M Une cause rare d’insuffisance aortique chronique C

La Lettre du Cardiologue - n° 299 - septembre 1998
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onsieur E., 62 ans, sans antécédents médicaux
particuliers, est hospitalisé pour une dyspnée
d’effort apparue progressivement depuis trois ans,
devenue depuis un mois invalidante, évaluée au stade III de
la NYHA. Il ne se plaint pas de douleur thoracique, de toux ou
d’expectoration. Il n’y a pas d’antécédent cardiovasculaire dans
sa famille. Ses facteurs de risque cardiovasculaire se résument à
une obésité (85 kg pour une taille de 1,70 m). Une intoxication
tabagique a été interrompue depuis plusieurs années. Il n’a pas
de traitement au long cours.
L’examen clinique met en évidence un rythme cardiaque
régulier à 80 battements/minute et une tension artérielle de
150/80. L’auscultation des bruits du cœur révèle un souffle dias-
tolique coté 1/6 au foyer aortique et le long du bord gauche du
sternum associé à un souffle 2/6 au foyer aortique irradiant fai-
blement vers les carotides. L’auscultation pulmonaire est nor-
male, sans crépitants des bases pulmonaires ni diminution du mur-
mure vésiculaire. Il existe un reflux hépato-jugulaire et des
œdèmes des membres inférieurs gardant le godet remontant jus-
qu’aux mollets. Le reste de l’examen est sans particularité et il
n’y a pas de fièvre.
La radiographie de la cage thoracique montre un index car-
diothoracique estimé à 0,70. La transparence pulmonaire est nor-
male.
L’électrocardiogramme met en évidence un rythme sinu-
sal d’une fréquence de 75/minute, un hémibloc antérieur gauche
et des ondes T négatives isolées dans les dérivations
D1,VL,V4,V5,V6.
L’échocardiographie transthoracique révèle une insuffisance aor-
tique centrale dont le mécanisme est difficile à étudier chez ce
patient obèse, de grade II-III, avec un diamètre du jet à l’origine
chiffré à 8 mm, une expansion spatiale débordant le bord libre de
la grande valve mitrale jusqu’au milieu du ventricule gauche. Le
temps de demi-décroissance du flux doppler de l’insuffisance aor-
tique est évalué à 350 ms. Le ventricule gauche est augmenté de
volume avec un diamètre télédiastolique mesuré à 63 mm, sans
hypertrophie du ventricule gauche, avec une fraction de raccour-
cissement chiffrée à 20 % et une fraction d’éjection mesurée à
30 %. Le diamètre de la racine de l’aorte est normal (37 mm) et
le reste de l’examen échocardiographique est sans particularité.
Compte tenu du caractère peu échogène de ce patient, on réalise
une échocardiographie transœsophagienne pour préciser le méca-
nisme de cette insuffisance aortique : l’image échocardiogra-
phique centrée sur l’orifice aortique est la suivante (figure 1).
Quel serait votre diagnostic ?
voir page 22
C
AS CLINIQUE
Une cause rare d’insuffisance aortique chronique
F. Bernard, C. Perdrix, G. Karrillon, P. Beaufils*
* Service de cardiologie, Hôpital Lariboisière, 2, rue Ambroise-Paré,
75010 Paris.
M
Figure 1. Échocardiographie transœsophagienne : coupe passant trans-
versalement par les valves aortiques montrant l’aspect cruciforme ou en
trèfle de l’orifice aortique en diastole.
La Lettre du Cardiologue - n° 299 - septembre 1998
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a coupe échocardiographique par échocardiographie
transœsophagienne centrée sur l’orifice aortique (sonde
multiplan orientée à 62 degrés) met en évidence une
quadricuspidie avec quatre valves aortiques d’une taille à peu près
identique responsables d’une fuite centrale de grade III. Elles ont
un aspect en “X” en télédiastole et un aspect rectangulaire en sys-
tole. Il n’existe pas d’autre anomalie des structures cardiaques.
L’aortographie sus-sigmoïdienne retrouve au niveau du culot aor-
tique un aspect de quadricuspidie avec une insuffisance aortique
évaluée à 2/4 (figure 2). La coronarographie est normale.
L’instauration d’un traitement associant un diurétique et un inhi-
biteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine améliore l’état
hémodynamique du patient. Le caractère symptomatique et les
données concernant le retentissement ventriculaire incitent à pro-
poser un remplacement valvulaire aortique.
COMMENTAIRES
La quadricuspidie aortique (QA) est une anomalie cardiaque rare :
si la bicuspidie aortique est la malformation des valves semi-
lunaires la plus fréquente (1 % de la population générale), la pré-
valence de la QA est très faible : dans une série autopsique de
25 666 cas, Simonds décrit 2 cas de QA (incidence : 0,008 %)
(1). L’incidence échocardiographique de la QA dans une série de
13 805 échocardiographies de 1987 à 1988 est de 0,004 % (2).
Elle est dix fois moins fréquente que la quadricuspidie pulmo-
naire (3). Dans une série de Waller et coll. de 700 insuffisances
aortiques (IA) pures opérées, 2 seulement étaient dues à une QA
(0,3 %) (4). Le sex-ratio est proche de 1.
La présence d’un corpuscule d’Arantius sur le bord libre de
chaque sigmoïde permet d’affirmer l’origine congénitale de la
QA, la différenciant des pseudo-quadricuspidies acquises (par un
processus endocarditique par exemple). Les dimensions des
quatre valves sigmoïdes sont variables : elles peuvent être d’une
dimension identique comme dans l’observation rapportée, mais,
le plus souvent, il existe trois sigmoïdes de taille égale et une
petite sigmoïde surnuméraire entre la sigmoïde coronaire droite
et la sigmoïde non coronaire (3). Paemelaere rapporte une asso-
ciation possible avec d’autres anomalies : communication inter-
ventriculaire, déplacement d’un ostium coronaire, artère coro-
naire accessoire, persistance du canal artériel (5). L’association
avec ces anomalies coronaires rend nécessaire la réalisation d’une
coronarographie avant une chirurgie de remplacement valvulaire
aortique, du fait du risque d’occlusion de l’artère coronaire en
position anormale lors de la suture de la prothèse.
Le mécanisme de la fuite coronaire est un défaut de coaptation
diastolique des sigmoïdes ou une maladaptation de la sigmoïde
surnuméraire. Exceptionnellement, il a été décrit un cas de QA
associé à une sténose sous-aortique (6). Dans 50 % des cas, l’évo-
lution de la QA se fait vers une insuffisance aortique grave avec
retentissement hémodynamique conduisant à un remplacement
valvulaire aortique (3). Le patient de l’observation rapportée pré-
sente un tableau d’insuffisance cardiaque évoluée sur une fuite
aortique significative dont l’option thérapeutique devra être chi-
rurgicale à court terme.
La greffe oslérienne est possible : Mac Coll et Kaminishi rap-
portent en effet deux cas d’endocardite infectieuse sur QA (7, 8).
Le diagnostic positif repose sur l’échocardiographie bidimen-
sionnelle permettant la visualisation de la quadricuspidie en inci-
dence parasternale transverse au niveau de l’anneau aortique : en
diastole, la fermeture des valves dessine un aspect en “X” ou en
“trèfle” au lieu de l’aspect habituel en “Y”. En cas de doute du
fait de l’échogénicité de certains patients, l’échocardiographie
transœsophagienne permet d’affirmer le diagnostic.
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carditis. Report of a case affecting congenital stenosed quadricuspid aortic valve.
Guys Hosp Rep 1958 ; 107 : 34-7.
C
AS CLINIQUE
RÉPONSE
L
Figure 2. Aortographie en oblique antérieur droit 30° visualisant les
quatre sigmoïdes.
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