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Effets indésirables au niveau du tractus digestif
Les nausées, les vomissements et les mucites induits par la chimiothé-
rapie peuvent empêcher la prise orale des POP. Par ailleurs, la flore
bactérienne gastro-intestinale peut être modifiée par les diarrhées chi-
mio-induites, les infections et l’utilisation répétée d’antibiotiques,
entraînant de possibles changements dans la circulation gastro-hépa-
tique ainsi qu’un risque d’efficacité diminuée de la POP (25).
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Interactions médicamenteuses
Les patients traités pour cancer sont souvent polymédiqués, et les
contraceptifs estroprogestatifs oraux ont de nombreuses interactions
médicamenteuses connues. Parmi les antibiotiques, la rifampicine est
un inducteur enzymatique diminuant l’efficacité des POP par augmen-
tation du métabolisme hépatique. Les antiacides (à base d’aluminium
ou de magnésium) bloquent l’absorption des POP, et doivent être évi-
tés dans les trois heures suivant la prise. De nombreux antalgiques,
anticonvulsivants et antifungiques interfèrent de façon enzymatique
avec les estroprogestatifs oraux, diminuant leur efficacité. De la même
façon, les estroprogestatifs oraux eux-mêmes diminuent la clairance
des benzodiazépines, des antidépresseurs tricycliques, de la predniso-
lone, de la ciclosporine et d’autres molécules, nécessitant chez les
patientes prenant ces molécules une surveillance rapprochée (17, 18).
La POP doit être évitée chez les patients avec allogreffe de moelle
chez qui prednisolone et ciclosporine sont utilisées pour prévenir le
rejet de greffe et la graft versus host reaction (GVH).
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Thromboses
Les estroprogestatifs sont contre-indiqués chez les patientes avec
antécédents de thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire
(23). Cependant, ils peuvent être prescrits chez une patiente aux
antécédents de thrombose sur matériel (comme une voie centrale) si
celui-ci a été retiré (18).
En résumé, la prescription et l’utilisation d’une pilule estroprogesta-
tive chez une jeune patiente traitée pour cancer doivent être discutées
de façon individuelle, avec une évaluation précise des problèmes
spécifiques liés à la situation clinique.
Contraception progestative microdosée
continue (micropilule)
Elle ne contient pas d’estrogènes et fonctionne par le biais de méca-
nismes contraceptifs secondaires : mucus cervical plus épais et
moins pénétrable, involution endométriale, modification de la mobi-
lité tubaire, sans réelle inhibition de l’ovulation. C’est une contracep-
tion acceptable pour les adolescentes chez qui les estrogènes sont
contre-indiqués ou mal tolérés. Néanmoins, le risque d’échec est plus
élevé, des saignements intermenstruels peuvent survenir, et une com-
pliance rigoureuse est indispensable, avec prise à heures régulières.
En cas de retard de plus de trois heures, une contraception de secours
est indispensable. Elle est à éviter chez les patientes aux antécédents
de grossesse extra-utérine, prenant de la rifampicine, de la griséoful-
vine, certains antiépileptiques (phénytoïne, carbamazépine, barbitu-
riques, primidone, topiramate, ou oxcarbazépine), ainsi que chez les
patientes dont la compliance attendue est faible. Les problèmes ren-
contrés sur le plan digestif et hématologique avec la micropilule sont
les mêmes pour les patientes en cours de chimiothérapie qu’avec la
pilule estroprogestative (cf. plus haut).
Les progestatifs macrodosés oraux pris en continu afin d’entraîner
une atrophie endométriale n’ont pas d’AMM comme contraceptifs.
Ils sont régulièrement utilisés pour éviter les saignements en cours de
chimiothérapie chez les adolescentes traitées pour une pathologie
hématologique (comme la noréthisterone en prise quotidienne et
continue). La contraception est alors un bénéfice secondaire “bien-
venu”, mais il doit être clairement expliqué à ces adolescentes que
l’efficacité anticonceptionnelle ne peut être garantie et qu’un autre
moyen de contraception est nécessaire si elles en ont besoin.
La micropilule progestative n’est pas un moyen contraceptif recom-
mandé en première intention chez les adolescentes et les jeunes
adultes atteintes de cancer.
Contraception postcoïtale
La contraception postcoïtale hormonale, aussi appelée “pilule du len-
demain”, disponible depuis 20 ans, présente un grand intérêt en cas
d’échec d’une contraception habituelle, de rapports non protégés,
d’“accident de préservatif”, ou d’agression sexuelle (18, 24). Deux
schémas sont disponibles :
– le schéma Yuzpe : 1 prise de 200 μg d’éthynilestradiol et
1 mg de lévonorgestrel, renouvelée 12 heures plus tard, avec une
première prise dans les 72 heures au plus tard après le rapport non
protégé.
– le schéma fondé sur le lévonorgestrel (Norlévo®) (2 comprimés de
750 mg de lévonorgestrel à 12 heures d’intervalle le plus tôt pos-
sible, à savoir dans les 12 heures suivant le rapport sexuel non pro-
tégé, et dans les 72 heures au plus tard). L’essai de l’OMS a établi ce
schéma comme le standard (26), et il est approuvé dans plus de 80
pays. Une seule prise de 1,5 mg de lévonorgestrel est aussi efficace
que le schéma standard de deux prises, ce qui peut être particulière-
ment utile chez les adolescentes sous chimiothérapie, puisque ce
schéma entraîne moins de nausées (27). Il n’y a pas de contre-indica-
tions médicales en dehors d’une grossesse en cours, et la poursuite
d’une contraception hormonale régulière n’est pas contre-indiquée
(18, 28). En France, dans les pharmacies le lévonorgestrel est en
délivrance gratuite aux mineures, et les infirmières scolaires ont
l’autorisation de donner la contraception d’urgence aux élèves quel
que soit leur âge (2). Au Royaume-Uni, il est en vente libre pour les
mineures au-dessus de 16 ans (19). En Suisse, le schéma Yuzpe est
actuellement le seul autorisé (24).
Les adolescentes et les jeunes adultes atteintes de cancer ont le
même risque de rapport non protégé ou imposé que les autres jeunes
filles du même âge, et la discussion au sujet de la contraception post-
coïtale doit faire partie de l’information délivrée.
Progestatifs injectables de longue durée
(Dépo-Provera®)
La médroxyprogestérone (Dépo-Provera®) ou MPA est la méthode
de contraception injectable la plus répandue dans le monde ; elle est
efficace et réversible. L’efficacité contraceptive dure 12 semaines,
sans nécessité d’une compliance quotidienne. À une dose de 150 mg
en injection intramusculaire profonde, les études ont retrouvé des
taux d’échec de 0 à 0,7 grossesse pour 100 femmes par an (29). Elle
agit par suppression de l’ovulation et de la production ovarienne
d’estradiol, par inhibition de la sécrétion des gonadotrophines, ainsi
que par l’altération de la composition et des caractéristiques phy-
siques de la glaire cervicale, avec formation d’un endomètre fin, ces
effets réunis rendant compte de l’efficacité anticonceptionnelle éle-
vée. L’effet indésirable le plus fréquent est l’irrégularité menstruelle,
et de nombreuses utilisatrices deviennent aménorrhéiques. L’amé-
norrhée survient chez 8 % des femmes après la première injection, et
chez 45 % après 10 à 12 mois d’utilisation (30). Cependant, malgré
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La Lettre du Gynécologue - n° 313 - juin 2006
GYNÉCO ET SOCIÉTÉ