Peut-on prévenir la rétraction prothétique dans la chirurgie dossier

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DOSSIER
Peut-on prévenir la rétraction
prothétique dans la chirurgie
du prolapsus par voie vaginale ?
Mesh shrinkage after transvaginal mesh repair of pelvic
organ prolapse: is prevention possible?
B. Fatton*
Rétraction prothétique au cours
de la chirurgie du prolapsus par
voie vaginale : quelle fréquence ?
C’est le premier écueil. Il existe peu de données
fiables dans la littérature. Cette insuffisance s’explique en grande partie par le manque de définition
claire. La rétraction, critère subjectif estimé au cours
de l’examen clinique, est différemment appréciée
selon les auteurs. Doit-on considérer toutes les rétractions (et alors de très nombreuses patientes sont
concernées à des degrés variables), uniquement les
rétractions symptomatiques (dyspareunie, douleurs
spontanées, au repos ou à l’effort) ou les rétractions
symptomatiques au cours de l’examen clinique
(douleurs à la palpation ou à la mise en tension du
vagin chez des patientes ne se plaignant d’aucun
inconfort en situation normale de vie) ? C’est pour
pallier ce manque de consensus que nous plaidons
pour la mise au point d’une classification simple,
reproductible, préalable, indispensable à une meilleure
estimation du risque et à une meilleure connaissance
des moyens de prévention. Nous avons suggéré avec
Michel Cosson une classification volontairement
succincte (1), aisément utilisable par tous au décours
de toute consultation postopératoire. Cette classification permet de préciser le caractère symptomatique
ou non de la rétraction, sa sévérité et son étendue
(tableau I). Parallèlement, nous travaillons au sein
de comités spécifiques et sous l’égide de sociétés
savantes comme l’International Urogynecological
Association (IUGA) à une classification consensuelle
et globale de toutes les complications de la chirurgie
réparatrice du prolapsus avec prothèse.
Dans l’attente d’un tel outil de mesure, qui sera le
préambule indispensable à l’amélioration de nos
techniques, nous ne pouvons qu’indirectement
approcher le problème de la rétraction. L’étude
rétrospective de la série Trans Vaginal Mesh (TVM)
rapporte un taux de rétraction imposant la reprise
chirurgicale de 2,8 % avec des extrêmes variant de
0 % à 8 % selon les centres (2). Le paramètre le plus
souvent accessible dans les publications reste le taux
de dyspareunie de novo. Il exclut de fait toutes les
patientes non sexuellement actives dont on connaît
la grande proportion dans nos séries de femmes
opérées d’un trouble de la statique pelvienne. Il ne
serait donc être suffisant, mais il a l’avantage de
cibler une population souvent assez jeune, active
et chez qui la survenue d’une dyspareunie de novo
constitue un mauvais résultat sur le plan fonctionnel.
Les tableaux II et III et IV rapportent les résultats
disponibles dans la littérature. Jia et al. (3), dans une
excellente revue, ont rapporté un taux de dyspareunie de novo après renfort prothétique synthétique
antérieur et/ou postérieur de 7,1 % (2,5-19).
Les études prospectives randomisées, chirurgie
prothétique versus chirurgie traditionnelle (14-17),
n’ont pas révélé un taux de dyspareunie de novo plus
important en cas d’utilisation prothétique. Ces résultats rappellent que la chirurgie utilisant les tissus
autologues peut aussi générer une dyspareunie (13)
et prouvent que la dyspareunie de novo n’est pas
en soi un critère absolu pour approcher le problème
de la rétraction. Les douleurs vaginales spontanées
ou provoquées par l’effort ou un examen clinique
ciblé sont aussi un bon indicateur très rarement
mentionné dans les publications.
* Gynécologie obstétrique, CHU Clermont-Ferrand, 58, rue Montalembert,
63003 Clermont-Ferrand Cedex 1.
La Lettre du Gynécologue • n° 346 - novembre 2009 | 21
Résumé
Mots-clés
Ces dernières décennies ont vu la large diffusion des techniques de réparation prothétique du prolapsus par voie
vaginale. Si le recours au renforcement prothétique a démontré une efficacité supérieure aux techniques traditionnelles, pour la cure de cystocèle notamment, il a aussi été à l’origine de complications spécifiques, le plus
souvent rares mais parfois sévères et à l’origine d’un véritable “handicap” pour la qualité de vie des patientes.
La rétraction prothétique est probablement aujourd’hui la complication la plus redoutée, car elle reste difficilement prévisible et maîtrisable. Sa prise en charge est souvent délicate et n’est pas toujours couronnée
de succès.
Prolapsus
Rétraction
prothétique
Tableau I. Classification de la rétraction en fonction de ses conséquences fonctionnelles selon Fatton et Cosson.
Grade
1
Asymptomatique
2
Douleur provoquée uniquement pendant l’examen
clinique
3
Douleur pendant les rapports sexuels (dyspareunie)
Occasionnelle : + ; habituelle : ++ ; toujours : +++
4
Douleur pendant les activités physiques
Occasionnelle : + ; habituelle : ++ ; toujours : +++
5
Douleur spontanée
Occasionnelle : + ; habituelle : ++ ; toujours : +++
Degré de
rétraction
A : < 1/3
B : entre 1/3
et 2/3 de
l’implant
C : > 2/3
Tableau II. Taux de dyspareunie après prothèse antérieure.
Auteurs
Chirurgie
Préopératoire
Postopératoire
n
SA
Dyspareunie
n
SA
Dyspareunie
Ansquer,
2004 (4)
Prothèses
diverses
30
16
?
30
14
36 %
Nauth,
2008 (5)
Prothèses
diverses
85
51,4
?
85
?
Sexualité altérée :
24,3 % (inconfort,
douleur, rétrécissement)
Sexualité améliorée :
27 %
Cervigni,
2008 (6)
Marlex®
218
?
46
218
?
39
de novo : 21 cas
SA : sexuellement actives ; n : nombre de patientes incluses.
Si l’impact fonctionnel de la rétraction est celui qui
retient le plus l’attention (et qui demeure le plus
redouté), le retentissement d’une rétraction sur le
plan anatomique doit aussi être pris en considération. En effet, une rétraction peut expliquer certaines
des récidives ou des corrections anatomiques insuffisantes constatées en postopératoire. Ainsi une
cystocèle atypique “cervico-urétrale” peut s’expliquer par une absence de recouvrement de la portion
sous-trigonale de la vessie par rétraction du treillis
vers l’arrière ou encore une rectocèle basse peut
être la conséquence d’une rétraction d’une prothèse
postérieure vers la profondeur du fond vaginal.
Tableau III. Taux de dyspareunie de novo après prothèse postérieure.
Auteurs
n
Prothèse
Recul (mois)
Dyspareunie
de novo
Kobashi, 2005 (7)
73
Fascia lata
de cadavres
13
10,3 %
De Tayrac, 2006 (8)
26
Gynemesh®
22
7,7 %
Lim, 2007 (9)
53
Vypro®
2
35
27 %
Leventoglu, 2007
(10)
83
Soft PGA®
14
0 %
n : nombre de patientes incluses.
Tableau IV. Taux de dyspareunie après réparation prothétique antérieure et/ou postérieure.
Auteurs
Chirurgie
Préopératoire
Postopératoire
n
SA
Dyspareunie
n
SA
Dyspareunie
Dwyer,
2004 (11)
Atrium®
antérieure ±
postérieure
97
67
25
77
66
7 (11 %)
3 cas de novo
De Tayrac,
2007 (12)
Ugytex®
antérieure ±
postérieure
143
88
10 (11,4 %)
99
88
de novo
12,8 %
Lowman,
2008 (13)
Prolift®
(97 total)
129
57
21 (36,8 %)
41
de novo
16,7 %
SA : sexuellement actives. n : nombre de patientes incluses.
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prothétique au cours
de la chirurgie du prolapsus
par voie vaginale ?
Si la fréquence de la rétraction prothétique reste très
mal connue, les opinions sont unanimes pour dire
qu’il s’agit d’une complication fréquente et potentiellement délétère à la fois sur le plan fonctionnel
mais aussi sur le plan anatomique, car elle peut
expliquer certaines des récidives postopératoires
malgré le choix tactique d’un renfort synthétique.
L’apport de l’échographie a permis de mieux évaluer
ces mécanismes (18) et devrait permettre de mieux
comprendre certains échecs anatomiques et de
mieux corréler certains symptômes délétères aux
constatations de l’examen.
Les avis d’experts dictés par l’expérience recommandent d’éviter une tension excessive sur le treillis
prothétique qui doit être bien étalé sans plicature
DOSSIER
ni boudinage (19-23). De même, il faut renoncer à
fixer la prothèse et préférer un amarrage tension-free
même si, passées les premières semaines postopératoires, il faut bien admettre que ce type de montage
ne garde de tension-free que le nom. Les développements technologiques futurs permettront peut-être
de pallier cet écueil (bras résorbables, absence de
passages transobturateurs... ?) ! Il faut être rigoureux
dans le contrôle de l’hémostase en cours d’intervention, car la constitution d’un hématome peut
probablement majorer les risques d’exposition et
de rétraction. Enfin, il faut mentionner le rôle du
matériau lui-même en précisant que le produit idéal
n’existe pas encore et que les progrès réguliers dans
l’élaboration de ces larges treillis synthétiques ne
devraient qu’améliorer leur tolérance.
Conclusion
La rétraction prothétique est une complication
insuffisamment documentée et mal maîtrisée, qui
reste de ce fait redoutée des chirurgiens et de leurs
patientes. Seules de vraies études prospectives, avec
un suivi sur le long terme et se référant à une classification validée et standardisée, permettront de
mieux évaluer cette complication. En attendant, le
taux de dyspareunie de novo reste un critère assez
pertinent pour évaluer le retentissement fonctionnel
des prothèses et indirectement les conséquences
d’une rétraction. Concernant l’étape chirurgicale
proprement dite, en l’absence d’innocuité démontrée,
il faut savoir respecter les règles de bonne pratique
et limiter les indications aux patientes informées
porteuses de volumineux prolapsus (notamment
sur l’étage antérieur) ou présentant une récidive. ■
Références bibliographiques
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low-weight polypropylene mesh: 1-year functional and anatomical
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La Lettre du Gynécologue • n° 346 - novembre 2009 | 23
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