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La Lettre du Gynécologue - n° 313 - juin 2006
a sexualité des adolescents est souvent un sujet complexe
et difficile à aborder, à la fois pour les parents et les soi-
gnants. Pourtant, l’âge médian du premier rapport sexuel
est de 16 ans dans la majorité des pays industrialisés (États-Unis,
Royaume-Uni, Pays-Bas et Suède) (1). Dix pour cent des adoles-
cents français de 15 ans ont déjà eu un rapport sexuel (2). En
Grande-Bretagne, 30% des garçons et 26% des filles déclarent avoir
eu une première relation hétérosexuelle à moins de 16 ans (3).
Le cancer reste une pathologie rare chez les adolescents. Cependant,
après une incidence décroissante du pic de la petite enfance jusqu’à
l’âge de 9 ans, celle-ci augmente régulièrement pendant l’adoles-
cence, avec une incidence de 206,8 pour un million chez les 15-19
ans aux États-Unis entre 1990 et 1997 (4). Les pathologies cancé-
reuses les plus fréquemment rencontrées sont les maladies de
Hodgkin, les lymphomes non hodgkiniens, les leucémies, les
tumeurs germinales gonadiques, les tumeurs du système nerveux
central, les sarcomes des tissus mous autres que les rhabdomyosar-
comes, les ostéosarcomes, les tumeurs d’Ewing, les cancers de la
thyroïde et les mélanomes (4, 5). La survie s’est améliorée durant les
dernières décennies, avec des approches thérapeutiques combinant
chirurgie, chimiothérapie à doses adaptées, et radiothérapie. En
2010, on estime qu’un jeune adulte de 20-29 ans sur 250 sera survi-
vant d’un cancer traité dans l’enfance ou l’adolescence (6).
L’impact des traitements sur la fertilité des adolescents et des jeunes
adultes traités pour cancer dépend de multiples facteurs, incluant
l’âge, le type et la localisation de la tumeur, le sexe et le schéma thé-
rapeutique. L’étude la plus importante a concerné 2283 adultes sur-
vivants ayant eu un cancer traité dans l’enfance et l’adolescence, et
elle a retrouvé un risque relatif de stérilité de 0,93 pour les femmes et
de 0,76 pour les hommes avec, comme facteurs de risque les plus
importants, les agents alkylants et la radiothérapie sous-diaphragma-
tique (7). L’aménorrhée induite par les traitements, d’installation et
de durée variables dépend de l’âge de la patiente, du type de traite-
ment utilisé, de son intensité et de sa durée. Malgré tout, beaucoup
d’adolescents traités pour cancer peuvent rester fertiles (7).
En dehors des patients les plus gravement malades, les adolescents
atteints de pathologies chroniques ont les mêmes aspirations
sexuelles et “conjugales” que les autres adolescents. Et l’on peut sup-
poser que ceux dont le développement sexuel et les relations avec
leurs pairs ne sont pas trop lourdement affectés par leur pathologie
auront le même comportement sexuel qu’eux (8-10). De plus, les
adolescents ayant été traités ou atteints de cancer affrontent à la fois
des problèmes d’autonomie et d’indépendance vis-à-vis de leurs
parents, des inquiétudes au sujet de leur santé, et des questions au
sujet de leur fertilité potentielle. Tout cela peut à la fois gêner leur
éducation sexuelle, leur perception de la contraception et de la pré-
vention des maladies sexuellement transmissibles (MST) et du virus
de l’immunodéficience humaine (VIH). Ces adolescents atteints de
cancer partagent donc avec leurs pairs les mêmes besoins et la même
nécessité en termes d’information sur la sexualité et la contraception
pour éviter les grossesses non désirées et les MST. De nombreuses
drogues cytotoxiques, ainsi que la radiothérapie, sont tératogènes et
mutagènes, et une conception en cours de traitement peut aboutir à
une fausse couche, ou à des anomalies fœtales sévères, ce qui sou-
ligne le besoin d’une contraception efficace en cours de traitement
chez les jeunes gens actifs sexuellement (11).
Il est donc indispensable d’aborder le sujet sur le plan médical, et de
tenter de suggérer des solutions devant cette problématique souvent
mal connue des équipes en cancérologie.
L’objectif de cet article est de faire le point sur la contraception des
adolescents et des jeunes adultes traités pour cancer.
MÉTHODES CONTRACEPTIVES ET LEUR UTILISATION
CHEZ LES ADOLESCENTS ET LES JEUNES ADULTES ATTEINTS
DE CANCER
Les différentes méthodes de contraception les plus utilisées sont lis-
tées tableau I, même si l’efficacité de certaines méthodes n’a pas été
étudiée spécifiquement chez les adolescents.
Abstinence
L’abstinence est la méthode la plus efficace de prévention des gros-
sesses et des MST. Pour certains adolescents et jeunes adultes
atteints de cancer, elle est normale, possible et acceptable.
Cependant, il faut reconnaître que ces jeunes peuvent avoir la sensa-
tion que le temps leur est compté, et qu’ils ne peuvent pas retarder
une relation sexuelle avec leur partenaire. Il est difficile d’ajouter la
perte d’une vie sexuelle potentielle aux si nombreuses limites et res-
trictions auxquelles fait face un(e) adolescent(e) et qui sont liées à sa
maladie et à son traitement. De plus, il (elle) peut vouloir, alors qu’il
(elle) se confronte à une maladie menaçant sa vie, connaître une
expérience sexuelle satisfaisante avant de mourir (12).
L’abstinence n’est donc une méthode de contraception recom-
mandée chez ces patients, sauf s’ils le souhaitent et sont motivés.
Absence de méthode/retrait/abstinence périodique
Absence de méthode
Aux États-Unis, 25 à 50 % des adolescents actifs sexuellement n’uti-
lisent pas de contraception lors de leur premier rapport sexuel. Il est
beaucoup plus simple, du point de vue des adolescents, de ne pas uti-
liser de contraception. Cependant, le risque de MST est très élevé,
ainsi que celui d’une grossesse pour les adolescentes (85% la pre-
mière année) (13).
Une méthode de contraception efficace est donc fermement recom-
mandée pour les adolescents atteints de cancer, à tout moment.
Retrait
Cette méthode est largement utilisée par les adolescents, particulière-
ment pendant la première année de leur vie sexuelle. L’efficacité du
retrait (ou coïtus interruptus) dépend de la capacité de l’homme à
GYNÉCO ET SOCIÉTÉ
Contraception chez les adolescents et les adultes jeunes
atteints de cancer
V. Laurence*
L
* Département d’oncologie médicale, Institut Curie, Paris.
© Lettre du Cancérologue - vol. XIV - n° 4 - juillet août 2005
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La Lettre du Gynécologue - n° 313 - juin 2006
retirer son pénis avant l’éjaculation. Le taux d’échec dans la pre-
mière année est de 24%, avec un risque de MST et de transmission
du VIH (14).
Même s’il s’agit d’une méthode pratique et “gratuite”, elle n’est pas
recommandée chez les adolescents en général, et chez ceux atteints
de cancer en particulier.
Abstinence périodique
Elle repose sur l’abstinence pendant la fenêtre de fertilité durant
laquelle les relations sexuelles peuvent être fécondantes. Cette
“fenêtre fertile” s’ouvre cinq jours avant l’ovulation et demeure
ouverte jusqu’au jour de l’ovulation ; elle peut être identifiée en
observant les modifications des sécrétions cervicales, en surveillant
l’augmentation de la température corporelle de base, ou en calculant
sur un calendrier (16-18). Cependant, même les femmes ayant des
cycles réguliers ont des difficultés pour prédire et repérer cette
fenêtre fertile en utilisant ces moyens ; le taux d’échecs est de 25%.
De plus, cette méthode ne protège pas des MST et de la transmission
du VIH (13).
Cette méthode, non seulement n’est pas fiable chez des adolescentes
avec des cycles irréguliers, mais elle est encore plus aléatoire chez
des adolescentes atteintes de cancer, dont les cycles peuvent être ren-
dus irréguliers par la chimiothérapie, et dont la température corpo-
relle peut augmenter en raison d’infections, ce qui rend sa sur-
veillance inadéquate.
Méthodes non mécaniques
Contraception orale
Pilule estroprogestative
La pilule estroprogestative (POP) contient à la fois des estrogènes et
des progestatifs de synthèse, et empêche l’ovulation
en inhibant la sécrétion des gonadotrophines. Parallèlement, les pro-
gestatifs induisent une augmentation de la viscosité de la muqueuse
cervicale, une atrophie endométriale et une modification des mouve-
ments tubaires, ce qui ajoute des mécanismes de contraception
secondaires. De nombreuses marques sont utilisées dans le monde,
contenant 15, 20, 30, 35 ou 50 μg d’éthynilestradiol comme estro-
gène. Le mestranol n’est plus que rarement utilisé. Trois générations
de progestatifs sont utilisées :
– Première génération : éthynodiol diacétate, noréthindrone acétate,
noréthindrone.
– Deuxième génération : norgestrel, lévonorgestrel.
– Troisième génération : désogestrel, norgestimate, gestodène. Les
POP sont monophasiques (dosage constant d’hormones), bipha-
siques ou triphasiques lorsque le dosage de progestatifs, et parfois de
l’estrogène, varie dans le temps sur une période de 21 jours (2, 17,
18). Les POP contenant des progestatifs de troisième génération sont
plus chères et peuvent donc être plus difficiles à se procurer pour des
adolescentes préférant utiliser leur argent différemment. En France,
seule Trinordiol®est remboursée par la Sécurité sociale.
La pilule estroprogestative est la méthode de contraception la plus uti-
lisée par les adolescentes : 35 % des filles de moins de 16 ans et 50 %
des filles de 16 à 19 ans consultant au planning familial en Angleterre
la prennent (19). Elle n’est efficace, particulièrement lorsque les doses
d’estrogène sont faibles, que prise régulièrement et correctement. Le
taux d’échec est de 3 % chez les femmes adultes et de 5 à 15 % chez
les adolescentes (20, 21). Les adolescentes sont souvent moins com-
pliantes que les adultes, et plus de la moitié d’entre elles arrêtent la
pilule dans la première année d’utilisation (22). Il n’y a pas plus de
risques à utiliser la POP chez les jeunes adolescentes réglées que chez
les jeunes femmes d’une vingtaine d’années (19).
Des critères d’acceptabilité médicale pour l’utilisation des moyens
de contraception ont été établis par l’Organisation mondiale de la
santé (OMS) (23). Les états (c’est-à-dire les caractéristiques indivi-
duelles et/ou les pathologies préexistantes) ayant une incidence sur
l’acceptabilité des diverses méthodes ont été classés dans une des
quatre catégories :
1. état où l’utilisation de la méthode contraceptive n’appelle aucune
restriction ;
2. état où les avantages de la méthode contraceptive l’emportent en
général sur les risques théoriques ou avérés ;
3. état où les risques théoriques ou avérés l’emportent généralement
sur les avantages procurés par l’emploi de la méthode ;
4. état équivalent à un risque inacceptable pour la santé en cas d’uti-
lisation de la méthode contraceptive.
Le cancer du sein est la seule pathologie tumorale contre-indiquant
absolument l’utilisation des estroprogestatifs.
Les critères d’acceptabilité médicale de l’OMS s’appliquent égale-
ment aux adolescentes. Néanmoins, la prescription d’une POP à des
jeunes patientes atteintes de cancer, traitées par chimiothérapie et/ou
radiothérapie, pose des problèmes très spécifiques.
Thrombopénie
La thrombopénie induite par la chimiothérapie a une durée et une pro-
fondeur qui dépendent des molécules et du schéma utilisés, ce qui
pose le problème du contrôle des saignements menstruels. Une POP
monophasique n’a pas d’inconvénient pour les patientes dont la durée
prévisible de thrombopénie est courte. Les estroprogestatifs, pris pen-
dant le traitement, entraînent habituellement une atrophie endomé-
triale avec des saignements minimes. Si un saignement intermenstruel
(ou spotting) survient au moment du nadir plaquettaire, la patiente
peut prendre jusqu’à quatre comprimés d’estroprogestatifs par jour
pour empêcher des saignements trop importants, et lorsqu’ils sont
contrôlés revenir à une prise unique pour trois jours. Pour les POP
fournies en plaquettes de 28 jours, ne pas prendre les comprimés pla-
cebo permet d’éviter tout saignement, et la prise peut donc être conti-
nue sur 28 jours pour parer aux saignements menstruels (24).
Une POP monophasique en prise continue peut convenir, si la com-
pliance est bonne et qu’il n’existe pas d’effets secondaires intesti-
naux (voir ci-dessous). Chez les patientes pour lesquelles une throm-
bopénie sévère et/ou prolongée est attendue, la pilule
estroprogestative n’est pas recommandée. L’expérience avec les
patchs transdermiques estroprogestatifs est trop récente pour pouvoir
être conseillée dans ces situations médicales complexes que sont
celles des adolescentes atteintes de cancer.
GYNÉCO ET SOCIÉTÉ
Tableau I. Méthodes de contraception.
Abstinence
Méthodes “naturelles”
– pas de méthodes
– retrait
– abstinence périodique
Contraception orale
– pilule estroprogestative
– pilule microprogestative
– contraception postcoïtale (“pilule du lendemain”)
Contraceptifs injectables de longue durée (Dépo-Provera®)
Implants contraceptifs (Implanon®)
Dispositif intra-utérin (DIU)
Moyens mécaniques
– contraceptifs locaux féminins (diaphragme, éponge
vaginale, préservatif féminin, spermicides)
– préservatif masculin
Effets indésirables au niveau du tractus digestif
Les nausées, les vomissements et les mucites induits par la chimiothé-
rapie peuvent empêcher la prise orale des POP. Par ailleurs, la flore
bactérienne gastro-intestinale peut être modifiée par les diarrhées chi-
mio-induites, les infections et l’utilisation répétée d’antibiotiques,
entraînant de possibles changements dans la circulation gastro-hépa-
tique ainsi qu’un risque d’efficacité diminuée de la POP (25).
Interactions médicamenteuses
Les patients traités pour cancer sont souvent polymédiqués, et les
contraceptifs estroprogestatifs oraux ont de nombreuses interactions
médicamenteuses connues. Parmi les antibiotiques, la rifampicine est
un inducteur enzymatique diminuant l’efficacité des POP par augmen-
tation du métabolisme hépatique. Les antiacides (à base d’aluminium
ou de magnésium) bloquent l’absorption des POP, et doivent être évi-
tés dans les trois heures suivant la prise. De nombreux antalgiques,
anticonvulsivants et antifungiques interfèrent de façon enzymatique
avec les estroprogestatifs oraux, diminuant leur efficacité. De la même
façon, les estroprogestatifs oraux eux-mêmes diminuent la clairance
des benzodiazépines, des antidépresseurs tricycliques, de la predniso-
lone, de la ciclosporine et d’autres molécules, nécessitant chez les
patientes prenant ces molécules une surveillance rapprochée (17, 18).
La POP doit être évitée chez les patients avec allogreffe de moelle
chez qui prednisolone et ciclosporine sont utilisées pour prévenir le
rejet de greffe et la graft versus host reaction (GVH).
Thromboses
Les estroprogestatifs sont contre-indiqués chez les patientes avec
antécédents de thrombose veineuse profonde ou embolie pulmonaire
(23). Cependant, ils peuvent être prescrits chez une patiente aux
antécédents de thrombose sur matériel (comme une voie centrale) si
celui-ci a été retiré (18).
En résumé, la prescription et l’utilisation d’une pilule estroprogesta-
tive chez une jeune patiente traitée pour cancer doivent être discutées
de façon individuelle, avec une évaluation précise des problèmes
spécifiques liés à la situation clinique.
Contraception progestative microdosée
continue (micropilule)
Elle ne contient pas d’estrogènes et fonctionne par le biais de méca-
nismes contraceptifs secondaires : mucus cervical plus épais et
moins pénétrable, involution endométriale, modification de la mobi-
lité tubaire, sans réelle inhibition de l’ovulation. C’est une contracep-
tion acceptable pour les adolescentes chez qui les estrogènes sont
contre-indiqués ou mal tolérés. Néanmoins, le risque d’échec est plus
élevé, des saignements intermenstruels peuvent survenir, et une com-
pliance rigoureuse est indispensable, avec prise à heures régulières.
En cas de retard de plus de trois heures, une contraception de secours
est indispensable. Elle est à éviter chez les patientes aux antécédents
de grossesse extra-utérine, prenant de la rifampicine, de la griséoful-
vine, certains antiépileptiques (phénytoïne, carbamazépine, barbitu-
riques, primidone, topiramate, ou oxcarbazépine), ainsi que chez les
patientes dont la compliance attendue est faible. Les problèmes ren-
contrés sur le plan digestif et hématologique avec la micropilule sont
les mêmes pour les patientes en cours de chimiothérapie qu’avec la
pilule estroprogestative (cf. plus haut).
Les progestatifs macrodosés oraux pris en continu afin d’entraîner
une atrophie endométriale n’ont pas d’AMM comme contraceptifs.
Ils sont régulièrement utilisés pour éviter les saignements en cours de
chimiothérapie chez les adolescentes traitées pour une pathologie
hématologique (comme la noréthisterone en prise quotidienne et
continue). La contraception est alors un bénéfice secondaire “bien-
venu”, mais il doit être clairement expliqué à ces adolescentes que
l’efficacité anticonceptionnelle ne peut être garantie et qu’un autre
moyen de contraception est nécessaire si elles en ont besoin.
La micropilule progestative n’est pas un moyen contraceptif recom-
mandé en première intention chez les adolescentes et les jeunes
adultes atteintes de cancer.
Contraception postcoïtale
La contraception postcoïtale hormonale, aussi appelée “pilule du len-
demain”, disponible depuis 20 ans, présente un grand intérêt en cas
d’échec d’une contraception habituelle, de rapports non protégés,
d’“accident de préservatif”, ou d’agression sexuelle (18, 24). Deux
schémas sont disponibles :
– le schéma Yuzpe : 1 prise de 200 μg d’éthynilestradiol et
1 mg de lévonorgestrel, renouvelée 12 heures plus tard, avec une
première prise dans les 72 heures au plus tard après le rapport non
protégé.
– le schéma fondé sur le lévonorgestrel (Norlévo®) (2 comprimés de
750 mg de lévonorgestrel à 12 heures d’intervalle le plus tôt pos-
sible, à savoir dans les 12 heures suivant le rapport sexuel non pro-
tégé, et dans les 72 heures au plus tard). L’essai de l’OMS a établi ce
schéma comme le standard (26), et il est approuvé dans plus de 80
pays. Une seule prise de 1,5 mg de lévonorgestrel est aussi efficace
que le schéma standard de deux prises, ce qui peut être particulière-
ment utile chez les adolescentes sous chimiothérapie, puisque ce
schéma entraîne moins de nausées (27). Il n’y a pas de contre-indica-
tions médicales en dehors d’une grossesse en cours, et la poursuite
d’une contraception hormonale régulière n’est pas contre-indiquée
(18, 28). En France, dans les pharmacies le lévonorgestrel est en
délivrance gratuite aux mineures, et les infirmières scolaires ont
l’autorisation de donner la contraception d’urgence aux élèves quel
que soit leur âge (2). Au Royaume-Uni, il est en vente libre pour les
mineures au-dessus de 16 ans (19). En Suisse, le schéma Yuzpe est
actuellement le seul autorisé (24).
Les adolescentes et les jeunes adultes atteintes de cancer ont le
même risque de rapport non protégé ou imposé que les autres jeunes
filles du même âge, et la discussion au sujet de la contraception post-
coïtale doit faire partie de l’information délivrée.
Progestatifs injectables de longue durée
(Dépo-Provera®)
La médroxyprogestérone (Dépo-Provera®) ou MPA est la méthode
de contraception injectable la plus répandue dans le monde ; elle est
efficace et réversible. L’efficacité contraceptive dure 12 semaines,
sans nécessité d’une compliance quotidienne. À une dose de 150 mg
en injection intramusculaire profonde, les études ont retrouvé des
taux d’échec de 0 à 0,7 grossesse pour 100 femmes par an (29). Elle
agit par suppression de l’ovulation et de la production ovarienne
d’estradiol, par inhibition de la sécrétion des gonadotrophines, ainsi
que par l’altération de la composition et des caractéristiques phy-
siques de la glaire cervicale, avec formation d’un endomètre fin, ces
effets réunis rendant compte de l’efficacité anticonceptionnelle éle-
vée. L’effet indésirable le plus fréquent est l’irrégularité menstruelle,
et de nombreuses utilisatrices deviennent aménorrhéiques. L’amé-
norrhée survient chez 8 % des femmes après la première injection, et
chez 45 % après 10 à 12 mois d’utilisation (30). Cependant, malgré
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La Lettre du Gynécologue - n° 313 - juin 2006
GYNÉCO ET SOCIÉTÉ
son efficacité et son acceptabilité, l’utilisation du Dépo-Provera®
chez les adolescentes et les très jeunes femmes traitées pour cancer
pose deux problèmes. Tout d’abord, une injection intramusculaire
profonde dans le deltoïde ou le fessier peut être source d’hématome
et/ou d’infection pour des patientes potentiellement neutropéniques
et/ou thrombopéniques. Par ailleurs, le retentissement sur la masse
osseuse reste à évaluer, avec un possible risque de diminution de la
densité osseuse en cas d’utilisation prolongée du Dépo-Provera®(31-
34). L’adolescence est une période cruciale de croissance osseuse,
avec acquisition de la majeure partie de la masse osseuse de la
hanche et de la colonne vertébrale jusqu’à l’âge de 18 ans (35). La
médroxyprogestérone doit être évitée chez les adolescentes à risque
d’ostéoporose comme dans les insuffisances rénales chroniques (17).
Les enfants et adolescents traités par chimiothérapie ont un risque de
perte de densité osseuse (36, 37). De plus, cette méthode n’offre
aucune protection contre les MST et la transmission du VIH.
Il semble donc prudent d’éviter l’usage du Dépo-Provera®chez les
adolescentes traitées par chimiothérapie.
Les implants contraceptifs
Le Norplant I®, contenant du lévonorgestrel, a été le premier
implant commercialisé, et il est efficace pendant cinq ans.
L’implant Jadelle®(Norplant III®) est approuvé pour cinq ans
d’efficacité dans la plus grande partie du monde, et pour trois ans
aux États-Unis.
En France, seul Implanon®est commercialisé ; il est fait d’un
noyau de copolymère d’éthylène d’acétate de vinyle contenant de
l’étonogestrel, et est efficace pendant trois ans. Ces trois implants
fournissent une contraception transitoire, et doivent être insérés
sous la peau, habituellement dans le bras (38, 39). Ils ne protègent
pas contre les MST et la transmission du VIH. L’utilisation de
Norplant®n’est pas recommandée chez les patientes prenant des
inducteurs enzymatiques, de la rifampicine, de la phénytoïne, de la
carbamazépine et des barbituriques en raison du risque augmenté
de grossesse lié à la diminution du taux sanguin de lévonorgestrel
(40, 41).
Les effets indésirables rencontrés avec les implants sont les irrégu-
larités menstruelles, l’aménorrhée, la prise de poids, les maux de
tête et les modifications de l’humeur. Cette méthode est pratique et
assez populaire chez les adolescentes, car elle règle le problème de
la compliance quotidienne. Elle est fiable (taux d’échec de 0,2
grossesse pour 100 années-femme, indice de Pearl), et de longue
durée. Mais les adolescentes craignent souvent l’insertion sous-
cutanée et les effets secondaires tels la prise de poids, l’acné et les
saignements intermenstruels (32, 42-44). La satisfaction des
patientes avec Norplant®a été directement corrélée à l’information
et aux conseils donnés avant l’insertion. Les taux de poursuite de
Norplant®sont supérieurs à ceux de la pilule estroprogestative chez
les adolescentes bien préparées (45, 46). Il n’existe pas de données
sur l’utilisation au long cours d’Implanon®chez les adolescentes.
Pour les patientes traitées par chimiothérapie et chez qui une
thrombopénie profonde et/ou prolongée est attendue, les implants
posent problème, étant donné le risque de spottings. De plus,
l’insertion sous-cutanée est une procédure invasive contre-indiquée
chez des patientes potentiellement thrombopéniques. Il n’existe pas
de données sur la tolérance et le risque septique chez les patientes
neutropéniques.
Mettre en route une contraception par implant chez une adoles-
cente sous chimiothérapie n’est pas recommandé. En revanche,
chez une patiente nouvellement diagnostiquée et déjà porteuse d’un
implant bien toléré, chez qui le traitement a un risque de thrombo-
pénie modérée et de courte durée, il n’est pas nécessaire de le reti-
rer, d’autant plus si l’implant a été choisi en raison de l’échec ou
des effets secondaires d’autres moyens de contraception.
Contre-indications communes aux contraceptions hormonales
chez les adolescentes et les jeunes adultes traitées pour cancer
La seule contre-indication oncologique absolue à une contraception
hormonale est la présence ou la suspicion de cancer du sein. L’utili-
sation des pilules estroprogestatives, de Depo Provera®et des
implants progestatifs sous-cutanés relève dans ce cas d’une
catégorie 4 selon les critères OMS (1, 23). Le cancer du sein est rare
chez les très jeunes femmes : 1 % des cancers du sein surviennent
chez les 20-29 ans. Les cancers du sein invasifs représentent 0,5 %
de tous les cancers chez les 15-19 ans et 4,1 % chez les 20-24 ans
selon une étude publiée en 2003 (5).
Les tumeurs ovariennes sont au quatrième rang des cancers rencon-
trés chez les filles de 15 à 24 ans, mais les types histologiques varient
dans cette tranche d’âge : les tumeurs germinales sont les plus fré-
quentes chez les 15-19 ans, alors que les tumeurs non germinales
représentent 70 % des tumeurs ovariennes des 20-24 ans (5). Pour les
tumeurs épithéliales, le traitement chirurgical non conservateur
(annexectomie bilatérale et hystérectomie) est la règle ; cependant,
un traitement conservateur à type d’annexectomie unilatérale se dis-
cute dans les tumeurs épithéliales de stade précoce Ia et pour les
tumeurs germinales chez les jeunes femmes avec désir de préserva-
tion de la fertilité. Les récepteurs aux estrogènes sont présents chez
67 % des tumeurs épithéliales ovariennes, et les récepteurs à la pro-
gestérone chez 47 % de ces tumeurs, mais les données sur leur rôle
fonctionnel ne sont pas concluantes (47). Il n’existe pas de données
sur le risque de récidive des patientes traitées de façon conservatrice
pour cancer de l’ovaire et sous contraception estroprogestative orale.
Cependant, chez ces patientes, il semble plus sûr d’utiliser d’autres
méthodes contraceptives que la pilule estroprogestative et les proges-
tatifs de longue durée d’action lorsque le statut des récepteurs hor-
monaux n’est pas connu.
Pour les patientes atteintes de mélanome, les données initiales
inquiétantes n’ont pas été confirmées, et les pilules estroprogestatives
ne sont pas contre-indiquées.
Dispositif intra-utérin
Les dispositifs intra-utérins (DIU), ou stérilets, sont utilisés par des
millions de femmes dans le monde, et ont fait preuve de leur effica-
cité. Le DIU en cuivre a un taux d’échec un peu plus élevé (moins
de 1 pour 100 années-femme) que le DIU contenant du lévonorges-
trel (Mirena®). Le stérilet n’est pas une contraception de choix pour
les adolescentes (1, 3, 13, 22). Il est associé à un risque plus élevé
de dysménorrhée, de ménorragies, et d’infection haute. Ce risque
d’infection haute est étroitement lié à la vie sexuelle : il est élevé
chez les patientes à partenaires multiples, beaucoup plus faible,
voire quasi nul chez les patientes à partenaire unique. Or, les ado-
lescentes ont souvent une vie sexuelle faite d’épisodes de “mono-
gamie successive”, ou ont des partenaires multiples. De plus, la
présence fréquente d’un ectropion cervical à cet âge prédispose aux
MST.
Étant donné le risque de thrombopénie et de neutropénie chez les
jeunes patientes traitées par chimiothérapie, le stérilet est une
méthode contraceptive à éviter.
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La Lettre du Gynécologue - n° 313 - juin 2006
GYNÉCO ET SOCIÉTÉ
Moyens mécaniques
Contraceptifs locaux féminins (diaphragme,
éponges spermicides, préservatif féminin)
Le diaphragme
Le diaphragme n’est plus en vente en France.
Les éponges vaginales
Il s’agit de spermicides à action prolongée avec une durée
d’action de 24 heures. Disponibles en vente libre, les éponges
vaginales doivent être insérées avant les rapports sexuels avec
un délai maximal de 24 heures, et la toilette au savon est pros-
crite dans les heures suivant le rapport. Son efficacité semble
moindre que le diaphragme et les préservatifs (20, 48). Les ado-
lescentes doivent être correctement informées et de façon
détaillée sur ses règles d’utilisation, dont dépend son efficacité
contraceptive. Les éponges semblent diminuer le risque de MST,
mais le risque de transmission du VIH serait peut-être augmenté
par le traumatisme au niveau de la muqueuse vaginale (49).
Le préservatif féminin
Il s’agit d’un “fourreau” en polyuréthane placé dans le vagin avant
les rapports sexuels ; il est prélubrifié à l’intérieur, a deux anneaux,
l’un interne couvrant le col et l’autre externe couvrant en partie le
périnée (50). Les taux d’échec sont de 15 à 21 %, et résultent sou-
vent d’un défaut d’utilisation (51). Son efficacité chez les adoles-
centes et dans la prévention des MST est mal connue (52). Il est
cher, peu plaisant esthétiquement, et entraîne souvent des problèmes
à type de glissement ou de mauvais positionnement du pénis pendant
le rapport (51).
Les spermicides en vente libre
Disponibles sous forme d’ovules, de crèmes, de gels, de capsules et
de comprimés vaginaux, ils peuvent être utilisés seuls ou avec des
préservatifs. Les taux d’échec sont de 21 à 30 % (53, 54). D’action
brève (une heure), ils doivent être mis 10 à 30 minutes avant chaque
rapport sexuel. Cependant, les “fuites” vaginales sont souvent inévi-
tables, et l’inconfort souvent décrit ainsi que les irritations vulvaires,
vaginales ou du pénis souvent ressenties peuvent les rendre difficile-
ment acceptables. Ils protègent incomplètement des MST, et non de
la transmission du VIH.
Les moyens mécaniques féminins sont souvent mal acceptés par
les adolescentes. Ils nécessitent une anticipation des relations
sexuelles, une forte motivation, et une bonne connaissance du
corps, peu fréquente chez les adolescentes. Leur efficacité
contraceptive inconstante ainsi que l’absence de protection
contre les MST et la transmission du VIH les rendent difficiles à
recommander chez des adolescentes traitées pour cancer et
potentiellement immunodéprimées.
Préservatif masculin
Le préservatif masculin (ou condom) est un moyen contraceptif
d’usage unique et en vente libre, formant une barrière mécanique
contre le sperme, les virus et les bactéries. Habituellement faits en
latex, des modèles en polyuréthane sont disponibles depuis les
années 1990 en cas d’allergie au latex. Il prévient des transmissions
virales ou bactériennes par les sécrétions cervicales, vaginales, vul-
vaires ou rectales, ainsi que du contact avec des lésions infectieuses
du pénis ou du gland pour les partenaires. Cependant, une transmis-
sion par le biais de lésions cutanées non couvertes par le préservatif
est possible, même s’il protège largement de très nombreux patho-
gènes (55). Son utilisation est croissante chez les adolescents et les
jeunes adultes en raison de programmes éducatifs et de la crainte des
MST, en particulier du VIH.
L’échec est souvent lié à une mauvaise utilisation plus qu’à des rup-
tures, dont la fréquence est évaluée de 0 à 6,7 % (56). L’expérience
de l’utilisateur est importante ; des informations claires et détaillées
doivent être données aux adolescents sur la façon de les utiliser, et il
faut conseiller des préservatifs lubrifiés avec réservoir.
Permettant l’absence d’un tiers médical ou d’une implication paren-
tale, ils permettent une grande confidentialité pour les adolescents et
sont plus adaptés à une sexualité irrégulière. Ils sont facilement
accessibles (distributeurs, boutiques), d’un coût modeste (3 euros la
boîte de 6), transportables (dans la poche), et permettent l’implica-
tion des garçons dans la contraception.
Sans contre-indication médicale, prévenant de la transmission des
MST et du VIH, efficaces lorsqu’ils sont utilisés correctement
(± spermicides), le préservatif masculin est recommandé chez les
adolescents atteints de cancer, en les informant de façon adéquate sur
leur utilisation.
Avantages des moyens mécaniques
Éviter l’exposition aux cytotoxiques
Pendant les chimiothérapies, une excrétion des drogues doit être
attendue dans les sécrétions vaginales et le liquide séminal. Chez les
rats, le cyclophosphamide pénètre dans le tractus masculin de repro-
duction, peut être transmis à la femelle partenaire et affecter la pro-
géniture (57). La survenue de vulvovaginite a été décrite chez
l’épouse d’un patient atteint de maladie de Hodgkin et recevant de la
vinblastine ; la vulvovaginite survenait si les rapports sexuels avaient
lieu dans les 3 à 4 jours après l’administration de vinblastine et était
prévenue par l’utilisation du préservatif (58). Il n’existe pas d’études
sur la concentration des médicaments cytotoxiques dans les sécré-
tions prostatiques humaines, le liquide séminal ou les sécrétions
vaginales. Cependant, au regard des articles précédents, l’usage de
préservatifs masculins doit être discuté avant l’administration de chi-
miothérapie pour éviter le contact avec le liquide séminal et les
sécrétions vaginales.
Prévenir la transmission des infections sexuellement
transmissibles
Les relations affectives et amoureuses des adolescents changent sou-
vent ; la probabilité de partenaires multiples est donc élevée chez les
adolescentes avec un schéma fréquent de “relations monogamiques
successives”. Par ailleurs, ils sont physiologiquement un peu plus à
risque de transmission de MST. Chez des patients potentiellement
neutropéniques, la survenue de MST bactériennes peut avoir des
conséquences sérieuses.
La MST la plus fréquente chez les jeunes femmes est l’infection
human papillomavirus (HPV), avec une prévalence de 30 à 50 %
chez les jeunes femmes sexuellement actives (59). Ces infections
sont plus volontiers transitoires que chez les femmes plus âgées,
mais les adolescentes avec une infection HPV persistante et à haut
risque ont un risque augmenté de développer des lésions néopla-
siques intra-épithéliales (squamous intraepithelial de haut risque ou
SIL) [59-61]. L’infection à HPV est parfois asymptomatique, ou res-
ponsable de lésion bénignes à précancéreuses. Les conséquences de
l’infection HPV dépendent de son type. Les HPV à bas risque
sont habituellement associés aux condylomes anogénitaux, et les
HPV à haut risque aux lésions intra-épithéliales néoplasiques de
bas et de haut risques ainsi qu’aux cancers anogénitaux invasifs.
GYNÉCO ET SOCIÉTÉ
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La Lettre du Gynécologue - n° 313 - juin 2006
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