PAC • Précis d’Anesthésie Cardiaque CHAPITRE 28 INDICATIONS A LA TRANSFUSION ET STRATEGIES D’EPARGNE SANGUINE EN ANESTHESIE CARDIAQUE Mises à jour: Février 2014, Novembre 2015 Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 1 Table des matières Introduction Physiopathologie du transport d’O2 La transfusion sanguine Risques liés aux produits sanguins Effets de la durée de conservation Impact clinique de la transfusion Risques liés à l’anémie Critères de transfusion Transfusion massive Transfusion de produits dérivés Recommandations 2 4 6 6 9 11 14 19 23 30 36 Stratégies globales de la gestion du sang Phase préopératoire Hémodilution isovolémique Moyens techniques Moyens pharmacologiques Technique d’anesthésie Cas particulier: Témoins de Jéhovah Conclusions Bibliographie Auteurs 38 40 45 48 50 52 55 59 60 68 Introduction L'attitude vis-à-vis des transfusions a considérablement évolué ces vingt dernières années suite à plusieurs phénomènes. La volonté sécuritaire de réduire tout risque lié aux pratiques médicales, basée en l'occurrence sur la crainte de transmettre le virus HIV aux receveurs (affaire du sang contaminé en France); L'observation de populations de malades tolérant des anémies profondes (Hb 50 - 60 g/L) sans effets délétères, tels les dialysés ou les Témoins de Jéhovah; L'expérience du déchocage extrahospitalier, prouvant que, en phase aiguë, le maintien de la volémie est plus important que la correction de l'anémie; La restriction du nombre des donneurs, notamment avec le risque récent de transmission de maladies géographiquement localisées; en Grande-Bretagne, par exemple, ce nombre a chuté de 22% entre 1999 et 2004 (épidémie de la "vache folle") [193] ; Les coûts de production du sang en augmentation constante, notamment à cause des investissements dans le dépistage des maladies transmissibles ; Le fait que certaines idées se sont avérées infondées: l'anémie n'augmente pas les défauts de cicatrisation, qui ne surviennent que pour des Ht < 15%, ni les infections postopératoires, qui sont davantage liées aux transfusions elles-mêmes qu'à la baisse de l'hémoglobine. Sauf dans les hémorragies aiguës, la transfusion n'améliore pas le pronostic des malades mais augmente leur morbi-mortalité [32,218]. Simultanément, plusieurs facteurs ont contribué à augmenter les besoins en transfusion érythrocytaire. Interventions chirurgicales de plus en plus complexes et hémorragipares; les deux tiers des transfusions ont lieu pendant la période opératoire ou postopératoire immédiate; Polytraumatisés arrivant vivants au déchoquage grâce à la médicalisation pré-hospitalière; Nombre accru de réopérations: saignement diffus et profus en raison des adhérences ou des médications anticoagulantes/antiplaquettaires; Patients âgés, débilités, ou en déficience multi-organique; Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 2 Interventions d'urgence sur des malades au bénéfice d'une anticoagulation, d’une antiagrégation ou d'une thrombolyse. Au lieu d'être une thérapeutique en soi, la transfusion érythrocytaire est désormais considérée comme un aspect particulier au sein d'une série de mesures contribuant toutes à l'épargne sanguine (voir Stratégies d’épargne sanguine). A la place d’être centrée sur un produit dont on cherche à améliorer la production et la qualité, la vision thérapeutique s’est déplacée vers le receveur, dont la prise en charge optimale suppose qu’on améliore le pronostic en traitant l’anémie, en freinant l’hémorragie et en limitant l’usage du sang homologue [46]. Après avoir obtenu un très haut degré de sécurité dans les produits sanguins, on voit maintenant s’accumuler les études démontrant l’impact négatif de la transfusion sur le devenir des patients hémodynamiquement stables et dépourvus de comorbidités [91]. On arrive ainsi à une curieuse situation : l’anémie est un facteur pénalisant, mais son traitement par la transfusion aggrave le pronostic au lieu de le corriger [174,187]. Tous les patients ne présentent pas le même risque d’être transfusé. La probabilité de recevoir une ou plusieurs poches de sang varie selon les situations. Les facteurs qui sont le plus souvent associés à la transfusion d’érythrocytes et de produits dérivés du sang sont les suivants [149]: Anémie préopératoire; Hémorragie peropératoire; Traitement anticoagulant et/ou antiplaquettaire en cours; Age avancé; Insuffisance rénale. Ces dernières années, de nombreuses études tendent à démontrer un lien de causalité entre la transfusion et la morbi-mortalité postopératoire, poussant à définir des valeurs d’Hb beaucoup plus restrictives comme seuils pour l’administration de globules rouges (GR) et incitant à corriger l’anémie périopératoire par d’autres moyens. Car le but premier du traitement n’est pas de rétablir un chiffre d'Hb, mais d'améliorer le transport d'O2. Ceci a clairement été exprimé dans les recommandations de l'ASA: "Red blood cell transfusion should not be dictated by a single haemoglobin transfusion trigger, but instead be based on the patient's risk of developping complications of inadequate oxygenation" [154]. Il reste toutefois beaucoup de chemin à parcourir, puisqu'une revue de la littérature concernant les transfusions dans les situations cliniquement stables révèle que 59% des indications sont inappropriées [170]. D'autre part, au sein d'un même hôpital, le taux d'Hb considéré comme une indication à la transfusion sanguine varie de 70 à 100 g/L, et le taux de perfusion plaquettaire dans une proportion de 1 à 4 [57]. Si les références à la chirurgie cardiaque paraissent nombreuses dans ce document, c'est que l'anesthésie cardiaque est le thème général de cet ouvrage et que ce type de chirurgie est le plus gros consommateur de produits sanguins. De ce fait, une grande partie des études d'impact sur la transfusion ont été conduite dans ce domaine. Pour avoir davantage de précisions sur la coagulation et les produits sanguins dérivés, on pourra se référer au Chapitre 8 sur la Coagulation. La transfusion sanguine La transfusion n'est qu'un élément particulier au sein de la prise en charge globale du transport d'O2 et de la coagulation du patient. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 3 Physiopathologie du transport d'oxygène Le DO2 Comme le but premier de la transfusion érythrocytaire est d'améliorer le transport d'O2, il est intéressant de revoir les conditions d'équilibre entre le transport (DO2) et la demande (VO2) en oxygène, et leurs mécanismes compensatoires [79]. Le transport d'O2 est fonction du contenu artériel en O2 (CaO2) et du débit cardiaque (DC): DO2 = CaO2 • DC où: CaO2 = (Hb • 1.34 • SaO2) + (0.003 • PaO2) Si le taux d'Hb est de 150 g/L et la saturation de celle-ci 100%, le contenu est de 200 ml O2 par litre de sang (20 vol%); il est de 19.5 vol% à l'air ambiant. Pour un débit cardiaque de 5 L/min, le transport d'O2 est de 1'000 mL/min. La consommation en O2 est évaluée par la différence de contenu entre le sang artériel et le sang veineux mêlé: VO2 = DC • (CaO2 - CvO2) La valeur normale est de 5 vol% ou de 250 mL/min. Cette consommation est augmentée en cas de sepsis, d'hyperthermie, de catabolisme accru (brûlés, hyperthyréose), d'effort physique ou de stimulation sympathique. Chez le sujet sain, le transport d'O2 est donc quatre fois supérieur à la consommation de base, ce qui donne une grande marge de sécurité. En effet, l'apport est encore adéquat par rapport à la consommation au repos jusqu'à un taux d'Hb de 45 g/L. Cependant, la VO2 n'est indépendante du transport (DO2) que jusqu'à un point critique en dessous duquel elle baisse linéairement avec la diminution du transport (voir Chapitre 5, Figure 5.100). Le coefficient d'extraction d'O2 est la fraction de l'O2 distribué qui est effectivement consommé par les tissus: CeO2 = (CaO2 - CvO2) / CaO2. La valeur normale est de 25%, ce qui signifie que le sang veineux central a un contenu en O2 de 15 vol% et une saturation de 75%. Il s'agit là d'une valeur globale de l'organisme; certains organes comme le coeur ou le cerveau sont plus dispendieux en oxygène que la moyenne; ils extraient donc davantage: 60-70% pour le coeur, 50% pour le cerveau, mais 7-10% pour les reins [204]. Comme il possède le coefficient d'extraction le plus élevé, le coeur est l'organe qui court le plus de risque en cas d'anémie aiguë. Ces données concernent évidemment une perte d'érythrocytes sans perte associée de volume circulant (anémie isovolémique). Mécanismes compensatoires En cas d'anémie isovolémique, par exemple lors d'hémodilution peropératoire, plusieurs mécanismes compensatoires se mettent en place pour maintenir adéquat le DO2 jusqu'aux cellules. Augmentation du débit cardiaque essentiellement par élévation du volume systolique; comme le sang est un liquide non-newtonien, la baisse de la viscosité qui accompagne la chute de l'Ht affecte davantage le flux là où il est le plus lent, c'est-à-dire dans les veinules postcapillaires; de ce fait, le retour veineux est amélioré, la précharge ventriculaire augmente (augmentation de la PVC et du volume télédiastolique) et le volume systolique est plus élevé [122]. La baisse de la viscosité induit aussi une diminution des résistances périphériques, qui facilite la vidange ventriculaire. Ainsi le DO2 reste constant lorsque l'Ht varie de 45% à 30% [204]; le débit cardiaque est doublé pour un Ht de 20%. Augmentation du débit cardiaque par tachycardie; celle-ci est surtout liée à l'hypovolémie, mais elle survient également en normovolémie lors d'hémodilution aiguë; son ampleur est variable selon les espèces. Elle est peu marquée, voir nulle, lors d'hémodilution sous anesthésie générale, où l'augmentation du débit cardiaque dépend essentiellement de Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 4 l'accroissement du volume systolique [186]. La contractilité et la fonction diastolique ne sont pas modifiées pas l'hémodilution à un Ht de 28% [121]. Redistribution du débit sanguin: l'autorégulation des organes à haute extraction (cerveau, coeur) leur fournit davantage de débit qu'aux organes à basse extraction (muscle, peau). Le CeO2 du coeur étant déjà voisin de 60% au repos, le débit coronaire doit augmenter de 400600% pour répondre à la demande; la limite de l'hémodilution isovolémique est atteinte lorsque le coeur ne peut plus accroître son débit ou son flux coronaire. La dilution améliorant les propriétés rhéologiques du sang, le flux est en général augmenté aux travers des sténoses vasculaires, ce qui compense partiellement la baisse du DO2. Augmentation de l'extraction d'O2: lorsque l'Ht est inférieur à 25%, les tissus extraient davantage d'O2 (jusqu'à 60%) et la saturation veineuse centrale en O2 s'abaisse à 50% ou au dessous. Modification de l'affinité de l'Hb pour l'O2: le déplacement de la courbe de dissociation de l'Hb vers la droite diminue son affinité pour l'O2 et lui permet de le libérer plus facilement. Ceci survient en acidose, en hyperthermie, et en fonction d'une augmentation du taux de 2,3DPG; la synthèse de ce dernier augmente dès que l'Hb descend en dessous de 90 g/L pendant plus de 36 heures [192]. Une perte de sang aiguë s'accompagne d'une hypovolémie, avec tous les mécanismes qui y sont associés: tachycardie, vasoconstriction, stimulation sympathique, etc. Dans ce document, on n'envisagera que les effets de l'anémie proprement dite, et on considérera que la normovolémie est maintenue. Dans l'anémie chronique, le déplacement de la courbe de dissociation de l'Hb par le 2,3DPG est le premier mécanisme mis en place, alors que le débit cardiaque ne se modifie pas avant que l'Hb soit inférieure à 80 g/L [204]. Transport d’oxygène DO2 = CaO2 • DC CaO2 = (Hb • 1.34 • SaO2) + (0.003 • PaO2) VO2 = DC • (CaO2 – CvO2) Mécanismes compensatoires en cas d’anémie : - ↑ extraction tissulaire d’O2 - ↑ 2,3 DPG - ↑ DC par hémodilution - Redistribution du DC - ↑ DC par tachycardie (lié à l’hypovolémie) Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 5 La transfusion sanguine Bien qu'elle soit salvatrice dans certaines circonstances, la transfusion d'érythrocytes, de plaquettes ou de facteurs de la coagulation n'est pas une thérapie dénuée de risques. Si son indication manque de rigueur, le patient peut courir un danger plus important que le bénéfice escompté. L'administration de produits sanguins, sous quelque forme que ce soit, réclame donc une évaluation approfondie de la situation du malade et une estimation pertinente de la balance entre les risques et les profits. Risques liés à l'administration de produits sanguins Les réactions à une poche de sang ne sont pas rares; elles surviennent dans 1.3% des transfusions (0.42%) [206]. En excluant les incidents critiques sans conséquence pour le malade, le taux de complications est de 0.7%. L'incidence d'évènements majeurs n'est que de 0.05-0.3%, mais un sur cinq est lié à des erreurs humaines [139]. Les accidents sont plus fréquents avec les perfusions de plaquettes (11‰) qu'avec celles d'érythrocytes (3.5‰) ou de PFC (0.8‰). Les risques qui sont liés aux transfusions sont de plusieurs ordres [80,181]. Réactions liées aux constituants des poches de sang: hyperkaliémie, hypocalcémie, acidose, hypothermie, perte de 2,3-DPG, surcharge en fer. Transmission de maladies bactériennes (risque de 1:105) et virales (risque de 1:105 à 0.5:106); par ordre de fréquence: sepsis, hépatite B, hépatite C, HIV [18,139]. Ces chiffres concernent les pays occidentaux industrialisés. Dans les pays du Tiers-Monde, le taux de contamination bactérienne et virale oscille entre 1:50 et 1:2'000 unités transfusées; il va jusqu'à 1:3 pour la malaria [3,129]. Dans nos régions, les maladies infectieuses émergentes deviennent un souci majeur à cause des difficultés de dépistage et de l'absence de parade efficace: maladie de Creutzfeldt-Jacob, West Nile virus, Babesia, dengue, chikungunya, trypanosomiase [43,81,193]. Différentes techniques permettent une réduction de la charge en pathogènes: irradiation UV, addition d'amotosalen ou de riboflavine [193]. Réactions transfusionnelles liées aux groupes ABO: survenant dans 1:10'000 à 1:35'000 poches de transfusions, la réaction hémolytique sur faux groupe a une mortalité de 20-50%, directement proportionnelle à la quantité de sang transfusé [212]. Réactions liées aux leucocytes: les poches d’érythrocytes contiennent une certaine quantité de leucocytes du donneur; les antigènes de ceux-ci (human leucocyte antigens ou HL-A) vont induire une immunomodulation du receveur (voir ci dessous), une lésion pulmonaire (TRALI: Transfusion-Related Acute Lung Injury), et des phénomènes plus rares tels une réaction greffe-contre-hôte ou un syndrome de déficience multi-organique [201]. Le taux d'alloimmunisation chez l'adulte est de 1:1'600 [83]. En Europe et en Amérique du Nord, les grandes banques de sang fournissent essentiellement des préparations déleucocytées [212]. Surcharge hémodynamique: une quantité de produits sanguins et une vitesse d’administration excessives conduisent à une hypervolémie, ou TACO (Transfusion-associated circulatory overload). Erreurs humaines: elles sont liées à la confusion de groupes sanguins et surviennent à une fréquence de 0.3 à 0.6 pour 1'000 transfusions [139,212]. Immunomodulation et infections Une modification de la réaction immunitaire par les transfusions avait été invoquée lorsqu'on avait observé une diminution des épisodes de rejet chez les transplantés rénaux transfusés. Cette immunomodulation est une combinaison d'effet immunosuppresseur et inflammatoire pour laquelle on n'a pas d'explication univoque, mais qui rappelle que la transfusion est une transplantation de cellules [43,104]. Ce phénomène conduit à une diminution de la protection immunitaire de l'individu proportionnelle au nombre de flacons transfusés, qui se traduit par plusieurs effets cliniques [80]. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 6 Alloimmunisation (globules rouges, antigènes HL-A ; taux 1:1'600), réaction greffe-contrehôte, microchimérisme (persistance de lymphocytes du donneur chez le receveur jusqu’à 60 ans après la transfusion) [207]. Augmentation de l'incidence des maladies infectieuses chez les malades transfusés, particulièrement celle des pneumonies nosocomiales [114,176]. Le nombre de flacons transfusés est un facteur de risque indépendant pour les infections postopératoires dans la chirurgie orthopédique dite "propre" [20,50]. Lors de pontages aorto-coronariens, la mortalité à 5 ans est 1.7 fois supérieure et le taux d'infections doublé chez les malades transfusés par rapport à ceux qui ne le sont pas [44,157]. Le taux d'infections postopératoires en chirurgie cardiaque est de 5% chez les malades non transfusés, 15% chez ceux qui ont reçu 1-2 unités de sang, et 30% chez ceux qui ont reçu plus de 6 unités [29]. Il y a donc une relation directe entre transfusions et infections postopératoires. Aggravation de la réaction inflammatoire systémique (SIRS) que l'on rencontre après circulation extra-corporelle (CEC) ou après polytraumatisme. Aggravation des récidives cancéreuses, notamment en chirurgie digestive [7,209]. Bien qu’investiguée dans plusieurs centaines d'études cliniques, la relation causale directe entre l’immunomodulation transfusionnelle et la récidive néoplasique n’a jamais pu être démontrée clairement, mais il existe une relation avec les complications infectieuses, la mortalité et l’âge des globules transfusés [214,224]. Chez l’animal, par contre, la transfusion s’est révélée être un facteur de risque indépendant dans la progression tumorale, et directement lié à la durée de conservation des poches de sang [8]. Par ailleurs, le risque de développer un lymphome nonHodgkinien est augmenté d’un tiers chez les malades transfusés (OR 1.34) et celui de leucémie lymphocytaire chronique l’est de 65% (OR 1.66) [27]. Accélération dans l'évolution d'affections dépendant de l'immunocompétence du sujet, tel le SIDA [83]. Allo-immunisation par des anticorps leucocytaires contenus dans le plasma du donneur qui induisent un syndrome de détresse respiratoire post-transfusionnel aigu ou TRALI (Transfusion-Related Acute Lung Injury). Le TRALI est une complication majeure des transfusions puisqu'il est considéré comme la principale cause de mortalité après l'hémolyse et la sepsis [201]. Son incidence est proportionnelle à la quantité de plasma administrée avec la transfusion ; elle varie en moyenne de 1:5'000 pour les concentrés érythrocytaires à 1:2'000 pour les plaquettes et le PFC. Le TRALI survient dans les 4-6 heures qui suivent une transfusion et se présente comme un SDRA floride avec infiltrat pulmonaire bilatéral, désaturation artérielle et dyspnée aiguë, en l’absence de défaillance ventriculaire gauche ou de surcharge liquidienne. Son étiologie est probablement liée à une activation des leucocytes situés sur l’endothélium pulmonaire du receveur par des anticorps plasmatiques de type HL-A provenant du donneur [177]. Chez le receveur, la séquestration pulmonaire de ses propres leucocytes est accentuée sous l'effet du syndrome inflammatoire induit par la chirurgie ou la sepsis (acute phase reaction). L’activation de ceux-ci par des anticorps étrangers libère des oxydases et provoque une fuite capillaire massive (capillary leak syndrome) à l’origine de l’OAP. La mortalité du TRALI est de 6% [177]. Le traitement est celui du SDRA. Comme les femmes multipares ont fréquemment de nombreux anticorps anti HL-A, on tend à n’utiliser que du sang de donneurs mâles pour les préparations riches en plasma, notamment le PFC. Dans une méta-analyse regroupant 13'152 patients, il apparaît comme évident que la transfusion sanguine est associée à une aggravation du risque infectieux postopératoire, puisque les malades transfusés ont 3.45 plus de probabilité de souffrir d'une infection bactérienne que ceux des groupes appariés non transfusés [82]; cette probabilité monte encore à 5.3 dans le sous-groupe de 5'993 polytraumatisés [126]. Pour diminuer l'importance de ces différentes complications, on prend très généralement la précaution de déleucocyter les unités de sang, ce qui est le cas de la plupart des poches en provenance des Centres de transfusion de Suisse, d'Europe occidentale et d'Amérisque du Nord. L'incidence de réactions fébriles, d'infections et d'allo-immunisation est diminuée, mais seulement chez les patients qui reçoivent plus de 3 unités [77,213]. L'effet sur les infections, les Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 7 récidives tumorales et la progression du HIV n'est pas prouvé. La situation est particulière en chirurgie cardiaque. Dans ce domaine, plusieurs études randomisées ont démontré que le sang déleucocyté est associé à une diminution de mortalité de 70% (OR 0.28) par rapport au sang complet, probablement à cause de la réduction du syndrome inflammatoire après CEC [13,212]. Contrairement à l'opinion qu'on a entretenue pendant des années, la transfusion ne diminue donc pas le risque infectieux, mais elle l'augmente de manière significative. Coût financier de la transfusion La gratuité du don laisse croire qu’une poche de sang est peu coûteuse. En réalité, le décompte du temps de travail, de l’appareillage, du matériel et du personnel impliqués donne un chiffre élevé : CHF 700.- par concentré érythrocytaire (€ 553.00) [172]. On est loin du prix facturé par les centres de transfusion. A titre d’exemple, le prix des principaux produits délivrés par l’Unité de Médecine Transfusionnelle du CHUV est le suivant (CHF, valeur Janvier 2014): Concentré érythrocytaire: Concentré plaquettaire (5 unités inactivées): Plasma frais congelé: 220.1016.150.- Mais à cela s'ajoutent les dépenses occasionnées par les complications liées à la transfusion (infections, TRALI, pneumonies, contamination virale, erreur transfusionnelle, etc) ; aux USA, le coût de ces dernières est estimé à US$ 14'000 par complication [171]. Ainsi, le surcoût moyen occasionné par l'administration de sang est de CHF 815.- ($ 945, € 645) pour chaque patient transfusé [211]. Dans ce cadre, inclure le surcoût des complications porte le prix de l'unité de sang à CHF 1’040.- ($ 1'200, € 820) [172]. Risques liés à la transfusion Transmission de maladies bactériennes (sepsis) et virales, et de maladies infectieuses émergentes Réactions hémolytiques Réactions aux leucocytes & antigènes (TRALI: transfusion-related lung injury) Réactions liées aux constituants des poches (hyperkaliémie, acidose, etc) Erreurs humaines Immuno-modulation - ↑ risque infectieux - ↑ risque de récidive/extension néoplasique - Alloimmunisation - Aggravation du SIRS La transfusion augmente le risque infectieux. Le prix forfaitaire hospitalier d'un concentré érythrocytaire est de CHF 220.-, mais en incluant le coût de la logistique et des complications potentielles, le prix réel est d'environ CHF 1'000.- La poche de sang est un traitement rare et cher. A titre comparatif, le coût moyen d’une reprise chirurgicale pour hémostase après pontage aortocoronarien (5% des opérations) est de CHF 7’140.- ($ 8'271, € 5'670). Cette somme se répartit de la manière suivante : 48% pour le prolongement du séjour hospitalier, 31% pour le coût de l’acte chirurgical, 20% pour les produits sanguins et 2% pour les agents hémostatiques [4]. D’autre part, Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 8 l’exigence de sécurité pousse à multiplier les tests de dépistage sur les donneurs, dont certains sont très dispendieux. Aux problèmes économiques proprement dits s'ajoutent le problème du recrutement de donneurs sains, toujours insuffisant, et les problèmes logistiques occasionnés par l'infrastructure importante d'un centre de transfusion. La poche de sang est donc un traitement rare et cher. Effets de la durée de conservation du sang La conservation des poches de sang (28 à 42 jours) s'accompagne d'une cascade de phénomènes qui modifient considérablement l'efficacité de la transfusion, et dont l’impact est directement lié à la durée de conservation. Plus les poches de sang vieillissent, plus elles deviennent acides, moins elles contiennent de 2,3-DPG et d'ATP, et plus la kaliémie augmente (le taux de K+ peut atteindre 28 mmol/L à 20 jours) [192]. Le pHi du receveur diminue lorsque la poche transfusée est âgée de plus de quinze jours [130]. Des déclencheurs de la réaction inflammatoire systémique s'accumulent dans le milieu de conservation: cytokines, lipides, histamine, antigènes solubles; ces substances sont les principales responsables de la réaction fébrile non-hémolytique; elles vont induire un SIRS et perturber les réactions immunitaires [84]. La déleucocytation diminue l'intensité de ces réactions, qui sont en général déclenchées par des cellules de la lignée blanche. Les globules rouges (GR) perdent progressivement leur forme biconcave pour devenir sphériques, crénelés et couverts de spicules (Figure 28.1) [87]; ils deviennent rigides et perdent leur capacité à se déformer pour se glisser dans les capillaires. Leur déformabilité diminue de manière irréversible avec la durée de stockage [56]. Des débris cellulaires s'accumulent dans les poches et finissent par obstruer les plus petits capillaires. Les érythrocytes conservés en milieu artificiel ont tendance à adhérer à l'endothélium lorsque le flux sanguin est continu; ce comportement est d'autant plus marqué que le sang est âgé [202]. Le taux de 2,3-DPG diminue rapidement dans les conserves de globules rouges; il passe de 20 mcg/L (taux normal) à 0 en une semaine. De ce fait, la courbe de dissociation de l'Hb est déplacée vers la gauche (la P50 passe de 25 à 10 mmHg), donc l'affinité de l'O2 pour l'Hb augmente et la libération de ce dernier dans les capillaires diminue: elle passe de 25% (normal) à 6% pour du sang de 28 jours [54]. La capacité des globules rouges âgés de 4 semaines à pourvoir les tissus en O2 est diminuée de 400% par rapport à celle du sang frais: la tension tissulaire en O2 (PtiO2) passe de 14.4 à 3.5 mmHg [202]. Toutefois, les valeurs des gaz sanguins artériels et veineux ne sont pas modifiées, puisque l'affinité de l'Hb pour l'O2 est augmentée. Chez le receveur, le 2,3-DPG remonte à 50% de sa valeur en 24 heures; l'apport d'O2 aux cellules s'améliore à ce moment, mais ce peut être trop tard pour un malade choqué en dette d'O2 systémique [150]. Figure 28.1 : Images de globules rouges au premier et au 21ème jour de conservation [87]. Jour 1 Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions Jour 21 9 Contrairement à la ventilation hyperoxique (FiO2 0.8-1.0), la transfusion de sang âgé n'améliore pas la PO2 tissulaire de patients anémiques (Hb < 85 g/L) en postopératoire [196]. La supériorité du sang frais par rapport au sang âgé pour libérer l'O2 dans les tissus a été contestée dans une étude sur la récupération des fonctions neurocognitives par retransfusion du sang prélevé à des sujets subissant une hémodilution aiguë [227]: on n’a pas trouvé de différence entre le sang frais (< 5 heures) et le sang âgé (≥ 3 semaines) dans les résultats des tests neurocognitifs. Peut-être le 2,3-DPG n'est-il pas le seul élément en cause dans l'oxygénation tissulaire. Ces altérations liées à l'âge des poches transfusées ont un impact significatif en clinique. Elles sont un facteur de risque indépendant de morbidité et de mortalité postopératoires lorsque l'on compare des groupes appariées de malades transfusés ou non. Dans une série de 321 patients polytransfusés parce que subissant des opérations cardiaques itératives, l'âge des conserves de sang s'est avéré être directement lié à la mortalité à court et à long terme, à l'incidence de dysfonction rénale et à la durée de séjour hospitalier (Figure 28.2) [9]. Le même effet se retrouve à une moindre échelle chez les patients de chirurgie cardiaque à bas risque [115]. L'âge des conserves de sang (> 21 jours) est aussi impliqué dans l'incidence des infections majeures et des défaillances multi-organiques [155]; le risque de pneumonie nosocomiale augmente de 1% par jour de conservation. Une étude de l’impact de 8'802 transfusions chez 2'872 patients de chirurgie cardiaque révèle que les poches de GR âgés de > 14 jours sont associées à un excès de mortalité périopératoire, d’insuffisance rénale et de sepsis par rapport à celles qui datent de < 14 jours [106]. Toutefois, une étude ultérieure en chirurgie cardiaque [135] et une méta-analyse portant sur 3 études randomisées et sur 24 études observationnelles [210] ne retrouvent aucun effet délétère lié à l’âge des érythrocytes transfusés. Tout récemment, deux études comparatives en soins intensifs et en chirurgie cardiaque ont démontré que l’âge des conserves de sang (< 8 jours ou > 22 jours) n’occasionnait aucune différence dans la mortalité ni dans la morbidité des patients à 1 mois et à 3 mois [112a,192a]. Cette divergence s'explique probablement par le fait que les travaux démontrant une aggravation des dégâts collatéraux de la transfusion par la longue conservation des GR sont en général conduits chez des patients à haut risque. D'autre part, l'effet néfaste observé est probablement biaisé par le fait que les malades qui reçoivent de vieux flacons sont en général ceux qui reçoivent le plus grand nombre de concentrés érythrocytaires. % 30 % Mortalité hospitalière 40 20 Taux d’insuffisance rénale postop 30 20 10 10 < 20 20-26 27-30 31-42 Durée de conservation (jours) < 20 20-26 27-30 31-42 Durée de conservation (jours) Figure 28.2 : Mortalité et taux d'insuffisance rénale aiguë chez des malades transfusés en fonction de l'âge des poches de sang [9]. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 10 L'augmentation de l'affinité Hb-O2 du sang âgé et la diminution de sa capacité à libérer l'O2 dans les tissus n'a peut-être pas que des inconvénients. En effet, la libération de l'O2 devient très dépendante du gradient entre la PO2 du sang et celle des tissus, ce qui conduit à une libération préférentielle dans les tissus dont la PtiO2 est la plus basse [203]. L'O2 est en quelque sorte dirigé vers les régions hypoxiques. D'ailleurs, les études ABC et CRIT (voir plus loin) n'ont pas décelé de différences dans la morbidité des malades qui soit liée à l'âge des conserves de sang, qui était dans ces études de 16 et 21 jours respectivement [32,218]. Le poids de l’évidence pousse néanmoins à recommander la transfusion de sang frais chez tous les patients à haut risque dont la consommation d’O2 est devenue dépendante de son transport. Durée de conservation du sang Plus la durée de conservation du sang s’allonge, moins le transport d’O2 est efficace ; mais l’âge des conserves de sang ne paraît pas influencer la survie ni la morbidité des patients Impact clinique de la transfusion Les premières études à avoir évalué l’impact de la transfusion sur le devenir des patients se sont déroulées en soins intensifs. Dans l’étude européenne qui porte sur 3'534 patients suivis prospectivement pendant 28 jours (étude ABC), le taux de transfusion moyen est de 37%, mais de 73% chez ceux qui séjournent plus d'une semaine en soins intensifs [218]. Le seuil de transfusion est de 84 g/L Hb. Sur 1'032 patients répartis en deux groupes de 516, appariés pour leur pathologie et leur état clinique, on a mis en évidence une différence de mortalité significative: 18.5% pour les patients transfusés et 10.1% pour les non-transfusés (p < 0.001). L'anémie de ces malades justifiant la transfusion est en partie iatrogène, puisque les prélèvements sanguins représentent une perte de 41-85 mL par jour. La deuxième étude porte sur 4'892 patients de soins intensifs aux Etats-Unis (étude CRIT) [32]. Le taux de transfusion dans l'ensemble des patients est de 44% et le seuil de transfusion est de 86 g/L Hb. Les indications à la transfusion sont: une Hb basse (90%), une hémorragie (24%), une hypotension (21%) ou une intervention chirurgicale (19%), chaque transfusion pouvant être justifiée par plusieurs motifs. La transfusion est directement associée à une augmentation de la mortalité lorsque les patients sont répartis en groupes appariés pour la pathologie et le pronostic; les malades transfusés ont 1.65 fois plus de chance de décéder (Figure 28.3). De plus, cet effet est directement lié au nombre de poches de sang administrées. Mortalité (%) Figure 28.3 : Courbes de Kaplan-Meyer pour la mortalité des groupes de patients transfusés et non transfusés dans l'étude CRIT; la durée est en jours de soins intensifs [32]. Patients transfusés Patients non transfusés Odds ratio: 1.65 Jours Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 11 Dans une troisième étude portant sur un ensemble de 15'534 polytraumatisés, les 1'703 patients transfusés ont une mortalité trois fois plus élevée que ceux qui ne le sont pas (odds ratio 2.83), après stratification par degré d'état de choc selon le taux de lactate à l'admission, le déficit de base, le degré d'anémie et la sévérité du choc [126]. Là aussi, la transfusion est un prédicteur de la durée de séjour en soins intensifs (OR 3.27) et à l'hôpital (OR 4.37). Dans les syndromes coronarien aigus, la transfusion aggrave très nettement le pronostic: mortalité 8.0% chez les transfusés et 3.1% chez les non-transfusés, taux d'infarctus 25% et 8% respectivement; cette association est claire lorsque l'Ht est supérieur à 30%, mais elle disparaît lorsque l'Ht le plus bas est inférieur à 25% [161]. Ces études prospectives et contrôlées démontrent clairement que la transfusion sanguine est en ellemême un facteur d'aggravation du pronostic des patients qui sont dans un état critique, particulièrement s’ils sont modérément anémiques. Une étude observationnelle portant sur 3'147 patients apporte une note discordante, car elle suggère que la transfusion peut améliorer la survie à court terme (p = 0.004) [219] ; mais dans cette étude, les patients transfusés ont des scores de gravité plus importants à l’admission et tous ont subi des épisodes septiques. Chirurgie cardiaque En chirurgie cardiaque, une analyse comparative de la survie des patients qui reçoivent 1-2 poches de sang par rapport à ceux qui ne sont pas transfusés dans un collectif de 3'254 cas démontre une augmentation globale de la mortalité de 16% chez les transfusés ; le risque de décès est multiplié 1.7 fois (hazard ratio 1.67) à 6 mois, mais n’est plus significatif à 5 ans (HR 1.06) (Figure 28.4) [195]. HR 1.67 A HR 1.06 B Figure 28.4 : Courbes de survie à 6 mois (A) et à 5 ans (B) de 3’254 patients après chirurgie cardiaque en CEC. Les patients transfusés (courbes brunes) souffrent d’une augmentation globale de mortalité de 16%; le risque de décès est particulièrement élevé pendant les 6 premiers mois (HR 1.67); il diminue progressivement avec les années [195]. Les "dommages collatéraux" de la transfusion semblent pourtant se retrouver sur le long terme. Dans une série de 1'915 patients de chirurgie cardiaque suivis à 5 ans, la transfusion (34% du collectif) a entraîné une augmentation de mortalité de 70% (risk ratio 1.7) sur le long terme, même après correction pour les comorbidités et les facteurs associés; en analyse multivariée, la transfusion reste un déterminant indépendant de la mortalité [44]. Une étude de suivi à 10 ans de 10'289 patients opérés de pontages aorto-coronariens a montré une réduction significative de la survie des malades transfusés proportionnelle au nombre de poches de sang reçues (Figure 28.5) [105]. Dans cette étude, le risque à long terme de 3 poches de sang est équivalent à celui d'une réopération, d'une maladie du tronc commun ou d'une fraction d'éjection basse; le risque de 6 unités de sang est le même que celui d'une insuffisance rénale ou d'une insuffisance ventriculaire. Une analyse du devenir à 7 ans de 8'724 Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 12 patients a démontré une odds ratio respectivement de 3.38 et de 3.35 pour les infections et les complications ischémiques (infarctus, AVC, insuffisance rénale) chez les malades transfusés par rapport aux non-transfusés (Figure 28.6) [146]. Survie (%) Figure 28.5 : Réduction de la survie à 10 ans des patients transfusés proportionnellement au nombre de poches de sang reçues au cours de pontages aorto-coronariens [105]. A: aucune transfusion. B: transfusion de 3 unités. C: transfusion de 6 unités ou plus. 100 90 A 80 70 B 60 50 C 40 30 0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 Années postop Mortalité (%) Figure 28.6 : Augmentation de la mortalité postopératoire après chirurgie cardiaque chez les malades transfusés par rapport à ceux qui de le sont pas. La différence survient essentiellement pendant les six premiers mois, mais les courbes continuent à diverger légèrement à long terme [146]. 25 20 Patients transfusés 15 10 Patients nontransfusés 5 0 1 2 3 4 5 6 7 Années postop Chirurgie non-cardiaque En chirurgie non-cardiaque également, la transfusion est associée à une augmentation de presque 30% de la mortalité à 30 jours (OR 1.29, étude portant sur 10'100 patients) ; la transfusion de 1 à 2 poches à cause d’un Ht < 30% accroît significativement le risque de complications septiques, infectieuses, pulmonaires et thrombo-emboliques (OR 1.43-1.87) [61]. L’analyse du registre de l’American College of Surgeons (125'223 patients) a fournit des données identiques, après ajustement pour les autres facteurs de risque : la transfusion d’une poche de concentré érythrocytaire augmente la mortalité (OR 1.32) et la morbidité (OR 1.23) à 30 jours ; l’effet augmente proportionnellement au nombre de poches (Figure 28.7) [12]. Dans une autre série observationnelle en 2 groupes appariés (propensity-matched) de 11'855 patients chacun, l’administration d’une seule poche de concentré érythrocytaire aggrave significativement la mortalité (+ 17%), la morbidité (+ 14%) et la durée du séjour hospitalier postopératoire (+ 15%) par rapport à l’absence de transfusion peropératoire [52]. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 13 Il apparaît donc que la transfusion, même si elle corrige l'anémie, n'améliore ni la survie ni les risques postopératoires des patients hémodynamiquement stables souffrant d’anémie modérée. Au contraire, elle augmente la mortalité et la morbidité à court et à long terme. Elle reste un facteur de risque indépendant après ajustement pour les autres facteurs en cause. Les études comparant des régimes transfusionnels libéraux versus restrictifs aboutissent aux mêmes conclusions (voir Critères de transfusion, page 19). Figure 28.7 : Accroissement de la mortalité et de la morbidité chez 125’223 patients de chirurgie générale en fonction du nombre de poches de sang transfusées. Les chiffres sont les odds ratio (OR). La transfusion d’une seule unité de sang (U) augmente déjà significativement les risques [12]. Mortalité OR 9.83 4/1 Morbidité 3/1 2.17 1.97 2/1 1.32 Aucune 1U 1.38 2U 3-4 U 5-9 U > 10 Nb unités transfusées Impact clinique de la transfusion D’une manière générale, la transfusion érythrocytaire améliore le pronostic immédiat des patients sévèrement anémiques (Hb < 70 g/L) ou saignant massivement, mais elle péjore le pronostic à long terme (augmentation du risque infectieux, pulmonaire et immunitaire, augmentation de mortalité variant de 16% à 280%). Chez les malades modérément anémiques et hémodynamiquement stables, elle est un facteur aggravant indépendant de leur status clinique. La transfusion ne doit être prescrite que lorsqu’il est avéré que ses bénéfices sont supérieurs à ses risques, c'est-à-dire lorsque l'anémie est sévère ou l'hémodynamique instable (hémorragie aiguë). Risques liés à la déplétion érythrocytaire Si la transfusion sanguine présente tant de risques, on est en droit de se poser la question dans l'autre sens: l'anémie est-elle dangereuse ? Autrement dit, quelle est la valeur minimale d'Hb que l'on peut tolérer sans risque ? On peut aborder ce problème sous trois angles différents: la tolérance à l'anémie du sujet sain, le risque clinique associé à l'anémie en périopératoire, et la sensibilité à l'anémie d'organes particulièrement fragiles comme le coeur ou le cerveau. Chez l'animal, l'augmentation de l'extraction d'O2 et du débit cardiaque permettent de maintenir la consommation d'O2 (VO2) normale jusqu'à un taux d'Hb de 45 g/L [93,215]. Chez le volontaire sain, une diminution de moitié du transport d'O2 (7.3 ml/kg/min au lieu de 14 ml/kg/min) n'entraîne aucun signe d'inadéquation de l'oxygénation périphérique; ceci peut être aisément réalisé avec un Ht de 20% Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 14 et un débit cardiaque encore normal [123]. En peropératoire, la curarisation permet de diminuer encore la consommation d'O2 d'environ 10-30%, ce qui se traduit par une élévation de la SvO2 de 510% [90]. De ce point de vue, on peut accepter un Ht de 20% et une Hb de 60 g/L en peropératoire chez un individu sans comorbidités qui ne saigne pas activement. La limite inférieure tolérable sans conversion à un métabolisme anaérobique peut être définie par les critères suivants [182] : Ht : 20%, Hb : 60 g/L, PvO2 : 32 mmHg, SvO2 : 50%, Coefficient d'extraction d'O2 : 50%, Consommation d'O2 à 50% de sa valeur de base. Les patients qui refusent les transfusions pour des motifs religieux ont souvent des valeurs d'Hb très basses dans le postopératoire. En analysant 300 d'entre eux qui avaient des valeurs d'Hb en dessous de 80 g/L, on voit que la mortalité est de 0% et la morbidité de 9% lorsque l'Hb la plus basse enregistrée est située entre 70 et 80 g/L; lorsque l'Hb est entre 40 et 50 g/L, la mortalité est de 34% et la morbidité de 58%; la mortalité est de 100% en dessous de 25 g/L (Figure 28.8) [24]. Après ajustement pour l'âge et le score APACHE, le risque de mort augmente par un facteur de 2.5 pour chaque 10 g/L d'Hb en dessous de 60 g/L. Ces données concernent des malades qui ne souffrent pas de cardiopathie et ont une tolérance à l'effort considérée comme normale. Un seuil de transfusion à un taux d'Hb de 60 g/L est donc logique dans cette situation. Toutefois, trois organes sensibles à l'ischémie - le coeur, le cerveau et les reins - doivent faire tempérer cette conclusion. En effet, la résistance globale de l'organisme à l'anémie est définie par celle de ses organes qui sont les plus dépendants du transport d'O2. Or une pathologie liée à ces organes peut modifier les seuils de transfusion recommandés. Figure 28.8 : Mortalité en fonction du degré d'anémie postopératoire (taux d’Hb dégressifs) chez 300 patients refusant toute transfusion. Trait bleu: sujets sains; trait rouge: sujets souffrant de cardiopathies [24]. La mortalité augmente significativement en dessous de 40 g/L chez les sujets sains, et en dessous de 60 g/L chez les patients en insufisance cardiaque. Elle s’élève à 100% en dessous de 2.5 g/L. Mortalité (%) 100 Cardiopathie 80 60 40 Sujets sains 20 80 70 60 50 40 30 20 10 Taux d'Hb (g/L) Anémie et cardiopathies Les besoins du coeur, dont le coefficient d'extraction d'O2 voisine 60-70%, varient selon l'effort qui lui est demandé et selon son état fonctionnel. D'autre part, son apport en O2 varie selon le degré de sténose coronarienne. Lorsque le contenu en O2 diminue, le flux coronarien augmente pour maintenir le DO2 constant, pour autant que la réserve coronarienne soit satisfaisante et que l'accélération de la fréquence ne soit pas exagérée. Sur un collectif de 55 volontaires sains hémodilués en normovolémie jusqu'à une Hb de 50 g/L, par exemple, 3 sujets ont développé des sous-décalages transitoires du Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 15 segment ST; ils présentaient une augmentation de fréquence cardiaque très supérieure à celle des autres sujets (133% versus 43%) [116]. Les patients souffrant de cardiopathies sont plus sensibles à l'anémie que les individus sains, et leur survie est en général significativement améliorée par l'élévation du contenu sanguin en oxygène. Dans l'étude sur des malades anémiques non transfusés dans le postopératoire, on voit que la brusque augmentation de mortalité, qui a lieu en dessous de 40 g/L d'Hb chez les sujets sains, survient déjà lorsque l'Hb passe la barre de 60 g/L chez les malades souffrant de cardiopathies (Figure 28.8) [24]. En chirurgie cardiaque, la valeur de l'hématocrite le plus bas enregistré au cours de l'opération est associée à une augmentation de la mortalité hospitalière, mais seulement lorsque cet hématocrite est inférieur à 23% [36]: alors qu'elle est de 1.5% à un Ht de 23%, la mortalité double à un Ht de 21%, et passe à 4.5% lorsque l'Ht est inférieur à 19%. Trois études cliniques ont démontré un taux d'évènements ischémiques plus élevé chez les malades dont l'Ht était inférieur à 25-28% par rapport à ceux qui étaient supérieurs à cette valeur [74,85,152]. Le risque de mortalité postopératoire est multiplié par 4 et par 10 lorsque le taux d'Hb préopératoire est respectivement de 90 et de 70 g/L chez des malades en insuffisance cardiaque [21]. En chirurgie coronarienne, l’anémie préopératoire (Hb < 100 g/L) est un facteur de risque indépendant pour les complications postopératoires cardiaques, rénales et cérébrales (odds ratio 1.71-2.0) [99,112]. Le taux d’hémorragie, de complications pulmonaires et d’infections augmente respectivement de 4 fois (OR 4.37), de 3 fois (OR 2.85) et de 2 fois (OR 1.84) lorsque l’Ht est < 22% [74]. On retrouve cette association entre anémie et morbi-mortalité lors de cardiopathie en-dehors du contexte chirurgical. La survie, la fonction ventriculaire et la fonction rénale sont améliorées chez les patients en insuffisance cardiaque stade NYHA III-IV dont l'Hb est maintenue au-dessus de 125 g/L par l'administration d'EPO [178]. Après infarctus du myocarde chez des malades âgés de plus de 65 ans, la survie est meilleure lorsque l'Ht est supérieur à 30% [229]; dans cette série, la survie est améliorée dans le groupe transfusé lorsque l'Ht est inférieur à 30%, mais diminuée si l'Ht est supérieur à 36%. Cependant, une réduction du taux d'Hb à environ 100 g/L au cours d'une hémodilution aiguë est parfaitement tolérée par des malades ischémiques, valvulaires ou âgés [188,189]. Dans ces situations, toute modification du segment ST (sous-décalage > 0.1 mV ou sus-décalage > 0.2 mV) en cours de spoliation sanguine doit inciter à transfuser des érythrocytes. On peut donc conclure qu'un seuil de transfusion situé entre 80 et 90 g/L d'Hb est sûr chez les patients souffrant de cardiopathies. Anémie et fonction cérébrale Les besoins en O2 du cerveau sont couverts avec une Hb aussi basse que 40 g/L, car ce dernier est capable d'augmenter son flux sanguin jusqu'à 500% et son coefficient d'extraction jusqu'à 50% pour compenser la chute du CaO2 [194]. Il n'y a aucune altération des fonctions cognitives fine pour une Hb de 60 g/L, mais des altérations mnémotechniques subtiles et réversibles surviennent en dessous de cette valeur, sans qu'apparaisse pour autant une modification du status neurologique [225,226]. En chirurgie cardiaque, augmenter l'Ht au-dessus de 25% n'améliore ni l'oxygénation cérébrale ni les risques neurologiques postopératoires [216]. Le degré d'anémie peropératoire n'est pas associé à l'incidence des AVC postopératoires [215,216]. Par contre, le taux d’AVC postopératoire s'aggrave linéairement lorsque l'Ht peropératoire le plus bas est < 24% ; chaque 1% de diminution de l’Ht augmente le risque d’ictus de 10% [97]. Les tissus situés dans la zone de pénombre qui borde la zone ischémique lors d'AVC ou de traumatisme crânien peuvent bénéficier d'un meilleur apport d'O2 sous forme dissoute lorsque la FiO2 est de 1.0 [55]. La régulation du flux sanguin cérébral par la PaCO2 a plus d'importance que le taux d'Hb dans l'oxygénation cérébrale lorsque ce dernier est supérieur à 70 g/L [165]. Comme le métabolisme est diminué sous anesthésie, une Hb de 60 g/L est donc parfaitement satisfaisante pour les besoins cérébraux en peropératoire si la volémie et la pression sont maintenues. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 16 Anémie et fonction rénale La médullaire rénale fonctionne normalement à des PitO2 voisines de la valeur critique; le rein est donc un organe très sensible aux variations de DO2. Lors de pontages aorto-coronariens en CEC, il existe une relation directe entre l'Ht le plus bas en peropératoire et la créatininémie la plus élevée en postopératoire; cette dernière augmente de 40% lorsque l'Ht peropératoire est inférieur à 15%, alors qu'elle ne monte que de 20% lorsque l'Ht est entre 25 et 30% [197]. Une étude portant sur 1'760 patients ayant subi des pontages aorto-coronariens a mis en évidence un phénomène paradoxal [70]: la fonction rénale et le taux d'insuffisance rénale postopératoires s'aggravent linéairement lorsque l'Ht le plus bas est inférieur à 24%, et la mortalité s'accroît de manière directement liée à l'importance de la lésion rénale. Mais, à valeur similaire d'Ht, les patients transfusés présentent systématiquement une péjoration de leur fonction rénale par rapport à ceux qui ne sont pas transfusés; leur mortalité est plus élevée (3.8% versus 1.4%) et leur incidence d'insuffisance rénale plus importante (12% versus 3.4%) (Figure 28.9) [70]. On est donc placé devant un dilemme troublant: l'anémie aggrave la situation, mais la transfusion, au lieu de la corriger, ajoute un facteur délétère supplémentaire [174]. % Δ Créat Figure 28.9 : Variation de la créatinine postopératoire en fonction de l'Ht le plus bas. La fonction rénale et le taux d'insuffisance rénale postopératoires s'aggravent linéairement lorsque l'Ht le plus bas est inférieur à 24%. Mais, à valeur similaire d'Ht, les patients transfusés présentent systématiquement une péjoration de leur fonction rénale par rapport à ceux qui ne sont pas transfusés [70]. Tous les patients 35 Pas de transfusion 30 25 20 15 16 18 20 22 24 26 28 30 Nadir de Ht (%) Anémie et volémie Ces données sont valables dans les situations hémodynamiquement stables à volémie normale, car on n'a parlé jusqu'ici que d'anémie normovolémique. Il n'en va pas de même dans les situations instables de choc hémorragique avec pertes sanguines profuses (voir Transfusion massive, page 22). Dans cette situation, où les critères principaux sont l'hémodynamique du patient et son degré d'acidose, les concentrés érythrocytaires agissent comme un excellent expandeur de volume en plus de leur fonction de transporteurs d'oxygène [180]. Il est essentiel de ne pas prendre du retard sur les transfusions, quelle que soit la valeur de l'Hb pour autant qu'elle reste entre 60 et 80 g/L. Même sans avoir affaire à une hémorragie massive, la perte continue de sang en peropératoire ou après l'intervention commande l'administration d'érythrocytes avant que le seuil théorique ne soit atteint. Anémie préopératoire L’anémie préopératoire est beaucoup plus fréquente qu’on ne l’imagine. Son incidence se situe entre 20 et 45% des patients [8a,99,112,147,174,179]. Les seuils définissant l’anémie sont [65] : Hb < 130 g/L (Ht < 39%) chez l’homme. Hb < 120 g/L (Ht < 36%) chez la femme ; ceci ne tient pas compte du fait que le volume circulant de la femme est plus faible que celui de l’homme à poids corporel égal ; la même Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 17 hémorragie représente donc une perte plus importante en pourcentage du volume sanguin [143a]. Anémie modérée-à-sévère : Hb < 90 g/L (Ht < 29%) (femme ou homme). En chirurgie non-cardiaque, la mortalité et la morbidité à 30 jours augmentent de 40% chez les patients anémiques en préopératoire (OR 1.42-1.44 et OR 1.35-1.56, respectivement) [147] ; même mineure (Hb 90-130 g/L), l’anémie entraîne un risque significatif (+ 40%). Dans une cohorte de 39'309 patients européens, la présence d’une anémie modérée ou d’une anémie sévère multiplie la mortalité hospitalière par un facteur de 2 (OR 1.99) et de presque 3 (OR 2.82), respectivement [8a]. En peropératoire, 45% des patients sont transfusés uniquement parce que leur Hb préopératoire est trop basse [179]. Or, des études comparatives ont démontré que même une seule poche de sang suffit à augmenter significativement les risques de mortalité et de complications postopératoires par rapport à ceux de patients appariés non-transfusés [52,115a]. Même si la chirurgie est destinée à en éliminer la cause, l’anémie doit être corrigée avant l’opération car le pronostic global en est amélioré [143a]. En chirurgie cardiaque, le risque de mortalité postopératoire est multiplié par 4 et par 10 lorsque le taux d'Hb préopératoire est respectivement de 90 et de 70 g/L chez des malades en insuffisance cardiaque [21]. En chirurgie coronarienne, l’anémie préopératoire (Hb < 100 g/L) est un facteur de risque indépendant pour les complications postopératoires cardiaques, rénales et cérébrales (OR 1.712.0) [99,112]. Le taux d’hémorragie, de complications pulmonaires et d’infections augmente respectivement de 4 fois (OR 4.37), de 3 fois (OR 2.85) et de 2 fois (OR 1.84) lorsque l’Ht est < 22% [74]. Les patients anémiques ont une plus grande susceptibilité pour l’insuffisance rénale postopératoire que ceux qui ont une Hb normale avant l’opération (incidence 4.1% versus 1.6%), mais ils sont aussi deux fois plus enclins à développer une insuffisance rénale secondaire aux transfusions (6.6% versus 3.2%) [101]. Il est donc totalement illogique que des patients se présentent en salle d'opération pour une intervention élective avec une Hb inférieure à la norme, alors que la correction de leur anémie en préopératoire aurait amélioré leur pronostic et prévenu l'administration de sang. Qu’elle soit effectuée par un généraliste, par un anesthésiste ou par le chirurgien, une consultation préopératoire 3-4 semaines avant l’intervention laisse amplement le temps d’investiguer et de corriger l’anémie (voir Phase préopératoire, page 39). Risques lié à l’anémie La limite inférieure du taux d’Hb tolérable par un individu sain sans souffrance tissulaire ni acidose ni dysfonction organique est 60 g/L (Ht 20%). En chirurgie cardiaque, la mortalité augmente lorsque l’Hb minimale peropératoire est < 55 g/L ou l’Hb préopératoire < 90 g/L. Chez les patients à risque (cardiopathie ischémique, néphropathie, AVC, âge avancé), la limite inférieure de l’Hb tolérable sans signes de souffrance organique est de 80-90 g/L. L’anémie préopératoire (Hb < 130 g/L) est dangereuse car doublement pénalisante : - Elle augmente la morbidité et la mortalité postopératoires proportionnellement à son importance - Elle augmente les chances d’être transfusé, donc de subir une aggravation supplémentaire de morbi-mortalité Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 18 Anémie et transfusion : risques cumulés Partir en salle d’opération avec un déficit en globules rouges augmente inévitablement le risque d’être transfusé. Bien qu’elle corrige le transport d’oxygène, la transfusion comporte ses propres problèmes et sa propre morbi-mortalité. De ce fait, le bilan n’est pas nul, mais doublement négatif : les risques de la transfusion s’additionnent à ceux de l’anémie. Plusieurs études démontrent ce point. La mortalité et l’insuffisance rénale postopératoire augmentent linéairement avec la profondeur de l’anémie. Mais, à valeur similaire d'Ht, les patients transfusés présentent systématiquement une péjoration de leur fonction rénale par rapport à ceux qui ne le sont pas; leur mortalité est plus élevée (3.8% versus 1.4%) et leur incidence d'insuffisance rénale plus importante (12% versus 3.4%) (Figure 28.9) [70]. Chez les patients en insuffisance cardiaque, l’anémie et l’insuffisance rénale sont associées à une péjoration du pronostic clinique (OR 1.12 et 2.54, respectivement) ; mais l’administration de globules rouges dans ce contexte fait plus que tripler la mortalité (OR 3.81) [94]. Ainsi, l'anémie est un facteur de risque, mais la transfusion également. Il faut donc trouver un point d’équilibre entre les dangers de chacun des deux termes. Graphiquement, ce point est au nadir d’une courbe en "U" obtenue en superposant celles des deux effets (Figure 28.10). Pour se maintenir à ce point, il est capital d’avoir des réserves suffisantes et de perdre le moins possible de globules rouges. Il s'agit en fait d'augmenter et de conserver la masse sanguine propre du patient au lieu de lui administrer du sang étranger (voir Stratégies globales de la gestion du sang, page 37). Anémie et transfusion L’anémie augmente le risque opératoire proportionnellement à sa profondeur, mais sa correction par la transfusion de concentrés érythrocytaires péjore le pronostic au lieu de l’améliorer, même si elle corrige la valeur de l’hémoglobine (anaemia is bad, transfusion is worse). Les patients ne bénéficient vraiment de la transfusion que lorsqu’ils sont sévèrement anémiques (Hb < 70 g/L) ou hémodynamiquement instables. Critères de transfusion Pour établir des critères transfusionnels, il est nécessaire de mettre en balance les bénéfices pour le transport d'oxygène et la volémie d'une part, avec les risques de l'anémie et de la transfusion d'autre part. Or, le risque anémique n'est pas le même pour tous les organes ni pour tous les patients, ni même pour toutes les interventions chirurgicales. Il n'existe donc pas de chiffre magique qui remplace le jugement du clinicien, mais il est certain que la recherche d'un hématocrite voisin de la norme en peret en postopératoire est un luxe dangereux, alors qu'une valeur d'Hb de 60-70 g/L (Ht 20-25%) assure un transport d'oxygène suffisant dans les conditions métaboliques standard. Régime libéral versus restrictif Plusieurs publications démontrent qu’un régime restrictif n'affecte en rien le pronostic des patients hémodynamiquement stables, mais peut au contraire l'améliorer. La première étude avait été conduite en soins intensifs : 838 patients ont été répartis en deux groupes selon le seuil de transfusions, qui est soit 70 g/L (groupe restrictif) soit 90 g/L (groupe libéral) d'Hb [78]. Le groupe restrictif et le groupe libéral ne présentent pas de différence significative de mortalité (18.7% versus 23.3%, p = 0.11), ce Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 19 qui conduit à la conclusion qu'une Hb supérieure à 80 g/L est inutile. Par contre, dans les sous-groupes à risque relativement bas (score APACHE ≤ 20, âge ≤ 55 ans), la mortalité est aggravée par un régime transfusionnel libéral (16% versus 8%, p = 0.02). Figure 28.10 : L’aggravation de l’anémie (courbe bleue) s’accompagne d’un risque progressif d’hypoxie tissulaire, qui est certaine < 50 g/L d’Hb; elle entraîne une dysfonction multiorganique. Mais la correction de l’anémie par la transfusion comporte ses propres risques de morbi-mortalité (courbe rouge). L’impact de ces deux risques pour le patient peut se représenter sous la forme d’une courbe en "U" (courbe jaune). La position optimale n’est pas l’équivalent de l’Hb maximale. Risque pour le patient Risque de l’anémie Position optimale Risque de la transfusion Hypoxie tissulaire DO2 maximal 50 70 90 Taux d'Hb (g/L) Dans un autre essai, prospectif, contrôlé et randomisé (502 patients de chirurgie cardiaque), l’Hb est conservée > 100 g/L (Ht > 30%) dans le groupe libéral et > 80 g/L (Ht > 24%) dans le groupe restrictif ; la valeur moyenne de l’Hb des patients est respectivement 105 g/L et 91 g/L et le taux de transfusion de 78% et 47% [72]. La mortalité à 30 jours est identique dans les deux groupes, mais la morbidité est proportionnelle au nombre de poches transfusées (OR 1.2 par unité administrée). Un seuil de transfusion abaissé à 70 g/L d’Hb n’augmente pas le risque de complications ou de mortalité en chirurgie cardiaque [142]. La répartition de 203 polytraumatisés en un groupe restrictif (seuil transfusionnel 70 g/L) et un groupe libéral (seuil 100 g/L) ne met en évidence aucune différence dans la survie à 30 jours, ni dans la morbidité, ni dans la durée de séjour hospitalier [134]. Des résultats analogues ont été retrouvés en chirurgie orthopédique (étude FOCUS) : la mortalité et la récupération de la mobilité après arthroplastie de la hanche (2'016 patients) sont identiques chez les malades appartenant au groupe libéral (Hb ≥ 100 g/L, transfusion moyenne 2 unités de GR) ou au groupe restrictif (Hb ≥ 80 g/L, pas de transfusion) [26]. La particularité de cette étude est d’avoir sélectionné des malades à risque élevé, puisqu’ils avaient plus de 50 ans et souffraient d’affection cardiovasculaire stable. Dans un domaine différent, un régime restrictif (seuil de transfusion: Hb 70 g/L) lors d'hémorragies digestives hautes aiguës diminue de 3.6 fois le taux de transfusion et améliore significativement la morbi-mortalité par rapport à un régime libéral (seuil 90 g/L) [217]. Un régime restrictif (seuil de transfusion : Hb < 80 g/L) est donc parfaitement tolérable chez les patients stables en peropératoire. Un régime libéral (seuil pour Hb ≥ 90 g/L) n'est recommandable que chez les patients à haut risque souffrant de comorbidités instables ou limitant le transport d’O2 (pneumopathie, hypertension pulmonaire, shunt D-G). Il n’est qu’exceptionnellement nécessaire de maintenir l’Hb > 100 g/L; c'est le cas par exemple chez les patients cyanosés. Cette belle homogénéité a été rompue cette dernière année par plusieurs études comparant les résultats cliniques d’une stratégie restrictive (seuil de transfusion < 70 g/L) à ceux d’une stratégie libérale (seuil < 90 g/L). Ces études n’ont pas trouvé de différence significative dans la morbidité ni dans la mortalité en chirurgie cardiaque [145a], en oncologie [35a] ou en orthopédie chez le patient âgé [68a] ; le groupe libéral affiche une tendance vers une meilleure survie chez les patients fragiles et vers moins de complications en oncologie. Une méta-analyse portant sur 7 études contrôlées et randomisées en chirurgie cardiaque n’a pas révélé de différence dans la mortalité (OR 1.12), ni dans le taux d’infarctus (OR 0.94), d’ictus (OR 1.15) ou d’insuffisance rénale (OR 0.98) [34a]. Finalement, Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 20 la dernière méta-analyse en date (octobre 2015) groupant 17 essais contrôlés (7552 patients) met en évidence un léger bénéfice pour la stratégie libérale en terme de mortalité (OR 0.81) en chirurgie cardiaque, alors que les deux stratégies font jeu égal en soins intensifs (OR 1.1) [55a]. Ce retournement semble indiquer que les seuils de transfusion restent assez arbitraires et doivent être interprétés dans le contexte clinique. Il est logique que les patients en état critique ou souffran t d’ischémie soient plus sensibles que les autres à une différence de 10-20 g Hb/L. Transport d’O2 Le principal critère pour transfuser un malade est un transport d'O2 (DO2) inadéquat en regard de sa situation clinique. Le DO2 est fonction du contenu artériel en O2 (CaO2) et du débit cardiaque (DC): DO2 = CaO2 • DC, où: CaO2 = (Hb•1.34•SaO2) + (0.003•PaO2). Dans les conditions de base, la consommation d'O2 ne représente que le quart du DO2. Ainsi, il n'y a aucun manque pour les tissus lorsque l'Hb descend jusqu'à 60 g/L, d'autant plus que la baisse de viscosité améliore le flux capillaire [204]. Dans cette optique, un seuil de transfusion fixe est arbitraire, parce que le besoin en érythrocytes est fonction du risque d'hypoxie tissulaire. D'autre part, les complications liées à un défaut d'oxygénation tissulaire dépendent de la tolérance du patient à l'ischémie, telle qu'on peut en juger par la tachycardie, l'augmentation du débit cardiaque, les modifications du segment ST, le taux de lactate, la baisse de la SpO2, de la ScO2 (saturation cérébrale) et de la SvO2. Il est évident que les altérations du transport des gaz dans les poumons (BPCO, SDRA) et les affections cataboliques (fièvre, sepsis, brûlures, hyperthyréose) abaissent significativement la tolérance à l'anémie. Par contre, la recherche d'un transport d'O2 supranormal n'améliore pas la consommation d'O2 ni la survie des malades en sepsis ou en défaillance multi-organique [49,150]. Les critères déterminants pour l’indication à une transfusion érythrocytaire sont donc les signes physiologiques d'une oxygénation insuffisante [182]. Saturation artérielle (SaO2) < 90% ; Saturation tissulaire en O2 diminuée de > 20% ; la saturation cérébrale bilatérale (ScO2) est un repère particulièrement utile [37] ; Saturation veineuse centrale (SvO2) ≤ 50%, PvO2 < 32 mmHg (4.3 kPa) ; Baisse brusque de la VO2 de > 10% ; Coefficient d'extraction d'O2 de plus de 50% ; Sous-décalage du segment ST > 0.1 mV, bloc de branche intermittent ; Nouvelles altérations cinétiques segmentaires à l'échocardiographie ; Tachycardie (fréquence > 130% ou > 120 batt/min) ; sous anesthésie générale, toutefois, la tachycardie est principalement liée à l’hypovolémie, non à l’anémie ; Hypotension (PAM < 75% ou < 60 mmHg, PAM < 80 mmHg si hypertension artérielle, maladie coronarienne ou cérébro-vasculaire) ; l’hypotension est essentiellement proportionnelle à l’hypovolémie. Dans la pratique clinique, la valeur de 60 gm/L d'Hb correspond à une limite physiologique, puisque en dessous de cette valeur la mortalité opératoire augmente par un facteur de 2.5 pour chaque 10 g/L d'Hb en moins [24], et que la mortalité en soins intensifs est 6 fois plus élevée que celle des patients dont l'Hb est > 100 g/L [143]. Seuils de transfusion La dizaine de textes de recommandations publiée ces dernières années spécifie que l’indication à la transfusion devrait se baser sur le déséquilibre hémodynamique, sur le dysfonctionnement ischémique des organes et sur la réserve cardiopulmonaire du patient, mais non sur un taux d’hémoglobine fixe. Plus facile à dire qu’à réaliser ! Preuve en est le fait que le taux d’Hb reste le critère décisionnel utilisé dans 85% des situations cliniques, parce qu'il est le plus parlant pour les cliniciens et le plus simple Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 21 pour fixer des seuils [23]. De ce fait, les seuils de transfusion actuellement proposés sont les suivants (Tableau 28.1) [22,51,110,151,154,180]. Le seuil de transfusion chez un individu sans comorbidités dont l'hémodynamique est stable est une valeur d’Hb < 60 g/L. Dans la phase per- et postopératoire, un seuil de transfusion de 70 g/L est raisonnable. Chez les personnes âgées ou débilitées, dans les cas de sténose coronarienne, d’AVC, d'insuffisance ventriculaire ou rénale, le seuil transfusionnel est une Hb située entre 80 et 90 g/L; il en est de même chez les patients fébriles, septiques ou souffrant de SDRA. Il est exceptionnel qu'une transfusion soit indiquée lorsque l'Hb est ≥ 100 g/L, sauf lors de cardiopathie cyanogène (shunt D-G, hypertension pulmonaire). Ces recommandations s'entendent chez des patients normovolémiques en cours d'opération, qui sont étroitement surveillés, endormis et le plus souvent curarisés. Elles s'appliquent à des situations hémodynamiquement stables, au cours desquelles l'hémorragie est contrôlée. Lors d'hémorragie active, il est capital de réagir tôt aux pertes sanguines et de suivre la tendance du taux d'Hb et non sa valeur absolue [180]. Il en est de même lorsque le saignement se prolonge de manière continue. Dans ces conditions, le jugement clinique de l'anesthésiste a autant de poids que les recommandations théoriques. Sous anesthésie générale, l'anémie aiguë provoque peu ou pas de tachycardie; l'hypotension est le plus souvent le fait de l'hypovolémie. Dans le postopératoire, il est habituel de considérer des seuils sensiblement plus élevés, parce que la VO2 est très augmentée dans cette période: les frissons sont fréquents, la stimulation sympathique est importante, le patient est tachycarde, algique et catabolique; de plus le degré de surveillance du patient est moindre [22]. En CEC, il est raisonnable de transfuser lorsque l’Hb est inférieure à 60 g/L [36,216] ; en cas de risque ischémique cérébral ou rénal (créatininémie > 150 µmol/L), le seuil est relevé à 70 g/L. Tableau 1 Seuils transfusionnels minimaux Adulte sans comorbidité Insuffisance cardiaque, coronaropathie, AVC, BPCO Fièvre, sepsis, SDRA Cyanose (shunt D-G, hypertension pulmonaire) 60 g/L 80-90 g/L 90 g/L 100 g/L Critères de transfusion Le but de la transfusion érythrocytaire est d’améliorer le DO2 tissulaire, non de corriger le taux d’Hb. Cependant, l'Hb reste la mesure la plus pratique pour formuler des recommandations dans les situations où la normovolémie est assurée: - Chez un sujet sans comorbidités, la transfusion est indiquée si l’Hb est < 60 g/L - En périopératoire, la transfusion est en général indiquée si l’Hb est < 70 g/L - Dans les populations à risque (ischémie coronarienne, insuffisance ventriculaire, AVC, néphropathie, âge avancé), le seuil de transfusion peut être relevé à 80-90 g/L - Il est improbable que la transfusion améliore le DO2 lorsque l’Hb est ≥ 100 g/L, sauf en cas de cardiopathie cyanogène (shunt D-G, hypertension pulmonaire) Ces valeurs ne s'appliquent pas aux hémorragies massives avec choc hypovolémique. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 22 Par ailleurs, ces recommandations s'adressent à des pays occidentaux hyperdéveloppés, où la sécurité transfusionnelle est particulièrement grande; il n'en va pas de même dans les pays non-industrialisés où le risque de contamination des poches de sang va jusqu'à 1:50 [3]. Dans ces contrées, le seuil transfusionnel recommandé est de 50 g/L seulement, vu les risques excessifs encourus par les patients [129]. Critères de transfusion L’indication à la transfusion ne devrait pas se poser sur la seule valeur de l’Hb, mais sur le contexte clinique (comorbidités, signes vitaux, rythme des pertes) et sur les critères d’une oxygénation tissulaire insuffisante: - SaO2 < 90%, SvO2 < 50% - ScO2 diminuée de > 20% (sur les 2 hémisphères cérébraux) - Coefficient d’extraction d’O2 > 50% - Sous-décalage ST, BB intermittent (ECG), anomalies de la contraction segmentaire (ETO) - Tachycardie et hypotension (le plus souvent marqueurs d’hypovolémie) - Acidose métabolique (lactate) - Diminution des réserves cardio-pulmonaires Transfusion massive Polytraumatisme et hémorragie massive L’hémorragie massive est définie comme une perte de > 50% du volume circulant en < 3 heures (> 150 mL/min). Elle s'accompagne le plus souvent de transfusion massive (≥ 10 unités de sang en < 24 heures). Outre une instabilité hémodynamique, le polytraumatisme s’accompagne d’une coagulopathie caractérisée par plusieurs éléments (voir Chapitre 8, Voie cellulaire) [35,43,200]. Frein à la synthèse de thrombine par les lésions traumatiques; Activation de la protéine C, qui inactive irréversiblement les facteurs Va et VIIIa; Activation du plasminogène, d'où fibrinolyse intense; Hypofibrinogénémie (< 2.0 g/L); Consommation des facteurs par activation à partir du facteur tissulaire (FT) et destruction par la protéine C et la fibrinolyse; Hémodilution, hypothermie, acidose. La prise en charge initiale d'une hémorragie massive ou d'un polytraumatisé choqué doit comprendre une évaluation hématologique rapide: Hb, Ht; TP (INR), aPTT, fibrinogène, thrombocytes; Thromboélastogramme (TEG™, ROTEM™); Equilibre acido-basique, lactacidémie, calcémie, SvO2 mixte ou centrale. La thérapeutique est fondée sur une stratégie visant des cibles précises (goal-directed), qui évite de donner à l’aveugle une quantité de produits sans rapport avec les besoins réels. Un algorithme basé sur l'utilisation du thromboélastogramme et sur un test d’agrégabilité plaquettaire permet de stratifier l'administration des différents facteurs hémostatiques en fonction des lacunes décelées. Cette stratégie Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 23 est variable selon les situations et les institutions, mais est toujours constituée de la même série d'échelons [110,163,180,183,200]. Hypotension permissive (80-100 mmHg) ; une pression plus élevée est requise en cas de traumatisme crânio-cérébral (TCC). Maintien de la volémie (cristalloïdes, colloïdes) en évitant une hémodilution excessive et une surcharge de volume (PVC maintenue basse). Correction des altérations physiologiques: maintien du pH > 7.2, de la température > 35°C, du [Ca2+]i > 1 mmol/L, et de l'Ht > 25%. Suivi de la perfusion tissulaire: taux de lactate, déficit de base, SvO2, ScO2. Administration d'un antifibrinolytique: acide tranexamique 20-25 mg/kg iv dans les 3 premières heures après le trauma (à répéter après 4-8 heures). Administration de vasopresseurs, particulièrement en cas d'hémorragie digestive. Maintien de l’Hb à 70 - 90 g/L ; le rythme des transfusions doit suivre celui des pertes sanguines, quelles soient les variations du taux d’Hb. Maintien des facteurs de coagulation (selon thromboélastogramme, fibrinogénémie, TP, aPTT, thrombocytes) (voir Produits dérivés): o Fibrinogène > 2.0 g/L (concentré de fibrinogène 25-50 mg/kg). o Facteurs II, VII, IX et X (complexe prothrombinique avec 4 facteurs, 20-40 UI/kg ; FEIBA™ avec 4 facteurs partiellement activés, 50 UI/kg). o Facteur XIII (30 UI/kg). Maintien des plaquettes (selon tests d’agrégométrie): concentrés plaquettaires pour taux > 50'000/mcL (> 100'000/mcL en cas de TCC) ; éventuellement desmopressine (DDAVP, 0.3 mcg/kg). Hémostase directe rapide: chirurgie de sauvetage (Damage control surgery: matelassage, stabilisation, ligatures vasculaires, etc), embolisation endovasculaire (radiologie interventionnelle), endoscopie (hémorragie digestive). Restriction des pertes sanguines: récupération des globules rouges (CellSaver™). Mesure extrême (sauvetage): facteur rVIIa (90 mcg/kg), pour autant que soient normalisés l'Ht (> 25%), le fibrinogène (> 2.0 g/L), la calcémie (> 1 mmol/L) et les plaquettes (> 50'000/mcL). Justifié seulement en cas d’hémorragie persistante malgré l’utilisation de tous les moyens hémostatiques, inclus la chirurgie et la radiologie interventionnelle. L’administration précoce de composants plasmatiques diminue le risque de coagulopathie et améliore le pronostic vital immédiat [180]. Un rapport fixe entre le nombre de flacons de PFC et celui des poches de sang tend à améliorer le pronostic dans les situations de guerre ou de catastrophe (rapport sang/PFC de 1:1 à 1:2) [198]. Cependant, le sujet est très débattu dans les urgences civiles et dans les hémorragies aiguës non traumatiques, car dans ces situations le PFC augmente l'incidence de détresse respiratoire (TRALI), de sepsis et d'insuffisance polyorganique, mais ne diminue pas la mortalité (voir PFC, Produits dérivés) [35,232]. Le PFC n'est pas recommandé lorsque les pertes sanguines ne sont pas massives [180]. Il est préférable de perfuser les composants du sang (fibrinogène, concentré prothrombinique) de manière sélective en fonction des tests de laboratoire, car cette manière de procéder diminue le nombre de transfusions et améliore la morbi-mortalité [89,111,167]. Obstétrique L'hémorragie du postpartum est accompagnée d'une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD) et d'une baisse du fibrinogène très précoces. Son incidence est d'environ 1% des accouchements. L'origine est en général une atonie utérine (le plus fréquent), un placenta accreta ou une rupture utérine. Les facteurs de risque sont nombreux: grande multiparité, distension utérine, placentation anormale, syndrome HELLP, hypofibrinogénémie, etc [6,92]. L'hémorragie est profuse, puisque le débit des artères utérines en fin de grossesse et de 400-500 mL/min. Le traitement causal consiste en agents utérotoniques, tamponnade utérine, embolisation artérielle, voire hystérectomie. Outre le Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 24 remplacement de la masse sanguine perdue par des cristalloïdes/colloïdes et du sang, le traitement hématologique vise à maîtriser la coagulopathie [110,136]. Mesure de la fibrinogénémie (valeur normale en fin de grossesse: 4-6 g/L); un taux < 2 g/L est directement associé à une hémorragie sévère et à un pronostic réservé (OR 11.99) [31]. Thromboélastographie (ROTEM™): l'amplitude du FIBTEM est < 9 mm. Administration de fibrinogène pour maintenir un taux > 2.5 g/L [14]. Administration de PFC si le fibrinogène n'est pas disponible; le nombre élevé de PFC nécessaire (30 mL/kg pour élever le taux de fibrinogène de 1 g/L) augmente le risque de surcharge intravasculaire et de complications immunes, notamment de TRALI. Aucun rapport fixe PFC/sang ne modifie la mortalité [102]. Administration d'acide tranexamique (20-25 mg/kg iv). Maintien des plaquettes > 100'000/mcL. Perfusion de facteur VII activé (rFVIIa NovoSeven™): une étude rapporte une diminution de 64% des pertes sanguines dans les 15 minutes qui suivent la première dose [158], mais les risques thrombotiques liés à la substance sont élevés et les gains sur la mortalité aléatoires (voir Produits dérivés). Le rVIIa est n'indiqué que lorsque les autres thérapies ont échoué et après correction du fibrinogène et des plaquettes. L'hystérectomie est en général recommandée en cas de placenta accreta ou de déchirure utérine. Lors d'atonie utérine et d'hémorragie persistante malgré le traitement, un essai de rVIIa est raisonnable avant de pratiquer l'hystérectomie [136]. Risque thrombo-embolique: la CIVD et l'administration de procoagulants induisent un risque considérable de thrombose artérielle et veineuse. Une prophylaxie par compression mécanique et anticoagulant (HBPM) est requise. Anticoagulants et antiplaquettaires En plus de la transfusion érythrocytaire en cas d'hémorragie massive, un traitement anticoagulant ou antiplaquettaire en cours réclame des mesures spécifiques pour renverser l'effet du médicament. Malheureusement, seuls les anticoagulants classiques disposent d'un antidote spécifique (voir Chapitre 8, Antagonisme) [41,60]. Héparine non-fractionnée (HNF): protamine. Un mg de protamine (100 UI) neutralise 1 mg d'héparine (100 UI). Habituellement, on administre une dose de protamine correspondant aux 80% de la dose d'héparine administrée dans les 2 heures précédentes. Héparines à bas poids moléculaire (HBPM): la protamine est un antagoniste partiel. Une neutralisation de 60% de l’effet anticoagulant est possible à raison de 1 mg de protamine pour 100 UI d’effet anti-Xa (dose maximale : 50 mg), à la condition d’être à moins de 8 heures après l’administration Agents anti-vitamine K: vitamine K (Konakion®) intraveineuse (2.5-5.0 mg, éventuellement 10 mg) administrée en > 20 minutes; effet maximal après 12-24 heures. En cas d'intervention urgente: complexe prothrombinique 4 facteurs (25 UI/kg) (Prothromplex T®, Kanokad®, Beriplex®, Octaplex®). Les antidotes spécifiques contre les nouveaux anticoagulants anti-Xa et anti-thrombine (andexanet, aripazine, idarucizumab) n’arriveront sur le marché qu’en 2016-2017 au plus tôt. Dans l'attente, on ne peut que recourir à un renversement non-spécifique dont l'efficacité est partielle et dont le degré d'évidence est faible [41,60,110]. Xabans (Xarelto®, Eliquis®, Lixiana®): complexe prothrombinique 4 facteurs (25-50 UI/kg) (Kanokad®, Prothromplex T®, Beriplex®, Octaplex®). Dabigatran (Pradaxa®): complexe prothrombinique activé (FEIBA®, Autoplex-T®) (50-100 UI/kg). Fondaparinux (Arixtra®): le rFVIIa est envisageable. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 25 Les antiplaquettaires n'ont pas non plus d'antidote; seul le renouvellement spontané des thrombocytes (10%/jour) ou une transfusion de thrombocytes frais peut rétablir la coagulabilité sanguine. La demivie plasmatique du clopidogrel est de 6-8 heures; celle du prasugrel est de 3.7 heures. Comme le taux circulant d’une substance est négligeable après 3 demi-vies, on peut estimer que 24 heures après la dernière prise de clopidogrel ou 12 heures après celle de prasugrel, les thrombocytes transfusés ne seront plus inhibés, alors que les plaquettes du patient sont encore complètement bloquées par la liaison irréversible. La liaison avec le récepteur immobilise la molécule sur la plaquette et l’empêche de diffuser vers les nouvelles plaquettes (voir Annexe B). La situation est différente pour un inhibiteur réversible comme le ticagrelor, qui ne paralyse pas la plaquette pour toute sa durée de vie. La demi-vie du ticagrelor est de 7 heures, mais celle de son métabolite actif est de 10-13 heures. Le taux plasmatique n’est donc négligeable qu’après 38 heures. Mais à cause de sa liaison réversible avec le récepteur, le ticagrelor a la capacité de diffuser entre les plaquettes en fonction de l’équilibre de masse, de se lier aux nouvelles plaquettes mises en circulation, et de migrer sur les plaquettes fraîchement transfusées. La transfusion plaquettaire perd son efficacité pendant les 36 heures qui suivent la dernière prise du médicament [73,110]. Parmi les anti-GP IIb/IIIa, le tirofiban et l’eptifibatide, inhibiteurs compétitifs, ont des demi-vies brèves (2 et 2.5 heures respectivement), alors que celle de l’abciximab, bloqueur irréversible, est de 23 heures. Les plaquettes transfusées restent donc fonctionnelles 6-8 heures après l’administration de tirofiban ou d’eptifibatide, mais seulement 72 heures après l’arrêt de la perfusion d’abciximab. Bien que son efficacité ne soit pas prouvée cliniquement en cas d’inhibition par des antiplaquettaires, la desmopressine (0.3 mcg/kg en 20 minutes) antagonise leurs effets in vitro [162]. Vu le risque thrombotique en cas de renversement total, ces traitements sont basés sur le jugement clinique et sur les altérations des tests de coagulation (TP/INR, aPTT, ACT, effet anti-Xa calibré pour la substance, thromboélastographie, agrégométrie). Le thromboélastogramme (ROTEM™, TEG™) est probablement le test le plus instructif. L'agrégométrie (VerifyNow™, Multiplate™, etc) est utile chez les patients sous antiplaquettaires. L'éventuelle normalisation des tests par le traitement antagoniste n’assure malheureusement pas que l’hémostase soit normale en cours d’opération [185]. D’autre part, l’administration de facteurs de coagulation peut améliorer le bilan hémorragique sans que les tests de laboratoire ne soient significativement modifiés. Protocoles Un protocole institutionnel pour la prise en charge des hémorragies massives améliore certainement le pronostic vital des patients [33,86,220]. Le but de ce protocole porte sur plusieurs points [35,180]. Coordonner la logistique des éléments sanguins depuis la banque de sang jusqu'au bloc opératoire ou au déchoquage, et gérer les stocks de produits d'urgence comme les poches de sang O Rh négatif ou de PFC AB. Faciliter la communication et coordonner les activités des différents intervenants dans les situations aiguës. Adopter une stratégie commune dans la prise en charge au déchoquage, en salle d'opération et aux soins intensifs. o Réanimation initiale: perfusions liquidiennes, package comprenant sang O nég - PFC plaquettes en proportions fixes; o Indications interventionnelles: Damage control surgery, chirurgie hémostatique, matelassage, embolisation, endoscopie; o Hématologie: tests de laboratoire, thromboélastogramme, rapport sang:PFC fixe, fibrinogène, complexe prothrombinique, rFVIIa; o Pharmacothérapie: antifibrinolytiques, vasopresseurs, etc. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 26 Etablir des critères partagés par tout le personnel pour les seuils de transfusions, les indications au PFC (rapport sang:PFC), aux plaquettes et aux facteurs de coagulation. Baser les indications sélectives aux différents composants (goal-directed therapy) sur une évaluation hématologique immédiate: TP, aPTT, fibrinogène, thrombocytes, thromboélastogramme (ROTEM™), agrégométrie en cas de traitement antiplaquettaire. Lutter contre l'hypothermie, l'acidose et l'hypoxémie. Ce mode de prise en charge des hémorragies massives est décrit sous forme d’algorithmes. La Figure 28.11 est l’exemple de celui utilisé à l’Hôpital Universitaire de Zürich (USZ) dans le cadre des urgences et du bloc opératoire. La Figure 28.12 illustre la cascade décisionnelle basée sur le ROTEM™ telle qu'elle est utilisée au CHUV, principalement en chirurgie cardiaque (d'où l'importance accordée à l'évaluation de l'effet de l'héparine et à son renversement par la protamine) (voir Chapitre 8, Tests peropératoires) [183,200]. Figure 28.11 : Exemple d’algorithme de prise en charge pour la transfusion et l’administration de produits dérivés du sang dans le cadre de l’hémorragie massive (USZ, Hôpital Universitaire de Zürich) [183,200]. La possibilité de déterminer le status coagulatoire du patient en salle d’opération ou aux soins intensifs (Point-of-care testing) par thromboélastographie et agrégométrie est une avancée considérable dans la gestion globale des produits sanguins, car elle offre plusieurs avantages [149]. Remplacement spécifique du ou des facteur(s) déficients(s) ; Identification des patients qui peuvent bénéficier d’un traitement pharmacologique ; Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 27 Confirmation d’une perte sanguine de nature chirurgicale lorsque le test est normal ; Abandon de l’attitude indiscriminée qui consistait à administrer un maximum de produits (PFC, thrombocytes, facteurs sous plusieurs formes) en ignorant lequel était efficace ; Diminution de la consommation de concentrés érythrocytaires par une meilleure gestion de l’hémostase. En chirurgie cardiaque, par exemple, l'utilisation de protocoles basés sur la thromboélastographie (ROTEM™) pour gérer une administration sélective de fibrinogène, de complexe prothrombinique et de facteur XIII permet de réduire le taux de transfusion érythrocytaire, les coûts hospitaliers et, dans certaines études, la morbidité postopératoire; l'administration de facteur rVIIa est quasiment éliminée (Figure 28.13) [67,223]. Transfusion massive I (> 10 flacons en < 24 h) L'hémorragie massive (perte de > 50% du volume circulant en < 3 h) s'accompagne d'une coagulopathie précoce (↓ fibrinogène, ↓ FVa et VIIIa, ↑ fibrinolyse, dilution, acidose), qui doit être évaluée par des tests (TP, aPTT, fibrinogène, thrombocytes, thromboélastogramme). Prise en charge: - Maintien de l'hémodynamique (cristalloïdes/colloïdes, catécholamines, etc) - Maintien pH > 7.2, T° > 35°C, Ca2+ > 1 mmol/L, fibrinogène > 2 g/L - Acide tranexamique (25 mg/kg) - Transfusions selon rythme des pertes pour maintien Hb 70 – 90 g/L - Administration de fibrinogène et de complexe prothrombinique selon les tests - Rapport sang:PFC 1:1 à 2:1 si impossibilité de perfuser des facteurs sélectifs - Administration de plaquettes pour maintien > 50'000/mcL - Hémostase directe: chirurgie de sauvetage, embolisation endovasculaire, endoscopie - Mesure extrême en cas d'échec et menace vitale: rFVIIa (90 mcg/kg) Bien qu'il améliore le pronostic en situation de guerre et de catastrophe, le PFC en rapport fixe avec le sang élève le risque de détresse respiratoire, de sepsis et d'insuffisance multiorganique. Il n'améliore pas la mortalité dans les urgences civiles. Transfusion massive II (obstétrique) Hémorragie du postpartum: accompagnée de CIVD et d'hypofibrinogénémie très précoces. Prise en charge: - Agents utérotoniques, tamponnade, embolisation artérielle, hystérectomie si nécessaire - Maintenir fibrinogène > 2.5 g/L et plaquettes > 100'000/mcL - Acide tranexamique (25 mg/kg) - Transfusions selon rythme des pertes pour maintien Hb 70 – 90 g/L - rFVIIa: seulement si échec des autres thérapies et survie menacée Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 28 Traiter en premier lieu les éléments suivants (objectif): 2+ Hypothermie (T ≥ 36°C), hypocalcémie (Ca > 1 mmol/L), acidose (pH > 7.3), érythrocytes (Hb ≥ 80 gm/L) HEPTEM TCIN > 240 s TCHEP normal TCHEP/TCIN < 0.66 Protamine 25-50 mg INTEM TCIN > 240 s TCHEP > 240 s EXTEM TCEX > 79 s PCC 30 U/kg PFC 15 mL/kg APTEM MLAP < 15% A tranexamique 15 mg/kg MCFFIB < 9 mm Fibrinogène 20-50 mg/kg MCFFIB > 9 mm Thrombocytes 2 – 5 unités FIBTEM Test fonct plaquettes Multiplate™, VerifyNow™, etc Desmopressine 0.3 mcg/kg © ALG - CHUV 2013 Figure 28.12 : Exemple d’algorithme basé sur l’utilisation du ROTEM™ en chirurgie cardiaque et complété par un test de fonction plaquettaire (CHUV). TC: temps de coagulation (secondes). ML: lyse maximale du caillot à 60 minutes (%). MCF: fermeté maximale du caillot (mm). Transfusion massive III (anticoagulants) Hémorragie sur anticoagulants: administration de l'antagoniste (protamine, vitamine K). Il n'y a pas d'antidote pour les nouveaux anticoagulants. - Héparines: protamine - Agents antivitamine K: vitamine K, complexe prothrombinique 4 facteurs - Xabans: complexe prothrombinique 4 facteurs - Dabigatran: complexe prothrombinique activé (FEIBA) - Fondaparinux: rFVIIa (?) Hémorragie sur antiplaquettaires: perfusion de plaquettes. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 29 Figure 28.13 : Comparaison des résultats avant (en rouge) et après (en jaune) la mise en place d’un protocole utilisant le thromboélastogramme et un test d’agrégabilité plaquettaire au déclampage de l’aorte en chirurgie cardiaque sous CEC. Le taux de transfusion massive, de reprise chirurgicale pour hémsostase et de complications combinées est diminué de près de moitié [67]. % 5 p= 0.0057 p= 0.0007 4.19 p= 0.0115 4 3.19 3 2.5 2.24 1.77 2 1.26 1 Transfusion massive Reprise chirurgicale Complications & mortalité Transfusion de produits dérivés La manière de gérer les coagulopathies liées aux pertes sanguines a beaucoup évolué ces dernières années, notamment grâce à l’utilisation du thromboélastogramme rotationnel (rTEG™, ROTEM™) et de la mesure de fonction plaquettaire, qui sont devenues aisées, rapides et réalisables en salle d'opération. Même si leurs résultats n’ont pas encore été entièrement validés, ces tests font partie intégrante des mesures d’épargne sanguine, particulièrement chez les malades qui sont opérés sous CEC. On tend ainsi vers une utilisation précoce et ciblée de facteurs de coagulation, et vers un frein à l’administration indiscriminée d’érythrocytes, de thrombocytes et de plasma frais décongelé. La thromboélastographie et l’aggrégométrie plaquettaire pratiquées au moment du déclampage aortique conduisent à une économie de 21% sur les concentrés érythrocytaires et de 95% sur le PFC, alors que l’administration de fibrinogène, de complexe prothombine et de plaquettes augmente respectivement de 60%, 50% et 30% ; le résultat est une baisse du taux de transfusions de 49% et de reprises chirurgicales de 46% [67]. Une première étude contrôlée et randomisée (100 patients de chirurgie cardiaque) comparant un guidage par des tests conventionnels à un guidage par thromboélastographie (ROTEM™) et agrégométrie plaquettaire (Multiplate™) démontre clairement que le suivi ciblé diminue les transfusions (5 versus 3 poches par patient), l’administration de PFC (5 versus 0 unités) et l’utilisation de facteur VIIa (12 versus 1 patients traités), mais aussi la morbidité (insuffisance rénale, sepsis, thrombose) et même la mortalité (20% versus 4%, p = 0.013) [223]. Le Tableau 28.2 résume les données des principales préparations de facteurs distribuées sur le marché (voir Chapitre 8, Hémothérapie peropératoire). Plaquettes La majeure partie des interventions chirurgicales peut se dérouler sans difficulté avec un taux de thrombocytes situé entre 50'000 µL-1 et 75'000 µL-1 ; seules les intervention intracrâniennes ou très hémorragiques nécessitent une valeur > 100'000 µL-1 [16]. Une unité de plaquettes contient environ 2 • 1011 thrombocytes et coûte CHF 205.-. Chez un adulte, elle augmente le taux circulant au maximum de 20'000/µL, souvent moins. La transfusion de plaquettes est indiquée si le taux de celles-ci est < 10'000 µL-1 (aplasie médullaire, chimiothérapie), ou à < 50'000 µL-1 en présence d'hémorragie active. Elle est également indiquée si la fonction plaquettaire est bloquée par des médicaments antiplaquettaires [16,125,212]. La thrombasthénie de Glanzmann est une indication au rFVIIa (NovoSeven ®). Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 30 Tableau 28.2: Principaux facteurs de coagulation, leurs taux et leurs préparations Facteurs Taux normal (µg/mL) Demi-vie (heures) Fibrinogène Prothrombine (FII) Facteur V Facteur VII 2’000-4’000 100-150 5-10 0.5 72-120 70 16 3-6 Produits Fibrinogène-dp CCP 3-4 facteurs PFC CCP 4 facteurs FVII-dp Facteur VIIa 0.01 2-3 CCP activés rVIIa (NovoSeven®) Facteur VIII 0.1 8-12 rFVIII, FVIII-dp Facteur IX 4-5 24 CCP 3-4 fact rFIX, FIX-dp Facteur X 8-10 40 CCP 3-4 facteurs Facteur XI 5 50 FXI-dp Facteur XII 30 50 PFC Facteur XIII 2 120-200 FXIII-dp, rFXIIIa Fact von Willebrand 5-10 12 FvW-dp Protéine C 4.5 6-10 CCP 4 facteurs, CCP activés Protéine S 25 42 CCP 4 facteurs, CCP activés Antithrombine (ATIII) 0.2-0.4 48-72 CCP 4 facteurs, PFC rATIII, ATIII-dp Facteurs II, VII, IX, X (CCP 4 fact: Beriplex®, Octaplex®, Prothromplex®, prix par flacon) Facteurs II, VII, IX, X (CCP activés: FEIBA®, prix pour 1'000 UI de substance sèche) Coûts (CHF) 445.- / 1 gm 325-415.-/flac 325-415.-/flac 508.- / 600 UI 1'470.-/1000 U 906.- / 1 mg 650.- / 500 UI 325-415.-/flac 530.- / 600 UI 325-415.-/flac 2800.-/1000 U 915.- / 1250 U 530.- / 500 UI 350.- / 500 UI 325.- à 415.1'470.- CCP: concentré de complexe prothrombinique. r: recombinant. dp: dérivé du plasma. a: activé. Les demi-vies sont les valeurs physiologiques et ne s’appliquent pas en cas de consommation aiguë. Les CCP activés contiennent les 4 facteurs sous forme partiellement activée (FEIBA: factor eight inhibitor bypassing activity). Les prix indiqués sont valables en Suisse (CHF) pour les substances sur le marché en janvier 2014; ils peuvent varier selon les pays. D’après réf 14, 66. Les incidents transfusionnels et les risques de contamination virale ou bactérienne sont plus fréquents avec les perfusions de plaquettes (11‰) qu'avec celles d'érythrocytes (3.5‰) ou de PFC (0.8‰) [139]. Le risque de TRALI est également plus élevé : en moyenne 1:2'000 pour les plaquettes, mais 1:5'000 pour les concentrés érythrocytaires [201]. Un épisode fébrile ou hypotensif est fréquent lors de la perfusion de thrombocytes. La transfusion plaquettaire est associée à un risque augmenté d’AVC et de thromboses artérielles (OR 1.55), et à un excès de mortalité (OR 2.40) [190]. D’autre part, normaliser la fonction plaquettaire des malades sous antiplaquettaires leur fait courir un risque accru de thromboses vasculaires, en particulier dans les stents et les endoprothèses. Chez ces malades, il faut accepter d’opérer les patients dans un état d’hypocoagulabilité délibérée. Il est donc évident qu’une administration prophylactique de thrombocytes présente plus de danger que de bénéfice ; elle n’est recommandée qu’en cas d’aplasie médullaire ou de situation équivalente. La transfusion plaquettaire prophylactique n’est d’aucune aide pour tarir l’hémorragie si le nombre et la fonction des thrombocytes sont dans les limites acceptables [51]. Sous traitement antiplaquettaire avec un agent irréversible (aspirine, clopidogrel, prasugrel), les plaquettes sont inhibées pour toute leur durée de vie, mais la substance est fixée sur les thrombocytes de manière définitive. Dès que l’équilibre est atteint entre le plasma et les récepteurs plaquettaires, l’agrégabilité thrombocytaire ne dépend plus du taux sérique de l’agent. Lorsque celui-ci baisse en fonction de l’élimination (12.5% après 3 demi-vies), les plaquettes fraîchement mises en circulation ou les plaquettes transfusées fonctionnent normalement, ce qui est la cas 12 heures après l’ingestion d’aspirine ou de prasugrel et 24 heures après celle de clopidogrel, quand bien même les thrombocytes du patient sont encore bloqués pour plusieurs jours [28,108]. La situation est différente avec les antiplaquettaires réversibles comme le ticagrelor, car la substance est en équilibre constant entre le Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 31 plasma et les récepteurs, que les plaquettes soient celles du patient ou celles d’une transfusion. Dans ce cas, l’inhibition de l’agrégabilité est directement proportionnelle au taux sérique pour toutes les plaquettes, et la transfusion ne sera efficace qu’après au moins 3 demi-vies, en l’occurrence au-delà de 36 heures. Comme le ticagrelor a une affinité élevée et une liaison forte avec les récepteurs ADP plaquettaires, la rétrodiffusion depuis les plaquettes est lente, donc l’effet clinique tend à se prolonger au-delà de la durée pharmacocinétique théorique. En dépit de son risque d’hémorragie spontanée inférieur à celui du clopidogrel ou du prasugrel, le ticagrelor pose un grave problème lorsque le saignement nécessite une transfusion plaquettaire, car celle-ci sera moins efficace pendant les 2-3 jours qui suivent la dernière prise (pour les délais d'interruption préopératoire des antiplaquettaires, voir Tableau 28.4, page 40) [110]. En peropératoire, la transfusion de concentrés plaquettaires devrait se restreindre aux conditions suivantes [125]: Thrombocytopénie < 50'000/mcL accompagnée d'hémorragie non contrôlée; l'aplasie médullaire (plaquettes < 10'000/mcL) est la seule indication à une transfusion plaquettaire prophylactique. Dysfonction plaquettaire prouvée par un test fonctionnel (Multiplate™, VerifyNow™, etc) accompagnée d'hémorragie non contrôlée. Hémorragie sur traitement antiplaquettaire ininterrompu en préopératoire. Hémorragie non contrôlée par les mesures habituelles. Plama frais congelé (PFC) Le PFC est une préparation diluée des facteurs de coagulation. Il contient environ 0.5-1.0 U/mL des différents facteurs (coût: CHF 150.-/flacon). Il en faut 30 mL/kg pour élever le taux de fibrinogène de 1 g/L, mais au prix d’une augmentation du volume circulant d’environ 2 L [14]. La transfusion de PFC est grevée de quatre complications majeures [107,125]. Hypervolémie et insuffisance hémodynamique congestive (TACO, transfusion-associated circulatory overload) due à l’excès de volume transfusé ; son incidence augmente lorsqu’une dysfonction ventriculaire est présente. Réaction fébrile (fréquente), contamination infectieuse (incidence 0.8‰). Réaction allergique (incidence 1-1.5%) avec urticaire, hypotension et bronchospasme. Lésions pulmonaires : TRALI (transfusion-related acute lung injury) déclenché par les anticorps liés au plasma des donneurs. Son incidence est proportionnelle à la quantité de plasma administrée; elle varie de 1:2'000 à 1:50 [107]. Elle diminue avec l'utilisation de donneurs exclusivement mâles, car les femmes multipares ont de trop nombreux anticorps. Quelle que soit son indication, la transfusion de PFC triple le risque de complications pulmonaires (OR 2.92) [144]. Dans ces conditions, le PFC n’entre en considération que si les facteurs isolés sont indisponibles [51]. L’indication au PFC basée sur une altération du TP, du TPT ou du fibrinogène est infondée; elle n’a jamais démontré d’effet significatif sur le saignement peropératoire ni sur le taux de transfusion [107]. Les indications habituellement recommandées sont les suivantes. Renversement des AVK chez des patients souffrant d’hémorragie intracrânienne ou de saignement massif lorsque des concentrés de complexe prothrombinique ne sont pas disponibles [51]. Composant de la perfusion en cas d’échange plasmatique (purpura thrombocytopénique, HIT, transplantation). L’échange est conduit par une large voie centrale à 2 lumières, dans le but d’éliminer les anticorps monoclonaux, les auto-anticorps, les complexes immuns et la paraprotéines et de remplacer le volume soustrait par du plasma normal [164a]. Lors de transplantation chez un receveur dont le taux d’anticorps préformés est excessif (> 10%) ou Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 32 lors de transplantation ABO incompatible chez l’enfant, l’échange réalisé en pré- ou en peropératoire réduit le risque de rejet hyperaigu (voie humorale). Remplacement d’une déficience en facteur de coagulation qui n’existe pas sous forme isolée (facteur V, XI ou XII, par exemple), ou lorsque le dosage des facteurs et leur remplacement ciblé ne sont pas disponibles. Remplacement d’une déficience de multiples facteurs de coagulation entraînant des pertes sanguines massives, lorsque le dosage des facteurs et leur remplacement ciblé ne sont pas disponibles. Prévention de l’hémodilution et de la coagulopathie chez des patients polytransfusés. Cette attitude n’est recommandée qu’en cas de transfusion massive ; dans cette situation, elle diminue la mortalité (OR 0.38) et l’incidence d’insuffisance multiorganique (OR 0.40) [144]. Aucun argument statistique ne plaide pour ou contre un rapport fixe avec le nombre de poches de sang (1:1 à 1:3), mais ce dernier est un repère pratique dans les situations d’urgence [163]. L’hémorragie sous anticoagulant située ailleurs que dans le crâne et les transfusions en l’absence d’hémorragie massive (> 10 poches de sang en < 24 heures) ne sont pas des indications reconnues au PFC. Il n'y a pas non plus d'indication au PFC prophylactique en l'absence d'hémorragie en cours [51,125,163], bien que 43% des poches soient administrées avant que les malades saignent [191]. Dans ces circonstances, en effet, le PFC augmente le taux de complications (notamment de TRALI) proportionnellement à la quantité administrée sans améliorer la survie des patients. Chez les traumatisés qui reçoivent moins de 10 flacons de sang, l’incidence de TRALI augmente de 3 fois (OR 3.0) et de 12 fois (OR 12.5) chez les patients qui reçoivent respectivement < 6 ou > 7 unités de PFC par rapport à ceux qui n’en reçoivent pas [88]. En résumé, les indications admises pour le PFC sont les transfusions massives, l’hémorragie intracrânienne sur AVK, la non-disponibilité de facteurs de coagulation isolés et l’échange plasmatique. Dans les autres situations, les risques ont une forte probabilité de surpasser les bénéfices escomptés. En dehors de ses indications reconnues, le PFC a des effets inconsistants sur l'hémorragie, la transfusion érythrocytaire et la survie. Concentrés de complexe prothrombinique Les concentrés lyophilisés de complexe prothrombinique, ou PCC (Prothrombin complex concentrates), comprennent les facteurs dépendants de la vitamine K. Ils peuvent se diviser en 3 catégories (voir Chapitre 8, Tableau 8.2) [66]. Concentrés de 3 facteurs : facteurs II, IX, X (Prothromplex HT®). Concentrés de 4 facteurs : facteurs II, VII, IX, X (Prothromplex T®, Kanokad ®, Beriplex®, Octaplex®) ; dosage : 20-25 UI/kg en cas d’hémorragie persistante, 30-50 UI/kg en cas de saignement intracrânien sur AVK. Coût: CHF 325.- à 415.- / flacon selon la préparation. Concentrés activés : facteurs II, VII, IX, X, dont une partie sous forme activée (FEIBA®, Factor eight inhibitor bypassing activity, Autoplex-T®) ; dosage : 50-100 UI/kg. Coût: CHF 1'470 / 1'000 UI de substance sèche. Ils contiennent des quantités variables d’antithrombine et de protéine anticoagulante C et S. Leurs indications sont premièrement la prévention ou le traitement de l’hémorragie chez les hémophiles A et B et le renversement des AVK en cas de saignement aigu, notamment intracrânien [14]. Les concentrés de 4 facteurs pourraient être un antidote partiel aux agents anti-Xa (rivaroxaban, apixaban, edoxaban), mais non aux agents anti-thrombine (dabigatran) contre lesquels seul le FEIBA® peut avoir un effet. . Les concentrés activés n’ont de sens qu’en présence d’une inhibition des facteurs VIII et IX. Ils ne sont pleinement actifs que si la température, la calcémie et l’équilibre acido-basique sont optimaux. Le PT et l’aPTT ne sont pas des critères suffisants pour déterminer le besoin en PCC ; le temps de coagulation au ROTEM (< 80 sec) est plus judicieux [14a]. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 33 Fibrinogène Le fibrinogène est le premier élément dont le taux s’abaisse en cas de pertes sanguines [59]. Le taux de 2 g/L semble être la limite en-dessous de laquelle l’hémostase est altérée. De ce fait, les recommandations actuelles ont relevé la valeur du fibrinogène souhaitable en cas d’hémorragie aiguë et considèrent comme hypofibrinogénémie un taux < 2 g/L [14,180]. L’administration de 3 gm de fibrinogène à un patient de 70 kg augmente son taux plasmatique d’environ 1 g/L [120]. La poudre de fibrinogène lyophilisé (1 g/U) une fois diluée, la concentration du produit s’élève jusqu’à 20 g/L, ce qui évite la surcharge liquidienne. La CEC abaisse le taux de fibrinogène, et son administration systématique pourrait diminuer les saignements après chirurgie cardiaque [110,149]. Plus efficace est une administration guidée en fonction du thromboélastogramme, puisque cette attitude diminue de moitié le nombre de patients transfusés et divise par 6 le nombre de flacons par malade [159]. Malgré son coût (CHF 445.- pour 1 gm), le remplacement du fibrinogène est rentable si son taux est < 2 g/L. Il n’est pas encore prouvé que le fibrinogène améliore le pronostic vital des patients [14a]. Son administration prophylactique n’est pour l’instant pas recommandée. Facteur VII activé Le rFVIIa (NovoSeven®) active la cascade coagulatoire via le facteur tissulaire, indépendamment des facteurs VII, VIII et IX, et stimule massivement la formation de thrombine. Il est indiqué dans l’hémophilie congénitale A et B, dans la thrombasthénie de Glanzmann, et en cas de déficience en facteur VII. Bien qu’aucune étude n’ait démontré de succès clair dans le renversement des nouveaux anticoagulants, le rVIIa pourrait être utile en cas d’hémorragie sur fondaparinux [110]. Le dosage recommandé est de 90 mcg/kg, à répéter après 2 heures. Un suivi de laboratoire est possible en mesurant le TP et le TC/TFC du thromboélastogramme. En-dehors de ces indications reconnues, l’utilisation du rFVIIa s’est rapidement répandue dans des domaines variés ne répondant pas aux recommandations officielles (off-label use), mais entraînant parfois des saignements difficiles à juguler : chirurgie cardiaque, polytraumatisme, transplantation hépatique, hémorragie intracrânienne sous AVK, hémorragie obstétricale, etc. Toutefois, aucune donnée issue d’essais contrôlés ne met en évidence un gain significatif sur la mortalité dans ces indications [233]. De toute manière, la substance ne peut être efficace que si quatre éléments sont contrôlés. Taux de plaquettes > 70’000/mcL ; Calcémie > 1 mmol/L ; Fibrinogénémie ≥ 2 g/L ; Hémoglobine ≥ 80 g/L. Une dose supraphysiologique de rFVIIa peut induire une thrombose intravasculaire disséminée. Le taux de thromboses artérielles sur rFVIIa est d’environ 2%, mais des méta-analyses ont mis en évidence une incidence d’évènements thrombo-emboliques de 11% et un accroissement des AVC en chirurgie cardiaque, alors que l’efficacité de la substance pour réduire la mortalité n’est pas prouvée [118,236]. En l’absence de grande étude contrôlée et randomisée, l’utilisation du rFVIIa en-dehors du syndrome hémophiliaque reste du domaine off-label de la substance et doit faire l’objet d’un jugement clinique au cas par cas en fonction de la balance entre les risques et les bénéfices. Elle est une mesure de sauvetage en dernier recours lors d’hémorragie incontrôlable malgré l’utilisation de tous les moyens hémostatiques, inclus la chirurgie et la radiologie interventionnelle [51,110], mais elle n’est en aucun cas une mesure prophylactique, d’autant plus que son coût est prohibitif (environ 1'200 €). Facteur XIII Le facteur XIII est responsable de la solidité du réseau des polymères de fibrine et a des propriétés anti-fibrinolytiques. En chirurgie cardiaque, le FXIII est diminué de 40% après la CEC; bien qu'elle en restaure l'activité à une valeur normale, son administration (Fibrogammin P® 10-30 UI/kg) après la Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 34 protamine ne permet qu'une réduction minime des pertes sanguines postopératoires [98]. Le FXIII ne semble efficace que chez les patients dont le taux est très abaissé (< 60% d'activité, fermeté maximale du caillot diminuée au thromboélastogramme), ce qui survient fréquemment lors de pertes sanguines importantes en chirurgie. Il ne se justifie que lorsque les autres traitements ont échoué à tarir l’hémorragie et que le thromboélastogramme démontre son utilité (fermeté maximale du caillot < 8 mm), car son prix est élevé: CHF 915.- (750 €) pour une dose standard (1'250 UI) [51,149]. Antithrombine III L’antithrombine III est indiquée avant la CEC chez les malades qui présentent une résistance à l’héparine, notamment suite à une anticoagulation prolongée, mais son utilisation en-dehors de ce cadre est incertaine [51]. Le concentré d’antithrombine, sous forme humaine purifiée ou recombinante (synthétisée dans du lait de chèvre génétiquement modifiée) a une demi-vie respectivement de 12 heures et de 3.8 jours. La dose recommandée est 500-1'000 UI pour un adulte, ce qui est relativement modeste, car il faut jusqu’à 45 U/kg pour maintenir un taux d’ATIII normal [38]. Le coût du dosage faible est de CHF 320.- à 530.- (260 – 430 €), mais il est plus efficace que le PFC. Facteurs de coagulation Plasma frais congelé (PFC). Indications : - Hémorragie intracrânienne sur AVK, plasmaphérèse - Transfusion massive (rapport sang:PFC 1:1 à 2:1) - Non-disponibilité de facteurs de coagulation isolés Dans les autres situations, les risques (surcharge hémodynamique, complication pulmonaire, réaction allergique) ont une forte probabilité de surpasser les bénéfices escomptés Fibrinogène : - Indiqué en cas d’hémorragie si taux < 2 g/L - Dosage : 25-50 mg/kg (3 g nécessaires pour augmenter le taux sérique de 1 g/L) - Administration : préparation lyophilisée (le PFC ne contient que 2 g/L, soit 0.4 - 0.5 g/U) Concentrés de complexe prothrombinique (PCC) : contient les facteurs vitamine-K dépendants (II, VII, IX, X) en concentrations variables selon les produits. Indications : - Hémophilie A et B - Hémorragie intracrânienne sur AVK - Remplacement des facteurs II, VII, IX, X si hémorragie massive (objectivé par des tests) - Possible antagonisme des agents anti-Xa (rivaroxaban, apixaban) - FEIBA (II, VII, IX, X partiellement activés): possible antagonisme du dabigatran Facteur VII activé (rFVIIa, NovoSeven®). Vu son coût et ses risques de thrombose, le rFVIIa n’est indiqué que comme mesure de sauvetage en cas d’hémorragie massive si la survie est en jeu, une fois que les éléments suivants ont été contrôlés : plaquettes > 70’000/mcL, calcémie > 1 mmol/L, fibrinogènémie ≥ 2 g/L, Hb ≥ 80 g/L. - Indication formelle : hémophilie A et B, thrombasthénie de Glanzman - Possible antagonisme du fondaparinux (?) - Indication hors recommandations : sauvetage en cas d’hémorragie massive, après échec des autres mesures - Dosage : 90 mcg/kg, à répéter après 2 heures Facteur XIII : la présence de monomères de fibrine au cours d’hémorragie massive indique un défaut en facteur XIII. Mesure de sauvetage en cas d’échec des autres thérapies. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 35 Critères de transfusion plaquettaire Indications à la transfusion plaquettaire: - Thrombocytes < 50'000 mcL-1 en présence d'hémorragie active - Pour une intervention chirurgicale: thrombocytes < 50'000 mcL-1 ou dysfonction plaquettaire prouvée (test d'agrégabilité) - Pour une intervention intracrânienne: thrombocytes < 100'000 mcL-1 - Opération avec un délai inférieur à 3 demi-vies des antiplaquettaires ou de leurs métabolites actifs Seule l'aplasie médullaire est une indication à la transfusion plaquettaire prophylactique. Recommandations générales Critères de transfusion érythrocytaire Le but de la transfusion érythrocytaire est d’améliorer le DO2 tissulaire, non de corriger le taux d’Hb. Cependant, l'Hb reste la mesure la plus pratique pour formuler des recommandations dans les situations où la normovolémie est assurée: Chez un sujet sans comorbidités, la transfusion est indiquée si l’Hb est < 60 g/L En périopératoire, la transfusion est en général indiquée si l’Hb est < 70 g/L Dans les populations à risque (ischémie coronarienne, insuffisance ventriculaire, AVC, néphropathie, âge avancé), le seuil de transfusion peut être relevé à 80-90 g/L Il est improbable que la transfusion améliore le DO2 lorsque l’Hb est ≥ 100 g/L, sauf en cas de cardiopathie cyanogène (shunt D-G, hypertension pulmonaire) Ces valeurs ne s'appliquent pas aux hémorragies massives avec choc hypovolémique. L’indication à la transfusion ne devrait pas se poser sur la seule valeur de l’Hb, mais sur le contexte clinique (comorbidités, signes vitaux, rythme des pertes) et sur les critères d’une oxygénation tissulaire insuffisante: SaO2 < 90%, SvO2 < 50% ScO2 diminuée de > 20% (sur les 2 hémisphères cérébraux) Coefficient d’extraction d’O2 > 50% Sous-décalage ST, BB intermittent (ECG), anomalies de la contraction segmentaire (ETO) Tachycardie et hypotension (le plus souvent marqueurs d’hypovolémie) Acidose métabolique (lactate) Diminution des réserves cardiopulmonaires Critères de transfusion plaquettaire Indications à la transfusion plaquettaire: Thrombocytes < 50'000 mcL-1 en présence d'hémorragie active Pour une intervention chirurgicale: thrombocytes < 50'000 mcL-1 ou dysfonction plaquettaire prouvée (test d'agrégabilité) Pour une intervention intracrânienne: thrombocytes < 100'000 mcL-1 Opération avec un délai inférieur à 3 demi-vies des antiplaquettaires ou de leurs métabolites Seule l'aplasie médullaire est une indication à la transfusion plaquettaire prophylactique. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 36 Critères d'administration des facteurs de coagulation Plasma frais congelé (PFC). Indications : Hémorragie intracrânienne sur AVK Plasmaphérèse Transfusion massive (rapport sang:PFC 1:1 à 2:1) Non-disponibilité de facteurs de coagulation isolés Dans les autres situations, les risques (surcharge hémodynamique, complication pulmonaire, réaction allergique) ont une forte probabilité de surpasser les bénéfices escomptés Fibrinogène : Indiqué en cas d’hémorragie si taux < 2 g/L Dosage : 25-50 mg/kg (3 g nécessaires pour augmenter le taux sérique de 1 g/L) Administration : préparation lyophilisée PFC : contient seulement 2 g/L (0.4 - 0.5 g/U) Concentrés de complexe prothrombinique (PCC) : contient les facteurs vitamine-K dépendants (II, VII, IX, X) en concentrations variables selon les produits. Indications : Hémophilie A et B Hémorragie intracrânienne sur AVK Remplacement des facteurs II, VII, IX, X lors d’hémorragie massive (si possible objectivé par des tests spécifiques) Possibles antagonistes des agents anti-Xa (rivaroxaban, apixaban) FEIBA (II, VII, IX, X partiellement activés): possible antagoniste du dabigatran Facteur VII activé (rFVIIa, NovoSeven®). Vu son coût exorbitant et ses risques de thrombose, le rFVIIa n’est indiqué que comme mesure de sauvetage en cas d’hémorragie massive si la survie est en jeu, une fois que les éléments suivants ont été contrôlés : plaquettes > 70’000/mcL, calcémie > 1 mmol/L, fibrinogénémie ≥ 2 g/L, Hb ≥ 80 g/L. Indications formelles : hémophilie A et B, thrombasthénie de Glanzman Possible antagoniste du fondaparinux (?) Indication hors recommandations : sauvetage en cas d’hémorragie massive, après échec des autres mesures Dosage : 90 mcg/kg, à répéter après 2 heures Facteur XIII : la présence de monomères de fibrine au cours d’hémorragie massive indique un défaut en facteur XIII. Mesure de sauvetage en cas d’échec des autres thérapies. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 37 Stratégie globale de la gestion du sang Le meilleur transporteur d'O2 est les globules rouges du patient. Les meilleurs facteurs de coagulation sont ses propres plaquettes et ses propres facteurs. Le sang du malade est donc un élément très précieux, à préserver de toutes les manières possibles. C'est la base du concept de stratégie globale d'épargne sanguine (Patient blood management) : chez chaque malade, identifier les risques modifiables et optimaliser la situation pour améliorer les résultats à court et long terme [143a]. Au sein de cette stratégie, au sein de laquelle la transfusion n'est qu'un composant particulier du traitement de l'anémie, à n'envisager que lorsqu'il est absolument nécessaire. Cette stratégie comprend plusieurs éléments (Tableau 28.3) [51,149,175]. Correction de l’anémie et/ou de la coagulopathie préopératoire; Economie des globules et facteurs de coagulation du patient, limitation des pertes sanguines; Seuils de transfusion restrictifs; Administration rationnelle et dirigée des produits sanguins; Utilisation d’algorithmes basés sur des examens de laboratoire réalisés en salle d’opération; Amélioration du DO2 tissulaire par optimisation hémodynamique et ventilatoire. Les malades à qui une stratégie multimodale d’épargne sanguine apporte le plus de bénéfice sont ceux qui présentent le plus de risque d'être transfusés, soit le 20% des patients qui reçoivent le 86% des unités de sang [51]. Ils affichent une série de caractéristiques : âge avancé, anémie ou thrombocytopénie, coagulopathie, comorbidités importantes, traitement antiplaquettaire ou anticoagulant, opérations en CEC, interventions complexes ou réinterventions, opérations en urgence. Comparé à la gestion traditionnelle, la mise en place d’un programme global d’épargne sanguine comprenant un seuil de transfusion restrictif (Hb < 70-80 g/L) et une série de mesures périopératoires (correction de l’anémie préopératoire, récupération sanguine peropératoire, hémostase soigneuse, antifibrinolytiques, monitorage de la coagulation) divise par quatre le taux de transfusion (10.6% des patients au lieu de 42.5%) et par trois la mortalité (0.8% au lieu de 2.5%) [142,175]. Les arguments en faveur d’une stratégie raisonnée d’épargne sanguine peuvent être classés en cinq catégories [187]. Aspect éthique; selon la règle hippocratique Primum non nocere, on ne peut proposer une transfusion que lorsqu’elle est clairement bénéfique pour le patient. Preuve par l’évidence; les études de haute qualité méthodologique démontrent le peu de bénéfice des transfusions lorsque le patient n’est pas sévèrement anémique ni hémodynamiquement instable. Aspect économique; le coût de la transfusion est élevé (jusqu’à 5% du budget de la santé publique). Aspect démographique; les opérations à risque hémorragique augmentent alors que le nombre de donneurs diminue. Aspect légal; transfuser sans indication raisonnable fait courir un risque probablement supérieur au bénéfice; le malade peut en accuser le prescripteur. Lors d’interventions potentiellement hémorragiques comme la chirurgie cardiaque, l'utilisation de protocoles basés sur la thromboélastographie (ROTEM™) et l’évaluation de l’activité plaquettaire (VerifyNow™, Multiplate™) pour gérer une administration sélective de fibrinogène, de complexe prothrombinique et de facteur XIII permet de réduire le taux de transfusion érythrocytaire et la morbidité liée aux flacons de sang ou au PFC (voir Chapitre 8, Tests peropératoires) [67,223]. L’administration de produits sanguins selon un algorithme basé sur le ROTEM™, par exemple, diminue significativement le taux de transfusions érythrocytaires (OR 0.50), de plaquettes (OR 0.22) et de PFC (OR 0.20) sans modifier les perfusions de fibrinogène [97a]. En peropératoire, ces protocoles s'intègrent dans une succession d'étapes qui visent à épargner la masse sanguine du patient [68]. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 38 Hémostase chirurgicale pointilleuse (ligature, clip, colle, matelassage, etc); Récupération sanguine (CellSaver™); Homéostasie: température > 35°C, pH > 7.2, Ca2+ > 1 mmol/L; Hyperoxie (FiO2 0.8-1.0); Hypotension permissive ; Maintien pharmacologique de l'hémodynamique (catécholamines) et de la volémie (cristalloïdes, colloïdes, solution hypertonique); PVC basse; Acide tranexamique; Facteurs de coagulation: fibrinogène, complexe prothrombinique (4 facteurs), facteur XIII; Plaquettes (taux < 50'000/mcL, traitement antiplaquettaire); Antagonisme des anticoagulants (protamine, complexe prothrombinique); Sauvetage si menace vitale et mesures inefficaces: rFVIIa; Contrôles: Hb, fibrinogène, ROTEM™, lactate, SvO2, ScO2. Tableau 28.3 Stratégie intégrée: mesures multimodales d’épargne sanguine (Patient blood management) Préopératoire o o o o Correction des coagulopathies Gestion optimale des anticoagulants/antiplaquettaires Correction de l’anémie : préparation par fer, acide folique, vitamine B12, érythropoïétine (EPO) Prédonation de sang autologue Peropératoire o o o o o o o o o o o o o o o o o Seuils de transfusion bas: 70-80 g/L Hb selon pathologies Evaluation du transport d’O2 (SaO2, SvO2) et de l’oxygénation tissulaire (ScO2) Utilisation de sang déleucocyté Hémodilution aiguë isovolémique (Ht 28-30%) Récupération de sang (Cell-Saver™) Normothermie peropératoire Augmentation du DO2: ventilation à FiO2 1.0 Baisse de la VO2: anesthésie et curarisation profondes Augmentation du débit cardiaque: catécholamines Pression artérielle contrôlée, pression veineuse basse Chirurgie: hémostase compulsive, colles tissulaires, agents hémostatiques Détermination des besoins par thromboélastographie (ROTEM™) et test d’agrégabilité Substances antifibrinolytiques (acide tranexamique, acide ε-amino-caproïque), desmopressine Facteurs de coagulation isolés (VIII, IX, XIII, antithrombine III), fibrinogène, complexe de prothrombine Maintien de l’équilibre acido-basique et de la calcémie Transfusion/plasmaphérèse plaquettaire Sauvetage: facteur rVIIa Chirurgie cardiaque o o o o o Seuils de transfusion bas: 60 g/L en CEC < 35°C Hémodilution limitée en CEC (mini-circuits, microplégie) Circuits pré-héparinés (Heparin-coated) et biocompatibles Ultrafiltration continue et ultrafiltration modifiée Opération sans CEC : pontages à cœur battant (OPCAB), endoprothèse, endovalve Postopératoire o o o o o o Baisse de la stimulation sympathique Normothermie Baisse de la VO2 (lutte contre frissons, fièvre, douleur) Substances antifibrinolytiques (acide tranexamique, acide ε-amino-caproïque) Facteurs de coagulation (thromboélastogramme), fibrinogène Erythropoïétine (EPO), fer, acide folique, vitamine B12 Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 39 Les quatre clefs d’une stratégie multimodale d’épargne sanguine 1 - Correction de l’anémie préopératoire 2 - Limitation des pertes sanguines peropératoires 3 - Seuil de transfusion restrictif (Hb 70-80 g/L) 4 - Utilisation dirigée des facteurs de coagulation Phase préopératoire L'évaluation préopératoire commence par une anamnèse dirigée sur les problèmes de saignement du patient et de sa famille, ainsi que sur son éventuelle consommation d'anticoagulants. Un questionnaire spécifique aux questions hémorragiques est un dépistage plus efficace que les tests de coagulation habituels (TP, TPT, etc) qui ont une très faible valeur prédictive pour le risque hémorragique [110]. Médications antiplaquettaires L’inhibition de l’agrégation plaquettaire, qui augmente le risque d’hémorragie spontanée, est un facteur aggravant pour le saignement peropératoire. La question centrale est de déterminer dans chaque situation quel est le danger le plus menaçant pour le patient : la thrombose coronarienne si l’on interrompt les antiplaquettaires, ou l’hémorragie chirurgicale si on les maintient. Ceci est d’autant plus important que 12-15% de la population des pays industrialisés consomme des antiplaquettaires de manière chronique, et que 5-11% des patients qui bénéficient d’une revascularisation coronarienne vont subir une intervention de chirurgie non-cardiaque dans l’année qui suit la pose de leurs stents [76]. Toutefois, les antiplaquettaires ne sont pas tout-puissants et n’offrent qu’une protection relative, puisque environ 10% des patients manifestent des complications cardio- et cérébro-vasculaires alors qu’ils sont sous antiplaquettaires. Ces derniers n’abaissent le risque cardiaque que de 20% en moyenne (réduction absolue : 1-3%) [53]. Par contre, ces substances accroissent le risque hémorragique : + 1.2% pour l’aspirine, + 2.1% pour la combinaison aspirine - clopidogrel, et + 2.4% pour la combinaison aspirine – prasugrel (en augmentation absolue). Bien que le risque de transfusion diminue si on interrompt les antiplaquettaires, il est capital de bien peser le risque hémorragique par rapport à celui qui est lié à l'arrêt du médicament. En chirurgie générale, les données actuelles démontrent clairement que le risque d’infarctus et de décès à l’arrêt des antiplaquettaires est 5 à 10 fois plus élevé que celui d’hémorragie peropératoire lorsque le traitement est maintenu [28,108]. Il est recommandé de ne jamais interrompre la bithérapie dans les 12 premiers mois après un syndrome coronarien aigu ou pendant la phase de réendothélialisation des stents (6 semaines pour les stents passifs, 6-12 mois pour les stents actifs) (Tableau 28.4). Les opérations électives doivent être renvoyées au-delà de ces délais. Les interventions qui ne peuvent pas tolérer ce report doivent se dérouler sous bithérapie ininterrompue [28,108,110]. L'aspirine est maintenue lors de toutes les opérations de chirurgie générale, d'endoscopie et d'orthopédie, mais de préférence interrompue lors de neurochirurgie intracrânienne ou intrarachidienne. La bithérapie est maintenue si la situation cardiologique l'exige, sauf dans les opérations en espace clos. En chirurgie cardiaque, la situation est plus délicate à cause de l’héparinisation complète lors de CEC. Dans ce cas particulier, la prise de clopidogrel dans les 5 jours qui précèdent des pontages aorto-coronariens est un prédicteur indépendant du risque hémorragique (OR 1.8-4.7), des besoins transfusionnels (OR 2.2 – 5.7), des reprises chirurgicales pour hémostase (OR 4.6) et du séjour en soins intensifs (OR 3.14), mais non de la mortalité [95,234]. La recommandation habituelle est d’interrompre le clopidogrel ou le ticagrelor 5 jours et le prasugrel 7 jours avant des interventions électives en CEC [19,42,108]. La durée de l'arrêt doit être aussi brêve que possible, puisque le risque d’évènement coronarien est augmenté de 1%/jour pendant l'interruption. Trois jours peuvent être suffisants si l'activité plaquettaire est contrôlée par un Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 40 test d'agrégométrie [51]. Lors d'interventions sous antiplaquettaires, les antifibrinolytiques permettent de réduire les pertes sanguines [1]. Pour davantage de détails sur les antiplaquettaires, voir Annexe B. Anticoagulants De manière simplifiée, le taux sérique d’un médicament baisse à 12.5% de sa valeur initiale après 3 demi-vies et à 3% après 5 demi-vies. La demi-vie d’élimination des substances conditionne donc le délai qu’il faut prévoir entre l’interruption du traitement et l’acte chirurgical. Alors qu’il existe des recommandations pour les délais à respecter lors de traitement avec les héparines et les anti-vitamine K (AVK), on ne dispose pas de suffisamment de données sur les nouveaux anticoagulants pour pouvoir promulguer des règles concernant leur gestion préopératoire. Pour l’instant, on est contraint de se satisfaire de propositions formulées par des groupes d’experts ; elles sont basées sur la pharmacocinétique de ces substances. Les délais d’interruption préopératoire habituellement proposés sont les suivants (fonctions hépatique et rénale normales) (Tableau 28.5). Tableau 28.4 Recommandations pour la durée du traitement antiplaquettaire après un évènement coronarien Aspirine (75-325 mg/jour) à vie sans interruption Bi-thérapie (clopidogrel 75 mg/jour, prasugrel 10 mg/j, ticagrelor 90 mg 2x/j) • Angioplastie simple 2-4 semaines • Stents passifs minimum 6 semaines • Infarctus 6-12 mois • Syndrome coronarien instable 12 mois • Stents actifs ≥ 12 mois Recommandations pour les délais entre revascularisation coronarienne et chirurgie non-cardiaque Angioplastie sans stent 2-4 semaines (chirurgie vitale) Stents passifs • Chirurgie vitale 6 semaines • Chirurgie élective 3 mois Pontages aorto-coronariens • Chirurgie vitale 6 semaines • Chirurgie élective 3 mois Stents actifs • Chirurgie vitale 6 mois • Chirurgie élective 12 mois Recommandations pour les délais d'interruption préopératoire des antiplaquettaires Aspirine: en principe pas d'interruption; si nécessaire: stop 5 jours Clopidogrel: stop 5 jours Prasugrel: stop 7 jours Ticagrelor: stop 5 jours; si urgence, stop 3 jours Héparine non-fractionnée HBPM prophylactique HBPM thérapeutique Fondaparinux (Arixtra®) Dabigatran (Pradaxa®) Apixaban (Eliquis®) Rivaroxaban (Xarelto®) Warfarine (Coumadine®) Acénocoumarol (Sintrom®) 4h 12 h 24 h (48 heures si insuffisance rénale) 48 h (4 jours si insuffisance rénale) 48 h (3-4 jours si insuffisance rénale) 48 h (2-3 jours si insuffisance rénale) 24-48 h selon risque hémorragique, âge et fonction rénale (≥ 3 jours si clairance créatinine < 50 mL/min) 5 jours 5 jours Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 41 Phenprocoumone (Marcoumar®) Désirudine (Iprivask®) Bivalirudine (Angiox®) Danaparoïde (Orgaran®) Argatroban (Argatroban Inj®) 10 jours 10 h 4h 48 h 4h Ces délais sont basés sur une attente correspondant à 3 demi-vies d’élimination; en cas d’insuffisance rénale, ils sont au moins doublés pour les substances éliminées par les reins. A cause des risques inhérents à l’anesthésie loco-régionale, il est préférable d’attendre 5 demi-vies avant une ponction neuraxiale pour s’assurer d’une élimination complète du produit [41,62,75]. Tableau 28.5 : Gestion préopératoire des anticoagulants Substances Interruption Héparine non-fractionnée (HNF) 4h HBPM prophylactique 12 h HBPM thérapeutique 24 h Fondaparinux (Arixtra®) 48 h Dabigatran (Pradaxa®) 36 h Apixaban (Eliquis®) 36 h Rivaroxaban (Xarelto®) 24 h Coumarines ≥ 5 jours Bivalirudine (Angiox®) 4h Danaparoïde (Orgaran®) 48 h Argatroban (Argatroban Inj®) 4h Aspirine 3-5 j Clopidogrel (Plavix®) 5j Prasugrel (Efient®) 7j Ticagrelor (Brilinta®, Brilique®) 5j Tirofiban (Agrasta®) 6h Eptifibatide (Integrilin®) 8h Abciximab (Rheo-Pro®) 72 h Substitution Antidote HNF iv HNF iv HNF iv HNF dès 24 h HNF dés 24 h HNF dès 12 h HNF/HBPM dès 2j HNF dès 24 h AINS Tirofiban, eptifibatide - Protamine (protamine) (protamine) Aucun Hémodialyse Plasmaphérèse Plasmaphérèse Vitamine K Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun Aucun TTT non-spécifique Ac tranexamique Desmopressine PCC FEIBA Plaquettes rFVIIa Le délai d’interruption correspond en général à 3 demi-vies sériques de la substance (5 demi-vies en cas d’ALR rachidienne ou de bloc profond). En cas de risque hémorragique chirurgical élevé, le délai de sécurité pour l’interruption des NACO (nouveaux anticoagulants oraux) est en moyenne de 2-4 jours. HBPM: héparines de bas poids moléculaire. L'arrêt préopératoire des agents anti-vitamine K (AVK) est de 5 jours (warfarine, acénocoumarol) à 10 jours (phenprocoumone). Une valeur d’INR < 2.0 est en général suffisante pour procéder à une chirurgie à risque hémorragique modéré, alors qu’un INR < 1.5 est requis pour une chirurgie majeure. Contrôler l’INR 24 heures avant la chirurgie. L’arrêt des AVK n’est pas nécessaire avant la chirurgie dermatologique, la chirurgie de surface, la dentisterie, l’ophthalmologie (cataracte), l’endoscopie ou la pose de pace-maker. Pour un acte chirurgical majeur, par contre, leur interruption pendant ≥ 5 jours est requise [40,110]. Leur substitution dépend du risque thrombo-embolique encouru par le patient. Substitution si risque thrombo-embolique élevé: HNF iv (≥ 20'000 U/24 h) ou HBPM (≥ 20'000 U/24 h) dès 48-72 heures après la dernière dose d'AVK; stop respectivement 4 heures ou 24 heures préop. Substitution si risque thrombo-embolique modéré: HBPM (10'000 U/24 h) dès 48-72 heures après la dernière dose d'AVK; stop 12 heures préop ; actuellement remise en question. Antidote spécifique: vitamine K (Konakion®) 2.5-5 mg iv/12 h en cas d’urgence; l’effet n’est obtenu qu’après 12 heures. Si opération élective et INR 1.5 - 2.0 : 1-2 mg vitamine K per os. Antidote non-spécifique: complexe prothrombinique (PCC prothrombin complex concentrate) (20-40 UI/kg); réservé aux situations d'urgence hémorragique. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 42 Bien qu’elle soit traditionnellement considérée comme une règle de l’art, la substitution par une héparine est actuellement remise en question, particulièrement pour les nouveaux anticoagulants. En effet, les études récentes démontrent qu’elle augmente 3 à 5 fois le risque hémorragique sans mettre à l’abri des complications thrombotiques (incidence inchangée) [12a,40a]. Elle n’est donc formellement indiquée que chez les malades à très haut risque thrombotique (score CHADS élevé, prothèse valvulaire mécanique) qui sont sous AVK. Dans les autres situations, elle est n’offre probablement aucun bénéfice et relève d’une décision au cas par cas. Elle n’est pas justifiée pour les nouveaux anticoagulants oraux (rivaroxaban, apixaban, dabigatran, etc). Pour davantage de détails sur les anticoagulants, voir Chapitre 8 Gestion périopératoire. Prédonation La prédonation de sang autologue est indiquée si l'Hb est supérieure à 120 g/L et si le malade ne présente pas de coronaropathie, ni d'insuffisance ventriculaire, ni de pathologie respiratoire; elle est programmée sur 3-4 semaines préopératoires, avec une supplémentation en fer et en acide folique, éventuellement en EPO (3 x 150-300 U/kg). Elle demande une infrastructure coûteuse, équivalente à celle d'un centre de transfusion, et une date opératoire fixe. Elle présente un risque d'erreurs de flacon et de contamination bactérienne analogue à celui de la transfusion allologue. De plus, tout ou partie du sang prélevé n'est jamais retransfusé au patient dans plus d'un tiers des cas. Ce sont les raisons pour lesquelles la prédonation est actuellement tombée en désuétude dans de nombreux centres hospitaliers parce que son rapport coût/bénéfice est trop faible [45]. Elle reste justifiée dans les cas où les patients sont porteurs de très nombreux allo-anticorps (cross-match impossible avec les donneurs) ou de groupes sanguins très rares [43]. Correction de l’anémie L'anémie est une affection sérieuse, potentiellement dangereuse en peropératoire, et facilement corrigible. Elle est définie par une valeur d’Hb < 120 g/L chez la femme et < 130 g/L chez l’homme [65]. Elle est fréquente chez les malades chirurgicaux, particulièrement chez les femmes (16 à 45 ans) et les personnes âgées (plus de 70 ans). Son incidence varie de 5-20% chez l'adulte à 35% chez le patient âgé, et jusqu'à 40% chez le patient cancéreux [112]. Son origine est le plus souvent ferriprive. Les syndromes de manque de fer sont de trois ordres [63]. Déficience nutritionnelle; la plus fréquente chez la femme menstruée et chez la personne âgée, elle répond bien à l'administration orale de fer. Déficience fonctionnelle; lorsque l'érythropoïèse est sur-stimulée (EPO, hémochromatose, phlébotomies itératives), l'apport de fer devient insuffisant. Séquestration par l'hepcidine; celle-ci bloque la libération du fer stocké dans les hépatocytes et les macrophages, et en freine l'absorption digestive dans le duodénum. Ce processus est important dans les maladies inflammatoires chroniques, les infections et les néoplasies. L'administration intraveineuse de fer est plus efficace que la voie orale. L'administration de fer (sulfate, gluconate ou fumarate, 100-200 mg/j per os) est un appoint majeur et peu onéreux dans la préparation des malades, particulièrement s’ils sont anémiques et sidérodéficients. En chirurgie colique, par exemple, un traitement de 2 semaines avec 200 mg/jour permet d'augmenter le taux d'Hb de 20 g/L et de diminuer le taux de transfusion de 27% à 9% [158]. La forme orale entraînant souvent une irritation digestive, il peut être préférable d'utiliser une administration intraveineuse, ou de procéder à une augmentation très graduelle des doses. L'adjonction d’une dose de vitamine B12 (1 mg im ou scut), suivie d'acide folique (5 mg/jour) et de vitamine C (500 mg/jour) potentialise le traitement [11]. La formule intraveineuse du Fe (1'000 mg) permet de refournir rapidement les réserves en fer sans présenter de risque particulier [143a]. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 43 Lorsqu'une déficience nutritionnelle a été exclue ou ne répond pas à l'administration de fer, la reconstitution de la masse érythrocytaire est facilitée par un traitement d'érythropoïétine (EPO): EPO humaine (Eprex®, Recormon®) ou rEPO obtenue par génie génétique (darbopoïétine Aranesp®). Un traitement de 3 doses de 600 U/kg (Eprex®, Recormon®) ou 0.45 mcg/kg (Aranesp®) en 3 semaines (jour -21, -14 et -7) permet de gagner l'équivalent d'une poche de sang par semaine [64]; il doit être accompagné d'une supplémentation en fer (100-200 mg/j). Ce traitement permet de réduire de 10% le nombre de patients transfusés et de 20-50% le nombre de poches administrées [109,141]. Il est destiné premièrement à des populations ciblées: malades dialysés ou cancéreux, insuffisants cardiaques ou respiratoires anémiques, patients refusant les transfusions (Témoins de Jéhovah). Il est étendu à la préparation d'opérations majeures (orthopédie lourde, chirurgie délabrante, chirurgie cardiovasculaire) chez des patients anémiques (Hb 100-120 g/L). Il diminue le risque d’exposition à des transfusions peropératoires (RR 0.44), mais il présente un certain risque de thrombose veineuse et artérielle si l'hématocrite obtenu est élevé (RR 1.66) [65]. Il est recommandé de ne pas dépasser une Hb de 110 g/L et d'adjoindre une prophylaxie anti-thrombotique par HBPM [124]. Comme leur incidence est rare, les thromboses artérielles coronariennes, cérébrales ou périphériques présentent un risque difficile à évaluer ; la revue des essais cliniques randomisés ne semble pas montrer de différence par rapport à un placebo, sauf chez les patients en insuffisance rénale où le risque est augmenté [3a,48,51]. Le problème du prix de la substance est relatif: un traitement complet (3 injections de 600 U/kg) coûte de CHF 1'000.- à 2'200.- selon la substance choisie (800-1'800 € selon les pays). Il est donc du même ordre de grandeur que la transfusion de 2-3 poches de sang. Dans la plupart des pays industrialisés, l'EPO est admise et remboursée (au moins partiellement) dans cette indication si le patient est anémique et si l'intervention est très hémorragique. Il est évident que la correction d'une anémie préopératoire n'est efficace que si l'on dispose du temps nécessaire pour la corriger. De ce fait, l'évaluation préopératoire des malades à risque pour une chirurgie élective (orthopédie, chirurgie cardiovasculaire) doit avoir lieu 21 à 28 jours avant l'intervention. Lorsque les délais sont trop brefs (chirurgie du cancer), on peut tout de même envisager un traitement de courte durée. EPO 14'000 UI/jour sous-cut les 2 jours qui précèdent l’opération (OPCAB), 8'000 UI/jour le jour opératoire et les deux premiers jours postop ; au 4ème jour, le taux d’Hb est 15.5% plus élevé dans le groupe EPO que dans le groupe contrôle ; la diminution du sang transfusé est de presque 60% (RR 0.43) [228]. EPO 500 UI/kg iv et fer 200 mg iv la veille de l’intervention (chirurgie cardiaque valvulaire) ; bien que les malades soient encore anémiques au moment de l’intervention, le taux de transfusion sur 4 jours postopératoires passe de 86% (groupe contrôle) à 59% (groupe EPO) et le nombre d’unités transfusées de 3.7 à 1.6 [235]. EPO 3'000 UI sous-cut et fer 200 mg iv administrés le jour opératoire (arthroplastie du genou) et répétés pendant 2 jours si l’Hb est < 70 g/L ; cette modeste dose d’EPO suffit à diminuer le taux de transfusion de 53.7% à 20.4% et le nombre d’unités transfusées par patient de 0.8 à 0.2 [148]. La prise en charge d’une anémie préopératoire est schématisée dans l’algorithme de la Figure 28.14 qui résume les recommandations du Network for Advancement of Transfusion Alternatives (NATA) [65]. En sus de ces traitements symptomatiques, il est important de corriger les éventuelles perturbations de la coagulation: hypoprothrombinémie (cirrhose hépatique), coagulopathie congénitale, etc. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 44 Hb < 120 g/L (femme) Hb < 130 g/L (homme) Fer < 100 mcg/L Sat transferrine < 20% Figure 28.14 : Algorithme résumant la prise en charge d’un anémie découverte dans le préopératoire [65]. L’EPO est associée à des accidents cardiovasculaires thrombotiques chez les patients en insuffisance rénale. Déficience en Fe 2+ 2+ Fe 200 mg/j per os ou iv Fer > 100 mcg/L Sat transferrine > 20% Fonction rénale anormale Anémie chronique Fonction rénale normale Vitamine B12 Acide folique (si abaissés) Correction insuffisante Hb < 120 g/L EPO (s-cut, iv) 40-200 UI/kg Epargne sanguine : phase préopératoire Consultation préopératoire suffisamment en avance de l'opération (21-28 jours préop) Arrêt des antiplaquettaires et/ou anticoagulants (selon possibilités) Correction des coagulopathies Correction de l’anémie, qui est une affection grave dans le cadre chirurgical: - Fer (per os ou iv) si carence nutritionnelle (la plus fréquente) - Erythropoïétine si le fer seul est inefficace (utile même 2 jours avant l’intervention) La masse sanguine du malade doit être reconstituée avant l'opération: Hb ≥ 120 g/L (femme), Hb ≥ 130 g/L (homme) Hémodilution isovolémique L'hémodilution normovolémique peropératoire consiste à prélever dès l'induction de l'anesthésie, une quantité de sang amenant l'hématocrite à 28-30%, et à remplacer simultanément cette perte par des solutions cristalloïdes ou colloïdes de manière à maintenir la normovolémie. Le sens de l'hémodilution aiguë est de diminuer la quantité d'érythrocytes perdu ultérieurement dans le champ opératoire, puisque l'hématocrite est abaissé, et de restituer cette masse épargnée en fin d'intervention; elle est d'autant plus efficace que l'Hb de départ est élevée et que la quantité de sang perdu pendant l'intervention est importante [140]. Conservé 4-6 heures à température ambiante, ce sang contient des plaquettes actives et les facteurs de coagulation. La diminution de la capacité de transport en oxygène est compensée physiologiquement par une augmentation du débit cardiaque et par une élévation de l'extraction tissulaire d'oxygène. Sous anesthésie, l'augmentation du débit cardiaque est dû à une élévation du volume systolique, mais non à une augmentation de la fréquence cardiaque; en réalité, la Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 45 tachycardie signe une hypovolémie momentanée [93]. Le volume systolique augmente parce que la baisse de la viscosité provoque une augmentation du retour veineux (élevation de la précharge) et une baisse des résistances artérielles (abaissement de la postcharge) [186]; le volume systolique, la PVC et la surface télédiastolique du VG augmentent sans que la contractilité ni la fonction diastolique ne soient modifiées [122]. L'hémodilution améliore le débit sanguin d'autant plus que le flux est lent, donc prioritairement dans la microcirculation veineuse et distalement par rapport aux sténoses. La valeur limite tolérable de l'hémodilution est l'hématocrite auquel la consommation d'oxygène (VO2) devient dépendante du transport d'O2 (DO2). Au repos, l'acidose métabolique survient lorsque l'Ht est inférieur à 20%; en normothermie, le rapport DO2/VO2 se maintient constant si l'Ht est supérieur à 25% [93]. Chez un individu normal, un Ht de 24% (Hb 80 g/L) est suffisant si le métabolisme est réduit par l'anesthésie générale et la curarisation: l'augmentation du débit cardiaque compense la diminution du transport d'O2 et la consommation tissulaire reste stable (Figure 28.15). La maladie coronarienne limite la capacité du coeur à augmenter son débit au cours de l'hémodilution, mais n'est pas en soi une contre-indication, puisqu'une baisse de l'Ht jusqu'à 28% n'entraîne pas de modification du segment ST ni de la contractilité segmentaire chez des malades opérés de pontages aorto-coronariens [121]. Par contre, il est important que les patients coronariens restent normocardes ; chez eux, la performance systolique du VG diminue lorsque l’Ht passe de 40% à 30% si la fréquence cardiaque est ≥ 90 batt/min [34]. L'âge impose une limite, mais une hémodilution à une valeur moyenne d'Hb de 88 g/l est tolérée chez des patients de plus de 65 ans qui ne souffrent pas de coronaropathie [189]. Les malades sous β-bloqueurs augmentent également leur débit cardiaque et leur extraction tissulaire d'oxygène lors d'une hémodilution à 99 g/l d'Hb, indépendamment de leur âge et de leur fraction d'éjection [189]. Il se peut même que l'hémodilution ait un effet cardioprotecteur en chirurgie coronarienne par amélioration des conditions rhéologiques dans les territoires sténosés: chez les patients hémodilués à un Ht de 28%, on a démontré une baisse des taux de troponine (1.4 versus 3.8 ng/ml) et de CK-MB (29 versus 71 U/L) par rapport au groupe standard, ainsi qu'une diminution des arythmies et des besoins en soutien inotrope [121]. DC DO2 VO2 Figure 28.15 : Débit cardiaque (DC), transport d'O2 (DO2) et consommation d'O2 tissulaire (VO2) chez divers mammifères (homme: points ronds) en fonction de la baisse de l'Ht. La VO2 reste stable jusqu'à un Ht de 24% parce que l'augmentation du débit cardiaque compense la baisse du transport d'O2 [93]. Le remplacement liquidien se fait en général au moyen de cristalloïdes (2 mL pour 1 mL de sang); en général, un colloïde (1 mL pour 1 mL de sang) n’est utilisé qu’en cas de prélèvement important ou d’hypovolémie. Le but est de préserver la normovolémie de manière adéquate. En chirurgie viscérale et en orthopédie, le calcul se fait selon la formule: Volume échangé = [(Ht patient - Ht désiré) / Ht patient] • poids • 70 (ml/kg) Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 46 Correction pour le poids: chez le patient obèse: 55 ml/kg chez le patient maigre: 75 ml/kg L'Ht désiré est en général ≤ 30% (Hb ≤ 100 g/L). En chirurgie cardiaque, la quantité de sang prélevée est plus restrictive; elle est de l'ordre 10-15 ml/kg en 15-30 minutes; le remplacement liquidien se fait en fonction du besoin. Cette prudence est de rigueur à cause de l'hémodilution supplémentaire due à la CEC. La surveillance hémodynamique et électro-cardiographique (segment ST) doit être particulièrement vigilante; en cas de modification du segment ST, le sang prélevé est immédiatement retransfusé. Le sang est prélevé dans un (des) sachet(s) contenant l'anticoagulant (ACD). Il est conservé à température ambiante et agité régulièrement, de manière à préserver les plaquettes; il est dûment étiqueté au nom du patient, mais ne comporte aucune mention de groupe sanguin. Le sang prélevé contient les plaquettes et les facteurs de coagulation, mais aussi des taux significatifs d'opiacé et de curare; il doit être rendu au patient lorsque celui-ci est sous surveillance ou assistance respiratoire. Il ne doit pas être administré en cours de CEC, car cela gaspillerait les éléments fragiles et précieux destinés à assurer l'hémostase. Le sang autologue est transfusé au patient après l'administration de protamine, mais avant le sevrage ventilatoire. Son délai de conservation maximum à température ambiante est de 6 heures [93]. L'intérêt de l'hémodilution aiguë est triple: Elle fournit des globules rouges (GR) autologues, des plaquettes et des facteurs de coagulation frais ; Elle est bon marché, simple, et ne réclame aucune logistique; Elle est dépourvue de risque d'erreurs. Toutefois, elle n'est efficace pour diminuer le risque de transfusion allologue que si l'on recherche un Ht bas (≤ 30%) et que la perte sanguine attendue est l'équivalent de la moitié du volume sanguin du patient [140]. Lors de chirurgie hépatique, par exemple, l'hémodilution à un Ht de 24% a permis de réduire le taux de transfusion de 36% à 10% [133]. En chirurgie coronarienne, elle diminue le nombre de flacons transfusés de presque 50%. L'hémodilution ne s'adresse qu'à des malades qui n'ont pas de comorbidités importantes: Hémoglobine préopératoire ≥ 120 g/L ; Coronaropathie stable et contrôlée, valvulopathie compensée; Echange gazeux pulmonaires conservés ; Absence de: néphropathie, hépatopathie, infection active, métastatisation hématogène. bactériémie, risque de Quel est l'impact réel de l'hémodilution peropératoire sur l'épargne sanguine ? Une méta-analyse de 42 essais cliniques montre que le risque de recevoir une transfusion n'est pas significativement diminué chez les malades hémodilués (risque relatif 0.96) mais que le volume de sang qui leur est transfusé est moindre (303 versus 551 ml) [168]. La littérature ne démontre pas que l'hémodilution réduise le nombre de patients transfusés, ni leur morbidité, ni leur mortalité [154]. L'hémodilution est peu pratiquée en tant que routine, mais garde son intérêt dans deux situations [184]. Limitation drastique des possibilités de transfusion : groupes sanguins rares, allo-anticorps, Témoins de Jéhovah; Chirurgie cardiaque en CEC: le sang prélevé ne subit pas les lésions de la pompe. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 47 Epargne sanguine : hémodilution normovolémique Prélèvement de sang (pour Ht 28-30%) avant la phase hémorragique (ou l’héparinisation), et restitution en fin d’intervention (après la CEC) lorsque l’hémorragie est contrôlée. Conditions : - Hb > 120 g/L - Echanges gazeux normaux - Coronaropathie / cardiopathie stable - Absence de comorbidité Efficace seulement si la perte sanguine attendue est l'équivalent de la moitié du volume sanguin du patient (économie de 1-2 poches érythrocytaires). Pas de preuve d’une réduction de morbi-mortalité. Moyens techniques Récupération sanguine et retransfusion Le fonctionnement des machines de récupération sanguine peropératoire par centrifugation (CellSaver™) est fondé sur deux principes physiques (Figure 28.16): La différence de densité des constituants sanguins: les particules les plus lourdes (globules rouges) sédimentent contre les parois de la cloche pendant la centrifugation, alors que les plus légères (plasma) restent au centre; La balance entre les forces centrifuge et hydrostatique: avec la force hydrostatique de l'aspiration, le plasma est éjecté en premier parce que la force centrifuge qui s'exerce sur lui est plus faible; les globules restent contre les parois parce que leur masse les rend plus sensibles à la force centrifuge. Il suffit de laver ensuite la cloche avec un cristalloïde pour récupérer le sang, dont l'hématocrite est en général 50-65% [221]. Le système nécessite une anticoagulation (citrate ou héparine) administrée dans le circuit de récupération et lavée ensuite par la centrifugation; en salle d'opération, il mobilise une personne dédiée à son fonctionnement. Chez un homme de 70 kg avec un Ht de 45%, cette technique permet de récupérer 9'600 mL de sang si l'on accepte un Ht final de 21% et un taux de récupération dans le champ opératoire de 60% [222]. Mais les inconvénients ne sont pas négligeables. Figure 28.16 : Représentation d'une cloche de CellSaver™ avec les forces centrifuges (flèches jaunes) et hydrostatiques (flèches rouges). Aspiration de sang Surnageant L'aspiration continue dans le champ opératoire crée des turbulences et de l'hémolyse; Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 48 Il existe un risque d'embolie gazeuse si la retransfusion se fait en comprimant le sachet à l'aide d'une manchette à pression; Une erreur avec le liquide de lavage est possible: il doit être fait avec du NaCl 0.9%, non avec de l'eau stérile; L’infection est une contre-indication ; le risque de métastatisation hématogène en chirurgie du cancer n’est pas réellement prouvé (le sang devrait être irradié avant retransfusion); Les électrolytes (notamment Mg2+, Ca2+), le bicarbonate (risque d'acidose) et les protéines (facteurs de coagulation) sont perdus dans le lavage; il en est de même des médicaments circulants. Le rapport coût / bénéfice de la technique dépend de la quantité de sang récupéré: pour dix poches de sang, le coût s'abaisse à CHF 30.- par poche, ce qui est rentable [221]; la mise en place du système pour ne récupérer qu'une seule poche ne l'est certainement pas. Le seuil de rentabilité voisine 1'500 mL de sang récupéré, donc plus de 2.5 litres de volume traité [58]. La réduction du risque de transfusion est en moyenne de 0.37 en chirurgie de l'anévrysme aortique abdominal, mais seulement 0.97 en chirurgie vasculaire périphérique [5]. Il n'y a donc pas de preuve suffisante pour recommander la récupération sanguine de routine en chirurgie vasculaire. En chirurgie cardiaque, le système est de toute manière utile pour concentrer le volume résiduel de la CEC et éliminer l'héparine. Il est contreindiqué en cas de maladie infectieuse (endocardite) et n’est pas recommandé en cas de maladie néoplasique [50]. Toutefois, le peu de preuve à ce sujet et l’effet favorisant de la transfusion sur la croissance tumorale tendent à renverser l’attitude conseillée jusqu’ici [51]. Circuits de CEC La réduction de dimension des circuits de CEC dans les systèmes dits "mini-CEC" diminue le volume d’amorçage, donc le degré d’hémodilution du patient. Ceci est particulièrement utile chez les patients anémiques ou de petite taille. Dans ces systèmes, la longueur des tuyaux est diminuée et le réservoir de cardiotomie est supprimé. La pompe est une pompe de type centrifuge qui est responsable à la fois du drainage veineux par aspiration et de la propulsion du sang dans l'artère. Le système est complété par un oxygénateur, un échangeur de chaleur et un filtre. L'absence de réservoir nécessite un système permettant l'aspiration du sang du champ opératoire dans un bac rigide sous vide régulé qui fait office de vase d'expansion et qui est placé en dérivation sur la ligne veineuse Il est actuellement démontré que ces mini-circuits, quoique plus délicats à gérer, réduisent la réaction inflammatoire systémique, l’hémodilution, l’hémorragie postopératoire et le besoin en transfusion sanguine [10.51]. Le remplissage rétrograde autologue du circuit de CEC consiste à utiliser le volume circulant du patient comme amorçage. Cette technique limite considérablement l’hémodilution mais demande beaucoup de doigté et de synchronisation entre l’anesthésiste et le perfusionniste. La microplégie consiste à utiliser comme solution de cardioplégie un mélange de sang de la CEC et d’une solution concentrée d’additifs cardioplégiants. Le degré d’hémodilution et l’anémie de CEC sont réduits, ce qui diminue potentiellement le besoin en globules rouges externes [51]. Des circuits de CEC biocompatibles sont maintenant sur le marché. Quoique plus onéreux, ils tendent à diminuer l’hémorragie et le besoin en transfusion postopératoire. Cet avantage est toutefois marginal, et ces circuits n’ont leur sens que dans le cadre d’une stratégie multimodale d’épargne sanguine [160]. L’ultrafiltration conventionnelle consiste à interposer dans le circuit de CEC un appareil constitué de fibres semi-perméables qui filtrent l'eau, les électrolytes et les protéines les plus petites (poids moléculaire < 20'000 Da); l'héparine est partiellement filtrée. Les échanges à travers la membrane sont fonction de la pression hydrostatique (pompe artérielle de la CEC). Les plaquettes, l'albumine et les facteurs de coagulation sont conservés; une partie des médiateurs inflammatoires est éliminée (TNF, IL-6, IL-10, C3a). Le système permet de soustraire jusqu'à 180 ml par minute (4-5 L H2 O par heure) pour un débit de 500 mL/min. L'intérêt de la procédure est de diminuer l’hémodilution et de remonter l'hématocrite. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 49 L’ultrafiltration modifiée (MUF: modified ultrafiltration) utilise le même procédé mais après la mise en charge du patient: le sang est débarrassé d’une bonne partie de l’excès liquidien accumulé pendant la CEC en le filtrant via le circuit extracorporel dont les canules sont maintenues en place pendant que le coeur du malade assure la perfusion systémique. Les besoins en globules rouges et en produits sanguins dérivés sont significativement réduits [15,51]. Agents topiques Il existe de nombreux moyens hémostatiques locaux utilisables dans le champ opératoire : compresses (Surgicel™), enduits dérivés de thrombine bovine et/ou de fibrinogène (très immunogènes), colle faite d’un mélange de glutaraldéhyde et d’albumine bovine. Comme ils réduisent le suintement diffus et le saignement en nappe, ces agents tendant à diminuer la consommation de concentrés érythrocytaires, mais cela n’a jamais été formellement démontré [51]. Quelle que soit leur efficacité, ces substances ne remplacent jamais une hémostase chirurgicale méticuleuse. La coagulation et la ligature restent le pivot central d’une épargne sanguine raisonnée, même si elles prolongent sensiblement la durée opératoire. Mesures de la coagulation La possibilité de déterminer le status coagulatoire du patient en salle d’opération ou aux soins intensifs (Point-of-care testing) est une avancée considérable dans la gestion globale des produits sanguins, car elle offre plusieurs avantages [137] Remplacement spécifique du ou des facteur(s) déficients(s) ; Identification des patients qui peuvent bénéficier d’un traitement pharmacologique ; Confirmation d’une perte sanguine de nature chirurgicale lorsque le test est normal ; Abandon de l’attitude indiscriminée qui consistait à administrer un maximum de produits (PFC, thrombocytes, facteurs sous plusieurs formes) en ignorant lequel était efficace ; Diminution de la consommation de concentrés érythrocytaires par meilleure gestion de l’hémostase. Le thromboélastogramme (rTEG™, ROTEM™) et les tests d’agglutination plaquettaire ont permis de construire des algorithmes pour une gestion cohérente des produits sanguins (voir Figure 28.12). Epargne sanguine : techniques peropératoires Récupération sanguine (CellSaver) : rentable si l’on récupère ≥ 1'500 ml de sang (≥ 2.5 litres de volume traité) Circuits de CEC : mini-CEC, amorçage rétrograde, microplégie, ultrafiltration (continue et modifiée) Agents topiques dans le champ opératoire Hémostase chirurgicale méticuleuse Thromboélastogramme et test d’agrégabilité plaquettaire au déclampage de l’aorte Moyens pharmacologiques Comme la chirurgie et le polytraumatisme s'accompagnent d'une fibrinolyse importante, il est logique que des substances antifibrinolytiques soient utilisées pour diminuer les pertes sanguines. Elles sont au Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 50 nombre de trois: l'aprotinine (Trasylol®), l'acide ε-amino-caproïque (Amicar®) et l'acide tranexamique (Cyclokapron®, Anvitoff®). Aprotinine L'aprotinine, extraite du poumon de boeuf, est un inhibiteur des protéases sériques, de la kallikréine, de la protéine C et de la trypsine. La dose habituelle est de 2 millions UI. Largement utilisée pendant une vingtaine d’années, l’aprotinine diminue significativement les risque de transfusions en chirurgie cardiaque et vasculaire, particulièrement chez les malades sous antiplaquettaires [39,119] ; elle présente un risque de réactions allergiques graves de 0.5-6%, particulièrement chez les personnes allergiques aux viandes et au blanc d'œuf [2,113]. Malheureusement, deux études groupant respectivement 4'374 et 898 patients ont démontré des effets secondaires troublants. Par rapport à l'acide tranexamique, à l'acide ε-amino-caproïque ou à un placebo, l'aprotinine (dose ≥ 2 millions UI) augmente le taux d'insuffisance rénale (5.5% versus 1.8%), d'ictus (4.5% versus 1.6%), d'évènements cardiaques (20.4% versus 13.2%), et de mortalité (2.8% versus 1.3%) de manière dépendante de la dose [127]; la diminution de l'hémorragie n'est pas significative (753 ml versus 827 ml avec le placebo et 676 ml avec l'acide tranexamique). En suivant les mêmes malades à 5 ans, la mortalité reste plus élevée chez ceux qui ont reçu de l’aprotinine (hazard ratio 1.48) [128]. La deuxième étude compare les effets de l'aprotinine (6 millions UI) à ceux de l'acide tranexamique (50-100 mg/kg) [96]; l'efficacité des deux substances en terme d'hémorragies et de transfusions est identique, mais les complications rénales sont plus fréquentes avec l'aprotinine (24% versus 17%, p = 0.01); cette association est renforcée chez les patients présentant une dysfonction rénale préopératoire. Finalement, l’étude BART, qui compare l’aprotinine à l’acide tranexamique et à l’acide amino-caproïque chez 2’331 patients de chirurgie cardiaque à haut risque, a sonné le glas de la substance [47]. En effet, l’étude a du être interrompue lorsqu’il s’est avéré que le groupe de patients recevant l’aprotinine présentait un excès de mortalité de 50% (RR 1.53) par rapport à ceux recevant les deux autres substances, sans que le risque hémorragique soit significativement différent. Dès lors, l’aprotinine a été retirée du marché (2007). La rapidité de ce retrait a beaucoup surpris, d’autant plus que l’étude BART présente de sérieuses faiblesses méthodologiques et que le poids de l’évidence dans la littérature penche en faveur de l’aprotinine dans les pontages aorto-coronariens et chez les malades sous anti-thrombotiques [137]. Bien que les autorités sanitaires européennes et canadiennes aient clairement indiqué que les bénéfices de l’aprotinine surpassent ses risques en chirurgie cardiaque, son utilisation n’a pas repris. Toutefois, la substance pourrait revenir sur le marché, puisque l’agence européenne des médicaments (European Medicines Agency, EMA) en a levé l’interdiction. Antifibrinolytiques L'acide ε-amino-caproïque (dose: 2 gm) diminue le taux de transfusion en chirurgie cardiaque, hépatique et orthopédique, mais il est moins efficace que les hautes doses d'aprotinine: l'économie de sang n'est que de 15%, alors qu'elle est de 35% avec cette dernière [30,117,166]. L'acide tranexamique (dose totale par 24 heures: 50-100 mg/kg) est lui aussi un peu moins efficace que l'aprotinine: le risque de transfusion est de 33% au lieu de 13% avec l'aprotinine par rapport au groupe contrôle [17,39] ; toutefois, il est plus puissant que l’acide amino-caproïque. Ces deux substances sont moins chères et causent moins de réactions allergiques que l’aprotinine ; elles ne sont pas associées à des dysfonctions rénales ni à une augmentation de mortalité [47]. Elles ont une demi-vie d’élimination de 2 heures. En chirurgie cardiaque, l’acide tranexamique diminue de 47% la consommation d’érythrocytes et de 48% le taux de reprises chirurgicales [153]. L’acide tranexamique réduit le besoin en transfusion allologue peropératoire [103]. Il a récemment été testé chez 20’211 polytraumatisés au déchocage [169]. Dans cette situation, l’administration de 1 g en Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 51 10 min suivie de 1 gm en 8 heures réduit la mortalité sur hémorragie par rapport au placebo (RR 0.85) et diminue l’incidence d’insuffisances multiorganiques (risk ratio 0.90), pour autant que la substance soit administrée dans les 3 heures qui suivent l'accident. Dans ce contexte, son utilisation s'est révélée sûre. Toutefois, il s’est avéré après 2-3 ans d’utilisation en CCV que l’acide tranexamique n’était pas dénué de complications dans les cas à risque élevé, où il semble au moins aussi dangereux que l’aprotinine [100]. Il est également associé à une insuffisance rénale postopératoire, particulièrement dans la chirurgie valvulaire [132]. Les hautes doses doublent l’incidence de convulsions postopératoires par rapport à l’aprotinine ou à l’acide ε-amino-caproïque, particulièrement chez les personnes âgées [131,145,166]. Actuellement, l'acide tranexamique est l’antifibrinolytique le plus couramment utilisé en chirurgie cardiaque. Les dosages décrits dans la littérature varient de 10 à 100 mg/kg. Il est important d’administrer une première dose avant la CEC (10-50 mg/kg), suivie d’une perfusion (2-25 mg/kg/h) ou d’une répétition de la première dose dans la CEC, et d’une dose après la CEC [205]. La dose maximale recommandée par 24 heures est 150 mg/kg. Desmopressine La desmopressine (Minirin®), un analogue de la vasopressine qui stimule la production de facteur VIII et de facteur von Willebrand par l’endothélium, est recommandée dans certaines pathologies accompagnées de dysfonction plaquettaire spécifique (urémie, hémophilie A, maladie de von Wildebrand type I) [184]. Les patients sous antiplaquettaires pourraient en profiter [162]. Le dosage est 0.3 mcg/kg en 20 minutes. Epargne sanguine : moyens pharmacologiques Antifibrinolytiques (acide tranexamique, acide amino-caproïque) Desmopressine (hypo-agrégabilité plaquettaire) Facteurs de coagulation isolés (en fonction du thromboélastogramme) Technique d'anesthésie Peropératoire La surveillance d'une hémorragie peropératoire doit permettre de juger le besoin du patient en globules rouges, en plaquettes, en facteurs de coagulation et en substances à visée hémostatiques. Elle comprend plusieurs éléments: Evaluation visuelle du champ opératoire et des compresses; Couleur du patient (lèvres, conjonctives) ; Mesure quantitative du sang aspiré; Mesures de l'Hb et de l'Ht; Mesure de la crase et du thromboélastogramme; SpO2 ; Tolérance du cerveau à l’anémie (ScO2 bilatérale) [37] ; Tolérance du cœur à l’anémie (segment ST à l’ECG, altérations de la cinétique segmentaire à l’ETO) ; Tolérance de l’organisme à l’anémie (SvO2, PvO2, ExO2 sur le cathéter de Swan-Ganz) ; Pression artérielle, fréquence cardiaque, débit urinaire: ils sont très dépendants de la volémie. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 52 La vitesse des pertes sanguines est un critère important; en cas d'hémorragie aiguë active, le maintien de la volémie est capital et oblige à transfuser en avance par rapport aux besoins en O2. C'est alors le jugement clinique de l'anesthésiste plutôt que des examens de laboratoire qui est l'élément-clef pour déterminer les besoins en sang allologue. Parmi les possibilités offertes par les techniques d'anesthésie pour contribuer à l'épargne sanguine, une place prioritaire doit être faite à la ventilation hyperoxique. En effet, la ventilation à une FiO2 de 1.0 augmente la fraction dissoute de l'oxygène de 5 fois, ce qui représente une proportion significative du transport d'O2 en cas d'anémie. Une PaO2 > 400 mmHg équivaut approximativement à 30 g/L d'hémoglobine [71]. Chez des patients dont l'Hb est 75-85 g/L, on a démontré que la ventilation à une FiO2 de 1.0 augmente significativement la tension d'O2 intramusculaire (PimO2), alors que 1-2 poches de sang accompagnant une ventilation à FiO2 0.4 ne modifie presque pas la PimO2 (Figure 28.17A) [196]. Des animaux amenés par hémodilution au DO2 critique périssent en trois heures en respirant de l'air à 21% d'O2, alors que leur taux de survie est de 80% à une FiO2 de 1.0 (Figure 28.17B) [138]. Lors d'hémodilution normovolémique aiguë à 70 g/L d'Hb, la ventilation à FiO2 1.0 augmente le contenu artériel en O2 de 8 à 10 mL/dL et permet le retour à un débit cardiaque normal, alors que celui-ci est augmenté de 27% lorsque la FiO2 est de 0.21 et l'Hb de 70 g/L [71]. Une augmentation de la FiO2 à 1.0 fait donc partie intégrante de la prise en charge de l'anémie aiguë. La lutte contre l'hypothermie est le deuxième point important en peropératoire. La coagulopathie et la dysfonction plaquettaire apparaissent déjà à T° ≤ 35°C ; elles augmentent les pertes sanguines et le taux de transfusion. La dysfonction plaquettaire hypothermique est réversible lors du retour à la normothermie [208]. Une anesthésie profonde abaisse la demande en O2 par sympathicolyse. La curarisation permet de diminuer la consommation d'O2 d'environ 10-30%, ce qui se traduit par une élévation de la SvO2 de 5-10% [90]. Si les transfusions sont volontairement limitées, le volume sanguin doit cependant être préservé. La normovolémie doit être maintenue avec des solutions cristalloïdes et/ou colloïdes, sans pour autant aggraver l’hémodilution. Les colloïdes, en particulier, sont responsables d’une diminution d’activité des facteurs VIII et von Willebrand et d’un abaissement de l’adhésivité plaquettaire [173,199]. PtiO2 40 AA BB Nombre FiO2 : 1.0 FiO2 1.0 7 35 6 30 5 25 p < 0.05 4 20 FiO2 0.21 3 2 U transf 15 2 10 p < 0.05 5 0 30 60 1 90 Temps (min) 1 2 3 4 5 Temps (h) Figure 28.17: A. Chez des patients dont l'Hb est 75-85 g/L, la ventilation à une FiO2 de 1.0 augmente significativement la tension d'O2 intramusculaire (PtiO2) (trait bleu), alors que 1-2 poches de sang accompagnant une ventilation à FiO2 0.4 ne modifie presque pas la PtiO2 (trait rouge) (196). B: Des animaux amenés par hémodilution à la DO2 critique périssent en trois heures en respirant de l'air à 21% d'O2 (trait rouge) alors que leur taux de survie est de 80% à une FiO2 de 1.0 (trait jaune) [138]. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 53 Postopératoire La retransfusion des drainages de sang médiastinal est possible à la condition de disposer d’un système de lavage (Cell-Saver™, CardioPAT™) permettant de réduire le taux d’embols lipidiques, de cytokines inflammatoires et de débris cellulaires. La retransfusion directe du sang des drains thoraciques est excessivement dangereuse [51]. Les contraintes peropératoires ne doivent pas conduire à une cécité concernant les besoins de la convalescence. L'anémie (Hb < 70 g/L) entraîne une fatigue, une faiblesse musculaire et une baisse des performances physiques qui gênent considérablement la physiothérapie et le rétablissement du malade. En dessous de 60 g/L, le malade se sent somnolent et dépressif [225]. Une diminution de 15% de l'Hb abaisse la VO2 maximale de 15% et les performances physiques de 30% [25]. L'administration d'EPO est utile pour accélérer la convalescence si le patient est anémique et épuisé. Ceci est particulièrement important chez les patients âgés ou chez ceux qui présentent des comorbidités importantes. Leur rétablissement est très ralenti parce que leur synthèse de l'Hb est faible alors que leurs besoins sont élevés. Le risque de problèmes respiratoires et de retard de mobilisation avec séquelles permanentes est aggravé. Lors de fracture de hanche, par exemple, un protocole de transfusion libéral améliore la réhabilitation [69]. Chez les patients de plus de 65 ans, on a trouvé une augmentation de 1.6% des risques de complications postopératoires par pourcentage d’Ht préopératoire en dessous de 38% [230]. Au-delà de 65 ans, la transfusion diminue la mortalité postopératoire de 40% lorsque l’Ht est < 24% et de 60% lorsque la perte de sang est > 500 mL ; endehors de ces critères, elle augmente la mortalité de 30% [231]. Elle s’applique donc aux patients anémiques (Hb < 70 g/L), car on ne gagne rien à dépasser une valeur d'Hb de 90-100 g/L [164]. Comparé à la gestion traditionnelle, la mise en place d’un programme global d’épargne sanguine comprenant un seuil de transfusion restrictif (Hb < 70 g/L) et une série de mesures périopératoires (correction de l’anémie préopératoire, hémodilution et autotransfusion peropératoires, hémostase soigneuse, antifibrinolytiques, monitorage de la coagulation) divise par quatre le taux de transfusion (10.6% des patients au lieu de 42.5%) et par trois la mortalité (0.8% au lieu de 2.5%) [142]. Epargne sanguine : techniques d’anesthésie Normothermie peropératoire Ventilation à FiO2 1.0 Curarisation et anesthésie profondes Augmentation du DC (catécholamines) Récupération sanguine (Cell-Saver™) Seuil de transfusion à Hb 70-80 g/L Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 54 Cas particulier : les Témoins de Jéhovah La médecine transfusionnelle doit beaucoup aux Témoins de Jéhovah et à leur refus de recevoir du sang. Leur intransigeance a remis en question le bien-fondé des indications à l’administration de globules rouges et a contraint à explorer de nouvelles pistes pour la prise en charge du malade anémique. Il est donc logique de discuter ici l’attitude actuelle vis-à-vis de ce groupe de patients particuliers. Ce chapitre est basé sur la Directive du CHUV établie par l’auteur en 2001 et sur un article publié en 2006 [tj2] ; il se fonde sur la législation en vigueur en Suisse. Croyances religieuses Groupement fondé dans les années 1870 en Pennsylvanie (USA), les Témoins de Jéhovah s'attachent à une lecture rigoureuse de la Bible. Cette parole est l'autorité absolue; elle est prioritaire sur toutes les règles humaines. Le respect littéral de la parole biblique les a entraînés à affirmer que la transfusion est l’équivalent de l’ingestion alimentaire de sang, qui est formellement interdite puisque l'âme, source de vie, est dans le sang et que Dieu en revendique la propriété absolue. D'autre part, le refus du sang est un ciment identitaire très fort au sein de la communauté [tj7]. L'aspect déroutant de cette attitude réside dans l'amalgame d'une demande de soins correspondant aux prestations techniques offertes au XXIème siècle et de croyances fondées sur des notions que l'on avait il y a trois millénaires. Les Témoins de Jéhovah refusent catégoriquement les éléments suivants (tj9): Transfusions allogéniques de sang entier et de concentrés érythrocytaires ou leucocytaires ; Transfusions de plaquettes ; Administration de plasma frais congelé ; Prédonation de sang autologue, parce que la continuité entre le sang et le patient est interrompue. Un certain nombre de techniques sont laissées au libre arbitre de l’individu mais sont généralement acceptées par les Témoins de Jéhovah, à la condition qu’il n’y ait aucune interruption du circuit entre le malade et son propre sang retransfusé : Circulation extra-corporelle (CEC) ; Récupération sanguine (Cell-saver®) ; Hémodilution normovolémique peropératoire ; Perfusions d’albumine ; Composés du sang qu’ils considèrent comme "mineurs": fibrinogène, facteurs de coagulation isolés et immunoglobulines humaines. Ce qui importe en l’occurrence est l’assurance que le sang fasse toujours partie de l’organisme, même par le biais d’une extension artificielle du système circulatoire comme la CEC. Une tubulure remplie de solution physiologique connectée en permanence entre le malade et la poche de prélèvement ou le réservoir de récupération remplit parfaitement cette condition. Les facteurs de coagulation et l’EPO obtenus par génie génétique sont acceptés puisqu’ils ne sont pas d’origine humaine. Aspects éthiques et juridiques On ne saurait obliger quiconque à se soumettre à un geste médical ou chirurgical qu’il juge en conscience immoral. Les décisions d'un patient peuvent paraître déraisonnables du point de vue médical, mais elles ne le sont pas dans l'échelle des valeurs du sujet concerné. Comme le respect du principe d’autonomie du patient prévaut sur celui de la préservation de la vie dans les situations où l’individu est capable de discernement et correctement informé, le médecin se doit de respecter les Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 55 options religieuses de ses patients. Une discussion confidentielle entre le médecin et le malade, endehors de l'influence de la famille ou des coréligionnaires, doit permettre d’éclairer tous les risques liés à un acte médical ; ce dialogue est d’autant plus important que l’attitude de chaque Témoin de Jéhovah peut varier sur des points particuliers. Au terme de cet entretien, le patient et le(s) médecin(s) concerné(s) signent un document qui engage les deux parties à respecter le refus de transfusion et à utiliser tous les traitements alternatifs à la transfusion allogénique. Le refus d’un élément thérapeutique ne délie nullement le médecin de sa responsabilité quant aux autres possibilités de soin; son devoir d’assistance reste entier à cet égard. Même s'il travaille en équipe, tels l’anesthésiste et le chirurgien, chaque praticien garde entière sa propre responsabilité. Tout médecin peut refuser de prendre en charge un patient qui fixe des limites à sa liberté de prescription, pour autant qu'il n'en résulte aucun dommage et que la vie du malade ne soit pas mise en danger par ce refus. Situations particulières En cas d'urgence, l'anesthésiste ou le médecin-réanimateur sont tenus de prendre en charge un patient dont la vie est menacée et de se conformer à ses vues, pour autant qu'elles aient été expressément formulées par écrit sous forme de décharge actuelle ou prévisionnelle (directives anticipées) [tj3]. Si les directives avancées sont suffisamment claires, elles doivent être admises comme l’expression valable de la volonté du malade. Par contre, lorsque le doute sur la validité du refus de transfusion est fondé, la décision doit pencher en faveur de la préservation de la vie: le médecin se doit en premier lieu de soigner le traumatisme ou la maladie, tant que la preuve d’une opinion opposée du patient n’est pas formellement démontrée. Cependant, l’option de transfuser ne peut être prise qu’après avoir épuisé toutes les solutions de remplacement, et dans le cas où la situation clinique entraîne clairement et rapidement le décès en l’absence de transfusions [tj4]. Toute décision allant à l'encontre des désirs formulés ou supposés du patient doit être prise conjointement par deux médecins aînés de l'institution; auparavant, ils doivent veiller à en faire part au malade et aux proches, et à obtenir l’aval de la Justice. Cet appel au Juge n’aura lieu qu’après avoir épuisé toutes les autres mesures de conciliation. Trois situations sont envisageables. Le malade est conscient et peut formuler adéquatement sa volonté de ne pas être transfusé; tout doit être entrepris pour soigner le malade dans les limites imposées par le respect de son autonomie; en cas d'hémorragie incontrôlable, l'équipe soignante doit accepter le décès du malade. Le malade n'est pas en état de décider, mais est porteur d’une décharge prévisionnelle récente (moins de deux ans), dûment signée devant témoin, mentionnant son refus de transfusions; la situation est superposable à la précédente. Si la situation peut laisser un doute fondé sur la décision réelle du malade face à la mort par hémorragie, ou si l'évidence suggère que le patient pourrait avoir changé d'avis depuis le moment de sa décision, le médecin se doit de préserver la vie avant tout, et de transfuser en cas d'extrême nécessité. Il en est de même en cas d’urgence vitale immédiate, où la temporisation jusqu’à l’obtention du consentement des proches et du Juge n’est pas possible. En pédiatrie, la relation thérapeutique s'inscrit dans un espace à trois dimensions: médecin, enfant et parents. Juridiquement, l’autorité parentale doit être exercée pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, mais elle n’a nullement le droit de vie ou de mort sur lui. Elle ne peut en aucun cas le sacrifier en martyr à une cause qui n'est pas la sienne. Trois cas de figure sont possibles. L'enfant a moins de 12 ans et n'a pas la capacité de décider pour lui-même, mais ses parents s'opposent à la transfusion alors que les médecins la jugent impérative pour sauver sa vie; en Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 56 l'absence de consensus avec la famille, il en sera référé au Juge pour que l’enfant soit placé sous curatelle pour la durée nécessaire au traitement transfusionnel et sur ce seul point. L'enfant est âgé de 12 à 18 ans, et possède la capacité de discernement, considérée comme la capacité de manifester clairement sa volonté de manière autonome et de mesurer la conséquence de ses décisions. En cas de désaccord avec les parents, c'est l'opinion de l'enfant qui prime; il est capital d'avoir une discussion avec l'enfant en l'absence de ses parents pour apprécier son autonomie de jugement. Si la situation est urgente, la transfusion doit être immédiate pour sauver la vie de l'enfant, quel que soit son âge; le principe de préservation de la vie prime sur les autres considérations; les parents en sont avertis et la demande est faite au Juge après coup si le délai ne permet pas une prise de contact avant l'intervention. Lorsqu’il a été envisagé de transfuser en cas de nécessité, il va sans dire que les médecins doivent rester extrêmement restrictifs sur l’indication à la transfusion allogénique ; celle-ci ne doit intervenir qu’en dernier recours, lorsque ont été épuisées toutes les autres alternatives au maintien de la volémie et au transport d’oxygène. Dans toutes ces situations, le contact et la discussion avec les proches sont essentiels. Discussion éthique L'aptitude à se représenter le monde de l'Autre, qui est le fondement de l'éthique, est parfois difficile lorsque cet Autre affiche des croyances qui nous sont particulièrement étrangères. Ses connaissances et son ascendant confèrent au médecin une position de pouvoir qui rend asymétrique sa relation avec le malade, et qui peuvent le pousser à tenter de convertir ce dernier à ses vues ou à rétrécir le débat à la seule dimension de la santé physique [tj1]. Le débat concernant la transfusion chez les Témoins de Jéhovah replace l'autorité thérapeutique du médecin en face du droit de l'individu à décider de ce qui est bon pour lui-même, et confronte les valeurs religieuses du patient à celles de l'éthique médicale de nos sociétés laïques [tj2]. Refuser tout ou partie d'un traitement met en conflit deux principes éthiques, le principe d'autonomie et celui de bienfaisance. Le premier, qui a pris de plus en plus de poids au cours de ces trente dernières années, spécifie que le malade a un droit entier et absolu de décider ce qui est bon pour lui-même; le deuxième affirme que le devoir essentiel du soignant est de mettre tout son savoir et toutes ses capacités au service du malade, en particulier de lui sauver la vie si celle-ci est en danger. Les Témoins de Jéhovah exacerbent certainement ce conflit potentiel en poussant le principe d'autonomie jusqu'à la sacralisation au nom de la priorité de la vie spirituelle sur la survie physique [tj5,tj6]. Mais préserver la vie, base du principe de bienfaisance, est considéré comme la finalité de la médecine et comme la priorité de la société civile. A telle enseigne que 63% des intensivistes européens consultés transfuseraient un patient malgré son refus si la situation le requerrait [tj8]. Un patient capable de discernement est légitimé à refuser une thérapeutique comme la transfusion, mais il ne peut pas exiger une intervention chirurgicale sans transfusion si l'opération est impossible dans ces conditions. Il arrive ainsi que le refus de sang crée une situation contraire à un autre principe éthique, le principe d'équité entre les malades: sans transfusion, par exemple, le succès d'une transplantation d'organe rare comme le coeur ou le poumon est très limité; de ce fait, le patient détourne au profit de son exigence religieuse personnelle un organe auquel un receveur plus compliant offrirait davantage de chances et qui est de ce fait soustrait à la communauté des receveurs potentiels. Lors de décisions difficiles, il est capital que participent à la discussion tous les intervenants de la chaîne des soins (chirurgiens, anesthésistes, intensivistes), et que le personnel infirmier puisse faire valoir son opinion. Il se peut également que l'on soit tenté de déployer des moyens thérapeutiques invasifs, onéreux et risqués pour éviter la transfusion, qui est en soi une thérapie plus sûre et plus efficace que les alternatives choisies; ceci relève du principe de futilité. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 57 Au-delà des principes éthiques habituels, il est demandé au médecin d'étendre le principe de bienfaisance à la préservation de la vie spirituelle lorsque celle-ci prime sur la vie physique dans l'esprit du patient. Il s'agit de faire passer ses convictions propres après celles du malade, ou à mettre en veilleuse sa propre échelle de valeur au profit de celle d'autrui. Au lieu de son éthique, où préserver la vie est un critère quasi absolu, il lui faut accepter un code de valeurs où la récompense éternelle est préférable à la vie de ce monde, même si cela lui est étranger. Face à un patient qui a le courage d'accepter la mort plutôt que de déroger à ses convictions, il est normal d'avoir celui de faire taire ses opinions et de respecter pleinement celles du malade. On peut rétorquer à cette exigence que le malade qui a des enfants à charge défend sa vie spirituelle de manière fort égoïste en faisant passer ses croyances personnelles avant le bien de ceux dont il est responsable et en préférant assurer le salut de son âme plutôt que celui de ses proches. Même s'il ressent un manque de réciprocité entre l'autonomie reconnue au malade et celle qui ne lui est pas accordée dans ses choix thérapeutiques, le médecin n'a ni le pouvoir ni le droit de trancher dans les décisions de son patient. Mais les positions religieuses extrêmes des patients les plus orthodoxes se retrouvent toujours en confrontation avec l'esprit de tolérance de notre société, et se heurtent souvent avec les principes de l'éthique clinique qui donnent son sens à l'activité des soignants. La prise en charge de patients Témoins de Jéhovah implique de ne pas juger les valeurs qu'on ne partage pas et de lutter, y compris contre soi-même, pour la liberté de pensée de chacun, comme le faisait Voltaire dans ce mot célèbre: "Je ne suis point d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous puissiez le dire". Références tj1 tj2 tj3 tj4 tj5 tj6 tj7 tj8 tj9 BENAROYO L. Ethique et responsabilité en médecine. Genève: Ed Médecine & Hygiène, 2006 CHASSOT PG, KERN C, RAVUSSIN P. Hémorragie et transfusion: le cas des Témoins de Jéhovah. Rev Méd Suisse 2006; 2(88):2674-6, 2678-9 FINFER S, HOWELL S, MILLER J, et al. Managing patients who refuse blood transfusions: an ethical dilemna. Brit Med J 1994; 308:1423-5 LORIAU J, MANAOUIL C, MONTPELLIER D, et al. Chirurgie et transfusion chez les patients témoins de Jéhovah. Mise au point médico-légale. Ann Chirurgie 2004; 129:263-8 MAYLON D. 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L'anémie aggrave la mortalité et la morbidité postopératoires, mais sa correction par la transfusion tend à péjorer le pronostic. Il est donc impératif de conserver le sang autologue du patient par tous les moyens possibles. On peut schématiquement résumer la problématique du rapport risque/bénéfice de la transfusion sanguine en quatre énoncés. En défaveur de la transfusion : risque de transmission infectieuses (1.105 – 0.5.106), risque d’accidents sévères (0.5‰) et d’incidents critiques (4‰), augmentation de l’incidence des infections nosocomiales et du SDRA, immunomodulation (TRALI, récidive cancéreuse), faible disponibilité, coûts élevés. Pour un individu sain, il n’y a pas de bénéfice à recevoir une transfusion lorsque l’Hb est supérieure à 70 g/L; le maintien d'un taux d'Hb > 90 g/L n'améliore pas le pronostic et tend même à l'aggraver. En faveur de la transfusion : amélioration de la survie et de la morbidité chez les malades sévèrement anémiques, notamment lorsqu’ils souffrent de cardiopathies, de pneumopathies ou de polytraumatisme, et lorsqu’ils sont débilité ou âgés. Le seuil de transfusion (en moyenne : Hb 60-70 g/L) est plus élevé (80-90 g/L) en cas de souffrance des organes les plus sensibles (cœur, cerveau) et lors d'hémorragie massive. L’indication à la transfusion est l’amélioration du transport d’O2; celui-ci n’est augmenté que dans la mesure où il était abaissé au préalable. Le critère de transfusion n'est pas fondé seulement sur une valeur d'Hb, d’autant plus que celle-ci est artificiellement abaissée par l’hémodilution (CEC), mais sur un ensemble de données physiologiques: o SaO2 < 90%, SvO2 < 50%, ScO2 abaissée de > 20% (bilatéral) ; o Sous-décalage du segment ST, BB, nouvelles altérations cinétiques segmentaires ; o Hb < 60 à < 80 g/L selon les cas ; o Hémorragie active ou massive ; o Tachycardie (peu importante sous anesthésie générale) ; o Hypotension (PAM < 75% valeur habituelle) (très liée à l’hypovolémie). La gestion globale du sang du malade (Patient blood management) consiste à corriger l’anémie en stimulant la synthèse des érythrocytes, à préserver au maximum la masse sanguine par des moyens techniques et pharmacologiques, et à ne transfuser que lorsque les bénéfices attendus des concentrés érythrocytaires sont supérieurs à leurs risques. L’équilibre des bénéfices et des risques de la transfusion lui confère une ambivalence clinique : elle améliore le pronostic des malades dont le taux de globules rouges est trop bas pour les circonstances, mais péjore celui des patients transfusés lorsque la situation ne le réclame pas impérativement. Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 59 Bibliographie Lectures conseillées FERRARIS VA, BROWN JR, DESPOTIS GJ, et al. 2011 update to the Society of Thoracic Surgeons and the Society of Cardiovascular Anesthesiologists blood conservation clinical practice guidelines. Ann Thorac Surg 2011; 91:94482 GOODNOUGH LT, LEVY JH, MURPHY MF. GOODNOUGH LT. Blood transfusion 1. Concepts of blood transfusion in adults. Lancet 2013; 381:1845-54 KOZEK-LANGENECKER SA, AFSHARI A, ALBALADEJO P, et al. Management of severe perioperative bleeding. Guidelines from the European Society of Anaesthesiology. Eur J Anaesthesiol 2013; 30:270-382 NALLA BP, FREEDMAN J, HARE GMT, MAZER CD. 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SPAHN Professeur d’Anesthésiologie, Faculté de Médecine, Université de Zürich, CH - 8031 Zürich Chef de Service, Institut für Anästhesiologie, UniversitätSpital Zürich (USZ), CH - 8091 Zürich Précis d’anesthésie cardiaque 2015 – 28 Transfusions 68