Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 4
Physiopathologie du transport d'oxygène
Le DO2
Comme le but premier de la transfusion érythrocytaire est d'améliorer le transport d'O2, il est
intéressant de revoir les conditions d'équilibre entre le transport (DO2) et la demande (VO2) en
oxygène, et leurs mécanismes compensatoires [79]. Le transport d'O2 est fonction du contenu artériel
en O2 (CaO2) et du débit cardiaque (DC):
DO2 = CaO2 • DC
où: CaO2 = (Hb • 1.34 • SaO2) + (0.003 • PaO2)
Si le taux d'Hb est de 150 g/L et la saturation de celle-ci 100%, le contenu est de 200 ml O2 par litre de
sang (20 vol%); il est de 19.5 vol% à l'air ambiant. Pour un débit cardiaque de 5 L/min, le transport
d'O2 est de 1'000 mL/min. La consommation en O2 est évaluée par la différence de contenu entre le
sang artériel et le sang veineux mêlé:
VO2 = DC • (CaO2 - CvO2)
La valeur normale est de 5 vol% ou de 250 mL/min. Cette consommation est augmentée en cas de
sepsis, d'hyperthermie, de catabolisme accru (brûlés, hyperthyréose), d'effort physique ou de
stimulation sympathique. Chez le sujet sain, le transport d'O2 est donc quatre fois supérieur à la
consommation de base, ce qui donne une grande marge de sécurité. En effet, l'apport est encore
adéquat par rapport à la consommation au repos jusqu'à un taux d'Hb de 45 g/L. Cependant, la VO2
n'est indépendante du transport (DO2) que jusqu'à un point critique en dessous duquel elle baisse
linéairement avec la diminution du transport (voir Chapitre 5, Figure 5.100).
Le coefficient d'extraction d'O2 est la fraction de l'O2 distribué qui est effectivement consommé par les
tissus: CeO2 = (CaO2 - CvO2) / CaO2. La valeur normale est de 25%, ce qui signifie que le sang
veineux central a un contenu en O2 de 15 vol% et une saturation de 75%. Il s'agit là d'une valeur
globale de l'organisme; certains organes comme le coeur ou le cerveau sont plus dispendieux en
oxygène que la moyenne; ils extraient donc davantage: 60-70% pour le coeur, 50% pour le cerveau,
mais 7-10% pour les reins [204]. Comme il possède le coefficient d'extraction le plus élevé, le coeur
est l'organe qui court le plus de risque en cas d'anémie aiguë. Ces données concernent évidemment
une perte d'érythrocytes sans perte associée de volume circulant (anémie isovolémique).
Mécanismes compensatoires
En cas d'anémie isovolémique, par exemple lors d'hémodilution peropératoire, plusieurs mécanismes
compensatoires se mettent en place pour maintenir adéquat le DO2 jusqu'aux cellules.
Augmentation du débit cardiaque essentiellement par élévation du volume systolique; comme
le sang est un liquide non-newtonien, la baisse de la viscosité qui accompagne la chute de l'Ht
affecte davantage le flux là où il est le plus lent, c'est-à-dire dans les veinules postcapillaires;
de ce fait, le retour veineux est amélioré, la précharge ventriculaire augmente (augmentation
de la PVC et du volume télédiastolique) et le volume systolique est plus élevé [122]. La
baisse de la viscosité induit aussi une diminution des résistances périphériques, qui facilite la
vidange ventriculaire. Ainsi le DO2 reste constant lorsque l'Ht varie de 45% à 30% [204]; le
débit cardiaque est doublé pour un Ht de 20%.
Augmentation du débit cardiaque par tachycardie; celle-ci est surtout liée à l'hypovolémie,
mais elle survient également en normovolémie lors d'hémodilution aiguë; son ampleur est
variable selon les espèces. Elle est peu marquée, voir nulle, lors d'hémodilution sous
anesthésie générale, où l'augmentation du débit cardiaque dépend essentiellement de