À Les réunions de concertation pluridisciplinaires en neurologie

La Lettre du Neurologue Vol. XIV - n° 5 - mai 2010 | 181
VIE PROFESSIONNELLE
À
ce jour, les réunions de concertation pluri-
disciplinaires (RCP) en neurologie n’existent
pas de façon formelle. Elles représentent
encore dans nos esprits une filiation de nos staffs
et ne sont pas ou rarement pluridisciplinaires. En
parallèle, certains d’entre nous participent à des
consultations pluridisciplinaires centrées sur le
patient, qui ne répondent pas aux objectifs des RCP.
Doit-on suivre l’exemple ?
Les RCP en cancérologie ont été mises en place dans
le cadre du plan Cancer, visant à répondre à une
mission de santé publique encadrée par la Haute
Autorité de santé (HAS) [1]. Elles permettent de
répondre à l’obligation de l’évaluation des pratiques
professionnelles (EPP). Le dossier de tout nouveau
patient atteint d’un cancer doit refléter un avis émis
lors d’une RCP. Cet avis doit être communiqué au
patient et placé dans le dossier source. Cette RCP
est un lieu d’échanges entre spécialistes de plusieurs
disciplines sur les stratégies diagnostiques et théra-
peutiques en cancérologie. Elle doit constituer un
élément essentiel de l’organisation des soins en
cancérologie et doit être évaluée. L’évaluation
régulière des RCP rend compte d’une amélioration
continue de la qualité des soins et du service médical
rendu au patient (2). Ces évaluations, visant à vérifier
l’exhaustivité et la qualité des RCP, sont prévues par
la HAS en 2010 et sont déjà mises en place dans
la plupart des pays étrangers par les organisations
d’accréditation des hôpitaux.
Intérêt du modèle existant en
neurologie ?
Dans les différentes spécialités de la neurologie,
nombre d’entre nous fonctionnent sur un modèle
similaire dans tous les services hospitaliers (staffs de
Les réunions de concertation
pluridisciplinaires
en neurologie
C. Lebrun*
myologie, d’épileptologie, de pathologies inflamma-
toires du système nerveux central [SNC], etc.). Leur
fonctionnement est formalisé : rythme (au moins
2 fois par mois), coordonnateur, secrétariat, type de
dossiers à présenter, mais tous les dossiers ne sont
pas obligatoirement soumis. Il s’agit plus de réunions
permettant de partager des idées sur des diagnostics
difficiles ou sur des orientations thérapeutiques.
Il n’y a pas forcément de pluridisciplinarité, qui
correspond à la présence d’au moins 3 spécialités
différentes et qui doivent être adaptées au type de
la RCP. Un exemple concret d’application a été, à
l’arrivée de nouveaux traitements dans la sclérose
en plaques (SEP), la mise en place dans plusieurs
régions de réunions calquées sur le fonctionnement
des RCP afin de décider de l’instauration ou de la
poursuite de certains traitements de fond.
Application de référentiels
La mise en place des RCP en cancérologie a nécessité
la daction de référentiels de traitements. Ils doivent
être régulièrement actualisés et peuvent intégrer les
protocoles de recherche clinique. Cette organisation
est bien appliquée dans les RCP de neuro-oncologie.
Si le dossier répond à une situation clinique relevant
d’une procédure standard de prise en charge (ayant
fait l’objet d’un accord pluridisciplinaire et traduite
dans un référentiel de pratiques validé) et figurant
dans une liste établie par le réseau régional, il est
possible de ne pas le discuter ; le dossier doit être
présenté rapidement et la fiche RCP renseignée et
archivée. Les autres dossiers sont obligatoirement
discutés. Les propositions thérapeutiques sont
fondées sur des référentiels de pratique élaborés à
un niveau régional à partir de recommandations de
pratique clinique nationales ou internationales. Si le
traitement effectivement délivré diffère de la propo-
sition de RCP, les raisons doivent être argumen-
tées par le médecin. Il est important de bien avoir à
*Service de neurologie, CHU de Nice.
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VIE PROFESSIONNELLE
l’ esprit que les décisions médicales ne concernent pas
uniquement un traitement pharmacologique, mais
aussi une attitude thérapeutique au sens large (inter-
vention, fréquence du suivi, types d’examens,etc.).
Intérêt pour le soignant ?
Les RCP sont un lieu d’échange et de partage entre
praticiens. Les discussions peuvent permettre ainsi
de compléter des bilans ou d’ouvrir des possibilités
thérapeutiques. Si les présentations sont exhaus-
tives, les RCP peuvent également permettre d’en-
tretenir des bases de données (3). Mises en place
par certains réseaux, elles permettent des trans-
ferts d’informations ou l’application de référentiels
régionaux thérapeutiques. Vis-à-vis des patients,
elles peuvent faciliter l’annonce thérapeutique et
limiter la pression de certaines familles ou de l’in-
dustrie pharmaceutique dans le protocole de soin.
Cette activité est reconnue : la HAS considère qu’un
médecin qui participe activement et régulièrement
(8 à 10 fois par an) à des RCP répondant aux critères
énoncés ci-dessus remplit son obligation d’EPP (4).
Intérêt pour nos patients ?
Lévaluation régulière des RCP (fonctionnement,
pluridisciplinarité, etc.) permet une amélioration
continue de leur qualité et, in fine, du service
rendu aux patients. La diffusion et l’accessibilité
de l’information médicale par la presse ou Internet
sensibilisent les patients qui demandent souvent
plusieurs avis et connaissent l’existence des réunions
communes médicales. Ils sont en général satisfaits
de voir leur cas présenté à plusieurs spécialistes.
Un exemple d’application
pratique : le réseau PACASEP
Depuis le premier juin 2004, le réseau de soins
PACASEP est opérationnel (http://www.pacasep. org).
Cette structure est au départ une volonté des
neurologues, des médecins de médecine physique
et de réadaptation et des professionnels de santé
de proximité pour permettre une prise en charge
optimisée et décentralisée de la sclérose en plaques
(SEP) sur la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur
(PACA). Depuis 1 an, les neurologues de la Région
PACA participants ont mis en place des réunions de
concertation (physiques et visio) mensuelles, pendant
lesquelles ils peuvent partager des avis sur les dossiers
de pathologie inflammatoire ou sur des décisions
thérapeutiques. De ces réunions sont, sur le modèle
des RCP en cancérologie, éditées des fiches qui sont
répertoriées dans les dossiers sources et expliquées
aux patients. Larrie de nouvelles stragies diagnos-
tiques et thérapeutiques dans le domaine de la SEP,
les recommandations de l’Afssaps se multipliant, les
neurologues ont pu ainsi anticiper les demandes des
autorités de santé en structurant leur activité. Ce
type de fonctionnement existe maintenant au sein de
plusieurs centres spécialisés dans la prise en charge
des patients atteints de SEP.
Conclusion
Comme toutes les méthodes d’amélioration du
service médical rendu, les RCP reviennent à analyser
une pratique clinique en référence à une démarche
optimale, souventsumée dans un férentiel de
pratique. Pour le moment, seuls les réseaux ou les
centres qui le souhaitent les ont mises en place en
neurologie, hors obligation légale, dans le seul but de
partager des connaissances. Ces réunions permettent
aussi de limiter l’isolement médical dans certaines
situations rares. Même si leur mise en place impose
une bonne méthodologie, il ne faut pas basculer dans
les lourdeurs administratives qui altèrent fatalement
l’esprit de mieux faire. Lapplication de référentiels
nationaux ne couvre pas l’ensemble des situations
cliniques, et notre praxis nous montre tous les jours
avec modestie que l’on ne peut pas systématique-
ment effectuer notre métier en se fondant sur la
preuve.
1. Les RCP en cancérologie. HAS 2006 (http://www.has-
sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009-08/
traceur_fiche_epp_rcp.pdf).
2. Évaluation des RCP. HAS 2009 (http://www.has-sante.
fr/portail/upload/docs/application/pdf/2009-08/ipaqss_
courrier_annexe_rcp.pdf).
3. Uwer L, Rios M, Sommelet D, et al. Comment améliorer
la prise en charge initiale des patients adultes atteints de
tumeurs des os et parties molles : expérience d’un comité
de concertation pluridisciplinaire du réseau Oncolor, avant
la diffusion des référentiels régionaux. Bulletin du Cancer
2003;90:269-77.
4. Décret n° 2005-346 du 14 avril 2005 relatif à l’évaluation
des pratiques professionnelles.
Références bibliographiques
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