler au cours de la grossesse. Parallèlement cette hypertension aux membres
supérieure s’accompagne d’une hypotension en dessous de l’obstruction et donc une
hypoperfusion utérine. Les coarctations hémodynamiquement significatives doivent être
réparées avant toutes grossesse. De plus la coarctation est associée à une fragilité de la paroi
aortique prédisposant à la dissection. Il s’agit de la cause la plus fréquente de décès chez la
patiente avec une coarctation au cours de la grossesse. Une césarienne doit être envisagée
chez les patientes avec une coarctation non réparée et dilatation de la racine aortique.
7
-
Les cardiopathies non cyanogènes avec shunt :
La communication inter-auriculaire (CIA) est l’une des cardiopathies congénitales les plus
souvent rencontrée chez la femme enceinte. La plupart des patientes sont asymptomatiques
avant la grossesse, mais le shunt gauche-droit atrial surcharge les cavités droites qui se
dilatent, ce qui peut être exacerbé par l’augmentation de la volémie induite par la grossesse.
La dilatation de l’oreillette droite favorise la survenue de trouble du rythme. L’incidence de
complications cardiovasculaires semblent comparables selon que la CIA est fermée ou pas :
Des arythmies auriculaires surviennent dans 4,3% des cas et 3% des patientes ont une
aggravation de leur capacité fonctionnelle. Cependant chez les patientes avec une CIA non
réparée le risque de pré-éclampsie est plus élevé ainsi que l’hypotrophie du nouveau né et la
mort fœtale8.
La communication inter-ventricualire (CIV) est souvent isolée. La plupart des CIV non
opérées de l’adulte est de petite taille. La seule complication cardiaque dans ce cas, lors d’une
grossesse, est l’endocardite infectieuse, mais elle reste extrêmement rare (1 cas sur 202)9. La
pré-éclampsie semble plus fréquente chez les patientes avec une CIV non opérées et
curieusement les patientes avec une CIV opérées ont un plus grand risque de menace
d’accouchement prématuré.
-
Le syndrome d’Eisenmenger
Le syndrome d’Eisenmenger maternel (CIV large avec hypertension artérielle pulmonaire
fixée) est à haut risque de complications aussi bien pour la mère que pour le fœtus, avec 40 à
50% de décès maternel et 30% de fausse couche10. Les patientes qui ont ce syndrome doivent
être fortement déconseillées d’être enceinte et une contraception définitive peut être
envisagée. Si malgré tout, la patiente est enceinte, une interruption médicale de la grossesse
peut être discutée. Les patientes qui choisissent de poursuivre leur grossesse doivent être
suivies très régulièrement sur le plan cardiaque et obstétrical. L’alitement et de faible dose de
diurétiques peuvent être nécessaires en cas de décompensation cardiaque droite. La
vasodilatation systémique induite par l’état de grossesse peut majorer le shunt droit-gauche et
donc la cyanose de la patiente. Souvent une anticoagulation par héparine est indiquée en
raison du risque de thrombo-embolie en particulier si la patiente est polyglobulique, mais ce
traitement doit être contre-balancé avec le risque d’hémoptysie.
8
-
La tétralogie de Fallot
La tétralogie de Fallot opérée est souvent compliquée d’une fuite pulmonaire importante en
particulier si l’élargissement de la voie d’éjection a été réalisé à l’aide d’un patch transannulaire. Ceci entraine une dilatation du ventricule droit exposant à un
risque accru
d’insuffisance cardiaque droite et de trouble du rythme. Les grossesses dans cette cardiopathie
sont plutôt bien tolérées. Dans une étude11 portant sur 42 patientes avec une tétralogie de
Fallot opérée, 7% ont eu des complications cardiovasculaires. Le risque maternel et fœtal est
plus élevé chez les patientes avec une insuffisance pulmonaire massive et une altération de la
fonction systolique du ventricule droit. Si possible ces patientes doivent être évaluées avant la
grossesse, et celle-ci doit être différée si un remplacement valvulaire est indiqué.
-
L’atteinte aortique :
Plusieurs anomalies génétiques peuvent toucher l’aorte et exposer à un risque de dissection ou
de rupture durant la grossesse. Les principales sont le syndrome de Marfan, le sous-type IV du
syndrome d’Ehlers-Danlos et le syndrome de Loyes-Dietz. Les patientes avec un syndrome de
Marfan et un diamètre de la racine aortique > 40mm ont 10% de risque de dissection durant la
grossesse, alors que celle avec un diamètre aortique normale ont un risque de dissection
autour de 1%12,13. Les recommandations les plus récentes suggèrent un remplacement de
l’aorte ascendante avant une grossesse chez les patientes avec un diamètre aortique > 45 mm.
Les patientes qui ont une grossesse en cours doivent avoir un monitorring échographique
rapproché. Une anesthésie par épidurale précoce et un accouchement à l’aide de forceps et de
ventouses est recommandé pour les patientes dont le diamètre aortique est inférieur à 40mm,
en gardant en tête une incidence accrue d’ectasie de la dure mère chez ces patientes. A
l’inverse du syndrome de Marfan, les patientes avec un syndrome de Loeys-Dietz sont
souvent à risque de dissection même en l’absence de dilatation progressive de l’aorte. Le
risque dans ce cas n’est pas défini, et la plupart des experts considèrent le syndrome de LoeysDietz comme une contre-indication à une grossesse.
6. Considérations spéciales :
-
L’anticoagulation :
L’utilisation de coumadine durant le 1er trimestre est associée à un risque tératogène, bien que
l’incidence absolue ne soit pas connue. Le risque semble être dose dépendant, avec une faible
incidence d’embryopathie chez les patiente prenant 5mg /jour ou moins14. Plusieurs études ont
9
montré que l’héparine est associée à un risque élevé de complications thrombotiques durant la
grossesse et que de faible dose de coumadine est une meilleure approche, à partir du moment
où ces doses suffisent à obtenir une anticoagulation efficace. L’une des alternative est de
switcher la coumadine pour de l’héparine non fractionnée sous cutanée avant la 6eme semaine
de grossesse et de reprendre la coumadine à partir de la 12eme semaine. L’héparine devra être
reprise à la 36eme semaine de gestation pour minimiser le risque d’hémorragie cérébrale du
foetus au cours de l’accouchement. Une des alternatives est de réaliser une césarienne
programmée à 36 semaines, l’héparine peut être suspendue 4 heures avant l’intervention.
-
La prophylaxie endocarditique :
Le risque d’endocardite suivant un accouchement par voie basse est très faible. Selon les
recommandations de l’ACC/AHA l’utilisation d’une prophylaxie antibiotique a été revue en
2007, et n’indiquent plus l’utilisation systématique d’antibiotiques lors de l’accouchement
chez les patientes avec une cardiopathie congénitale15.
Conclusion :
Le nombre de patientes avec une cardiopathie congénitale atteignant l’âge de procréer ne
cesse de croitre et justifie une prise en charge spécialisée, avec en particulier une évaluation
de la cardiopathie avant d’envisager une grossesse, et une information de la patiente sur les
risques encourus pour elle et le fœtus. La plupart de ces patientes tolèrent bien la grossesse et
l’accouchement avec un risque de complications faible et acceptable. Leur prise en charge
repose beaucoup sur une collaboration étroite entre cardiologues adultes spécialistes des
cardiopathies congénitales, obstétriciens et cardiopédiatres. Il est clair que de futures études
prospectives à grande échelle sont nécessaires pour déterminer précisément le risque de la
grossesse chez ces patientes.
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