tragi-comédie « à machines » avec Ulysse dans l’isle de Circé ou Euriloche foudroyé, qui
s’inscrivait dans les goûts de l’époque et pouvait garantir un certain succès. Après
cette pièce, Boyer ne revint pas au théâtre avant 1659 avec une nouvelle tragédie,
Clotilde, dédiée à Fouquet, qui faisait figure de mécène. Cette longue absence peut être
expliquée par les évènements de la Fronde, qui interrompirent la carrière de
nombreux dramaturges. Peu de documents nous informent sur les activités précises
de Boyer tout au long de ces onze années. D’après les archives notariales d’Albi,
Boyer vécut quelque temps chez Gédéon Tallemant des Réaux, décrit comme le
patron des gens de lettres. Ce dernier grâce à des liens familiaux, puisqu’il était
l’époux d’Elisabeth de Rambouillet, était lui aussi admis à l’Hôtel de la Marquise, et
fut nommé en 1637 conseiller au Parlement de Paris puis maître des requêtes en
1640. Un document officiel évoque sa présence le 2 décembre 1656 à une cérémonie
d’émancipation où Boyer fut appelé « à la suitte de Monsieur de Taleman » dont il
était au service. C’est afin d’éviter que sa fortune ne soit dilapidée, du moins
éparpillée, par ses frères que Boyer s’est fait émanciper :
[Boyer] a profitté de certaines sommes asses notables et est en estat de profiter
davantage ; pour l’encourager à continuer son travail et qu’il n’y puisse estre frustré par
ses frères, le d. sieur Boyer père desire icellui esmanciper et sortir de la puissance
paternelle pour ce chef tant seulement2.
Si ce document fait allusion à « son travail », il ne précise rien sur sa nature et aucun
autre document ne permet de connaître précisément les fonctions qu’avait Boyer
auprès de Gédéon Tallemant. Il est alors probable que Boyer, au service de Gédéon
Tallemant, qui a été intendant de la province de Guyenne, ait vécu quelques années
loin de Paris. Cet éloignement et ses autres activités, consacrées à Gédéon Tallemant,
expliquent en partie ce long silence de Boyer. Durant sa vie, il a conservé de bonnes
relations avec la famille Tallemant au point que, lorsqu’il fit un voyage à Albi en 1667,
il était accompagné du fils de son bienfaiteur, Paul. Il revint donc au théâtre en 1659
et, comme à ses débuts, il écrivit en moyenne deux pièces par an. Certains
s’accordèrent pour dire que ses pièces n’eurent pas de succès, mais il faut noter que
Boyer évoquait souvent dans ses préfaces la satisfaction du public et que plusieurs de
ses pièces étaient parfois jouées en même temps dans des théâtres différents. Le
succès, s’il n’était pas retentissant existait bel et bien et il faut imputer la rumeur de
son insuccès à ses détracteurs. D’autant plus que dans les années 1660, il reçoit les
2 Archives notariales de M.Malphettes d’Albi, n° 359 de l’Inventaire fo 416 Vo, cité par Clara Brody.