M I S E A U P O I N T Exclusion endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale Endovascular repair of abdominal aortic aneurysms ● S. Haulon, L. Destrieux-Garnier, J. Gaudric, R. Azzaoui, S. Willoteaux, C. Mounier-Vehier, M. Koussa* Points forts Diminution de la morbimortalité précoce compartivement au traitement chirurgical conventionnel. ■ Suivi postopératoire régulier indispensable pour le dépistage d’éventuelles complications (taux < 10 %). ■ Les indications d’exclusion endovasculaire des AAA vont augmenter grâce aux endoprothèses fenestrées et multibranches (développement en cours). ■ Mots-clés : Endoprothèse - Anévrisme - Aorte. Keywords: Stentgraft - Aneurysm - Aorta. e traitement des anévrismes de l’aorte abdominale (AAA) sous-rénale a pour objectif d’améliorer la survie du patient en prévenant la rupture. Cette prise en charge peut s’effectuer par chirurgie ouverte conventionnelle, exclusion endovasculaire, ou simple surveillance. Le choix du traitement va dépendre de la morphologie de l’anévrisme (critères anatomiques) et des antécédents du patient. L * Services de chirurgie, médecine et radiologie vasculaire, hôpital cardiologique, CHRU de Lille. 22 Le premier cas d’exclusion endovasculaire d’un anévrisme de l’aorte abdominale chez l’homme par endoprothèse couverte (ou stent-graft) a été publié en 1991 par J.C. Parodi (1). Le bénéfice de ce traitement “mini-invasif” pour le patient est d’autant plus important que celui-ci présente des comorbidités pouvant contre-indiquer une réparation à ciel ouvert. Il serait cependant erroné de conclure qu’un traitement moins invasif est forcément le plus approprié. En effet, le traitement endovasculaire a généré ses propres complications. Le bénéfice à court terme sur la morbimortalité périopératoire est donc à balancer avec les complications qui peuvent survenir à moyen ou à long terme (2). Ces complications potentielles sont les fuites avec reperfusion du sac anévrismal, et les déformations ou migrations de l’endoprothèse. Plusieurs auteurs ont comparé les résultats du traitement des AAA par chirurgie conventionnelle et par chirurgie endovasculaire. Les résultats des études multicentriques randomisées EVAR et DREAM, comparant les deux traitements, viennent récemment d’être publiés dans le Lancet (3) et le New England Journal of Medicine (4) respectivement. Le taux de mortalité périopératoire de ces deux études était de 1,7 % et de 1,2 % pour les patients randomisés dans le groupe endovasculaire contre 4,7 % et 4,6 % pour les patients opérés à ciel ouvert. Cette réduction d’environ deux tiers du taux précoce de mortalité était statistiquement significative (p = 0,009) dans l’étude EVAR, qui avait inclus plus de mille patients. Les résultats à moyen et à long terme de ces deux études permettront de mieux définir la population de patients qui pourra bénéficier du traitement endovasculaire. D’ici là, en France, l’implantation d’endoprothèses aortiques pour le traitement des AAA sous-rénales doit se limiter aux patients “à risque chirurgical élevé” (tableau) présentant un AAA mesurant au moins 5 cm de grand diamètre ou ayant augmenté d’au moins 1 cm au cours de la dernière année. Les recommandations émises par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) précisent aussi qu’il est nécessaire d’informer les patients, avant l’implantation, des bénéfices et des risques attendus, et du suivi postopératoire indispensable. La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005 M Tableau. Facteurs caractérisant, selon l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), les patients à risque chirurgical élevé. a I S E A U P O I N T b ✓ Âge supérieur ou égal à 80 ans ✓ Coronaropathie (antécédent(s) d’infarctus du myocarde ou angor) avec test fonctionnel positif et lésions coronariennes pour lesquelles un geste de revascularisation est impossible ou non indiqué ✓ Insuffisance cardiaque avec manifestations cliniques patentes ✓ Rétrécissement aortique serré non opérable ✓ FEVG < 40 % ✓ Insuffisance respiratoire chronique objectivée par un des critères suivants : – VEMS < 1,2 l/s – CV < 50 % de la valeur prédite en fonction de l’âge, du sexe et du poids – gazométrie artérielle en l’absence d’oxygène : paCO2 > 45 mmHg ou paO2 < 60 mmHg – oxygénothérapie à domicile ✓ Créatininémie ≥ 200 µmol/l avant l’injection de produit de contraste ✓ Abdomen “hostile”, y compris présence d’une ascite ou autre signe d’hypertension portale ASPECTS TECHNIQUES Architecture L’exclusion endovasculaire s’effectue à l’aide d’une endoprothèse couverte. Celle-ci est composée d’un greffon prothétique plus ou moins similaire à ceux utilisés en chirurgie ouverte (en polyester [Dacron®] ou en ePTFE [paste extrusion of polytetrafluoroethylene]), associé à des stents métalliques à mémoire de forme (le plus souvent en acier ou en nitinol). Afin de pouvoir s’adapter au plus grand nombre de configurations anatomiques, différents modèles d’endoprothèses aortiques sont utilisés. Figure 1. Endoprothèses aortiques bifurquées modulaires avec stent proximal non couvert : a) endoprothèse Talent® (Medtronic), b) endoprothèse Zenith® (Cook). La portion couverte de l’endoprothèse est implantée juste en aval des ostia des artères rénales. L’extrémité distale des jambages iliaques est positionnée juste en amont de la naissance de l’artère iliaque interne. prothétique, un jambage iliaque et un moignon pour le jambage iliaque controlatéral, et un jambage iliaque controlatéral implanté séparément (figure 1). Certains fabricants proposent ces endoprothèses bifurquées dans une version monobloc afin de simplifier la procédure d’implantation et de limiter les disjonctions entre les différents éléments modulaires au cours du suivi. ● Endoprothèses tubulaires dégressives Dans certains cas, il peut être nécessaire d’avoir recours à une endoprothèse dégressive aorto-uni-iliaque (figure 2). Les indications de ces endoprothèses sont principalement les tortuosités importantes aorto-iliaques, un axe iliaque dont le diamètre n’est pas com- ● Endoprothèses tubulaires Les premières endoprothèses étaient tubulaires. Elles ne pouvaient exclure que des AAA avec un collet inférieur, c’est-à-dire avec un segment d’aorte saine compris entre l’anévrisme et la bifurcation aorto-iliaque. Ce type d’exclusion ne s’est pas avéré stable avec le temps, car la courte longueur et la paroi athéromateuse et calcifiée du collet inférieur ne permettent pas une fixation et une étanchéité durables à ce niveau. Les endoprothèses tubulaires sont maintenant réservées au traitement des faux anévrismes aortiques (secondaires à des ruptures d’ulcères athéromateux, par exemple) et au traitement de certains anévrismes sacciformes. ● Endoprothèses bifurquées La zone d’implantation distale des endoprothèses a donc été déplacée vers les artères iliaques. Lorsque les deux axes iliaques présentent une anatomie favorable, une endoprothèse bifurquée aorto-bi-iliaque peut être implantée. Ces endoprothèses sont généralement modulaires, avec un élément comprenant le corps La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005 Figure 2. Angioscanner de contrôle après implantation d’une endoprothèse aorto-uni-iliaque droite. Un occluder a été positionné dans l’artère iliaque commune gauche. Un pontage croisé fémoro-fémoral permet de perfuser le membre inférieur gauche et l’axe iliaque gauche sous l’occluder. 23 M I S E A U P O I N T patible avec la montée d’un système de largage et un diamètre de l’aorte abdominale terminale inférieur à 20 mm (incompatible pour deux jambages d’une endoprothèse bifurquée). L’implantation de ces endoprothèses aorto-uni-iliaque nécessite de réaliser de façon concomitante l’exclusion de l’axe iliaque controlatéral à l’aide d’un occluder et un pontage croisé prothétique fémoro-fémoral. ● Mécanismes de fixation proximale Afin d’améliorer les résultats à long terme des endoprothèses aortiques, les systèmes de fixation et d’étanchéité proximales ont été dissociés (5). L’étanchéité repose sur la bonne application de la portion couverte de l’endoprothèse sur le segment aortique sain en amont de la lésion anévrismale (collet supérieur), grâce à la force radiale du stent métallique auto-expansible. Cette force radiale n’est cependant pas suffisante pour lutter contre la migration caudale de l’endoprothèse. Deux modifications ont été proposées pour mieux fixer l’endoprothèse : l’adjonction de crochets s’impactant dans la paroi aortique et celle d’un stent proximal non couvert. Dans ce dernier cas, un stent à large maille est positionné dans l’aorte céliaque, au-dessus des ostia des artères rénales. Il a été rapporté que ce stent n’avait pas de répercussion sur la vascularisation rénale et digestive (6). Il améliore la fixation, car il augmente la surface de contact entre l’endoprothèse et l’aorte. De plus, l’aorte céliaque est un segment d’aorte plus stable que le collet anévrismal en raison de l’architecture des fibres élastiques qui s’entrecroisent et se renforcent au niveau des ostia des artères rénales et viscérales. Les deux mécanismes de fixation peuvent être associés, comme nous pouvons l’observer figure 3. tous les patients candidats à une chirurgie endovasculaire. Celuici comprend systématiquement un bilan coronarien et un échodoppler des troncs supra-aortiques. En fonction du terrain, d’autres examens complémentaires seront prescrits (exploration fonctionnelle respiratoire [EFR] en cas de bronchopneumopathie chronique obstructive [BPCO] sévère, etc.). L’angioscanner hélicoïdal est, dans la grande majorité des cas, la seule imagerie nécessaire pour évaluer la faisabilité du traitement endovasculaire et pour concevoir l’endoprothèse. Un scanner 64 barrettes effectue une acquisition thoraco-abdomino-pelvienne en 15-20 secondes. Seulement 100 ml de produit de contraste sont injectés. L’épaisseur de coupe de 0,6 mm permet des reconstructions de 2 mm d’épaisseur tous les 1 mm. Des reconstructions MPR (multi-planar reformating), MIP (maximum intensity projection) et VRT (volume rendering technique) sont réalisées. La quantification des longueurs et des diamètres peut être effectuée à l’aide de reconstructions 2D curvilignes. L’artériographie n’est donc plus nécessaire, sauf pour le bilan d’anévrismes complexes nécessitant l’implantation d’endoprothèses fenestrées ou multibranches (voir ci-dessous). De façon similaire à une réparation à ciel ouvert, l’étanchéité et la fixation de la prothèse se font au niveau de segments artériels sains. L’implantation d’une endoprothèse ne pourra donc être effectuée que chez les patients dont l’AAA a les caractéristiques suivantes : présence d’un collet sous-rénal rectiligne (longueur > 15 mm, diamètre 14 à 30 mm) sans calcification ni thrombus circonférentiel, présence d’un segment artériel sain d’artère iliaque primitive en amont de la bifurcation iliaque (longueur > 15 mm, diamètre 8 à 20 mm), absence d’angulations excessives aortique ou iliaque (< 60 °) et axes ilio-fémoraux autorisant le passage du système de largage (> 7 mm). Le diamètre proximal de l’endoprothèse est calculé par rapport au diamètre du collet aortique surdimensionné de 15 %. De même, le diamètre des jambages iliaques est surdimensionné de 10 à 15 % par rapport au diamètre de l’artère iliaque native. IMPLANTATION Figure 3. Système de fixation proximal par un stent non couvert muni de crochets. Le stent non couvert agit par sa force radiale en augmentant la surface de contact entre l’endoprothèse et l’aorte. Les crochets s’impactent dans la paroi aortique. BILAN PRÉOPÉRATOIRE – CONCEPTION DE L’ENDOPROTHÈSE En raison du risque théorique (< 1 % dans notre expérience) de conversion vers une chirurgie conventionnelle à ciel ouvert, un bilan “classique” préchirurgie aortique doit être effectué chez 24 La procédure est réalisée en milieu chirurgical avec un système d’imagerie fixe ou un amplificateur de brillance. Le type d’anesthésie (générale, loco-régionale, voire locale) varie en fonction des centres et des comorbidités des patients. L’implantation d’une endoprothèse aortique nécessite un accès aux deux artères fémorales communes, soit par un court abord chirurgical, soit percutané. Si nécessaire, un abord rétropéritonéal de l’axe iliaque peut être effectué pour accéder à un segment artériel sain. L’axe ilio-fémoral le plus rectiligne et présentant le moins de lésions athéroscléreuses est sélectionné pour monter le corps prothétique et son système de largage, dont le diamètre est généralement compris entre 18 et 22 French (Fr). Sous contrôle scopique, un long (260 cm) guide souple est avancé au travers de cet axe iliaque, puis remonté dans l’aorte thoracique. Une sonde 5 Fr est avancée sur ce guide, puis celui-ci est retiré et remplacé par un guide rigide. Une sonde d’angiographie est positionnée dans l’aorte céliaque à partir de l’artère fémorale controlatérale. Celle-ci permet de repérer la position exacte des ostia des artères La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005 M rénales par une injection de 7 cc à 30 cc/s. Après injection intraveineuse de 0,5 mg/kg d’héparine, l’endoprothèse et son système de largage sont ensuite positionnés dans l’aorte abdominale sur le guide rigide. La gaine externe du système de largage est retirée, permettant à l’endoprothèse de se déployer. La partie proximale de la portion couverte de l’endoprothèse est implantée juste en aval de la naissance de l’artère rénale la plus distale (figure 1b). Le moignon controlatéral est ensuite cathétérisé à partir de l’autre axe iliaque après avoir remplacé la sonde d’angiographie par une sonde angulée (vertébrale, cobra, etc.). Le jambage controlatéral doit chevaucher significativement le moignon du corps prothétique afin de réduire le risque de disjonction au cours du suivi. Son extrémité distale est positionnée juste en amont de la naissance de l’artère iliaque interne (figure 1b). La bonne apposition de l’endoprothèse contre la paroi artérielle au niveau des zones d’étanchéité (collet aortique proximal, collets iliaques distaux) est réalisée par angioplastie à l’aide d’un ballon compliant en latex. Un cathéter d’angiographie est ensuite repositionné dans l’aorte céliaque, et une angiographie de contrôle est réalisée. Le temps d’acquisition doit être long pour visualiser une éventuelle fuite rétrograde de type 2 alimentée par l’artère mésentérique supérieure ou une artère ilio-lombaire. À ce stade, aucun traitement ne doit être réalisé en cas de fuite de type 2. Par contre, une fuite de type 1 ou 3 doit obligatoirement conduire à un geste complémentaire (angioplastie, implantation de rallonge proximale ou distale) pour exclure le sac anévrismal du flux aortique. Les guides et les introducteurs sont ensuite retirés et les artériotomies refermées transversalement par un surjet de polypropylène. SUIVI ET COMPLICATIONS La surveillance régulière repose exclusivement sur l’étude morphologique par imagerie de l’anévrisme et de l’endoprothèse. Il est actuellement recommandé d’effectuer un angioscanner de contrôle dans le mois qui suit l’implantation de l’endoprothèse, puis à 6, 12, 18 et 24 mois en cas d’absence de complication. Le suivi est ensuite annuel à vie. Une consultation de chirurgie doit être effectuée après chaque angioscanner. Les fuites sont les complications les plus fréquentes, diagnostiquées chez 7 à 50 % des patients au cours du suivi (7). White et al. (8) définissent précisément les différents flux artériels retrouvés dans le sac anévrismal, mais à l’extérieur de l’endoprothèse aortique. ✓ Fuites de type 1 : persistance d’un flux artériel par défaut d’application entre l’endoprothèse et l’aorte au niveau des zones d’étanchéité proximale ou distale. Ces fuites sont aussi appelées “fuites périprothétiques”. ✓ Fuites de type 2 : flux artériel rétrograde, sans rapport avec l’endoprothèse, par réinjection du sac anévrismal par les artères lombaires, par l’artère mésentérique inférieure, ou par toute autre artère collatérale du sac anévrismal. ✓ Fuites de type 3 : fuites localisées au sein de l’endoprothèse aortique par déchirure de celle-ci ou par disjonction entre les différents segments d’une prothèse modulaire. Ces fuites résultent d’une altération de l’endoprothèse secondaire aux contraintes mécaniques et/ou à l’usure. La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005 I S E A U P O I N T ✓ Fuites de type 4 : fuites au travers de l’endoprothèse aortique dues à l’importante porosité de certaines prothèses ultrafines, ou au travers des trous d’aiguille des sutures fixant les stents à la prothèse. Le caractère pathologique de ces fuites n’est pas toujours évident. Le diamètre maximal transverse (DMT) du sac anévrismal peut augmenter, rester stable ou diminuer en fonction de l’étiologie de la fuite. Les fuites périprothétiques (type 1) ou par altération de l’endoprothèse aortique (type 3), à haut débit, sont souvent associées à une augmentation du DMT. Le risque de rupture est alors évident. Par contre, les fuites rétrogrades (type 2) ou par porosité de l’endoprothèse aortique (type 4), à plus faible débit, sont le plus souvent associées à une stabilité, voire à une diminution du DMT. Le risque de rupture n’est alors pas évident. Les fuites de type 3 résultent principalement des contraintes mécaniques transmises à l’endoprothèse aortique par la rétraction du sac anévrismal exclu (9). Il s’agit d’un paradoxe du traitement endovasculaire des AAA, car cette rétraction survient chez les patients dont le sac anévrismal est parfaitement exclu. Cette rétraction s’effectue principalement dans le sens longitudinal et va entraîner des variations morphologiques de l’endoprothèse aortique, avec variation des angulations de l’endoprothèse. La jonction corps prothétique/jambage controlatéral est la plus sensible à ces variations d’angulation, avec pour conséquence des plicatures de jambages, et le risque de disjonction. Lorsqu’un traitement secondaire est nécessaire pour traiter l’une des complications ci-dessus, il est quasi systématiquement effectué par voie endovasculaire (implantation d’un jambage iliaque supplémentaire, occlusion d’une artère par coil ou colle biologique). Contrairement à la chirurgie conventionnelle, la durabilité du traitement endovasculaire des AAA est mise en cause, notamment en ce qui concerne la stabilité de l’endoprothèse soumise aux contraintes du flux et de l’architecture artérielle, et la solidité de l’association d’un stent métallique à une prothèse en polyester. La conception des endoprothèses aortiques a cependant évolué. La nouvelle génération d’endoprothèses s’adapte mieux à la morphologie de l’aorte (plus souple) ; elle a un système de fixation plus efficace (voir, supra, “Mécanismes de fixation proximale”) et elle est confectionnée à partir de matériaux plus robustes. Le taux de complications et de gestes secondaires rapportés dans les récentes publications est nettement inférieur à celui constaté avec les premières générations d’endoprothèses (10). TRAITEMENT ENDOVASCULAIRE DES ANÉVRISMES JUXTA-RÉNAUX, AORTO-BI-ILIAQUES ET ROMPUS Parmi les patients contre-indiqués pour une chirurgie conventionnelle en raison de leur état physiologique, seulement 20 à 60 % peuvent bénéficier d’un traitement endovasculaire (voir, supra, les critères anatomiques définis dans “Bilan préopératoire – Conception de l’endoprothèse”). Les autres patients ont des AAA dont la morphologie ne permet pas l’exclusion endovasculaire par une endoprothèse “classique”. Il s’agit, dans deux tiers des cas, d’AAA dont le collet supérieur est soit trop court, soit non rectiligne, et dans un tiers des cas, d’artères iliaques anévrismales 25 M I S E A U P O I N T ou sténosées. Des endoprothèses fenestrées et multibranches, actuellement en cours d’évaluation, seront bientôt disponibles pour traiter ces patients. Endoprothèses fenestrées Les endoprothèses fenestrées permettent de traiter les patients sans collet ou avec collet inadéquat en déplaçant la zone d’étanchéité proximale des endoprothèses (partie proximale couverte) vers l’aorte céliaque (11). Pour cela, des orifices, ou “fenestrations”, sont réalisés dans le Dacron® (tissu prothétique) afin de pouvoir perfuser les artères rénales et viscérales (figure 4). Ces fenestrations sont généralement stentées afin de les fixer en regard des ostia des branches aortiques. Ces endoprothèses sont conçues “sur mesure” pour chaque patient, et nécessitent une imagerie préopératoire très précise afin de localiser la position exacte de l’origine de chaque artère incluse dans les fenestrations et sa position selon un cadran horaire (l’artère rénale droite est habituellement localisée à 9 heures, la gauche à 3 heures, l’artère mésentérique supérieure et le tronc céliaque à 12 heures). La taille de chaque fenestration est aussi à définir. Le système de largage de ces endoprothèses a été modifié de façon à pouvoir larguer l’endoprothèse partiellement déployée. Cette astuce permet de mobiliser l’endoprothèse pour positionner précisément les fenestrations, repérées à l’aide de marqueurs radio-opaques. gravité variable, de la simple claudication fessière à la nécrose colique. Un pontage rétrograde entre les artères iliaque externe et interne peut être réalisé pour éviter ces complications. Celuici est indispensable si l’origine des deux artères iliaques internes doit être embolisée. Une endoprothèse bifurquée “classique” à laquelle on ajoute une bifurcation complémentaire sur un jambage iliaque, appelée aussi “endoprothèse multibranches”, est une solution totalement endovasculaire en cours d’évaluation. Ce jambage complémentaire perfuse l’artère iliaque interne de manière antérograde et anatomique, comme le démontre l’angioscanner de contrôle sur la figure 5. Figure 5. Angioscanner de contrôle après implantation d’une endoprothèse multibranches conçue pour le traitement d’anévrismes aorto-biiliaques. Cette endoprothèse comporte une bifurcation aortique (classique) et une bifurcation complémentaire iliaque gauche. L’artère iliaque interne gauche est ici perfusée par un jambage complémentaire. Traitement endovasculaire des AAA rompus Figure 4. Les anévrismes juxta-rénaux (sans collet proximal) sont traités par voie endovasculaire à l’aide d’endoprothèses fenestrées. Nous observons dans le cas ci-dessus une large fenestration médiale conçue pour alimenter l’artère mésentérique supérieure, et deux fenestrations latérales qui seront positionnées en regard des ostia des artères rénales. Endoprothèses multibranches Environ 15 à 20 % des AAA ont un anévrisme iliaque associé. La présence d’un anévrisme de l’artère iliaque commune nécessite souvent l’exclusion par embolisation de l’origine de l’artère iliaque interne homolatérale et l’implantation du jambage de l’endoprothèse dans l’artère iliaque externe. L’occlusion d’une artère iliaque interne entraîne dans 30 à 40 % des effets indésirables de 26 La mortalité périopératoire des AAA rompus traités par chirurgie conventionnelle reste très élevée, évaluée aux environ de 48 % dans une méta-analyse récente (12). Ce taux de mortalité précoce est environ 8 fois plus élevé que lors d’une chirurgie programmée. L’augmentation du risque chirurgical est liée à l’absence de prise en charge des comorbidités des patients dans un contexte d’urgence. Dans cette indication, le traitement endovasculaire présente un intérêt majeur, car il permet de réaliser l’hémostase sans avoir recours à une laparotomie et au clampage aortique. Cependant, il est nécessaire de réaliser un angioscanner préopératoire pour étudier la morphologie de l’aorte et d’avoir un stock d’endoprothèses suffisamment large pour pouvoir traiter le plus grand nombre de patients. Les endoprothèses dégressives aortouni-iliaques sont le plus souvent utilisées dans ce cas de figure, car leur implantation peut s’effectuer très rapidement. En cas d’instabilité hémodynamique, il est possible d’effectuer un clampage aortique endovasculaire à l’aide d’un ballonnet occlusif La Lettre du Cardiologue - n° 387 - septembre 2005 M introduit par voie humérale ou fémorale. Dans ce contexte d’urgence vitale, l’objectif du traitement endovasculaire est uniquement d’améliorer le taux de survie périopératoire par une exclusion temporaire du sac anévrismal rompu. Les restrictions anatomiques habituelles doivent donc être élargies, au prix d’une augmentation du nombre de gestes secondaires et de conversion. I S E A U P O I N T 2. May J, White GH, Waugh R et al. Adverse events after endoluminal repair of abdominal aortic aneurysms: a comparaison between two successive periods of time. J Vasc Surg 1999;29:32-9. 3. Greenhalgh RM, Brown LC, Kwong GP, Powell JT, Thompson SG; EVAR trial participants. Comparison of endovascular aneurysm repair with open repair in patients with abdominal aortic aneurysm (EVAR trial 1), 30-day operative mortality results: randomised controlled trial. Lancet 2004;364(9437):843-8. 4. Prinssen M, Verhoeven EL, Buth J et al. Dutch Randomized Endovascular Aneurysm Management (DREAM) Trial Group. A randomized trial comparing conventional and endovascular repair of abdominal aortic aneurysms. N Engl J Med 2004;351(16):1607-18. CONCLUSION Les avantages du traitement endovasculaire sont l’incidence plus faible de la morbimortalité périopératoire, la diminution du séjour hospitalier et notamment du passage en réanimation, mais probablement au prix d’un nombre plus élevé d’interventions secondaires. Les patients avec de lourds antécédents mais une morphologie aortique favorable seront les meilleurs candidats pour une réparation endovasculaire. À l’opposé, les patients sans antécédent particulier, mais avec une anatomie aortique complexe, seront plutôt candidats à une chirurgie conventionnelle. Les patients à haut risque chirurgical et présentant un collet aortique court, des angulations iliaques et aortiques, des anévrismes bilatéraux des artères iliaques communes, seront probablement traités dans l’avenir par des endoprothèses fenestrées et multibranches, actuellement en cours d’évaluation. ■ Bibliographie 1. Parodi JC, Palmaz JC, Barone HD. Transfemoral intraluminal graft implantation for abdominal aortic aneurysm. Ann Vasc Surg 1991;5:491-9. 2 7 th E S European f Society o y g o l Cardio 5. Greenberg R. Abdominal aortic endografting: fixation and sealing. J Am Coll Surg 2002;194(S1):S79-S87. 6. Greenberg RK, Chuter TA, Lawrence-Brown M, Haulon S, Nolte L. Zenith Investigators. Analysis of renal function after aneurysm repair with a device using suprarenal fixation (Zenith AAA Endovascular Graft) in contrast to open surgical repair. J Vasc Surg 2004;39(6):1219-28. 7. Chuter TA, Faruqi RM, Sawhney R et al. Endoleak after endovascular repair of abdominal aortic aneurysm. J Vasc Surg 2001;34(1):98-105. 8. White GH, Yu W, May J, Chaufour X, Stephen MS. Endoleak as a complication of endoluminal grafting of abdominal aortic aneurysms: classification, incidence, diagnosis and management. J Endovasc Surg 1997;4(2):152-68. 9. Carpenter JP, Neschis DG, Fairman RM et al. Failure of endovascular abdominal aortic aneurysm graft limbs. J Vasc Surg 2001;33:296-303. 10. Greenberg RK, Chuter TA, Sternbergh WC 3rd, Fearnot NE. Zenith Investigators. Zenith AAA endovascular graft: intermediate-term results of the US multicenter trial. J Vasc Surg 2004;39(6):1209-18. 11. Greenberg RK, Haulon S, O’Neill S, Lyden S, Ouriel K. 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