La Lettre du Gynécologue - n° 318-319 - janvier-février 2007
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Motifs de recours au SMUR pédiatrique en salle de
naissance : conditions d’une prise en charge optimale
Indications for calling neonatal transport team in delivery room:
conditions for optimal care
# J.-L. Chabernaud*
* Praticien hospitalier, responsable médical du SMUR pédiatrique (SAMU 92) de Clamart, CHU
Antoine-Béclère (AP-HP), 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92141 Clamart Cedex.
L’ organisation des transports sanitaires, et particuliè-
rement des malades les plus gravement atteints, est
assurée depuis la fin des années 1960 en France par
les SAMU-SMUR. La création des SMUR pédiatriques dans
les années 1970, sous l’impulsion des néonatologistes, a per-
mis de grands progrès dans la qualité de la mise en condition
et du transfert des nouveau-nés (1). Dans les années 1990, la
mise en place des réseaux périnatals allait dans le même sens
en mettant l’accent sur la collaboration des professionnels de
la périnatalité (2-4). Le transfert maternel vers un centre pé-
rinatal de type III (ou parfois IIb), lorsqu’il est possible et non
contre-indiqué, est ainsi actuellement privilégié. En effet, de
meilleurs résultats, aussi bien pour la mortalité et la morbidité
périnatales que pour les séquelles à long terme, sont rapportés
en cas de naissance très prématurée (âge gestationnel < 33 SA),
surtout avant 30 semaines d’âge gestationnel, ou de pathologie
fœto-maternelle sévère après transfert in utero qu’après trans-
fert postnatal du nouveau-né (5, 6). Le transfert maternel évite
également de séparer la mère de son enfant qui vient de naître.
Pour le nouveau-né à terme ou proche du terme, le transfert
postnatal en cas de circonstances pathologiques est rarement
prévisible et évitable. Un certain nombre de textes législa-
tifs et de communications ont été publiés pour organiser ces
transferts et décrire les moyens nécessaires (7-10). Dans tous
les cas, lors de la régulation du transfert du nouveau-né, la
communication entre demandeur (obstétricien, sage-femme,
anesthésiste ou pédiatre), receveur (centre périnatal de type
III ou IIb), vecteur (SMUR pédiatrique ou polyvalent) et mé-
decin régulateur est primordiale.
En Île-de-France, un dispositif régional (réseau inter-SMUR
diatrique d’Île-de-France-GEN-IF) s’est constitué à partir de
1976. Il est composé de cinq équipes rattachées à une unité de
réanimation d’un centre périnatal de type III (tableau I), cha-
cune étant, depuis 1980, en charge d’une zone géographique de
la région Île-de-France, et réalise chaque année plus de 3000
transports de nouveau-nés. Elles ont standardisé les méthodes
de mise en condition dans un ouvrage régulièrement réédité
(11). Dans d’autres régions, de telles structures se sont égale-
ment développées, essentiellement dans le Nord-Pas-de-Calais
(Lille), en Midi-Pyrénées (Toulouse), Poitou-Charentes
(Poitiers), Bourgogne (Dijon), Aquitaine (Bordeaux) et en
région Centre (Tours et Orléans).
CIRCONSTANCES D’APPEL AU SMUR PÉDIATRIQUE
ET DÉCISIONS LES PLUS ADAPTÉES
Demande de transfert postnatal du nouveau-né
Généralités
L’interlocuteur privilégié est le plus souvent le pédiatre de
maternité, il est sur place et a, avec la sage-femme, une bonne
connaissance du dossier obstétrical. Dans tous les cas, il a éva-
lué de façon rigoureuse et objective l’état de l’enfant (examen
clinique, éventuellement complété par des examens paracli-
niques, en particulier des radiographies). Il s’agit soit de nou-
veau-nés prématurés, présentant une détresse respiratoire
sévère nécessitant la ventilation assistée, soit de nouveau-nés
à terme (ou proches du terme) ayant nécessité une réani-
mation intense en salle de naissance en raison d’un contexte
d’asphyxie périnatale, ou présentant une infection grave, par-
fois une malformation. Léchange avec le médecin régulateur
repose sur la réponse à plusieurs questions (tableau II). Le
degré d’urgence et les possibilités thérapeutiques locales sont
appréciés. Des conseils sont souvent donnés pour améliorer la
prise en charge en attendant l’arrivée de l’équipe de transport.
Les dossiers (obstétrical et pédiatrique) sont préparés avec une
Tableau I.
Les SMUR pédiatriques d’Île-de-France.
SAMU SMUR pédiatrique (médecin
référent et n°d’appel du secteur)
Service de réanimation
SAMU 93
(AP-HP) Pr M. Cupa
Dr A. Ayachi
(01 48 96 44 44)
Montreuil (André-
Grégoire) Dr P. Daoud
SAMU 92 (AP-HP)
Pr Chauvin
Dr J.L. Chabernaud
(01 47 10 70 10)
Clamart (Antoine-
Béclère) Pr M. Dehan
(Dr P. Boileau)
SAMU de Paris
Pr Carli
(AP-HP)
Dr J. Lavaud
(01 45 67 50 50)
Dr N. Lodé
(04 40 23 22 83)
Necker Enfants-Malades
Pr Hubert
Robert-Debré
Prs Y. Aujard et S. Dauger
SAMU 95
Dr M. Giroud
Dr V. Henry-Larzul
(01 30 75 42 15)
Pontoise
Dr J. Leraillez
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Figure 1.
Module du SMUR pédiatrique.
autorisation d’opérer signée par la famille en cas de problème
chirurgical. Le transfert est confié à une équipe de transport
médicalisée (de préférence un SMUR pédiatrique disposant
d’un matériel spécialisé) [figure 1] si l’état de l’enfant reste
grave ou instable au décours de la réanimation initiale. Dans
le cas contraire, l’enfant est transféré par une ambulance para-
médicalisée, sous la surveillance d’une infirmière-puéricultrice
ou d’une infirmière formée à la néonatologie, avec un équipe-
ment adapté (transfert infirmier interhospitalier). Le service
d’accueil est choisi le plus souvent par le SMUR pédiatrique en
fonction de la pathologie néonatale et des places disponibles,
à proximité du domicile des parents, en évitant les transferts
triangulaires.
Anoxie périnatale
La persistance d’une détresse vitale (score d’Apgar < 4 à 5 mn),
après des manœuvres de réanimation, impose le transfert
médicalisé en réanimation. Les situations intermédiaires sont
les plus fréquentes et les plus difficiles. Lévaluation de l’en-
fant repose sur un faisceau d’arguments cliniques, anamnesti-
ques, évolutifs et parfois biologiques (12). L’hospitalisation est
indispensable si une réanimation initiale lourde (intubation,
ventilation, médicaments vasoactifs) a été nécessaire avec
récupération clinique incomplète (score d’Apgar < 7 à 5 mn)
et acidose métabolique importante (pH < 7, BD > 12, lacta-
cidémie > 9 mmol/l) au cordon et/ou dans la première heure
de vie.
Toutes les situations obstétricales avec arrêt de la circulation
placentaire (hématome rétroplacentaire, rupture utérine…)
doivent inciter à la prudence, même si l’enfant semble avoir
récupéré. Toute pathologie surajoutée (prématurité, macro-
somie, détresse respiratoire, infection potentielle), faisant
courir le risque d’une décompensation rapide, doit faire dis-
cuter l’hospitalisation en milieu spécialisé. Lexistence ou la
persistance de signes cliniques pathologiques (neurologiques,
respiratoires, hémodynamiques), même minimes, à 2 heu-
res de vie, ne permettent pas de laisser l’enfant en suites de
couches. Le niveau de soins du lieu d’hospitalisation (réani-
Appel postnatal
Qualité de l’interlocuteur et lieu exact où se trouve l’enfant.
Âge (heure de naissance), nom et prénom.
Motif d’appel et de transfert.
Antécédents médicaux et obstétricaux de la mère (préciser si grossesse multiple),
Conditions de l’accouchement et de la naissance :
– âge gestationnel (SA) ;
– poids de naissance : retard de la croissance intra-utérine (RCIU) et degré de gravité ;
– contexte infectieux (date et durée de l’ouverture de la poche des eaux, èvre
maternelle) ;
– menace d’accouchement prématuré et corticothérapie anténatale (quand ? type ?) ;
– anoxie périnatale (cause, type d’anomalies du RCF) ;
– liquide amniotique : aspect clair ou méconial, quantité ;
– présentation (voie basse ou siège) et durée de l’expulsion (extraction instrumentale) ;
– césarienne (motif, avant ou après travail, anesthésie locorégionale ou générale) ;
– médicaments reçus par la mère (antibiotiques, bêtabloquants, sédatifs…).
Scores d’Apgar à 1 mn et à 5 mn, manœuvres de réanimation eectuées.
Examen clinique du nouveau-né :
– fonction respiratoire : score de Silverman, importance du geignement surtout à
terme, cyanose généralisée, SpO2, irrégularités du rythme, apnées ;
– fréquence cardiaque, hémodynamique centrale (PA) et périphérique (TRC) ;
– température (rectale ou axillaire) ;
– état neurologique et comportement (mouvements anormaux) ;
– perméabilité des orices naturels (“test de la seringue”), malformations éventuelles.

Mise en condition et examens paracliniques déjà eectués :
– mise en incubateur, sac en polyéthylène ;
– oxygénation (Hood, FIO2) ;
– ventilation non invasive (PPC nasale,VS-PEP) : PEP à combien de cm ? H20, FiO2 ;
– intubation endotrachéale (calibre, canal latéral, position de la sonde : repère narine
et contrôle radiologique), ventilation (manuelle ou mécanique, FiO2, constantes de
ventilation) et surfactant exogène (lequel, dose ?) ;
– résultats (expansion thoracique, radiographie du thorax, PtcO2, SpO2, PtcCO2, gaz
du sang, Dextrostix® ou BM test glycémie 20-800®) ? ;
– voie d’abord, type de soluté, débit de perfusion ;
– remplissage vasculaire éventuel (avec quoi ?) ;
– médicaments reçus (antibiotiques, inotropes...), vitamine K1 et désinfection
oculaire eectuée.
Un service receveur a-t-il déjà été recherché ? Lautorisation d’opérer a-t-elle été
signée par les parents ?
Appel pour assistance anténatale (transfert
maternel impossible ou contre-indiqué)
Antécédents maternels.
Déroulement de la grossesse et du travail en cours (niveau de dilatation du col).
Accouchement prématuré. Rupture de la poche des eaux.
Arguments anamnestiques en faveur d’un risque d’infection maternofœtale.
Anomalies du développement fœtal (RCIU, malformation).
Thérapeutique(s) reçue(s) par la mère (antibiotiques, corticoïdes, sédatifs…).
Anoxie anténatale (anomalies RCF).
Tableau II.
Questions à poser lors de la régulation d’un transfert de
nouveau-né (11).
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Figure 2.
Ventilation non invasive (PPC nasale).
mation, soins intensifs, néonatologie) dépend des possibilités
locales et régionales. Le transfert en réanimation est néces-
saire si une détresse respiratoire persiste (surtout avec oxygé-
nodépendance et/ou ventilation mécanique), s’il est besoin de
recourir à des produits de remplissage vasculaire ou vasoactifs
et/ou en cas d’examen neurologique anormal (hyporéactivité,
mouvements anormaux…). Le nouveau-né est placé dans une
unité de réanimation équipée pour réaliser une hypothermie
contrôlée, reconnue aujourd’hui comme efficace si lanoxie
périnatale est modérée ou grave (13).
Détresse respiratoire
Le pédiatre de maternité doit, sur une courte période (sou-
vent < 2 heures), selon l’âge gestationnel, les conditions de
naissance (césarienne avant ou en cours de travail, voie basse,
déclenchement, type de liquide amniotique, corticothérapie
anténatale), l’existence d’une anoxie périnatale ou d’un éven-
tuel contexte infectieux et les données cliniques, d’abord en
définir la cause. Puis il choisit comment la traiter et décide
éventuellement de transférer le nouveau-né. Le but essentiel,
quel que soit le terme, est de différencier la détresse respira-
toire transitoire (DRT) par retard de résorption du liquide
pulmonaire (plus fréquent après naissance par césarienne) des
pathologies alvéolaires (maladies des membranes hyalines et
alvéolite infectieuse). La conduite pratique dépend de l’âge
gestationnel (AG) (14) :
Chez le prématuré dAG < 32 SA, la grande fréquence de la
maladie des membranes hyalines (MMH) rend le transfert en
réanimation indispensable. Avant 28 SA, l’intubation endo-
trachéale pour ventilation mécanique et administration pro-
phylactique de surfactant exogène est systématique. La PPC
nasale (VS-PEP) précoce, méthode de ventilation non inva-
sive, a une place de choix après 28 SA (figure 2). Elle permet
de se donner 30 à 40 mn pour évaluer la gravité de la détresse
respiratoire afin de décider d’intuber (pour leur administrer
du surfactant exogène) ceux qui gardent un score de Silver-
man > 4, une FiO2 > 30% avec une radiographie thoracique
typique et parfois des troubles hémodynamiques associés.
 Chez le prématuré dAG > 32 SA : l’observation initiale en
PPC nasale peut être peu plus longue, sans excéder 2 heures.
Le sevrage de la PPC peut être envisagé si l’enfant est eup-
néique et stable sous air. Il peut alors être surveillé en soins
intensifs. Les critères d’intubation restent un score de Silver-
man > 4, des signes hémodynamiques associés et l’absence
d’amélioration clinique avec une FiO2 > 30%. Les gaz du sang
nont pas d’intérêt diagnostique ou pronostique. Les nouveau-
nés encore en PPC nasale (surtout si une oxygénodépendance
persiste) et ayant eu besoin d’être intubés et mis en ventilation
mécanique doivent être transférés en réanimation par une
équipe de transport médicalisée.
 Chez le nouveau-né à terme (AG > 37 SA), le problème
est paradoxalement plus difficile. La MMH peut encore être
rencontrée, surtout en cas de diabète maternel, de déclen-
chement ou de césarienne avant le début du travail (15). La
symptomatologie est particulière à ce terme, car le thorax a
une structure pariétale ostéocartilagineuse plus rigide. Les
signes de rétraction sont donc moins marqués alors que la
tachypnée (fréquence respiratoire > 60/mn) et le geignement
expiratoire quasi permanent sont au premier plan. La PPC est
plus efficace si elle est mise en place avant 15-30 mn de vie,
alors qu’après 2 heures de vie elle a peu d’effet en cas de DRT,
et est même mal tolérée, voire parfois source de complications
(pneumothorax). Un délai d’observation de 2-3 heures sous
PPC paraît raisonnable. Il y a peu à attendre sur le plan dia-
gnostique de la radiographie de thorax, surtout si une PPC
précoce a été mise en place. Elle peut permettre cependant
d’éliminer un pneumothorax. Les gaz du sang sont inutiles,
sauf en cas d’anoxie périnatale initiale. Seuls les enfants ayant
eu une détresse respiratoire très brève et eupnéiques sous air
avant 15 mn de vie pourront aller en suites de couches. Les
nouveau-nés sevrés de PPC au bout de 2-3 h seront surveillés
en néonatologie. L’intubation endotrachéale sera décidée si la
symptomatologie clinique s’aggrave et si la FiO2 nécessaire
dépasse 30%. Les enfants encore dépendants de la PPC nasale
à 2-3 heures de vie ou intubés et ventilés seront transférés en
réanimation par une équipe de transport médicalisé. En cas
de détresse respiratoire grave par inhalation de liquide amnio-
tique méconial (ou après anoxie périnatale) avec persistance
Pathologie maternelle à retentissement fœtal :
– hématome rétroplacentaire ;
– placenta praevia hémorragique avec retentissement hémodynamique maternel ;
– hypertension gravidique sévère mal contrôlée et éclampsie ;
– rupture utérine.
Pathologie fœtale grave :
– grande prématurité (âge gestationnel < 32 semaines) ;
– anasarque fœtoplacentaire ;
– grossesse gémellaire (ou triple) et âge gestationnel inférieur à 35 semaines ;
– malformation congénitale grave mettant en jeu le pronostic vital dès la naissance.
Facteur pathologique associé :
– retard de croissance intra-utérin majeur (< 3e percentile).
Tableau III.
Indications d’assistance anténatale (1, 11).
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postnatale de l’HTAP de la vie fœtale, l’enfant ira pour l’Île-
de-France en réanimation pédiatrique de l’hôpital Trousseau,
seule unité permettant de réaliser une épuration extracorpo-
relle (AREC) en cas d’échec du monoxyde d’azote inhalé.
Pour la mise en condition avant transfert, il est indispensable
que le pédiatre de maternité connaisse et applique les recom-
mandations actuelles lors de la prise en charge à la naissance
et dans les premières heures après la naissance (16, 17).
Naissance prématurée prévue ou décidée
Les équipes du réseau inter-SMUR pédiatrique d’Île-de-France
ont depuis longtemps proposé d’intervenir avant la naissance
(“assistance anténatale”) d’un enfant à risque de naissance très
prématurée, lorsque le transfert de la mère est impossible ou
contre-indiqué, pour apporter la compétence d’un médecin
entraîné à la réanimation néonatale et installer en salle de nais-
sance une technologie et des thérapeutiques identiques à celles
des unités de réanimation néonatale dans certaines indications
(tableau III) (18). Lorsque l’état de la mère et du fœtus le per-
mette, il est souhaitable que l’extraction de l’enfant soit réali-
sée lorsque l’équipe du SMUR pédiatrique est déjà sur place. Il
est fondamental que la sage-femme et le pédiatre de maternité
(resté sur place jusqu’à l’arrivée du SMUR pédiatrique) prépa-
rent l’accueil et la prise en charge du nouveau-né : salle de nais-
sance prête et matériel vérifié (tableau IV), même si le bébé doit
être mis dans le module de transport juste après la naissance. Le
diatre de maternité peut accompagner le médecin du SMUR
lors de la réanimation s’il y a accord préalable entre eux et/ou
s’il s’agit de la naissance de jumeaux, mais dans l’échange et le
respect de la place de chacun et s’il maîtrise les techniques de
mise en condition. Dans tous les cas, il est fondamental d’éviter
les conflits et désaccords devant les parents.
Extrême prématurité (AG < 28 SA)
et naissance aux limites de viabilité
Pour le pédiatre de maternité et du SMUR pédiatrique, la prise
en charge de ce type de patients pose de multiples problè-
mes (techniques, éthiques, information et accompagnement
des parents), soit lors de la régulation lors de l’appel, soit au
moment de la prise en charge de l’enfant et des parents (19,
20). Les équipes obstétrico-pédiatriques des maternités des
centres périnatals de type I, rarement confrontées à la nais-
sance d’un enfant extrêmement prématuré, font appel à l’obs-
tétricien et/ou au néonatologiste du centre de type III de leur
réseau périnatal (ou à la cellule d’orientation des transferts in
utero en Île-de-France). Le transfert maternel est rarement
accepté par les centres périnatals de type III avant 24-25 semai-
nes en raison de la pénurie de places disponibles. Le dossier
est alors discuté entre les deux équipes obstétricales afin de
déterminer l’attitude obstétricale optimale, et en particulier la
prescription des corticoïdes (taméthasone), d’une tocolyse
ou d’antibiotiques en cas de suspicion de chorioamniotite.
Malheureusement, très souvent (63% des cas en Île-de-France
en 2003), la patiente se présente à dilatation complète (19). Il
est alors trop tard pour la transférer en centre de type III. Le
temps pour la discussion avec les parents ou avec le centre de
type III du réseau périnatal est trop court. Les néonatologistes
des SMUR pédiatriques sont alors contactés pour intervenir
en urgence. Répondre à une telle demande nest pas facile.
Faut-il, en particulier avant 24 semaines, refuser d’intervenir
et demander à la sage-femme, à l’obstétricien et au pédiatre
du centre de type I d’assumer totalement la prise en charge
obstétricale, celle des parents et l’accompagnement du ou des
enfants ? Faut-il au contraire intervenir systématiquement
avec parfois un doute sur l’âge gestationnel et une méconnais-
sance ou une grande imprécision sur le poids de naissance
malgré les progrès récents de l’estimation échographique ?
Cest plutôt cette dernière attitude qui paraît préférable et,
le plus souvent, le pédiatre régulateur conseille de tenter une
corticothérapie (Célestène chronodose
®
12 mg) avant la nais-
sance de l’enfant et envoie l’équipe de transport pédiatrique. Le
déplacement de l’équipe du SMUR pédiatrique dans un délai
court avant la naissance est décidée. Plus rarement, il est pos-
sible de laisser l’équipe obstétrico-pédiatrique résoudre seule
la prise en charge des parents et assumer l’absence de prise en
charge active de l’enfant, surtout aux âges gestationnels très
faibles (AG < 24 SA).
La position éthique des néonatologistes français a été expri-
mée dans plusieurs textes (21, 22). Cependant, il existe dans
notre pays d’importantes variations dans les attitudes selon les
réseaux périnatals et de multiples interrogations persistent.
Aucun document na été conjointement rédigé par des obs-
tétriciens et des pédiatres. Dans un récent rapport du 20 juin
2006, l’Académie nationale de médecine considère qu’avant
25 SA et pour un poids de naissance inférieur à 700 g, les
risques de séquelles graves sont importants et que les nou-
veau-nés de moins de 23 SA nont aucune chance de survie.
En revanche, elle considère qu’après 25 SA, l’expérience des
équipes médicales de néonatologie et les données de la littéra-
ture justifient la mise en œuvre de soins de réanimation dès la
naissance (23). Par ailleurs, le cadre légal a changé : selon la loi
Table de réanimation, incubateur fermé, sac en polyéthylène.
Source de vide avec système d’aspiration d’intensité réglable.
Sondes d’aspiration (6-8-10) stériles, aspirateur de mucosités.
Flacon de rinçage stérile (sérum physiologique).
Source d’air et d’oxygène, débilitres.
Insuateur manuel (Ambu®, Laerdal® ou Néopu®), masques pour nouveau-né.
Boîte d’intubation (lames droites type Miller ou Oxford, pinces de Magill, jeu de
piles), respirateur néonatal.
Sondes d’intubation endotrachéales : 2,5 (canal latéral), 3 et 3,5.
Canules de Guedel.
Moniteur multiparamétrique.
Cathéters courts (G24, G22), sparadrap autocollant transparent.
Soluté de perfusion (G10 % avec électrolytes).
Seringues (1 ml-2,5 ml-5 ml-10 ml), robinets à 3 voies.
Adrénaline (ampoules de 1 ml : 1 mg).
Sérum physiologique, G10% en ampoules.
Pousse-seringue électrique, seringue de 50 ml et prolongateur.
Tableau IV.
Matériel de la salle de naissance (16).
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Figure 3.
Extrême prématuré en sac en polyéthylène.
du 4 mars 2002 (loi sur les droits des malades), les parents ont
droit à une information complète et il est nécessaire d’avoir
leur consentement pour les soins. La loi du 22 avril 2005 (loi
n° 2005-370 relative aux droits des malades et à la fin de vie)
autorise à limiter ou suspendre des traitements “lorsqu’ils
apparaissent inutiles, disproportionnés ou nayant d’autre effet
que le seul maintien artificiel de la vie”. Par ailleurs, “ils peu-
vent être suspendus ou ne pas être entrepris” mais ils doivent
soulager la douleur” du patient et lui “assurer une vie digne
jusqu’à la mort” (article L1110-5 du code de santé publique).
Les données objectives pour la discussion dans ces situations
sont l’existence :
– d’une marge d’incertitude pour la détermination de l’âge
gestationnel (± 4 jours) et le poids de naissance (15 à 20%) ;
– de variations physiologiques individuelles de la maturation
d’un fœtus à l’autre ;
– de difficultés dans l’interprétation des résultats de la qualité
de survie à long terme.
Les éléments décisionnels qu’il convient de réunir sont de
deux types :
– favorables, pour une prise en charge active : fœtus unique, de
sexe féminin, naissance en centre périnatal de type III, cortico-
thérapie anténatale efficace et éventuelle antibiothérapie en cas
de contexte infectieux ou de suspicion de chorioamniotite ;
– défavorables, plutôt en faveur d’une abstention ou d’un arrêt
des soins curatifs : grossesse gémellaire (voire triple ou qua-
druple), fœtus de sexe masculin, RCIU documenté, naissance
en centre périnatal de type I, existence de signes d’anoxie péri-
natale (anomalies du RCF…).
Dans tous les cas, il est très important de pouvoir s’entrete-
nir avec les parents avant la naissance, même en cas d’urgence
maternelle, afin de pouvoir compléter l’information donnée
par l’obstétricien ou mieux les voir ensemble. Le degré d’im-
plication des parents dans les décisions est variable selon les
circonstances et les équipes. Les possibilités thérapeutiques,
mais aussi les limites immédiates de la prise en charge à la
naissance ou après en réanimation, leur sont exposées avec
prudence et de façon adaptée à chaque couple, afin que toute
décision puisse être prise dans les meilleures conditions pos-
sibles.
En pratique
Si l’accouchement est imminent, il paraît raisonnable de ne
pas réanimer le bébé à la naissance si l’une des situations sui-
vantes est présente :
– naissance en centre périnatal de type I ;
– âge gestationnel inférieur à 25 semaines et/ou poids de
naissance inférieur à 600 g (estimation préalable du poids par
l’obstétricien, pesée immédiate en salle de naissance) ;
– absence de corticothérapie efficace (réalisée dans un délai
inférieur à 12 heures avant la naissance de l’enfant) ;
– gémellité ;
– fœtus de sexe masculin ;
– retard de croissance intra-utérin associé (surtout s’il est
vère et mal toléré par le fœtus) ;
– contexte septique sévère (fièvre maternelle ou éléments évo-
cateurs de chorioamniotite) ;
– graves difficultés d’adaptation à la vie extra-utérine ;
– accouchement très traumatique.
Si le nouveau-né ne décède pas spontanément, l’utilisation
d’une association de midazolam et de sufentanil permet un
accompagnement dans le respect de sa dignité afin de lui évi-
ter toute souffrance inacceptable et inutile.
En revanche, à partir d’un âge gestationnel de 25 semaines
et si le SMUR pédiatrique est présent avant la naissance de
l’enfant, il est possible de proposer une réanimation active.
Les signes de vivacité (respiration, activité hémodynamique
et gesticulation) de l’enfant auront une importance pour la
décision à la dernière minute. Pour donner toutes les chances
au bébé, la réanimation doit comporter un certain nombre de
gestes techniques et/ou thérapeutiques récents centrés sur la
prise en charge respiratoire (tableau V).
En cas d’échec de la réanimation initiale dans un délai d’en-
viron 10 minutes, ou en cas de réanimation particulièrement
difficile : hypoxémie profonde d’emblée (SpO2 < 80%), enfant
extrêmement difficile à ventiler, non-récupération rapide
d’une fréquence cardiaque et d’une saturation acceptables
(FC > 100/mn et SpO2 > 90 %), collapsus patent (pression
artérielle imprenable ou pression artérielle moyenne < 20
mmHg), il faudra savoir ne pas poursuivre la réanimation
devant des chances de survie quasi inexistantes et un risque
majeur de séquelles (19). Devant le pronostic très péjoratif,
seules les manœuvres de réanimation respiratoire sont justi-
fiées. Le massage cardiaque externe nest pas effectué et l’adré-
naline nest administrée qu’une seule fois (voie endotrachéale).
En cas de pneumothorax, on ne réalise ni exsufflation ni drai-
nage pleural.
Parfois, l’équipe du SMUR pédiatrique est appelée après la
naissance d’un extrême prématuré d’un âge gestationnel de 23
à 24 semaines déjà pris en charge et réanimé.
Le transport est alors habituellement accepté par le SMUR
diatrique. À son arrivée, l’équipe de transport poursuit la
prise en charge en administrant du surfactant exogène naturel,
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