MISE AU POINT
La Lettre du Neurologue - n° 2 - vol. IV - avril 2000
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TK, puis greffées à des souris, le traitement par le GCV entraî-
nait une disparition totale de la tumeur. Short a, par la suite,
obtenu une transduction efficace des cellules tumorales par
injection directe intratumorale des cellules produisant les rétro-
virus recombinants et montré que l’infection de cellules de glio-
blastome par des rétrovirus recombinants exprimant HSV1-TK
rendent ces cellules sensibles au traitement par le GCV. Enfin,
Culver a montré la disparition complète de tumeurs cérébrales
gliales transduites in vivo par des rétrovirus recombinants expri-
mant HSV1-TK, puis administration de GCV (7). Des méta-
stases expérimentales macroscopiques ont pu être traitées chez
le rat avec une efficacité thérapeutique comparable (8).
D’autres systèmes “suicide” sont en cours d’évaluation. Citons
l’association cytochrome P450/cyclophosfamide ou ifosfamide,
cytosine déaminase/5-fluorocytosine.
Diverses études, in vitro et in vivo,ont montré la possibilité de
détruire une masse de cellules tumorales par l’administration de
GCV, alors qu’une fraction seulement des cellules était trans-
duite par le gène HSV-TK. C’est la “coopération métabolique”
ou “effet bystander”(9). La destruction cellulaire induite par
l’effet bystander peut être médiée par le transfert de métabolites
phosphorylés du GCV au niveau de contacts cellulaires étroits
de type “gap”, ou par le transfert d’un signal apoptotique par
incorporation de vésicules apoptotiques. On a montré plus
récemment que le contact entre cellules TK+ et TK- n’était pas
indispensable pour observer un effet tumoricide des cellules non
transduites.
ESSAIS CLINIQUES DE THÉRAPIE GÉNIQUE
DU GLIOBLASTOME
Plusieurs essais ont été initiés depuis 1995 sur le traitement par
thérapie génique du glioblastome. Certains essais, dont le pre-
mier initié par Oldfield et Ram, sont déjà publiés, d’autres sont
en cours (10). Ces derniers – une dizaine sur les tumeurs céré-
brales – portent quasi exclusivement sur le glioblastome de
l’adulte. Cette tumeur se prête particulièrement bien à ce type
d’approche, compte tenu de son cœfficient de prolifération élevé
qui permet une transduction et un effet bystander importants.
Les stratégies utilisées, ainsi que les phases d’avancement dans
l’investigation clinique, sont très variables. Trois d’entre elles
sont directement issues de l’étude de Oldfield et Ram, publiée
en 1997. Celle-ci, ainsi que l’étude française menée à l’hôpital
de la Salpêtrière (11) concluent à l’inocuité de ce type de traite-
ment. Les deux études diffèrent quant à la procédure, dans la
mesure où, dans l’essai américain, le traitement est administré
par injection stéréotaxique intra-tumorale, alors que, dans le
protocole français, les injections se pratiquent dans le lit tumo-
ral après résection chirurgicale la plus complète possible. Dans
les deux cas, l’administration de GCV s’effectue sept jours
après l’intervention, pendant quatorze jours (figure 4b).
Dans les deux protocoles, l’étude des IRM successives prati-
quées après traitement a montré des signes de réponse chez cer-
tains patients, objectivés par la disparition ou la stabilisation des
prises de contraste postopératoires immédiates. Dans notre essai
portant sur 16 patients souffrant de récidive de glioblastome,
3 sur les 4 ayant présenté des signes de réponse ont survécu plus
de quinze mois après traitement. Le plus souvent, la récidive
survenait à distance du foyer traité initialement, ou du moins en
un point précis des marges de la cavité de résection, suggérant
que le traitement avait peut-être contrôlé la maladie là où il avait
été effectivement administré. Par ailleurs, les deux études
concluent à une meilleure efficacité du traitement dans les
petites lésions, particulièrement lorsque le rapport nombre de
cellules d’encapsidation/nombre de cellules tumorales est élevé.
Enfin, les études par Polynucléase Chain Reaction (PCR), effec-
tuées sur un patient de la série de Oldfield, ayant dû être opéré
secondairement en raison de la survenue d’un hématome intra-
tumoral, ont montré une transduction très localisée autour du
site d’injection, objectivant une mauvaise diffusion du vecteur
dans le tissu tumoral. Les échecs du traitement pourraient dès
lors être – du moins en partie – imputés à une insuffisance dans
la répartition des cellules thérapeutiques au niveau du paren-
chyme à traiter.
D’autres stratégies sont actuellement utilisées dans des essais
thérapeutiques, sans qu’il existe à l’heure actuelle de données
sur les résultats de ces essais :
•utilisation d’adénovirus modifiés avec le système HSV-TK/GCV ;
•transduction intra-tumorale (ex vivo ou in situ) d’un gène
codant pour l’IL-2 ;
•transduction d’un antisens du TGF-βou de l’IGF-I dans les
cellules autologues tumorales.
L’une des principales difficultés rencontrées lors des essais cli-
niques est la corrélation entre l’efficacité antitumorale “appa-
rente”, objectivée par l’imagerie, et la réalité de la transduction
des cellules tumorales. Une étude de marquage récente, déve-
loppée dans un essai clinique finlandais, objective un taux de
transduction dans les GBM évalué au plus à 4 % avec le rétro-
virus et à 11 % avec l’adénovirus.
Tjudaev démontre, par ailleurs, la possibilité d’évaluer in vivo la
transduction du gène HSV-TK à l’aide d’un marqueur qui peut
être visualisé au PET-TDM. Cette technique devrait pouvoir un
jour s’appliquer en clinique.
LES NOUVELLES PISTES DANS LA STRATÉGIE
DU GÈNE SUICIDE
Outre les perspectives qu’offrent les nouvelles générations de
vecteurs – adénovirus de troisième génération, rétrovirus non
défectifs pour la réplication, vecteurs non viraux – en termes
d’efficacité de transduction, on peut raisonnablement espérer
une amélioration de l’efficacité antitumorale par différentes
stratégies :
•combinaison de plusieurs gènes suicides qui pourraient per-
mettre le recrutement de cellules hors cycle. Des essais précli-
niques utilisant les systèmes : TK/GCV et cytosine déamina-
se/5-fluorocytosine déaminase, ou TK/GCV, et P450/cyclofos-
famide ou ifosfamide ont montré une synergie d’action sur la
destruction de cellules tumorales in vitro ;