[Θέματα ιστορίας της ελληνικής γλώσσας]
La langue grecque du XIIe au XVIIe siècle: Sources et évolution
Michel Lassithiotakis (2007)
Michel Lassithiotakis
La langue grecque du XIIe au XVIIe siècle: Sources et évolution
1. Derniers siècles du Moyen Âge (1100-1453)
1.1. Le cadre historique
Les derniers siècles du Moyen Âge présentent un double intérêt pour l'histoire de la langue
grecque. Une série d'événements historiques majeurs mettent, plus encore qu'au cours des siècles
précédents, l'hellénisme au contact des langues et civilisations d'Europe occidentale d'une part, et
du monde turc de l'autre. En outre, les premières œuvres littéraires en grec vulgaire, qui
apparaissent au cours de cette période, fournissent un précieux témoignage non seulement sur
l'évolution que connaît la langue grecque aux XIIe-XVe siècles, mais également sur des
transformations qui remontent probablement à des périodes antérieures.
L'avancée turque en Asie Mineure, à partir de la fin du XIe siècle, réduit progressivement
l'Empire byzantin à un territoire de plus en plus exigu: vers la fin du XIVe siècle, seuls
demeuraient byzantins la capitale de l'Empire, Thessalonique et son arrière-pays, quelques places
fortes sur la côte de Marmara, et la plus grande partie du Peloponnèse. Avec la prise de la Ville en
1453, que suivirent, quelques années plus tard, la conquête du Péloponnèse puis la disparition de
l'Empire de Trébizonde, des populations hellénophones de plus en plus nombreuses se trouvèrent
au contact de populations turcophones: l'un des effets de cet isolement et de cette proximité
consista dans l'irruption massive de mots turcs dans le grec commun.
D'autre part, à partir de la fin du XIe siècle, le passage de troupes de Croisés par l'Empire
byzantin, le recrutement de mercenaires venus de pays occidentaux, l'installation à
Constantinople de négociants vénitiens, gênois, ou plus largement issus de la péninsule italienne
-tous ces phénomènes contribuent à resserrer les liens du monde hellénophone avec l'Europe
occidentale. Mais ce fut surtout la IVe croisade et ses conséquences qui eurent les incidences les
plus décisives dans les domaines culturel et linguistique. La prise de la Ville par les Latins en
1204 eut pour effet la constitution d'un Empire latin de Constantinople (1204-1261) et surtout
-malgré la réapparition, en Epire, dans le Nord-Ouest de l'Asie Mineure et dans le Pont, de
quelques états grecs isolés- le partage de la plus grande partie de l'Ouest de l'Empire entre
diverses puissances occidentales: Chypre est alors dominée par les Lusignan, le Péloponnèse
devient le principat de Morée, gouverné par les Villehardouin; la Crète, ainsi que d'autres îles,
deviennent des colonies vénitiennes. L'une des conséquences de ce morcellement de l'Empire fut
la pénétration dans le grec vulgaire de très nombreux mots néo-latins et romans -italiens,
français, provençaux, catalans, espagnols…
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Enfin, l'affaiblissement, puis la disparition, d'un Etat grec centralisé, le démantèlement du
système administratif et politique byzantin, provoquent une régression du grec savant, laquelle
favorise l'emploi, dans les textes littéraires ou documentaires, des diverses formes du grec
vulgaire.
1.2 Les sources littéraires
L'une des caractéristiques des derniers siècles du Moyen Âge est l'abondance et la variété des
textes littéraires en grec vulgaire. Au XIIe siècle sont composés les poèmes dits
«Ptochoprodromiques», le poème didactique intitulé Spanéas, ainsi qu'un poème composé en
prison par Michel Glykas. De la même époque date sans doute la première rédaction de l'épopée
de Digénis Acritas. L'épanouissement de cette littérature en vers se poursuit au cours des siècles
suivants, avec une série de romans «de chevalerie», dont certains sont originaux (Καλλίμαχος
και Χρυσορρόη, Λίβιστρος και Ροδάμνη, Βέλθανδρος και Χρυσάντζα), tandis que d'autres
s'inspirent de modèles occidentaux (Φλώριος και Πλατζιαφλόρε, Ιμπέριος και Μαργαρώνα).
Au XIVe siècle appartient en outre une très longue chronique en vers composée dans le
Péloponnèse sous domination franque, la Chronique de Morée, écrite dans un grec presque
uniformément populaire. De la Crète dominée par Venise proviennent d'autre part (XIVe-XVe
siècles) les œuvres didactiques, satiriques, amoureuses ou religieuses de Stéphanos Sakhlikis,
Léonard Dellaportas et Marinos Phaliéros. Enfin, si les œuvres littéraires en prose et en grec
vulgaire sont nettement moins nombreuses, la Chronique chypriote de Léontios Machairas, par
exemple, écrite à Chypre et en dialecte chypriote au XVe siècle, constitue un document précieux
sur l'état de la langue commune.
1.3 Les transformations de la langue
L'une des modification phonologiques que l'on peut probablement dater de cette période est la
disparition -ν final, dans les désinences nominales et verbales: την ψυχήν devient την ψυχή;
-ομεν devient -ομε. Le -ν final tend à ne se conserver qu'au génitif pluriel, à l'accusatif singulier
de l'article et dans certains pronoms personnels. Inversement, on rencontre dans les textes de cette
période le -ν final dans des cas où sa présence ne se justifie pas: noms (ex.: το στόμαν) ou formes
verbales (ex.: απεκρίθην, 3e personne du singulier).
Certaines combinaisons de consonnes voient d'autre part leur prononciation se modifier. Ainsi la
rencontre de deux occlusives sourdes, de deux continues ou de σ- et d'une continue produit la
séquence: continue + occlusive:
κτ, χθ > χτ
πτ, φθ > φτ
σθ > στ
σχ > σκ
Une autre évolution phonétique importante est la synizèse du-ι- ou du-ε- et de la voyelle finale:
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καρδία > καρδιά, μηλέα > μηλιά, παλαιός > παλιός, παιδίου > παιδιού.
Enfin, le phénomène de la syncope donnant desévolutions telles queπαιδίον > παιδίν, Βασίλειος
> Βασίλης paraît tendre à se généraliser. De même, la chute de la voyelle initiale atone affecte
aussi bien des noms, des adjectifs, que des formes verbales, ou encore la négation: οσπίτιν >
σπίτιν, ολίγος > λίγος, ευρίσκω > βρίσκω, ουδέν > δεν.
La disparition du -ν- final contribue à accélérer la simplification de la flexion nominale. Les
désinences des substantifs masculins et féminins se limitent désormais, au singulier, à deux ou à
trois types:
Masc. Fém. Masc.
-ας -α -ος
-ας -ου
-ο
Quant au pluriel des substantifs, son évolution résulte de l'influence exercée par les désinences de
nominatif pluriel de la 3e déclinaison ancienne (ελπίδες, πατέρες), influence qui explique la
substitution de χώρες à χώραι, de ταμίες à ταμίαι, etc.
C'est d'autre part au cours de cette période que se parachève la constitution de la déclinaison
neutre en -ι(ν) de type παιδί(ν).
Les adjectifs présente une tendance analogue à la simplification: όλος, -η, -ο(ν) remplace πᾶς,
πᾶσα, πᾶν, à la déclinaison plus complexe; les adjectifs (en particulier composés) dont les
désinences féminines étaient identiques à celles du masculin forment un féminin en -α ou en -η,
distinct du masculin; les adjectifs en -ης, -ες acquièrent souvent un féminin en -α, ainsi qu'un
neutre en -ικο.
Dans le verbe, les distinctions temporelles disparaissent aux modes autres que l'indicatif: au
subjonctif, à l'impératif, ainsi que dans les formes issues de l'infinitif ancien qui entrent dans la
constitution du parfait et du plus-que-parfait, la différence entre thème du présent et thème de
l'aoriste devient désormais aspectuelle.
Suivant une évolution amorcée dès la κοινή et qui s'est poursuivie au cours de la première partie
du Moyen Âge, le participe actif, à la différence des participes médio-passifs en -όμενος //
-μένος, tend à devenir indéclinable (désinence en -α) et à ne plus ne connaître de distinctions
temporelles: ἀκούντα ὁ Βέλθανδρος οὐδὲν ἀπολογήθη; οἱ Φράγκοι σφάζοντα; λέγοντα καὶ
ἀρνούμενος.
Le futur périphrastique tarde à se fixer: il hésite entre έχω + infinitif, qui se raréfie, έχω +
subjonctif (les deux tournures coexistent parfois dans le meme texte), et surtout le recours à
l'auxiliaire θέλω, construit avec l'infinitif ou avec ἵνα//ναet le subjonctif et qui, dans ce second
cas, devient θε να, θα να, puis θα.
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La périphrase: auxilaire έχω + infinitif, qui note de plus en plus rarement le futur, commence au
cours de cette période à servir à l'expression du plus-que-parfait ou du parfait: ainsi, dans la
Chronique de Morée, είχεν χάσει, είχεν στείλει, έχει ελθεί, ou encore, dans la Chronique de
Machairas, είχεν πεθάνειν, είχεν πιάσειν.
En ce qui concerne le reste de la morphologie verbale, on notera la coexistence, au présent, des
désinences -ουσι et -ουν, et, à l'imparfait et à l'aoriste, de -ασι et de -αν. L'imparfait des verbes
accentués sur la finale connaît quant à lui aussi bien les formes: -ούσα, -ας, -ε, que -αγα, -αγας,
-αγε. Au médio-passif, les anciens contractes en -άω ont tendance à se confondre avec les verbes
en -έω, si bien que se généralisent, au présent, des désinences communes en -ούμαι, -άσαι,
-άται, ou encore en -ιέμαι, -ιέσαι, -ιέται. Les désinences archaïques d'imparfait en -όμην, -εσο,
-ετο, -όμεθα, -εσθε, -οντο, sont d'autre part concurrencées par les désinences vulgaires
correspondantes -ούμουν, -ούσουν, -όταν, όμεσθα, -εστε, -ουνταν. A l'aoriste passif, la
désinence -θηκα tend à supplanter -θην, qui pouvait être employé aussi bien pour la 1re que pour
la 3e personne; à la 3e personne du pluriel en revanche, -θησαν et -θηκαν//-θήκαν//-θήκασι
coexistent dans les textes.
Pour ce qui est de la syntaxe, l'un des phénomènes marquants consiste dans la généralisation de la
construction des prépositions avec l'accusatif, et dans l'abandon progressif des autres cas,
notamment du génitif: ἐκ τὴν χαράν, δίχως ταραχήν.
Dans le domaine du lexique, le grec, nous l'avons noté, s'enrichit, au cours de la période
tardo-médiévale, de très nombreux emprunts étrangers, qu'il s'agisse de termes issus des langues
romanes ou du turc. L'apparition en grec de ces emprunts est souvent difficile à dater, et dans bien
des cas il est probable que des termes dont la première attestation dans des textes grecs appartient
à cette période, sont en réalité des emprunts antérieurs. Certains sont toutefois datables: ainsi des
mots du vocabulaire féodal, venus du français, que contiennent des textes écrits dans la Morée
franque, et par exemple la Chronique de Morée (ρόι, μισίρ, λίζιος, κουρτέσα); ou encore des
nombreux termes qui relèvent du vocabulaire maritime et commercial, et qui ont notamment été
empruntés à l'italien et au vénitien à partir du XIIIe siècle.
A côté des suffixes d'origine latine qui avaient fait leur apparition en grec au cours de la première
partie du Moyen Âge (-άτος, -ίσιος, -άριος, -πουλος), plusieurs autres suffixes deviennent
particulièrement productifs dans les siècles suivants: ainsi -ίτσι, -ούτι, -ούτσικος. Mais surtout,
l'un des traits caractéristiques des textes littéraires vulgaires de cette période est leur remarquable
richesse en mots composés, ce phénomène se rencontrant tout particulièrement dans les romans
dits «de chevalerie»: κοκκινομάγουλος, γλυκόσταμα, λαμπροαρματωμένος, πυργόδωμα.
2. Domination ottomane (XVe-XVIIe siècles)
Les premiers siècles de l'époque moderne présentent, du point de vue de l'histoire de
la langue, certaines analogies avec les derniers siècles du Moyen Âge: l'essor
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considérable que connaît la littérature en langue vulgaire n'empêche pas qu'au cours
de cette seconde période, une part considérable des textes écrits en grec et par des
Grecs le soient en langue savante; la «diglossie» qui prévalait au cours de la période
précédente continue de caractériser l'usage écrit de la langue.
D'autre part, l'absence de centre politique et culturel et le morcellement politique que
connaît alors le monde hellénophone, dont l'essentiel est sous occupation ottomane
mais dont des parties importantes (la Crète, les îles Ioniennes, Rhodes, Chypre)
demeurent sous la tutelle de puissances occidentales, et notamment de Venise,
accroissent l'isolement de ces régions et y favorisent le recours à des formes locales,
idiomatiques, de grec vulgaire. A Chypre et, pour l'essentiel, en dialecte chypriote,
est ainsi composé, vers le milieu du XVIe siècle, un recueil de poèmes d'amour
d'inspiration pétrarquiste et néo-pétrarquiste. De Rhodes proviennent les œuvres de
Emmanuel Liménitis, ainsi, très probablement, qu'un autre recueil de poésies
lyriques. Mais parmi toutes les régions qui se trouvent alors sous domination
occidentale, c'est la Crète, possession vénitienne jusqu'en 1669, qui a le plus large
rayonnement littéraire, et plus généralement culturel. La littérature crétoise, qui
avait connu son premier essor dès la fin du Moyen Âge avec les œuvres de
Sakhlikis, Dellaportas et Faliéros, présente, à partir des années 1570-1580 et jusqu'à
la fin de la domination vénitienne, un épanouissement remarquable, qu'attestent en
premier lieu une série d'œuvres théâtrales (deux tragédies, trois comédies, un drame
religieux et un drame pastoral) plus ou moins directement inspirées de modèles
italiens, ainsi que le long roman Erotocritos de Vincent Cornaros. Alors que les
poètes crétois de la fin du Moyen Âge faisaient un usage modéré et sporadique de
l'idiome local, la langue des œuvres des XVIe et XVIIe siècles est le résultat d'un
effort de purification et d'homogénéisation: les auteurs créent alors, à partir de la
langue parlée dans l'île, une langue littéraire idiomatique. La langue des comédies,
plus proche de la langue parlée, est aussi plus riche en mots d'origine italienne (cf. la
comédie Katzaourbos de Georgios Chortatsis). Quant à l'Heptanèse, la littérature en
grec vulgaire y connaît également un remarquable essor, avec par exemple, au XVIe
siècle, les brefs «romans» en vers de Jacques Trivolis, des adaptation en grec
populaire et en vers de la Théséide de Boccace et de l'Iliade, ou encore, au XVIIe, les
tragédies Evgéna et Zénon.
A côté de ces œuvres en vers, des textes en prose tels que la Παλαιά τε και Νέα
Διαθήκη de Kartanos, la première traduction en grec vulgaire des Evangiles par
Maxime Kallioupolitis, le Γεωπονικόν d'Agapios Landos ou les œuvres de
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