MISE AU POINT
La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005
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L
e traitement des anévrismes de l’aorte abdominale
(AAA) sous-rénale a pour objectif d’améliorer la sur-
vie du patient en prévenant la rupture. Cette prise en
charge peut s’effectuer par chirurgie ouverte conventionnelle,
exclusion endovasculaire, ou simple surveillance. Le choix du
traitement va dépendre de la morphologie de l’anévrisme (cri-
tères anatomiques) et des antécédents du patient.
Le premier cas d’exclusion endovasculaire d’un anévrisme de
l’aorte abdominale chez l’homme par endoprothèse couverte
(ou stent-graft) a été publié en 1991 par J.C. Parodi (1). Le béné-
fice de ce traitement “mini-invasif” pour le patient est d’autant
plus important que celui-ci présente des comorbidités pouvant
contre-indiquer une réparation à ciel ouvert. Il serait cependant
erroné de conclure qu’un traitement moins invasif est forcément
le plus approprié. En effet, le traitement endovasculaire a généré
ses propres complications. Le bénéfice à court terme sur la mor-
bimortalité périopératoire est donc à balancer avec les compli-
cations qui peuvent survenir à moyen ou à long terme (2). Ces
complications potentielles sont les fuites avec reperfusion du
sac anévrismal, et les déformations ou migrations de l’endo-
prothèse.
Plusieurs auteurs ont comparé les résultats du traitement des
AAA par chirurgie conventionnelle et par chirurgie endovas-
culaire. Les résultats des études multicentriques randomisées
EVAR et DREAM, comparant les deux traitements, viennent
récemment d’être publiés dans le Lancet (3) et le New England
Journal of Medicine (4) respectivement. Le taux de mortalité
périopératoire de ces deux études était de 1,7 % et de 1,2 %
pour les patients randomisés dans le groupe endovasculaire
contre 4,7 % et 4,6 % pour les patients opérés à ciel ouvert.
Cette réduction d’environ deux tiers du taux précoce de morta-
lité était statistiquement significative (p = 0,009) dans l’étude
EVAR, qui avait inclus plus de mille patients. Les résultats à
moyen et à long terme de ces deux études permettront de mieux
définir la population de patients qui pourra bénéficier du trai-
tement endovasculaire. D’ici là, en France, l’implantation d’en-
doprothèses aortiques pour le traitement des AAA sous-rénales
doit se limiter aux patients “à risque chirurgical élevé” (tableau)
présentant un AAA mesurant au moins 5 cm de grand diamètre
ou ayant augmenté d’au moins 1 cm au cours de la dernière
année. Les recommandations émises par l’Agence française de
sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) précisent
aussi qu’il est nécessaire d’informer les patients, avant l’im-
plantation, des bénéfices et des risques attendus, et du suivi
postopératoire indispensable.
Exclusion endovasculaire des anévrismes
de l’aorte abdominale
Endovascular repair of abdominal aortic aneurysms
S. Haulon, L. Destrieux-Garnier, J. Gaudric, R. Azzaoui, S. Willoteaux, C. Mounier-Vehier, M. Koussa*
* Services de chirurgie, médecine et radiologie vasculaire, hôpital cardio-
logique, CHRU de Lille.
Diminution de la morbimortalité précoce compartive-
ment au traitement chirurgical conventionnel.
Suivi postopératoire régulier indispensable pour le
dépistage d’éventuelles complications (taux < 10 %).
Les indications d’exclusion endovasculaire des AAA
vont augmenter grâce aux endoprothèses fenestrées et
multibranches (développement en cours).
Mots-clés : Endoprothèse - Anévrisme - Aorte.
Keywords: Stentgraft - Aneurysm - Aorta.
Points forts
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MISE AU POINT
Figure 1. Endoprothèses aortiques bifurquées modulaires avec stent
proximal non couvert : a) endoprothèse Talent
®
(Medtronic), b) endopro-
thèse Zenith
®
(Cook).
La portion couverte de l’endoprothèse est implantée juste en aval des
ostia des artères rénales. L’extrémité distale des jambages iliaques est
positionnée juste en amont de la naissance de l’artère iliaque interne.
a b
ASPECTS TECHNIQUES
Architecture
L’exclusion endovasculaire s’effectue à l’aide d’une endopro-
thèse couverte. Celle-ci est composée d’un greffon prothétique
plus ou moins similaire à ceux utilisés en chirurgie ouverte (en
polyester [Dacron
®
] ou en ePTFE [paste extrusion of polytetra-
fluoroethylene]), associé à des stents métalliques à mémoire de
forme (le plus souvent en acier ou en nitinol). Afin de pouvoir
s’adapter au plus grand nombre de configurations anatomiques,
différents modèles d’endoprothèses aortiques sont utilisés.
Endoprothèses tubulaires
Les premières endoprothèses étaient tubulaires. Elles ne pou-
vaient exclure que des AAA avec un collet inférieur, c’est-à-dire
avec un segment d’aorte saine compris entre l’anévrisme et la
bifurcation aorto-iliaque. Ce type d’exclusion ne s’est pas avéré
stable avec le temps, car la courte longueur et la paroi athéro-
mateuse et calcifiée du collet inférieur ne permettent pas une fixa-
tion et une étanchéité durables à ce niveau. Les endoprothèses
tubulaires sont maintenant réservées au traitement des faux ané-
vrismes aortiques (secondaires à des ruptures d’ulcères athéro-
mateux, par exemple) et au traitement de certains anévrismes sac-
ciformes.
Endoprothèses bifurquées
La zone d’implantation distale des endoprothèses a donc été
déplacée vers les artères iliaques. Lorsque les deux axes iliaques
présentent une anatomie favorable, une endoprothèse bifurquée
aorto-bi-iliaque peut être implantée. Ces endoprothèses sont
généralement modulaires, avec un élément comprenant le corps
prothétique, un jambage iliaque et un moignon pour le jambage
iliaque controlatéral, et un jambage iliaque controlatéral implanté
séparément (figure 1). Certains fabricants proposent ces endo-
prothèses bifurquées dans une version monobloc afin de simpli-
fier la procédure d’implantation et de limiter les disjonctions entre
les différents éléments modulaires au cours du suivi.
Endoprothèses tubulaires dégressives
Dans certains cas, il peut être nécessaire d’avoir recours à une endo-
prothèse dégressive aorto-uni-iliaque (figure 2). Les indications
de ces endoprothèses sont principalement les tortuosités impor-
tantes aorto-iliaques, un axe iliaque dont le diamètre n’est pas com-
Tableau. Facteurs caractérisant, selon l’Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), les patients à risque chi-
rurgical élevé.
Âge supérieur ou égal à 80 ans
Coronaropathie (antécédent(s) d’infarctus du myocarde ou angor) avec test
fonctionnel positif et lésions coronariennes pour lesquelles un geste de revas-
cularisation est impossible ou non indiqué
Insuffisance cardiaque avec manifestations cliniques patentes
Rétrécissement aortique serré non opérable
FEVG < 40 %
Insuffisance respiratoire chronique objectivée par un des critères suivants :
VEMS < 1,2 l/s
– CV < 50 % de la valeur prédite en fonction de l’âge, du sexe et du poids
– gazométrie artérielle en l’absence d’oxygène : paCO
2
> 45 mmHg ou paO
2
< 60 mmHg
oxygénothérapie à domicile
Créatininémie 200 µmol/l avant l’injection de produit de contraste
Abdomen “hostile”, y compris présence d’une ascite ou autre signe d’hyper-
tension portale
Figure 2. Angioscanner de contrôle
après implantation d’une endoprothèse
aorto-uni-iliaque droite. Un occluder a
été positionné dans l’artère iliaque
commune gauche. Un pontage croisé
fémoro-fémoral permet de perfuser le
membre inférieur gauche et l’axe
iliaque gauche sous l’occluder.
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MISE AU POINT
patible avec la montée d’un système de largage et un diamètre de
l’aorte abdominale terminale inférieur à 20 mm (incompatible pour
deux jambages d’une endoprothèse bifurquée). L’implantation de
ces endoprothèses aorto-uni-iliaque nécessite de réaliser de façon
concomitante l’exclusion de l’axe iliaque controlatéral à l’aide d’un
occluder et un pontage croisé prothétique fémoro-fémoral.
Mécanismes de fixation proximale
Afin d’améliorer les résultats à long terme des endoprothèses aor-
tiques, les systèmes de fixation et d’étanchéité proximales ont été
dissociés (5). L’étanchéité repose sur la bonne application de la
portion couverte de l’endoprothèse sur le segment aortique sain
en amont de la lésion anévrismale (collet supérieur), grâce à la
force radiale du stent métallique auto-expansible. Cette force
radiale n’est cependant pas suffisante pour lutter contre la migra-
tion caudale de l’endoprothèse. Deux modifications ont été pro-
posées pour mieux fixer l’endoprothèse : l’adjonction de crochets
s’impactant dans la paroi aortique et celle d’un stent proximal non
couvert. Dans ce dernier cas, un stent à large maille est positionné
dans l’aorte céliaque, au-dessus des ostia des artères rénales. Il a
été rapporté que ce stent n’avait pas de répercussion sur la vas-
cularisation rénale et digestive (6). Il améliore la fixation, car il
augmente la surface de contact entre l’endoprothèse et l’aorte. De
plus, l’aorte céliaque est un segment d’aorte plus stable que le col-
let anévrismal en raison de l’architecture des fibres élastiques qui
s’entrecroisent et se renforcent au niveau des ostia des artères
rénales et viscérales. Les deux mécanismes de fixation peuvent
être associés, comme nous pouvons l’observer figure 3.
BILAN PRÉOPÉRATOIRE –
CONCEPTION DE L’ENDOPROTHÈSE
En raison du risque théorique (< 1 % dans notre expérience) de
conversion vers une chirurgie conventionnelle à ciel ouvert, un
bilan “classique” préchirurgie aortique doit être effectué chez
tous les patients candidats à une chirurgie endovasculaire. Celui-
ci comprend systématiquement un bilan coronarien et un écho-
doppler des troncs supra-aortiques. En fonction du terrain,
d’autres examens complémentaires seront prescrits (exploration
fonctionnelle respiratoire [EFR] en cas de bronchopneumopathie
chronique obstructive [BPCO] sévère, etc.).
L’angioscanner hélicoïdal est, dans la grande majorité des cas, la
seule imagerie nécessaire pour évaluer la faisabilité du traitement
endovasculaire et pour concevoir l’endoprothèse. Un scanner
64 barrettes effectue une acquisition thoraco-abdomino-pel-
vienne en 15-20 secondes. Seulement 100 ml de produit de
contraste sont injectés. L’épaisseur de coupe de 0,6 mm permet
des reconstructions de 2 mm d’épaisseur tous les 1 mm. Des
reconstructions MPR (multi-planar reformating),MIP (maxi-
mum intensity projection) et VRT (volume rendering technique)
sont réalisées. La quantification des longueurs et des diamètres
peut être effectuée à l’aide de reconstructions 2D curvilignes.
L’artériographie n’est donc plus nécessaire, sauf pour le bilan
d’anévrismes complexes nécessitant l’implantation d’endopro-
thèses fenestrées ou multibranches (voir ci-dessous).
De façon similaire à une réparation à ciel ouvert, l’étanchéité et
la fixation de la prothèse se font au niveau de segments artériels
sains. L’implantation d’une endoprothèse ne pourra donc être
effectuée que chez les patients dont l’AAA a les caractéristiques
suivantes : présence d’un collet sous-rénal rectiligne (longueur
>15mm, diamètre 14 à 30 mm) sans calcification ni thrombus
circonférentiel, présence d’un segment artériel sain d’artère
iliaque primitive en amont de la bifurcation iliaque (longueur
>15mm, diamètre 8 à 20 mm), absence d’angulations exces-
sives aortique ou iliaque (< 60 °) et axes ilio-fémoraux autori-
sant le passage du système de largage (> 7 mm).
Le diamètre proximal de l’endoprothèse est calculé par rapport
au diamètre du collet aortique surdimensionné de 15 %. De
même, le diamètre des jambages iliaques est surdimensionné de
10 à 15 % par rapport au diamètre de l’artère iliaque native.
IMPLANTATION
La procédure est réalisée en milieu chirurgical avec un système
d’imagerie fixe ou un amplificateur de brillance. Le type d’anes-
thésie (générale, loco-régionale, voire locale) varie en fonction
des centres et des comorbidités des patients.
L’implantation d’une endoprothèse aortique nécessite un accès
aux deux artères fémorales communes, soit par un court abord
chirurgical, soit percutané. Si nécessaire, un abord rétropérito-
néal de l’axe iliaque peut être effectué pour accéder à un segment
artériel sain. L’axe ilio-fémoral le plus rectiligne et présentant le
moins de lésions athéroscléreuses est sélectionné pour monter le
corps prothétique et son système de largage, dont le diamètre est
généralement compris entre 18 et 22 French (Fr). Sous contrôle
scopique, un long (260 cm) guide souple est avancé au travers de
cet axe iliaque, puis remonté dans l’aorte thoracique. Une sonde
5Fr est avancée sur ce guide, puis celui-ci est retiré et remplacé
par un guide rigide. Une sonde d’angiographie est positionnée
dans l’aorte céliaque à partir de l’artère fémorale controlatérale.
Celle-ci permet de repérer la position exacte des ostia des artères
Figure 3. Système de fixation proximal par un stent non couvert muni de
crochets. Le stent non couvert agit par sa force radiale en augmentant la
surface de contact entre l’endoprothèse et l’aorte. Les crochets s’impac-
tent dans la paroi aortique.
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MISE AU POINT
rénales par une injection de 7 cc à 30 cc/s. Après injection intra-
veineuse de 0,5 mg/kg d’héparine, l’endoprothèse et son système
de largage sont ensuite positionnés dans l’aorte abdominale sur
le guide rigide. La gaine externe du système de largage est reti-
rée, permettant à l’endoprothèse de se déployer. La partie proxi-
male de la portion couverte de l’endoprothèse est implantée juste
en aval de la naissance de l’artère rénale la plus distale (figure 1b).
Le moignon controlatéral est ensuite cathétérisé à partir de l’autre
axe iliaque après avoir remplacé la sonde d’angiographie par une
sonde angulée (vertébrale, cobra, etc.). Le jambage controlaté-
ral doit chevaucher significativement le moignon du corps pro-
thétique afin de réduire le risque de disjonction au cours du suivi.
Son extrémité distale est positionnée juste en amont de la nais-
sance de l’artère iliaque interne (figure 1b). La bonne apposition
de l’endoprothèse contre la paroi artérielle au niveau des zones
d’étanchéité (collet aortique proximal, collets iliaques distaux)
est réalisée par angioplastie à l’aide d’un ballon compliant en
latex. Un cathéter d’angiographie est ensuite repositionné dans
l’aorte céliaque, et une angiographie de contrôle est réalisée. Le
temps d’acquisition doit être long pour visualiser une éventuelle
fuite rétrograde de type 2 alimentée par l’artère mésentérique
supérieure ou une artère ilio-lombaire. À ce stade, aucun traite-
ment ne doit être réalisé en cas de fuite de type 2. Par contre, une
fuite de type 1 ou 3 doit obligatoirement conduire à un geste com-
plémentaire (angioplastie, implantation de rallonge proximale ou
distale) pour exclure le sac anévrismal du flux aortique.
Les guides et les introducteurs sont ensuite retirés et les artérioto-
mies refermées transversalement par un surjet de polypropylène.
SUIVI ET COMPLICATIONS
La surveillance régulière repose exclusivement sur l’étude mor-
phologique par imagerie de l’anévrisme et de l’endoprothèse. Il
est actuellement recommandé d’effectuer un angioscanner de
contrôle dans le mois qui suit l’implantation de l’endoprothèse,
puis à 6, 12, 18 et 24 mois en cas d’absence de complication. Le
suivi est ensuite annuel à vie. Une consultation de chirurgie doit
être effectuée après chaque angioscanner.
Les fuites sont les complications les plus fréquentes, diagnosti-
quées chez 7 à 50 % des patients au cours du suivi (7). White et
al. (8) définissent précisément les différents flux artériels retrou-
vés dans le sac anévrismal, mais à l’extérieur de l’endoprothèse
aortique.
Fuites de type 1 : persistance d’un flux artériel par défaut d’ap-
plication entre l’endoprothèse et l’aorte au niveau des zones
d’étanchéité proximale ou distale. Ces fuites sont aussi appelées
“fuites périprothétiques”.
Fuites de type 2 : flux artériel rétrograde, sans rapport avec
l’endoprothèse, par réinjection du sac anévrismal par les artères
lombaires, par l’artère mésentérique inférieure, ou par toute autre
artère collatérale du sac anévrismal.
Fuites de type 3 : fuites localisées au sein de l’endoprothèse
aortique par déchirure de celle-ci ou par disjonction entre les dif-
férents segments d’une prothèse modulaire. Ces fuites résultent
d’une altération de l’endoprothèse secondaire aux contraintes
mécaniques et/ou à l’usure.
Fuites de type 4 : fuites au travers de l’endoprothèse aortique
dues à l’importante porosité de certaines prothèses ultrafines, ou
au travers des trous d’aiguille des sutures fixant les stents à la
prothèse.
Le caractère pathologique de ces fuites n’est pas toujours évi-
dent. Le diamètre maximal transverse (DMT) du sac anévrismal
peut augmenter, rester stable ou diminuer en fonction de l’étio-
logie de la fuite. Les fuites périprothétiques (type 1) ou par alté-
ration de l’endoprothèse aortique (type 3), à haut débit, sont sou-
vent associées à une augmentation du DMT. Le risque de rupture
est alors évident. Par contre, les fuites rétrogrades (type 2) ou par
porosité de l’endoprothèse aortique (type 4), à plus faible débit,
sont le plus souvent associées à une stabilité, voire à une dimi-
nution du DMT. Le risque de rupture n’est alors pas évident.
Les fuites de type 3 résultent principalement des contraintes
mécaniques transmises à l’endoprothèse aortique par la rétrac-
tion du sac anévrismal exclu (9). Il s’agit d’un paradoxe du trai-
tement endovasculaire des AAA, car cette rétraction survient chez
les patients dont le sac anévrismal est parfaitement exclu. Cette
rétraction s’effectue principalement dans le sens longitudinal et
va entraîner des variations morphologiques de l’endoprothèse
aortique, avec variation des angulations de l’endoprothèse. La
jonction corps prothétique/jambage controlatéral est la plus sen-
sible à ces variations d’angulation, avec pour conséquence des
plicatures de jambages, et le risque de disjonction.
Lorsqu’un traitement secondaire est nécessaire pour traiter l’une
des complications ci-dessus, il est quasi systématiquement effec-
tué par voie endovasculaire (implantation d’un jambage iliaque
supplémentaire, occlusion d’une artère par coil ou colle biolo-
gique). Contrairement à la chirurgie conventionnelle, la durabi-
lité du traitement endovasculaire des AAA est mise en cause,
notamment en ce qui concerne la stabilité de l’endoprothèse sou-
mise aux contraintes du flux et de l’architecture artérielle, et la
solidité de l’association d’un stent métallique à une prothèse en
polyester. La conception des endoprothèses aortiques a cependant
évolué. La nouvelle génération d’endoprothèses s’adapte mieux
à la morphologie de l’aorte (plus souple) ; elle a un système de
fixation plus efficace (voir, supra, “Mécanismes de fixation proxi-
male”) et elle est confectionnée à partir de matériaux plus robustes.
Le taux de complications et de gestes secondaires rapportés dans
les récentes publications est nettement inférieur à celui constaté
avec les premières générations d’endoprothèses (10).
TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE
DES ANÉVRISMES JUXTA-RÉNAUX,
AORTO-BI-ILIAQUES ET ROMPUS
Parmi les patients contre-indiqués pour une chirurgie conven-
tionnelle en raison de leur état physiologique, seulement 20 à
60 % peuvent bénéficier d’un traitement endovasculaire (voir,
supra, les critères anatomiques définis dans “Bilan préopératoire –
Conception de l’endoprothèse”). Les autres patients ont des AAA
dont la morphologie ne permet pas l’exclusion endovasculaire
par une endoprothèse “classique”. Il s’agit, dans deux tiers des
cas, d’AAA dont le collet supérieur est soit trop court, soit non
rectiligne, et dans un tiers des cas, d’artères iliaques anévrismales
La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005
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MISE AU POINT
ou sténosées. Des endoprothèses fenestrées et multibranches,
actuellement en cours d’évaluation, seront bientôt disponibles
pour traiter ces patients.
Endoprothèses fenestrées
Les endoprothèses fenestrées permettent de traiter les patients
sans collet ou avec collet inadéquat en déplaçant la zone d’étan-
chéité proximale des endoprothèses (partie proximale couverte)
vers l’aorte céliaque (11). Pour cela, des orifices, ou “fenestra-
tions”, sont réalisés dans le Dacron
®
(tissu prothétique) afin de
pouvoir perfuser les artères rénales et viscérales (figure 4). Ces
fenestrations sont généralement stentées afin de les fixer en regard
des ostia des branches aortiques. Ces endoprothèses sont conçues
“sur mesure” pour chaque patient, et nécessitent une imagerie
préopératoire très précise afin de localiser la position exacte de
l’origine de chaque artère incluse dans les fenestrations et sa posi-
tion selon un cadran horaire (l’artère rénale droite est habituel-
lement localisée à 9 heures, la gauche à 3 heures, l’artère mésen-
térique supérieure et le tronc céliaque à 12 heures). La taille de
chaque fenestration est aussi à définir. Le système de largage de
ces endoprothèses a été modifié de façon à pouvoir larguer l’en-
doprothèse partiellement déployée. Cette astuce permet de mobi-
liser l’endoprothèse pour positionner précisément les fenestra-
tions, repérées à l’aide de marqueurs radio-opaques.
Endoprothèses multibranches
Environ 15 à 20 % des AAA ont un anévrisme iliaque associé.
La présence d’un anévrisme de l’artère iliaque commune néces-
site souvent l’exclusion par embolisation de l’origine de l’artère
iliaque interne homolatérale et l’implantation du jambage de l’en-
doprothèse dans l’artère iliaque externe. L’occlusion d’une artère
iliaque interne entraîne dans 30 à 40 % des effets indésirables de
gravité variable, de la simple claudication fessière à la nécrose
colique. Un pontage rétrograde entre les artères iliaque externe
et interne peut être réalisé pour éviter ces complications. Celui-
ci est indispensable si l’origine des deux artères iliaques internes
doit être embolisée. Une endoprothèse bifurquée “classique” à
laquelle on ajoute une bifurcation complémentaire sur un jam-
bage iliaque, appelée aussi “endoprothèse multibranches”, est
une solution totalement endovasculaire en cours d’évaluation. Ce
jambage complémentaire perfuse l’artère iliaque interne de
manière antérograde et anatomique, comme le démontre l’an-
gioscanner de contrôle sur la figure 5.
Traitement endovasculaire des AAA rompus
La mortalité périopératoire des AAA rompus traités par chirur-
gie conventionnelle reste très élevée, évaluée aux environ de 48 %
dans une méta-analyse récente (12). Ce taux de mortalité précoce
est environ 8 fois plus élevé que lors d’une chirurgie program-
mée. L’augmentation du risque chirurgical est liée à l’absence de
prise en charge des comorbidités des patients dans un contexte
d’urgence. Dans cette indication, le traitement endovasculaire
présente un intérêt majeur, car il permet de réaliser l’hémostase
sans avoir recours à une laparotomie et au clampage aortique.
Cependant, il est nécessaire de réaliser un angioscanner préopé-
ratoire pour étudier la morphologie de l’aorte et d’avoir un stock
d’endoprothèses suffisamment large pour pouvoir traiter le plus
grand nombre de patients. Les endoprothèses dégressives aorto-
uni-iliaques sont le plus souvent utilisées dans ce cas de figure,
car leur implantation peut s’effectuer très rapidement. En cas
d’instabilité hémodynamique, il est possible d’effectuer un clam-
page aortique endovasculaire à l’aide d’un ballonnet occlusif
Figure 4. Les anévrismes juxta-rénaux (sans collet proximal) sont traités
par voie endovasculaire à l’aide d’endoprothèses fenestrées. Nous obser-
vons dans le cas ci-dessus une large fenestration médiale conçue pour
alimenter l’artère mésentérique supérieure, et deux fenestrations laté-
rales qui seront positionnées en regard des ostia des artères rénales.
Figure 5. Angioscanner de contrôle après implantation d’une endopro-
thèse multibranches conçue pour le traitement d’anévrismes aorto-bi-
iliaques. Cette endoprothèse comporte une bifurcation aortique (clas-
sique) et une bifurcation complémentaire iliaque gauche. L’artère
iliaque interne gauche est ici perfusée par un jambage complémentaire.
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