affectée sur le long terme par les perturbations climatiques mais que les réponses différaient
selon les espèces. Tous les 4-5 ans, soit à des intervalles plus ou moins réguliers, des
vagues d’anomalies thermiques (le réchauffement de la surface de la mer et le changement
de l’étendue de la glace de mer) liées au phénomène El Niño, traversent cette région de
l’océan Austral (Onde Circumpolaire Antarctique, OCA). Pour les espèces exploitant les
eaux antarctiques localisées au sud du Front Polaire, l’apparition de températures de surface
anormalement chaudes se traduit par une mauvaise reproduction.
Sur le long terme, on peut penser que le réchauffement global va entraîner une
augmentation de la fréquence ou de l’intensité des événements chauds dans l’océan
Austral, qui aurait des effets très contrastés sur la communauté des prédateurs
supérieurs. Ainsi certaines espèces seront favorisées et pourraient voir leurs effectifs
augmenter, alors que d’autres tendraient à disparaître des îles sub-antarctiques.
Manchots et glace de mer
L'étude des écosystèmes polaires a décelé dans ces régions des signaux parmi les plus forts
du changement climatique, avec en particulier une augmentation très sensible de la
température et une fonte des calottes glaciaires et de la banquise.
En Antarctique, les effets du changement climatique à long terme ont concerné tout
particulièrement trois espèces : le manchot empereur, le manchot Adélie et le pétrel des
neiges. Ces espèces présentent une particularité commune : elles sont étroitement
dépendantes de la glace de mer pour leur alimentation. En effet la réproduction du krill,
l’élément clé de l’écosystème antarctique, dépend de l’étendue de la glace de mer : plus
celle-ci est réduite moins il y a de krill disponible pour les prédateurs.
© CNRS – V.Bretagnolle
La population de manchots empereurs de
Pointe Géologie, en Terre Adélie, est la seule
pour laquelle on dispose de données
démographiques à très long terme (près de 50
ans). Dans les années 70, la colonie a perdu
brutalement 50 % de ses effectifs et est restée
stable depuis, sans signe d'augmentation. En
fait, dans les années 1970, un épisode
anormalement chaud et durable est intervenu,
associé à une faible étendue de la glace de mer.
Ces anomalies prolongées ont alors provoqué
une baisse de la survie, qui a elle-même entraîné la chute de la population de manchots
empereurs de Terre Adélie. Si la population ne s’est pas reconstituée depuis, ses effectifs
fluctuent avec une périodicité de 4-5 ans, c’est-à-dire celle de l’Onde Antarctique
Circumpolaire. Ces anomalies, qui se propagent sur tout le pourtour du continent
antarctique, résultent de l'effet El Niño à grande échelle. Elles concernent la température de
l'eau, l'étendue de la banquise et la hauteur du niveau de la mer. L’utilisation de modèles
démographiques montre que la fluctuation cyclique de la population est le résultat de la
chute cyclique tous les 4-5 ans de la survie des manchots empereurs adultes lors de l’arrivée
d’eaux chaudes et de la rétraction consécutive de l’étendue de la glace de mer.
Cet exemple démontre que des anomalies climatiques prolongées peuvent affecter
directement la survie adulte d’un oiseau marin et, en conséquence, ses populations.
Ces exemples montrent que les communautés de prédateurs, placés au sommet des
réseaux trophiques, changent continuellement en réponse aux modifications à court et à long
terme du climat et de l’environnement marin.
Ce type d’approche interdisciplinaire est novateur dans la mesure où il met en relation des
équipes d’océanographes, de biologistes marins et d’écologistes pour confronter des séries