I giovani, il ruolo della storia e come reagire
al“terrorismo di prossimità“
Leila El Houssi * - 03.08.2016
Les jeunes, le rôle de l' Histoire, et comment
réagir face au "terrorisme de proximité"
Article de Leila El Houssi
paru dans
Mente Politica
le 03/08/2016
Traduit de l'italien par Sarah Allam
En un peu plus d'un an et plus précisément depuis le 7 janvier 2015, jour de l'attentat au
siège de la rédaction du journal satirique Charlie Hebdo, l'Europe est entrée brutalement dans une
nouvelle ère. Une période d'éphémère tranquillité au cours de laquelle les démocraties européennes
assistaient de loin aux attentats terroristes qui bouleversaient la vie quotidienne à Kaboul, Bagdad,
Alger, Beyrouth, Damas, Alep, semble avoir trouvé son terme.
La succession des attaques au cœur de l'Europe a vu la montée d'une nouvelle forme de
menace que le sociologue Khaled Fouad Allam définissait comme "terrorisme de proximité". Une
menace qui peut se manifester à n'importe quel moment et qui esquisse une situation extrêmement
complexe l'inquiétude assume le rôle de protagoniste. De sorte que les sociétés européennes
semblent tomber dans le dangereux piège de la confusion entre Islam et islamisme et qui renvoie
inexorablement aux événements dramatiques du 11 septembre 2001.
Ces derniers mois, l'accélération d'événements dramatiques, parmi lesquels l'attaque faite à
la capitale de l'Europe, Bruxelles, la tragédie de Nice et, plus récemment la prise d'otages avec
l'égorgement du prêtre Jacques Hamel dans une église de Saint-Étienne du Rouvray, contribuent à
répandre le sentiment de peur qui pourrait faire précipiter l'Europe dans une autre terreur qu'elle a
déjà malheureusement connue et qu'on nomme totalitarisme. L'incertitude, la crainte produisent en
chacun de nous une sorte de court-circuit qui nous fait vaciller et qui nous contraint à réclamer une
sécurité que nous n'arrivons plus à ressentir. Dans ce contexte, les déclarations de nombreux
politiques issus de franges voisines de la droite extrémiste, regorgent de termes tels que "sécurité",
"vigilance", "lutte contre le terrorisme" et accablent les migrants, les réfugiés ou les demandeurs
d'asile. Une manière de raviver la consolidation du conflit entre les "occidentaux" et les "autres" en
renvoyant à ce choc de civilisation préfiguré par Samuel Huntington au début des années 90 et qui a
vu son succès en quelque sorte avéré par les attentats de 2001.
Dans tout ceci on voit poindre un J'accuse envers les musulmans qui vivent en Europe, et
qui sont critiqués parce qu'ils ne prennent pas position contre ceux qui prétendent agir au nom de
leur religion. A ce propos, je ne peux que partager encore une fois la pensée de Khaled Fouad
Allam, qui affirmait que dans cette situation difficile "le passage de la conscience individuelle à la
conscience collective semble presque se produire naturellement".
En réalité nous savons que de nombreux musulmans européens s'opposent avec force au
jihadisme et se battent quotidiennement pour un chemin démocratique vers l'islam à travers les
réseaux sociaux, les journaux, la télévision et les livres. On pense par exemple à la campagne
Twitter et au #Notinmyname de Facebook qui a rencontré l'adhésion de milliers de jeunes
musulmans, ou encore aux déclarations contre le terrorisme prononcées par de nombreux imams qui
guident la prière dans de nombreuses mosquées d'Europe.
Tout ceci pourrait malgré tout ne pas suffire et un écrivain de valeur comme Tahar Ben
Jelloun a lancé un appel dans le journal Le Monde, repris par le journal italien La Repubblica, dans
lequel il affirme avec conviction qu' "il ne suffit pas de se révolter verbalement, de s'indigner une
fois de plus et de répéter que "cela n'est pas l'Islam". Ce n'est plus suffisant, et nous sommes de
moins en moins crus quand nous affirmons que l'Islam est une religion de paix et de tolérance. Nous
ne pouvons plus sauver l'Islam - ou plutôt - si nous voulons le rétablir dans sa vérité et dans son
histoire, et démontrer que l'islam ne consiste pas à égorger un prêtre, alors nous devons descendre
en masse sur les places publiques et nous unir autour d'un même message : libérons l'islam des
griffes de Daesh."
L'appel ainsi lancé par un intellectuel tel que Ben Jelloun, connu et estimé au niveau
international, a été partagé par beaucoup.
De ce point de vue, si nous portons notre regard vers l'Italie, certaines voix importantes de la
jeunesse appartenant à la deuxième génération, utilisent des moyens de communication originaux
comme les places virtuelles pour dénoncer le terrorisme de Daesh qui est in primis un ennemi de
l'islam.
Un exemple parmi tant d'autres est assurément celui de la jeune Chaimaa Fatihi qui, depuis
un post publié sur Facebook, a vu naître le volume "Vous ne nous aurez jamais", dans lequel elle
soutient que "celui qui tue n'est pas un vrai fidèle de l'Islam" - religion fondée sur des valeurs de
paix et d'amour-, mais un atroce criminel". Un autre exemple est celui de Takoua Mohamed,
journaliste-graphiste, et qui à travers la bande-dessinée interculturelle veut "construire le dialogue et
abattre les murs qui séparent les cultures" en soulignant "l'engagement réciproque des deux parties".
Il existe par conséquent des musulmans qui s'opposent avec fermeté à ce qui arrive, et parmi
eux, de nombreux jeunes hommes et femmes qui se refusent à comprendre ces personnes qui
appartiennent à la même génération qu'eux et qui semblent fascinés par l'idéologie islamiste.
Comme l'affirme Ben Jelloun, bien qu' "appartenant à la même nation, ils ne sont pas frères"
mais nous ne pouvons pas ne pas nous demander pourquoi, parmi ces jeunes, qui ont souvent
habité et partagé les mêmes lieux de vie, les mêmes écoles, certains subissent cette fascination et
d'autres pas.
Il n'y a aucun doute sur le fait qu'entre eux il existe une différence profonde qui se découvre
dans l'interprétation des processus. La grille de lecture des événements historiques, par exemple, est
profondément différente. Pour la majorité des jeunes musulmans nés et/ou ayant grandi en Europe,
la lecture de l'Histoire des pays d'origine est faite en toute "conscience". Ils sont indubitablement
poussés par la curiosité de comprendre ce qui s'est passé dans le pays de leurs aïeux pendant la
colonisation et dans la phase post-coloniale, lors de la gouvernance des régimes. Parallèlement, ils
appartiennent à la génération des Droits de l'Homme qui ont accompagné dans un cri de liberté et de
dignité leur contemporains qui manifestaient sur les rives sud de la Méditerranée durant les
"printemps arabes" et qui éprouvent de l'indignation envers ce conflit au sens large. Ils ne sont pas
la génération de l'homogénéité culturelle, comme on voudrait nous le faire croire, mais bien que
pratiquant leur religion, ils partagent les valeurs de liberté et de solidarité qui les unit aux sociétés
séculières. Ce sont en outre de fermes opposants à la terreur parce que nombre d'entre eux ont des
proches qui ont été victimes de répression dans les années sombres de ces régimes.
Certains en revanche subissent la fascination de l'idéologie islamiste et décident de s'enrôler
dans la filière jihadiste et tentent de reconstruire leur propre foi en peu de temps et en imaginant
ainsi se "purifier", et ils réinterprètent l' Histoire en faisant par exemple des accords Sykes-Picot un
mythe négatif à la base de la reconquête/vengeance islamiste. Comme l'affirmait Kh.-F. Allam,
" L'histoire est toujours susceptible de succomber à la fascination de la sublimation, mais de cette
façon, sa vérité est dévoyée et l'on passe alors facilement de la vérité à l'utopie. Toutefois, on sait
que l'utopie peut pousser à l'absence de sens critique et paralyser son dépassement".
Dans ce cadre, afin de garantir la sécurité à tous, nous devons agir aussi à travers l'approche
culturelle. Et l'enseignement dans les écoles et dans les universités de l' histoire du Moyen-Orient et
de l'Afrique du Nord s'avère plus que nécessaire, voire impérieux, afin que la jeunesse puisse avoir
les instruments critiques à sa disposition, lui permettant ainsi d'interpréter les événements avec
justesse.
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