CAS CLINIQUE
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 318 - juillet-août-septembre 2009 | 27
L’audiométrie tonale met en évidence une surdité de transmission
à gauche de 30 dB, et une audition normale à droite.
Nous avons décidé d’opérer notre patient en commençant par le
côté gauche, le plus obstrué. Après avoir réalisé une voie d’abord
rétro-auriculaire et un décollement très difficile de la peau du
conduit auditif externe – qui était de mauvaise qualité à cause
de l’inflammation et de l’infection à répétition –, nous avons
opté pour un alésage du conduit auditif externe à l’aide d’une
fraise diamantée, avec mise en place d’un greffon cutané mince
(mesurant 3 mm d’épaisseur et 2 cm de longueur) prélevé en sus-
auriculaire par une lame de bistouri. Ce greffon a été calé dans
le conduit auditif externe à l’aide d’une lame de Silastic®, laissée
en place pendant 15 jours, et un tampon expansible (Pope Oto-
Wick
®
), changé le huitième jour. Ensuite, le suivi a été régulier,
avec changement du Pope Oto-Wick® chaque semaine pendant
1 mois jusqu’à la cicatrisation complète de la peau du conduit.
Nous avons insisté sur l’interdiction de pratiquer le surf après
l’opération. Six mois plus tard, le patient a été opéré du côté
droit. La technique chirurgicale a consisté en un simple alésage
du conduit auditif externe et en un repositionnement de la peau
du conduit, sans recours à une greffe cutanée, et sans complica-
tions ultérieures. Le recul actuel est de 6 mois ; il n’y a pas eu de
récidive locale, mais notre jeune surfeur n’a pas encore repris ses
activités sportives.
Discussion
L’exostose du CAE est aussi appelée l’“oreille du surfeur”, même
si d’autres adeptes des sports nautiques (plongeurs, nageurs)
peuvent en être atteints. Elle est, dans la majorité des cas, bien
tolérée, mais elle peut avoir un retentissement fonctionnel non
négligeable, comme l’illustre notre observation (1).
C’est une pathologie rare et souvent bilatérale, comme dans le
cas de notre patient. Sur le plan anatomopathologique, les exos-
toses sont constituées par des couches lamellaires d’os compact
d’origine périostée. Pauvres en canaux fibrovasculaires de Havers,
elles ont une large base d’implantation et sont recouvertes d’une
peau saine qui est, à ce niveau, très fine et fragile (1, 2).
L’exostose du CAE touche principalement les hommes, et en parti-
culier les aborigènes d’Amérique du Nord et de Polynésie, alors
que les populations noires, chinoises et les Inuits sont épargnés
par cette affection. Son étiopathogénie trouve son origine dans
la stimulation locale de l’ostéogenèse. Ainsi, le sport nautique en
eau froide, combinant l’action du froid à l’action mécanique de
l’eau, qui provoque l’irritation de l’os périosté mal protégé par
un épithélium très mince à ce niveau, est le facteur prédisposant
majeur. Les oreilles des surfeurs sont plus exposées à ces exos-
toses que celles de simples nageurs, probablement parce que les
turbulences des vagues entraînent des projections d’eau (1, 3).
Des exostoses ont été observées chez des personnes portant un
casque d’écoute durant les heures de travail. On incrimine le port
du casque qui comprime et diminue la vascularisation de l’oreille
externe (1).
Les circonstances de découverte sont souvent des otites externes à
répétition, des bouchons de cérumen ou encore une hypoacousie,
comme dans le cas de notre patient. Parfois, la découverte a lieu
lors d’un examen systématique chez les pratiquants des sports
nautiques. Les acouphènes constituent rarement un motif de
consultation et, généralement, sont provoqués par le contact
entre exostose et tympan. L’examen otoscopique est capital, car
il permet de poser le diagnostic en révélant des excroissances
osseuses mamelonnées du CAE habituellement multiples et bila-
térales. L’examen du tympan est souvent difficile, voire impossible,
en fonction du degré de sténose du CAE (1, 2). En cas d’obstruc-
tion plus ou moins totale du CAE, la TDM en coupes axiales et
coronales permet de situer les lésions par rapport au plan de la
membrane tympanique et de déceler un éventuel prolongement
dans l’oreille moyenne (1).
Selon une étude japonaise, les exostoses apparaissent en moyenne
après cinq ans de pratique régulière d’un sport nautique (le surf
par exemple) en eau froide, et elles évoluent vers une sténose
sévère en 7 à 12 ans, ce qui concorde avec l’évolution de l’exostose
chez notre jeune surfeur (sténose après 10 ans de pratique) [1, 2].
Cependant, la majorité des exostoses sont bien tolérées. Elles ne
deviennent gênantes que lorsqu’elles constituent un obstacle à
l’élimination du cérumen ou des squames épidermiques, ce qui
favorise la surinfection, les otites externes récidivantes et, à un
stade avancé, une surdité de transmission. Dans tous les cas, il
est impossible de prévoir si la sténose se compliquera ou si elle
se stabilisera malgré la poursuite du sport. Enfin, la survenue d’un
cholestéatome entre sténose et tympan est rare (1).
Le traitement est chirurgical. Il doit être envisagé en cas d’exos-
toses mal tolérées se compliquant d’otites externes à répétition,
de rétention épidermique ou d’une hypoacousie de transmission.
La technique chirurgicale correspond à l’alésage du CAE. Cela est
d’autant plus difficile que l’exostose est importante, rétrécissant
considérablement la lumière du conduit. Un alésage pour une
sténose encore bien tolérée est plus aisé à réaliser, mais n’est
peut-être pas nécessaire si les exostoses ne poursuivent pas leur
croissance, ce qui est en fait difficile à prévoir. Parfois, on a recours
à des greffes cutanées si la cicatrisation est longue et laborieuse.
C’est souvent le cas dans les formes très oblitérantes comme celle
dont souffrait notre malade, pour lequel la mise en place d’un
greffon cutané était nécessaire (4).
Dans tous les cas, l’indication opératoire doit être discutée en
fonction de la gêne ressentie, de l’âge et du désir de poursuivre
les activités nautiques.
En cas d’atteinte bilatérale, le chirurgien attendra généralement
que la première oreille soit guérie avant d’opérer la seconde.