REVUE DE PRESSE Syndrome clinique isolé : les larmes aussi !

publicité
REVUE DE PRESSE
dirigée par le Pr T. Moreau
Syndrome clinique isolé : les larmes aussi !
G. Calais et al. ont étudié la concordance dans les syndromes cliniques isolés (SCI) entre la
présence des bandes oligoclonales (BOC), le taux d’IgG et l’index IgG de Link dans le liquide
cérébro-spinal (LCS) et dans les larmes, ainsi que leur relation avec les résultats de l’IRM
cérébrale. En effet, les follicules lymphoïdes présents dans les glandes lacrymales seraient
similaires à ceux identifiés au niveau des méninges des formes secondairement progressives
de sclérose en plaques (SEP). Des patients SCI de 10 centres français ont été inclus et une
immuno-électrofocalisation (IEF) des 3 liquides a été comparée : sang, LCS et larmes. Les
larmes ont été recueillies avec les bandelettes des tests de Schirmer, conservées à – 80 °C dans
un tube stérile puis réhydratées avec une solution isotonique. Les 3 IEF ont été examinées
et comparées par 2 biologistes entraînés. Quatre-vingt-deux patients ont été inclus entre
septembre 2004 et décembre 2008 : 29 hommes et 53 femmes ; la moyenne d’âge était
de 33,6 ± 10 ans. Les analyses n’ont pu être réalisées que chez 69 patients (tubes cassés,
problèmes de dilution de l’échantillon). Le taux de concordance entre la présence de BOC,
du LCS et des larmes était de 78,3 %. Tous les patients ayant des BOC dans les larmes en
avaient dans le LCS (26/69). Parfois, les BOC dans les larmes étaient moins nombreuses que
dans le LCS ; pour être positives, les larmes devaient montrer 3 BOC au minimum. Les signes
cliniques et l’IRM des patients ayant un LCS et des larmes positifs n’étaient pas différents
des patients ayant un LCS et des larmes négatifs. Le taux d’IgG était significativement plus
élevé dans le groupe LCS positif, qu’il soit “larmes positives” ou non. Pour l’index IgG,
si le LCS était positif, il n’y avait pas de différence entre le groupe larmes positives et le
groupe larmes négatives.
A. Fromont, Dijon
Étude TEP du pattern d’activation motrice
dans l’atrophie multisystématisée et la maladie
de Parkinson
L’atrophie multisystématisée (MSA) est un syndrome parkinsonien associant une dysautonomie, une ataxie cérébelleuse et une faible dopasensibilité. La dégénérescence neuronale
dans la MSA atteint le système nigrostriatal mais aussi le cervelet et les voies olivo-pontocérébelleuses. La MSA et la maladie de Parkinson (MP) diffèrent dans leur progression, leur
neuropathologie et leur réponse au traitement. Une différence d’activation des circuits
moteurs est aussi suspectée. L’objectif de cette étude en tomographie par émissions de
positons (TEP) était de comparer l’activation motrice lors d’une tâche effectuée avec la main
droite chez des patients MSA avant, puis après une dose de charge de lévodopa, à celles
des patients parkinsoniens (PK) et des sujets témoins.
Les résultats montrent que les mouvements de la main induisent un pattern anormal et
différent d’activation motrice chez les patients MSA et PK par rapport aux sujets témoins. Les
mouvements effectués avec la main droite induisent chez les sujets témoins une activation du
cortex sensori-moteur primaire controlatéral, du cortex pariétal, de l’aire motrice supplémentaire et du cervelet. Les patients PK sans lévodopa présentent un défaut ­d’activation de l’aire
motrice supplémentaire, reflétant le déficit de la voie de sortie motrice thalamo-corticale.
Cela s’accompagne d’une activation accrue du cervelet homolatéral par rapport aux sujets
témoins, ce qui suggère un mécanisme d’adaptation, l’activation directe ou indirecte de la
340 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 10 - novembre 2010 Commentaire
Dans l’étude de G. Calais et al., lorsque les BOC
sont détectées dans les larmes, le LCS est aussi
positif. Une détection des BOC dans les larmes
peut être un premier examen chez les patients
SCI, puisque 42 % des patients LCS positifs de
l’étude ont des BOC dans les larmes. En revanche,
lorsque la recherche de BOC est négative dans les
larmes, une ponction lombaire est indispensable
afin d’évaluer le risque de transformation en SEP.
Ces résultats nécessitent une étude complémentaire sur un plus grand nombre de patients et une
technique d’IEF dans les larmes mieux standardisée.
Référence bibliographique
Calais G, Forzy G, Crinquette C et al. Tear analysis in
clinically isolated syndrome as new multiple sclerosis
criterion. Mult Scler 2010;16:87-92.
REVUE DE PRESSE
boucle motrice cérébelleuse compensant le dysfonctionnement des ganglions de la base.
Après l’administration de lévodopa, l’augmentation de l’activation cérébelleuse qui est
observée montre que le cervelet joue un rôle non négligeable dans la réponse au traitement.
Chez les patients MSA, avant la prise de lévodopa, l’activation du cervelet est plus faible
que chez les PK et les sujets témoins, en lien avec l’atteinte cérébelleuse de la MSA, ce qui
témoigne de l’incapacité des patients MSA à compenser le déficit des ganglions de la base
par l’activation du cervelet. D’autres voies de compensation sont probablement recrutées
chez ces patients, et l’activation plus importante de l’aire motrice supplémentaire et du
cortex pariétal supérieur par rapport aux sujets témoins et aux PK pourrait laisser penser que
ces aires seraient candidates pour ces mécanismes compensatoires. Néanmoins, ces aires
peuvent aussi être atteintes par le processus pathologique de la MSA. L’administration de
lévodopa n’induit aucune augmentation d’activation chez les patients MSA.
Ainsi, lors d’une tâche motrice, le cervelet et les aires fronto-pariétales sont recrutés différemment dans la MSA et la MP. Les patients parkinsoniens activent les voies cérébelleuses
pour compenser le dysfonctionnement des ganglions de la base. Ce phénomène n’est pas
observé chez les patients MSA, du fait de l’atteinte cérébelleuse dans cette pathologie.
I. Benatru, Dijon
Commentaire
L’activation compensatrice du cervelet dans la MP
avait déjà été démontrée par des techniques d’IRM
fonctionnelle et de SPECT. En revanche, très peu
d’études avaient fait une comparaison du pattern
d’activation motrice par TEP dans la MSA et la MP.
Le pattern d’activation observé dans les MSA est
valable aussi bien pour les MSA-C (prédominance
de l’atteinte cérébelleuse) que les MSA-P (prédominance du syndrome parkinsonien). Cette étude
apporte des connaissances supplémentaires sur
les mécanismes de la faible dopasensibilité chez
les patients MSA.
Référence bibliographique
Payoux P, Brefel-Courbon C, Ory-Magne F et al. ­Motor
­activation in multiple system atrophy and Parkinson
­disease: a PET study. Neurology 2010;75:1174-80.
Inhibiteurs calciques
et risque de maladie de Parkinson
Le calcium est impliqué dans le fonctionnement mitochondrial et active aussi des protéines
clés de la cascade apoptotique. Ces mécanismes étant supposés être impliqués dans la
dégénérescence des neurones dopaminergiques, il a été suggéré que les inhibiteurs calciques
pouvaient être neuroprotecteurs. Des études chez des modèles animaux de maladie de
Parkinson (MP) ont montré que l’isradipine pouvait réduire la perte des neurones dopaminergiques. Par la suite, 2 études cas-témoins ont rapporté des résultats contradictoires.
Cette grande étude prospective américaine avait pour objectif de déterminer si l’utilisation
d’inhibiteurs calciques prescrits pour le traitement de l’hypertension artérielle réduit le
risque de survenue d’une MP ; 120 530 femmes et 50 825 hommes, tous issus de cohortes
de professionnels de santé (Nurses’ Health Study pour les femmes et Health Professionals
Follow-up Study pour les hommes) ont été inclus. Les données sur l’utilisation des traitements
antihypertenseurs étaient recueillies par des questionnaires biannuels. Au terme des 16 ans
de suivi, 514 cas incidents de MP ont été diagnostiqués. Aucune association n’est retrouvée
entre la consommation d’inhibiteurs calciques, leur fréquence ou leur durée d’utilisation, et
le risque de survenue d’une MP. Les résultats sont identiques après ajustements des facteurs
confondants (sexe, IMC, consommation de café, de tabac et activité physique).
Cette étude n’apporte donc pas d’argument pour un rôle neuroprotecteur des inhibiteurs
calciques dans le risque de survenue d’une MP, mais il faut tenir compte de ses limites. En
effet, les résultats ne sont pas extrapolables à l’ensemble des patients parkinsoniens du
fait de la sélection des patients de l’étude parmi des professionnels de santé. Par ailleurs,
le nombre de patients sous inhibiteurs calciques est faible (environ 2 %). Enfin, les données
concernant les divers inhibiteurs calciques ne sont pas disponibles.
Commentaire
Il faut garder à l’esprit que plusieurs articles de
la littérature ont rapporté des syndromes parkinsoniens induits par des inhibiteurs calciques. Des
études complémentaires avec des analyses en sousgroupes des différents types d’inhibiteurs calciques
seraient intéressantes pour préciser le lien entre
inhibiteurs calciques et risque de survenue d’une
MP.
Référence bibliographique
Simon KC, Gao X, Chen H et al. Calcium channel blocker
use and risk of Parkinson’s disease. Mov Disord 2010;
25:1818-22.
I. Benatru, Dijon
La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 10 - novembre 2010 | 341
REVUE DE PRESSE
dirigée par le Pr T. Moreau
Syndrome de fatigue chronique :
la piste virale se confirme
Le syndrome de fatigue chronique (SFC) se caractérise par divers symptômes, dont une
fatigue physique ou mentale persistante après un effort, des troubles du sommeil, ainsi
que des douleurs musculaires ou articulaires. Malgré une reconnaissance de ce syndrome
par l’OMS en 1993, cette pathologie reste mal connue et peu étudiée. Une récente analyse
vient toutefois apporter des éléments aidant à la compréhension de ce syndrome, en même
temps qu’elle semble clore un débat entamé en 2009. À cette époque, V.C. Lombardi
et al. (1) publiaient une étude montrant la présence du virus XMRV (Xenotropic Murine
leukemia virus-Related Virus) chez 67,7 % des patients souffrant de SFC versus 3,7 % chez
des sujets sains, mais plusieurs laboratoires n’avaient pu reproduire ces résultats. Quant à
l’étude de S.C. Lo et al. (2), elle montre que l’infection de leurs patients ne se réduit pas
au virus XMRV, mais plus largement à un ensemble de virus apparentés, les MLV-related
viruses (Murine Leukemia Virus). Ils observent la présence d’un de ces virus chez 86,5 %
des patient atteints d’un SFC et chez seulement 6,8 % des sujets témoins. Les auteurs
confirment ainsi l’argument principal de l’étude initiale en liant le SFC avec la présence
d’un virus apparenté au MLV.
S. Valerio, Dartmouth College, États-Unis
Circuit trisynaptique de l’hippocampe :
le CA2 s’invite…
Les dogmes, pires ennemis du chercheur, peuvent parfois s’installer sournoisement dans
la communauté scientifique lorsqu’un nombre élevé d’études convergent vers un même
résultat. Un essai récemment mené par V. Chevaleyre et al. suggère que le célèbre circuit
trisynaptique de l’hippocampe pourrait être un de ceux-là (1).
Il est classiquement considéré que l’hippocampe traite l’information de la façon suivante :
les neurones de la couche II du cortex entorhinal excitent initialement les cellules du gyrus
dente qui projettent à leur tour sur les neurones du CA3, ces derniers activant alors le
champs CA1, étape finale du traitement hippocampique, avant retour des informations
vers le cortex. De très nombreuses études moléculaires, anatomiques, électrophysiologiques,
comportementales et même mathématiques sont venues confirmer et affiner ce modèle
trisynaptique. La surprise fut douloureuse lorsque 2 études ont montré que supprimer la
connexion CA3-CA1 ne perturbe que très peu l’activité des neurones du CA1 de même que
les capacités mnésiques (2, 3). Cherchant à trouver une explication à ces résultats plus que
déroutants, les auteurs ont simplement réexaminé le circuit hippocampique en se focalisant
sur un champ hippocampique quasiment occulté par les neurobiologistes pendant 75 ans :
le CA2. Cette petite région, située entre les aires CA3 et CA1, est classiquement considérée comme une aire de transition anatomique entre ces 2 structures. La découverte de
V. Chevaleyre et al. est fascinante : les neurones du CA2 reçoivent des projections directes
du cortex entorhinal sur leurs dendrites distales via des connexions excitatrices très fortes,
bien supérieures à celles reçues sur leurs dendrites proximales, qui proviennent du CA3.
Le CA2 est en retour directement et fortement connecté aux neurones du CA1, et malgré
la faible quantité de neurones qui constituent le CA2, une stimulation de ce champ induit
une activation marquée du champ CA1. En d’autres termes, cette étude met en évidence
l’existence d’un circuit disynaptique cortex-CA2-CA1 qui pourrait contourner le circuit
trisynaptique pour le traitement des informations par le champ CA1.
P. Trifilieff, Columbia university, États-Unis
342 | La Lettre du Neurologue • Vol. XIV - n° 10 - novembre 2010 Commentaire
Bien qu’elle n’explique pas complètement les
divergences des travaux précédents, cette étude
suggère que ces différences pourraient résulter de
la diversité génétique des virus observés, et donc
de la difficulté à les détecter. Il reste maintenant à
confirmer le lien causal qui pourrait exister entre
le développement du SFC et la présence de ces
virus.
Références bibliographiques
1. Lombardi VC, Ruscetti FW, Das Gupta J et al. Detection
of an infectious retrovirus, XMRV, in blood cells of patients
with chronic fatigue syndrome. Science 2009;326(5952):
585-9.
2. Lo SC, Pripuzova N, Li B et al. Detection of MLV-related
virus gene sequences in blood of patients with chronic
fatigue syndrome and healthy blood donors. Proc Natl
Acad Sci USA 2010;107(36):15874-9.
Commentaire
D’un point de vue fondamental, cette étude
vient très probablement de poser les bases pour
un réexamen du fonctionnement de l’hippocampe. Au-delà de simples considérations neurobiologiques, la mise en lumière de l’importance
fonctionnelle du CA2 implique également de
reconsidérer certaines observations totalement
ignorées par le passé. Par exemple, il a été montré
que les neurones du CA2 sont les seules cibles
hippocampiques du noyau supramamilaire qui
contrôle le rythme thêta et la propagation d’acti­
vités épileptiques dans l’hippocampe. De même,
dans l’hippocampe de patients schizophrènes ou
bipolaires, l’expression de plusieurs marqueurs
cellulaires et synaptiques est exagérément altérée
dans le CA2 par rapport aux autres régions. L’étude
de V. Chevaleyre et al. est donc plus de l’ordre
du “rocher dans la flaque” que du “pavé dans la
mare” et vient très certainement ouvrir tout un
nouvel axe de recherche tout en rappelant qu’il
est important de garder à l’esprit que ce n’est pas
la taille qui compte...
Références bibliographiques
1. Chevaleyre V, Siegelbaum SA. Strong CA2 pyramidal
neuron synapses define a powerful disynaptic corticohippo­campal loop. Neuron 2010;66:560-72.
2. Brun VH, Otnass MK, Molden S et al. Place cells and
place recognition maintained by direct entorhinalhippocampal circuitry. Science 2002;296:2243-6.
3. Nakashiba T, Young JZ, McHugh TJ et al. Transgenic
inhibition of synaptic transmission reveals role of CA3
output in hippocampal learning. Science 2008;319:1260-4.
Téléchargement