u cours des dernières années, les techniques endo-
vasculaires, et notamment les endoprothèses cou-
vertes, ont révolutionné le traitement des lésions de
l’aorte thoracique descendante. Initialement réservées aux
patients ayant le risque chirurgical le plus élevé, ces techniques
se positionnent de plus en plus en première ligne des méthodes
thérapeutiques disponibles.
MATÉRIEL ET PROCÉDURE D’IMPLANTATION
Les endoprothèses couvertes sont constituées d’un stent auto-
expansible réalisé le plus souvent en matériaux à mémoire de
forme et recouvert d’un polyester (PTFE ou Dacron) de faible
épaisseur. Les diamètres disponibles s’échelonnent de 2 mm en
2 mm entre 18 et 46 mm. Le stent est maintenu serré dans un
introducteur de 18 à 24 frenchs. Les endoprothèses actuellement
disponibles pour le traitement des lésions de l’aorte thoracique
sont Talent®(Medtronic) et Zénith®(Cook). Une nouvelle pro-
thèse Gore devrait être disponible d’ici septembre.
Selon les équipes, l’implantation de l’endoprothèse est effectuée
soit au bloc opératoire, soit en salle de radiologie vasculaire.
Le patient est installé en décubitus dorsal. Le champ opératoire
comprend les deux triangles de Scarpa, les flancs (pour pouvoir
aborder les vaisseaux iliaques par voie rétropéritonéale si néces-
saire) et le thorax. Nous préférons laisser le membre supérieur
gauche à 90 °C, installé dans le champ opératoire. Cela permet
d’introduire par voie humérale une sonde “queue de cochon” qui
sert aux injections de produit de contraste. Le patient reçoit une
dose de 0,5 mg/kg d’héparine intraveineuse. Une des artères
fémorales communes est abordée chirurgicalement en remontant
bien au ras de l’arcade, voire au-dessus, afin d’avoir une artère
de bon calibre. Après introduction d’un guide rigide jusque dans
l’aorte ascendante, le système de largage de l’endoprothèse est
introduit par une courte artériotomie. La réalisation d’une angio-
graphie permet de visualiser les différents repères anatomiques
nécessaires au bon positionnement de la prothèse. Après déploie-
ment, celle-ci peut être appliquée, si nécessaire à l’aide d’un bal-
lon. Le résultat est contrôlé par une nouvelle angiographie et/ou
par échographie transœsophagienne.
INDICATIONS ET LIMITES DES ENDOPROTHÈSES
COUVERTES
Tous les types de lésion peuvent être traités : anévrismes, faux
anévrismes (anastomotiques, mycotiques, traumatiques), dissec-
tions, hématomes de paroi et ulcères pénétrants.
MISE AU POINT
La Lettre du Cardiologue - n° 370 - décembre 2003
33
Les endoprothèses de l’aorte thoracique
descendante
Covered stent grafts for the treatment of the descending thoracic aorta
l
P. Leprince, A. Pavie*
* Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, Institut de cardiologie,
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, bd de l’Hôpital, 75013 Paris.
n
Les endoprothèses couvertes permettent de traiter les
différents types de lésions de l’aorte thoracique des-
cendante.
n
Les indications sont les mêmes que pour la chirurgie :
anévrismes, faux anévrismes (anastomotiques, myco-
tiques, traumatiques), dissections, hématomes de paroi
et ulcères pénétrants.
nLes contre-indications sont essentiellement un collet de
moins de 20 mm de long et/ou dont le diamètre est supé-
rieur à 46 mm.
nPour des lésions étendues (crosse ou aorte infracœ-
liaque), des procédures combinées sont utilisables.
nLes prothèses actuelles donnent des résultats à court
terme satisfaisants, avec une morbimortalité faible.
Mots-clés : Endoprothèses - Aorte thoracique - Anévrisme
- Dissection.
Keywords: Covered stent grafts - Thoracic aorta - Aneu-
rysm - Dissection.
Points forts
A
La Lettre du Cardiologue - n° 370 - décembre 2003
34
MISE AU POINT
Les indications sont actuellement les mêmes que pour la chirur-
gie : diamètre aortique supérieur à 6 cm, critères d’évolution de
la lésion, lésion symptomatique. Dans notre équipe, nous favo-
risons l’approche endovasculaire dès que la situation anatomique
le permet. L’imagerie préalable comporte des coupes scanogra-
phiques millimétriques, jointives ou chevauchées de l’aorte, ainsi
qu’une artériographie graduée. Un repérage de la vascularisation
médullaire est réalisé en fonction de la topographie de la lésion.
La contre-indication technique majeure est un collet trop court,
c’est-à-dire un segment d’aorte saine inférieur à 2 cm, ou un col-
let dont le diamètre est supérieur à 46 mm. En cas de collet court,
certains artifices permettent d’améliorer l’ancrage de l’endopro-
thèse : l’artère sous-clavière gauche peut être recouverte en réa-
lisant, si nécessaire, un pontage carotido-sous clavier ; certaines
prothèses (Talent®, Medtronic) présentent une partie initiale non
couverte permettant un ancrage directement au niveau des
branches collatérales, sans les occlure ; enfin, il est possible de
transposer chirurgicalement certaines collatérales artérielles,
comme les troncs supra-aortiques, afin de mettre en place, secon-
dairement, une endoprothèse.
Les autres contre-indications à type d’angulation trop importante
sont exceptionnelles. De même, les limites liées à la mauvaise
qualité des artères périphériques peuvent être contournées
par une abord rétropéritonéal des artères iliaques ou de l’aorte
abdominale sous-rénale.
Les fuites paraprothétiques. L’une des causes majeures d’échec
du traitement par endoprothèse couverte est la persistance d’une
fuite paraprothétique continuant à alimenter la lésion anévris-
male.
Ces fuites sont classées en quatre types (tableau I).
TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE DES ANÉVRISMES
DE L’AORTE THORACIQUE DESCENDANTE
(figure 1)
L’équipe de l’université de Standford a été la première à rappor-
ter les résultats du traitement des anévrismes de l’aorte descen-
dante par endoprothèse couverte, autoexpansible, introduite par
voie fémorale (1). Plus récemment, la même équipe rapportait
son expérience sur 103 patients (2). Parmi ceux-ci, 12 % avaient
été traités en raison d’une rupture aiguë et 60 % avaient été récu-
sés pour la chirurgie. La mortalité opératoire était de 9 % et le
taux de troubles neurologiques périphériques de 3 %. Le taux de
succès (thrombose de la poche anévrismale) était de 84 %. La
survie à deux ans était de 75 ± 5 %. Cette survie était de 91 %
chez les patients non récusés pour la chirurgie contre 60 % chez
les patients récusés.
Au cours de ces dernières années, les indications ont été mieux
cernées, le matériel a été amélioré et les procédures ont été effec-
tuées chez des patients à plus faible risque opératoire. La plupart
des études récentes rapportent une mortalité postopératoire nulle
lorsque la procédure est effectuée en dehors d’un contexte d’ur-
gence (3-5). Les cas d’échec de déploiement de la prothèse en
bonne position et les conversions chirugicales sont rares. Les
complications liées à la procédure les plus fréquentes sont les
lésions des axes ilio-fémoraux qui nécessitent une réparation. Les
troubles neurologiques périphériques sont exceptionnels, favori-
sés par le traitement simultané de l’aorte thoracique et de l’aorte
abdominale.
Le taux de fuites paraprothétiques post-procédure est de l’ordre
de 10 %. La majeure partie de ces fuites sont minimes et dispa-
raissent en quelques semaines. En cas de persistance, la plupart
sont traitées par voie endovasculaire.
DISSECTIONS DE L’AORTE
(figures 2a, 2b)
Principe du traitement
Il a été montré expérimentalement qu’il était possible de réacco-
ler les deux cylindres d’une dissection par la mise en place d’une
endoprothèse non couverte (6, 7). Toutefois, l’endoprothèse doit
alors couvrir la totalité de la dissection. Il est en revanche
possible d’engendrer une thrombose du faux chenal par simple
Figure 1. Anévrisme de l’aorte thoracique descendante exclu par une
endoprothèse.
Tableau I. Fuites paraprothétiques.
Type Description Traitement
IFuite à une des extrémités Accolement au ballon
de la prothèse liée à un défaut Mise en place d’une
d’accolement autre endoprothèse
II Fuite rétrograde provenant Embolisation
d’une branche collatérale des collatérales
Plus fréquente à l’étage
abdominal
III Déchirure du recouvrement Mise en place d’une
de la prothèse ou défaut de nouvelle endoprothèse
chevauchement de 2 prothèses
IV Porosité du recouvrement Mise en place d’une
de la prothèse nouvelle endoprothèse
couverture de la porte d’entrée principale par une prothèse cou-
verte (8). C’est le but actuellement recherché dans le traitement
des dissections par endoprothèse couverte. Bien entendu, ce trai-
tement n’est possible que s’il existe une porte d’entrée bien indi-
vidualisée au niveau de l’aorte thoracique descendante. Le choix
du diamètre de la prothèse est souvent difficile : le vrai chenal
est habituellement de petite taille, comprimé par le faux chenal
qui est anévrismal. Le diamètre de référence est souvent mesuré
au niveau d’une portion saine de l’aorte s’il en existe une. La lon-
gueur de la couverture reste un aspect discuté. Certains préconi-
sent d’utiliser des prothèses de faible longueur afin de limiter le
risque de complications neurologiques. Cependant, l’utilisation
de longueurs de couverture plus importantes peut éviter la sur-
venue de complications, sans pour autant augmenter le risque de
survenue d’accidents neurologiques (9).
Endoprothèses couvertes et dissections aiguës
de type B
Dans la série de Dake et al., 15 patients ayant une dissection aiguë de
type B ont été traités par endoprothèse couverte (10). Dans tous les
cas, l’indication avait été posée du fait d’une complication à type d’is-
chémie, de rupture ou de douleur persistante. La mortalité hospita-
lière de 16 % peut être considérée comme faible, compte tenu de
l’existence d’une complication souvent sévère à l’admission. Après
un suivi de 5 à 28 mois, 10 des 12 patients survivants avaient une
thrombose du faux chenal, et les deux autres un thrombose partielle.
Plus récemment, Hutschala et al. (9) ont rapporté des résultats
immédiats meilleurs chez 9 patients ayant une dissection aiguë
de type B avec une mortalité hospitalière nulle et une paraplégie
incomplète régressive après drainage du LCR. La durée moyenne
d’hospitalisation en unité de soins intensifs était de 2,3 jours et la
durée totale d’hospitalisation de 7,4 jours. Après un suivi moyen
de 6 mois, le diamètre moyen du faux chenal avait diminué, pas-
sant de 2,34 ± 0,58 cm à 0,7 ± 0,44 cm, et celui du vrai chenal
avait augmenté de 1,56 ± 0,5 cm à 4,10 ± 0,6 cm. Une thrombose
complète du faux chenal était retrouvée chez 2 patients, et uni-
quement en regard de la prothèse chez les 7 autres. Kato et al. ont
rapportés des résultats plus réservés dans les dissections aiguës
(11). Dans les suites immédiates de la procédure, 25 % des patients
de leur série avaient développé une complication aortique à type
d’endofuite (n = 2) ou de lésion anévrismale (n = 6), notamment
en regard de l’extrémité supérieure de la prothèse. Dans la même
série, aucun des patients traités en phase chronique ne présentait
ce type de complication. À un an, aucun des patients ayant une
dissection chronique n’avait nécessité de réintervention, contre
40 % chez les patients ayant une dissection aiguë.
Ces différentes séries montrent que le traitement par endoprothèse
des dissections aiguës type B, lorsqu’elles sont compliquées, per-
met d’obtenir de bons résultats au prix d’une morbi-mortalité faible.
Toutefois, en l’absence de complication, il semble raisonnable de
temporiser quelques semaines pour la mise en place d’une endo-
prothèse, afin de limiter la survenue de complications aortiques.
Endoprothèses et dissections chroniques
Qu’il s’agisse de dissections de type B traitées médicalement et sur-
veillées ou de dissections de type A pour lesquelles l’aorte ascen-
dante a été traitée chirurgicalement, les risques évolutifs sont la
dilatation anévrismale et la rupture. Tout comme à la phase aiguë,
le but du traitement par endoprothèse couverte est d’obturer la porte
d’entrée principale afin d’entraîner une thrombose du faux chenal.
Bien que l’efficacité de la technique dans cette indication soit
démontrée, il n’est possible de traiter que l’aorte thoracique des-
cendante. L’aorte restante peut être le siège de complications à types
de dissection rétrograde de l’aorte thoracique ascendante, de créa-
tion d’une nouvelle porte d’entrée à la limite de l’endoprothèse, ou
d’évolution anévrismale et de rupture de l’aorte sous-cœliaque.
Traitement des complications ischémiques liées
aux dissections
Les dissections qui intéressent l’aorte descendante peuvent être
associées à un syndrome de malperfusion jusque dans 30 % des
cas. Deux mécanismes ont été décrits quant à la physiopatho-
MISE AU POINT
35
La Lettre du Cardiologue - n° 370 - décembre 2003
Figure 2. Dissection aortique.
2a. Dissection
chronique
de l’aorte
descendante.
2b. Traitement
par mise en
place de deux
endoprothèses :
résultat à un an.
.../...
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