CAS CLINIQUE Mots-clés Exostoses – Conduit auditif externe – Surf – Chirurgie Keywords Exostoses – External auditory canal – Surfing – Surgery Exostose bilatérale des conduits auditifs externes Bilateral exostoses of external auditory canal N. Dib*, A. Benhammou*, H. Jabri*, N. Nazih*, L. Essakali*, M. Kzadri* L’ exostose du conduit auditif externe (CAE) est une affection rare définie par le développement d’excroissances osseuses bénignes au niveau de la portion osseuse du conduit auditif externe. Elle survient chez les adeptes de sports nautiques, en particulier les surfeurs. Cliniquement, elle se manifeste par des otites externes récidivantes ou, à un stade avancé, par une hypoacousie de transmission. Un traitement chirurgical est souvent nécessaire. Nous rapportons le cas d’un jeune surfeur qui présente une exostose bilatérale des conduits auditifs externes, au retentissement fonctionnel non négligeable, motivant un traitement chirurgical. Observation Un patient âgé de 27 ans, qui pratique le surf depuis 10 ans, et a comme antécédent des otites externes bilatérales à répétition, consulte au service d’ORL pour une hypoacousie bilatérale, plus importante à gauche, évoluant depuis environ un an. L’examen otologique retrouve une obstruction des conduits auditifs externes par des formations nodulaires multiples, recouvertes par une peau très fine et fragile. Ces excroissances mamelonnées sont dures à la palpation à l’aide d’un stylet et gênent la visualisation du tympan, surtout du côté gauche. L’acoumétrie révèle une surdité de transmission à gauche. Le reste de l’examen cervico-facial et somatique ne relève aucune anomalie. Devant cette sténose subtotale des deux conduits auditifs externes, une tomodensitométrie (TDM) des rochers est demandée, qui confirme la présence de formations osseuses comblant les deux conduits auditifs externes, l’aspect des oreilles moyennes et internes étant normal (figures 1 et 2). ▲ Figure 1. Tomodensitométrie en coupe axiale montrant un processus osseux comblant le conduit auditif externe gauche ; l’aspect de l’oreille moyenne et interne est normal. ▼ Figure 2. Tomodensitométrie en coupe coronale, montrant un processus osseux comblant le conduit auditif externe gauche. * Service d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, hôpital des spécialités, CHU de RabatSalé, Maroc. 26 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 318 - juillet-août-septembre 2009 CAS CLINIQUE L’audiométrie tonale met en évidence une surdité de transmission à gauche de 30 dB, et une audition normale à droite. Nous avons décidé d’opérer notre patient en commençant par le côté gauche, le plus obstrué. Après avoir réalisé une voie d’abord rétro-auriculaire et un décollement très difficile de la peau du conduit auditif externe – qui était de mauvaise qualité à cause de l’inflammation et de l’infection à répétition –, nous avons opté pour un alésage du conduit auditif externe à l’aide d’une fraise diamantée, avec mise en place d’un greffon cutané mince (mesurant 3 mm d’épaisseur et 2 cm de longueur) prélevé en susauriculaire par une lame de bistouri. Ce greffon a été calé dans le conduit auditif externe à l’aide d’une lame de Silastic®, laissée en place pendant 15 jours, et un tampon expansible (Pope OtoWick®), changé le huitième jour. Ensuite, le suivi a été régulier, avec changement du Pope Oto-Wick® chaque semaine pendant 1 mois jusqu’à la cicatrisation complète de la peau du conduit. Nous avons insisté sur l’interdiction de pratiquer le surf après l’opération. Six mois plus tard, le patient a été opéré du côté droit. La technique chirurgicale a consisté en un simple alésage du conduit auditif externe et en un repositionnement de la peau du conduit, sans recours à une greffe cutanée, et sans complications ultérieures. Le recul actuel est de 6 mois ; il n’y a pas eu de récidive locale, mais notre jeune surfeur n’a pas encore repris ses activités sportives. Discussion L’exostose du CAE est aussi appelée l’“oreille du surfeur”, même si d’autres adeptes des sports nautiques (plongeurs, nageurs) peuvent en être atteints. Elle est, dans la majorité des cas, bien tolérée, mais elle peut avoir un retentissement fonctionnel non négligeable, comme l’illustre notre observation (1). C’est une pathologie rare et souvent bilatérale, comme dans le cas de notre patient. Sur le plan anatomopathologique, les exostoses sont constituées par des couches lamellaires d’os compact d’origine périostée. Pauvres en canaux fibrovasculaires de Havers, elles ont une large base d’implantation et sont recouvertes d’une peau saine qui est, à ce niveau, très fine et fragile (1, 2). L’exostose du CAE touche principalement les hommes, et en particulier les aborigènes d’Amérique du Nord et de Polynésie, alors que les populations noires, chinoises et les Inuits sont épargnés par cette affection. Son étiopathogénie trouve son origine dans la stimulation locale de l’ostéogenèse. Ainsi, le sport nautique en eau froide, combinant l’action du froid à l’action mécanique de l’eau, qui provoque l’irritation de l’os périosté mal protégé par un épithélium très mince à ce niveau, est le facteur prédisposant majeur. Les oreilles des surfeurs sont plus exposées à ces exostoses que celles de simples nageurs, probablement parce que les turbulences des vagues entraînent des projections d’eau (1, 3). Des exostoses ont été observées chez des personnes portant un casque d’écoute durant les heures de travail. On incrimine le port du casque qui comprime et diminue la vascularisation de l’oreille externe (1). Les circonstances de découverte sont souvent des otites externes à répétition, des bouchons de cérumen ou encore une hypoacousie, comme dans le cas de notre patient. Parfois, la découverte a lieu lors d’un examen systématique chez les pratiquants des sports nautiques. Les acouphènes constituent rarement un motif de consultation et, généralement, sont provoqués par le contact entre exostose et tympan. L’examen otoscopique est capital, car il permet de poser le diagnostic en révélant des excroissances osseuses mamelonnées du CAE habituellement multiples et bilatérales. L’examen du tympan est souvent difficile, voire impossible, en fonction du degré de sténose du CAE (1, 2). En cas d’obstruction plus ou moins totale du CAE, la TDM en coupes axiales et coronales permet de situer les lésions par rapport au plan de la membrane tympanique et de déceler un éventuel prolongement dans l’oreille moyenne (1). Selon une étude japonaise, les exostoses apparaissent en moyenne après cinq ans de pratique régulière d’un sport nautique (le surf par exemple) en eau froide, et elles évoluent vers une sténose sévère en 7 à 12 ans, ce qui concorde avec l’évolution de l’exostose chez notre jeune surfeur (sténose après 10 ans de pratique) [1, 2]. Cependant, la majorité des exostoses sont bien tolérées. Elles ne deviennent gênantes que lorsqu’elles constituent un obstacle à l’élimination du cérumen ou des squames épidermiques, ce qui favorise la surinfection, les otites externes récidivantes et, à un stade avancé, une surdité de transmission. Dans tous les cas, il est impossible de prévoir si la sténose se compliquera ou si elle se stabilisera malgré la poursuite du sport. Enfin, la survenue d’un cholestéatome entre sténose et tympan est rare (1). Le traitement est chirurgical. Il doit être envisagé en cas d’exostoses mal tolérées se compliquant d’otites externes à répétition, de rétention épidermique ou d’une hypoacousie de transmission. La technique chirurgicale correspond à l’alésage du CAE. Cela est d’autant plus difficile que l’exostose est importante, rétrécissant considérablement la lumière du conduit. Un alésage pour une sténose encore bien tolérée est plus aisé à réaliser, mais n’est peut-être pas nécessaire si les exostoses ne poursuivent pas leur croissance, ce qui est en fait difficile à prévoir. Parfois, on a recours à des greffes cutanées si la cicatrisation est longue et laborieuse. C’est souvent le cas dans les formes très oblitérantes comme celle dont souffrait notre malade, pour lequel la mise en place d’un greffon cutané était nécessaire (4). Dans tous les cas, l’indication opératoire doit être discutée en fonction de la gêne ressentie, de l’âge et du désir de poursuivre les activités nautiques. En cas d’atteinte bilatérale, le chirurgien attendra généralement que la première oreille soit guérie avant d’opérer la seconde. La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 318 - juillet-août-septembre 2009 | 27 CAS CLINIQUE La chirurgie des exostoses du CAE connaît certaines complications qui ne sont pas négligeables, et elle est même parfois responsable de lourdes séquelles fonctionnelles. La resténose est redoutable. Il faut la prévenir en interdisant les baignades durant les 6 premiers mois suivant l’intervention et en insistant sur la reprise progressive des activités nautiques avec port de bouchon. D’autres complications sont possibles, comme la labyrinthisation due au fraisage transmis à l’oreille interne, les acouphènes, la paralysie faciale, la perforation tympanique et l’ouverture de l’articulation temporo-mandibulaire (1, 4). Cela souligne l’importance du consentement éclairé du malade, auquel ces différents risques opératoires auront été expliqués, notamment en ce qui concerne la reprise des activités nautiques. Conclusion Les exostoses de CAE sont rares. Cette pathologie atteint ceux qui pratiquent des sports nautiques, en particulier les surfeurs. Elle est souvent révélée par des otites externes à répétition. Son diagnostic est clinique et son traitement est chirurgical. ■ Références bibliographiques Enfin, il est important de rappeler l’intérêt d’un examen otologique systématique chez les surfeurs au moins une fois par an. 1. Juhoor S. Les exostoses du conduit auditif externe. Bulletin de médecine subaquatique et hyperbare 2002;12:189-90. 2. Portmann D, Rodrigues E, Herman D, Lacher G, Bébéar JP, Portmann M. Les exostoses du conduit auditif externe : aspects clinique et thérapeutique. Rev Laryngol Otol Rhinol 1991;112:231-5. 3. Kroon DF, Lawson ML, Derkay CS, Hoffmann K, McCook J. Surfer’s ear: external auditory exostoses are more prevalent in cold water surfers. Otolaryngol Head Neck Surg 2002;126(5):499-504. 4. Stougaard M, Tos M. Less radical drilling in surgery for exostoses of the external auditory canal. Auris Nasus Larynx 1999;26:13-6. Nouvelles de l’industrie pharmaceutique Communiqués des conférences de presse, symposiums, manifestations organisés par l’industrie pharmaceutique Efficacité de l’ITS sublinguale dans le traitement de la rhinite allergique Un symposium organisé par les laboratoires Stallergenes le 2 juillet 2009 à Poitiers, à l’occasion du VIIe Rhinoforum a rappelé l’importance de la prise en charge de la rhinite allergique. Selon les recommandations ARIA (Allergic Rhinitis and its Impact on Asthma) émises par l’OMS, la rhinite allergique ne doit pas être considérée comme une simple gêne, mais comme une maladie respiratoire majeure du fait de sa prévalence, de ses comorbidités, de son impact sur la qualité de vie, de la charge économique qu’elle représente et de par ses liens avec l’asthme, dont elle est un facteur de risque reconnu. Si les traitements symptomatiques sont perçus comme simples et efficaces par la majorité des patients, nombreux sont ceux qui jugent leur efficacité insuffisante, limitée dans le temps, et la dépendance au traitement contraignante. La désensibilisation ou immunothérapie spécifique (ITS) est l’unique traitement étiologique et elle seule permet d’infléchir l’évolution de la maladie, notamment vers l’asthme. Elle est indiquée lorsque les symptômes se déclenchent en présence d’un ou de deux allergènes significatifs et lorsque les mesures d’éviction et les traitements symptomatiques demeurent insuffisants pour contrôler la maladie. 28 | La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 318 - juillet-août-septembre 2009 Le traitement par la voie sous-cutanée, voie de référence historique, a une efficacité reconnue. Mais il nécessite des injections multiples et présente un risque de choc anaphylactique. Le traitement par la voie sublinguale (aujourd’hui disponible en gouttes à déposer sous la langue, et demain en comprimés), majoritairement utilisé, apporte une amélioration en termes de tolérance, d’acceptabilité et de rapport bénéfice/risque. Son efficacité sur les symptômes allergiques et sur l’histoire naturelle de la maladie – c’est-à-dire l’évolution vers l’asthme – est confirmée. Son innocuité est bien établie, puisque plus d’un milliard de doses humaines ont déjà été utilisées. Le Pr Alain Didier a présenté les résultats d’une étude internationale pédiatrique de phase III (étude VO522) randomisée, en double aveugle, contre placebo. Pour évaluer l’efficacité et la tolérance du comprimé d’extrait allergénique dosé à 300 IR, une fois par jour, en voie sublinguale, 278 enfants âgés de 5 à 17 ans, présentant une rhinite allergique saisonnière aux pollens de graminées, ont été inclus dans 5 pays européens. L’observance a été excellente (> 80 %). L’efficacité du comprimé est significativement supérieure à celle du placebo sur le critère principal, avec une efficacité très significative sur la congestion nasale et sur les symptômes oculaires. Ce traitement montre aussi une diminution significative du score médicamenteux et une bonne tolérance. Plus de 8 patients sur 10 le recevant ont ressenti une amélioration de leurs symptômes dès la première saison pollinique. ■ CP