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Durant la première moitié du XXè siècle, l’expérimentation médicale se développa, dans des
conditions souvent dramatiques. Il serait erroné de croire que les atrocités des camps nazis
eurent le monopole de l’horreur : d’autres continents connurent des expérimentations menées
sur des sujets non-consentants. Au Japon4 (1931-1945), des médecins militaires
expérimentaient sur les prisonniers de guerre (hommes, femmes, enfants) des vivisections
sans anesthésie, des recherches sur la peste, le typhus, le choléra en vue de les utiliser comme
armes bactériologiques ; aux Etats-Unis (1932-1972) de nombreux afro-américains furent
utilisés comme cobaye, à leur insu ou par la force, spécialement lors de l’expérience
« Tuskegee5 ». Les expériences dans les camps nazis entre 1940 et 1945 semblent toutefois se
distinguer, de par leur cruauté, certes, mais surtout par la folie dont leur but était empreint :
Heinrich Himmler en tête, de nombreux médecins enrôlés dans l’armée nazie se livrèrent aux
expériences les plus atroces6.
En dépit de cette situation, dans le même temps, les premières dispositions légales encadrant
la matière de l’expérimentation médicale sur l’être humain apparurent graduellement dans
certains pays. Ainsi, l’Allemagne (paradoxalement), fut la première à voter, en 1931, des lois
éthiques sur l’expérimentation humaine (alors qu’en 1933 a été voté la loi sur la stérilisation
forcée, intitulée « loi sur la prévention de la transmission des maladies héréditaires…). Cette
loi, adoptée par le Ministère de l’Intérieur du Reich, et intitulée « Directive concernant les
nouveaux traitements médicaux et l’expérimentation scientifique sur l’être humain », a
d’ailleurs servi de base à des condamnations pénales de médecins, dans ce qu’il est convenu
d’appeler le procès de Lübeck7. On est encore toutefois loin d’un cadre national strict. Il
faudra malheureusement attendre 1947 et le procès de Nuremberg pour que soit posé le
premier jalon d’une réglementation en matière d’éthique internationale, jalon qui permettra,
par la suite, l’adoption de lois qui limitent le pouvoir des médecins en reconnaissant une
valeur juridique à des comportements éthiques.
4 Travaux de l’Unité militaire 713, jugée et reconnue coupable de crime de guerre et crime contre l’humanité
5 Pendant 40 ans, le Service de Santé publique des Etats-Unis examina 200 hommes noirs atteints de syphillis, en
prétextant l’administration de soins il leur préleva de la moelle osseuse pour le développement d’un vaccin test
contre le virus, sans leur prodiguer les soins normaux permis depuis la découverte de la pénicilline – cité par H.
WASHINGTON, Medical Apartheid : The dark history of medical experimentation on black americans from
Colonia times to Present, U.S., Harlem Moon, 2006; voy. aussi J.H. JONES, Bad Blood- The scandalous story of
the Tuskegee experiment, when the government doctors played God and science went mad, Mac Millian, 1982.
6 Voir à cet égard l’œuvre majeure de C. BERNADAC, Les Médecins maudits, 1967, ensemble de douze livres
sur le thème de la déportation, dont chacun relate une branche particulière de la recherche nazie, comme les
congélations, les recherches sur les jumeaux, les homosexuels, la drogue, etc.
7 Suite au décès de huit enfants et l’hospitalisation de vingt-trois autres, dans des tentatives hasardeuses de
vaccination de la tuberculose par le BGC (le virus atténué de la tuberculose), les responsables furent jugés et
condamnés du chef d’homicide et coups et blessures volontaires, et homicide et coups et blessures involontaires.