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A la fin du 19
ème
siècle, à une époque où l’école de l’Exégèse exerce une influence
quasi hégémonique dans le champ de la réflexion sur le droit et où les visions non
dogmatiques du droit sont relativement rares, Gabriel Tarde (1843-1904) propose une
réflexion nouvelle. Juriste, sociologue et philosophe français, il souhaite appliquer les lois
de l’imitation, propres à la criminologie et de la psychologie, au domaine juridique. Son
travail ne reçoit pas un accueil très favorable parmi les juristes parce que G. Tarde, de la
même façon que les criminologues positivistes italiens – tels qu’Enrico Ferri ou Raffaele
Garófalo – se focalise sur le phénomène criminel. Ceci suppose d’adopter un point de vue
individualiste, voire biologique, sans prêter d’attention spécifique aux structures sociales et,
en particulier, aux dimensions institutionnelles et juridiques
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. De plus, l’œuvre de Tarde
passe relativement inaperçue dans un contexte où Emile Durkheim jouit, en France, d’un
prestige inégalable dans le monde académique.
1.2. Emile Durkheim, le droit et les juristes (fin du 19ème siècle-1930)
Emile Durkheim (1858-1917) est considéré par beaucoup comme le père fondateur
non seulement de la sociologie du droit française mais également de la sociologie générale
(Chazel 1991). Fils d’une famille juive très religieuse, avec un père, un grand-père et un
arrière-grand-père rabbins, E. Durkheim décide de mener une vie séculaire mais sa pensée
est marquée par l’idée que la religion joue une fonction sociale déterminante.
E. Durkheim connaît une période de grands changements sociaux, politiques et
économiques : le capitalisme s’étend, les révolutions industrielles ont modifié les relations
de production et les individus migrent en masse vers les villes. Cet environnement instable
suscite chez beaucoup une sensation d’incertitude. Comme un grand nombre de ces
contemporains, E. Durkheim veut comprendre la manière dont les mécanismes traditionnels
d’organisation des sociétés, la religion par exemple, sont affectés et se transforment en ces
temps de changement. Selon lui, toute société ne peut s’épanouir que dans un contexte où
existe un fort sentiment de solidarité et d’interdépendance entre les individus qui la
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Selon J. Carbonnier, c’est une raison pour ne pas considérer ce type d’approche comme de la sociologie
juridique, mais plutôt comme de la sociologie criminelle ‘(1978 : 107-109). Même ainsi, la criminologie du
19
ème
siècle fut une référence importance pour la sociologie du droit française (Ibid. : 106).