Florence REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS - Thèses

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ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT
Année 2006
INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE DU CHIEN :
CONCEPTS PHYSIOPATHOLOGIQUES,
RECONNAISSANCE CLINIQUE
ET PRINCIPES THERAPEUTIQUES
THESE
Pour le
DOCTORAT VETERINAIRE
Présentée et soutenue publiquement devant
LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL
le……………
par
Florence REGNAULT de SAVIGNY
de MONCORPS
Née le 9 janvier 1982 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines)
JURY
Président : M.
Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL
Membres
Directeur : M. DESBOIS
Maître de conférences à l’E.N.V.A.
Assesseur : M. TISSIER
Maître de conférences à l’E.N.V.A
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Praticien hospitalier, Urgences-réanimation, à l’E.N.V.A.
LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT
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Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique
* Responsable de l’Unité
AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel
REMERCIEMENTS
A Monsieur le Professeur
De la faculté de Médecine de Créteil,
Qui m’a fait l’honneur d’accepter la présidence de mon jury de thèse.
Hommage respectueux.
A Monsieur Christophe DESBOIS,
Maître de Conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort,
Qui m’a aidée, guidée dans l’élaboration et la conception de ce travail.
Hommage respectueux.
A Monsieur Renaud TISSIER,
Maître de Conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort,
Qui m’a fait l’honneur de participer à ce jury de thèse,
Sincères remerciements.
A Monsieur Dominique TESSIER-VETZEL,
Responsable du service d’Urgences-Réanimation à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort,
Qui m’a orientée sur la conception de ce sujet de thèse, m’a fait partager son expérience et
m’a soutenue par ses encouragements,
Qu’il trouve ici l’expression de ma profonde gratitude.
A mes Parents,
Pour leur confiance et leur amour
Pour me soutenir dans mes démarches et m’aider à réaliser mes projets
Pour m’avoir menée jusqu’ici.
A mon frère,
Pour être toujours présent quand il faut
Pour notre complicité.
Au reste de ma Famille.
A Théo,
Pour m’avoir initiée à la culture de « la fleur sauvage ».
A Tim,
Pour continuer à partager les décennies à venir.
A Morgane,
L’âme sœur…..
A Alex,
L’âme rousse….
A Antoine, Cécilus, Alice, Jérôme, Cauchy, Vince, Agathe, Nina, Laurence, Yvonne,
Pour leur amitié.
A mon Ancien,
A Phil et Morgane,
Les coloc’s noctambules de l’avenue Patton….
A PH, Georges, Guillaume, Jean-François, Aurélie, Stéphanie, Marjorie, Elodie, Ingrid,
Nadia, Pascaline,Véro,
Ma famille d’adoption cette année !!
TABLE DES MATIERES
LISTE DES FIGURES………………….....……………………………………...11
LISTE DES TABLEAUX…………………….…………………………………..13
LISTE DES ABREVIATIONS……………...………………………………….15
INTRODUCTION…………………………………………...……………………..17
1ère PARTIE
PHYSIOLOGIE DE LA FONCTION CARDIOCIRCULATOIRE
I.
LA FONCTION CIRCULATOIRE……………………………………………19
1. Fonction physiologique ……...………………………………………………..19
2. Les déterminants de la fonction circulatoire et leur régulation……………19
2.1. La volémie………………………………………………………………...20
2.1.1. Définition…………………………………………………………..20
2.1.2. Répartition…………………………………………………………20
2.1.3. Régulation …………………………………………………………20
Modification de l’osmolalité……………………………………20
Régulation hormonale…………………………………………..21
Le système rénine-angiotensine-aldostérone……………….21
L’hormone anti-diurétique………………………………….21
Le facteur atrial natriurétique…………………………….…22
2.2. Les vaisseaux………………………………………………………......…22
2.2.1. Organisation anatomique et fonctionnelle………………………...22
Le circuit………………………………………………………. 22
Le secteur résistif……………………………………………….23
Les zones d’échanges…………………………………………..23
Le secteur capacitif……………………………………………..25
2.2.2. Contrôle de la circulation périphérique……………………………25
2.2.2.1. Maintien de la pression de perfusion………………………..25
2.2.2.2. Contrôle extrinsèque des circulations régionales…………....26
Le système nerveux autonome…………………………………26
La régulation neuro-hormonale………………………………...26
2.2.2.3. Contrôle intrinsèque des circulations régionales……………28
Régulation à court terme……………………………………….28
Régulation métabolique……………………………………28
Phénomène d’autorégulation………………………………28
Régulation myogénique…………………………………....30
Vasomotricité liée à l’endothélium………………………...30
1
Autres stimuli vasomoteurs………………………………...31
Régulation à long et moyen terme……………………………...31
2.3. La fonction cardiaque………………………………………………….31
2.3.1. Organisation anatomique et fonctionnelle………………………...31
Place au sein du réseau vasculaire……………………………...31
Le retour veineux au cœur……………………………………...32
Le couplage atria-ventricules…………………………………..32
Les gros troncs artériels de la base du cœur…………………....32
2.3.2. Le cycle cardiaque………………………………………………...33
Phase systolique…...…………………………………………...33
Phase diastolique……………………………………………….34
Interactions ventriculaires au cours du cycle cardiaque………..34
2.3.3. Principaux déterminants du fonctionnement cardiaque…………...34
II.
LA PERFUSION TISSULAIRE ET SES DETERMINANTS…………….36
1. Le débit cardiaque………………………………… ………………………... 36
1.1. Définition……………………………………………………………….. 36
1.2. Mécanismes de régulation……………………………………………... 36
1.2.1. Régulation de la fréquence cardiaque…………………………..... 36
1.2.2. Régulation du volume d’éjection systolique…….………………...36
La pré-charge et le retour veineux:……………………………..37
Autres facteurs influençant le remplissage diastolique…...……37
La contraction myocardique et la performance contractile du
myocarde …………………………………………………….. 39
La post-charge et le couplage ventriculo-artériel ….....………..39
2. La régulation de la pression artérielle……………………………..………..40
2.1. Définition………………………………………...………………………40
2.2. Rôle…...….……………………………………………………………….41
2.3. Mécanismes immédiats de régulation………………………………….43
2.3.1. Régulation rapide : le baroréflexe………………..………………43
2.3.2. Autres mécanismes de régulation rapide…………………...…….44
2.4. Mécanismes retardés de régulation…………………………………….45
2.4.1. Le système rénine-angiotensine-aldostérone……………………..45
Actions de l’angiotensine II sur le tonus vasomoteur .. …...…...45
Actions tissulaires de l’angiotensine II……………………...…46
Action de l’Angiotensine II sur la volémie……………………..46
2.4.2. L’hormone anti-diurétique ……………………………………….47
2.4.3. Le facteur atrial natriurétique ……………………………………47
3. Les circulations régionales et leur régulation……………………………….48
3.1. Définition…………………………………….…………………………...48
3.2. Partition du débit cardiaque……………….……………………………49
3.3. Autorégulation à l’échelle de l’organe ...….……………………………49
3.4. Régulation métabolique locale……….………………………………….49
2
3.5. Equilibre entre les facteurs de régulation intrinsèque et
extrinsèques selon les tissus ………….…………………………………50
III.
LE TRANSPORT ET L’UTILISATION DE L’ OXYGENE ..………...….51
1. Les déterminants de l’oxygénation tissulaire……………..…………………51
1.1. Le transport de l’oxygène…………………..…………….……………..51
1.2. La consommation d’oxygène …...………….…………….……………..52
1.3. L’extraction de l’oxygène……………………………………………….52
2. Les mécanismes de régulation physiologique de l’oxygénation tissulaire....52
2.1. Notion de seuil critique………………………………………………….52
2.2. Réponse circulatoire à l’hypoxie……………...………….……………..54
2.2.1. Réponse systémique…………………………...…………………54
2.2.2. Réponse locale……………………………………………………54
2.2.3. Les réponses spécifiques des différents organes…………………54
Le myocarde…………………………………………….………55
Le cerveau………………………………………………………55
2ème PARTIE
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE
I.
PERTURBATIONS HEMODYNAMIQUES AU COURS DE L’ETAT DE
CHOC HYPOVOLEMIQUE .….....…….….......................................................57
1. Syndrome hémodynamique général……………………………………….....57
1.1. Modification de la pression veineuse centrale………………………....57
1.1.1. Mécanismes immédiats de compensation………………………...57
1.1.2. Mécanismes retardés de compensation…………………………...58
Rôle des volorécepteurs…… …………………………………...58
Rôle des différences de pression entre les différents
compartiments………………………………………….……….59
Rôle des résistance vasculaires systémiques……………………60
1.2. Modification du débit cardiaque……………………….……………….60
1.2.1. Modification de la contractilité myocardique……………………60
1.2.2. Modification de la fréquence cardiaque……………………….…61
1.3. Modification de la pression artérielle………………………………….61
1.3.1. Phase sympatho-excitatrice………………………………………61
1.3.2. Phase sympatho-inhibitrice………………………………………62
2. Modification des circulations locales………………………………………...63
3. Modification des microcirculations…………………………………………..65
3.1. Modification des vaisseaux de la microcirculation……………………65
3
3.2. Conséquences…………………………………………………………....66
II.
CONSEQUENCES SYSTEMIQUES DE LA DEFAILLANCE
CIRCULATOIRE………………………………………………………….…….68
1. Hypoperfusion tissulaire……………………………………………………..68
1.1. Déficit du métabolisme énergétique cellulaire………………….……..68
1.2. Modification de l’homéostasie cellulaire………………………………70
1.3. Libération de radicaux libres……………….………………………….70
2. Modification du statut acido-basique…………….………………………….71
2.1. Développement de l’acidose tissulaire…………………………………71
2.2. Acidose lactique et hyperlactatémie………….………………………...71
2.3. Epuisement des systèmes tampons…………………….……………….72
2.4. Compensation respiratoire et PCO2…………………….……………..73
2.5. Conséquences des désordres acido-basiques sur le transport d’O2….74
3. Modifications électrolytiques…………………………………………………..75
4. Désordres métaboliques…………………………………………………….….75
4.1. Installation du syndrome de réponse inflammatoire systémique…….76
4.2. Pathogénie du syndrome de défaillance multiviscérale……………….78
4.3. Spécificités des dysfonctions d’organes………………………………..80
4.3.1.
4.3.2.
4.3.3.
4.3.4.
4.3.5.
4.3.6.
Dysfonction rénale……………………………………………..…80
Dysfonction du tractus gastrointestinal…………………………..80
Dysfonction hépatique……………………………………………81
Dysfonction neurologique………………………………………..82
Dysfonction hématologique……………………………………....82
Dysfonction immunitaire……………………………………........83
3ème PARTIE
MOYENS D’EVALUATION CLINIQUE ET PARACLINIQUE DE
L’ANIMAL EN SITUATION D’INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE
I.
EVALUATION DE LA PRESSION ARTERIELLE…………........................85
1. Intérêts…………………………………………………………….…………...85
2. Evaluation quantitative………………………………………….……………87
2.1. Pression invasive…………………………………………….…………..87
2.1.1. Technique………………………………………………………...87
2.1.2. Limites……………………………………………………………87
2.2. Pression non invasive……………………………………………………87
2.2.1. Technique………………………………………………………...88
4
2.2.2. Limites……………………………………………………………88
3. Evaluation qualitative (pouls) ………………………………………………..89
II.
EVALUATION DE LA PERFUSION TISSULAIRE…………....................90
1. Perfusion périphérique…………………………………………….………….90
1.1. Evaluation des muqueuses et du temps de recoloration capillaire…..90
1.2. Suivi de la température…………………………………………………91
1.3. Evaluation du pouls périphérique……………………………………...91
1.4. Evaluation de la perfusion rénale………………………………………92
1.5. Evaluation de la perfusion cérébrale…………………………………..92
2. Perfusion centrale……………………………………………………………..93
2.1. Intérêts de la mesure de la pression veineuse centrale………………..93
2.2. Techniques de mesure…………………………………………………..94
2.2.1. Mesure invasive…………………………………………………..94
2.2.2. Mesure non invasive……………………………………………...98
2.3. Limites……………………………………………….…………………..98
3. Débit cardiaque……………………………………………..…………………99
3.1. Mesure de la fréquence cardiaque………………….………………….99
3.2. Mesure du volume d’éjection systolique…………...…………………100
III.
EVALUATION DE L’OXYGENATION TISSULAIRE……......................102
1. Evaluation directe…………………………………………………….………102
1.1. Mesure des apports…………………………………………….……….102
1.1.1. Déterminants de la délivrance en O2……………………………102
1.1.2. Méthode de mesure par l’évaluation des gaz sanguins.…………104
1.1.3. Mesure par l’oxymétrie de pouls………………………………..104
1.2. Mesure de la consommation tissulaire en O2…………...……………106
2. Evaluation indirecte…………………………………………...…………….107
2.1. Evaluation du statut acido-basique……………………...……………107
2.2. Mesure de la lactatémie………………………………………………..109
IV. EVALUATION DE REPERCUSSIONS SYSTEMIQUES………..………..111
1. Désordres électrolytiques…………………………………………...……….111
2. Désordres métaboliques………………………………………….….………112
3. Réaction inflammatoire systémique aiguë…………………….….………..113
4. Désordres hématologiques……………………………………..…….……...113
5
4éme PARTIE
STRATEGIE THERAPEUTIQUE
I.
CARACTERISTIQUES HEMODYNAMIQUES ET CLINIQUES DU
CHOC HYPOVOLEMIQUE…..…………………………………………… …..115
1. Principales causes de choc hypovolémique……………………...…………115
2. Profil hémodynamique………………………………………………………116
3. Evolution clinique théorique……………………………………...…………116
4. Applications en médecine vétérinaire………………………………………117
II.
OBJECTIFS THERAPEUTIQUES………………..………….………………119
1. Objectif théorique unitaire du choc…………………………………………119
2. Objectifs thérapeutiques cliniques…………………………..………………120
III. ORGANISATION DE L’EVALUATION CLINIQUE D’UN ANIMAL
EN ETAT DE CHOC HYPOVOLEMIQUE......……..…………………….…123
1. Reconnaissance initiale………………………………………………………123
2. Organisation de l’évaluation paraclinique…………………………………124
IV. RETABLISSEMENT DE LA VOLEMIE………………………….…………126
1. Préambule à la thérapeutique liquidienne……………………….…………126
1.1. Rappels sur les lois régissant la dynamique des fluides
dans l’organisme……………………………………...………………………126
1.2. Définition des propriétés hémodynamiques des solutés…………...…127
2. Les solutés cristalloïdes………………………………………………………129
2.1. Les solutés cristalloïdes isotoniques…………………………...………130
Nature chimique et métabolisme…….…………………………130
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments………………………………………………….131
Propriétés hémodynamiques…………...………………………131
Effets particuliers………………………………………………131
Indications……………………………..….……………………132
Contre-indications…………………………...…………………133
Posologies recommandées……………………..………………133
Effets
secondaires………………………………………………134
Présentation galénique…………………………………………135
2.2. Les solutés cristalloïdes hypertoniques…………...……………………136
Nature chimique et métabolisme……………………………….136
6
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments………………….……………………………...136
Propriétés hémodynamiques…………………………………...136
Effets particuliers………………………………………………137
Indications……………………………………………………...138
Contre-indications……………………………………………...139
Posologies recommandées……………………………………..139
Effets secondaires………………….. …………………………140
Présentation galénique…………………………………………140
3. Les solutés colloïdes…………………………………………….……………140
3.1. L’albumine humaine……………………………………...……………142
Nature chimique et métabolisme……………….………………142
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments………………………………………………....142
Propriétés hémodynamiques…………………………………...143
Effets particuliers………………………………………………143
Indications……………………………………………………...143
Contre-indications…………………………………………...…144
Posologies recommandées……………………………………..144
Effets secondaires………………………….. …………………145
Présentation galénique…………………………………………145
3.2. Le plasma……………………………………………………………….146
Nature chimique et métabolisme…………………….................146
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments………………………………………………….146
Propriétés hémodynamiques…………………………………...146
Indications……………………………………………………...147
Contre-indications……………………………………………...147
Posologie recommandée…………...…………………………..147
Effets secondaires……………………...………………………147
Disponibilité……………………………………………………148
3.3. Les dextrans……………………………………………….……………148
Nature chimique et métabolisme………………………….……148
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments………………………………………………….148
Propriétés hémodynamiques…………...………………………149
Effets particuliers………………………………………………149
Indications………………………………...……………………149
Contre-indications………………………...……………………150
Posologies recommandées…………………..…………………150
Effets secondaires…………….. ………………………………150
Présentation galénique…………………………………………151
3.4. Les gélatines fluides modifiées…………………………………………152
Nature chimique et métabolisme………….……………………152
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments………………………………………………….152
Propriétés hémodynamiques………...…………………………152
7
Effets particuliers………………………………………………152
Indications……………………………...………………………153
Posologie recommandée………………..………...……………153
Effets secondaires……………………………….. ……………153
Présentation galénique…………………………………………153
3.5. Les hydroxyéthylamidons……………………………………………..154
Nature chimique et métabolisme……………………………….154
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments………………………………………………....155
Propriétés hémodynamiques…………………………………...155
Effets particuliers………………………………………………155
Indications……………………………………………………...156
Contre-indications……………………………………………...156
Posologies recommandées……………………………………..157
Effets secondaires……………………….. ……………………157
Présentation galénique…………………………………………158
4. Choix du type de soluté………………………………………………………159
4.1. Phase d’instauration du choc (stade clinique I) ...……………………159
4.2. Phase de choc établi (stade clinique II)………………………………..161
4.3. Phase de décompensation du choc (stade clinique III)……………….164
5. Modalités d’administration des solutés……………………………………..166
5.1. Voies d’administration…………………………………………………166
5.2. Débit de perfusion………………………………………………………166
5.3. Surveillance et prévention des complications………………………...168
5.3.1.
5.3.2.
5.3.3.
5.3.4.
V.
Température……………………………………………………...168
Suivi de laboratoire………………………………………………168
Surveillance des complications…………… …………………….168
Cas des hémorragies non jugulées……………………………….169
RETABLISSEMENT DE L’OXYGENATION TISSULAIRE……………...171
1. Apport d’O2…...……………………………………………………………...171
2. Correction des capacités de transport de l’O2……………………………..171
2.1. Transfusion sanguine…………………………………………………..171
2.1.1. Indications……………………………………………………….171
2.1.2. Précautions, voies et rythme d’administration…………………..173
Précautions d’administration…………………………………...173
Voies et rythme d’administration………………………………173
2.1.3. Effets secondaires potentiels……………………………………174
2.2. Oxyglobine………………………………………………………………174
Nature chimique et métabolisme…………………………….…174
Propriétés hémodynamiques………………………………...…175
Effets particuliers………………………………………………175
Indications……………………………………………..….……176
8
Effets secondaires……………………….. ……………………176
Posologies recommandées……………………………………..177
Présentation galénique…………………………………………177
VI. EVALUATION DE LA REPONSE THERAPEUTIQUE ET GESTION
DES COMPLICATIONS.……………………………………………………178
1. Evaluation de l’efficacité du remplissage vasculaire……………………….178
1.1. Correction de l’hypotension artérielle………………………………...178
1.2. Normalisation de la fréquence cardiaque……………………………..179
1.3. Correction de l’oligurie………………………………………………...179
1.4. Test de remplissage vasculaire………………………………………...180
1.5. Evaluation de l’oxygénation tissulaire………………………………...181
1.6. Suivi des animaux présentant une hémorragie active………………..181
2. Adaptation de la fluidothérapie………………………………….…………..181
2.1. Correction de la déshydratation……………………………………….182
2.2. Apport des besoins de maintenance…………………………………...182
2.3. Correction des pertes additionnelles…………………………………..183
3. Emploi des molécules vaso-actives…………………………………………..184
3.1. Présentation des agents vasopresseurs………………………………..184
3.2. Indications………………………………………………………………186
3.3. Schéma thérapeutique………………………………………………….186
3.4. Plan de sevrage en catécholamines……………………………………188
3.5. Effets secondaires………………………………………………………188
3.6. Incompatibilités physico-chimiques et stabilité………………………190
4. Conséquences sur le statut acido-basique…………………………………..190
5. Conséquences sur le statut électrolytique…………………………………..192
5.1. Contrôle de la kaliémie………………………………………………...192
5.2. Contrôle de la natrémie………………………………………………..193
6. Traitement et prévention des complications métaboliques………..………194
6.1. Prise en charge de la douleur………………….………………………194
6.2. Traitement anti-inflammatoire……………………..…………………194
6.3. Traitement anti-infectieux………………………..……………………195
6.4. Prévention des lésions gastro-intestinales………………….…………196
6.5. Suivi de la fonction de coagulation……………………………………197
7. Traitement de l’hypothermie………………………..………………………197
8. Lésions de reperfusion………………………………………….……………197
9
9. Suivi nutritionnel…………………………………………………..…………198
CONCLUSION…………………………………………………………………….199
BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………..201
ANNEXES…………………………………………………………………………..209
10
LISTE DES FIGURES
Figure 1
Caractéristiques des parois des vaisseaux de la circulation systémique
(hors circulation pulmonaire) [42]
Figure 2
Fonctions des différents secteurs de la circulation systémique [42]
Figure 3
Intervention du système nerveux autonome sur le contrôle de la
circulation cardiaque et de la microcirculation [5]
Figure 4
Contrôle métabolique du flux sanguin local [21]
Figure 5
Illustration des différentes phases du cycle cardiaque [38]
Figure 6
Déterminants de la fonction cardiaque [42]
Figure 7
Déterminants du retour veineux vers le cœur droit [76]
Figure 8
Caractéristiques hémodynamiques de la circulation systémique [42]
Figure 9
Rôle de la pression artérielle dans l’organisme [98]
Figure 10
Réflexe médié par les barorécepteurs [22]
Figure 11
Organisation du système rénine-angiotensine circulant [5]
Figure 12
Actions de l’angiotensine II [98]
Figure 13
Chronologie des mécanismes de régulation de la pression artérielle [98]
Figure 14
Le concept d’autorégulation. Représentation de deux relations entre la
pression de perfusion et le débit [37]
Figure 15
Courbe de dissociation de l’Hb [13]
Figure 16
Dépendance pathologique de la consommation en O2 [6]
Figure 17
Réflexe médié par les volorécepteurs atriaux [22]
Figure 18
Réponse neurohormonale à la suite d’une diminution du volume
intravasculaire [28]
Figure 19
Répartition des débits régionaux au cours de l’état de choc
hypovolémique par rapport à l’état physiologique [17]
Figure 20
Modifications des déterminants de l’oxygénation tissulaire durant le choc
hypovolémique [17]
Figure 21
Glycolyse anaérobie [73]
Figure 22
Le système de transport membranaire du lactate [52]
11
Figure 23
Courbe de dissociation de l’Hb en fonction du pH et de la PCO2 [57]
Figure 24
Représentation schématique des conditions d’installation du syndrome de
réaction inflammatoire systémique [34]
Figure 25
[74]
Conséquences de la reperfusion tissulaire après une période d’ischémie
Figure 26
Cascade des médiateurs impliqués dans les perturbations immunoinflammatoires au cours de l’état de choc [2]
Figure 27
Enregistrements continus de pression artérielle invasive [55]
Figure 28
Positionnement du brassard et du transducteur lors de la mesure de la
pression artérielle par méthode Doppler [77]
Figure 29
Positionnement de la colonne d’eau pour la mesure de la PVC [99]
Figure 30
Remplissage de la colonne grâce à la poche de NaCl 0,9% [99]
Figure 31
Mesure de la pression veineuse centrale après étalonnage [99]
Figure 32
Obtention de la PVC par transducteurs électroniques [99]
Figure 33
Positionnement du capteur de l’oxymètre de pouls sur la langue [4]
Figure 34
Principales relations hémodynamiques à prendre en compte dans la prise
en charge du choc [48]
Figure 35
Phase d’instauration du choc (stade clinique I)
Figure 36
Phase de compensation du choc (stade clinique II)
Figure 37
Phase de décompensation du choc (stade clinique III)
Figure 38
Choc hypovolémique (stade clinique II-III) suite à une hémorragie aiguë
12
LISTE DES TABLEAUX
Tableau 1
Signes cliniques associés aux différents stades de déshydratation extracellulaire
[39]
Tableau 2
Normes usuelles du ionogramme et autres paramètres biochimiques [96]
Tableau 3
Symptômes cliniques observés au cours des différentes phases du choc
hypovolémique [96]
Tableau 4
Objectifs thérapeutiques [64]
Tableau 5
Composition du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate
Tableau 6
Présentation galénique du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate
Tableau 7
Formulations commerciales de l’albumine disponibles
Tableau 8
Formulations commerciales à base de Dextrans disponibles
Tableau 9
Formulations commerciales de GFM disponibles
Tableau 10
Définitions concernant certaines caractéristiques des HEA [9]
Tableau 11
Formulations commerciales des HEA disponibles
Tableau 12
Paramètres pharmacocinétiques après administration d’une dose unique
d’Oxyglobin ® [8]
Tableau 13 Effets cardiovasculaires des récepteurs adrénergiques [96]
Tableau 14 Effets des catécholamines sur les récepteurs adrénergiques [96]
Tableau 15 Posologie utilisée lors d’administration
catécholamines lors d’état de choc [96]
Tableau 16
intraveineuse
de
Principaux effets thérapeutiques bénéfiques et secondaires des catécholamines
lors d’état de choc [96]
Tableau 17 Correction en potassium des fluides de maintenance [39]
Tableau 18
continue
Traitements potentiels de l’hyperkaliémie [39]
13
14
LISTE DES ABREVIATIONS
CaO2 :
CvO2 :
CIVD :
CO2 :
D:
EDHF :
ERO2 :
FC :
FR :
GFM :
Hb :
Ht :
HAD :
IL :
LCR :
NaCl :
NO :
O2 :
PaO2 :
PvO2 :
PA :
PAD :
PAF :
PAM :
PAS :
PEV :
PG :
PM :
PMn :
PMp :
PVC :
RL :
SaO2 :
SvO2 :
SDMV :
SIRS :
SNC :
SSH :
TaO2 :
TvO2 :
TGF :
TNF :
TRC :
TSM :
VES :
VO2 :
Contenu artériel en oxygène
Contenu veineux en oxygène
Coagulation intravasculaire disséminée
Dioxyde de carbone
Dalton
Facteur endothélial hyperpolarisant
Extraction en oxygène
Fréquence cardiaque
Fréquence respiratoire
Gélatines fluides modifiées
Hémoglobine
Hématocrite
Hormone anti-diurétique
Interleukine
Liquide céphalorachidien
Chlorure de sodium
Nitroxyde d’azote
Oxygène
Pression artérielle en oxygène
Pression veineuse en oxygène
Pression artérielle
Pression artérielle diastolique
Platelet activated factor
Pression artérielle moyenne
Pression artérielle systolique
Pouvoir d’expansion volémique
Prostaglandine
Poids moléculaire
Poids moléculaire en nombre
Poids moléculaire en poids
Pression veineuse centrale
Ringer Lactate
Saturation artérielle en O2
Saturation veineuse en O2
Syndrome de défaillance multiviscérale
Syndrome de réaction inflammatoire systémique
Système nerveux central
Soluté salin hypertonique
Tension artérielle en oxygène
Tension veineuse en oxygène
Tumoral Growth Factor
Tumoral Necrosis Factor
Temps de recoloration capillaire
Taux de substitution molaire
Volume d’éjection systolique
Consommation tissulaire en oxygène
15
16
INTRODUCTION
L’état de choc est une condition labile qui se caractérise, quelle qu’en soit l’origine,
par l’établissement plus ou moins rapide d’une insuffisance circulatoire systémique,
ayant pour conséquence majeure la réduction des apports nutritionnels aux cellules et
donc une inadéquation entre les besoins et les apports métaboliques, en particulier en
oxygène.
Lors de choc hypovolémique secondaire à une hémorragie, la baisse de
l’hémoglobinémie majore d’autant plus ce risque d’hypoxie cellulaire, du fait d’une
altération des capacités de transport de l’oxygène. Il en résulte une situation de mise en
péril de l’organisme, les homéostasies cellulaire, énergétique et hémodynamique
n’étant plus maintenues.
En médecine vétérinaire, cette situation est rencontrée de manière relativement
fréquente et constitue un enjeu particulier. L’animal présenté en état de choc est
souvent dans une situation clinique critique et nécessite l’admission dans un service de
soins intensifs permettant une surveillance continue. Cette activité requiert une
infrastructure permettant la réalisation de bilans clinique et paraclinique, nécessitant un
matériel onéreux et peu rentable pour des cliniques non spécialisées. Cependant, la non
disponibilité de ce type d’équipement ne doit pas faire renoncer le praticien à prendre
en charge ces patients, dont l’état critique impose la mise en œuvre de soins immédiats.
Le but de ce travail est donc de proposer une démarche thérapeutique de prise en
charge d’un chien en état de choc hypovolémique.
Dans une première partie, un rappel sur le système cardiocirculatoire est effectué,
afin de comprendre le fonctionnement et les modes de régulation cardiovasculaire en
situation physiologique.
Dans une seconde partie, l’état de choc hypovolémique est envisagé sous un aspect
physiopathogénique. Les perturbations hémodynamiques et les phénomènes de
compensation sont détaillés afin de comprendre le mode d’évolution de l’insuffisance
circulatoire aiguë.
La troisième partie décrit les moyens d’évaluation clinique et paraclinique de
l’animal en état de choc. Une description détaillée des différentes phases de l’examen
clinique et des appareils de surveillance y est effectuée. Certains examens
complémentaires présentés sont à l’heure actuelle essentiellement disponibles dans les
centres dits spécialisés (appareil de mesure de gaz sanguins, de la pression artérielle
invasive…); d’autres sont plus largement accessibles, donc applicables, en structures
non spécialisées (pression non invasive, ionogramme, évaluation de la diurèse…).
Enfin, la dernière partie présente un protocole de prise en charge thérapeutique
raisonnée des perturbations hémodynamiques accompagnant le syndrome d’état de
choc hypovolémique. Une attention particulière est portée aux différents aspects de la
thérapeutique liquidienne en proposant une description détaillée des différents solutés
17
disponibles actuellement en France. D’autre part, les traitements visant à corriger les
perturbations secondaires à l’hypoperfusion tissulaire sont envisagés en fonction de la
pertinence de leur utilisation. La prévention et la gestion des complications potentielles
y sont également décrites.
18
1ère PARTIE
PHYSIOLOGIE DE LA FONCTION
CARDIOCIRCULATOIRE
La connaissance des bases morphologiques et fonctionnelles du système
cardiovasculaire permet de comprendre les mécanismes de régulation de la perfusion
tissulaire, responsable entre autre du fonctionnement cellulaire. Il est donc
indispensable de connaître les bases du fonctionnement du système cardiocirculatoire,
afin d’aborder par la suite les mécanismes intervenants dans la régulation systémique et
locale de la perfusion tissulaire. Enfin, un rappel sur le transport et l’utilisation de
l’oxygène au sein de l’organisme sera effectué afin de comprendre les mécanismes mis
en place lors de situation d’hypoxie.
IV. LA FONCTION CIRCULATOIRE
1. Fonction physiologique [16, 23]
Le système cardiovasculaire est composé du cœur, des vaisseaux et du sang. Sa
fonction est primordiale car il assure le transport de nombreuses substances
indispensables à l’organisme : oxygène, nutriments (glucose, acides aminés, acides
gras, lipides…), hormones et composés immunologiques. Il participe aussi au transport
des produits du métabolisme cellulaire (dioxyde de carbone, acide lactique, déchets du
métabolisme azoté…) en vue de leur élimination.
Il participe à l’homéostasie cellulaire par le biais du contrôle de la balance
hydrique, de la chaleur corporelle et de la répartition tissulaire des nutriments et de
l’oxygène.
Avec les systèmes endocrinien et neurologique, il participe aux fonctions de
coordination et d’intégration.
2. Les déterminants de la fonction circulatoire et leur régulation
La circulation sanguine est régie par un ensemble de mécanismes complexes faisant
intervenir la fonction cardiaque (fonction pompe du cœur), les systèmes vasculaires (le
contenant) et la volémie sanguine (le contenu).
19
2.1. La volémie
2.1.1. Définition
La volémie représente le volume sanguin circulant total, c’est à dire le volume
plasmatique (55%) et le volume globulaire (45%). Le liquide plasmatique est composé
à 93% d’eau, les 7% restants comprenant des électrolytes, des protéines, des gaz
dissous, des nutriments, des hormones et des déchets du métabolisme azoté. Le volume
globulaire correspond au volume occupé par les globules rouges, les globules blancs et
les plaquettes. Le volume moyen sanguin chez le chien est de 80 mL/kg. [23]
Le volume plasmatique résulte d’un équilibre hydrique entre les milieux intérieur et
extérieur d’une part, entre le secteur vasculaire et le secteur interstitiel d’autre part. La
différence de pression s’exerçant d’un compartiment à l’autre favorise la filtration ou
au contraire la réabsorption d’eau principalement au niveau des capillaires. Le volume
globulaire est principalement déterminé dans les conditions physiologiques par la
libération d’érythropoïétine rénale: cette hormone entraîne la libération d’hématies du
compartiment médullaire vers le sang. [23]
2.1.2. Répartition
Le sang circule dans un système fermé classiquement divisé en circulation
systémique et en circulation pulmonaire. La majeure partie du sang se trouve dans la
circulation systémique (84%) dont 13% dans le secteur artériel, 7% dans les capillaires
et 64% dans le secteur veineux. La circulation pulmonaire ne contient que 9% du sang
(répartition égale dans chaque secteur) et le cœur en diastole 7%. [16]
2.1.3. Régulation
La régulation de la volémie s’effectue à différents niveaux par le biais de
l’osmolalité, et par l’intervention de volorécepteurs répartis dans tout l’organisme (foie,
système nerveux central et vaisseaux).
Modification de l’osmolalité
En premier lieu, toute modification de la pression hydrostatique et/ou oncotique au
niveau plasmatique ou interstitiel entraîne une redistribution passive de l’eau dans ces
secteurs ce qui entraîne une modification de la volémie. L’équilibre électrolytique
(déterminé principalement par la natrémie) ainsi que la concentration protéique
plasmatique sont donc fondamentaux dans la régulation de la volémie.
20
Régulation hormonale
A l’état d’équilibre, le volume sanguin fait l’objet d’un contrôle permanent par des
mécanismes de rétrocontrôles endocriniens où le rein tient une place prépondérante.
[82]
Le système rénine angiotensine aldostérone
Le foie, le système nerveux central et les vaisseaux sont dotés de volorécepteurs qui
sont sensibles aux variations de la volémie. Le système vasculaire regroupe des
volorécepteurs à haute pression (appareil juxtaglomérulaire, aorte et carotides) et à
basse pression (oreillettes et vaisseaux pulmonaires). [16] La baisse de la volémie
stimule des volorécepteurs auriculaires activant, après intégration au niveau des centres
supérieurs, le système sympathique et le système rénine angiotensine avec libération
d’angiotensine II dans le système circulatoire. Celle-ci provoque une vasoconstriction
de l’artériole rénale afférente conduisant à une diminution de la perfusion rénale et
secondairement à une baisse de la diurèse. Il en suit une augmentation de la volémie.
[20, 64]
D’autre part, l’angiotensine II stimule le centre de la soif ainsi que la libération
d’aldostérone par la glande corticosurrénale. Cette hormone provoque une rétention de
sodium et d’eau au niveau des tubes contournés distaux et collecteurs rénaux entraînant
une augmentation du volume plasmatique. [22, 64]
L’hormone anti-diurétique
L’hormone anti-diurétique (HAD) ou vasopressine est impliquée dans la régulation
du volume d’eau réabsorbé par le rein, et joue par ce contrôle de la volémie sanguine un
rôle dans la régulation de la pression artérielle.
L’HAD est synthétisée par l’hypothalamus en réponse à la stimulation
d’osmorécepteurs suite à l’augmentation de l’osmolarité du liquide céphalorachidien
par déshydratation ou par excès de sodium (et donc indirectement par l’angiotensine II).
Des récepteurs à l’HAD sont présents au niveau de l’hypothalamus dont l’activation
stimule la soif. L’HAD a également une action sur le centre vasomoteur du noyau du
tractus solitaire conduisant à une vasoconstriction. Enfin, les récepteurs situés sur les
tubes contournés distaux et les tubes collecteurs stimulent la réabsorption d’eau, ce qui
a pour conséquence de rétablir la volémie et d’abaisser la concentration sodique
plasmatique. [20]
L’HAD étant sécrétée en continue, la régulation peut s’effectuer aussi bien par une
diminution de celle-ci (et donc une diminution de la volémie) ou par augmentation de
sa sécrétion (entraînant une hausse de la volémie).
21
Le facteur atrial natriurétique
Le facteur atrial natriurétique (FAN) est synthétisé puis relargué dans la circulation
par les cellules atriales en réponse à leur distension secondaire à une hypervolémie, à
une tachycardie atriale ou encore en présence de substances vasoconstrictrices élevant
la pression auriculaire. Sa libération est également stimulée par l’HAD suite à
l’augmentation du retour veineux qu’elle entraîne. [5]
Le FAN a d’une part une action vasodilatatrice directe au niveau de la circulation
systémique conduisant à une diminution de la pression artérielle et à une augmentation
de la filtration glomérulaire ; d’autre part il déprime les fibres myocardiques et inhibe le
système sympathique. Enfin il agit indirectement sur la volémie en inhibant la
libération de rénine, d’aldostérone et d’HAD ce qui favorise la diurèse et la natriurèse.
[5]
2.2. Les vaisseaux
2.2.1. Organisation anatomique et fonctionnelle
Le circuit
Le circuit vasculaire est un circuit fermé dans lequel le sang est propulsé par un
moteur (le cœur) dans un réseau vasculaire ordonné.
Le sang qui quitte le cœur circule successivement dans les grosses artères, les
branches artérielles et les artérioles, dont le diamètre luminal diminue jusqu’à atteindre
la valeur d’un capillaire (10 microns). Le sang rejoint ensuite le cœur via un réseau
veineux de plus en plus large, les veinules, les branches veineuses et les grosses veines.
[23]
Le rôle de ces différents vaisseaux repose sur leur structure histologique
(figure 1). Ils sont divisés en 3 couches : l’adventice externe composée de tissu
conjonctif riche en collagène, la media comprenant majoritairement des fibres
musculaires lisses circulaires et des fibres élastiques et l’intima interne représentant un
endothélium continu s’appuyant sur une membrane basale glycoprotéique. [23]
Les grosses artères proximales contiennent une grande proportion de fibres
élastiques, leur permettant de se distendre lors d’augmentation de pression importante.
Plus on s’éloigne du cœur, plus les artères sont pourvues en fibres musculaires au
détriment de la matrice. Les artérioles terminales constituant les sphincters
précapillaires sont dotées d’un anneau musculaire unicellulaire potentiellement
occlusif. [16] Les veines contiennent moins de fibres musculaires lisses circulaires :
elles offrent peu de résistances au flux sanguin et ont une capacité de distension élevée.
Par conséquent, l’augmentation du volume sanguin systémique est à l’origine d’une
vasodilatation veineuse plus ou moins importante. [23]
22
Figure 1 : Caractéristiques des parois des vaisseaux de la circulation systémique
(hors circulation pulmonaire) [42]
L’organisation fonctionnelle du système cardiocirculatoire découle des différences
architecturales vasculaires (figure 2).
Le secteur résistif
Le système résistif est formé par les vaisseaux qui offrent une résistance élevée au
flux sanguin. Les ventricules, les artères et les artérioles, constitués d’une large
proportion de fibre musculaires lisses et de tissu fibreux, assurent cette fonction du fait
de leur faible compliance. Ils assurent le maintien d’une pression systémique élevée, et
par conséquent le maintien d’une pression de perfusion périphérique indispensable pour
le bon fonctionnement des organes. Le système résistif joue donc le rôle d’un réservoir
de pression. [23, 25, 64]
Les zones d’échanges
Les échanges sanguins (nutriments, gaz, déchets) sont réalisés au niveau des
capillaires. Les capillaires forment une vaste surface d’échange où le flot sanguin est
continu et lent. Il s’agit d’un système à basse pression. [23, 64]
23
Pression intravasculaire (mmHg)
Figure 2 : Fonctions des différents secteurs de la circulation systémique [42]
Système résistif
Système capacitif
La structure de ces vaisseaux de très faible diamètre permet le passage des hématies
en ligne ce qui améliore la diffusion des substances ; les échanges sont régulés par la
taille des molécules et le degré de fenestration de la membrane endothéliale des
capillaires. [23]
Seuls 10% des capillaires sont utilisés au repos, les autres étant shuntés et
représentant une réserve disponible lors d’augmentation du métabolisme. Leur variation
de diamètre est modulée par les variations de résistances en amont ou en aval de ceuxci. [16] Si le métabolisme augmente, l’organisme peut, par le biais d’une variation des
résistances, recruter les autres capillaires assurant l’irrigation des organes concernés
afin d’augmenter la perfusion tissulaire tout en maintenant un débit sanguin constant au
niveau de chaque capillaire. [23]
24
Le secteur capacitif
Le système capacitif est composé des veinules et des veines qui assurent le retour
du sang des capillaires jusqu’au cœur. Les veines, par leur capacité de distension,
assurent une fonction de collecte du sang, modulent le retour veineux et le débit
cardiaque. [16, 23, 64]
Les vaisseaux lymphatiques drainent la lymphe à partir des capillaires lymphatiques
situés au voisinage des capillaires sanguins. En plus du rôle indispensable du système
lymphatique dans le transport des composés immunologiques et anti-infectieux, dans
l’absorption des graisses par le tube digestif et dans le drainage des protéines de poids
moléculaire élevé, celui-ci intervient également dans la régulation du retour sanguin au
coeur. [16] En effet, la structure de ses vaisseaux est comparable à celle des veines et il
possède une capacité de distension élevée malgré des variations de volume importantes.
Le système capacitif est caractérisé par une basse pression même lors de variation
importante de la volémie. Ce système est également appelé « réservoir de volume » car
la forte capacité de distension des veines et des vaisseaux lymphatiques permet de
contenir un volume sanguin important sans modification notable de la pression
sanguine dans ces secteurs. [23, 25, 64]
2.2.2. Contrôle de la circulation périphérique
Dans les organes, le flux sanguin local est déterminé par la pression de perfusion et
les résistances des vaisseaux sanguins.
débit sanguin = Pression de perfusion / Résistances périphériques vasculaires
2.2.2.1. Maintien de la pression de perfusion
A l’exception des poumons, la pression de perfusion au niveau de chaque organe
correspond à la pression systémique. Cette dernière est étroitement liée aux variations
des résistances vasculaires systémiques et du débit cardiaque, déterminé par la
fréquence cardiaque et le volume d’éjection systolique toute modification de l’un de ces
facteurs peut donc entraîner des modifications des pressions de perfusion régionale.
Afin d’adapter le débit sanguin régional, l’organisme peut réagir aux variations de
pression systémique par le biais du contrôle des résistances vasculaires périphériques.
La pression systémique est par définition la même pour tous les tissus de l’organisme,
mais le débit régional diffère selon les organes : il existe donc des variations de
régulation des résistances vasculaires périphériques en fonction des organes. [25] Le
contrôle de la circulation périphérique repose sur le tonus vasomoteur, et donc de l’état
de contraction ou de relaxation des muscles lisses vasculaires régionaux. Il existe des
facteurs de régulation des résistances vasculaires extrinsèques et intrinsèques. [16, 21,
22]
25
2.2.2.2. Contrôle extrinsèque des circulations régionales
Le contrôle extrinsèque des résistances vasculaires périphériques s’effectue par le
biais de facteurs nerveux et humoraux qui ont une action systémique se repercutant au
plan régional. En effet, ces systèmes de régulations contribuent au maintien d’une
pression artérielle systémique compatible avec l’établissement d’une pression de
perfusion périphérique adéquate. [64]
Le système nerveux autonome
Le contrôle nerveux s’effectue par le biais du système nerveux autonome. Les
informations sont transmises aux centres cardiovasculaires (formation réticulée et
région pontique) composés d’un centre presseur et d’un centre dépresseur tout en étant
soumises à l’influence du noyau du tractus solitaire (site de projection des
barorécepteurs et des chémorécepteurs) et contrôlées par le cortex et l’hypothalamus.
L’intégration de l’ensemble des informations conduit à une réponse médiée soit par le
système parasympathique soit par le système orthosympathique. [16, 64]
Le système nerveux parasympathique agit principalement au niveau cardiaque alors
que le système nerveux orthosympathique a une action cardiaque et périphérique
(figure 3).
Le système sympathique agit, par l’intermédiaire de neurotransmetteurs (adrénaline
et noradrénaline principalement), sur les fibres myocardiques, les cellules endothéliales
et les fibres musculaires lisses vasculaires. L’activation des récepteurs α-adrénergiques
donne lieu à une constriction des artérioles et des veines. La stimulation des récepteurs
β1 situé sur les cellules myocardiques a une action inotrope et chronotrope positive.
[22, 64]
Le système parasympathique stimule les récepteurs muscariniques (M) situés sur les
muscles lisses des artérioles coronaires et des muscles squelettiques grâce à une
libération d’acétylcholine. Il en résulte un effet vasoconstricteur de faible intensité et
souvent surpassé par l’effet vasodilatateur du à la libération de monoxyde d’azote par
l’endothélium (récepteur M endothélial). Il existe également des récepteurs M au
niveau des noeuds sino-atrial, atrial et atrio-ventriculaire et des cellules myocardiques :
leur stimulation provoque un effet chronotrope négatif important ainsi qu’un effet
inotrope négatif modéré par effet direct et indirect (inhibition du système
orthosympathique). [16, 22, 64]
La régulation neuro-hormonale
La stimulation du système orthosympathique peut entraîner également une
libération d’adrénaline et de noradrénaline par la médullosurrénale ; ces substances
n’agissent plus comme neurotransmetteurs mais comme hormones déversées dans la
circulation systémique. A faible concentration, celles-ci viennent renforcer l’action
26
vasoconstrictrice au niveau des récepteurs α-adrénergiques. Libérées à forte dose, elles
activent des récepteurs β2 adrénergiques situés sur les artérioles coronaires et
musculaires squelettiques, conduisant à une vasodilatation. [16, 22, 64]
D’autre part, la stimulation du système orthosympathique entraîne également une
libération d’angiotensine II qui a de puissants effets vasoconstricteurs sur différents
vaisseaux. [16, 64]
Figure 3 : Intervention du système nerveux autonome sur le contrôle de la
circulation cardiaque et de la microcirculation [5]
NTS : Noyau du tractus solitaire ; CC : Centre cardiaque du parasympathique (pΣ) ; CVM : Centre
vasomoteur du sympathique (Σ) ; PC : pression intracrânienne ; θ : température centrale, A : adrénaline ;
NA : noradrénaline
27
2.2.2.3. Contrôle intrinsèque des circulations régionales
A l’inverse du contrôle extrinsèque qui régit le maintien de la pression systémique,
différents déterminants de régulations interviennent au niveau régional ou local pour
adapter plus spécifiquement le débit sanguin aux besoins spécifiques de chaque organe.
Au repos, presque tous les tissus, à l’exception des reins et de la peau, contrôlent le
débit sanguin nécessaire à leur métabolisme basal. Si celui-ci est modifié, plusieurs
facteurs interviennent pour permettre de maintenir le débit sanguin local aux besoins
spécifiques de chaque organe.
Régulation à court terme
Régulation métabolique [21]
La régulation métabolique est primordiale dans le contrôle de la circulation
périphérique : elle permet en effet une adaptation rapide du flux sanguin local en
réponse à une modification des besoins métaboliques.
Au niveau tissulaire local, une augmentation du métabolisme entraîne une
augmentation de la demande en oxygène alors que l’apport reste constant. Il en résulte
une diminution de la concentration en oxygène et une hausse de la libération de
catabolites tissulaires (CO2, adénosine, acide lactique…) ainsi que la fuite des ions
potassium du milieu intracellulaire vers le milieu interstitiel. Ces facteurs exercent une
action vasodilatatrice en relaxant le muscle lisse artériolaire ; par conséquent le flux
sanguin local est augmenté. Parallèlement on observe une relaxation des sphincters précapillaires ce qui permet la mise en fonction d’un nombre supplémentaire de capillaires
(en situation basale, seul 10 à 20% des capillaires sont utilisés). Ainsi, le flux sanguin
local augmente et la distance de diffusion nette entre les cellules et le sang diminue : les
apports en nutriments et en O2 sont alors rétablis par rapport aux besoins. Ce
phénomène est appelé « hyperémie active ». Lorsque le flux est rétabli, il s’opère un
rétrocontrôle négatif qui diminue la libération de substances vasodilatatrices assurant
ainsi un retour à la normale (figure 4).
La même réaction est observée en cas de restriction momentanée du flux sanguin à
un tissu (suite à une obstruction). A la levée de l’occlusion, « l’hyperémie réactive »
permet une hausse du débit local afin de répondre aux besoins métaboliques modifiés.
Phénomène d’autorégulation [21, 37]
La perfusion périphérique dépendant étroitement de la pression systémique, toute
modification de la pression artérielle peut entraîner des modifications brutales de débit
sanguin local. Le phénomène d’autorégulation permet de limiter les conséquences d’un
28
changement brutal de pression de perfusion régionale et donc de maintenir des débits
sanguins adaptées au métabolisme des organes.
La régulation métabolique permet d’adapter le flux sanguin en réponse à une
modification des besoins métaboliques et participe en cela au phénomène
d’autorégulation.
Celui-ci a été objectivé lors d’expériences sur des organes ou des tissus
dénervés auxquels on a appliqué des pressions de perfusion différentes. [21] Ainsi
l’application de pressions comprises entre 60 et 190 mm Hg au niveau du cerveau sans
modification du métabolisme local n’a entraîné que des modifications minimes du débit
sanguin tissulaire. Ceci est du à une autorégulation de l’organe dans laquelle intervient
la régulation métabolique.
Figure 4 : Contrôle métabolique du flux sanguin local [21]
↑ demande métabolique tissulaire
↑ relargage facteurs vasodilatateurs
(K+, CO2, Adénosine)
↑consommation O2
↑ concentration facteurs vasodilatateurs
↓ concentration en O2
↓ tonus sphincter
pré-capillaire
Rétrocontrôle
négatif
↓ résistances
artériolaires
↑ nombre
capillaires ouverts
↑ surface capillaire
totale
↓ distance de diffusion
↑ élimination K+, CO2 , adénosine
↑ apport en O2
29
↑ Flux sanguin
L’augmentation immédiate du débit sanguin conduit à une vasoconstriction
artériolaire par le biais de la régulation métabolique (diminution de la libération locale
de facteurs vasodilatateurs) et donc à une hausse des résistances vasculaires
périphériques. Le rétrocontrôle négatif permet alors de restaurer le tonus vasculaire
initial.
Cependant, ce mécanisme de régulation est dépassé lors de variations extrêmes de
la pression systémique. Ainsi, lors d’hypo- ou d’hypertension majeure, le débit
d’organe devient directement dépendant de la pression artérielle systémique. Cet
intervalle de pression au sein duquel le phénomène d’autorégulation est compétent
diffère selon les organes.
Régulation myogénique [16]
Lorsque la pression de perfusion locale augmente, le vaisseau se détend de manière
passive ce qui entraîne une augmentation du débit. 30 à 60 secondes plus tard, on
observe une vasoconstriction qui permet un retour du débit sanguin à sa valeur initiale.
Si au contraire une baisse de la perfusion est observée, on assiste à une vasodilatation
locale.
Ce réflexe est indépendant de la présence d’un endothélium mais implique une
réponse de type musculaire lisse. [37] Les mécanismes de ce « réflexe myogénique » ne
sont pas encore parfaitement compris mais il participe à la création d’un tonus de base,
indispensable pour assurer les phénomènes de dilatation ou de constriction induits par
différentes substances vasomotrices.
D’autre part, cette réponse permettrait de protéger la paroi très fine des capillaires
en cas d’augmentation importante de pression et ainsi réguler la pression capillaire
hydrostatique.
Vasomotricité liée à l’endothélium [16]
L’endothélium vasculaire, s’il est intact, joue un rôle déterminant dans la
vasomotricité locale via la libération de facteurs autocrines. Lors d’augmentation du
débit local à pression constante, la contrainte de cisaillement que subit la paroi
endothéliale est majorée ce qui entraîne la libération de substances vasodilatatrices
comme le monoxyde d’azote (NO). Cette substance, très labile, est également produite
suite à une stimulation par les bradykinines, la sérotonine, l’histamine…
Le facteur endothélial hyperpolarisant (EDHF) ainsi que des prostacyclines (PGI2)
sont également des facteurs vasodilatateurs libérés par l’endothélium.
En revanche la libération locale d’endothéline et d’angiotensine II sous l’influence
de facteurs mécaniques (étirement de la paroi artérielle), chimiques (hypoxie) ou
hormonaux (noradrénaline, thrombine) induit une vasoconstriction permettant de
maintenir le tonus vasculaire. L’endothéline exercerait également une action inotrope
positive sur le myocarde. D’autres molécules telles que l’EDRF et les prostaglandines
endothéliales ont aussi un rôle dans la contraction des artérioles.
30
Autres stimuli vasomoteurs [16]
L’acétylcholine, le facteur atrial natriurétique, l’hyperosmolarité, l’adénosine,
l’ATP, l’ADP, l’augmentation de la concentration en ions K+, H+, Mg++, Na+, acétate,
citrate, CO2 ainsi que la chaleur ont une action vasodilatatrice.
En revanche, les radicaux libres et le calcium à forte concentration, le
thromboxane A2, l’alcalose, et le froid ont un effet vasoconstricteur artériolaire.
La bradykinine, l’histamine, les eicosanoïdes, la sérotonine, le PAF, les kinines ont
un rôle vasomoteur soit vasodilalatateur soit vasoconstricteur.
Régulation à moyen et long terme [16]
Les vaisseaux étant soumis à des contraintes régulières suite à des changements
fréquents de pression sanguine ont une structure qui se modifie au cours du temps : aou hypertrophie, hypo- ou hyperplasie. Ce remodelage peut être influencé par une
libération répétée d’angiotensine II endothéliale qui exerce une action trophique au
niveau tissulaire.
De plus, si la circulation est obstruée de manière chronique, une néovascularisation
collatérale peut rapidement se mettre en place et modifier ainsi le flux sanguin
2.3. la fonction cardiaque
2.3.1. Organisation anatomique et fonctionnelle
Place au sein du réseau vasculaire
Le système cardiovasculaire est un circuit fermé dans lequel le sang circule grâce à
l’établissement de gradients de pression dans le secteur artériel et l’existence de valves
anti-reflux dans le secteur veineux à basse pression.
Le cœur y tient une place prépondérante en y assurant plusieurs fonctions :
-
en tant que muscle myocardique, l’alternance de phases de contraction et de
relaxation régule le volume et la force d’éjection du sang dans la circulation
pulmonaire et systémique.
-
le cœur droit fait partie d’un système à basse pression qui va des capillaires
périphériques au ventricule gauche en diastole alors que le coeur gauche est le
moteur du système à haute pression comprenant le cœur gauche en systole aux
sphincters pré-capillaires.
-
son activité autonome (pace-maker) est influencée par une régulation
intrinsèque et extrinsèque dont les répercussions touchent l’ensemble du
31
système cardiovasculaire (modification du débit cardiaque et de la
vasomotricité)
Le retour veineux au cœur
Le cœur droit et le cœur gauche sont alimentés par le sang provenant des veines en
amont.
La pompe cardiaque droite est alimentée par les troncs veineux (veine cave caudale,
veine cave crâniale) qui se jettent dans l’atrium droit. Ces gros vaisseaux constituent
l’abouchement final de l’ensemble des vaisseaux drainant les capillaires périphériques.
La faible compliance des vaisseaux veineux leur permet d’assurer le rôle de réservoir
volumique pour le cœur droit.
Le cœur gauche reçoit le sang provenant des veines pulmonaires. Une des
particularités du système veineux pulmonaire est la faible force du tonus vasomoteur
comparé à la circulation systémique. De plus, il appartient à une circulation régie à
basse pression. [25] Par conséquent, toute modification importante de la pression en
aval ou toute augmentation du débit cardiaque droit conduit à une dilatation des veines
pulmonaires et une baisse des résistances locales.
Le sang est ramené dans chaque hémicoeur sous l’effet d’un gradient de pression
existant entre les sphincters post-capillaires et les atria. Ce gradient de pression étant
faible et l’activité pulsatile étant réduite, l’existence de valves unidirectionnelles dans la
paroi des veines évite le reflux sanguin vers les capillaires. De plus, les mouvements
respiratoires induisent des modifications de pression intrathoracique qui influencent le
retour veineux.
Le couplage atria-ventricules
Chaque hémicoeur est constitué de 2 cavités, l’atrium et le ventricule, reliés par une
valve atrio-ventriculaire. La pression moyenne dans les atria est régie par la relation
entre le contenu sanguin et les propriétés mécaniques de la paroi (distensibilité,
inotropisme) mais aussi par la pression diastolique du ventricule associé, par
l’inextensibilité du péricarde et par l’existence de variations de pression intrathoracique
par le biais des mouvements respiratoires. [76] Lors de l’ouverture de la valve, le sang
passe de l’atrium au ventricule sous l’effet du gradient de pression alors que sa
fermeture permet le remplissage de l’atrium et l’éjection sous pression du volume
ventriculaire dans les troncs artériels.
Les gros troncs artériels de la base du cœur
Chaque ventricule éjecte le sang vers un tronc artériel majeur : le tronc pulmonaire
pour le ventricule droit et le tronc aortique pour le ventricule gauche.
Ces vaisseaux alimentent deux réseaux vasculaires dont le fonctionnement diffère.
En effet, le réseau vasculaire pulmonaire est un système à haut débit et basse pression
32
puisqu’il est parcouru par l’intégralité du débit cardiaque (comme le tronc artériel) mais
à une pression artérielle pulmonaire environ 6 fois inférieure à la pression artérielle
systémique. [21]
2.3.2. Le cycle cardiaque [24, 64]
Le cœur se contracte et se relâche selon un mode cyclique en réponse à une
dépolarisation électrique et aux mouvements calciques cellulaires. Chacune des 4
cavités cardiaque subit cette contraction (phase systolique) et cette relaxation
successive (phase diastolique). Ces différentes phases sont illustrées dans la figure 5.
Au cours de ces étapes, on observe des modifications de pression et de volume
cavitaire, qui sont à l’origine des fonctions de la pompe cardiaque.
Figure 5 : Illustration des différentes phases du cycle cardiaque [38]
Le cycle cardiaque est détaillé ci-dessous en prenant pour exemple le
fonctionnement atrial et ventriculaire gauche. Le déroulement des différentes phases
décrites est identique au sein du cœur droit.
Phase systolique
La phase de systole est composée de 2 étapes :
- le ventricule se contracte sans modification de volume (contraction
isovolumique) car les valves mitrales et aortiques sont closes. Il s’en suit une
augmentation de pression intracavitaire, dépendante du volume initial contenu et de la
force contractile de la paroi ventriculaire
33
- lorsque cette pression est supérieure à la pression régnant à la base du tronc
aortique, la valve aortique s’ouvre et permet l’éjection du sang contenu dans le
ventricule sous pression. Cette éjection se poursuit jusqu’à ce que la pression
intracavitaire soit inférieure à la pression aortique ; la valve aortique se ferme alors et
reste dans le ventricule une fraction volumique appelé volume de fin de systole. La
différence de volume ventriculaire entre la fin de la diastole et la fin de la systole est
appelée volume d’éjection systolique ventriculaire.
Phase diastolique
Le début de la diastole commence avec la fin de la systole ventriculaire. Les valves
aortiques et mitrales sont closes : c’est la phase de relaxation isovolumique durant
laquelle la pression ventriculaire gauche diminue rapidement. Parallèlement, la pression
atriale gauche augmente du fait du remplissage progressif de l’atrium gauche. Lorsque
celle-ci dépasse la pression ventriculaire, la valve mitrale s’ouvre et permet le
remplissage passif puis actif du ventricule gauche (systole atriale mais diastole
ventriculaire). Cette décharge de sang de l’atrium vers le ventricule relâché conduit à
une diminution de la pression atriale et une fermeture de la valve mitrale qui s’oppose
au reflux sanguin du ventricule vers l’atrium.
Interactions ventriculaires au cours du cycle cardiaque
Il est important de prendre en compte l’interaction du ventricule droit et gauche du
fait de la présence du péricarde, sac fibreux inextensible qui entoure les 2 hémicoeurs,
et ceci aussi bien durant la diastole que la systole. Ainsi, l’augmentation aiguë du
volume ventriculaire droit limite le remplissage parallèle du ventricule gauche et
inversement (bien que l’augmentation aigue du volume ventriculaire gauche soit limitée
en raison de l’épaisseur de sa paroi). [76]
2.3.3. Principaux déterminants du fonctionnement cardiaque
Le fonctionnement adéquat du système cardiaque repose sur plusieurs
déterminants (figure 6):
- la précharge et la postcharge
- la contractilité myocardique
- la fréquence et le rythme cardiaques
34
Figure 6 : Déterminants de la fonction cardiaque [42]
Ces facteurs sont interdépendants ; leur régulation complexe est envisagée cidessous.
35
II.
LA PERFUSION TISSULAIRE ET SES DETERMINANTS
1. Le débit cardiaque
1.1. Définition
Le débit cardiaque est la quantité de sang éjecté par un ventricule en une minute ; il
correspond donc au produit de la fréquence cardiaque et du volume d’éjection
systolique. [24] La finalité du débit cardiaque est d’assurer à l’ensemble des tissus de
l’organisme un apport en oxygène et en nutriments adapté à leurs besoins. Il doit donc
être en permanence ajusté pour s’adapter aux variations métaboliques de l’organisme en
fonctions des situations.
1.2. Mécanismes de régulation
Pour modifier le débit cardiaque, l’organisme peut agir sur la fréquence cardiaque
ou sur le volume d’éjection systolique. [16, 24]
1.2.1. Régulation de la fréquence cardiaque [16]
La fréquence cardiaque dépend des interactions entre le système nerveux
orthosympathique (rôle chronotrope positif) et le système nerveux parasymathique qui
modère les effets du système orthosympathique (rôle chronotrope négatif). Le principal
mécanisme de régulation à court terme chez un animal sain est lié à l’innervation
vagale menant à l’arythmie sinusale respiratoire. [16, 64]
D’autre part des mécanismes neuro-hormonaux, centraux, métaboliques et
thermoénergétiques interviennent dans la modulation de la fréquence cardiaque. Le
système nerveux autonome y joue un rôle majeur : sa stimulation peut conduire à un
réflexe de bradycardie (par le biais de la stimulation des barorécepteurs aortiques et
carotidiens, des chémorécepteurs carotidiens et coronariens) ou inversement à une
tachycardie (inhibition des barorécepteurs carotidiens et aortiques, stimulation des
volorécepteurs cardiaques, des chémorécepteurs aortiques, des récepteurs musculaires).
[16, 22, 64]
1.2.2. Régulation du volume d’éjection systolique
Le volume d’éjection systolique est la différence entre le volume ventriculaire en
fin de diastole et celui en fin de systole. [24] Il dépend de trois facteurs : le remplissage
diastolique et la pré-charge, la contraction myocardique et la performance contractile
du myocarde, la post-charge et le couplage ventriculo-artériel. [5, 64]
36
La pré-charge et le retour veineux:
Le système cardio-circulatoire étant fermé, le cœur ne peut éjecter en systole qu’un
volume égal a celui qu il a reçu en diastole. Le volume d’éjection systolique du
ventricule droit constituant le volume de remplissage du ventricule gauche, il en
détermine la précharge. Par conséquent, le retour veineux est le déterminant principal
de la pré-charge ventriculaire. [23, 64, 76]
Le retour veineux est déterminé par la différence de pression entre les réservoirs
veineux et l’oreillette droite. [82] Ce gradient de pression est régi par de nombreux
facteurs tels que la forte capacitance et le tonus vasomoteur du système veineux
périphérique, la résistance au retour veineux, la pression atriale droite et la pression
artérielle systémique. Différents facteurs, dont l’intervention du système sympathique,
conduisent à une constriction des veines entraînant une augmentation de la pression
veineuse centrale et de la précharge par déplacement du volume sanguin vers le cœur
droit. [22] Ainsi, d’après la loi de Starling, le remplissage ventriculaire diastolique
augmente, ce qui entraîne une augmentation de la performance ventriculaire (sa
contractilité) par augmentation de la longueur des sarcomères avant la contraction. [24,
76] Une augmentation de la précharge influence donc le débit cardiaque jusqu’à
atteindre un plateau : pour un état contractile donné, le débit ventriculaire augmente
jusqu’à un plateau lorsque la pression ventriculaire augmente (et donc le volume
ventriculaire dépendant de la précharge). [76]
La circulation systémique et la circulation pulmonaire étant placées en série, le
remplissage du ventricule gauche est directement dépendant de la fonction ventriculaire
droite (déterminée en majeure partie par le retour veineux). D’autre part, le retour
veineux est directement conditionné par l’activité du ventricule gauche puisque celui-ci
éjecte le sang dans la circulation artérielle et par conséquent alimente le réseau veineux.
En revanche, le remplissage du ventricule droit n’est qu’indirectement lié à l’activité du
ventricule gauche en raison de la capacitance importante du territoire veineux. Une
augmentation du volume d’éjection systolique du ventricule gauche peut ainsi être
absorbé par les vaisseaux veineux sans entraîner de modification importante de gradient
de pression et donc de modification du retour veineux. [76]
Les acteurs intervenant dans la régulation du retour veineux vers le cœur droit sont
exposés dans la figure 7.
Autres facteurs influençant le remplissage diastolique
Le remplissage ventriculaire rapide réalisé en protodiastole dépend non seulement
du gradient de pression entre l’atrium et le ventricule correspondant mais aussi des
qualités de relaxation et des propriétés passives du myocarde. [24, 76]
La relaxation est modifiée par de nombreux facteurs tels que la pression
télésystolique, l’hypoxie, l’ischémie, l’acidose, l’hypertrophie du myocarde, les
maladies primitives ou secondaires du myocarde, la température centrale, l’hyper- ou
l’hypothyroïdie, les agents inotropes endogènes ou exogènes. [24, 76]
37
D’autre part, la fréquence cardiaque influence également de remplissage diastolique
en modifiant la durée de la diastole. Une fréquence cardiaque supérieure à 150 bpm
réduit de manière significative le temps de la diastole ce qui diminue le temps de
remplissage du ventricule. Ceci mène à une diminution du volume d’éjection systolique
alors que la pression atriale, la systole atriale et la compliance ventriculaire demeurent
normales. [24]
Figure 7 : Déterminants du retour veineux vers le cœur droit [76]
Les propriétés passives du myocarde sont liées à sa composition (épaisseur de la
paroi, fibrose interstitielle…) mais aussi à des facteurs extra-pariétaux liés à
l’interaction diastolique des ventricules dans un péricarde inextensible ; ainsi toute
dilatation rapide d’un ventricule va se faire aux dépens de l’autre et en limiter le
remplissage. Il convient également de mentionner les facteurs extra-pariétaux liés à
l’interaction coeur-poumon car l’expansion pulmonaire, en augmentant la pression
externe appliquée sur le cœur, peut limiter le remplissage des ventricules et accentuer
l’interaction ventriculaire.
Enfin la contraction des atria intervient également sur la pré-charge en représentant
environ 15% du remplissage ventriculaire. Elle dépend de l’énergie contractile, du
volume de remplissage auriculaire mais aussi de la compliance ventriculaire. Si la
fréquence cardiaque est supérieure à 180 bpm, la contraction atriale survient pendant la
phase de remplissage rapide de ventricules ce qui diminue le volume de remplissage
total.
38
La contraction myocardique
contractile du myocarde
et
la
performance
La contractilité du myocarde est définie par la performance contractile des
myocytes qui composent le muscle. Elle dépend de la vitesse et du nombre de liaisons
qui se forment entre l’actine et la myosine, de la quantité de calcium libre dans le
cytoplasme et du degré d’affinité de la troponine C pour le calcium. [64, 76]
Les modifications de contractilité du myocarde ont une conséquence directe sur le
volume d’éjection systolique : l’augmentation de l’activité contractile entraîne une
diminution du volume ventriculaire de fin de systole (avec par conséquent une
augmentation du volume d’éjection systolique), et inversement. [24]
Ces modifications sont régulées par le système nerveux autonome. Le système
nerveux sympathique produit par l’intermédiaire de récepteurs adrénergiques situés sur
les fibres myocardiques une augmentation de la contractilité et de la fréquence
cardiaque. Le système nerveux parasympathique a un effet chronotrope négatif et
inotrope négatif par inhibition centrale du système nerveux sympathique. [24, 76]
La post-charge et le couplage ventriculo-artériel
Si la contractilité myocardique est un élément essentiel de la régulation du volume
d’éjection systolique, ce dernier dépend également de l’impédance d’entrée du système
artériel qui vient s’opposer à l’éjection ventriculaire. Celle-ci est déterminée par
différents facteurs telles que la compliance, la surface de section du vaisseau, la
viscosité et la densité du sang. [5, 24, 64]
Dans des conditions physiologiques, l’augmentation de l’impédance artérielle (suite
à une augmentation des résistances vasculaires systémiques) conduit à une
augmentation de la postcharge aux dépens du volume d’éjection systolique. En fait, une
régulation rapide s’effectue en augmentant la précharge (augmentation du volume
télédiastolique) et l’inotropisme cardiaque (loi de Starling) permettant d’adapter le
volume d’éjection systolique. Ces modifications sont associées à une diminution du
rendement mécanique du ventricule gauche par augmentation de la consommation
d’oxygène par rapport au travail d’éjection systolique fourni. [5]
Ainsi, le débit cardiaque est régulé par de nombreux facteurs dont l’importance
diffère. L’augmentation du débit cardiaque est principalement liée à [76]:
-
l’augmentation du gradient de pression systémique par diminution des
résistances systémiques et contraction musculaire (transfert du sang du territoire
tissulaire au territoire veineux)
-
la vasoconstriction du territoire veineux
-
la diminution de la pression atriale droite
-
l’action inotrope positive sur l’ensemble du myocarde
39
-
l’action chronotrope positive (dans des valeurs n’entraînant cependant pas une
diminution significative du remplissage ventriculaire diastolique)
-
l’augmentation de l’amplitude des mouvements respiratoires (diminution de la
pression thoracique)
2. La régulation de la pression artérielle
2.1. Définition
La pression artérielle (PA) correspond au produit du débit cardiaque et des
résistances périphériques totales. On distingue la pression artérielle systolique et la
pression artérielle diastolique. Au niveau aortique, la différence entre les deux est la
pression pulsatile qui représente l’énergie potentielle disponible pour propulser le sang
dans le circuit vasculaire. [25]
Le débit cardiaque étant identique pour tous les tissus, la pression artérielle au sein
des différents vaisseaux dépend de la résistance rencontrée. Les vaisseaux offrent une
résistance différente au flux sanguin car celle-ci est fonction du diamètre du vaisseau. J.
L. M. Poiseuille a en effet montré que la résistance d’un vaisseau est définie par la
formule suivante :
Résistance = 8ηl /πr 4
L= longueur du vaisseau ; R= rayon du vaisseau ; η=viscosité du fluide
La viscosité du sang restant la même, la résistance est principalement dépendante
du rayon du vaisseau et résulte de l’existence de forces de frottements du sang sur les
parois des vaisseaux. Il en découle que la résistance est maximale dans les artérioles
alors qu’elle diminue dans les grosses artères ainsi que dans le système veineux (figure
8). Les capillaires se distribuant en parallèle à partir d’une artériole, la somme de leur
résistance individuelle est inférieure à la résistance régnant au sein de l’artériole qui les
irrigue. [25]
La grande compliance du secteur veineux entraîne de faibles variations de pression
car elles opposent peu de résistances face à une modification du volume sanguin (rôle
de réservoir de volume). En revanche, le secteur artériel constitue un réservoir de
pression du fait de sa faible compliance. [25]
40
Figure 8 : Caractéristiques hémodynamiques de la circulation systémique [42]
2.2. Rôle
La pression artérielle est le moteur indispensable à la circulation puisque c’est la
différence de pression entre 2 points qui conduit le flux sanguin. Elle joue donc un rôle
de force motrice du flux sanguin qui permet son transport et intervient dans les
échanges du secteur vasculaire vers le secteur interstitiel et inversement (figure 9). [25,
98]
41
Figure 9 : Rôle de la pression artérielle dans l’organisme [98]
Si les artérioles opposent la plus grande résistance au flux sanguin, il s’agit
également du segment qui montre le plus de variations de résistance. De nombreux
mécanismes de régulation entraînent une modification du tonus vasomoteur aboutissant
soit à une vasoconstriction et donc une augmentation de la résistance locale par
diminution du diamètre ou inversement à une vasodilatation. [25]
42
2.3. Mécanismes immédiats de régulation
La régulation de la PA intervient par le biais de la modulation du débit cardiaque
(fréquence cardiaque, inotropisme ou précharge) ou par la modification des résistances
tissulaires.
2.3.1. Régulation rapide : le baroréflexe [16, 22, 64]
Le baroréflexe est un mécanisme de régulation rapide médié par un réflexe nerveux
qui tend à maintenir une pression constante grâce à un changement d’activité des
systèmes ortho et parasympathiques destinés au cœur et aux vaisseaux sanguins.
Les barorécepteurs sont des terminaisons nerveuses situés dans la paroi des sinus
carotidiens et de la crosse aortique. L’étirement de la paroi vasculaire, lié à la pression
exercée, est codé par ces récepteurs en potentiels d’action transmis à un centre
intégrateur par le biais du nerf vague et du nerf glosso-pharyngien. Le centre
intégrateur est intimement relié au noyau du tractus solitaire et soumis également à
l’action de centres supérieurs.
La fréquence des décharges transmises est directement liée à la pression artérielle ;
il existe un tonus de base des barorécepteurs, stimulés dès 50 mm Hg. Au repos, la
pression artérielle moyenne est de 100 mm Hg ce qui correspond à un certain nombre
d’influx des barorécepteurs. Toute modification de la PA, aussi minime soit-elle
entraîne une modification du nombre d’influx transmis au centre bulbaire.
Celui-ci assure la commande du centre cardiaque parasympathique et du centre
vasomoteur orthosympathique. Le centre cardiaque du parasympathique interfère à
différents niveaux : il exerce un effet ralentisseur sur le nœud sinusal, une action
inotrope négative sur les fibres myocardiques par le biais de récepteurs muscariniques
et inhibe le système orthosympathique. Le centre vasomoteur orthosympathique
entraîne des modifications multiples : il exerce, contrairement au centre
parasympathique, une action cardio-accélératrice sur le nœud sinusal; par
l’intermédiaire des récepteurs α1, β1 et β2 il augmente l’inotropisme des fibres
musculaires myocardiques, il entraîne une constriction périphérique artériolaire et
veineuse et stimule la libération de catécholamines par la médullosurrénale.
Au repos, les décharges envoyées par les barorécepteurs favorisent l’activité du
centre parasympathique au détriment du centre orthosympathique. Toute chute de la PA
entraîne une diminution de l’activité des barorécepteurs conduisant à une inhibition
immédiate du système parasympathique et à une stimulation légèrement différée du
centre orthosympathique : il en résulte un effet chronotrope et inotrope positif sur le
cœur ainsi qu’une vasoconstriction périphérique permettant une remontée de la PA
(figure 10). Inversement, une augmentation de la PA conduit à une bradycardie et un
inotropisme négatif sans augmentation du tonus vasomoteur suite à la baisse des
décharges transmises par les barorécepteurs.
Ce mécanisme de régulation très rapide (quelques secondes) ne permet pas de
revenir à une PA initiale mais seulement d’en minimiser les variations.
43
Figure 10 : Réflexe médié par les barorécepteurs [22]
fml : fibre musculaire lisse ; FC : fréquence cardique ; PA : pression artérielle ; NSC : système neveux
central ; RVS : résistances vasculaires systémiques ; VC : vasoconstriction
Rétrocontrôle négatif
↓ PA
↓ activité des
barorécepteurs
SNC
fml artériolaire
↑ activité
sympathique
myocarde
VC
↑ RVS
↑ contractilité
↓ durée systole
↑ Débit
cardiaque
↓ activité
parasympathique
Nœud sino-atrial
↑ FC
2.3.2. Autres mécanismes de régulation rapide
La pression artérielle étant déterminée par le tonus vasomoteur des vaisseaux, les
mécanismes locaux de régulation de ceux-ci interviennent également dans la régulation
de la pression artérielle. [22]
D’autre part, les volorécepteurs ainsi que les chémorécepteurs qui participent à la
régulation de la volémie sont également stimulés par des modifications de la pression
artérielle. [22]
Le rein joue une place prépondérante dans la régulation de la pression artérielle par
la régulation de la diurèse. Suite à une chute de la PA, la stimulation du système
sympathique conduisant à une vasoconstriction des artères rénales, le débit de filtration
glomérulaire est diminué ainsi que la diurèse. D’autre part, une autorégulation conduit
à la réabsorption tubulaire de NaCl suivie par une réabsorption passive d’eau. Ces
mécanismes permettent d’augmenter la volémie et la pression artérielle. [16, 20, 64]
44
2.4. Mécanismes retardés de régulation
2.4.1. Le système rénine-angiotensine-aldostérone
La synthèse et la libération de rénine par les cellules granulaires rénales est stimulée
par plusieurs facteurs : chute de la pression de perfusion artériolaire rénale, stimulation
β-adrénergique du système orthosympathique consécutive à l’action du baroréflexe,
diminution du transport de NaCl au niveau de la macula densa. La rénine libérée dans
la circulation permet le clivage de l’angiotensinogène en angiotensine I, transformé
ensuite grâce à l’enzyme de conversion en angiotensine II lors de la traversée du
poumon ainsi que dans la microcirculation (figure 11). L’angiotensine II exerce des
actions au niveau du système circulatoire global et du système tissulaire. [64, 98]
Figure 11 : Organisation du système rénine-angiotensine circulant [5]
Actions de l’angiotensine II sur le tonus vasomoteur
L’angiotensine II joue un rôle prépondérant dans le tonus vasomoteur en favorisant
la libération de neurotransmetteurs par le système nerveux orthosympathique
conduisant à une vasoconstriction généralisée. Elle a également une action inotrope
45
positive sur les fibres myocardiques. Ces deux actions concourent rapidement à une
remontée de la pression artérielle. [18, 63, 97]
Actions tissulaires de l’angiotensine II
L’angiotensine II possède une action directe sur les fibres lisses musculaires des
vaisseaux ainsi que sur l’endothélium. Elle entraîne une vasoconstriction locale,
augmente les résistances périphériques et diminue la compliance des artères de grand
format. [19, 98]
A long terme elle possède des effets trophiques sur le myocarde et les vaisseaux.
L’enzyme de conversion joue un rôle dans la vasomotricité endothéliale : en
stimulant la dégradation des kinines en bradykinines inactives. [19, 98]
Action de l’Angiotensine II sur la volémie
La vasoconstriction rénale induite par l’angiotensine II conduit à une diminution de
la perfusion rénale. Il en résulte une baisse de la diurèse et une augmentation secondaire
de la volémie. [19, 64, 98]
De plus, l’angiotensine II stimule le centre de la soif ainsi que la libération
d’aldostérone par la corticosurrénale. Cette hormone provoque une rétention de sodium
et d’eau au niveau des tube contourné distal et collecteurs rénaux entraînant une
augmentation du volume plasmatique et une remontée de la PA. [19, 98]
L’ensemble de ces effets est résumé dans la figure 12.
Figure 12 : Actions de l’angiotensine II [98]
Angiotensine II
Vasoconstriction
artériolaire
Centre régulateur
cardiovasculaire
Hypothalamus
↑ débit cardiaque
vasocontriction
↑ sécrétion
HAD
↑ soif
Cortex
surrénalien
↑ sécrétion
aldostérone
Rétention
hydrosodée
PA
Volémie
46
2.4.2. L’hormone anti-diurétique
L’hormone anti-diurétique (HAD) ou vasopressine est impliquée dans la régulation
du volume d’eau réabsorbé par le rein, et joue par ce contrôle de la volémie sanguine un
rôle dans la régulation de la pression artérielle. [64]
L’HAD est synthétisée par l’hypothalamus en réponse à la stimulation
d’osmorécepteurs suite à l’augmentation de l’osmolarité du liquide céphalorachidien
par déshydratation ou par excès de sodium (et donc indirectement par l’angiotensine II).
Des récepteurs à l’HAD sont présents au niveau de l’hypothalamus dont l’activation
stimule la soif. L’HAD a également une action sur le centre vasomoteur du noyau du
tractus solitaire conduisant à une élévation de la pression artérielle. Enfin, les
récepteurs situés sur le tube contourné distal et les tubes collecteurs stimulent la
réabsorption d’eau, ce qui a pour conséquence de rétablir la volémie et d’abaisser la
concentration sodique plasmatique.
L’HAD étant sécrétée en continue, la régulation peut s’effectuer aussi bien par une
diminution de celle-ci (et donc une diminution de la volémie) ou par augmentation de
sa sécrétion (entraînant une hausse de la volémie). [98]
2.4.3. Le facteur atrial natriurétique
Le facteur atrial natriurétique (FAN) est synthétisé puis relargué dans la circulation
par les cellules atriales en réponse à leur distension suite à une hypervolémie, à une
tachycardie atriale ou encore en présence de substances vasoconstrictrices élevant la
pression auriculaire. [5, 64] Sa libération est également stimulée par l’HAD suite à
l’augmentation du retour veineux qu’elle entraîne. [5]
Le FAN a d’une part une action vasodilatatrice directe au niveau de la circulation
systémique conduisant à une diminution de la PA et à une augmentation de la filtration
glomérulaire ; d’autre part il déprime les fibres myocardiques et inhibe le système
sympathique. Enfin il agit indirectement sur la volémie en inhibant la libération de
rénine, d’aldostérone et d’HAD ce qui favorise la diurèse et la natriurèse.
La pression artérielle est donc régulée par différents facteurs qui interviennent selon
une chronologie précise (figure 13).
47
Figure 13 : Chronologie des mécanismes de régulation de la pression artérielle [98]
Cette figure rappelle la chronologie des différents mécanismes intervenant dans la régulation de la
PA suite à une chute brutale de celle-ci. Leur importance relative est définie par la valeur de l’aire sous
chaque courbe.
3. Les circulations régionales et leur régulation
3.1. Définition
C’est l’activité métabolique qui régi les besoins de chaque organe. Le débit
cardiaque est réparti entre ces différents organes en fonction de leurs besoins selon les
situations rencontrées. Si une augmentation de débit local est nécessaire, cela ne doit
pas se faire au détriment des autres organes. Il se produit une augmentation du débit
cardiaque qui permet d’augmenter le débit local sans modifier les autres tissus grâce à
une vasoconstriction de ceux-ci. Ce mécanisme de régulation repose donc sur la
vasomotricité locale mais est également dépendant des capacités d’augmentation du
débit cardiaque. Lorsque celui-ci atteint ses limites, les organes critiques sont
privilégiés aux dépens des autres tissus. [16]
48
3.2. Partition du débit cardiaque
La distribution du sang entre les différents organes varie selon le niveau de
résistance artérielle de chaque territoire par rapport aux autres mais est également
dépendante de l’existence de mécanismes visant à protéger les organes vitaux. [37]
Ces mécanismes de régulation sont soumis à la régulation du système nerveux
autonome en grande majorité. Sa stimulation suite à une situation de stress entraîne une
augmentation du débit cardiaque mais aussi une vasoconstriction préférentielle des
territoires irriguant les organes non vitaux. Cela favorise les circulations cérébrales,
coronaires et rénales aux dépens de la peau, des muscles et du territoire hépatosplanchnique. En effet, ces organes possèdent une réserve d’extraction d’oxygène
importante par rapport au cœur et au cerveau, pour lesquels toute diminution du débit
sanguin conduit rapidement à une situation d’hypoxie. [37]
3.3. Autorégulation à l’échelle de l’organe
L’autorégulation est définie comme « l’aptitude d’un organe à maintenir constant
son débit de perfusion face au modifications de pression de perfusion ». [37] Ceci
représente un mécanisme protecteur face aux augmentations et aux diminutions de la
pression artérielle, l’organe concerné répondant par une vasoconstriction artériolaire en
cas de hausse de la pression de perfusion et inversement.
Ce phénomène d’autorégulation repose sur l’intégrité endothéliale des vaisseaux
concernés. En effet ces modifications du tonus vasomoteur sont dues à la libération de
facteurs vaso-actifs par l’endothélium mais aussi à l’intervention de la réponse
myogénique.
Cependant, cette régulation n’intervient que dans certaines marges de modification
de la PA. Au delà de certaines valeurs extrêmes (en hyper et en hypo), le débit devient
directement dépendant de la pression appliquée à l’organe (figure 14). Ces valeurs
limites varient selon les organes : les organes critiques, comme le cerveau et le cœur,
ont un mécanisme d’autorégulation
très puissant qui vise à préserver leur
microcirculation. Ainsi, pour une variation importante de la PA entre 60 et 190 mmHg,
le débit cérébral est rétabli en quelques minutes à sa valeur de base. [21, 37]
3.4. Régulation métabolique locale
La régulation métabolique est la réponse intrinsèque suite à une augmentation de la
demande métabolique ou face à une diminution des apports en oxygène. Afin de
rétablir un équilibre, les vaisseaux régionaux subissent une vasodilatation qui permet
d’augmenter le flux sanguin (figure 14). C’est le mécanisme le plus performant de
contrôle de la régulation à l’échelle de l’organe. [21]
49
Figure 14 : Le concept d’autorégulation. Représentation de deux relations entre la
pression de perfusion et le débit [37]
La courbe en pointillé illustre la relation linéaire entre pression et débit de perfusion.
En présence d’autorégulation (courbe en trait plein), le débit reste constant malgré d’importantes
variations de la PA (entre le point A et le point B). Cependant, ce phénomène n’est plus adapté lors de
variations extrêmes de la PA : en dehors de cette zone d’autorégulation, le débit devient directement
dépendant de la PA.
Débit
A
B
Pression Artérielle
3.5. Equilibre entre les facteurs de régulation intrinsèque et extrinsèque
selon les tissus [16, 21]
Les contrôles intrinsèque et extrinsèque, dont les mécanismes ont déjà été
envisagés, opèrent dans tous les tissus et organes mais d’une manière différente. Ainsi,
le cerveau, le cœur ainsi que les muscles actifs sont majoritairement régulés par la voie
intrinsèque ce qui leur permet de diminuer les effets induits par le système
orthosympathique lors de manifestation de stress.
Au contraire, le rein, la rate et les muscles au repos subissent un contrôle
préférentiellement extrinsèque ce qui permet de réguler le flux sanguin vers les organes
critiques lors de chute de la pression artérielle. En effet, si le débit cardiaque est
suffisant, seule la régulation métabolique intervient ; si le débit cardiaque devient
insuffisant pour assurer les besoins métaboliques, le système neuro-hormonal est activé
afin de réorienter les flux sanguin vers les organes critiques.
La peau subit l’influence du système intrinsèque (vasodilatation obligatoire pour
l’élimination de la chaleur) ou du système extrinsèque (déviation du flux sanguin vers
les organes critiques en cas de stress) selon les situations.
On comprend ainsi comment est ajusté le débit local en fonction des besoins
métaboliques des différents tissus et de leur importance fonctionnelle grâce à
l’intégration du contrôle local et de la régulation neuro-hormonale à court terme.
50
III. LE TRANSPORT ET L’UTILISATION DE L’ OXYGENE
3. Les déterminants de l’oxygénation tissulaire
3.1. Le transport de l’oxygène
L’oxygène est présent sous 2 formes : une forme dissoute dans le sang (0,003 mL
pour 100mL de sang) et une forme combinée à l’hémoglobine. L’affinité de
l’hémoglobine dépend de nombreux facteurs qui déterminent la courbe de dissociation
de l’hémoglobine liée à l’O2 (figure 15). [18]
% saturation Hb
Contenu en 02 (mL/100 mL)
Figure 15 : Courbe de dissociation de l’Hb [13]
PO2 (mm Hg)
L’hyperthermie, l’acidose, l’hypercapnie diminuent l’affinité de l’Hb pour l’O2
(déplacement de la courbe vers la droite). En revanche, l’hypothermie, l’alcalose,
l’hypocapnie augmentent l’affinité (déplacement de la courbe vers la gauche): ainsi,
pour une même PaO2, le transport de l’O2 augmente mais sa libération au niveau
tissulaire diminue. [18]
La saturation en oxygène de l’hémoglobine est le rapport entre la concentration
d’hémoglobine liée à l’O2 sur la concentration en Hb totale capable de fixer l’O2. Les
51
valeurs physiologiques sont de 97 à 99% pour la saturation artérielle (SaO2) et 75%
pour la saturation veineuse (SvO2). [18]
3.2. La consommation d’oxygène
La consommation d’oxygène est estimée par la différence entre SaO2 et SvO2 et
reflète l’oxygénation tissulaire. Elle peut aussi être estimée par analyse des gaz inspirés
et expirés. [18]
Dans des conditions physiologiques, elle reflète le travail métabolique de l’organe
concerné ou de l’organisme entier. Elle augmente lors de stress, d’effort,
d’hyperthermie, d’inflammation et d’infection. Au contraire elle diminue lors de repos,
d’hypothermie, de sédation et de jeûne. [18]
3.3. L’extraction de l’oxygène
Pour une consommation d’O2 donnée, l’oxygénation tissulaire dépend de l’apport
en O2 délivré au lit vasculaire par minute (produit du débit cardiaque et du volume
sanguin artériel en O2) et de l’extraction tissulaire d’O2 (EO2). Lorsque le besoin en
oxygène augmente, l’organisme peut réagir soit en augmentant le débit cardiaque (et
donc en augmentant l’apport en oxygène) soit en augmentant l’extraction en oxygène a
partir d’une quantité d’O2 transportée. [7]
Pour une consommation globale en oxygène donnée, plus le débit cardiaque
diminue, plus l’extraction tissulaire en O2 augmente et donc la saturation veineuse en
O2 (Sv02) baisse.
La valeur normale d’EO2 est de 20 à 25% au repos et peut monter jusqu’à 80% lors
d’effort intense. Cependant, certains organes possèdent une réserve d’extraction de O2
plus importante (organes non critiques) qui va moduler cette valeur ; la diffusion de
l’O2 à travers les capillaires et l’utilisation de l’O2 par les mitochondries modifient
aussi l’utilisation de cette réserve. [18]
4. Les mécanismes de régulation physiologique de l’oxygénation tissulaire
4.1. Notion de seuil critique
La SvO2 reflète l’oxygénation tissulaire périphérique. Au repos, sa valeur moyenne
est de 75% ; à l’effort, elle peut atteindre 45% sans que la perfusion tissulaire ne soit
altérée. Plusieurs facteurs peuvent entraîner une baisse de la SvO2 : une diminution du
débit cardiaque, une augmentation de la demande tissulaire en O2, une baisse de l’Hb et
l’hypoxie (ces deux derniers facteurs entraînant également une baisse du contenu
artériel en O2). [7]
52
Lors d’augmentation de la demande métabolique, on observe une augmentation du
débit cardiaque ainsi qu’une augmentation de l’EO2, expliquant ainsi la baisse de la
SvO2. Cependant, cette adaptation est limitée lorsque le débit cardiaque atteint son
activité maximale et que la réserve d’EO2 est épuisée ; ce phénomène est d’autant plus
marqué si le patient souffre d’une pathologie cardiaque limitant l’augmentation du débit
cardiaque. En effet, l’EO2 est reflétée par la différence entre le contenu artériel et
veineux en O2. L’augmentation de l’EO2 est due à une diminution de la concentration
veineuse en O2, elle-même limitée par la valeur de la pression veineuse en O2. Lorsque
celle-ci atteint une valeur critique de 17mmHg, la diffusion d’O2 au niveau capillaire
n’est plus efficace du fait d’un trop faible gradient de pression. Pour cette valeur, la
limite d’extraction tissulaire en oxygène est atteinte, la consommation tissulaire en O2
devient directement dépendante du contenu artériel en O2 dont la valeur est appelée
seuil critique. [7,18] Ce phénomène est illustré dans la figure 16.
Figure 16: Dépendance pathologique de la consommation en O2 [6]
Lors de diminution de la capacité d’extraction en O2, la consommation tissulaire en O2 est directement
dépendante des capacités de transport en O2 (passage du point A au point B). Seule une augmentation de
la capacité de transport en O2 permet de compenser une altération des capacités d’extraction en O2 lors
d’augmentation de la demande métabolique tissulaire (passage du point A au point C)
53
4.2. Réponse circulatoire à l’hypoxie
4.2.1. Réponse systémique
Les chémorécepteurs regroupés dans les corps aortiques et carotidiens sont stimulés
par une baisse de la PaO2. Ils conduisent à une stimulation du système nerveux
sympathique : il en résulte une vasoconstriction des vaisseaux musculaires osseux,
splanchniques et rénaux et une vasodilatation des territoires cutanés et coronaires.
Parallèlement, on observe une réaction inotrope positive ainsi qu’une augmentation des
résistances systémiques et pulmonaires. [18]
Une hausse de la PCO2 ainsi que l’apparition d’une acidose amplifient cette
réponse par augmentation de la sensibilité des chémorécepteurs. Une boucle de
régulation se met en place car les chémorécepteurs ont aussi un rôle de modulation de
la ventilation. Leur stimulation conduit à une hyperventilation, la baisse de PCO2 et de
l’augmentation du pH. Ces modifications conduisent à une diminution de la réponse
sympathique. [18]
D’autre part, lors d’hypoxie grave, un autre mécanisme de régulation permet
d’augmenter l’apport d’O2 aux tissus. Ce mécanisme fait intervenir la myoglobine dont
l’affinité pour l’O2 est plus importante que celle de l’Hb. Cependant, pour des valeurs
très basses de PO2, la myoglobine libère une grande quantité d’O2 et ce pour des
54
variations très faibles de PO2. Ce mécanisme protége l’organisme des effets délétères
de l’hypoxie. [18]
4.2.2. Réponse locale
La régulation locale n’est observée que pour des hypoxies graves (PaO2 <
40mmHg) et conduit à une vasodilatation locale par intervention de médiateurs
endothéliaux vaso-actifs (NO, ADP, prostacycline) et par activation des canaux
potassiques ATP-dépendants. Ceci entraîne une diminution des résistances, une
augmentation des capillaires fonctionnels et une augmentation du flux sanguin afin
d’améliorer la perfusion tissulaire. [18]
Alors que la réponse systémique vise à privilégier l’oxygénation d’organes
fondamentaux, la réponse locale agit comme un mécanisme de protection individuelle
de l’organe face à une situation d’hypoxie majeure. [11]
4.2.3. Les réponses spécifiques des différents organes
Les organes produisant un travail différent les uns par rapport aux autres, leur
consommation en O2 diffèrent ainsi que leur seuil critique de transport artériel en O2.
Les mécanismes d’adaptation face à une augmentation de la demande métabolique sont
donc différents d’un organe à l’autre.
Le myocarde
Le myocarde possède une réserve d’extraction en O2 faible : si son travail
augmente, ses besoins doivent être rapidement compensés par une augmentation du
débit coronaire. Cependant, celui-ci étant limité, le travail myocardique devient vite
dépendant de la concentration artérielle en O2.
D’autre part, le myocarde contribuant de manière fondamentale à la circulation et
donc à l’apport en O2 à tous les tissus de l’organisme, celui-ci est doublement protégé.
En effet, la réponse systémique contribue à favoriser sa perfusion par la vasodilatation
qu’elle entraîne et au niveau local, la dilatation coronarienne est plus importante que
pour les autres organes. [18]
Le cerveau
La circulation cérébrale est peu influencée par la régulation au niveau systémique
dans l’intervalle de pression physiologique (PAS : 60-160 mm Hg). En revanche, elle
bénéficie d’une réponse locale importante à l’hypoxie entraînant une vasodilatation. La
PCO2 joue également un rôle au niveau cérébral : une hypercapnie provoquant une
vasodilatation importante alors que l’hypocapnie annule la vasodilatation cérébrale
d’origine hypoxique ou hypercapnique. [18]
55
Conclusion
Les mécanismes de régulation au niveau systémique et local permettent d’adapter
l’apport tissulaire en O2 à la demande. Au niveau de chaque organe, cette adaptation
dépend de la réserve d’EO2 : ci celle-ci est élevée, on observe une vasoconstriction
locale visant à favoriser d’autres territoires incapables d’augmenter leur extraction en
oxygène. Cependant, ces mécanismes de compensation dépendent de l’intégrité
vasculaire et de la préservation des mécanismes de vasorégulation. [37]
56
2ème PARTIE
PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INSUFFISANCE
CIRCULATOIRE AIGUE
L’état de choc se caractérise sur un plan hémodynamique par de profondes
modifications touchant les différents acteurs du fonctionnement cardiovasculaires. Ces
perturbations sont à l’origine de la mise en place de phénomènes de compensation à
l’échelle systémique et locale, qui permettent de lutter contre l’aggravation de
l’insuffisance circulatoire aiguë et de rétablir des conditions hémodynamiques
compatibles avec la survie de l’animal. Cependant, si ces mécanismes sont insuffisants
ou dépassés, on observe rapidement les répercussions physico-chimiques et
métaboliques de l’hypoperfusion tissulaire engendrée.
I.
PERTURBATIONS HEMODYNAMIQUES AU COURS DE
L’ETAT DE CHOC HYPOVOLEMIQUE
1. Syndrome hémodynamique général
1.1. Modification de la pression veineuse centrale
Le choc hypovolémique est, par définition, la conséquence d’une diminution de la
volémie réelle ou relative, à l’origine d’une baisse du retour veineux.
Le retour veineux dépend de la charge volémique et du gradient de pression entre la
pression veineuse systémique moyenne et l’oreillette droite. Le réseau veineux étant un
système capacitif, une volémie minimale doit être présente afin d’assurer une certaine
distension de la paroi vasculaire : ce volume correspond au volume de distension nul et
est modifié par la vasomotricité veineuse. Celle-ci est régulée par le système
sympathique et par l’action des catécholamines circulantes sur les récepteurs αadrénergiques des cellules musculaires lisses des parois veineuses. [76]
1.1.1. Mécanismes immédiats de compensation
Dans la phase initiale d’instauration de l’état de choc, on n’observe pas de
modification immédiate du tonus veinomoteur alors que la volémie diminue : il en
résulte une baisse de la pression veineuse systémique moyenne et du gradient de
pression qui constitue la force motrice du retour veineux. [76]
57
La baisse du retour veineux entraîne secondairement une chute de la pression
artérielle à l’origine de l‘activation des barorécepteurs artériels : il en résulte une
augmentation de l’activité du système sympathique et une diminution de celle du
système parasympathique. La stimulation des récepteurs α adrénergiques vasculaires
entraîne une vasoconstriction artériolaire au niveau des organes et une augmentation des
résistances vasculaires périphériques. La hausse de la pression artérielle résultante
conduit à une augmentation du flux sanguin vers les territoires non vasoconstrictés.
[22]
De plus, la diminution de volume sanguin est suivie d’une diminution de l’activité
des volorécepteurs présents au niveau des atria. Ce changement d’activité est suivi de
l’activation du réflexe des récepteurs au volume atrial. Ce réflexe agit au niveau du
système nerveux central de manière synergique avec le baroréflexe, visant à augmenter
l’activité sympathique efférente et diminuer l’activité parasympathique. [22, 64]
Lors d’hémorragie importante, l’activation réflexe du système sympathique affecte
également le territoire capacitif en stimulant la vasoconstriction veineuse. [20] Ceci
conduit à une augmentation de la pression circulatoire moyenne veineuse et du gradient
de pression entre les veinules post-capillaires et l’atrium droit, augmentant ainsi la
précharge et se traduisant ainsi par une augmentation de la PVC. [76] De plus, cette
activité vasomotrice touche également la rate et sa capsule musculaire périphérique : on
observe une contraction splénique au cours de laquelle le sang séquestré dans la rate est
relargué dans le secteur vasculaire. Chez le chien, cette mobilisation peut être
équivalente à 10% du volume sanguin total.
1.1.2. Mécanismes retardés de compensation
Rôle des volorécepteurs
L’intervention des volorécepteurs ne se limite pas à l’activation du système nerveux
central : ils permettent également la mise en place d’autres mécanismes compensateurs
qui agissent à plus long terme pour restaurer le volume sanguin :
-
augmentation de la sensation de soif par action directe sur l’hypothalamus
-
stimulation de la libération d’hormone anti-diurétique par stimulation de
l’hypothalamus et de la glande pituitaire
-
libération de rénine par le rein, à l’origine d’une activation du système rénineangiotensine favorisant la rétention hydro-sodée
Ces 3 voies favorisent les apports hydriques et leur rétention dans l’organisme afin
de restaurer le volume sanguin (figure 17). [22, 64]
58
Figure 17 : Réflexe médié par les volorécepteurs atriaux [22]
HAD : Hormone anti-diurétique ; PA : Pression artérielle ; SNC : Système nerveux central.
Rétrocontrôle -
↓Volémie
Rétrocontrôle -
↓ PA
Même effet que
le baroréflexe
↓ activité du
volorécepteur atrial
↑ sympathique
↓ parasympathique
↑ activité sympathique
SNC
Reins
Hypophyse
Hypothalamus
↑ Rénine
↑ HAD
↑ soif
↓excrétion
sodique
↓ diurèse
↑ prise
hydrique
Rôle des différences de pression entre les compartiments
Un autre mécanisme compensateur intervient par le biais de la régulation de la
balance entre la pression hydrostatique et la pression oncotique au sein de l’organisme.
La baisse de la volémie entraîne une chute de la pression hydrostatique, favorisant le
passage des fluides interstitiels vers le secteur sanguin au niveau des capillaires.
Durant les premières heures suivant la perte sanguine, cette réabsorption est
effective mais passé ce délai, on observe une diminution de la pression hydrostatique
interstitielle secondaire à la réabsorption des fluides par le secteur vasculaire. Le
gradient de pression hydrostatique entre les 2 compartiments n’est plus suffisant pour
assurer les mouvements passifs des fluides.
De plus, les protéines n’étant pas réabsorbées dans le liquide plasmatique,
l’augmentation de la pression oncotique interstitielle vient également s’opposer au
passage des fluides vers le secteur vasculaire.
Ce phénomène lié aux lois régissant la dynamique des fluides permet donc de
compenser les pertes dans un premier temps mais est temporaire et n’assure pas à lui
seul une restauration suffisante de la volémie. [20]
59
Rôle des résistances vasculaires systémiques
La pression veineuse motrice ne dépend pas uniquement de la pression circulatoire
moyenne. Elle est également déterminée par la résistance au retour veineux. Celle-ci
dépend des veines et de la microcirculation artérielle. Au niveau veineux,
l’augmentation des résistances limite l’écoulement dans les territoires veineux et
augmente alors la volémie dans ces vaisseaux. Le réseau veineux étant un système
capacitif, l’augmentation de volémie n’entraîne pas de modification importante de la
pression ou alors trop faible pour vaincre l’augmentation des résistances. [76]
Cependant, la veinoconstriction n’entraîne qu’une légère augmentation des résistances
au passage du flux sanguin à travers les organes, les veines offrant beaucoup moins de
résistances que les artérioles. [22, 25]
La variation des résistances artériolaires module le débit d’entrée dans les
circulations locales et donc la quantité de sang qui rejoint la circulation veineuse.
Cependant, la faible compliance du système artériel fait que toute rétention de sang dans
celui-ci accroît la pression de façon importante, ce qui a peu d’influence sur le débit de
remplissage de la circulation veineuse. [64, 76]
Ainsi, de très faibles variations de résistance au retour veineux peuvent induire des
variations notables du débit de retour veineux. Celui-ci s’accroît à condition que les
capacités d’éjection du cœur augmentent parallèlement, sans quoi l’augmentation des
pressions de remplissage du ventricule et de l’oreillette droite ajuste automatiquement le
débit de retour veineux au débit cardiaque. [76]
1.2. Modification du débit cardiaque
Le débit cardiaque est déterminé par la fréquence cardiaque et la contractilité du
myocarde mais également par le retour veineux, puisque celui-ci conditionne la
précharge ventriculaire. De plus le retour veineux possède des effets spécifiques sur la
contractilité myocardique. [24]
1.2.1. Modification de la contractilité myocardique
Lors de choc hypovolémique, on observe une diminution du retour veineux,
entraînant une diminution du remplissage ventriculaire et du volume ventriculaire de fin
de diastole. Afin de maintenir un débit cardiaque correct, plusieurs mécanismes de
régulation peuvent intervenir comme la contractilité du myocarde et le temps de
remplissage ventriculaire. [24]
D’après la loi de Starling, lorsque le remplissage ventriculaire diminue, la distension
des fibres myocardiques diminue ainsi que leur force contractile. La chute de la
contractilité ventriculaire entraîne une diminution du volume d’éjection systolique et
donc du débit cardiaque. La diminution du débit cardiaque et de la pression artérielle
conduit à une activation du baroréflexe. Le système nerveux central répond de manière
réflexe par une augmentation de l’activité efférente sympathique destinée au cœur et
aux vaisseaux ainsi que par une diminution de l’activité parasympathique cardiaque. La
stimulation du système sympathique permet d’augmenter la contractilité du cœur : les
cellules musculaires ventriculaires possèdent des récepteurs β adrénergiques sensibles à
60
la noradrénaline circulante. L’activation de ces récepteurs favorise la pénétration
intracellulaire de calcium : il en résulte une augmentation de la fréquence et de
l’intensité des contractions cardiaques. [20, 22, 24] La contractilité ne retrouve pas son
niveau normal mais est restaurée à un niveau supérieur qu’en l’absence de
compensation réflexe. [20]
1.2.2. Modification de la fréquence cardiaque
La fréquence cardiaque joue également un rôle important dans le maintien d’un
débit cardiaque optimal. Cependant, celui-ci n’est pas proportionnel au rythme
cardiaque. En effet, lorsque la fréquence augmente, le temps de remplissage diastolique
diminue : le volume de fin de diastole est donc réduit de même que le volume
d’éjection. Par conséquent, le débit cardiaque n’augmente pas dans les mêmes
proportions que la fréquence cardiaque. Lorsque la fréquence cardiaque dépasse 180 à
200 battements par minute, le volume d’éjection systolique est tellement abaissé qu’il
en résulte une diminution du débit cardiaque. [24]
L’activation du baroréflexe conduit à la stimulation du système sympathique dont
l’action conduit à une augmentation de la fréquence cardiaque, bénéfique si celle-ci
reste en dessous de 180 bpm. [22] Cela permet une compensation de la perte de débit
cardiaque bien que le volume d’éjection systolique reste subnormal. Parallèlement, le
système parasympathique est inhibé ce qui renforce l’action chronotrope positive du
système sympathique. Il en résulte un remplissage diastolique plus rapide mais
également une systole plus courte ce qui permet de préserver dans une certaine mesure
le temps diastolique. Le cœur se relâche plus rapidement. [24]
Ainsi lors de choc hypovolémique, la diminution du retour veineux entraîne une
diminution du débit cardiaque. L’activation du système sympathique permet de
diminuer l’ampleur de ce phénomène par un effet chronotrope et inotrope positif. [22,
14] De plus, lors de l’évolution du choc, la stimulation sympathique entraîne une
veinoconstriction qui permet de déplacer le sang veineux vers la circulation centrale ce
qui augmente la pression veineuse centrale, la précharge ventriculaire et par conséquent
le débit cardiaque. Grâce aux mécanismes compensateurs, une perte sanguine évaluée à
40% du volume sanguin total est associée à une diminution du débit cardiaque de
seulement 25%. [20]
1.3. Modification de la pression artérielle
1.3.1. Phase sympatho-excitatrice
Lors de choc hypovolémique, on observe initialement une baisse de la pression
artérielle secondaire à une diminution du retour veineux. Celle-ci provoque
immédiatement la stimulation des barorécepteurs à haute pression situés au niveau du
sinus carotidien, de la crosse aortique et du territoire splanchnique et des barorécepteurs
61
à basse pression cardio-pulmonaires (ou volorécepteurs). Ces récepteurs diminuent alors
la fréquence de leurs impulsions inhibitrices afférentes allant aux centres régulateurs
vasculaires centraux. Il en résulte une augmentation de l’activité sympathique
périphérique efférente. [22]
D’autre part, l’ischémie tissulaire qui se met en place suite au déficit de perfusion
périphérique entraîne des variations de pH, de PO2, de PCO2 qui activent les
chémorécepteurs aortiques, sino-carotidiens et centraux. Leur action entraîne une
stimulation du système nerveux adrénergique périphérique.
Ainsi, les baro-, volo- et chémorécepteurs répondent de manière synergique à la
baisse de tension artérielle en activant le système adrénergique périphérique afin
d’initier une vasoconstriction périphérique compensatrice dont le rôle est de normaliser
la pression artérielle (figure 18). [22, 85] Les mécanismes compensateurs, médiés par le
baroréflexe et le réflexe atrial volémique permettent de restaurer la pression artérielle
moyenne dans des limites compatibles avec la survie : en effet, sans ces mécanismes,
une perte sanguine équivalente à 40% du volume sanguin total serait suivie d’une
diminution de 40% de la PAM mais l’intervention des réflexes permet de maintenir
celle-ci à 90% de sa valeur initiale. [20]
Lors de cette première phase adaptatrice, la pression artérielle est ainsi maintenue
dans des valeurs normales ou sub-normales. L’activation de la glande surrénale par le
système sympathique entraîne de plus une libération d’adrénaline en quantité modérée.
[85]
1.3.2. Phase sympatho-inhibitrice
Lorsque l’hypovolémie s’aggrave (hémorragie non contrôlée), on observe une baisse
brutale de la pression artérielle. Celle-ci est manifeste pour une perte sanguine comprise
entre 30 et 50% du volume sanguin total. Cette baisse n’est pas associée à une chute
brutale du débit cardiaque, celui-ci étant réduit plutôt de manière linéaire lors de
l’évolution du choc. On peut même observer une légère amélioration du débit cardiaque
associée à cette baisse de la pression artérielle. Elle serait la conséquence d’une baisse
brutale des résistances vasculaires systémiques. [85]
Celle-ci est due à une inhibition centrale de l’activation sympathique présente au
cours de la phase initiale. Il semblerait que cette inhibition soit secondaire la simulation
de mécanorécepteurs intracardiaques. Ceux-ci seraient stimulés par une baisse du
volume télésystolique du ventricule gauche et déclencheraient une activité de
bradycardie par boucle réflexe vago-vagale. L’installation de cette bradycardie
permettrait un meilleur remplissage diastolique lors d’hypovolémie extrême. [85]
Afin de moduler la vasodilatation consécutive à la baisse de l’action sympathique
adrénergique, les réponses neuro-hormonales sont stimulées. La sécrétion médullosurrénalienne de catécholamines, en particulier d’adrénaline, devient très importante au
cours de cette phase hypotensive. Le système rénine angiotensine est particulièrement
activé, libérant de l’angiotensine II et la libération d’ADH est également stimulée. Ces
réponses neuro-hormonales participent au maintien d’une certaine vasoconstriction. [85]
62
Figure 18 : Réponse neurohormonale à la suite d’une diminution du volume
intravasculaire [28]
FC : Fréquence cardiaque, HAD : Hormone Anti-diurétique, SRAA : Système Rénine-AngiotensineAldostérone, VC : Vasoconstriction
HYPOVOLEMIE
∆ Osmolalité
Chute débit cardiaque
Baroréflexe
Hypothalamus
Libération ACTH
Activation système sympathique
Inhibition
système parasympathique
Surrénales
SRAA
HAD
Aldostérone
Reins
Rétention hydro-sodée
Cortisol
Foie
Neoglucogénèse et
synthèse protéique
Noradrénaline
VC
Adrénaline
↑ FC et
contractilité
Augmentation volume intravasculaire et débit cardiaque
2. Modification des circulations locales
Lors de l’installation de l’état de choc, le débit sanguin de chaque organe dépend du
mode de partition du débit cardiaque entre les différents organes. Celui-ci dépend
essentiellement du système nerveux autonome et vise à protéger les tissus les plus
nobles au détriment d’autres organes moins utiles à la survie immédiate. [37]
L’activation des barorécepteurs, des volorécepteurs et de chémorécepteurs au sein
de l’organisme entraîne la stimulation du système nerveux autonome. Après intégration
au niveau des centres supérieurs, les informations efférentes sont transmises aux
systèmes ortho et parasympathiques. La stimulation du système sympathique provoque
une augmentation du débit cardiaque mais aussi sa partition grâce à plusieurs
mécanismes. Les terminaisons nerveuses parviennent dans les parois vasculaires où
63
elles stimulent la contraction des fibres musculaires lisses vasculaires grâce à la
libération d’ATP, de neuropeptide Y et surtout de noradrénaline. Ces efférences
nerveuses vasoconstrictrices sont essentiellement destinées aux vaisseaux résistifs
précapillaires et à moindre degré au réseau veineux capacitif ; elles sont
préférentiellement localisées dans les tissus non indispensables à la survie. [22, 37]
D’autre part, les terminaisons sympathiques innervent les glandes médullosurrénales
et déclenchent la libération par celle-ci d’adrénaline et de noradrénaline. Celles-ci sont
libérées dans la circulation générale et agissent sur les récepteurs α et β de différents
sous-types répartis de façon hétérogène dans les parois vasculaires des différents
organes. La localisation de ces récepteurs vise à préserver la perfusion des organes
indispensables à la vie. [37]
Au final, l’adaptation de la distribution du débit cardiaque favorise les circulations
cérébrale, coronaire et rénale dans un premier temps puis uniquement cérébrale et
coronaire (figure 19). [85] Ces organes ayant une faible réserve d’extraction en O2,
l’augmentation du débit est indispensable afin de maintenir un apport en O2 minimal
pour leur métabolisme. Les circulations sacrifiées, à savoir la peau, les muscles et le
territoire hépatosplanchnique, subissent une vasoconstriction précoce et intense. La
mise en œuvre de la régulation métabolique locale, de la vasodilatation
microcirculatoire et de l’augmentation de leur extraction en O2 permet de maintenir un
certain niveau d’oxygénation au sein de ces organes malgré l’hypoperfusion. [37]
Figure 19 : Répartition des débits régionaux au cours de l’état de choc
hypovolémique par rapport à l’état physiologique[17]
% du débit cardiaque
40
30
20
10
0
Cerveau
Cœur
Intestin
64
Rein
Muscles
Peau
Cette partition impose que les mécanismes régulateurs vasomoteurs soient préservés
ce qui est le cas en début d’installation du choc. En revanche, lorsque celui-ci persiste,
on observe une défaillance de ces mécanismes, une baisse de la sensibilité des
récepteurs aux effets du système nerveux autonome et par conséquent une aggravation
de l’hypoperfusion. [37]
3. Modification des microcirculations
3.1. Modification des vaisseaux de la microcirculation
La régulation de la microcirculation repose sur les réponses de l’endothélium et des
fibres musculaires lisses vasculaires aux stimuli libérés lors de l’installation de l’état de
choc. [16] Le tonus vasculaire est sous le contrôle extrinsèque du système nerveux
végétatif, notamment du sympathique adrénergique, mais aussi sous l’influence du
système endocrinien, de facteurs chimiques locaux (pression tissulaire en O2, en CO2,
pH, calcémie extracellulaire…) et surtout de l’endothélium. [18] Celui-ci joue en effet
un rôle majeur puisqu’il détermine en plus du tonus vasculaire, la thrombose
intravasculaire, la structure de la paroi et les mouvements cellulaires. [16]
Suite à l’activation du baroréflexe, la stimulation du système sympathique conduit à
une vasoconstriction artérielle et veineuse au niveau des territoires rénal, intestinal,
cutané, splanchnique et dans une moindre mesure au niveau des muscles squelettiques
et du territoire cérébral. D’autre part, on observe la libération de facteurs humoraux par
la médullosurrénale : l’adrénaline libérée a un effet constricteur à forte dose mais
vasodilatateur à faible dose ; l’angiotensine II circulante exerce un effet
vasoconstricteur balancé par les effets vasodilatateurs dus notamment à la bradykinine.
L’intégration de l’ensemble des informations transmises au cortex, à l’hypothalamus et
à la substance réticulée permet de moduler l’effet des différents centres vasomoteurs.
Parallèlement, une régulation locale intrinsèque intervient : la régulation
myogénique, la vasodilatation débit-dépendante liée à l’endothélium et la régulation
métabolique modulent la vasomotricité en fonction des situations. De nombreux stimuli
chimiques et mécaniques (température, pression, pH, forces de cisaillement
vasculaires…) provoquent l’activation de récepteurs à la surface endothéliale. Il en
résulte la libération de facteurs vasodilatateurs (prostaglandines, monoxyde d’azote,
EDRF…) et vasoconstricteurs (thromboxane A2, leucotriènes, radicaux libres,
endothéline…). [16, 64] La réponse locale à l’hypoxie entraîne une vasodilatation locale
qui permet le recrutement capillaire et facilite la diffusion de l’O2 par un
raccourcissement de la distance entre les capillaires et les cellules, mais cette
vasodilatation n’intervient que pour des hypoxies graves (PaO2< 40 mmHg). [18]
Les réponses systémiques et locales agissent donc en sens contraire, la première en
protégeant certains territoires en sacrifiant des circulations locales, la seconde agissant
comme une défense individuelle d’organe lorsque l’hypoxie menace leur intégrité. La
régulation diffère selon les différents organes et les conditions pathologiques. [18]
L’interaction entre ces différents mécanismes conduit dans un premier temps à une
vasodilatation des territoires coronaires et cérébraux et une vasoconstriction des
territoires cutanés, musculaires, splanchniques et rénaux.
65
Cette vasoconstriction s’effectue au niveau des sphincters pré et post-capillaires
sous l’effet des catécholamines et conduit à l’ouverture de shunts artérioveineux ce qui
favorise un retour du sang au cœur plus rapide. Cela entraîne deux phénomènes
bénéfiques : la préservation des nutriments disponibles pour les organes vitaux et la
réduction de la pression hydrostatique capillaire, ce qui aide à drainer vers les vaisseaux
les fluides interstitiels. En revanche, les organes dont la vascularisation est shuntée
subissent les conséquences de l’hypoxie tissulaire et du déficit en nutriments. Un
métabolisme anaérobie se met en place et conduit à l’accumulation de catabolites et le
développement d’une acidose. Ils représentent localement un signal conduisant à
l’ouverture des sphincters capillaires : le flux sanguin insuffisant diffuse dans ces
capillaires sans apporter les métabolites en quantité suffisante. L’acidose et
l’accumulation de déchets continuent et conduisent à une inactivation des muscles lisses
artériolaires. [15, 81]
Parallèlement, l’adrénaline circulante entraîne la dégranulation des mastocytes et
des péricytes : des médiateurs vaso-actifs (histamine, sérotonine, bradykinines…) sont
alors libérés dans le torrent sanguin et ont un effet vasoconstricteur veinulaire et
vasodilatateur artériolaire. Le maintien de la fermeture des sphincters post-capillaires
conduit à une séquestration du sang dans les capillaires (trapping) et stimule
l’extravasation des fluides des capillaires vers l’espace interstitiel. Progressivement, on
observe une perte de la réponse des vaisseaux aux effets des catécholamines
circulantes conduisant à une vasoplégie généralisée (vasodilatation artériolaire et
veineuse) ce qui conduit à une aggravation de l’hypotension et du déficit de perfusion.
[15, 81]
3.2. Conséquences
La stase intracapillaire et l’extravasation sanguine qui en résultent conduisent à une
aggravation de l’état hypovolémique du patient. La fuite plasmatique se traduit par une
hémoconcentration, une augmentation de la viscosité et une tendance à l’empilement
des hématies et à leur agrégation (« sludge »). [81]
Les lésions endothéliales entraînent une augmentation de la perméabilité vasculaire
qui contribue à l’aggravation de l’hémoconcentration, de l’hypotension, de
l’hypoalbuminémie et à la formation d’œdème tissulaire. L’œdème des cellules
endothéliales est à l’origine de l’altération des membranes cellulaires : le contenu
enzymatique des lysosomes est alors déversé dans la circulation. Ces enzymes
catalysent les réactions d’activation du système des kinines qui intervient dans la
formation des thrombi vasculaires. De plus, la stase microvasculaire augmente l’activité
procoagulante en favorisant la margination plaquettaire : celles-ci ont alors tendance à
former des thrombi microvasculaires, à l’origine d’obstructions capillaires irréversibles.
Ce phénomène (no-reflow phenomen) est également stimulé par l’adhésion des
polynucléaires neutrophiles sur l’endothélium vasculaire suite à la libération de facteurs
d’adhésion par les cellules endothéliales agressées. [32, 81, 85,] Ainsi, alors que
l’endothélium a une action majoritairement anticoagulante en conditions normales afin
de maintenir la fluidité sanguine, il contribue à la formation de thrombi lorsqu’il est
endommagé. [32]
66
L’ensemble de ces phénomènes conduit à l’installation d’un cercle vicieux en
génant le retour veineux et en aggravant l’hypovolémie. Les lésions mènent à une
redistribution inadéquate du flux sanguin lors de la reperfusion ce qui peut entraîner une
aggravation de l’état hémodynamique du patient lors de la réanimation. [74]
67
II. CONSEQUENCES SYSTEMIQUES DE LA DEFAILLANCE
CIRCULATOIRE
1. Hypoperfusion tissulaire
1.1. Déficit du métabolisme énergétique cellulaire
En situation d’insuffisance circulatoire aigue, l’apport d’oxygène aux cellules est
compromis par plusieurs phénomènes : la diminution du débit sanguin (hypoperfusion),
la diminution de la pression artérielle en oxygène et de la saturation artérielle en
oxygène (hypoxémie) et la diminution de la concentration sanguine en hémoglobine
(anémie). Le choc hypovolémique provoque une hypoperfusion qui se traduit ellemême par une hypoxie tissulaire. L’augmentation de l’extraction en O2 au niveau
cellulaire permet de compenser ce déficit d’apport en O2 dans un premier temps ; mais
ce mécanisme compensateur est dépassé lorsque les valeurs seuils critiques d’extraction
sont atteintes (figure 20). L’hypoxie tissulaire se développe alors et entraîne des
perturbations de l’homéostasie énergétique cellulaire. [66]
Figure 20 : Modifications des déterminants de l’oxygénation tissulaire durant
le choc hypovolémique [17]
DO2 : Délivrance en O2, hta : hypertension artérielle, O2ER : Extraction en O2, PaO2 : Pression
artérielle en O2, PvO2 : Pression veineuse en O2, PVC : Pression Veineuse Centrale, SaO2 : Saturation
artérielle en O2, SvO2 : Saturation veineuse en O2, TaO2 : tension artérielle en O2, TvO2 : Tension
veineuse en O2, VA : Ventilation Artérielle
68
Le métabolisme énergétique cellulaire provient de l’utilisation de l’oxygène et du
métabolisme des nutriments, en particulier des glucides et des acides gras libres. Il
permet de maintenir l’intégrité membranaire, la mobilité et les processus de
biosynthèse. Au niveau mitochondrial, le processus de phosphorylation oxydative
permet la production de quantités importantes d’énergie stockées dans les liaisons
phosphates des molécules d’ATP. [45]
Le niveau minimal de PO2 nécessaire aux mitochondries isolées pour maintenir une
respiration adéquate est très faible (< 0,1 torr). En cas de réduction de l’apport
d’oxygène, la production aérobie d’ATP est réduite, par manque de substrat : les tissus
doivent réduire leur consommation énergétique ou bien recourir à des sources d’énergie
anaérobies pour compléter la formation aérobie d’ATP. Il existe 3 voies anaérobies de
production d’énergie : la glycolyse, la réaction adénylate kinase et la réaction créatine
kinase. [45]
Lors de glycolyse anaérobie (figure 21), le glucose est transformé en lactate avec la
formation d’ATP, en quantité bien moindre que lors de phosphorylation oxydative (2
molécules d’ATP versus 36). C’est la voie la plus utilisée lors d’hypoxie car elle
constitue le procédé biochimique le plus efficace pour produire de l’ATP lorsque
l’oxygène devient rare. En effet, le métabolisme des protéines et des lipides permet la
formation de quantité importante d’ATP mais nécessite plus de molécules d’oxygène.
[45]
Figure 21: Glycolyse anaérobie [73]
La réaction adénylate kinase permet la formation d’une molécule d’ATP et d’une
molécule d’AMP à partir de 2 molécules d’ADP.
AK
2 ADP
ATP + AMP
L’AMP est alors utilisé pour la formation d’adénosine, qui agit comme un
vasodilatateur local, sauf au niveau rénal, provoquant une augmentation du flux
sanguin local en réponse à l’hypoxie. Mais l’AMP peut être dévié vers une autre voie
69
conduisant à la libération de NH3, lequel joue le rôle de tampon au niveau du pH
cytosolique en consommant un ion H+ pour former NH4+. [45]
La réaction créatine kinase consomme une liaison phosphate riche en énergie de la
phosphocréatine, de l‘ADP et des ions H+ pour former de l’ATP et la créatine.
CK
Créatine Phosphate + ADP
Créatine + ATP + P
Elle est utilisée par les organes dont les besoins énergétiques sont élevés tels que les
muscles squelettiques, le cœur et le cerveau. [45]
1.2. Modification de l’homéostasie cellulaire
Malgré ces mécanismes compensateurs mis en place, on observe lors d’hypoxie
tissulaire une diminution de l’ATP disponible ce qui entraîne une diminution des
activités cellulaires nécessaire au maintien de l’homéostasie. Les pompes membranaires
ne peuvent fonctionner normalement et mènent à l’accumulation intracellulaire de Na+
et Ca + et une fuite extracellulaire de potassium. L’augmentation de l’osmolarité
intracellulaire entraîne un appel d’eau et à une turgescence des cellules qui se rompent.
La matrice intracellulaire est détruite, les vésicules lysosomiales rompues et leur
contenu enzymatique libéré dans le cytoplasme. [74]
Ce déficit énergétique conduit également à une modification de l’homéostasie
calcique au niveau cellulaire. Celui-ci s’accumule dans le cytoplasme et active des
protéinases, des lipases et des phospholipases ce qui mène à une défaillance des
réactions enzymatiques intracellulaires. Les échanges transmembranaires entre le
sodium et le calcium sont perturbés, l’entrée de calcium est facilitée, les systèmes de
stockage du calcium intracellulaire altérés. [74]
1.3. Libération de radicaux libres
La réaction adénylate kinase conduit secondairement à la production et à
l’accumulation d’un dérivé de l’AMP: l’hypoxanthine. Lors de la reperfusion tissulaire,
ce précurseur conduit à la formation de radicaux libres dérivés de l’oxygène conduisant
aux lésions de reperfusion. [45] En situation normale, les radicaux libres produits lors
des réactions enzymatiques sont éliminés par des systèmes enzymatiques spécifiques
(superoxyde dismutase, catalase et glutathion). Mais en situation d’hypoxémie, ces
mécanismes enzymatiques sont altérés du fait de la perte de l’homéostasie cellulaire :
ainsi, lorsque l’apport en O2 est rétabli, les radicaux libres accumulés ne sont plus pris
en charge par ces enzymes. [74]
Ces radicaux libres dérivés de l’oxygène sont produits par les mitochondries, les
macrophages, les neutrophiles activés par des métabolites issus des tissus ischémiques.
Ils ont des effets extrêmement néfastes puisqu’ils conduisent à la perte des fonctions
mitochondriales, à l’inactivation des pompes membranaires cellulaires, à la production
70
de prostaglandines pro-inflammatoires, à la destruction du surfactant pulmonaire, à des
lésions d’oxydation de l’ADN et à la mort cellulaire par apoptose. [74]
2. Modification du statut acido-basique
2.1. Développement de l’acidose cellulaire
En condition d’hypoxie cellulaire, la glycolyse permet d’assurer le métabolisme
énergétique mais a 2 inconvénients : d’une part, son rendement énergétique est très
faible comparé à la voie aérobie et d’autre part, la transformation du glucose en lactate
est associé à la formation d’acide. A chaque fois qu’une molécule d’ATP est formée, il
y a libération d’un ion hydrogène. En aérobiose, ce phénomène et contrebalancé par
l’utilisation d’ions hydrogène au cours de la phosphorylation oxydative. [66] En
anaérobiose, le pyruvate formé à partir du glucose ne peut entrer dans la mitochondrie
où se déroule le cycle de Krebs et est réduit en lactate dans le cytosol en échange de la
régénération du NAD+. Par la suite, la réduction cytoplasmique du NAD+ en NADH
conduit à la libération de protons. [31]
D’autre part, l’hydrolyse de l’ATP s’accompagne de la libération d’un ion
hydrogène qui s’accumule dans le cytoplasme. Ces 2 phénomènes (formation de lactate
et utilisation de l’ATP) contribuent donc au développement d’une acidose cellulaire.
[45]
L’acidose tissulaire reflète donc en réalité le déséquilibre entre l’hydrolyse et la
synthèse de l’ATP d’une part et les réactions d’oxydoréduction du NAD+. [31]
2.2. Acidose lactique et hyperlactatémie
L’acidose lactique est un état d’acidose métabolique secondaire à une glycolyse
accrue ayant conduit à l’accumulation d’acide lactique plasmatique (> 5 mEq/L) et
d’ions hydrogène. Les cellules musculaires squelettiques, cérébrales, intestinales,
sanguines et celles de la peau produisent toutes du lactate (figure 22). En situation
d’hypoxie, les principaux producteurs sont les muscles et l’intestin. [31]
Le lactate est éliminé par le foie et le rein par la voie de la néoglucogénèse ou en
l’oxydant en CO2 et en eau. Ces réactions consomment des ions hydrogènes mais
nécessitent une fonction oxydative mitochondriale normale. En conséquence, lorsque
l’apport d’oxygène est insuffisant, non seulement on observe une augmentation de la
production de lactate mais également une diminution de son extraction : celui-ci
s’accumule de même que les ions hydrogène. L’extraction hépatique de lactate est
réduite pour une PO2 artérielle avoisinant 30 mmHg. Le foie devient alors lui-même
un producteur de lactate plutôt qu’un consommateur. Ce phénomène est accentué lors
d’acidose importante ou d’insuffisance hépatique. [31, 66]
71
Figure 22 : Le système de transport membranaire du lactate [52]
Grâce au système antiport membranaire lactate/OH-, les ions H+ intracellulaire sont tamponnées par les
ions OH- qui sont échangés contre le lactate.
2.3. Epuisement des systèmes tampons
La voie de l’adénylate kinase permet de modérer dans certaines limites l’acidose
cellulaire et participe à la formation d’énergie. Elle conduit à la formation d’AMP et
d’ATP à partir de molécules d’ADP. L’AMP peut être désaminé en IMP avec libération
de NH3. Cette étape joue un rôle de tampon au niveau du pH cytosolique puisque le
NH3 peut capter un ion hydrogène pour former du NH4+. Cependant, cette réaction
n’est pas majoritaire et ne fait que retarder le développement de l’acidose. [45]
La réaction créatine kinase permet égalent de diminuer l’acidité cytosolique en
consommant des ions hydrogènes mais cette réaction est négligeable à l’échelle de
l’organisme puisqu’elle n’intervient que dans les cellules musculaires, cardiaques et
cérébrales. [45]
L’accumulation importante d’ions hydrogène conduit à une saturation et un
épuisement des principaux systèmes tampons de l’organisme. Au niveau extracellulaire
le tampon majeur est représenté par les bicarbonates qui conduisent à la formation de
CO2. Au niveau intracellulaire, ce rôle est tenu par les protéines et les phosphates
organiques et inorganiques (ATP, ADP…). Il est à noter que l’hémoglobine est
responsable de 80% de l’activité tampon ne faisant pas intervenir les bicarbonates au
niveau du sang, les 20% restant étant dus aux protéines plasmatiques dont l’albumine
en grande majorité. Il est à noter que lors d’hémorragie importante, la déplétion
sanguine entraîne également une déplétion de ces facteurs tampons. Lorsque les ions
hydrogènes s’accumulent, ceux-ci sont donc titrés par les ions bicarbonates dans le
liquide extracellulaire et par les protéines et les phosphates en milieu intracellulaire.
72
Cette réponse intervient en quelques minutes et permet de protéger le pH des fluides
extracellulaires. Le CO2 produit lors de l’utilisation des ions bicarbonates est éliminé
par ventilation alvéolaire, ce qui permet de maintenir une PCO2 normale voire
diminuée : on observe cliniquement une hyperventilation. Au bout de quelques heures,
on observe une adaptation au niveau rénal : afin de reconstituer le pool d’ions
bicarbonates utilisés comme tampons, ceux-ci sont réabsorbés au niveau rénal et les
ions hydrogènes sont excrétés. Mais cette réponse met de 2 à 5 jours afin d’être
effective. L’ensemble de ces phénomènes permet donc de rétablir un pH normal par le
biais d’une compensation respiratoire rapide et d’une compensation métabolique
secondaire. [30, 31]
Si l’hypoxie tissulaire persiste, l’ensemble de ces mécanisme est dépassé : on
observe alors une diminution de la concentration en ions bicarbonates, une hausse
importante de la PCO2 sans que le pH ne soit normalisé : c’est l’acidose métabolique.
2.4. Compensation respiratoire et PCO2
L’hypoxie, la baisse du pH et l’augmentation de la PCO2 représentent 3 stimuli qui
conduisent à une régulation de la ventilation afin de maintenir des taux sanguin d’O2 et
de CO2 constants. Cette régulation fait intervenir des facteurs humoraux et nerveux.
[19]
Il existe des chémorécepteurs périphériques situés au niveau de la crosse aortique et
au niveau de la bifurcation carotidienne (les corpuscules). Ceux-ci sont stimulés par une
PCO2 supérieure à 30 mmHg : ils envoient des potentiels d’action au bulbe via le nerf
X pour les corpuscules aortiques et via les nerfs glossopharyngiens et les nerfs
sinocarotidiens pour les corpuscules carotidiens. La fréquence des potentiels d’action
s’accroît avec la hausse de PCO2 ce qui conduit à l’augmentation de la fréquence
respiratoire. [19]
D’autre part, des cellules du système nerveux central comme les neurones bulbaires
sont aussi sensibles à la PCO2 : le stimulus pouvant être une augmentation de la PCO2
du liquide céphalo-rachidien (LCR) ou bien le contact direct avec le CO2 du fait de sa
grande diffusibilité. [19]
La réponse périphérique est immédiate suite aux stimuli alors que la réponse
centrale apparaît 20 à 40 s après la modification de PaCO2. L’accroissement du débit
ventilatoire provoque une augmentation de l’élimination de CO2. [19]
Ces récepteurs périphériques et centraux sont également sensibles à une
modification du pH sanguin : l’acidose stimule d’abord les récepteurs périphériques, le
pH du LCR n’étant pas modifié dans un premier temps du fait de la barrière
hématoencéphalique. Il en résulte une hyperventilation qui provoque une hypocapnie se
propageant au LCR avec une tendance à l’alcalose dans ce milieu. La sensibilité
périphérique et la sensibilité centrale agissent alors en sens inverse : il en résulte une
hyperventilation modérée. L’acidose métabolique s’accompagne alors d’une alcalose
respiratoire compensatrice. [19]
73
2.5. Conséquences des désordres acido-basiques sur le transport d’O2
Le transport de l’oxygène s’effectue principalement grâce à l’hémoglobine (Hb)
présente dans le sang. Cette molécule est également capable de transporter le CO2 et
assure un rôle de tampon. L’affinité de l’Hb pour l’O2 dépend de sa configuration
stéréochimique. L’Hb réduite a une conformation ouverte qui lui permet d’accepter les
molécules d’O2 alors que l’Hb oxydée possède peu d’affinité pour l’O2 du fait d’une
configuration dite fermée. [18]
La courbe de dissociation de HbO2 est de forme sigmoïde. Dans sa partie
horizontale, c'est-à-dire pour des valeurs de SaO2 supérieure à 90% et une PO2
supérieure à 60 mmHg, la concentration en HbO2 est élevée. L’HbO2 étant un acide
plus fort que l’Hb réduite, il est moins capable de fixer les ions H+ ce qui facilite la
libération des composés carbaminés et augmente la PCO2. [18]
Dans la partie verticale de la courbe, la dissociation forte de HbO2 aux PO2 basses
facilite l’oxygénation tissulaire. L’Hb réduite augmente et fixe d’une part le CO2 et
d’autre part les ions H+ ce qui favorise la formation des bicarbonates à partir du
H2CO3 (effet tampon). La diffusion du CO2 des cellules vers le sang est favorisée par
augmentation de la capacité de transport du CO2 par l’Hb suite à la désoxygénation de
l’Hb. En retour, l’augmentation de la PaCO2 diminue encore l’affinité de l’Hb pour
l’O2. [18]
Ainsi, l’augmentation des ions H+ et de la PCO2 déplace la courbe d’affinité vers la
droite et par conséquent favorisent la libération d’O2 au niveau tissulaire mais diminue
la quantité d’O2 transportée pour une même PaO2 (figure 23). En revanche, l’alcalose
et l’hypocapnie déplacent cette même courbe vers la gauche et augmentent donc
l’affinité. [18]
Figure 23 : Courbe de dissociation de l’Hb en fonction du pH et de la PCO2 [57]
74
3. Modifications électrolytiques
Le sodium est le principal ion extracellulaire et sa répartition dans les différents
secteurs de l’organisme est un reflet de l’équilibre hydrique de l’animal, du volume du
compartiment extracellulaire et de la volémie. [39]
Le volume du compartiment extracellulaire est lié principalement à la natrémie et à
la chlorémie, qui sont les principaux ions osmotiquement actifs dans ce secteur. Le
maintien de l’osmolalité de ce compartiment dans des fourchettes très étroites est
indispensable pour éviter les transferts d’eau entre le milieu intra et extracellulaire et
passe par le contrôle de l’équilibre hydrique par le centre de la soif et la sécrétion
d’hormones osmorégulatrices (hormones antidiurétique et aldostérone). [39, 64]
D’autre part, la régulation de la volémie est dépendante de facteurs
hémodynamiques systémiques (système nerveux sympathique, système rénine
angiotensine) mais aussi de l’excrétion rénale de Na+ (influencée par le débit de
filtration glomérulaire, l’aldostérone, les facteurs natriurétiques et le système nerveux
sympathique). [64]
Certaines de ces hormones et notamment l’aldostérone ou les catécholamines,
jouent un rôle fondamental dans la répartition et la sécrétion du potassium. Associé à un
trouble acido-basique, à une modification de l’osmolalité, leur libération accrue peut
entraîner un déséquilibre de la kaliémie, à l’origine de graves complications du
fonctionnement neuromusculaire cardiaque et périphérique. [39]
Lors de l’évolution de l’insuffisance circulatoire aiguë, les perturbations
hémodynamiques, les réponses neuro-hormonales rencontrées, la perte de
l’homéostasie cellulaire sont des facteurs qui contribuent aux altérations de l’équilibre
électrolytique au sein de l’organisme. Le déficit énergétique conduit à un
dysfonctionnement des pompes membranaires ATP-dépendantes. Il en résulte une
perturbation des transferts ioniques, et notamment sur la répartition intra et
extracellulaire des ions sodium et potassium. Ces modifications peuvent également
concerner les ions chlore, le calcium et le phosphore. [31, 39]
Ces troubles dépendent également de la rapidité d’installation du choc, du statut de
déshydratation associé, et des pathologies sous-jacentes rencontrées. Il est important
d’évaluer leur importance car leur correction est indispensable au retour d’une
homéostasie cellulaire correcte.
4. Désordres métaboliques
Les dysfonctions observées au niveau cellulaire lors de choc sont à l’origine d’une
défaillance progressive des différents organes pouvant conduire au syndrome de
dysfonction multiple d’organes et à la mort. Ce syndrome est défini par l’existence de
l’altération fonctionnelle organique chez des animaux sévèrement malades et dont
l’homéostasie ne peut être rétablie sans intervention. Il résulte de l’évolution d’une
condition inflammatoire généralisée associée ou non à un phénomène infectieux,
appelée Syndrome de Réponse Inflammatoire Systémique (SIRS). [56]
75
4.1. Installation du syndrome de réponse inflammatoire systémique
Lors de choc hypovolémique, les cellules subissent des agressions auxquelles elles
répondent précocement par la synthèse ou le relargage de médiateurs proinflammatoires. Les principaux acteurs cellulaires sont les cellules endothéliales, les
neutrophiles, les monocytes et les macrophages. Lors de lésion à la surface des
vaisseaux, les cellules endothéliales participent activement à la réponse inflammatoire :
elles libèrent des médiateurs (NO, PAF…) qui exercent des effets bénéfiques
localement, en augmentant la perméabilité vasculaire, l’adhésion, la migration et
l’action des polynucléaires et favorisent la reconstruction tissulaire. Pour limiter leur
action, l’organisme réagit en initiant une réaction anti-inflammatoire (figure 24). [70]
Si l’agression initiale se prolonge ou est sévère, les défenses locales deviennent
insuffisantes : les médiateurs sont alors relargués dans la circulation systémique afin de
solliciter d’autres défenses. Les neutrophiles sont recrutés sur le site de l’inflammation
par le jeu de molécules d’adhésion exprimées à la surface des cellules endothéliales et
des neutrophiles déjà présents, cette action étant renforcée par l’intervention des
macrophages et de l’activation du complément. D’autre part, la libération des
neutrophiles à partir de la réserve médullaire fait intervenir d’autres facteurs
(endotoxines, cytokines, hormone de croissance) ce qui nécessite un certain délai.
L’accumulation et la séquestration des neutrophiles au niveau de certains organes
peuvent aboutir à la formation d’œdème et à la dysfonction de ces organes. Les
cytokines déversées dans le torrent sanguin entraînent une vasodilatation et une
augmentation de la perméabilité membranaire, ce qui peut aggraver le déficit
volémique et déprimer la fonction cardiaque. [28] On observe alors les premiers signes
cliniques de réaction inflammatoire systémique (hypotension, tachycardie, hypo ou
hyperthermie…). D’autre part, l’agrégation massive des leucocytes au niveau du site
inflammatoire a des conséquences néfastes : augmentation des résistances vasculaires,
diminution de la perfusion tissulaire et formation de thrombus en parallèle avec
l’activation plaquettaire. Il existe alors un déséquilibre entre les réactions pro et antiinflammatoires : la réponse anti-inflammatoire est dépassée, insuffisante ou bien une
seconde agression est venue perturber cette balance. [70]
De nombreux facteurs conduisent à l’activation des neutrophiles recrutés (produits
de la cascade du complément, endotoxines, cytokines, induction du système
coagulation-fibrinolyse) : les neutrophiles libèrent alors de nombreuses substances à
propriété bactéricide (radicaux libres de l’oxygène, enzymes protéolytiques) ou proinflammatoire (cytokines). Si cette libération n’est pas contrôlée, elle peut conduire à
une aggravation des lésions cellulaires. [28, 70]
Les monocytes et les macrophages interviennent en libérant des médiateurs
(cytokines, médiateurs lipidiques, NO…) responsables de l’amplification de la réponse
inflammatoire et du recrutement des neutrophiles. Ils participent également à la
phagocytose des micro-organismes sur le lieu d’infection. Cette fonction conduit à la
libération de radicaux libres, de protéases et d’hydrolases localement. [70]
Lorsque la réaction anti-inflammatoire s’enflamme, il en résulte une production
excessive de médiateurs anti-inflammatoires (IL2, 4, 10, TGFβ et PGE2) qui régulent la
76
production de cytokines pro-inflammatoire, conduisant à un phénomène
d’immunosuppression et favorisant la fréquence des infections secondaires. [70]
Figure 24 : Représentation schématique des conditions d’installation du syndrome
de réaction inflammatoire systémique [34]
1.1.1.1
La première agression (zone grisée 1, « first hit ») peut entraîner par sa sévérité une
défaillance multiviscérale précoce dont le pronostic est aggravé par une prise en charge
inadéquate. La survenue d'une seconde agression, infection ou intervention chirurgicale
délabrante (zone grisée 2, « second hit » ) peut provoquer la défaillance multiviscérale tardive
lorsque le syndrome inflammatoire, préalablement amorcé, n'est plus contrôlé.
Ainsi, le choc, s’il est sévère ou prolongé, comporte une réaction inflammatoire
systémique qui ajoute des conséquences néfastes au tableau hémodynamique initial :
troubles de la perméabilité capillaire aggravant l’hypovolémie, modifications
médiateurs-dépendantes des propriétés systoliques et diastoliques ventriculaires
entravant l’adaptation cardiaque à la situation hémodynamique et altérations de la
microcirculation modifiant la répartition du débit cardiaque non seulement entre les
différentes circulations mais aussi à l’intérieur même des tissus et des organes. Ces
conditions prédisposent à l’apparition d’un syndrome de défaillance multiviscérale
77
(SDMV), que l’on soit en présence d’une réaction inflammatoire persistante et non
contrôlée ou bien face à un phénomène d’immunosuppression.
4.2. Pathogénie du syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV)
Le collapsus fonctionnel des organes concernés lors de SDMV résulterait d’un
phénomène d’apoptose cellulaire médié par les cytokines. Plusieurs mécanismes
permettent d’expliquer l’origine de ces médiateurs. [56]
D’une part, un phénomène de translocation bactérienne et de développement
d’endotoxémie est mis en cause. Ces bactéries diffusant dans la circulation systémique
proviendraient du tractus gastro-intestinal suite à une diminution de l’intégrité de la
muqueuse. La circulation splanchnique est rapidement sacrifiée en cas de choc
hypovolémique du fait de la richesse de ses territoires en récepteurs α-adrénergiques
conduisant à une diminution de la perfusion mésentérique. La baisse du débit sanguin
local, l’atrophie et les ulcérations mucosales, le manque de nutrition entérale lors d’un
état de choc compromettent l’intégrité de cette barrière. De plus, ces lésions peuvent
être aggravées par l’action des cytokines et d’autres médiateurs de l’inflammation,
entraînant des troubles de la perméabilité et favorisant ainsi la translocation bactérienne
et des déficits de l’immunité locale. Les endotoxines provoquent l’activation de la
réaction inflammatoire au niveau hépato-splanchnique et favorisent par ces effets sur la
microcirculation l’augmentation de la perméabilité intestinale et la translocation
bactérienne, provoquant ainsi un cercle vicieux susceptible d’engendrer un SDMV. [56,
70]
Les lésions de reperfusion associées à la formation de dérivés libres de l’oxygène
lors de la phase d’hypoperfusion sont également impliquées dans la pathogénie du
SDMV. Afin de se défendre des microorganismes, les neutrophiles activés et les
macrophages produisent des radicaux libres et des enzymes protéolytiques. Cependant,
les mécanismes de lutte contre ces radicaux sont dépassés du fait de la surproduction
durant la période d’hypoperfusion : il en résulte un état de stress oxydatif. D’autre part,
la production de radicaux libres peut être aussi due à une infection systémique ou à une
inflammation sévère. [56]
Enfin, le développement du SDMV repose sur la théorie du « 2-hit » : celle-ci
spécule qu’une insulte primaire telle qu’un traumatisme ou un état de choc, active les
systèmes inflammatoire, immunologique et cardiovasculaire de telle sorte que si une
seconde insulte se produit, telle que le phénomène de translocation bactérienne ou le
développement d’une infection, l’hôte développera une réponse exagérée. Cette
réponse se manifeste par une libération massive de cytokines pro-inflammatoires
(TNFα, IL6, IL1) qui facilitent l’évolution d’un état hémodynamique instable et donc le
développement d’un SDMV. [56]
Les cytokines élaborées par les macrophages activés conduisent à la formation
d’autant plus de radicaux libres par les neutrophiles et sont des promoteurs de
l’expression de facteurs d’adhésion des neutrophiles. Il en résulte une augmentation de
leur margination, leur adhésion, leur extravasation et l’apparition de lésions au niveau
des microvaisseaux veineux postcapillaires. La perméabilité microvasculaire est altérée,
des lésions d’œdème interstitiel apparaissent ce qui conduit à une augmentation de la
78
pression tissulaire et diminue d’autant plus la perfusion capillaire. D’autre part, les
radicaux libres ont une action cellulaire toxique : ils inactivent les récepteurs
membranaires protéiques et induisent une peroxydation lipidique ce qui conduit à la
destruction de la membrane cellulaire. [56]
Cette cascade de processus pathologiques conduit à l’aggravation des dommages
cellulaires et par conséquent des dommages tissulaires (figure 25). L’action des
cytokines libérées conjointement à l’activation de la coagulation entraîne
progressivement une dysfonction multiorganique. [28, 56]
Figure 25 : Conséquences de la reperfusion tissulaire après une période
d’ischémie [74]
Ischémie
ATP ↓
↑ Hypoxanthine
HYPOXIE
Altération transport
Na/K
Transfert des fluides
Œdème cellulaire
pH ↓
Stase
Déformabilité cellulaire
Hémoconcentration
Microthrombose
Hypoperfusion capillaire
Leucocytes
Radicaux
oxygénés
Médiateurs de
l’inflammation
(TNF α, IL1)
↑ perméabilité microvasculaire
Oedème interstitiel
↑ Pression tissulaire
Peroxydation lipidique
Reperfusion
↑ hypoxie
↑ Dommage tissulaire
79
Les organes les plus souvent affectés lors de SDMV sont le système respiratoire,
rénal, cardiovasculaire, le système de coagulation, le SNC, le système gastro-intestinal
et le système hépatique. Les patients souffrant d’une insuffisance d’organe préexistante sont plus exposés pour développer d’autres défaillances d’organes. [56]
4.3.
Spécificité des dysfonctions d’organes
4.3.1. Dysfonction rénale
Lors d’évolution d’un état hypovolémique chez un patient, une des premières
conséquences est la diminution de la perfusion rénale. Dans un premier temps, la
filtration glomérulaire est préservée mais les mécanismes compensateurs entraînant une
vasoconstriction de l’artère rénale afférente conduisent rapidement à une diminution du
débit sanguin local. Il en résulte une diminution de la pression de filtration glomérulaire
et une chute de la diurèse. La distribution sanguine est modifiée au sein même de
l‘organe : le cortex est moins perfusé que la médulla externe, ce qui modifie le gradient
de concentration médullaire. [15]
Au niveau cellulaire, l’ischémie et l’hypoxie entraînent une nécrose tubulaire aigue
associée à des lésions glomérulaires, des cellules tubulaires et de la vascularisation
rénale. Les dommages glomérulaires induisent une inflammation des cellules
endothéliales, épithéliales et mésangiales. Cette réponse inflammatoire entraîne une
diminution de la perfusion rénale et de la filtration glomérulaire. Les artérioles
afférentes et efférentes subissent des lésions secondaires à l’ischémie, ce qui
compromet le phénomène d’autorégulation à l’échelle rénale. [56]
Lors d’ischémie relative, la consommation d’oxygène rénale diminue avec la
diminution du taux de filtration glomérulaire ce qui permet de limiter l’apparition
précoce des lésions rénales. Cependant, quand la pression artérielle est inférieure à 60
mmHg, le développement d’une insuffisance rénale aigue est imminent.
4.3.2. Dysfonction du tractus gastro-intestinal
Les mécanismes compensateurs lors de choc hypovolémique conduisent rapidement
à la vasoconstriction portale. En effet, même pour une courte période d’hypoxie, des
substances vasoconstrictrices (endothélines) sont libérées par l’intestin ainsi que des
cytokines qui affectent le système neuroendocrinien, pulmonaire, cardiaque, hépatique,
rénal et gastro-intestinal. Les leucocytes activés produisent une nécrose épithéliale et
favorisent la désintégration de la lamina propria. Il en résulte une perte de l’intégrité de
la barrière muqueuse, intégrité énergie-dépendante. On observe la filtration
transcapillaire de fluides et un œdème interstitiel entraînant l’apparition de diarrhée.
L’augmentation de la perméabilité capillaire mène à une perte des protéines et du
volume plasmatique et facilite la libération de radicaux libres dérivés de l’oxygène dans
la circulation (xanthine oxydase). [74]
La rupture de cette barrière entraîne non seulement une hémorragie et donc une
perte liquidienne supplémentaire, mais aussi un passage des bactéries et des
endotoxines dans la circulation portale, prédisposant le patient à une endotoxémie ou à
80
une septicémie. [15, 74] En effet, les endotoxines absorbées conduisent à la production
massive de cytokines pro-inflammatoires et potentiellement à un syndrome de réaction
inflammatoire systémique. [74] Cette endotoxémie favorise également une réduction de
la motilité intestinale, l’apparition de vomissements, d’ulcérations gastriques et de
malnutrition. [56]
4.3.3. Dysfonction hépatique
Le foie, qui reçoit environ 30% du débit cardiaque, possède une double circulation :
20 à 25% du flux sanguin hépatique est fourni par l’artère hépatique et le reste par la
veine porte. De même que les artères coronaires et cérébrales autorégulent le flux
sanguin des organes qu’elles irriguent, l’artère hépatique dérivée de l’aorte autorégule
le flux sanguin hépatique. La veine porte draine le sang issu des différents viscères et
n’est pas soumise au même type de régulation : c’est donc l’artère hépatique qui est le
régulateur principal de l’apport en oxygène au foie en cas de choc. [58, 59]
Lors de l’installation d’un choc hypovolémique, le flux sanguin hépatique n’est pas
réduit tant que la pression artérielle reste supérieure à 60% de sa valeur normale.
Lorsque l’hypotension s’installe, la délivrance d’oxygène au foie est significativement
réduite du fait de la diminution de la délivrance d’oxygène de l’artère hépatique et de la
veine porte. La diminution de la délivrance en O2 de l’artère hépatique provient de la
diminution de son flux sanguin alors que la teneur en O2 du sang reste normale. En
revanche la diminution de la délivrance en O2 par la veine porte est due non seulement
à une diminution de son flux mais aussi à une diminution de sa teneur en O2 suite à
l’augmentation de l’extraction en O2 au niveau des viscères qu’elle irrigue (intestins,
estomac, rate). Un mécanisme compensateur intrinsèque permet alors de favoriser
l’apport d’oxygène au foie suite à la diminution du flux sanguin veineux portal et de la
diminution de la délivrance d’O2 d’origine portale résultante: d’une part, on observe
une augmentation du flux provenant de l’artère hépatique et une augmentation de
l’extraction en O2 du sang provenant de cette dernière. [58, 59]
Cependant, ces mécanismes de régulation sont insuffisants en cas de choc sévère et
le dépassement de cette autorégulation conduit à l’hypoxie et à l’hypoperfusion locale.
L’altération de la perfusion des viscères et notamment du foie entraîne une micro
ischémie associée à une inflammation importante et la libération de radicaux libres
oxygénés toxiques par les granulocytes neutrophiles. Lors de la réanimation, un
déséquilibre entre la production d’endothélines (vasoconstrictrices) et le monoxyde
d’azote (vasodilatateur) entraîne l’apparition de zones d’ischémies locales inégalement
réparties. Cette ischémie entraîne une souffrance des cellules hépatiques qui est
immédiatement suivie d’une augmentation des transaminases. [64] Les lésions
histologiques retrouvées sont une dilatation des espaces sinusoïdaux, une nécrose
cellulaire ainsi que la présence de cellules marginales. [56]
L’hypoxie et les médiateurs inflammatoires libérés conduisent à une
vasoconstriction veineuse hépatique : on observe alors une diminution du retour
veineux par augmentation de la résistance du débit hépatique et par développement
d’une hypertension portale. On observe alors une rétention biliaire dans les hépatocytes
et les canalicules biliaires associées à des cellules hépatiques turgescentes et
nécrotiques. [56] Le foie n’assure alors plus sa fonction de détoxification, une
81
cholécystite et une choléstase peuvent apparaître. [89] D’autre part, l’hypoxie et
l’ischémie splanchnique grave entraînent la production du facteur dépresseur du
myocarde à action inotrope négative et conduit à la dépression du système endothélial.
[59]
Lorsque l’hypoxie persiste, on observe progressivement le développement d’une
insuffisance hépatique se manifestant par de troubles de la coagulation, une diminution
de la synthèse protéique, de la clairance des triglycérides périphériques et de la
libération du glucose, conduisant potentiellement à une hypoglycémie. [56]
4.3.4. Dysfonction neurologique
L’hypotension associée à l’hypovolémie lors de l’état de choc ainsi que l’apparition
de microthrombi vasculaires conduisent à une diminution de la perfusion cérébrale. Des
mécanismes compensateurs sont mis en place afin de retarder l’hypotension cérébrale,
mais une fois ces mécanismes dépassés, des signes d’hypoperfusion cérébrale
apparaissent. [15] De plus les modifications biochimiques comme l’hypoglycémie
favorisent l’apparition de troubles neurologiques en privant les neurones de leur seule
source d’énergie. En effet, lors d’hypoxie, la consommation de glucose est augmentée
car la glycolyse est le procédé biochimique le plus efficace pour produire de l’ATP
lorsque l’oxygène devient rare : elle prédispose donc à l’hypoglycémie. [45] Les
troubles électrolytiques entraînent une fragilisation des membranes cellulaires des
neurones et facilitent l’installation d’œdème cérébral. [56]
Ces modifications se traduisent cliniquement par des troubles du comportement et
une dépression sensorielle : hyporéactivité, confusion, stupeur ou coma sont des signes
fréquents. [56]
4.3.5. Dysfonction hématologique
Les dommages subis par l’endothélium vasculaire ainsi que l’activation des
médiateurs de l’inflammation (TNF et interleukines) créent un environnement propice à
l’activation de la cascade de coagulation. De plus, l’acidose tissulaire, le ralentissement
du flux sanguin, la décharge de thromboplastine à partir des tissus endommagés, les
lésions plaquettaires et la libération de catécholamines sont autant d’évènements
prédisposant à l’initiation de la cascade hémostatique. [15]
Les agrégats plaquettaires, l’adhésion plaquettaire aux leucocytes et la diminution
de la fibrinolyse contribuent à la formation de thrombose microvasculaire.
Parallèlement, la consommation des facteurs de coagulation et des plaquettes
prédispose le patient aux saignements. Des hémorragies ou
une hémolyse
microvasculaire peuvent conduire à l’apparition d’une anémie et à la formation de
caillots au niveau de la microcirculation. Si ces derniers ne sont pas lysés en moins de
20 à 30 min, du fait de l’épuisement des facteurs de fibrinolyse, les cellules viennent à
mourir par hypoxie, favorisant ainsi le développement d’un SDMV. [15, 56] De plus
les dépôts de fibrine tout au long du système vasculaire renforcent les conditions
d’ischémie, d’hypoxie et d’acidose. [12]
82
Ce phénomène est d’autant plus amplifié lors d’insuffisance hépatique (primaire ou
développée secondairement à une ischémie prolongée) par diminution de production
des facteurs de coagulation, synthèse de facteurs non fonctionnels et par diminution de
la clairance des facteurs de coagulation activés. En cas d’obstruction biliaire, la
diminution d’absorption de vitamine K entraîne la synthèse de facteurs non
fonctionnels. [56]
Une des complications potentielles secondaire à l’activation de la coagulation
intravasculaire, la formation de microthrombi en quantité importante, la consommation
des facteurs de coagulation, des plaquettes et de l’exacerbation de la fibrinolyse est
l’apparition d’un phénomène de coagulation intravasculaire disséminée qui aggrave
nettement le pronostic. [56]
4.3.6. Dysfonction immunitaire
Dans un premier temps, les fonctions immunitaires sont stimulées : l’activation de
la cascade du complément facilite la phagocytose (opsonisation), la lyse des organes
étrangers et accroît la perméabilité capillaire.
Cependant, l’hypoxie s’installant, on observe un blocage des capacités du système
réticulo-endothélial à détruire les micro-organismes pathogènes. Les tissus ischémiés
relâchent des métabolites toxiques qui activent les macrophages, les mastocytes, les
cellules endothéliales et les neutrophiles, à l’origine du relargage de nombreuses
substance inflammatoires dans la circulation systémique (histamine, kallicréine,
sérotonine, prostaglandines, thromboxane, leucotriènes, TNF, PAF, endothélines, NO,
radicaux libres). Ces molécules ont diverses actions cytotoxiques [voir annexe 1] qui
conduisent à une défaillance du système immunitaire et à la mort cellulaire (figure 26).
[74] La phagocytose diminuée, les organismes pathogènes (débris cellulaires, agrégats
issus de la CIVD) s’accumulent dans la lumière des vaisseaux. [12]
Conclusion
La diminution de la masse sanguine circulante a des répercussion directes sur la
perfusion tissulaire : l’hypoxie résultante conduit rapidement à un dysfonctionnement
cellulaire au sein des différents organes. De nombreux récepteurs disséminés dans
l‘organisme sont à l’origine de la mise en place de facteurs de régulation neurohormonaux : ceux-ci ont pour objectif le maintien d’une pression artérielle, d’un débit
cardiaque et d’un retour veineux adéquats. Si ces mécanismes sont insuffisants, des
modifications au niveau local et microcirculatoire sont mises en oeuvre afin de
sauvegarder la perfusion des organes indispensables à la survie.
Malgré ces phénomènes compensateurs, la baisse de la perfusion tissulaire est
souvent à l’origine d’une défaillance du métabolisme aérobie cellulaire suite à
l’hypoxie engendrée. Il en résulte une perturbation de l’homéostasie énergétique, acidobasique et électrolytique, à l’origine d’une défaillance des différents organes de
manière réversible ou non.
83
Figure 26 : Cascade des médiateurs impliqués dans les perturbations immunoinflammatoires au cours de l’état de choc[2]
84
IIIeme PARTIE
MOYENS D’EVALUATION CLINIQUE ET
PARACLINIQUE DE L’ANIMAL EN SITUATION
D’INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE
L’état de choc hypovolémique constitue une urgence qui doit être surveillée de
manière précise et organisée afin de mettre en place un traitement étiologique et
symptomatique le plus efficace possible.
L’évaluation de la pression artérielle constitue un critère fondamental à prendre en
compte puis on évalue les répercussions de la baisse de la volémie au niveau tissulaire
par le biais de la perfusion tissulaire périphérique et centrale et de l’apport en oxygène
aux tissus. Enfin, les répercussions au sein de l’ensemble de l’organisme sont évaluées.
I. EVALUATION DE LA PRESSION ARTERIELLE
La mesure de la pression artérielle sanguine constitue un paramètre indispensable
dans l’évaluation et le suivi du statut hémodynamique des patients.
1.
Intérêts
La pression artérielle renseigne sur la capacité du cœur à éjecter le sang à travers le
corps, le tonus vasculaire et l’équilibre hydrique du patient. Le flux sanguin de la
plupart des organes du corps est autorégulé pour une pression moyenne comprise entre
60 et 160 mmHg. La pression systolique doit être supérieure à 80 mmHg afin d’éviter
tout risque d’hypoperfusion tissulaire notamment au niveau rénal et cérébral. [65]
Lorsque la pression artérielle moyenne est inférieure à 60 mmHg, la perfusion des
organes vitaux est compromise et peut entraîner des conséquences néfastes à court
terme (développement d’une acidose) et à long terme (ischémie tissulaire, insuffisance
rénale). [55] Cette situation est notamment observée lors de le la phase finale de
l’évolution d’un état de choc. [29, 72] Une thérapeutique adaptée doit alors rapidement
être mise en place afin d’éviter des complications irréversibles.
En revanche, une pression moyenne normale ou augmentée n’est pas toujours
synonyme de flux sanguin adéquat. En effet, une vasoconstriction systémique peut
maintenir une pression normale alors que le débit cardiaque est sévèrement réduit ou
lors d’hypothermie ou de douleur. [28, 72]
85
Lors d’hémorragie, le suivi de la pression artérielle permet de suivre l’évolution du
choc : on observe dans un premier temps un maintien voire une légère augmentation de
la pression diastolique ainsi qu’une diminution de la force pulsatile (diminution de
l’écart entre la pression systolique et la pression diastolique). Si les pertes sanguines
persistent, le remplissage ventriculaire est compromis de même que le débit cardiaque :
on observe alors une diminution de la pression systolique ainsi qu’un effondrement de
la pression diastolique par échappement de la réponse des vaisseaux à la stimulation
neuro-hormonale. [65]
Certains appareils de mesure directe de la pression artérielle permettent d’obtenir un
tracé de la courbe d’évolution de la pression (figure 27): l’étude de celle-ci est un
moyen d’évaluer la contractilité myocardique en fin de systole et le degré
d’hypovolémie par le biais de l’incurvation de la courbe en diastole. [55]
Figure 27 : Enregistrements continus de pression artérielle invasive [55]
(a) : Pression artérielle sanguine normale. On note le degré d’inclinaison de la pente d’augmentation
de la pression au début de la phase systolique et l’incurvation progressive de la courbe en période
diastolique.
(b) : Pression artérielle lors d’hypovolémie. Le pic d’accélération de la pression en début de systole
est plus important (significatif de l’activité contractile du ventricule) ; la durée du pic est réduite,
l’onde de pression étant absorbée du fait de l’hypovolémie vasculaire. L’aire sous la courbe de
pression est diminuée par rapport à la courbe (a), révélatrice du degré d’hypovolémie.
0
L’interprétation de ce type de tracé connaît des limites en fonction de l’artère où
s’effectue la mesure. En effet, l’enregistrement effectué à partir des artères proximales
au cœur permet d’obtenir un tracé proche de l’activité pulsatile aortique. En revanche,
86
plus les artères sont éloignées du cœur, plus cette courbe est influencée par les tonus
vasculaires périphériques. Son interprétation peut donc être rendue délicate lors de
l’utilisation des artères périphériques (situation la plus fréquente en pratique).
2. Evaluation quantitative
2 techniques de mesures de la pression artérielle sont disponibles. [28, 55]
2.1. Pression invasive
2.1.1. Technique
La méthode de référence est une mesure invasive nécessitant la mise en place d’un
cathéter artériel : elle renseigne en continu sur la pression artérielle. Le cathéter est
introduit au niveau de l’artère pédieuse dorsale, de l’artère fémorale ou encore au
niveau de l’artère palmaire et est relié à un transducteur électronique de pression via
une colonne de solution saline héparinée. Le transducteur est étalonné au point zéro au
niveau de l’atrium droit et est connecté à un moniteur. Ces moniteurs permettent
d’obtenir une mesure continue de la pression systolique et la pression diastolique et
d’en déduire la pression moyenne par calcul. La tubulure reliant le cathéter au
transducteur doit être assez rigide afin de ne pas entraîner de distorsion modifiant la
valeur de la mesure. Une fois le cathéter mis en place , il permet d’obtenir une mesure
continue et d’avoir accès à du sang artériel pour réaliser des analyses sanguines, d’autre
part cette méthode est la plus précise pour des valeurs de pression extrêmes (<80 ou
>250). [29, 75]
2.1.2. Limites
Si cette mesure est considérée comme la méthode de référence, ce matériel est peu
accessible en pratique et onéreux. D’autre part, il nécessite que l’animal soit immobile
et une certaine expérience pour la pose du cathéter artériel. [55] De plus, afin d’éviter
les risques de thrombose de l’artère, le cathéter doit être fréquemment hépariné.
Une des principales limites est de maintenir l’animal immobilisé durant l’ensemble
des mesures. Si l’animal est encore vigile lors de la réanimation, cette immobilisation
passe par le biais d’une anesthésie générale, laquelle n’est pas forcément souhaitable
lors de la réception d’un patient en état de choc.
2.2
Pression non invasive
La deuxième méthode est une technique indirecte de mesure de la pression
artérielle : elle est non invasive, plus aisément disponible mais moins précise. Elle
constitue cependant un bon moyen de suivre les tendances d’évolution de la pression
artérielle.
87
2.2.1. Technique
Elle utilise la technique d’occlusion du flux sanguin au niveau de l’extrémité d’un
membre grâce à l’inflation d’un brassard. Le flux pulsatile sanguin est détecté soit par
des changements de la pression pulsatile (modifications des oscillations dues à des
changements de diamètre de la paroi vasculaire) dans le brassard lui-même (méthode
oscillométrique), soit en plaçant un transducteur de flux au niveau d’une artère distale
en regard du brassard après avoir tondu et appliqué un gel de contact sur la zone (figure
28). Le transducteur utilisé est en général une sonde à ultrasons qui détecte le flux des
globules rouges dans l’artère à travers un cristal piezzoélectrique (méthode Doppler) :
les sons sont convertis et amplifiés. Un sphyngomanomètre est relié au brassard est
gonflé jusqu’à disparition du son puis on diminue lentement la pression jusqu’à
entendre la première pulsation : la valeur alors obtenue sur le manomètre est proche de
la pression systolique. La pression du brassard est progressivement diminué jusqu’à
atteindre une modification du signal sonore : la valeur correspondante sur le manomètre
est proche de la pression diastolique. [28]
Figure 28 : Positionnement du brassard et du transducteur lors de la mesure
de la pression artérielle par méthode Doppler [77]
2.2.2. Limites
Ces appareils permettent d’obtenir des mesures discontinues de la pression artérielle
systolique et diastolique, et d’en déduire la pression artérielle moyenne. Certains
inconvénients sont associés à cette technique : la taille du brassard doit être ajustée au
membre de l’animal (la largeur du brassard doit représenter 40% de la circonférence du
membre au niveau de la zone de mesure) afin de ne pas sur ou sous-estimer la pression
et le marqueur du brassard doit être positionné en face de l’artère. L’animal est placé en
décubitus latéral afin que le membre soit à la même hauteur que l’atrium droit. Cette
technique est difficile à mettre en œuvre chez les races naines (surtout avec la méthode
oscillométrique) ou chez les animaux au statut hypotendu ou vasoconstricté. [28]
88
D’autre part, cette technique semble manquer de fiabilité lors de tachycardie
majeure ou lors d’arythmie.
Les mesures obtenues par la méthode Doppler montrent une bonne corrélation avec
les mesures directes de la pression artérielle, et ceci même chez les animaux de très
petit format. [28, 55]
3. Evaluation qualitative (pouls)
La différence de pression pulsatile entre la pression systolique et la pression
diastolique peut être estimée par la prise du pouls de l’animal. Celui-ci peut être faible,
voire impossible à obtenir ou au contraire de force augmentée. Lors de déplétion
volémique, celui-ci est souvent difficilement palpable alors qu’une augmentation de la
force du pouls est régulièrement obtenue lors de désordre cardiovasculaire ou
d’anémie. [29] Le pouls périphérique n’est pas perceptible pour des pressions inférieure
à 50 mmHg, perceptible mais faible pour des pressions entre 50 et 70 mmHg, normal
ou subnormal pour des PA supérieures à 80 mmHg. [80]
L’obésité d’un animal peut gêner la perception du pouls fémoral, il est conseillé de
le chercher alors à l’artère sublinguale. [80]
La prise du pouls fémoral est une mesure certes qualitative mais efficace et rapide
afin d’évaluer dans un premier temps la pression artérielle, en attendant la mise en
place d’un monitorage plus précis. Elle constitue un des premiers gestes d’urgence dans
la prise en charge d’un animal en choc hypovolémique.
89
II. EVALUATION DE LA PERFUSION TISSULAIRE
1. Perfusion périphérique
Plusieurs paramètres permettent d’évaluer la perfusion périphérique au niveau de
l’organisme dans sa globalité. Il est possible d’estimer la perfusion périphérique par
l’évaluation clinique de certains organes, dont le bon fonctionnement dépend du
maintien d’une pression de perfusion correcte. Le rein et le cerveau apparaissent
comme deux organes clés dont le métabolisme est vite endommagé en cas de
diminution dramatique de la perfusion périphérique : les dysfonctionnements engendrés
sont alors rapidement mis en évidence par certains paramètres.
1.1.
Evaluation des muqueuses et du temps de recoloration capillaire
Dans un premier temps l’état de déshydratation est apprécié par l’évaluation de
plusieurs critères : la persistance du pli de peau, la position des globes oculaires,
l’aspect collant des muqueuses buccales, anales, vulvaires et la sécheresse cornéenne.
Cela permet d’estimer un pourcentage de déshydratation du patient (tableau 1). [48, 65]
La persistance du pli de peau, lorsqu’elle est pincée entre les omoplates, est due à une
diminution de la turgescence et de l’élasticité cutanée lors de diminution du liquide
interstitiel. Chez les sujets jeunes, la présence d’une diminution de la turgescence
cutanée est un indicateur fiable de déplétion volémique. Il est à noter que chez le sujet
âgé ou cachectique, cet indicateur est moins fiable du fait de la diminution de
l’élasticité cutanée. L’obésité peut masquer un état de déshydratation car la peau revient
plus rapidement en place.
Un pourcentage de déshydratation inférieur à 5% n’est pas détectable par l’examen
clinique. Un pourcentage de déshydratation supérieur à 14% entraîne le décès du
patient.
Tableau 1 : Signes cliniques associés aux différents stades de déshydratation
extracellulaire [39]
Pourcentage
déshydratation
<5%
5-6%
7-8%
9-10%
11-12%
de Persistance du pli Aspect
de peau
muqueuses
aucune
humides
légère
humides
modérée
collantes
importante
sèches
importante
très sèches
des Enfoncement
des
globes oculaires
aucun
aucun
aucun
léger
important
Le temps de recoloration capillaire correspond au temps mis pour que la muqueuse
retrouve une couleur rosée après pression sur celle-ci. Il peut être effectué au niveau de
la muqueuse buccale, vulvaire, anale et nécessite une zone sans pigmentation. Le TRC
90
reflète le tonus du sphincter précapillaire : il est rallongé lors d’augmentation du tonus
et inversement. Lors de l’installation d’un état de choc, la réponse sympathique de
l’organisme entraîne une vasoconstriction périphérique. Il en résulte cliniquement une
augmentation du TRC (>2s), paramètre qui permet de suggérer une hypoperfusion
périphérique. [3]
La couleur des muqueuses est également un bon indicateur : elles sont rosées chez
un animal en bonne santé ; une couleur pâle est le signe d’une hypoperfusion et/ou
d’une anémie alors qu’elles apparaissent rouges lors de congestion périphérique. Des
muqueuses bleues violettes sont le signe d’une cyanose associées à un déficit
d’oxygénation. [74, 89]
1.2.
Suivi de la température
La température cutanée permet aussi d’évaluer la perfusion périphérique : elle
constitue un reflet de la circulation sous-jacente dans des conditions physiologiques. Il
a été montré que la température cutanée et le débit sanguin évoluent dans le même
sens : ainsi, toute vasodilatation du système artériolaire superficiel élève la température
cutanée périphérique et qu’à l’inverse toute vasoconstriction abaisse la température
périphérique. Malheureusement la température périphérique est difficilement mesurable
chez le chien : il est cependant possible de l’estimer de manière subjective par palpation
des extrémités de l’animal mais cette estimation manque de précision. [41]
Il est intéressant d’évaluer la différence de température au niveau central (prise au
niveau du nasopharynx ou du rectum) et au niveau périphérique. Si l’écart de
température augmente dans le temps, il est vraisemblable qu’il existe un déficit de
perfusion au niveau périphérique. Ce paramètre peut également être le signe précoce
d’une chute du débit cardiaque. [55]
1.3. Evaluation du pouls périphérique
Un autre indicateur de l’existence d’une perfusion périphérique est la
reconnaissance d’un pouls périphérique. Un pouls faible est du à une diminution du
débit cardiaque ou à une augmentation des résistances périphériques. En revanche, un
pouls bondissant reflète une hausse du débit cardiaque ou une vasodilatation
périphérique. [3]
Si le pouls est difficile à mettre en évidence, il est possible d’utiliser un oxymètre
de pouls. Si celui-ci détecte la présence d’un signal, il existe une perfusion locale.
Certains oxymètres sont dotés d’indicateur de la force de perfusion (courbe de
pléthysmographie ou simple signal analogique) mais doivent être interprétés avec
précaution car la modification du signal détecté peut être due à d’autres motifs qu’un
changement de perfusion. En effet, il existe plusieurs facteurs qui peuvent entraîner des
artéfacts dans la détection du pouls : positionnement de l’oxymètre sur des muqueuses
pigmentées, interférences avec la lumière ambiante, mouvements de l’animal,
concentration en methémoglobine ou carboxyhémoglobine élevée. Un positionnement
prolongé sur les muqueuses peut entraîner une compression locale du site et altérer la
91
perfusion tissulaire sous-jacente : il est donc essentiel de ne pas trop comprimer les
muqueuses et de changer le positionnement régulièrement si nécessaire. [55]
1.4.
Evaluation de la perfusion rénale
Lors de choc hypovolémique ou de collapse cardiovasculaire, on observe une baisse
de la pression artérielle moyenne qui conduit à une vasoconstriction des artères
afférentes rénales. Cette modification du tonus vasomoteur conduit à une chute du débit
de filtration glomérulaire associée à une diminution de la production urinaire. On
observe d’abord une oligurie qui peut évoluer en anurie complète sans réanimation
médicale. [55]
La mesure du débit urinaire, de réalisation facile, apparaît donc comme un
marqueur important et fiable de la perfusion rénale. La mise en place d’un cathéter de
Foley dans la vessie ou d’une sonde urinaire classique permet de recueillir les urines
durant un minimum de 30 minutes. Le débit urinaire normal est de 1 à 2 mL/kg par
heure ; le débit est considéré comme réduit s’il est compris entre 0,5 et 1 mL/kg/h
(oligurie) et très réduit s’il est inférieur à 0,5 mL/kg/h (oligurie voire anurie). [28, 65]
D’autre part, l’analyse chimique des urines permet de renseigner sur l’état de
perfusion rénale. Lorsque le débit urinaire chute, la filtration et l’élimination de sodium
par les urines diminue. Une concentration urinaire en sodium inférieure à 10 mEq/L ou
une fraction d’excrétion en sodium est inférieure à 1% ainsi qu’une osmolarité urinaire
supérieure à 450 mOsm/L (concentration urinaire suite à l’action de l’HAD) sont
attendues lors d’une azotémie prérénale (si la fonction rénale était normale auparavant).
[72]
Au niveau de la microcirculation rénale, l’insuffisance du flux sanguin provoquée
par la vasoconstriction des artères afférentes prive les cellules tubulaires rénales
proximales en O2 et conduit à une modification de l’homéostasie rénale. Leur capacité
à réabsorber le glucose et les bicarbonates est diminuée ce qui entraîne l’apparition
d’une glycosurie et d’une acidémie. [89]
Le suivi de la fonction rénale doit être maintenu tout le long de la réanimation mise
en œuvre dans le traitement du choc hypovolémique afin d’évaluer l’efficacité de la
thérapeutique (se traduisant cliniquement par une reprise de la diurèse) mais aussi pour
évaluer les complications potentielles associée à la réanimation. En effet, lors de la
reprise de la perfusion, il est possible d’observer des spasmes aigus des artérioles
préglomérulaires pouvant conduire à une nécrose tubulaire aigue et donc une
aggravation de la fonction rénale à moyen terme. [65]
1.5.
Evaluation de la perfusion cérébrale
L’organisme est capable de mettre en jeu des mécanismes compensateurs afin de
maintenir une perfusion cérébrale minimale malgré les modifications de pression
artérielle systémique. Ces mécanismes sont actifs tant que la pression artérielle
moyenne est supérieure à 50 mmHg. En dessous de cette valeur limite, on observe une
92
altération de la perfusion cérébrale qui se traduit cliniquement par une modification de
l’état de conscience du patient (confusion, démence, stupeur voire coma). [65, 89]
L’examen neurologique doit inclure : l’attitude générale de l’animal, le niveau de
réponse à des stimuli divers, l’évaluation de la démarche ou le maintien du
positionnement sur les 4 membres, le tonus musculaire, la symétrie des mouvements.
L’examen des nerfs crâniens doit être effectué dans son intégralité ; une attention
particulière doit être portée sur les réflexes pupillaires. L’ensemble de cet examen
permet de définir un score dans l’échelle de Glasgow [voir annexe 3].
Le score de Glasgow permet d’obtenir une évaluation neurologique standardisée
permettant d’apprécier de façon plus fiable l’évolution du statut neurologique. Ses
capacités prédictives pronostiques ne sont cependant connues chez le chien que lors de
traumatisme crânien. [83]
2. Perfusion centrale
La pression veineuse centrale (PVC) est la pression régnant au sein de l’oreillette
droite et correspondant donc indirectement à la précharge du ventricule droit. Elle est
évaluée par la mesure de la pression hydrostatique dans la partie intrathoracique de la
veine cave crâniale (ou parfois de la veine cave caudale). [29, 48, 86] En pratique, la
PVC correspond à la pression télédiastolique du ventricule droit en l’absence de sténose
tricuspidienne. En l’absence de pathologie cardiaque et en raison du fonctionnement
symétrique des 2 ventricules cardiaques, elle reflète également la pression
télédiastolique du ventricule gauche. [86]
Elle dépend de plusieurs facteurs tels que le tonus venomoteur, le retour veineux, la
compliance ventriculaire, de la pression intrathoracique ainsi que du débit cardiaque.
[48, 89]
Pour ces raisons, elle doit être interprétée en relation avec le débit cardiaque. Une
diminution de la PVC peut être le signe d’une diminution du débit cardiaque du fait
d’un état hypovolémique. Par contre, une augmentation de la PVC associée à une
diminution du débit cardiaque est le signe d’une insuffisance cardiaque. [29]
2.1. Intérêt de la mesure de la pression veineuse centrale
La PVC est la première variable à changer lors de modification de la balance
hydrique dans l’organisme. Elle permet d’estimer l’état d’hydratation ainsi que la
capacité de la pompe cardiaque. Son évolution dans le temps permet d’évaluer l’origine
d’une pression artérielle basse (origine hypovolémique ou origine cardiaque). [55]
Sa mesure informe sur le retour veineux et permet de juger de la nécessité d’un
remplissage vasculaire. Elle permet d’estimer le risque de surcharge volémique,
d’effusion péricardique ou d’insuffisance cardiaque droite. Lors de la réalisation de
remplissage vasculaire, la mesure régulière de la PVC permet d’évaluer l’efficacité de
celui-ci et de prévenir les complications telles que la surcharge volémique. [86]
93
Le suivi de la PVC apparaît d’autant plus important chez les patients souffrant
d’insuffisance cardiaque ou rénale : en effet le risque de surcharge volémique est accru
lors de perfusion. [65]
Plus la compliance veineuse est basse, plus la valeur de la PVC est basse et moins
celle-ci varie avec le remplissage vasculaire. En revanche, chez les patients dits
« hyperadrénergiques », tels que dans la phase initiale d’un état de choc hémorragique,
la PVC ne correspond pas au volume intravasculaire du fait de la modification du tonus
vasomoteur. L’interprétation de la PVC doit donc être effectuée prudemment dans ce
type de situation. [86]
2.2. Techniques de mesure
2.2.1. Mesure invasive
La mesure invasive de la PVC permet d’obtenir une estimation directe de la valeur.
Elle nécessite la mise en place d’un cathéter veineux central introduit en général par la
veine jugulaire (mais le cathétérisme de la veine fémorale ou de la veine saphène est
également possible). [29]
Après préparation aseptique de la zone choisie, le cathéter est introduit dans la
veine jusqu’à ce que son extrémité atteigne l’atrium droit (point zéro) ou la veine cave
caudale. La réalisation d’un cliché radiographique permet de s’assurer du bon
positionnement du cathéter. [29]
Une tubulure d’extension permet de relier le cathéter à une colonne d’eau graduée
et à une seringue de 20mL par le biais d’un robinet à 3 voies. La tubulure et la seringue
sont remplies de solution saline isotonique héparinée de même que la colonne d’eau
(figure 29 et 30). [46, 86]
Le point zéro de la colonne d’eau graduée doit être placé au niveau du point zéro du
cathéter, c'est-à-dire au niveau de l’atrium droit. Lorsque le patient est placé en
décubitus latéral droit, la projection de l’atrium droit correspond à la position du
manubrium ; si le patient est en décubitus sternal, le point de référence est au niveau de
l’articulation scapulo-humérale. [29] Lors de l’ouverture du robinet à 3 voies, la
colonne d’eau est placée en relation avec le cathéter veineux central : le niveau de la
colonne d’eau baisse rapidement jusqu’à un point d’équilibre correspondant à la valeur
de la PVC en cm d’H2O. [46, 86] La pression hydrostatique à l’intérieur de la colonne
est alors en équilibre avec la pression hydrostatique régnant au niveau de l’extrémité du
cathéter (figure 31). [46]
94
Figure 29 : Positionnement de la colonne d’eau pour la mesure de la PVC [99]
Insertion du cathéter
veineux central dans la
veine jugulaire
Manomètre
Niveau zéro
(hauteur de
l’atrium droit)
Marqueur de
flottation (repère du
niveau d’eau)
Sonde nasogastrique
Tubulure reliée à
une poche de NaCl
0,9%
Tubulure reliée
au cathéter
veineux central
Robinet 3
voies
95
Figure 30 : Remplissage de la colonne grâce à la poche de NaCl 0,9% [99]
Le flotteur
monte
(correspond au
niveau d’eau
arrivant dans le
manomètre)
Accès au
cathéter fermé
par le robinet
Ouverture du robinet 3 voies entre la poche de NaCl
0,9% et le manomètre. Les fluides circulent dans le
sens des flèches
Figure 31 : Mesure de la pression veineuse centrale après étalonnage [99]
Mètre
indiquant
la hauteur
de la
colonne
Ouverture du robinet 3 voies entre le manomètre et
le patient. Les fluides circulent dans la direction des
flèches jusqu’à égalisation de la pression dans le
manomètre et de la pression centrale veineuse.
Le flotteur
descend
jusqu’à ce que
la pression
dans la colonne
soit égale à la
pression
veineuse
centrale
La PVC est mesurée en cm H20 à l’aide d’un mètre
par lecture de la hauteur du flotteur dans la colonne.
96
Le niveau de la hauteur du ménisque de la colonne d’eau varie avec la respiration et
les battements cardiaques. [46] La valeur la plus proche de la PVC est celle obtenue en
fin d’expiration : il est important de lire la valeur correspondant au point le plus bas du
ménisque sur la colonne d’eau. [46]
Il existe également des lecteurs automatiques de PVC par le biais de transducteurs
électroniques. Ceux-ci permettent un enregistrement continu et par conséquent un suivi
de la courbe d’évolution de la PVC (figure 32). [29]
Figure 32 : Obtention de la PVC par transducteurs électroniques [99]
Tubulures
reliées aux
cathéters
Courbe de PVC
Transducteurs
Fils de
connexion
au moniteur
Tubulures
reliées aux
poches de
NaCl 0,9%
Les transducteurs convertissent ici les changements de pression artérielle (en rouge) et veineuse (en bleu) en
signaux électriques, lesquels sont retransmis sous forme de courbe de pression sur un moniteur (à droite).
La PVC est ainsi mesurée en continu. Les tracés retransmis sur ce moniteur sont de haut en bas : la pression
artérielle, la PVC, la pression artérielle pulmonaire (PAP), la SaO2 et la courbe de pCO2 (ETCO2 : End Tidal
CO2).
Les valeurs normales de PVC oscillent entre 0 et 10 cm H2O avec une majorité se
trouvant entre 0 et 5 cm H2O. Une valeur inférieure à zéro indique un état
hypovolémique et une valeur supérieure à 12-15 cm H2O suggère une surcharge
volémique. Les valeurs obtenues en mm Hg peuvent être facilement converties en cm
H2O (1 mm Hg = 1,36 cm H2O). [29]
Si les fluctuations rythmiques sont absentes, une mauvaise position du cathéter doit
être suspectée : celui-ci peut être de longueur inadéquate, buter contre une paroi
vasculaire ou contre la paroi atriale. Une légère aspiration de sang par le cathéter
permet de vérifier sa perméabilité : le sang doit venir rapidement et sans résistance
97
aucune. Si les fluctuations sont au contraire importantes et en rythme avec la fréquence
cardiaque ou si la valeur obtenue est élevée, il se peut que l’extrémité du cathéter soit
au niveau du ventricule droit : le cathéter doit alors être replacé de manière
adéquate.[46]
D’autres sources d’erreurs rencontrées sont dues à une pliure du cathéter, une
mauvaise position du cathéter (cathétérisme de la veine azygos), une occlusion de la
paroi vasculaire ou la formation d’un thrombus autour du cathéter. [29]
Cette méthode n’est pas dénuée de risques infectieux lors de la manipulation du
cathéter mais ces risques sont diminués avec la méthode électronique de mesure
automatique [86]
2.2.2. Mesure non invasive
La PVC peut être estimée de manière non invasive par évaluation du degré de
distension jugulaire et par la présence d’un pouls visible à ce niveau. Ces signes sont le
reflet d’une surcharge volémique. [29] Cependant cette technique soufre d’un manque
de précision important : la prédiction clinique de la valeur de la PVC n’est correcte que
dans 50% des cas en moyenne. Cette estimation est plus précise si la PVC est haute
(corrélation dans 77 à 80% des cas) que si la PVC est basse (3 à 38% des cas). [86]
Une autre méthode non invasive d’estimation de la PVC est le recours à
l’échographie cardiaque par mesure du diamètre de la veine cave caudale.
L’observation d’une distension de celle-ci reflète une valeur de PVC élevée mais une
valeur normale ou abaissée du diamètre de la veine cave caudale ne permet pas de
conclure. [54] Chez l’homme, des études ont montré un coefficient de corrélation
supérieur à 0,70 avec cette technique. [86] Cependant, cette mesure n’est pas effectuée
dans le cadre de la prise en charge urgente d’un patient hypovolémique.
2.3. Limites
Les mesures obtenues comportent de nombreuses approximations, notamment avec
la méthode manométrique. Ceci est du en grande partie au repérage du point zéro. [46,
86] La valeur de la PVC est souvent surestimée avec la méthode manométrique (de +
0,5 à +5 cm d’H2O) et ceci d’autant plus si le patient est en dyspnée, en
hyperventilation ou sous ventilation artificielle. L’utilisation des transducteurs
électroniques de pression permet souvent d’obtenir une mesure plus précise dans ces
cas. [46] En moyenne, la valeur obtenue avec la méthode manométrique est supérieure
de 2,7 mm Hg par rapport au transducteur électronique [78].
Il semble que la taille du cathéter utilisé ne modifie pas les valeurs obtenues, mais
l’utilisation d’une gauge de 16 minimiserait les erreurs de mesure par méthode
manométrique (en facilitant la lecture au niveau du ménisque car l’effet ménisque est
relié à la tension de surface et le diamètre interne du manomètre). [78]
Les modifications cycliques observées en parallèle avec le rythme respiratoire
permettent une première interprétation de la PVC. En effet, la diminution de la PVC
98
lors de l’inspiration nécessite une certaine compliance du cœur droit : si ces fluctuations
sont observées, un remplissage vasculaire est possible s’il est jugé nécessaire ; en
revanche, si ces variations ne sont pas observées, cela laisse sous-entendre une
diminution des capacités d’expansion vasculaire de l’organisme et d’élévation du débit
cardiaque. [86]
Une mesure isolée de la PVC ne porte que peu d’intérêt : un suivi régulier dans le
temps doit être effectué afin d’évaluer la réponse de l’organisme à la thérapeutique
mise en place.
3. Débit cardiaque
La mesure du débit cardiaque constitue un paramètre de surveillance
hémodynamique important mais insuffisant s’il est utilisé de manière isolée. En effet,
de nombreux mécanismes interviennent pour maintenir un débit cardiaque normal lors
de défaillance de la fonction cardiaque. Il n’existe pas de valeur de débit cardiaque
normale, mais celle-ci doit être interprétée en relation avec les paramètres évaluant la
perfusion tissulaire. Sa mesure permet alors d’adapter les thérapeutiques visant à
adapter les performances cardiaques face à une situation donnée. [14]
A l’heure actuelle, la mesure continue du débit cardiaque n’est pas réalisée en
médecine vétérinaire. L’évaluation du débit cardiaque se fait donc de manière indirecte
par la mesure de ses principaux déterminants. Le débit cardiaque étant le produit de la
fréquence cardiaque et du volume d’éjection systolique du ventricule gauche, ces deux
paramètres doivent être mesurés.
3.1.
Mesure de la fréquence cardiaque
Le suivi de la fréquence cardiaque revêt une importance particulière : la fréquence
de dépolarisation diastolique est altérée par de nombreux facteurs tels que la
température corporelle, le statut métabolique, le tonus sympathique et parasympathique,
l’activité physique, l’état d’excitation… Lors d’observation d’une tachycardie
(fréquence cardiaque supérieure à 160-180 bpm), la cause sous-jacente doit être
systématiquement recherchée (douleur, anémie, hypoxémie, hypovolémie..) afin de
décider de la mise en place ou non d’une thérapeutique. Elle est souvent le reflet d’une
hyperactivité sympathique mais pas systématiquement. L’apparition d’une bradycardie
lors d’hypovolémie majeure est un facteur de gravité : elle résulte d’une activation des
mécanorécepteurs myocardiques
et a pour but de préserver le remplissage
ventriculaire. [53] La détermination de la pression veineuse centrale et de la pression
artérielle peut donner des informations sur l’origine de la modification de fréquence
cardiaque. [72]
Toute augmentation du rythme cardiaque entraîne une augmentation de la demande
en oxygène en diminuant le temps de remplissage ventriculaire sans forcément
améliorer le débit cardiaque : il est donc essentiel de surveiller ce paramètre afin
d’optimiser le débit cardiaque et de réduire le risque d’ischémie myocardique
secondaire à un déficit en oxygène du myocarde. [64, 72]
99
La fréquence cardiaque peut être obtenue par auscultation directe, par la prise du
pouls périphérique ou bien par l’intermédiaire d’un électrocardiogramme ou de
l’oxymètre de pouls.
L’électrocardiographie renseigne sur l’activité électrique du cœur. L’analyse
morphologique et rythmique de la courbe obtenue permet de détecter immédiatement
les arythmies cardiaques et d’évaluer des altérations de l’environnement myocardique
telles qu’une hypoxie, hypercapnie, hyperkaliémie, acidose et hypercalcémie.
L’électrocardiogramme permet un suivi aisé et continu des modifications rythmiques de
l’activité cardiaque mais ne peut être utilisé comme seul moniteur de la fonction
cardiaque : en effet, il ne reflète pas l’activité mécanique du cœur. Ainsi, un tracé
électrique peut être enregistré encore plusieurs minutes après cessation de l’activité
mécanique du cœur. [55]
La fréquence cardiaque peut être évaluée de manière continue et non invasive par
l’oxymètre de pouls. Ce moniteur permet de suivre l’activité mécanique et non
électrique du cœur : l’utilisation concomitante avec l’ECG est donc intéressante car elle
permet de détecter les déficits pulsatiles cardiaques. [55]
3.2. Mesure du volume d’éjection systolique
La mesure du volume d’éjection systolique (VES) se fait par le biais de
l’échocardiographie: c’est une technique non invasive mais qui fournit une information
discontinue et nécessite un opérateur performant et expérimenté afin d’obtenir des
mesures précises. [14] Deux techniques de mesure sont disponibles pour évaluer le
débit cardiaque chez l’animal.
La première consiste à estimer les volumes ventriculaires télédiastoliques et
télésystoliques en mode bidimensionnel. La différence entre ces deux paramètres
constitue le volume d’éjection systolique. Cette technique nécessite une grande qualité
d’imagerie bidimensionnelle (les mesures doivent être effectuées dans la longueur du
grand axe ventriculaire et au niveau du diamètre du petit axe). D’autre part, les mesures
réalisées doivent être d’une grande précision. Il semble que cette technique conduise
trop souvent à une sous-estimation du volume d’éjection systolique, rendant cette
mesure peu fiable pour un diagnostic de précision. [14]
La deuxième technique bénéficie de plus de précision : elle exploite les capacités de
l’effet Doppler à mesurer la vélocité sanguine à travers une surface vasculaire ou
valvulaire, afin d’en déduire le débit à ce niveau. La mesure est plus aisée et plus
précise si elle est effectuée au niveau de la valve aortique. La vélocité du flux chez un
animal ne présentant pas de pathologie cardiaque oscille autour de 1 m/s, dépassant très
rarement 2,25 m/s. Pour obtenir le volume correspondant à ce flux, il est nécessaire de
mesurer la vélocité moyenne (intégrale du spectre Doppler aortique) et de la multiplier
par l’aire de l’anneau aortique. Cette technique nécessite de respecter plusieurs
conditions de mesure : l’angle formé entre l’axe du faisceau Doppler et l’axe du flux
sanguin étudié doit être le plus faible possible (<20°) ; la mesure du diamètre doit être
très précise (une erreur minime au niveau du calcul du diamètre de la zone peut
entraîner des modifications majeures dans le calcul du flux volumétrique) ; il ne doit
pas exister de régurgitation au niveau de l’orifice étudié sinon le débit mesuré
100
surestimera le débit réel (il ne prendra pas en compte le débit régurgité). Les mesures
doivent être répétées plusieurs fois afin d’en effectuer une moyenne et d’éviter de
considérer un cycle cardiaque anormal. Cette méthode reste utilisable chez les patients
montrant de nombreuses arythmies, mais il est indispensable de multiplier les mesures
et les moyennes. [14, 64]
Ces mesures, de même que celles de la PVC, ne montrent que peu d’intérêt si elles
ne sont pas répétées dans le temps. Il est nécessaire de le réaliser régulièrement afin de
suivre l’évolution du débit cardiaque, et donc la réponse clinique du patient en parallèle
avec les mesures de réanimations entreprises.
Les mesures du volume d’éjection systolique et de la fréquence cardiaque
permettent donc d’obtenir une estimation du débit cardiaque. Lors d’insuffisance
circulatoire aigue, cette valeur est fréquemment diminuée et ceci en raison de la baisse
de la précharge (contraction volumique par déshydratation, perte sanguine, diurèse trop
importante, diminution du remplissage ventriculaire associée à une tamponnade…) et
peut être aussi associée à une diminution de la contractilité cardiaque. [48] Une des
conséquences de la baisse du débit cardiaque est la diminution de la perfusion tissulaire
et par conséquent une diminution de l’apport d’oxygène aux cellules.
101
III. EVALUATION DE L’OXYGENATION TISSULAIRE
L’hypovolémie observée lors d’insuffisance circulatoire aigue est à l’origine d’une
altération de la capacité de transport en O2, d’une diminution de l’apport d’oxygène
aux différents tissus. Il en résulte une adaptation du métabolisme cellulaire (acidose
métabolique).
L’évaluation des différents paramètres d’oxygénation tissulaire et des répercussions
au niveau cellulaire permet d’estimer la gravité du choc et de suivre l’évolution du
patient lors de la mise en place d’une thérapeutique.
1. Evaluation directe
1.1.
Mesure des apports
1.1.1. Déterminants de la délivrance en O2
La délivrance d’O2 au niveau tissulaire est régie par le débit cardiaque, le contenu
artériel en O2 mais aussi par le débit régional et la microcirculation locale au niveau de
chaque territoire.
Le contenu artériel en O2 dépend de plusieurs phénomènes complémentaires :
-
celui-ci est directement lié aux échanges gazeux lors de la respiration (fonction
du pourcentage en O2 des gaz inspirés et de l’utilisation d’un ventilateur qui
permet d’augmenter la ventilation alvéolaire par recrutement des alvéoles
collapsées, par hausse de la tension alvéolaire en O2 entraînant une amélioration
de la diffusion de l’O2 entre les alvéoles et les capillaires). [72]
-
il n’est exploitable que si le sang est capable de diffuser vers les mitochondries
pour amener l’O2, ce qui dépend de la pression et de la distance de perfusion.
En présence d’œdème, cette diffusion est diminuée. [72]
-
enfin, le contenu artériel en O2 est intimement lié aux capacités de transport de
l’O2 au niveau cardiovasculaire. Cette estimation se fait à partir des valeurs de
concentration en hémoglobine (qui renseigne sur la quantité d’O2 artériel
transportée par les hématies : 1g d’Hb est capable de transporter 1,36 mL d’O2)
et de l’hématocrite (qui évalue le potentiel de transport d’O2 par le sang) [28].
En ce qui concerne l’hématocrite, l’interprétation doit être effectuée avec beaucoup
de précautions lorsqu’on se trouve face à une hémorragie. En effet, dans un premier
temps, la perte sanguine concernant tous les composants du sang, l’hématocrite n’est
pas modifié puisque tous les composants restent proportionnels les uns aux autres.
102
Cependant, les capacités de transport de l’O2 sont nettement diminuées du fait de la
perte importante d’hématies. Quelques heures plus tard, le phénomène de réabsorption
des fluides interstitiels conduit à une dilution de l’hématocrite : celui-ci diminue de
même que la concentration protéique plasmatique. L’estimation régulière de ces
paramètres permet de suspecter la présence d’une hémorragie interne, jugulée ou non,
en l’absence de signe extérieur de saignements.
De plus, l’hématocrite peut être modifié par un autre mécanisme compensateur
durant les premières heures du choc. En effet, l’activation du système sympathique
conduit à une vasoconstriction des organes périphériques parmi lesquels la rate joue un
rôle important. La contraction splénique permet de libérer dans la circulation
systémique un volume correspondant à 10% du volume sanguin total. Ce sang libéré est
plus riche en hématies que le sang total et conduit donc à une remontée de l’hématocrite
qui vient compenser la dilution due à la réabsorption interstitielle. [20]
L’estimation de l’apport d’O2 aux cellules de l’organisme se fait par la mesure de
trois paramètres : la PaO2, la SaO2 et le CaO2. Il faut cependant garder en mémoire
que cet apport diffère au niveau de chaque organe en fonction du débit régional et de la
microcirculation locale.
- La pression artérielle en O2 (PaO2)
La PaO2 renseigne sur le degré d’oxygénation et est directement liée aux échanges
d’O2 au niveau pulmonaire. [27] Elle doit être interprétée en fonction de la FiO2 et de
la pression partielle alvéolaire en O2 afin d’estimer le degré d’hypoxémie.
L’hypoxémie est définie comme une diminution de la PaO2 (< 60 mmHg) alors que
l’hypoxie correspond à la diminution générale de la délivrance d’O2 au niveau de
l’organisme, suite à une chute du débit cardiaque et/ou à l’hypoxémie.
- La saturation artérielle en O2 (SaO2)
La saturation artérielle de l’hémoglobine en O2 (SaO2) est définie par le rapport
entre la concentration d’Hb liée à l’O2 et la concentration totale d’Hb capable de fixer
l’O2 [18]: elle dépend de la pression en O2, de la température, du pH, de la valeur
critique de PCO2 et du 2,3-DPG. En situation physiologique, la SaO2 est supérieure à
95%. [72]
- Le contenu artériel en O2 (CaO2)
Le produit de la capacité de transport d’O2 (lié à la concentration en Hb) et de la
saturation en Hb par l’O2 permet d’estimer le contenu en O2 du sang artériel.
Cependant, le contenu total est obtenu en y ajoutant la fraction d’O2 dissoute
directement dans le sang et calculée à partir de la PaO2. Le CaO2 est donc obtenu à
partir de l’équation suivante :
103
CaO2 = (Hb x SaO2 x 1,36) + (PaO2 x 0,003)
où Hb représente la concentration en hémoglobine, 1,34 est la quantité d’O2 transportée
par 1 g d’Hb et 0,003 le pourcentage d’O2 dissous dans le plasma. Le CaO2 est
exprimé en mL O2/ dL de sang.
Il est intéressant de remarquer que l’anémie affecte de manière plus importante la
CaO2 que l’hypoxémie seule. A partir de cette variable il est ensuite possible de
calculer la délivrance en O2 (DO2) :
DO2= débit cardiaque x CaO2
Toute diminution de la DO2 doit donc faire suspecter une chute du débit cardiaque
et/ou une diminution du contenu artériel en O2 par anémie ou par hypoxie. [48]
1.1.2. Méthode de mesure par l’évaluation des gaz sanguins [26]
L’analyse des gaz sanguins artériels et veineux permet d’obtenir des informations
sur ces paramètres. Les gaz sanguins artériels permettent d’évaluer plus précisément la
fonction d’hématose au niveau pulmonaire et donc la capacité des poumons à oxygéner
le sang. [28, 54, 55]
L’échantillon est prélevé sur une seringue héparinée et doit être analysé le plus
rapidement possible sans être mis en contact avec l’air afin de ne pas altérer les valeurs.
Lors d’attente avant l’analyse de l’échantillon, on observe une augmentation de la
PCO2 et des lactates ainsi qu’une diminution du pH et de la glycémie. Si l’échantillon
ne peut être analysé immédiatement, il est conseillé de le maintenir au frais afin de
ralentir les modifications éventuelles : il doit dans ce cas être analysé dans les 2 heures
suivant le prélèvement. Afin de faciliter le prélèvement, un cathéter artériel peut être
mis en place au niveau de l’artère fémorale, de l’artère pédieuse dorsale ou de l’artère
auriculaire dorsale chez les races de grand format.
Il existe plusieurs types d’analyseurs commercialisés. Ceux-ci mesurent directement
les PCO2 et PO2 et le pH sanguin puis calculent à partir de ces valeurs la SO2, la
TCO2, l’excès de base, la concentration en ions HCO3- et la lactatémie.
Si l’utilisation des gaz sanguins est considérée comme la méthode standard pour
évaluer l’oxygénation du sang, cette méthode connaît cependant certaines limites. Elle
ne permet pas une mesure en continue, nécessite la mise en place d’un cathéter artériel
(et d’un cathéter veineux) afin d’éviter les ponctions répétées, la réalisation d’analyses
répétées s’avère vite dispendieuse. D’autre part, l’analyseur est rarement disponible
dans les structures privées et doit être proche du patient afin d’éviter une latence entre
la ponction et l’analyse afin de minimiser les modifications gazeuses à l’air ambiant.
[87]
1.1.3. Mesure par l’oxymétrie de pouls
Une méthode alternative en cas de non disponibilité de l’analyseur à gaz sanguins
est l’utilisation de l’oxymètre de pouls. Celui-ci est non invasif et permet d’obtenir une
104
mesure en continue. Un capteur de taille adaptée au format de l’animal est mis en place
à au niveau de la langue (figure 34) et permet d’obtenir la valeur de la saturation
artérielle en O2 par spectrophotométrie. Il a été montré que cette valeur est bien
corrélée à celle de la saturation artérielle de l’hémoglobine en O2 obtenue par l’analyse
des gaz sanguins. [75]
Figure 33: Positionnement du capteur de l’oxymètre de pouls sur
la langue [4]
La saturation de l’Hb en O2 est dépendante de la PaO2 : en se référant à la courbe
de dissociation de l’HbO2, il est possible d’évaluer la SaO2 en fonction de la PaO2. Au
delà d’une PaO2 de 60 mmHg, la SaO2 est supérieure à 90% et varie peu malgré de
forte augmentation de la PaO2. En revanche, en dessous de cette valeur, de faibles
variations de PaO2 entraînent une diminution important de la SaO2. Ainsi, en dessous
d’une PaO2 de 60 mmHg, la SaO2 diminue rapidement et une situation d’hypoxie est à
craindre. On obtient une saturation de 50% pour une PaO2 de 27 mmHg (pour une
PCO2 à 40 mmHg et un pH de 7,38).
Certains paramètres pouvant influencer la SaO2 doivent être pris en compte lors de
sa mesure. L’hyperthermie, l’acidémie, l’augmentation de la PCO2 et l’augmentation
du 2,3-DPG déplacent cette courbe vers la droite et diminuent par conséquent l’affinité
de l’Hb pour l’O2 alors que l’hypothermie, l’alcalose, et l’hypocapnie déplacent la
courbe vers la gauche en augmentant l’affinité mais en diminuant la libération d’O2 au
niveau tissulaire. [18]
La SaO2 donne une indication linéaire du transport en O2 par estimation du
pourcentage utilisé de la capacité totale de transport d’O2 mais doit toujours être
interprétée en fonction de l’hématocrite du patient. En effet, une modification de
l’hématocrite conduit à une modification de la capacité totale de transport de l’O2 sans
105
que l’oxymètre puisse la détecter : ainsi, une baisse modérée de la SaO2 chez un patient
anémié correspond à une baisse plus importante de la perfusion que chez un patient non
anémié. [55] Il est important de noter qu’une SaO2 ne renseigne aucunement sur les
capacités de ventilation du patient : celle-ci peut être altérée même avec une SaO2
adéquate. [75]
L’utilisation de l’oxymétrie de pouls montre cependant certains inconvénients : elle
requiert la présence d’un flux sanguin pulsatile périphérique, souvent diminué lors de
déficit de la perfusion périphérique. [28] De plus, le capteur induit progressivement une
compression locale entraînant une diminution de la perfusion locale et donc une chute
du signal : il est donc conseillé de modifier sa position toutes les 10 minutes. D’autre
part, le signal est mauvais lors de vasoconstriction périphérique (état de choc,
anesthésie aux alpha2-agonistes, utilisation de molécules induisant une vasoconstriction
ou extrémités froides), lors de pigmentation de la peau ou des muqueuses. La lumière
ambiante peut entraîner des interférences. L’animal ne doit pas bouger afin de ne pas
déplacer le capteur. Enfin, la valeur est faussée lors de la présence d’hémoglobine
anormale (méthémoglobine, carboxyhémoglobine ou utilisation de substituts sanguins
artificiels). [55, 75]
De même le calcul de la SaO2 à partir de la courbe de dissociation de l’HbO2 doit
être utilisée avec précaution car la valeur calculée peut s’écarter de la valeur mesurée
avec l’oxymètre de pouls de 10% ce qui peut avoir de conséquences néfastes lors de la
mise en place de la réanimation. [18]
1.2. Mesure de la consommation tissulaire en O2
La mesure de la consommation globale de l’organisme en O2 permet d’estimer la
consommation tissulaire en O2. Elle correspond à la différence entre le contenu en
oxygène du sang artériel et du sang veineux.
L’analyse des gaz sanguins veineux permet de calculer la PvO2 et la SvO2. Les
échantillons veineux informent sur le statut acido-basique et la perfusion tissulaire par
détermination de la pression partielle veineuse en O2 et de la lactatémie. Le site
d’échantillonnage idéal correspond à l’artère pulmonaire pour obtenir du sang veineux
mélangé ; cependant, en raison des difficultés de cathétérisme de cette artère, le sang
veineux utilisé provient généralement de la veine jugulaire chez les petits animaux de
compagnie. Il a été montré qu’il existe une bonne corrélation entre le sang veineux
jugulaire et le sang prélevé dans l’artère pulmonaire pour la détermination du statut
acido-basique mais que cette corrélation diminue dans le cas des pressions partielles en
O2.
La PvO2 est normalement comprise entre 35 et 50 mm Hg. Si celle-ci chute entre
28 et 35 mm Hg, il s’agit du signe d’une diminution de la réserve tissulaire en O2 et de
la mise en place d’un métabolisme anaérobie ; en dessous de 27 mmHg, elle révèle un
métabolisme anaérobie strict ainsi qu’une acidose métabolique. [28]
La SvO2 est de 75% au repos mais est capable de varier de manière importante
lorsque la demande métabolique augmente et en fonction de l’adaptation du myocarde.
[18] La baisse de la SvO2 traduit la mise en jeu d’un mécanisme de réserve dont
106
dispose l’organisme pour assurer un métabolisme anaérobie. Mais la baisse de la SvO2
ne peut être considérée comme pathologique que lorsqu’on y associe une augmentation
du taux de lactate sanguin. Celle-ci est observée pour une SvO2< 40% et correspond à
un métabolisme anaérobie et une extraction cellulaire en O2 maximale. [7]
Le niveau d’extraction en oxygène (E02) correspond à la différence entre la
saturation artérielle et la saturation veineuse en O2 et est estimé en pourcentage. Son
calcul permet d’évaluer la consommation tissulaire en O2 en fonction des capacités de
délivrance d’O2. Il est également possible d’estimer l’EO2 à partir des valeurs de PaO2
et de PvO2 en tenant compte de l’hématocrite du patient. Si la valeur de l’hématocrite
est dans les valeurs physiologiques et que la PaO2 est supérieure à 60 mmHg, une
valeur de PvO2 supérieure à 30 mmHg reflète une diffusion tissulaire de l’O2 correcte.
Lorsque cette valeur baisse jusqu’à 10-20 mmHg, on considère que l’extraction en O2
est maximale. [72]
La détermination de la PvO2 et de la SvO2 permet de calculer le contenu veineux
en O2 (CvO2) de la même manière que pour le sang artériel.
La différence entre la CaO2 et la CvO2 reflète l’oxygénation totale de l’organisme,
de la consommation en O2 et de la perfusion. Une faible consommation en O2 reflète
systématiquement un problème sous-jacent : une insuffisance de délivrance d’O2, un
désordre métabolique ou la présence de shunts au niveau de certains lits vasculaires.
[48]
2. Evaluation indirecte
2.1. Evaluation du statut acido-basique
L’évaluation des désordres acido-basiques lors d’insuffisance circulatoire aiguë est
fondamentale pour la prise en charge de la réanimation.
L’un des désordres le plus fréquemment rencontré lors d’insuffisance circulatoire
aigue est le développement d’une acidose métabolique due à une accumulation d’acide
lactique. En raison de l’hypoxie tissulaire, un métabolisme anaérobie se met en place et
conduit à la formation d’acide lactique en quantité importante par les muscles et les
intestins. Les capacités d’extraction du foie et des reins sont dépassées et l’acidose
lactique s’installe. [26, 65]
L’acidose métabolique est caractérisée par une diminution de la concentration
plasmatique en HCO3-, une augmentation de la concentration en H+, une diminution
du pH et secondairement ou suite à une adaptation une diminution de la PCO2. [31]
L’analyse du profil biochimique du patient permet dans un premier temps de suspecter
la présence d’une acidose métabolique (diminution des HCO3-) et doit être confirmée
par l’analyse des gaz sanguins. [31] Si seul un prélèvement artériel est utilisable pour
déterminer le degré d’hypoxémie, en revanche l’échantillon peut être artériel ou
veineux pour la détermination du pH, de la pCO2, de la concentration en bicarbonates.
[102]
107
Il convient en premier lieu de s’intéresser au pH : la valeur normale de celui-ci est
de 7,40. Si la valeur est inférieure, il s’agit d’une acidose ; si elle est supérieure, il s’agit
d’une alcalose. [26] La détermination de la PvO2 informe sur l’utilisation périphérique
de l’oxygène : lorsque celle-ci est inférieure à 27 mmHg, le métabolisme anaérobie est
prépondérant et l’acidose lactique est installée. [26] En effet, à cette valeur, le foie
hypoxémique ne peut plus extraire le lactate et devient plus un producteur de lactate
qu’un consommateur. [31]
Lorsque l’acidémie est telle que le pH est inférieur à 7,2, il existe des risques de
complications cardiovasculaires telles qu’une sensibilisation aux arythmies
ventriculaires et une diminution de sensibilité de l’organisme aux effets vasopresseurs
des catécholamines, favorisant ainsi les vasodilatations périphériques. [26] D’autre part,
l’acidose peut entraîner des signes cliniques tels que de la léthargie, des vomissements,
de la stupeur ou même un état de coma. [31] Des expériences ont montré en revanche
que l’acidose influence peu la contractilité myocardique : en effet, le myocarde est
capable d’extraire le lactate, signe d’une absence d’hypoxie myocardique. Selon
Teplinsky, la contractilité myocardique n’est affectée qu’à partir d’un pH inférieur à 6,8
en conditions expérimentales, même en présence d’hypotension artérielle et
d’hypoxémie. [65]
L’analyse des gaz sanguins permet également d’estimer le déficit de base (DE),
lequel serait un paramètre plus précoce que l’estimation du pH pour évaluer la présence
d’une modification du statut acido-basique. Le DE est défini comme la quantité de base
forte qui devrait être ajoutée à un litre de sang pour normaliser le pH. Il est calculé à
partir du pH et de la PaCO2 et est normalement supérieur à -2 mEq/L. Lorsque celui-ci
est inférieur à -4 mEq/L, l’insuffisance circulatoire est installée et il existe de risques de
défaillance multiple d’organes. [65]
On analyse ensuite la PCO2 (norme : 40 mmHg) et la concentration en HCO3(norme : 24 mEq/L) afin d’évaluer l’origine du désordre acido-basique et la présence
d’une éventuelle compensation. [26]
Lors d’acidose métabolique aigue, l’augmentation de la concentration en H+
entraîne une stimulation des chémorécepteurs périphériques et centraux de la
respiration. L’hyperventilation qui en résulte conduit à une diminution de la PCO2 et
permet une normalisation du pH : c’est la compensation respiratoire. Chez le chien, on
estime que chaque diminution de 1mEq/L de HCO3- est compensée par une diminution
de 0,7 mmHg de la PCO2. [31]
L’analyse simultanée du pH, de la PO2, la PCO2 et de la concentration en ions
HCO3- sur les gaz sanguins permet d’évaluer si une réponse compensatoire a été mise
en jeu et quelle est son influence (réponse compensatoire appropriée, désordre mixte ou
désordre compensatoire). Un désordre compensatoire ne peut être identifié qu’en
présence d’un pH normal avec une modification de la PCO2 et de [HCO3-]. [26]
Ainsi lors de compensation respiratoire face à une situation d’acidose métabolique
aigue, on observera un pH diminué dans un premier temps (pH <7,4) associé à une
diminution de la pCO2 (< 40 mmHg) et une baisse de la [HCO3-] (<24 mEq/L). Il se
développe alors une alcalose respiratoire qui vise à normaliser le pH. [26]
108
La détermination du statut acido-basique dans la prise en charge primaire d’un
animal en état de choc est indispensable pour orienter la gestion du choc. D’autre part,
certains des paramètres évalués ont une valeur pronostique qui peut déterminer
l’orientation de la réanimation. Il est indispensable de suivre l’évolution de ces
différents paramètres de manière régulière lors de la réanimation afin d’évaluer la mise
en place de mécanismes compensatoires par l’organisme ou non, ainsi que la réponse à
la thérapeutique instaurée. En effet, le phénomène de compensation respiratoire par
développement d’une hypocapnie par hyperventilation est un phénomène rapide qui
nécessite d’être suivi de près pour évaluer l’évolution acido-basique du patient et
ajuster le traitement.
2.2. Mesure de la lactatémie
L’estimation de la lactatémie à partir de sang veineux permet d’estimer la quantité
de lactate accumulée et le degré d’hypoperfusion tissulaire. En effet, l’acide lactique
formé est dissocié en lactate et en ion hydrogène. Le lactate s’accumule alors que les
ions hydrogènes sont dirigés vers des molécules tampons. Quand l’hypoxie persiste, les
capacités tampons de l’organisme sont dépassées et les ions hydrogènes s’accumulent
conduisant à l’acidose lactique. La lactatémie apparaît donc comme un facteur précoce
de détection de déviation des voies métaboliques cellulaires vers un métabolisme
anaérobie, traduisant un défaut d’oxygénation cellulaire, avant même le développement
d’une acidose lactique et de signes de diminution du débit cardiaque [65, 67]. Il est
donc important de dissocier hyperlactatémie et acidose lactique, d’autant plus que
l’acidose tissulaire peut être due à d’autres facteurs tels que l’insuffisance rénale aiguë.
[99] D’autre part, certaines études envisagent l’utilisation de la lactatémie comme un
facteur pronostic de survie : plus la valeur serait élevée, plus le pronostic serait réservé.
Cependant, d’autres études doivent être menées afin de valider cette hypothèse. [67]
L’interprétation de la lactatémie doit être effectuée avec précautions : en effet, il
existe de nombreuses autres causes d’augmentation du lactate sanguin autre que
l’hypoxie tissulaire périphérique comme la présence de processus pathologique sousjacent (affection hépatique, tumeur maligne, phéochromocytome, septicémie,
intoxication…) détaillés dans l’annexe 2. [52]
La mesure s’effectue soit par l’analyse des gaz sanguins, soit par appareil de mesure
spécifique. Pour la détermination de la concentration en lactate, il est conseillé
d’utiliser un échantillon veineux, car celui-ci reflète l’état de perfusion périphérique du
patient. [26]
Une valeur supérieure à 2-2,5 mEq/L est considérée comme anormale chez le chien.
[26] Chez l’homme, une lactatémie de 2 mmol/L est associée à un pronostic de survie
de 90% alors qu’une valeur de 8 mmol/L fait chuter le pronostic à 10%. Le suivi de la
lactatémie est également utilisé pour suivre la réponse sur l’oxygénation globale de la
thérapeutique mise en place : une normalisation de sa valeur après 24 heures de
traitement est associée à une survie de 100% alors qu’elle chute à 75% si cette
normalisation a lieu dans les 24 à 48 heures suivantes. Ces informations n’ont
cependant pas été confirmées chez le chien.
109
D’autre part, une normolactatémie n’est pas synonyme de perfusion tissulaire
normale : si la perfusion hépatique est maintenue, le lactate est extrait du sang par le
foie et n’est donc pas retrouvé lors de l’analyse sanguine périphérique. En revanche,
lors de reperfusion tissulaire massive, le lactate peut être brusquement déversé dans la
masse sanguine circulante conduisant à son augmentation alors que la perfusion
tissulaire est en voie d’amélioration. De plus, ce dosage soufre de manque de spécificité
tissulaire : le taux de lactate retrouvé dans le sang est une moyenne pour du sang
provenant de plusieurs tissus, et une valeur normale ne peut exclure la possibilité que
certains d’entre eux soient hypoxiques. [45] Ainsi, il semble que le rein ne produise pas
de lactate au cours d’un choc hémorragique évolué, même quand le débit sanguin est
pratiquement nul : l’absence d’hyperlactatémie n’est donc pas synonyme d’absence de
dysoxie régionale. [92]
110
IV. EVALUATION DES REPERCUSSIONS SYSTEMIQUES
1. Désordres électrolytiques
Le maintien de l’intégrité de la balance électrolytique intra et extra cellulaire est
fondamentale. Les électrolytes influencent l’équilibre acido-basique et la balance
hydrique, l’intégrité cellulaire, la délivrance énergétique et sont essentiels pour le
maintien des fonctions normales de la plupart des systèmes de l’organisme. [39]
Un des problèmes majeur dans le diagnostic et le traitement des désordres
électrolytiques provient du fait que les données proviennent d’échantillons
plasmatiques et donc du plus petit compartiment de fluides de l’organisme
correspondant au milieu extracellulaire. Cependant, ces données ne renseignent pas sur
le milieu intracellulaire, dont la composition est complètement différente : en effet, le
sodium et le chlore occupent majoritairement le compartiment extracellulaire alors que
le potassium et les phosphates prédominent dans le compartiment intracellulaire. [39]
D’autre part, une autre difficulté réside dans le fait que de nombreux mécanismes
contrôlent les concentrations des électrolytes dans le sang et conduisent à masquer des
phénomènes sous-jacents afin de maintenir ces concentrations. [39] D’importants
mouvements d’eau interviennent lors du choc hypovolémique afin de reconstituer le
volume plasmatique. Les réponses hormonales (système rénine-angiotensine, ADH) qui
participent activement à ce phénomène ne sont pas efficaces à court terme. La
vasoconstriction sympathique diminue la pression hydrostatique capillaire, facilitant le
passage de liquide interstitiel vers le secteur plasmatique, expliquant ainsi
l’hémodilution observée. De nombreux mécanismes sont activés pour maintenir la
pression oncotique : forte augmentation du débit lymphatique avec mobilisation de
l’albumine interstitielle, augmentation de l’anabolisme et baisse du catabolisme de
l’albumine. Le transfert d’eau du milieu interstitiel est particulièrement important
pendant les 6 premières heures du choc. Si celui-ci se prolonge (hémorragie non
régulée par exemple) l’altération des membranes cellulaires aboutirait à une entrée
d’eau dans le milieu intracellulaire et à une fuite plasmatique capillaire vers le secteur
interstitiel. Plus tardivement, la réabsorption rénale d’eau et de sodium par
l’aldostérone et d’eau libre par l’ADH participe également à la restauration du volume
sanguin et aux modifications des concentrations électrolytiques. [85]
Ces analyses sont obtenues à partir de prélèvements sanguins veineux et on mesure
la natrémie, la chlorémie, la kaliémie, la bicarbonatémie et calcémie dont les valeurs
usuelles sont rappelées dans le tableau 2.
Tableau 2 : Normes usuelles du ionogramme et autres paramètres biochimiques
[96]
Natrémie [Na+]
Chlorémie [Cl-]
Potassium [K+]
Bicarbonates [HCO3-]
Calcium [Ca++]
Normes usuelles
145-155 mmol/L
105-115 mmol/L
3,5-5,5 mmol/l
25 mEq/L
85-115 mg/L
111
Remarques
Ininterprétable sans la pCO2 et le pH
2. Désordres métaboliques
Les différents organes subissent de manière plus ou moins précoce les
conséquences de l’hypoxie tissulaire et de l’hypotension artérielle lors d’insuffisance
circulatoire aigue. Des valeurs de laboratoires permettent de suivre les modifications de
leur métabolisme et permettent d’évaluer la présence d’une souffrance cellulaire. [16]
Le dosage de l’urée et de la créatinine permet d’évaluer la fonction rénale en
l’associant à la mesure de la densité rénale. L’anomalie la plus fréquemment rencontrée
est une insuffisance rénale prérénale liée à l’état hypovolémique du patient. Ces
paramètres permettent également de suspecter la présence de saignements gastrointestinaux. [15]
La glycémie est un paramètre fréquemment augmenté lors de l’installation de l’état
de choc : les contrôles neuro-hormonaux mis en place libèrent des hormones
(adrénaline, noradrénaline, corticostéroïdes, glucagon, rénine) qui favorisent la
libération du glucose dans le sang et inhibent leur utilisation périphérique par les tissus.
[15, 65]
L’altération de la perfusion des viscères et notamment du foie entraîne une micro
ischémie associée à une inflammation importante. Cette ischémie entraîne une
souffrance des cellules hépatiques qui est immédiatement suivie d’une augmentation
des transaminases. [65]
L’hypoxie et les médiateurs inflammatoires libérés conduisent à une
vasoconstriction veineuse hépatique : on observe alors une diminution du retour
veineux par augmentation de la résistance du débit hépatique et par développement
d’une hypertension portale. Le foie n’assure alors plus sa fonction de détoxification,
une cholécystite et une choléstase peuvent apparaître. [89]
Les alanines transaminases (ALT), les aspartates transaminases (AST), les
phosphatases alcalines (PAL), la déshydrogénase lactique (LDH) et la bilirubine
plasmatique sont utilisées pour préjuger des fonctions biliaire et hépatique. Les
techniques d’imagerie telle que l’échographie abdominale peuvent également être
exploitées pour évaluer les conséquences du déficit de perfusion hépatique.
D’autre part, si l’agression initiale persiste, on assiste à un dysfonctionnement
complet du foie conduisant au développement d’une insuffisance hépatique. Celle-ci se
traduit au niveau biochimique par une diminution de la synthèse protéique (diminution
des protéines totales et de l’albuminémie), une baisse de la libération de glucose
(hypoglycémie) et des troubles de la coagulation (augmentation des temps de
coagulation). [56]
L’évaluation de ces différents paramètres permet d’évaluer les réponses des
différents organes à l’état de choc et de mettre en place des traitements visant à
préserver au maximum leur intégrité.
112
3. Réaction inflammatoire systémique aiguë
L’état de basse perfusion inhérent au choc peut favoriser une réaction inflammatoire
systémique du fait de l’étendue de l’hypoxie tissulaire. Différents phénomènes
entraînent une activation des neutrophiles et la libération de molécules qui favorisent
l’adhésion des neutrophiles à l’endothélium vasculaire. Lorsqu’ils sont activés, ces
neutrophiles toxiques endommagent les organes par la libération d’enzymes
protéolytiques et de radicaux libres oxygénés. [65]
D’autre part, lors d’évolution du choc, la baisse de la perfusion intestinale peut
entraîner une rupture de la barrière muqueuse et ainsi favoriser le passage de bactéries
et d’endotoxines dans la circulation portale. En effet, la vasoconstriction portale intense
ne permet plus d’assurer la perfusion minimale nécessaire aux intestins pour maintenir
l’intégrité de la barrière muqueuse qui la protège des enzymes présentes dans la lumière
gastro-intestinale. Ainsi les substances toxiques absorbées par l’intestin augmentent
alors que l’activité de détoxification du foie via le système réticuloendothélial diminue,
le foie étant en situation d’hypoxie tissulaire. [15]
En pratique, l’évolution de cette réaction inflammatoire s’effectue par le suivi de la
température et du comptage leucocytaire. Lors de choc associé à un traumatisme
perforant, la pénétration directe d’agents infectieux dans l’organisme est suivie d’une
leucopénie par augmentation de la margination et de la séquestration des leucocytes.
Leur nombre retourne à la normale en 6-8 heures mais leur capacité fonctionnelle est
diminuée. [15] Dans les autres situations de choc hypovolémique, on peut observer des
états de leucopénie ou de leucocytose selon l’étendue des lésions endothéliales.
Le dosage des différents médiateurs de l’inflammation dans le sang renseigne
également sur l’intensité de la réponse hôte mais celui-ci n’est pas encore disponible en
médecine vétérinaire. [70]
4. Désordres hématologiques
Lors de choc hypovolémique due à une hémorragie, un des principaux désordres
hématologiques observé est l’apparition d’une anémie. L’analyse de l’hémogramme ne
montre cependant pas toujours de modification immédiate majeure de l‘hématocrite.
Celui-ci peut même être augmenté dans un premier temps par splénocontraction
associée à la déshydratation (hémoconcentration). [15]
Les multiples saignements observés par lésions endothéliales, la formation de
microthrombi vasculaires et les réactions de lyse des caillots formés entraînent une
consommation des facteurs de coagulation et des plaquettes. La réalisation des temps de
coagulation et le comptage plaquettaire permettent d’estimer les déficits en facteurs de
la coagulation et le risque de développement d’une coagulation intravasculaire
disséminée (CIVD). Celle-ci se manifeste par des saignements des muqueuses, des
pétéchies des ecchymoses (troubles de l’hémostase primaire) mais également par la
formation d’hématomes et d’épanchements hémorragiques (troubles de l’hémostase
secondaire). Les anomalies de laboratoire observées sont une diminution des plaquettes,
une augmentation du temps de coagulation sur tube sec, du temps de Quick (voie
113
extrinsèque et voie commune), du temps de céphaline kaolin (voie intrinsèque et voie
commune) et du temps de thrombine, une diminution du taux d’antithrombine III et une
augmentation des PDF (Produits de Dégradation de la Fibrine). [56]
Certains des facteurs de coagulation étant produits par synthèse hépatique, une
évaluation de la fonction de synthèse du foie est intéressante afin de déceler une
éventuelle insuffisance hépatique simultanée. Le déficit des facteurs de coagulation
n’est alors plus du simplement à une consommation excessive mais également à un
déficit de production.
114
IVème PARTIE
STRATEGIE THERAPEUTIQUE
I. CARACTERISTIQUES HEMODYNAMIQUES ET CLINIQUES
DU CHOC HYPOVOLEMIQUE
1. Principales causes de choc hypovolémique
La diminution brutale du volume sanguin circulant peut résulter de plusieurs
phénomènes [28, 90] :
-
hémorragie interne ou externe, suite à un traumatisme, un acte chirurgical ou à
une anomalie de l’hémostase (essentiellement secondaire) ;
-
pertes plasmatiques secondaires à la modification de la perméabilité
tégumentaire (brûlures étendues) ou capillaire (réaction inflammatoire
importante à l’origine de la formation d’un exsudat cavitaire) ;
-
pertes hydro-sodées sensibles: affections gastro-intestinales (occlusion
intestinale, vomissements, diarrhée), présence d’un troisième secteur
(transsudat), polyurie pathologique, ou pertes insensibles : coup de chaleur,
évaporation importante suite à une hyperthermie, un drainage abdominal ouvert ;
-
défaut d’apport suite à une restriction hydrique prolongée associé à des pertes
aiguës, qui peut également conduire à l’installation d’un état de choc
hypovolémique.
Les chocs hypovolémiques rencontrés en médecine vétérinaire sont majoritairement
dus à des pertes hydro-sodées, par exemple suite à une affection aiguë du tractus gastrointestinal (syndrome dilatation-torsion de l’estomac, obstruction intestinale,
vomissements et diarrhées…). Les chocs hémorragiques sont également relativement
fréquents (rupture d’organe suite à un accident de la voie publique, hémopéritoine sur
rupture viscérale, (évolution néoplasique ou torsion d’organe…).
115
2. Profil hémodynamique
Quelle que soit l’origine du choc hypovolémique, la diminution de la volémie est à
l’origine d’une cascade d’évènements conduisant à un déficit de la perfusion tissulaire
périphérique
L’hypovolémie réduit la précharge cardiaque et entraîne ainsi une réduction du débit
cardiaque, induisant ainsi une chute de la pression artérielle systémique d’où une
réduction de la perfusion tissulaire. Le syndrome « état de choc » est alors installé et se
traduit in fine au niveau tissulaire par un déficit d’apport en nutriments et en oxygène.
[93]
Le profil hémodynamique de l’animal découle de cette physiopathogénie. Les
principales caractéristiques retrouvées sont : une diminution de la volémie, une
réduction du débit cardiaque, une augmentation des résistances périphériques ainsi
qu’une diminution du différentiel systolo-diastolique de pression artérielle.
En fonction de l’état d’avancement du choc, ces paramètres sont modifiés à des
degrés divers et ont des retentissements cliniques dont l’évaluation permet
l’appréciation de la gravité de l’état de choc.
3. Evolution clinique théorique [28, 89, 101]
On décrit classiquement 3 phases successives et théoriques dans l’évolution du choc
hypovolémique.
La phase d’instauration du choc correspond à l’expression clinique de l’activation
neurohormonale qui tente de compenser les conséquences de la perte volémique et de
maintenir la perfusion tissulaire nécessaire aux besoins métaboliques des différents
tissus. L’activation du système orthosympathique conduit à une augmentation du débit
et de la fréquence cardiaque (stimulation myocardique) et des résistances périphériques
(stimulation vasculaire) suite à la vasoconstriction induite. La perfusion tissulaire est
maintenue au prix d’un effort métabolique cellulaire considérable (augmentation de la
consommation en O2 et en substrats énergétiques). Cette activation sympathique est
cependant limitée dans le temps et dans son efficacité. Elle ne permet de maintenir un
débit cardiaque et une pression artérielle adéquats que lors de perte volémique modérée
et ne peut être maintenue sur une longue période.
Lors d’hypovolémie marquée non corrigée de façon prolongée, les mécanismes
régulateurs sus-cités sont dépassés : un déséquilibre besoins/apports s’instaure et place
l’organisme dans une phase de décompensation clinique. On assiste à un effondrement
progressif ou brutal du débit cardiaque, une chute des résistances vasculaires
systémiques conduisant à un phénomène de vasodilatation systémique paradoxale. Cet
état se caractérise cliniquement par une tachycardie, l’apparition d’une hypothermie,
d’une chute de la pression artérielle et de l’intensité du pouls périphérique, d’un
allongement du temps de recoloration capillaire. Les mécanismes d’autorégulation
deviennent alors inefficaces pour rétablir une perfusion tissulaire systémique adéquate.
116
Certains organes comme le cœur ou le cerveau, bénéficient d’une redistribution du
flux sanguin dans un premier temps : la perfusion des organes vitaux est donc
maintenue, mais en l’absence de correction rapide de l’hypoperfusion tissulaire, il se
produit une vasodilatation périphérique pouvant conduire à un état de collapsus
circulatoire complet. La diminution du flux sanguin vers le cerveau et le cœur amène à
une défaillance myocardique et une dépression du système nerveux central. L’apparition
d’arythmies cardiaques, d’hypocontractilité myocardique et d’une hypotension grave
réfractaire à tout traitement est alors à craindre. Le choc a alors atteint une phase de
décompensation terminale et l’arrêt cardiorespiratoire peut survenir de façon imminente.
Ces différentes phases se traduisent cliniquement par l’association de différents
paramètres évoqués dans le tableau 3.
Cette classification clinique, très théorique, permet d’apprécier la gravité de l’état de
choc lors de la prise en charge initiale et d’orienter ainsi les premières mesures de
réanimation. Cependant, cette évaluation initiale doit prendre en compte le fait que l’état
de choc est un phénomène dynamique : ce premier bilan clinique permet de mettre au
point une stratégie thérapeutique qui doit être adaptée et corrigée en fonction de la
réponse de l’animal et de l’évolution de l’état de choc. Cet aspect nécessite donc un
suivi intensif de l’animal afin de réagir le plus rapidement possible en cas de
modification brutale du statut clinique et hémodynamique de l’animal.
Tableau 3: Symptômes cliniques observés au cours des différentes phases du
choc hypovolémique [96]
FC
FR
Couleur des
muqueuses
TRC
Qualité du pouls
périphérique
Etat de conscience
Température
Phase
d’instauration
N à ↑↑
Nà↑
Phase de
compensation
↑↑
↑↑
Rose foncé à rouge
brique
<1s
N à bondissant
Rose pâle
Phase de
décompensation
Nà↓
N à ↓ (arrêt
respiratoire
imminent)
Pâle à cyanosée
>2s
Faible
Absent
Très faible à absent
N
N
Déprimé
↓
Stupeur à coma
↓↓
4. Applications en médecine vétérinaire
Parmi les différents états de choc, le choc hypovolémique est certainement celui le
plus fréquemment rencontré en médecine vétérinaire, et ceci notamment au sein de la
population canine. Le développement de la médecine d’urgence et de réanimation a
permis de mieux comprendre la physiopathologie de ce type de choc afin d’adapter la
thérapeutique et de diminuer la mortalité associée. De nombreuses études
117
expérimentales en médecine humaine ont pris pour modèle le choc hémorragique dans
l’espèce canine, ce qui a permis d’améliorer les connaissances théoriques et d’exploiter
de nouvelles thérapeutiques chez l’animal. Si certains de ces modèles ne trouvent pas
encore d’application en médecine vétérinaire (notamment pour des raisons financières et
de difficultés techniques), le modèle canin reste un modèle de choix pour le
développement de nouvelles stratégies diagnostiques et thérapeutiques.
Bien qu’aucune étude n’ait été menée sur le sujet, il semble que cette forme de choc
soit la moins létale chez le chien. Cet aspect doit donc être gardé en mémoire : l’usage
raisonné et éclairé de l’arsenal thérapeutique dont disposent les vétérinaires pourrait
permettre, dans de nombreux cas, de rétablir une perfusion tissulaire adéquate. Une
bonne connaissance des mécanismes physiopathogéniques et de leurs conséquences
cliniques, permettra donc la mise en place d’un diagnostic précoce et permet d’adopter
une prise en charge thérapeutique prompte et adaptée.
De plus, une des causes les plus fréquentes de choc hypovolémique chez le chien
est la perte hydro-sodée consécutive à des troubles gastro-intestinaux. Ceux-ci peuvent
évoluer de manière plus ou moins chroniques (vomissements et diarrhées répétées)
entraînant un état de déshydratation avancé avant que l’animal ne soit présenté à la
consultation. Cet aspect ne doit pas être négligé car il peut imposer certaines contraintes
en termes de choix de solutés de remplissage et de correction de la déshydratation.
L’ensemble de ces considérations souligne l’importance d’une prise en charge
optimale le plus rapidement possible lors de choc hypovolémique. Cette prise en charge
a pour but de répondre à des objectifs thérapeutiques définis.
118
II. OBJECTIFS THERAPEUTIQUES
1. Objectif théorique unitaire du choc
Tous les types de choc sont caractérisés par un même déficit : le manque d’apport en
nutriments et surtout en oxygène au niveau cellulaire. Lors de choc hypovolémique, ce
déficit est du notamment à une perturbation du système circulatoire qui n’est plus
capable d’assurer ces apports. S’il est impossible de diminuer directement le
métabolisme cellulaire (en dehors de l’hypothermie fréquemment présente chez un
animal en état de choc hypovolémique avancé), il est néanmoins envisageable de le
soutenir en lui garantissant la délivrance des substrats nécessaires à son bon
fonctionnement. L’objectif essentiel de la thérapeutique est donc de rétablir un apport
en O2 et nutriments adéquat à l’ensemble des tissus de l’organisme.
Comme l’illustre la figure 34, plusieurs paramètres agissent sur la délivrance
tissulaire en O2. Il faut tout d’abord s’assurer que l’O2 transporté par le sang peut être
délivré aux différents tissus. Ce point suppose le rétablissement d’une fonction
circulatoire adéquate, en évitant toute vasodilatation ou vasoconstriction excessive. Pour
se faire, il est donc essentiellement nécessaire de corriger l’hypovolémie par le biais du
remplissage vasculaire. De plus, il est essentiel d’optimiser la quantité d’oxygène
disponible dans le sang en augmentant les capacités de transport et de saturation du sang
en O2 et la fraction en O2 inspirée par l’animal.
La prise en charge de l’ensemble de ces paramètres permet d’assurer l’apport de
sang riche en O2 jusqu’aux capillaires sanguins, à partir desquels les cellules sont
approvisionnées.
Figure 34 : Principales relations hémodynamiques à prendre en compte dans la
prise en charge du choc [48]
RVS
Volémie
PA
Précharge
Inotropisme
FC
Postcharge
VES
Débit cardiaque
PaO2
Hb
CaO2
Délivrance en O2
Consommation en O2 (VO2)
119
CvO2
2. Objectifs thérapeutiques cliniques
La réanimation d’un patient en ICA doit rétablir la perfusion tissulaire, soit rétablir
un apport en O2 et en nutriments suffisant pour le bon fonctionnement cellulaire. Cet
objectif suppose ainsi la restauration de paramètres cliniques et paracliniques qu’il est
nécessaire d’évaluer de manière objective ou subjective. Ces paramètres doivent être
rétablis en fonction de valeurs « objectifs » dites cibles thérapeutiques.
Certains auteurs préconisent de ramener ces paramètres à des valeurs supraphysiologiques [93]. Cette théorie est controversée et d’autres études, réalisées
principalement en médecine humaine, n’ont pas montré d’amélioration de la morbidité
ou de la mortalité dans ces conditions.
Le tableau 4 indique les principaux objectifs thérapeutiques lors de la réanimation
d’un chien en état de choc hypovolémique.
Tableau 4 : Objectifs thérapeutiques [64]
Paramètres
Perfusion systémique
FC
Objectifs thérapeutiques
80-120 bpm (prise en compte du poids de
l’animal)
Alerte, répondant aux divers stimuli
Etat de conscience
>70 mmHg
PAM
>90 mmHg
PAS
5-12 cmH20
PVC
>37°C
Température
Perfusion tissulaire régionale
1-2 s
TRC
Roses et humides
Muqueuses
1-2 mL/kg/h
Débit urinaire
Déterminants de la délivrance en O2
7,3-7,5
pH sanguin artériel
>80 mmHg
PaO2
>16 mL O2/dL
CaO2
>35 mmHg
PvO2
25-45%
Ht
Déterminants de l’activité métabolique
>40-45 g/L
Protéinémie
>20 g/L
Albuminémie
0,7-1,2 g/L
Glycémie
140-150 mmol/L
Natrémie
105-115 mmol/L (Chlorémie corrigée : 107Chlorémie
113)
3,5-5,5 mmol/L
Kaliémie
120
>60
>80
>60
>30
Il est nécessaire de rappeler que ces objectifs sont théoriques et doivent être
adaptés en fonction de l’anamnèse et des commémoratifs relevés. Deux situations
communes doivent amener le clinicien à pondérer ces objectifs :
-
les animaux présentant un risque majeur de surcharge volémique (notamment
lors d’insuffisance rénale ou cardiaque avérée) doivent être l’objet d’une prise
en charge particulière, consistant principalement en un remplissage vasculaire
plus progressif.
-
Lors d’hypoprotéinémie ou d’anémie grave, le risque d’hémodilution secondaire
à une perfusion liquidienne massive peut aboutir à une dégradation des signes
cliniques en majorant l’hypoxie tissulaire et le risque d’œdème.
L’obtention de valeurs correspondant aux objectifs thérapeutiques peut être alors
pondérée par la condition de l’animal. Par exemple, le débit urinaire mesuré peut être
influencé par une affection métabolique touchant la fonction rénale indépendante ou
secondaire à l’état d’hypoperfusion (insuffisance rénale aiguë, par ex).
La correction dans un premier temps de la délivrance en O2 aux différents tissus
peut permettre la correction spontanée d’autres paramètres évoqués ci-dessus. En ce qui
concerne le pH sanguin, la présence d’une acidémie dans le bilan clinique initial ne doit
pas conduire à l’utilisation prématurée d’agents basiques afin d’atteindre l’objectif
thérapeutique fixé : une première étape consiste en la restauration de la perfusion
tissulaire. Cette étape peut suffire parfois à ramener le pH à une valeur physiologique.
Si une acidémie significative persiste malgré une fonction circulatoire restaurée, une
correction spécifique peut alors être envisagée.
La prise en charge thérapeutique d’un animal en état de choc obéit donc à des
objectifs précis, devant être obtenus dans une chronologie déterminée.
Conclusion
Face à une situation d’insuffisance circulatoire aiguë, l’évaluation clinique et
paraclinique permet d’estimer la gravité du choc. Cette évaluation est indispensable
pour décider de la mise en œuvre d’un traitement mais ne doit pas retarder la prise en
charge thérapeutique. Pour cela, il est essentiel d’organiser méthodiquement la
réanimation.
Cette démarche repose sur 5 principes thérapeutiques intitulés « VIPPS » par les
anglo-saxons :
V : ventilation
I : infusion (perfusion liquidienne)
P : pressure, vasopresseurs (pression)
P : pharmacological agents (agents pharmacologiques)
S : specific therapeutic (thérapeutique spécifique)
121
Dans un premier temps, l’instauration d’une hématose optimale, la restauration de la
volémie et de la pression artérielle constituent des objectifs majeurs. Par la suite, la
réévaluation de l’animal permet de déterminer la nécessité d’employer des agents
pharmacologiques spécifiques afin d’atteindre les autres objectifs thérapeutiques et le
retour de l’homéostasie métabolique (normalisation des paramètres biochimiques,
électrolytiques et hématologiques, du pH sanguin). Les thérapeutiques spécifiques sont
évaluées au cas par cas.
122
III. ORGANISATION DE L’EVALUATION CLINIQUE D’UN
ANIMAL EN ETAT DE CHOC HYPOVOLEMIQUE
1. Reconnaissance initiale
La première étape dans la prise en charge d’un animal en état de choc
hypovolémique est le recueil des commémoratifs. Cette étape est essentielle et ne doit
pas être négligée afin de pouvoir établir un plan de réanimation le plus adapté possible.
Les informations suivantes doivent être recueillies le plus précisément :
- âge
- mode d’apparition du choc (aigu, chronique)
- en cas d’hémorragie externe, évaluation des pertes sanguines si possible
- …
Les points les plus importants de l’anamnèse doivent également être recueillis :
l’animal souffre-t-il d’une affection chronique, reçoit-il déjà un traitement….
Parallèlement, l’examen clinique initial de l’animal est effectué et comprend au
minimum :
- évaluation du TRC et de la couleur des muqueuses
- calcul de la fréquence cardiaque et prise du pouls périphérique
- fréquence et rythme respiratoire
- évaluation de l’état de conscience
Si l’état de l’animal le permet, un examen clinique approfondi est effectué afin de
déterminer de manière précise la gravité du choc et d’établir un bilan diagnostic initial.
Celui-ci tient lieu de référence pour suivre l’évolution de l’animal au cours de la
thérapeutique.
Si le pronostic vital de l’animal semble engagé dés l’admission, une démarche
thérapeutique de réanimation est immédiatement établie avant d’avoir établi un
diagnostic complet. Un plan ABCD de réanimation classique est alors mis en œuvre :
A : Airways
La perméabilité des voies aériennes supérieures est vérifiée afin d’assurer la
ventilation ; si nécessaire (bradypnée par épuisement ventilatoire, gasps), l’animal est
intubé.
B : Breathing
Un apport en oxygène est réalisé. En situation critique, de l’oxygène pur est
administré afin d’améliorer la saturation artérielle en O2. Si l’animal est intubé, la
fraction inspiré en O2 est maximale (FiO2 : 100%). Si l’animal est vigile, les techniques
d’oxygénation diffèrent : masque à oxygène ou technique du flow-by. Le débit
d’oxygène employé est adapté au format de l’animal et au mode d’administration
(300mL/kg/min au max, par exemple) La collerette à oxygène ou l’utilisation d’une
cage à O2 ne sont pas adaptées à cette étape car elles entravent l’évaluation clinique de
l’animal.
123
C : Circulation
L’évaluation succincte de la fonction circulatoire est mise en œuvre (FC,
auscultation cardiaque, prise du pouls périphérique, évaluation de la perfusion
périphérique). Lors de cette étape, un abord veineux est mis en place afin d’entamer
immédiatement une thérapeutique liquidienne lors d’hypoperfusion flagrante.
D : Drugs
L’utilisation d’agents pharmacologiques dans le traitement du choc hypovolémique
n’a d’indication en première instance que lors d’évolution drastique vers l’arrêt
cardiorespiratoire (phase terminale du choc). La mise en place d’un
électrocardiogramme continu est indispensable dans le choix des molécules utilisées.
Cette première étape de reconnaissance initiale doit être rapide mais complète et suit
un ordre chronologique exact. La synthèse des commémoratifs et des symptômes
cliniques permet d’évaluer la gravité du choc en se reportant à la classification clinique
du choc (phase d’instauration, de décompensation précoce ou tardive).
Après la réalisation de ces premiers gestes d’urgence, l’évaluation de l’animal est
approfondie par le biais d’appareils de mesure précis afin d’obtenir une estimation
paraclinique plus fine des conséquences de l’état de choc. L’utilisation de matériel de
surveillance clinique est alors nécessaire, mais la mise en place de celui-ci ne doit
aucunement retarder la prise en charge thérapeutique de l’animal si celui-ci se trouve en
situation critique
« Le facteur le plus important pour réanimer efficacement un patient en état de choc est
le temps…la mise en place rapide d’une thérapeutique hâtive dès les phases précoces
permet d’obtenir de bons résultats, mais une thérapeutique adéquate qui est reportée
peut se révéler inefficace. » Shoemaker et Kram (1991).
2. Organisation de l’évaluation paraclinique
Après un bilan clinique complet, il est souhaitable d’avoir recours à un matériel
d’évaluation paraclinique pour dresser un bilan plus précis. La réalisation
d’investigations hémodynamiques doit être effectuée le plus rapidement possible afin
d’obtenir des valeurs initiales, qui serviront de référence pour le suivi de l’animal au
cours de la réanimation.
L’évaluation paraclinique et la description détaillée des appareils de surveillance
ayant été traitée précédemment, seul un bref rappel des différents éléments à prendre en
compte est présenté ici.
Afin de caractériser le statut hémodynamique du chien, les surveillances de la
pression sanguine et de l’activité cardiaque sont souhaitables.
La pression artérielle est mesurée de manière directe ou indirecte à intervalles
réguliers. En l’absence d’appareil de mesure continu, les mesures doivent être répétées
fréquemment (toutes les 5 à 10 minutes) durant les premières heures de la réanimation ;
124
elles peuvent alors être espacées lors de l’obtention de valeurs stables et
correspondantes aux objectifs thérapeutiques.
L’obtention d’un suivi électrocardiographique de l’activité électrique cardiaque est
également intéressante : l’analyse du tracé permet de déceler la présence de troubles du
rythme ou d’anomalies morphologiques. Celles-ci peuvent indiquer la présence d’un
remodelage cardiaque, de perturbations électrolytiques ou être secondaires aux
molécules employées au cours de la thérapeutique (et notamment des vasopresseurs).
L’évaluation de la perfusion locorégionale peut être réalisée grâce au
positionnement d’une sonde urinaire à demeure. Après une première vidange vésicale
complète, le débit urinaire est mesuré régulièrement.
La mesure de la pression veineuse centrale (PVC) nécessite une forte coopération de
l’animal, la mise en place d’un cathéter veineux central et une surveillance clinique très
rapproché. Si l’ensemble de ces conditions est réuni, l’obtention de la mesure de la PVC
est un outil utile au suivi du remplissage vasculaire.
Si l’on dispose d’un appareil de mesure des gaz sanguins, les paramètres reflétant
l’oxygénation du sang et la délivrance d’O2 aux tissus peuvent être évalués. La mise en
place d’un cathéter artériel doit alors être envisagée afin d’obtenir une surveillance
optimale. En l’absence de tel matériel, un oxymètre de pouls permet de suivre de
manière continue la saturation du sang en O2.
Des examens biologiques sont également indispensables dès la prise en charge de
l’animal et doivent être répétés en fonction de l’évolution clinique et de l’importance de
la substitution volémique. Celui-ci doit comprendre au minimum la mesure de
l’hématocrite (Ht), des protéines totales, de l’urée et de la créatinine plasmatique ainsi
que la glycémie. Une protéinémie sérique <50 mg/L oriente vers une hypoalbuminémie
ou une perte sanguine importante antérieure à quelques heures. Un bilan à la recherche
d’une coagulation intravasculaire disséminée est parfois indiqué si la clinique est
évocatrice ou lorsque l’animal a reçu une transfusion sanguine massive. Afin de
caractériser le statut acido-basique et électrolytique, la mesure des lactates sanguins, des
bicarbonates et la réalisation d’ionogramme est nécessaire. Ce bilan permet de déceler
les perturbations secondaires ou associées à l’état de choc et oriente la thérapeutique
initiale. [68]
125
IV. RETABLISSEMENT DE LA VOLEMIE
En dehors de l’état de choc cardiogénique, tous les états de choc nécessitent le
rétablissement d’une volémie adéquate. Cette correction thérapeutique initiale est le
préambule à tout rétablissement d’une fonction circulatoire efficace. Le remplissage
vasculaire, i.e. l’administration intraveineuse de solutés persistant dans le secteur
vasculaire, est donc une priorité thérapeutique de la prise en charge d’un état de choc
hypovolémique.
Très souvent, ce remplissage vasculaire sera associé à l’administration de solutés
ayant pour objectifs de corriger le déséquilibre hydrique extravasculaire de l’animal. En
effet, la pérennisation du rétablissement de la fonction circulatoire ne s’obtient qu’après
avoir pris en considération ce déficit hydro-électrolytique extravasculaire. Lors d’état de
choc hypovolémique, il est donc fréquemment nécessaire d’avoir recours à des solutés
assurant à la fois le remplissage vasculaire et la correction d’une déshydratation.
L’association de solutés répond le plus souvent au mieux à cette exigence.
Il est parfois difficile de déterminer quel est le soluté le plus adapté quand le statut
hémodynamique est mal défini. En effet, le choix du soluté diffère selon l’importance
des fuites vasculaires, de l’état de vasodilatation ou de vasoconstriction excessive, de
l’intégrité de la fonction cardiaque, des modifications de la composition des fluides en
présence et des pertes engendrées. L’ensemble de ces facteurs affecte la perfusion (qui
reflète le volume intravasculaire) et l’état d’hydratation (qui reflète le volume
extracellulaire et intracellulaire). L’état de la balance hydrique et la composition du
soluté déterminent si le fluide administré reste dans le compartiment intravasculaire ou
diffuse vers les autres compartiments. Le but de la thérapeutique liquidienne (qu’il
s’agisse de la restauration volémique ou d’une perfusion de maintenance) est de
restaurer la perfusion tissulaire et l’hydratation du patient en prévenant une surcharge
volumique et l’apparition de complications pulmonaires, cérébrales ou la formation
d’oedèmes périphériques. [61]
1. Préambule à la thérapeutique liquidienne
1.1. Rappels sur les lois régissant la dynamique des fluides dans
l’organisme [39]
Le corps est composé d’environ 60% d’eau se répartissant dans le compartiment
intracellulaire (66%) et extracellulaire (33%). Ce dernier se divise entre le secteur
interstitiel majoritaire et le secteur plasmatique.
L’eau diffuse librement dans le corps et peut passer de l’espace intracellulaire (EIC)
à l’espace interstitiel (EIS) puis à l’espace plasmatique (EP), et inversement. Les
mouvements de l’eau entre l’EP et l’EIS sont contrôlés par la pression osmotique
colloïde et hydrostatique de chaque secteur. La pression osmotique colloïde est
également appelée pression oncotique au niveau plasmatique car elle est dépendante en
majorité des protéines plasmatiques (et notamment de l’albumine). La pression
oncotique tend à s’opposer au passage de l’eau vers un autre compartiment alors que la
126
pression hydrostatique favorise ce mouvement. Le mouvement net de l’eau est
déterminé par la somme des forces de pression s’exerçant entre les 2 secteurs concernés.
D’autre part, la force de pression osmotique joue également un rôle important. Elle
est déterminée par le nombre de molécules dissoutes dans une solution (osmolarité). Si
2 fluides d’osmolarité différente sont séparés par une membrane perméable à l’eau,
celle-ci va diffuser du milieu le plus concentré vers celui le moins concentré jusqu’à
égalisation des concentrations osmotiques des 2 fluides.
Il existe différents types de membrane de séparation entre les compartiments de
l’organisme. Si elles sont perméables (capillaires sanguins) ou semi-perméables, elles
permettent le passage de l’eau librement.
Ainsi, le passage des fluides dans les différents compartiments de l’organisme
dépend du type de membrane les séparant, de sa perméabilité et de la composition
relative des 2 milieux.
On distingue 2 interfaces principales au sein de l’organisme qui régissent la répartition
des fluides :
-
le plasma et le milieu interstitiel ont une composition électrolytique similaire,
c'est-à-dire qu’il existe peu de différence d’osmolarité. Le passage des fluides
d’un milieu à l’autre est donc dépendant des différences de pression oncotique et
hydrostatique. La diffusion des fluides s’effectue majoritairement au niveau des
membranes capillaires fenestrées et donc perméables à l’eau.
-
en revanche, le milieu interstitiel et le milieu intracellulaire ont des compositions
électrolytiques très différentes ; les fluides doivent traverser la membrane
cellulaire, laquelle n’est pas librement perméable à l’eau. La force de pression
osmotique joue donc un rôle important dans la répartition des fluides de part et
d’autre de cette membrane.
Ainsi, le choix d’un soluté de perfusion doit se faire en fonction de sa pression
oncotique ou colloïde, hydrostatique et osmotique en fonction du compartiment de
l’organisme que l’on souhaite restaurer.
1.2. Définition des propriétés hémodynamiques des solutés [47, 53]
Les solutés sont caractérisés par leur durée d’action et leur pouvoir d’expansion
volémique (PEV).
Beaucoup de facteurs influencent le volume et la durée de l’expansion
intravasculaire du soluté parmi lesquels : son pouvoir oncotique, ses caractéristiques
moléculaires (forme, taille, degré de dispersion, concentration, degré de substitution et
taux de substitution molaire). D’autres facteurs indépendants du soluté utilisé sont
également importants : le statut volémique de l’animal avant la perfusion et la
perméabilité microvasculaire.
Le volume d’expansion intravasculaire initial est dû principalement à la pression
osmotique ou oncotique du soluté utilisé. Les colloïdes synthétiques sont composés de
127
macromolécules non protéiques qui ne traversent pas librement la barrière
microvasculaire: ils ne possèdent donc pas de pouvoir oncotique propre mais exercent
une force de pression osmotique colloïde du fait de la présence de ces macromolécules.
Cette « pression colloïde » est due au nombre de molécules présentes plutôt qu’à leur
taille, et détermine le PEV initial du soluté.
D’autres facteurs conditionnent l’expansion volémique initiale :
-
le volume perfusé, qui modifie peu la pression oncotique si le soluté est un
colloïde mais beaucoup s’il s’agit d’un cristalloïde
-
la concentration en colloïde du soluté : plus celle-ci est importante, plus l’appel
d’eau et de sodium du secteur extravasculaire est importante et l’extravasation
vasculaire du fluide est faible
-
la vitesse de perfusion : plus elle est rapide, plus l’expansion volémique initiale
est efficace. Concernant les solutés cristalloïdes, l’augmentation de la vitesse de
perfusion entraîne également une l’augmentation des volumes de diffusion dans
les espaces extravasculaires
La cinétique du degré d’expansion volémique est la résultante de multiples
paramètres dont la pérennisation des déperditions liquidiennes et / ou sanguines, la
durée de vie intravasculaire des substituts du plasma, le métabolisme du plasma et de
l’albumine endogènes. L’évolution de l’expansion volémique est donc conditionnée par
les facteurs suivants :
-
la perméabilité capillaire
-
le poids moléculaire moyen et la dispersion du soluté : les plus petites
molécules, présentes en majorité dans les colloïdes synthétiques et responsables
en grande partie du pouvoir oncotique et donc du PEV, subissent une
extravasation ou une excrétion dans les heures suivant la perfusion. Il en résulte
une baisse du nombre de molécules alors que la concentration du soluté (masse
par unité de volume) est toujours élevée car les molécules de haut poids
moléculaires sont toujours présentes dans le milieu intravasculaire. D’un point
de vue hémodynamique, il en résulte une baisse du pouvoir oncotique du soluté
et une diminution de l’expansion plasmatique associée. Par la suite, l’hydrolyse
des molécules de haut PM en molécules de plus faible PM modifie au cours du
temps la quantité de molécules présentes dans le secteur plasmatique (et donc le
pouvoir colloïde) et détermine leur vitesse d’excrétion. Le métabolisme et le
catabolisme des solutés entraînent donc une évolution du remplissage vasculaire
et de la volémie dans le temps.
-
la taille et la forme des molécules, qui conditionne le passage à travers la
barrière capillaire
-
les mouvements de l’albumine endogène, équilibrés par le débit lymphatique,
afin de maintenir un taux sanguin d’albumine adéquat lors d’hypovolémie
modérée. Les caractéristiques physico-chimiques du soluté peuvent venir
interférer avec ces déplacements.
128
Ainsi, un soluté est caractérisé par ses propriétés hémodynamiques : le PEV initial
s’exprime en pourcentage du volume perfusé et se rapporte à une notion temporelle. La
durée de l’expansion volémique correspond à l’intervalle de temps où le soluté exerce
un effet efficace de remplissage vasculaire: lorsque 50% des molécules ont quitté
l’espace intravasculaire, le volume intravasculaire peut être nettement réduit si ces
molécules se retrouvent dans l’espace interstitiel où elles exercent également leur
pouvoir osmotique. Par conséquent, même si des molécules du soluté perfusé sont
encore présentes dans le secteur plasmatique, l’efficacité du fluide est estompée. Cette
vitesse de passage d’un secteur à l’autre est déterminée par la perméabilité capillaire.
2. Les solutés cristalloïdes [39]
Les solutés cristalloïdes sont composés composé d’eau, d’ions et/ou de glucose en
proportion variable. Du fait de leur structure micromoléculaire, ils sont capables de
diffuser dans tous les compartiments de l’organisme en agissant par le biais de
l’osmolalité. Ces solutés sont caractérisés par leur teneur électrolytique et leur
osmolalité, dont découle leur utilisation.
Les solutés cristalloïdes dits d’entretien sont utilisés afin d’assurer les besoins
quotidiens en eau (et pour certains en électrolytes) aux patients dont l’état général ne
permet pas de s’abreuver ou dont les pertes journalières ne sont pas compensées
(vomissement, diarrhée, polyurie importante). Il existe différents types de solutés qui
remplissent cette fonction : mélange glucose 2,5% et NaCl 0,45%, glucose 5% ; ils sont
administrés progressivement sur 24 heures et leur composition diffère de celle du milieu
plasmatique. Ces solutions peuvent être initialement hypo-, iso- voire hypertonique
mais une fois le glucose métabolisé, elles deviennent rapidement hypotonique et
permettent un apport en eau libre en fonction de la pression hydrostatique au sein des
secteurs. Ces solutés sont donc considérés comme un apport en eau, le glucose présent
jouant juste le rôle de transporteur d’eau dans le milieu intravasculaire afin d’éviter
l’hémolyse associée à l’injection intraveineuse d’eau pure. Cependant, perfusé en
volume important, le glucose 5% peut provoquer une lyse hématique du fait de son
hypotonicité (252 mOsm/L) ainsi qu’une fuite liquidienne extravasculaire. Une heure
après administration d’1L de ce soluté, seuls 80 mL persistent dans le secteur
vasculaire. D’autre part, la faible concentration en glucose de ces solutés ne subvient
pas aux besoins énergétiques : une solution de glucose à 5% n’apporte en effet que 170
kcal/L.Ces solutions ne sont pas utilisées en première intention dans l’état de choc
hypovolémique : leur action dans le milieu extracellulaire est trop fugace et leur
composition ne permettent pas de corriger les désordres électrolytiques rencontrés. Le
caractère très acide du glucose 5% (pH : 4,0) peut même venir aggraver une acidémie
préalable et liée à l’état de choc.
Les solutés cristalloïdes de remplacement sont des solutions isotoniques en ce qui
concerne l’apport en sodium (NaCl 0,9%). Elles sont utilisées pour assurer un apport
hydrique à l’organisme tout en assurant un apport électrolytique en sodium et en chlore,
ions majoritaires dans les compartiments extracellulaires. Enfin, les solutés cristalloïdes
de remplacement balancé (Ringer Lactate) sont ceux dont la composition est la plus
proche du plasma : ils peuvent être administrés en grande quantité sans modification
129
importante de la composition des fluides intravasculaires (apport de sodium, chlore,
potassium et lactate).
Lors de choc hypovolémique, seuls les solutés de remplacement et de remplacement
balancé sont utilisés. En effet, ceux-ci possèdent une action plus longue dans le milieu
extracellulaire et leur composition entraîne moins de désordres électrolytiques que les
solutés d’entretien.
On distingue classiquement les solutés cristalloïdes hypo-, iso et hypertonique en
fonction de leur osmolalité inférieure, égale ou supérieure à celle du plasma. Les solutés
hypotoniques correspondant aux solutés d’entretien, ceux-ci ne seront donc pas
envisagés dans le contexte d’un choc hypovolémique.
2.1. Les solutés cristalloïdes isotoniques
Les solutés cristalloïdes isotoniques majoritairement utilisés en France sont le NaCl
0,9% et le Ringer Lactate (RL).
Nature chimique et métabolisme
La composition de ces solutés est présentée dans le tableau 5.
Le NaCl 0,9% est un soluté cristalloïde dont la composition ne correspond pas
exactement à celle du milieu extracellulaire. Il est enrichi en sodium (154 mmol/L) et
surtout en chlorures (154 mmol/L), ne contient pas de potassium et est fortement acide
(pH : 5,0-5,4). Il est dépourvu de tout tampon et est isotonique par rapport au plasma
(306 mOsm/L).
Le RL possède une composition plus proche du plasma : il est riche en sodium (131
mmol/L, valeur discrètement inférieure à la natrémie physiologique d’un chien) et plus
équilibré en chlore (111 mmol/L) que le NaCL 0,9%, contient du calcium et du
potassium. Il est discrètement hypotonique (278 mOsm/L) et possède un pH acide (pH :
5,1). Il est tamponné à l’aide de lactates, qui doivent être métabolisés par le foie en
bicarbonates pour exercer leur rôle tampon.
Tableau 5 : Composition du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate
Composition (par L)
Na+ (mmol)
K+ (mmol)
Ca++ (mmol)
Lactate (mmol)
Cl- (mmol)
pH
Osmolarité (mOsm)
NaCl 0,9%
154
154
6,0
308
130
Ringer Lactate ®
131,23
5,36
1,82
28,5
111,63
5,0-7,0
278,5
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments
Les solutés isotoniques ne modifient pas l’osmolarité extracellulaire. Administrés
dans le secteur plasmatique, ils entraînent une augmentation de la pression
hydrostatique intravasculaire et une diminution de la pression oncotique par phénomène
de dilution. Ils diffusent alors par le biais de l’osmolarité vers le secteur interstitiel. [28]
L’augmentation de la pression hydrostatique interstitielle en découlant permet de
compenser en partie la baisse de la pression oncotique plasmatique dans la régulation
des échanges. [53]
Au sein du secteur interstitiel, l’augmentation de la teneur en eau et en sodium
provoque une inflation du milieu et une hausse du drainage lymphatique. L’albumine
interstitielle est également mobilisée vers le secteur vasculaire. [53]
Le secteur interstitiel est capable de stocker une large proportion d’eau et de sodium
avant d’être saturé. Dans un premier temps, l’eau pénètre au sein du tissu conjonctif de
l’interstitium entraînant une augmentation de la pression hydrostatique de cette portion
et une augmentation du drainage lymphatique. Puis les molécules d’eau se lient
progressivement aux glycoprotéines de la substance fondamentale, formant ainsi une
sorte de gel dont l’état d’hydratation varie en fonction de l’apport en eau et en
minéraux. Cette portion de l’interstitium joue alors un rôle de réserve hydrique et
minérale ; la compliance de ce secteur augmente avec l’hydratation de l’espace
interstitiel mais peut atteindre un niveau de surcharge lorsque le tissu conjonctif et la
substance fondamentale sont saturés. Cette particularité permet d’expliquer la capacité
de séquestration d’eau et de sodium lors d’apport excessif. [53]
Propriétés hémodynamiques
Les solutés cristalloïdes isotoniques n’entraînent pas d’appel d’eau vers le secteur
vasculaire : l’expansion volémique dépend ainsi directement du volume et de la vitesse
de perfusion. Leur PEV initial est de 95-100% dans les premiers instants suivant leur
administration mais décroît rapidement. Seul 30% du volume de RL et 25% du volume
de NaCl 0,9% administré par voie intraveineuse est retrouvé dans le secteur vasculaire
dans l’heure qui suit leur administration, le reste étant réparti dans le secteur interstitiel.
[28, 53] Le pouvoir de remplissage est donc faible et associé à une action très
transitoire.
Effets particuliers
Ces solutés sont dénués de tout effet secondaire de type anaphylactique ou
allergique ; contrairement aux colloïdes, ils n’entraînent pas de troubles de l’hémostase
ce qui leur confère dans ce cadre une certaine sûreté d’emploi.
Le soluté de RL peut entraîner des effets délétères lorsqu’il est perfusé en grande
quantité. Il contribue à l‘activation des neutrophiles, possède des effets pro-apoptotiques
propres, peut être à l’origine d’une incompatibilité physico-chimique avec une
131
transfusion sanguine administrée sur la même voie par interaction du calcium-citrate.
De plus, sa concentration en lactate peut accentuer une hyperlactatémie lors d’état de
choc décompensé à irréversible : en effet l’hypoperfusion hépatique conduit à un
dysfonctionnement voire un arrêt du métabolisme hépatique, déjà saturé par le
métabolisme des substances endogènes. Le lactate exogène s’accumule et renforce
l’hyperlactatémie en place.
En revanche, l’apport de lactate peut s’avérer bénéfique si le métabolisme hépatique
est encore fonctionnel. La conversion hépatique des lactates en bicarbonates permet en
effet de ralentir l’apparition d’une acidose métabolique, les bicarbonates jouant un rôle
de tampon au niveau sanguin. Cependant, il faut tenir compte du fait que la conversion
hépatique du lactate en bicarbonate demande 2 à 3 heures et des hépatocytes
fonctionnels. Ce soluté permet donc d’éviter l’aggravation de l’acidose en place mais ne
suffit pas toujours à la corriger. [80]
Indications
Au cours d’un état de choc hypovolémique, l’emploi des cristalloïdes vise à
compenser rapidement la déshydratation du secteur interstitiel. Lors de son
administration par voie intraveineuse, la volémie n’est restaurée que temporairement, et
ce au prix d’un volume et une vitesse de perfusion importants. Ils peuvent donc être
employés comme seuls solutés de thérapeutique liquidienne lors d’état de choc débutant
et compensé, quand les volumes nécessaires à la correction de l’hypovolémie sont
encore limités. Lors d’hémorragie, leur emploi en tant que seul soluté de perfusion est
indiqué si les pertes sanguines ne dépassent pas 15% de la volémie afin de restaurer le
milieu interstitiel. Si la perte est plus importante, d’autres solutés sont nécessaire afin de
maintenir un volume vasculaire adéquat. [28]
Des modèles expérimentaux et cliniques ont montré que la quantité de cristalloïdes à
perfuser pour maintenir une volémie normale représente 5 à 6 fois le volume perdu, si
celui-ci est compris entre 15 et 40% de la masse sanguine et 8 à 12 fois le volume perdu
si celui-ci est compris entre 50 et 70%. [53] Leur action très transitoire et le risque
d’inflation hydrosodée associé à la perfusion de tels volumes permettent de rejeter leur
emploi comme soluté de remplissage vasculaire lors d’état de choc installé.
En revanche les cristalloïdes, en corrigeant ou maintenant l’état d’hydratation du
secteur extravasculaire, jouent un rôle indirect mais indispensable pour la restauration
de la volémie. [28] En effet, si d’autres solutés sont plus efficaces en termes de
remplissage vasculaire, leur action est dépendante de l’état d’hydratation du secteur
interstitiel, à partir duquel ils puisent l’eau pour restaurer la volémie. Ainsi s’ils sont
jugés inefficace lorsqu’employés seuls, les solutés cristalloïdes semblent indispensables
pour assurer l’efficacité attendue des autre solutés de remplissage. Il est donc fortement
recommandé d’utiliser une association de solutés lors de la réanimation liquidienne de
l’état de choc hypovolémique avancé.
Les solutés cristalloïdes isotoniques sont également indiqués lors de restauration de
troubles électrolytiques.
132
Contre-indications
Les solutés cristalloïdes présentent quelques contre-indications liées à leurs
propriétés hémodynamiques. En raison des risques d’apparition d’œdème, il est contreindiqué d’administrer ces fluides en grande quantité chez les animaux présentant une
insuffisance cardiaque. De même, l’existence de lésions pulmonaires altérant la
perméabilité des vaisseaux crée un climat prédisposant à l’œdème pulmonaire
interstitiel, voire alvéolaire dans les cas les plus graves. Ils ne doivent pas non plus être
utilisés lors d’hypoprotéinémie marquée, puisque leur emploi entraîne une diminution
de la pression oncotique plasmatique par dilution.
L’emploi du RL est déconseillé lors de traumatisme crânien : en effet, son caractère
légèrement hypotonique favorise le passage d’eau du milieu vasculaire vers le milieu
interstitiel, notamment lors d’altération de la barrière hémato-méningée. Il en résulte
une augmentation de la pression intracrânienne suite au développement d’un œdème
cérébral ce qui altère les conditions de perfusion cérébrale et favorise l’ischémie
neuronale.
Le soluté de RL ne doit pas être employé lors d’hyperkaliémie, en raison de l’apport
en potassium qu’il procure.
Posologies recommandées
Lorsqu’ils sont utilisés seuls, la posologie traditionnellement recommandée est de
90 mL/kg sur une période d’une heure. Ce débit est très théorique et le volume perfusé
lors de cette période permettrait de compenser au moins toutes les pertes volumiques
plasmatiques puisqu’il correspond au remplacement de la volémie totale chez un chien
sain.
En pratique, ce volume est rarement administré directement en première intention.
Afin d’éviter l’apparition d’une surcharge hydrique et de réaliser une surveillance de la
réponse à la thérapeutique plus précise, il est préférable de fractionner cet apport en
plusieurs bolus. Ainsi, il est recommandé d’administrer d’un premier bolus de 20 à 40
mL/kg sur une période de 20 à 30 minutes (ce qui permet de maintenir le débit de
perfusion à 90 mL/kg/h) à la suite duquel l’état clinique de l’animal est réévalué. En
fonction des effets obtenus et des objectifs thérapeutiques fixés, un nouveau bolus peut
être reconduit. Cette administration par palier permet d’assurer une perfusion rapide
mais contrôlée. Si la réponse clinique n’est pas satisfaisante après l’administration
d’une dose totale de 90 mL/kg, le choix du soluté doit être revu.
Un des inconvénients majeurs dans la réalisation de ce plan de réanimation
liquidienne est le débit de perfusion élevé. En effet, si ces fluides sont administrés trop
lentement, il risque de se produire un équilibre entre l’espace intravasculaire et l’espace
interstitiel avant d’avoir pu observer une restauration effective du volume
intravasculaire.
L’administration d’autant de fluides en si peu de temps nécessite souvent plusieurs
voies veineuses de grands calibres. Ce volume impose un long délai d’administration,
surtout chez les chiens de grand format, ce qui retarde l’efficacité de la fluidothérapie.
133
L’utilisation de systèmes d’administration de fluides sous pression permet alors
d’augmenter le débit de perfusion. [89]
Effets secondaires
Risque d’hypokaliémie
L’utilisation de grands volumes de remplissage entraîne une dilution du sang et par
conséquent une modification de sa concentration en ions. Ainsi, il existe un risque de
développement d’une hypokaliémie suite à une fluidothérapie intensive non compensée
à base de NaCl 0,9%. De plus, lors de choc hypovolémique secondaire à des pertes
digestives importantes, la kaliémie est souvent déjà diminuée et risque d’être d’autant
plus aggravée par une administration massive de fluides non complémentée en
potassium. Il est donc conseillé de complémenter les perfusions en chlorure de
potassium aux besoins d’entretien (20mEq/L). La vitesse d’administration de ce soluté
doit alors respecter les règles premières de correction d’hypokaliémie (<0.5-0.6
mEq/kg/h de potassium).
Lors de la supplémentation du soluté en potassium, l’osmolarité de celui-ci est
augmentée ce qui peut lui conférer un caractère hypertonique par rapport au plasma.
Cette propriété peut modifier la diffusion du fluide dans le secteur interstitiel.
Risque d’œdème
L’inflation interstitielle provoquée lors de la diffusion de ces fluides est
accompagnée d’une augmentation du drainage lymphatique et d’une mobilisation de
l’albumine endogène vers le secteur vasculaire. Lorsque ces mécanismes sont saturés,
on observe la formation d’œdèmes interstitiels périphérique, pulmonaire et cérébral sans
que le déficit intravasculaire ne soit corrigé. [28]
De plus, le développement de lésions endothéliales (trauma, action des radicaux
libres… notamment lors du développement d’une SIRS), l’instabilité cardio-vasculaire
et l’hypoprotéinémie, souvent présente lors de choc hypovolémique, renforcent ce
risque. [28] Ces complications sont le plus souvent rencontrées chez des animaux
atteints de dysfonction cardiaque ignorée, d’oligurie, de traumatisme crânien ou de
contusions pulmonaires.
Au niveau pulmonaire, il existe des mécanismes compensateurs permettent de
limiter ou de retarder cette complication : les capillaires pulmonaires ont une
perméabilité augmentée aux protéines ce qui abaisse le gradient de pression oncotique
plasmatique/interstitiel et minimise ainsi les effets dus à la baisse de pression
oncotique ; de plus, la circulation pulmonaire étant un secteur à basse pression, le
drainage lymphatique peut s’élever dans des proportions d’autant plus considérables.
[53]
Cependant, si la surcharge du secteur interstitiel devient trop importante, ces
mécanismes sont dépassés et on observe l’apparition d’oedème pulmonaire interstitiel
puis alvéolaire. L’apport d’O2 aux cellules est alors fortement compromis par
134
diminution de l’hématose au niveau des capillaires pulmonaires et par diminution de la
diffusion de l’O2 des capillaires sanguins vers les cellules (augmentation de la distance
de diffusion lors d’œdème périphérique interstitiel). [28]
Risque d’hémodilution
Une hémodilution excessive est une contre-indication à l’usage des cristalloïdes en
grande quantité. Ainsi, si l’hématocrite est inférieur à 15-20% ou la protéinémie
inférieure à 40-45 g/L, ces solutés ne devraient pas être administrés. [47]
Risque d’aggravation de l’acidose
Les patients en choc hypovolémique présentent souvent une acidose métabolique
dont l’importance varie. La forte teneur en chlore du NaCl 0,9% peut favoriser le
développement d’une acidose métabolique hyperchlorémique, par absorption d’ions H+
et Cl- au niveau rénal. [28] Or le RL possède un pH acide (pH : 5,1) ce qui peut
entraîner une aggravation de l’acidose lors de perfusion massive. Cependant, ce
phénomène est balancé par la présence de lactates sodiques, qui lorsqu’ils sont
transformés en bicarbonates par le foie, permettent de lutter contre l’installation d’une
acidose hyperchlorémique (rencontrée lors de l’utilisation d’un volume important de
sérum physiologique). [68]
Présentation galénique (tableau 6)
Tableau 6 : Présentation galénique du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate
Composition (par L)
NaCl
KCl
Chlorure de calcium
hexahydrate
Lactate sodique à 60%
Format
Laboratoire
NaCl 0,9%
9g
Ringer Lactate ®
6g
400 mg
400 mg
5,33g
Poche de 250, 500, 1000 mL
Aguettant
Conclusion
Les solutés cristalloïdes se caractérisent par une expansion volémique faible (25 à
30%), une diffusion précoce dans le compartiment interstitiel (30-60 min), l’absence
d’effet indésirable anaphylactique ou autre effet indésirable grave (ni infectants, ni
allergisants, ni perturbateurs de l’hémostase), et leur faible coût.
Lors d’état de choc en phase d’instauration, ils peuvent être administrés seuls. Dans
les formes plus évoluées, ces solutés doivent vraisemblablement toujours être couplés à
un soluté colloïde.
135
Le Ringer lactate, le NaCl 0,9% sont les solutés cristalloïdes utilisés
préférentiellement dans l’état de choc. Le RL est à privilégier sauf lors d’insuffisance
hépatique patente, de traumatisme crânien, d’hyperkaliémie, ou de transfusion sanguine
combinée.
2.2. Les solutés électrolytiques hypertoniques
Nature chimique et métabolisme
Le principal soluté électrolytique hypertonique utilisé en France est le soluté salin
hypertonique (SSH). Le NaCl 7,5% est le soluté cristalloïde hypertonique utilisé lors
d’état de choc en médecine vétérinaire. Il s’agit de la concentration la plus élevée
utilisable en pratique. Il est très riche en sodium (1283 mmol/L) et en chlore (1283
mmol/L) ce qui lui confère une osmolarité 9 fois supérieure à celle du plasma (2566
mOsm/L). [53]
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments
Le SSH perfusé dans le milieu intravasculaire entraîne directement une
augmentation du volume circulant, en procédant à un recrutement osmotique de fluides
du secteur extravasculaire. Il provoque un apport massif en sodium, entraînant une
mobilisation de l‘eau interstitielle vers le milieu vasculaire. [28] La déshydratation du
milieu interstitiel qui en résulte est compensée partiellement par le transfert d’eau à
partir du milieu intracellulaire.
Mais cet effet de remplissage du milieu vasculaire est transitoire, la charge
osmotique se distribue ensuite vers le compartiment extravasculaire et est accompagnée
par un transfert hydrique qui équilibre les forces osmotiques. [9]
Propriétés hémodynamiques
L’administration de NaCl 7% à la dose de 5 mL/kg permet une expansion du
volume plasmatique estimée à 20 mL/kg ce qui correspond à un PEV de 400%.
L’expansion volumique maximale obtenue dépend directement du volume administré.
Ce volume d’expansion maximal est obtenu dés la fin de l’administration du bolus
(en 5 à 10 minutes) mais est transitoire [53] : seul 20% de l’effet initial persiste après 1
heure. Parallèlement, la mesure de la pression artérielle, du débit cardiaque et de la
délivrance en O2 montre une amélioration optimale au même moment. [91]
136
Effets particuliers
La rapidité d’action du SSH ne lui confère pas une efficacité durable dans le temps
pour rétablir une volémie adéquate. En revanche, il possède d’autres propriétés qui lui
permettent d’améliorer le débit cardiaque.
Par le biais d’un réflexe vagal pulmonaire, il entraîne une vasoconstriction du
territoire veineux capacitif qui conduit à une augmentation de la précharge du ventricule
gauche sans augmenter la quantité d’eau pulmonaire. Il diminue également la
postcharge en provoquant une vasodilatation précapillaire dans les territoires
splanchnique, rénal et coronaire, diminuant ainsi les résistances vasculaires
systémiques. La combinaison des effets vasodilatateurs et de la diminution de la
résistance à l'écoulement du sang dans les capillaires, par modification du volume des
hématies et des cellules endothéliales (du fait de l’appel d’eau vers le secteur
plasmatique), crée des conditions de perfusion et d'oxygénation tissulaires
particulièrement favorables dans le cadre d'un choc hypovolémique. De plus, il possède
une action inotrope positive, dont l’origine est encore mal connue : celle-ci serait
attribuée à un relargage important de catécholamines augmentant l’activité
adrénergique, à une facilitation de l’entrée de calcium dans le myocyte via l’échangeur
Na+/Ca+ et à une amélioration du débit coronarien qui améliorerait l’oxygénation
myocardique. [36, 39]
L’amélioration des conditions de charge du ventricule gauche et de la contractilité
myocardique assure donc une amélioration du débit cardiaque et vient soutenir la
fonction circulatoire. De plus cette action est prolongée durant 6 heures après
administration. [36]
D’autre part, le SSH permettrait de diminuer la pression intracrânienne et de
maintenir une certaine pression de perfusion cérébrale, exerçant ainsi une action
protectrice au niveau neuronal. Cette propriété est intéressante pour les patients
présentés suite à un trauma crânien sans hémorragie intracrânienne. [89]
Une action immunomodulatrice directe ou indirecte est également avancée lors de
l’utilisation de SSH. Cet effet est du à une réduction de l’activation des polynucléaires
et à une diminution de l’expression de molécules d’adhésion par l’endothélium
vasculaire. Il en résulte une diminution de l’adhésion des polynucléaires aux parois
vasculaires, de leur séquestration et de leur migration. Cet effet immunomodulateur
permettrait de protéger les organes de lésions oxydatives et améliorerait la réponse
immunitaire à médiation cellulaire. [91] De plus, le SSH permet de diminuer
l’augmentation de perméabilité vasculaire et limite l’inflation du volume des cellules
endothéliales vasculaires ; il en résulte une amélioration du flux microcirculatoire et une
prévention des obstructions microvasculaires au cours de la reperfusion. [33]
Enfin, il semble que le SSH permettrait de réprimer le fonctionnement lymphatique
mésentérique. Ceci aurait pour conséquences d’amoindrir le phénomène de
translocation bactérienne consécutif à l’ischémie tissulaire locale apparaissant suite au
sacrifice systématique lors d’état de choc de ce territoire vasculaire fortement pourvu en
récepteurs alpha-adrénergiques. La translocation bactérienne étant tenue pour
responsable en partie du syndrome de défaillance multiviscérale, son atténuation a pour
but de prévenir les complications secondaires à l’installation de l’état de choc.
137
Indications
Ce soluté connaît un regain d’intérêt depuis que diverses études en médecine
humaine ont montré une diminution de la mortalité dans le traitement du choc des
polytraumatisés et de grands brûlés en comparaison au soluté isotonique de RL. Sa
disponibilité et son faible coût sont 2 avantages à son utilisation en pratique courante.
Le faible volume à administrer et la rapidité d’action (effet immédiat dés son
administration) en font un soluté attrayant dans la gestion de tous les types de choc, à
l’exception du choc cardiogénique. [15]
Le SSH est principalement utilisé lors d’hypovolémie grave, engageant
immédiatement le pronostic vital, du fait de son action rapide pour le rétablissement des
paramètres hémodynamiques compatibles avec la survie de l’animal, et ce sans
provoquer d’hémodilution marquée. D’un point de vue hémodynamique et en termes de
survie, de nombreux travaux expérimentaux ont montré l’efficacité supérieure de ce
soluté, utilisé seul ou associé à un soluté colloïde, et en comparaison à des volumes
importants de solutés cristalloïdes isotoniques. Cependant, il ne doit pas être utilisé
comme seule thérapeutique liquidienne. Après une administration initiale, la perfusion
de solutés électrolytiques isotoniques doit être mise en œuvre durant plusieurs heures
afin de maintenir l’expansion volumique plasmatique. [91]
Afin de prolonger sa durée d’expansion volémique, le SSH peut être associé à un
colloïde, qu’il s’agisse de dextran ou d’HEA sans modification de leurs propriétés
pharmacocinétiques individuelles. L’effet de courte de durée du SSH est alors relayé par
l’effet d’expansion volémique du colloïde employé. [9] En médecine humaine,
l’association SSH-HEA, appelée également HEA hypertonique (HEA 200/0,5 à 6% :
Hyperhes ®) a reçu son AMM dans l’indication « du traitement initial de l’hypovolémie
aiguë et de l’état de choc » et le mélange SSH-dextran, également appelé dextran
hypertonique (dextran 70 à 6% : RescueFlow ®) l’a eu pour « l’hypovolémie avec
hypotension en rapport avec un état de choc traumatique ». [9]
Lors de trauma crânien, son utilisation en première intention peut être bénéfique
puisqu’il permet de limiter les risques d’œdème et d’augmentation de la pression
intracrânienne par rapport aux cristalloïdes ou aux colloïdes. En effet, la thérapeutique
liquidienne a pour but de rétablir la pression de perfusion intracrânienne, diminuée en
général lors de choc hypovolémique du fait se l’hypotension systémique. L’utilisation
des solutés colloïdes ou cristalloïdes isotonique dans cette indication, entraîne
fréquemment une hausse de la pression intracrânienne à des valeurs supranormales.
Cette augmentation est transitoire mais peut néanmoins favoriser le développement
d’œdème cérébral. Le soluté salin hypertonique permettrait d’éviter ce genre de
complications mais il semble que cette propriété soit dépendante de la dose utilisée : à la
posologie de 4 mL/kg, la pression intracrânienne retourne à une valeur équivalente à
celle précédent le choc alors qu’utilisée à 6 mL/kg, elle tombe à une valeur inférieure.
Si une forte augmentation de la pression intracrânienne n’est pas souhaitable, une valeur
basse ne l’est pas non plus car elle peut être le reflet d’une déshydratation intracrânienne
et prédisposer à la formation d’hématomes sous-duraux. [39]
Une autre indication de ce soluté serait le traitement des oedèmes du secteur
interstitiel, notamment lors de perfusion excessive de cristalloïdes isotoniques.
138
Contre-indications
Les solutés hypertoniques ne doivent pas être utilisés chez les animaux
hypovolémiques fortement déshydratés puisque leur emploi repose sur le passage d’eau
du milieu interstitiel vers le compartiment intravasculaire. Ainsi, leur emploi lors de
choc hypovolémique associé à une déshydratation sévère peut accentuer le déficit
extravasculaire en eau et exercerait ainsi un effet délétère. [28, 53] L’insuffisance
cardiaque et l’insuffisance rénale anurique sont des contre-indications majeures à leur
administration du fait du risque de surcharge volémique. [88]
Leur emploi peut entraîner l’apparition d’une hypernatrémie transitoire et
d’extrasytoles ventriculaires. Leur emploi est naturellement contre-indiqué lors
d’hyperosmolarité préalable (hypernatrémie, diabète acido-cétosique grave évolué). Il
est recommandé de surveiller la natrémie lors de leur emploi, surtout lors d’un volume
de perfusion supérieur à 6mL/kg. D’autre part, leur administration peut aggraver une
hypokaliémie déjà présente lors de choc hémorragique. L’ionogramme doit donc être
attentivement suivi lors de l’utilisation de ce type de soluté. [88, 91]
Une étude effectuée sur des chiens sains a montré que la perfusion de NaCl 7,2%
entraînait l’apparition d’une hypernatrémie transitoire (> 160 mmol/L) durant 90
minutes suite à l’injection d’un bolus de 15 mL/kg. La natrémie restait dans les valeurs
usuelles chez les chiens recevant un bolus de 2,5 ou 5 mL/kg mais peut augmenter los
de l’administration de deux bolus successifs ou plus. [1, 28]
D’autre part, la même étude montrait que la PaO2 diminuait chez les animaux
recevant un bolus à forte dose (15 mL/kg) alors qu’elle augmentait chez les autres. Ceci
pourrait être dû à un mécanisme réflexe qui diminue la circulation pulmonaire et
accélère la fréquence cardiaque, suite à une baisse du débit cardiaque. [1]
Posologies recommandées
Le NaCl 7,5% est initialement administré par voie intraveineuse à la posologie
moyenne de 4mL/kg (2 à 6 mL/kg en fonction de l’instabilité hémodynamique du
chien). Certains auteurs recommandent l’administration de bolus de 2 mL/kg sur une
période de 5 minutes [91]; selon la réponse clinique obtenue, il est possible de réitérer
successivement ces bolus jusqu’à une dose maximale de 8mL/kg. Le rythme
d’administration ne doit jamais être supérieur à 1 mL/kg/min.
Lorsque la dose dépasse 6 mL/kg, il est conseillé d’effectuer un dosage de la
natrémie avant de continuer l’administration. [91]
Le NaCl 7,5% n’est jamais administré seul lors d’état de choc hypovolémique. Le
plus souvent, à un bolus initial de SSH, succède une administration continue de soluté
cristalloïde isotonique à la posologie de 20 mL/kg/h. Ce rythme est naturellement
adapté à la réponse clinique observée et peut être initialement plus élevé, lors de
déshydratation modérée associée.
139
Effets secondaires
L’administration trop rapide (>1 mL/kg/min pour du NaCl 7,5%) est suivie de
troubles cardio-pulmonaires correspondant à l’apparition d’une bradycardie, d’une
hypotension, d’une bronchoconstriction et d’une respiration rapide et superficielle. Ceci
serait dû à un réflexe médié par le nerf vague sur lequel l’atropine n’a aucun effet. Ces
effets sont transitoires mais peuvent être très délétères chez un patient en état de choc.
Seule l’administration lente du soluté permet d’éviter ces effets secondaires. [28, 88, 91]
L’utilisation du SSH a été remise en question chez les animaux présentant des
hémorragies incontrôlées et récentes. En effet, l’augmentation rapide du débit cardiaque
et de la pression artérielle provoquée lors de leur emploi pourrait fragiliser et détruire
les caillots formés récemment au niveau des brèches vasculaires et réinitier les
saignements. De plus, le SSH semble être pourvu d’une activité anticoagulante mais
ceci à une concentration bien supérieure que celle employée en réanimation. En
pratique, le NaCl 7% n’entraîne pas d’effet délétère sur la paroi vasculaire, la
coagulation et la fonction plaquettaire in vivo, à moins que les brèches vasculaires
soient très importantes. Par mesure de précaution, il est tout de même préférable
d’éviter l’usage de SSH ou des mélanges SSH-colloïde (les colloïdes étant connus pour
inhiber la fonction plaquettaire et à l’origine de troubles de la coagulation) chez les
animaux présentant des coagulopathies, des thrombocytopénies ou des dysfonctions
plaquettaires. [91]
Présentation galénique
Le NaCl 7,5% est disponible à cette concentration en poches stériles prêtes à
l’emploi.
3. Les solutés colloïdes
Un soluté colloïde est un soluté dont le constituant de base est l’eau, dans laquelle
ont été ajoutés des substances électrolytiques (Na+, K+, Cl-,…) diffusibles dans tous les
compartiments, mais surtout des constituants de haut poids moléculaire, qui ne
traversent pas la membrane des capillaires sanguins et ne subissent pas de filtration
glomérulaire.
Il est habituel de différencier les colloïdes naturels (sang total, plasma, albumine
humaine) des colloïdes synthétiques (hydroxyéthylamidons, dextrans, gélatines, dérivés
d’hémoglobine animale). [28]
Les solutés naturels contiennent des colloïdes sous forme protéique, l’albumine
étant le principal pourvoyeur de pression oncotique (environ 80% du pouvoir oncotique
global). Les colloïdes naturels ne sont pas utilisés pour le remplissage vasculaire, mais
viennent éventuellement aider à sa restauration en association avec d’autres solutés. Ils
sont administrés dans un but thérapeutique précis, distinct de la restauration de la
140
volémie : correction d’une anémie, apports protéiques, de facteurs de coagulation ou
encore apport plaquettaire.
Les colloïdes synthétiques connaissent une pharmacocinétique complexe, rendant
compte de leurs caractéristiques de concentration ou de poids moléculaire, de forme, de
dispersion et de charges. Expansion volémique et durée d’action diffèrent beaucoup en
fonction du soluté, à la différence des solutés cristalloïdes.
Les solutés colloïdes sont dits polydispersés : ils contiennent des molécules de poids
moléculaire très variable. L’avantage des solutions polydispersées réside dans la
modification des propriétés du soluté avec le temps. Ces solutés sont caractérisés par
deux types de poids moléculaire (PM). Le PM en nombre (PMn) est le PM moyen des
molécules exerçant un pouvoir colloïdo-osmotique divisé par leur nombre. Le PM en
poids (PMp) est la moyenne arithmétique des PM de toutes les molécules. Le PMp est
donc toujours supérieur au PMn. Le rapport PMp/PMn est le coefficient de dispersion.
Il s’agit d’un indicateur prédictif de l’importance et de la durée de l’expansion
volémique. [53, 62]
Plus le soluté comprend de molécules de faible PM, plus l’expansion volémique
initiale est importante. [53] Cependant, ces molécules sont plus rapidement
métabolisées et éliminées.
La présence de molécules de PM élevé détermine la durée de l’expansion
plasmatique. Les molécules de PM élevé sont en effet progressivement métabolisées de
façon le plus souvent complexe, en molécules de PM inférieur qui exercent alors un
PEV plus important. [62]
Les solutés colloïdes augmentent directement le volume circulant, en procédant à un
recrutement oncotique de fluides issus du secteur extravasculaire. L’expansion
volumique maximale obtenue dépend directement du volume administré et du rythme
de perfusion. [53] Ces solutés permettent une expansion volémique souvent plus
précoce, systématiquement plus prolongée que les solutés cristalloïdes isotoniques et
hypertoniques. Ils facilitent les procédures de réanimation, le volume perfusé étant
réduit. Ils n’apportent pas d’amélioration dans la capacité de transport de l’O2 mais en
rétablissant la perfusion des lits capillaires, ils favorisent la délivrance d’O2 aux tissus.
[62]
Leur efficacité dépend de leur devenir métabolique mais aussi de l’intégrité de la
paroi vasculaire et de l’élimination rénale. [51, 62] Leur propriété de remplissage
vasculaire est directement dépendante de la quantité de molécules présente dans le
milieu intravasculaire et donc de l’intégrité de la paroi vasculaire. [53] Si la
perméabilité de celle-ci est augmentée, les molécules passent au travers et exercent leur
effet dans le milieu interstitiel, conduisant alors à une diminution du volume
intravasculaire. Hors, il est difficile en clinique d’estimer l’état de perméabilité
microvasculaire. Seule l’estimation d’une durée d’action particulièrement courte du
colloïde infusé indiquant un passage anormal des molécules à travers la barrière
microvasculaire permet de suspecter une altération de cette paroi. [50]
141
3.1. L’albumine humaine
Nature chimique et métabolisme
L’albumine est une protéine synthétisée par le foie puis est distribuée dans
l’organisme via le plasma. 40 à 45 % de l’albumine synthétisée est retrouvée dans le
secteur intravasculaire ce qui correspond à une concentration plasmatique comprise
entre 24 et 43 g/L chez l’individu sain. Sa synthèse est régulée pour une grande part par
la pression oncotique plasmatique observée au niveau de la circulation hépatique. Sa
demi-vie plasmatique est de 16 heures. Elle ne franchit pas librement la barrière
endothéliale car les membranes capillaires sont imperméables à l’albumine ; cependant,
toutes les 2 heures, 10% du pool plasmatique est retrouvé dans le secteur interstitiel.
Son élimination est principalement intracellulaire avec une demi-vie moyenne de 14 à
16 jours. [28, 51, 53, 62, 71]
Elle possède un poids moléculaire de 69000 D et est responsable de 75% de la
pression oncotique dans des vaisseaux sains (le reste de la pression oncotique étant due
au fibrinogène et aux globulines plasmatiques). Les cellules sanguines ne modifiant pas
la pression oncotique, les pressions du plasma et du sang total sont pratiquement
identiques (entre 17 et 21 mmHg). [51, 62]
L’albumine ne contribue pas uniquement au maintien de la pression oncotique
plasmatique : elle assure également une fonction de ligand permettant l’épuration et le
transport de certaines substances (hormones, enzymes, ions, médicaments et toxines)
dans l’organisme ; elle possède d’autre part des propriétés anti-oxydantes [71]
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments
Administrées par voie intraveineuse, les préparations d’albumine agissent par le
biais de leur pouvoir oncotique important. Les préparations disponibles sur le marché
sont composées d’albumine d’origine humaine, à des concentrations différentes (4% et
20%), diluées dans des solutés électrolytiques. L’albumine 4% est iso-oncotique alors
que celle à 20% est hyperoncotique. La POC de l’albumine 25% est évaluée entre 186 et
207 mm Hg. [71]
Si la barrière microvasculaire restreint le flux de macromolécules, les capillaires
sanguins sont eux perméables à l’albumine ce qui permet sa diffusion dans le secteur
interstitiel. Cette diffusion est donc plus rapide et plus prononcée que celle des colloïdes
dans le secteur interstitiel. [28] La pression oncotique interstitielle en résultant est
différente selon les tissus du fait de la différence de perméabilité aux protéines des
territoires microvasculaires concernés. Ainsi la concentration lymphatique protéique de
la peau ou des muscles squelettiques équivaut à 50% de celle du plasma alors qu’elle est
de 65% au niveau pulmonaire. [51]
Le temps de demi-vie de l’albumine dans le secteur vasculaire est de 16 heures.
Deux heures après administration, près de 90% de l’albumine perfusée reste dans ce
secteur mais une petite fraction (10%) est retrouvée au sein du compartiment interstitiel.
[28] Cette persistance dans le milieu plasmatique dépend bien sûr de l’intégrité de la
142
paroi vasculaire. Si celle-ci est altérée, on peut observer une fuite de l’albumine dans le
secteur extravasculaire. Sinon, l’équilibre entres les différents compartiments de ces
espaces de distribution se fait au bout de 8 à 10 jours. [53]
Propriétés hémodynamiques
Le PEV des solutions d’albumine humaine dépend de leur concentration.
L’administration de 500 mL d’albumine 4% permet d’augmenter le volume plasmatique
de 450 à 500 mL (ce qui correspond à un PEV de 95 à 100%) alors qu’il suffit de 100
mL d’albumine 20% pour obtenir le même effet (PEV de 450 à 500%). [62]
Cependant, ces propriétés hémodynamiques sont peu utilisées en pratique car les
solutions d’albumine humaine ne sont pas utilisées à des fins de remplissage vasculaire.
Les colloïdes de synthèses se substituent à l’albumine dans cette indication.
Son action est plus longue que celles des cristalloïdes mais moins que l’HEA. Chez
l’homme 10% de la quantité transfusée d’albumine a disparu du secteur intravasculaire
au bout de 2 heures, et 75% au bout de 48 heures. [28]
Effets particuliers
Contrairement aux autres colloïdes disponibles sur le marché, l’albumine n’a aucun
retentissement spécifique sur l’hémostase en dehors de ceux liés à l’hémodilution. De
plus, alors que des effets apparaissent dès un niveau d’hémodilution de 20% avec les
colloïdes synthétiques, l’albumine reste d’un emploi sûr en ce qui concerne l’hémostase
jusqu’à une hémodilution atteignant 50%. [9]
L’albumine ne présente aucune toxicité propre sur la fonction rénale. [9]
Indications
L’albumine humaine est utilisée chez le chien lors d’ICA associée à une
hypoprotéinémie sévère ce qui constitue une indication assez restreinte dans la pratique
courante. Lorsque la protéinémie sérique est inférieure à 50 mg/L, la pression oncotique
plasmatique est égale à la pression hydrostatique plasmatique. Par conséquent, toute
perte ultérieure de protéines va promouvoir la perte de fluides du milieu intravasculaire
vers le milieu interstitiel. [9] L’utilisation d’albumine 25% permet alors d’augmenter
la concentration sérique en albumine et la pression artérielle systolique, grâce à son
pouvoir oncotique élevé e à la réabsorption des fluides interstitiels. [71]
Lors d’hypovolémie aiguë accompagnée d’une hypotension majeure, l’emploi de
colloïdes synthétiques (ou de cristalloïdes si l’hypotension est minime) permet de
restaurer rapidement les paramètres hémodynamiques. Ainsi les HEA permettent de
maintenir la pression oncotique colloïdale et d’assurer une expansion volémique
plasmatique suffisante sans recourir à l’albumine jusqu’à une perte sanguine équivalente
à 50% de la volémie. D’autre part, la transfusion sanguine étant indiquée lors de perte
sanguine aiguë supérieure à 25-30% de la volémie initiale, et celle-ci assurant
143
également l’apport de facteurs de transport de l’O2 et de protéines plasmatiques, la
place de l’albumine apparaît négligeable.[9]
Les solutés colloïdes synthétiques permettent de remplacer l’albumine humaine en
ce qui concerne la restauration de la pression oncotique plasmatique (bien qu’il s’agisse
alors d’une pression colloïdale). En revanche, ils n’assurent pas les fonctions de
transport exercées par l’albumine. Seuls les produits sanguins ou leurs dérivés (plasma)
peuvent se substituer à l’albumine humaine pour assurer ce rôle, puisqu’ils permettent
un apport direct en albumine.
Cependant, son prix très élevé en fait un soluté très peu utilisé en clientèle canine :
le choix se portera alors plutôt vers des produits sanguins canins pour restaurer la
protéinémie. L’albumine apparaît alors comme un produit de remplacement en
l’absence de sang ou de plasma disponible, tout en gardant à l’esprit que celle-ci
n’apporte ni globules rouges, ni facteurs de coagulation. [28]
En raison de son fort pouvoir d’expansion volémique, la solution d’albumine à 20%
peut être employée en cas d’hyperinflation hydrique suite à une administration trop
importante de solutés cristalloïdes isotoniques. L’utilisation d’albumine 25% a permis
d’améliorer la condition clinique d’animaux présentant une accumulation de fluides
dans les secteurs interstitiels et pulmonaires sans effet rebond après la fin de la
perfusion d’albumine. [71] Cette indication reste rare, le choix s’orientant plutôt vers le
NaCl 7,5% ou vers des solutés osmotiquement actifs (mannitol) dans cette situation.
Contre-indications
Du fait de leur pouvoir d’expansion volémique, les solutions d’albumine ne
doivent pas être employées chez les animaux présentant une surcharge vasculaire ou
susceptibles de développer une hypervolémie. Ainsi, leur emploi est contre-indiqué chez
les chiens atteints d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance rénale organique et postrénale ou d’œdème pulmonaire.
Leur utilisation lors d’hémodilution importante est également fortement
déconseillée en raison des risques d’aggravation des troubles de l’hémostase. L’emploi
de sang ou de plasma est nettement préférable dans ces conditions, permettant non
seulement la restauration de la protéinémie plasmatique mais assurant également
l’apport en facteurs de coagulation et en globules rouges pour le sang.
Posologies recommandées [51]
L’albumine humaine est administrée par voie intraveineuse, soit directement, soit
après dilution dans une solution isotonique (Glucose 5%, NaCl 0,9%). La dose à
administrer et le débit de perfusion dépendent de l’affection sous-jacente et des pertes
liquidiennes et protéiques.
144
Le déficit en albumine peut être calculé grâce à la formule suivante, qui tient compte
du volume de distribution de l’albumine dans les secteurs intravasculaire et interstitiel :
Déficit (g) = [ [alb] désirée (g/L) – [alb] mesurée (g/L)] x PV x 0,3
Ainsi pour restaurer une albuminémie à 25 g/L chez un chien de 20 kg dont
l’albuminémie est mesurée à 15g/L, il faut amener 60 g d’albumine, soit 300 mL de
solution d’albumine 20% ou 1,2 L de solution d’albumine 4% ! Il faut 2 L de plasma ou
4 L de sang total pour apporter la même quantité d’albumine.
En pratique des doses ont été extrapolées à partir de l’utilisation faite en médecine
humaine. Ainsi, en cas d’hypoprotéinémie sévère, l’albumine 4% est recommandée à la
posologie de 10 à 20 mL/kg en bolus [28] et l’albumine 20% doit être administrée par
bolus de 2 mL/kg. [89]
Effets secondaires
Du fait de leur pouvoir colloïdo-osmotique, les solutions d’albumine concentrée
doivent être utilisées avec précautions chez les animaux présentant un état de
déshydratation. Afin de ne pas aggraver une situation déjà critique, il est préférable d’y
associer la perfusion d’un soluté cristalloïde isotonique afin de rétablir et de maintenir
l’hydratation du secteur extravasculaire.
Il n’existe pas de solutés d’albumine concentrée d’origine canine ou féline dans le
commerce. Seule l’albumine d’origine humaine est disponible mais son utilisation
répétée chez le chien peut entraîner des réactions allergiques graves suite au
développement d’anticorps contre les protéines hétérologues. En revanche, aucune
toxicité aiguë n’a été décrite lors de son emploi chez le chien. [62] Une étude sur
l’emploi d’albumine humaine 25% chez des chiens dans un état clinique critique a
montré une certaine sûreté d’emploi de ce produit : le seul effet secondaire observé a été
un œdème facial apparu lors de la perfusion chez 2 chiens. [71]
D’autre part, le risque de transmission d’agents infectieux par le biais de ces solutés
ne peut être totalement exclu, et ceci malgré les mesures de prévention mises en œuvre
lors de la fabrication de médicaments préparés à partir de sang ou de plasma d’origine
humaine. Il ne semble cependant pas que ce genre de complication ait été décrit à
l’heure actuelle lors de l’utilisation d’albumine d’origine humaine chez le chien.
Présentation galénique (tableau 7)
Tableau 7: Formulations commerciales de l’albumine disponibles
Composition
Présentation
Laboratoire
VIALEBEX ®
200 mg/mL
Albumine 20%
50 et 100 mL
LFB
VIALEBEX ®
40mg/mL
Albumine 4%
100, 250 et 500 mL
LFB
145
ALBUMINE HUMAINE
BAXTER ®
Albumine 20%
50 et 100 mL
Baxter
3.2. Le plasma
Le sang et les dérivés sanguins (plasma frais congelé, plasma congelé) ne sont pas
utilisés en tant que solutés de remplissage pour la réanimation des animaux en ICA. La
principale indication de transfusion sanguine lors de choc hypovolémique aigu chez le
chien est la restauration en hématies, permettant le transport d’O2. La description de ce
fluide est effectuée par la suite.
Nature chimique et métabolisme
Le plasma est obtenu à partir de sang frais prélevé sur anticoagulant. Le prélèvement
est centrifugé ce qui permet de séparer la partie globulaire du sang du plasma. Le
plasma est alors transféré stérilement dans une poche plastique permettant sa
conservation à long terme.
La composition du plasma diffère légèrement selon les donneurs. Il contient des
électrolytes, de l’albumine (entre 25 et 30 g/L), des immunoglobulines et des facteurs de
coagulation. [49, 71]
Le plasma frais est alors congelé à -30°C pour obtenir du plasma frais congelé. Par
cette méthode de conservation, les facteurs de coagulation gardent une activité durant
une période de 1 an, l’albumine est préservée durant 5 ans. Afin d’éviter une
dégradation des poches de conservation du plasma (fissure du plastique), il est conseillé
de les manipuler de manière précautionneuse lors de leur utilisation avant transfusion et
de les entourer de poches de protection. [489]
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments
Le plasma frais possède un pouvoir oncotique très légèrement inférieur au sang
total. De par sa nature, le plasma frais ou congelé administré dans le secteur
intravasculaire ne diffuse pas dans les autres compartiments, sauf lors d’altération de la
perméabilité capillaire ou de brèches vasculaires non colmatées ayant provoqué la fuite
initiale du plasma du receveur.
Il exerce une pression oncotique liée à sa concentration en albumine : en moyenne
chaque gramme de plasma transfusé permet de retenir 18 mL d’eau dans le secteur
intravasculaire. [80]
Propriétés hémodynamiques
Le plasma agit dans le milieu intravasculaire par le biais de son pouvoir osmotique
et oncotique lié à la concentration en albumine.
La demi-vie des protéines plasmatiques est de 5 à 15 jours (16 h pour l’albumine),
ce qui permet théoriquement d’assurer des effets durables. [80]
146
Indications
De même que les solutions d’albumine humaine, ces solutés ne sont pas des solutés
de remplissage. Le plasma frais congelé est indiqué lors de déficit en facteurs de la
coagulation, situation rencontrée lors d’intoxication aux rodenticides, d’insuffisance
hépatique ou de CIVD secondaire à une hémorragie. [49]
Bien qu’il ne soit pas indiqué à cette fin, il peut être utilisé lors d’hypoprotéinémie
et/ou d’hypoalbuminémie importante afin de restaurer la pression oncotique
plasmatique du receveur et d’assurer les fonctions de transport et de tampon exercées
par l’albumine. [62] Cependant, cet emploi doit être limité aux situations ou aucun autre
soluté adapté n’est disponible pour remplir cette fonction.
Contre-indications
Le plasma frais congelé ne doit pas être utilisé en tant que soluté de remplissage
vasculaire, ni comme source d’albumine ou en tant que support nutritionnel. [49]
Posologie recommandée [49]
Il a été montré qu’il faut transfuser 45 mL/kg de plasma pour augmenter la
concentration d’albumine de 1g/dL. De telles doses rendent impossible le traitement
correctif de l’hypoalbuminémie par administration de plasma en médecine vétérinaire.
Pour le traitement des coagulopathies, la dose doit être administrée à effet ; on
recommande une posologie initiale de 6 à 10 mL/kg lors de désordre de la coagulation.
Cette dose doit ensuite être adaptée à la réponse de l’animal. Plusieurs administrations
peuvent être nécessaires pour contrôler les saignements en raison de la demi-vie très
courte des facteurs de coagulations.
Le débit de perfusion peut atteindre les 4 à 6 mL/min et la durée totale de la
transfusion ne doit pas excéder 4 heures afin d’éviter le risque de croissance bactérienne
dans le plasma maintenu à température ambiante sur une période prolongée.
Le plasma doit être réchauffé à température ambiante avant d’être administré ;
l’usage de micro-ondes est déconseillé pour un réchauffement rapide car il entraîne une
dénaturation des protéines. L’usage du bain marie doit être préféré pour un
réchauffement rapide. Le plasma doit alors être utilisé dans les 4 heures suivant sa
décongélation.
Effets secondaires
Il existe de nombreuses limites à l’utilisation pratique du plasma. En effet, ce soluté
est rarement disponible, peut entraîner des réactions allergiques, diminue la
concentration en calcium ionisé plasmatique, diminue l’inotropisme cardiaque et peut
altérer la fonction pulmonaire. [28]
147
Disponibilité
En pratique, peu de structures en France permettent de réaliser les manipulations
nécessaires à l’obtention de plasma (matériel de cytocentrifugation spécifique), qu’il
soit frais ou congelé. De ce fait, ces produits sont peu employés par manque de
disponibilité.
D’autre part, les banques de sang de petits animaux sont peu nombreuses et ne
répondent pas aux attentes lors de situation de choc hypovolémique aiguë (nécessité
d’une prise en charge immédiate ne permettant pas les délais d’attente du transport des
solutés des banques de sang).
Par conséquent, ces produits sont fréquemment remplacés par du sang frais total,
lequel est plus facilement disponible et remplit les mêmes indications que le plasma en
apportant en plus des globules rouges. De nombreuses structures possèdent en effet le
matériel nécessaire au prélèvement immédiat de sang, ou encore de poches de sang
conservées au frais. Même en l’absence de poches de sang de réserve, il est
relativement aisé de trouver rapidement un donneur potentiel, dont on connaît le statut
vaccinal et l’état de santé. [49]
3.3. Les dextrans
Nature chimique et métabolisme
Les dextrans sont des solutés polysaccharidiques isotoniques obtenus à partir de
cultures bactériennes.
Il existe plusieurs formulations différant par leur poids moléculaire : le dextran 40 et
le dextran 70. Le poids moléculaire moyen du dextran 70 est de 70 000 D, ce qui le
rapproche de l’albumine mais la majorité des molécules le composant ont un poids
moléculaire proche de 39 000 D. [28, 47] Le dextran 40 possède un PMp de 40 000 D et
un PMn de 26 000D.
Ces molécules sont métabolisées de façon complexe au niveau splénique, hépatique,
pulmonaire, rénal, cérébral et musculaire. [62] Une partie est métabolisée pour produire
du CO2, une autre est éliminée par le tube digestif mais la majorité subit une épuration
par les voies urinaires. Ainsi, au bout de 6 heures, environ 40 à 60% du dextran 40
perfusé est retrouvé dans les urines et 30% s’il s’agit de dextran 70. [53]
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments
Ce type de soluté agit par son pouvoir colloïde propre. Celui-ci est estimé à 60 mm
Hg pour le dextran 70 et est supérieur pour le dextran 40. Leur administration par voie
intraveineuse entraîne donc un appel d’eau du secteur extravasculaire vers le secteur
plasmatique.
148
La demi-vie des dextrans dans le plasma est déterminée par leur poids moléculaire :
les polymères larges restent dans le sang jusqu’à ce qu’ils soient fractionnés en de plus
petites molécules capables de passer la barrière endothéliale. Leur structure linéaire leur
permet de franchir facilement les membranes capillaires pour rejoindre l’espace
interstitiel ; il leur est possible ensuite de rejoindre le flux sanguin via le système
lymphatique. [62]
Propriétés hémodynamiques
Le pouvoir d’expansion de ces solutés dépend de leur type et de leur concentration.
Le PEV du dextran 70 est de 80 à 100% et sa demi-vie approximative de 25,5h avec un
effet clinique de 24 heures. [28, 47]
Le dextran 40 contenant plus un plus grand nombre de molécules que le dextran 70,
il possède un PEV plus important : celui-ci est de 150% au bout d’1 heure, de 210% au
bout de 2 heures de perfusion. Mais la majorité des molécules qui le composent ont un
poids moléculaire moyen de 26 000D, ce qui lui confère une demi-vie très courte (1,5 à 3
heures). En effet, la demi-vie des molécules de PM< 36 000D est d’environ 30 minutes
et 7,5 heures pour celles dont le PM est compris entre 44 et 55 000 D. [47] Ce sont les
molécules de grande taille qui sont responsables de l’expansion plasmatique de longue
durée. 24 heures après administration, 19% du volume perfusé est encore présent dans le
secteur intravasculaire. [62]
Les petites molécules composant ces solutés disparaissant plus rapidement du milieu
intravasculaire que les plus larges, les dextrans sont plus efficaces après plusieurs jours
d’utilisation continue. Les molécules dont le poids moléculaire moyen dépasse 50 000D
sont distribuées dans le corps et sont ensuite métabolisées à raison d’environ 70 mg/kg
de poids vif par jour. [39, 47, 62]
Effets particuliers
Comme tous les solutés de synthèses, ces produits écartent les risques de
transmission de maladie infectieuse et sont compatibles avec tous les groupes sanguins.
Ils se conservent à température ambiante pendant plusieurs mois, sont facilement
disponibles et moins dispendieux que les produits d’origine humaine. [68]
Les dextrans possèdent des propriétés anti-thrombotiques qui peuvent se révéler
intéressantes chez les patients à risque de thromboembolie. Ces propriétés sont dues à
l’hémodilution qu’ils provoquent, à un changement transitoire de la fonction du facteur
VIIIc et à une diminution de la fonction agrégante plaquettaire et de la stabilité du
thrombus. Ceci est d’autant plus marqué pour les dextrans de faible poids moléculaire.
[62]
Indications
Les dextrans sont indiqués pour le remplissage vasculaire lors de situation
d’hypovolémie aiguë afin de rétablir la volémie en restaurant la pression colloïde
149
plasmatique. Leur propriété anti-thrombotique encourage leur utilisation lors de risque
de thromboembolie.
Cependant, ces solutés sont progressivement délaissés au profit des
hydroxyéthylamidons : en effet, ceux-ci semblent posséder des propriétés
hémodynamiques similaires voire plus intéressantes, sans présenter les effets délétères
associés à l’emploi des dextrans.
Contre-indications
De même que les autres solutés de remplissage, les dextrans sont contre-indiqués en
cas de surcharge du milieu vasculaire. Leur administration est déconseillée lors
d’altération majeure de la perméabilité membranaire qui favoriserait leur passage dans le
milieu extravasculaire, l’apparition d’œdèmes périphériques et pulmonaires ainsi que la
déplétion du volume plasmatique.
L’administration de dextran 40 (surtout dans sa présentation à 10%) exposerait
également au risque de développement d’insuffisance rénale aiguë, principalement lors
d’utilisation de volumes de perfusion importants (>20 mL/kg/j) durant plusieurs jours
consécutifs. En effet, son bas poids moléculaire autorise sa filtration par le glomérule
rénal. Lors de réabsorption tubulaire d’eau, la lumière tubulaire est alors occupée par un
liquide visqueux, dans lequel le dextran 40 peut précipiter et obstruer définitivement le
tubule rénal (néphropathie tubulaire). Cet effet secondaire semble beaucoup plus rare
lors d’utilisation de dextran 60 voire 70, la taille des molécules limitant leur passage à
travers le glomérule rénal. [53, 62] Certaines formes de toxicité rénale aiguë réversible
sont également décrites (altération du débit de filtration glomérulaire par des
phénomènes osmotiques complexes). Pour cette raison, les dextrans semblent être
contre-indiqués lors de néphropathie connue.
Les dextrans et en particulier ceux ayant un poids moléculaire élevé peuvent
entraîner diverses altérations de l’hémostase chez le chien, par le biais d’un effet dosedépendant. Cet effet se caractérise par une baisse des facteurs VIIIc et von Willebrand
avec une diminution de l’adhésivité plaquettaire, ainsi qu’une altération de la
polymérisation de la fibrine. [28] Cliniquement, ces altérations peuvent se traduire par un
allongement du temps de saignement et du temps de céphaline activée. Ces altérations
potentielles justifient la contre-indication des dextrans lors de thrombopénie ou
d’altération de l’hémostase secondaire.
Posologies recommandées
La dose maximale recommandée est de 20 mL/kg/j qu’il s’agisse d’un bolus ou
d’une perfusion continue. [28]
Effets secondaires
Les dextrans peuvent occasionner certains effets secondaires graves. La crainte de
ces effets secondaires a très largement freiné leur utilisation en médecine vétérinaire au
150
profit des hydroxyéthylamidons. Ces effets sont largement décrits en médecine humaine,
et beaucoup moins documentés en médecine vétérinaire.
Des réactions allergiques graves sont rapportées. Elles sont de type anaphylactoïde
pour les dextrans de poids moléculaire élevé, mais tous les dextrans peuvent entraîner
une réaction anaphylactique avec réaction antigène-anticorps. En médecine humaine, ces
réactions justifient l’utilisation préalable de dextran haptène de faible poids moléculaire
(Promit ®, 20 mL, PMp = 1000 D) 2 minutes avant l’administration de dextran de poids
moléculaire plus élevé. Cette pratique permettrait de réduire l’incidence de ces réactions
et d’en éradiquer presque complètement les formes sévères. [53] En pratique vétérinaire,
l’incidence de ces réactions demeure inconnue. [62]
Face aux effets décrits sur l’hémostase, certains auteurs ont observé une diminution
de la capacité de coagulation lors d’actes chirurgicaux ou de pose de cathéters chez des
animaux ayant reçu ce type de soluté et ne recommandent pas leur emploi chez les
patients nécessitant une intervention chirurgicale ou la mise en place d’un matériel de
surveillance clinique invasif. [28]
L’administration de dextrans peut potentiellement perturber diverses évaluations
paracliniques. Il est ainsi possible d’observer une augmentation de la glycémie (résultat
du métabolisme du soluté, donc proportionnelle au volume administré), une perturbation
des méthodes de mesure de la bilirubinémie (fausse augmentation) et de la lecture de la
protéinémie par réfractométrie, une formation spontanée de rouleaux hématiques et une
perturbation de l’évaluation d’un test de compatibilité sanguine (adsorption à la surface
de la membrane érythrocytaire) avec le dextran 70. [62]
.
Présentation galénique
2 spécialités à base de dextrans sont actuellement disponibles en France (tableau 8):
l’une ne contient que des dextrans et l’autre est un mélange d’une solution saline
hypertonique et d’une solution macromoléculaire de dextran. L’efficacité du SSH est de
courte durée, son association à une solution colloïdale permet la prolongation de son
activité. Cette association permet à la fois un effet sur le remplissage vasculaire, des
actions sur la vasomotricité avec une amélioration de la microcirculation et de la
fonction myocardique. [95]
Tableau 8: Formulations commerciales à base de Dextrans disponibles
Dextran 40 (g/L)
Dextran
(g/100mL)
Sorbitol (g/L)
NaCl (g/100 mL)
Format
Laboratoire
70
DEXTRAN 40 000 ®
100
0
RESCUEFLOW ®
0
6
50
0
Flacon 500 mL
Fresenius Kabi France
0
7,5
Poche 250 mL
Belamont
151
3.4. Les gélatines fluides modifiées
Nature chimique et métabolisme
Il s’agit de solutés polypeptidiques obtenus à partir de collagènes d’origine animale
ou végétale. Les gélatines fluides modifiées (GFM) ont des chaînes de 8000 à 15 000 D
avec des radicaux aminés à leurs extrémités, bloqués par succinylation. Leur poids
moléculaire moyen est de 35 000 D. La concentration de ces solutions ne dépasse pas 3,5
à 4,5%. [28, 53]
L’élimination de ces molécules se fait par voie urinaire avec une excrétion maximale
dans les deux premières heures, ce qui explique la courte durée de leur expansion
volémique. [53]
Du fait d’un poids moléculaire élevé, la filtration glomérulaire est plus lente que pour
les cristalloïdes ce qui autorise une durée d’action plus longue. [90]
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments
Ce sont des solutés hypo-oncotiques au plasma. [95] Ils permettent d’augmenter la
volémie d’un volume égal à celui qui a été perfusé. En effet, ils ne créent pas d’appel
d’eau à partir du secteur extravasculaire mais leur composition empêche la diffusion du
liquide plasmatique vers les autres secteurs.
20% des molécules sont de très petites tailles ce qui entraînent leur diffusion rapide
dans le secteur interstitiel. [53]
Propriétés hémodynamiques
Ces solutés ne créent pas d’appel d’eau : l’expansion volémique qu’elles procurent
est donc égale au maximum au volume perfusé. Cependant, les molécules de faible PM
diffusant très vite vers le secteur interstitiel, leur PEV est réellement de 60-100% pour
une durée d’action oscillant entre 3 et 4 heures. [53, 95]
60% de la dose administrée est éliminée au bout de 24 heures, il n’y a pas
d’accumulation dans l’organisme.
Effets particuliers
Contrairement aux autres colloïdes synthétiques, les GFM n’entraînent pas de
troubles de l’hémostase, en dehors de ceux liés à l’hémodilution. [53] En revanche leurs
propriétés rhéologiques favorisent l’agrégation plaquettaire et érythrocytaire : il en
résulte l’apparition de microthrombi capillaires qui accentue la stase sanguine
152
Ces propriétés associées à leurs effets hémodynamiques ne leur permettent donc pas
de restaurer une perfusion tissulaire périphérique correcte et prolongée. [82, 90]
Indications
Les GFM sont indiquées pour le remplissage vasculaire en situation d’hypovolémie
aiguë. Leur faible durée d’action n’en fait pas un soluté de choix pour les hypovolémies
prolongées.
Posologie recommandée
Il n’existe pas de limitation de volume dans leur emploi. Leurs faibles concentrations
font que les volumes d’administration peuvent être grands sans générer de complications
de surcharge. [53] La posologie recommandée habituellement est de 10 à 20 mL/kg
(dose unitaire renouvelable). [80]
Effets secondaires
Des réactions anaphylactiques ont été décrites lors de leur utilisation chez l’homme
mais pas chez le chien. [53, 54]
Une augmentation du temps de thromboplastine est rapportée lors de leur utilisation
mais sans manifestation clinique de saignement associée. [13]
Présentation galénique
Quatre spécialités sont disponibles en France (tableau 9).
Tableau 9 : Formulations commerciales de GFM disponibles
Composition
PLASMION PLASMAGEL PLASMAGEL GELOFUSINE
(par L)
3%
DESODE
4%
GFM (g)
30
30
30
40
Glucose (g)
0
0
50
0
Na+ (mmol)
150
150
26
1540
Cl- (mmol)
100
150
0
1250
K+ (mmoL)
5
0
0
0
Lactate (mmol)
30
0
0
0
Ca++ (mmol)
6,2
13,5
0
0
pH
7,0-7,5
5,5-6,6
7,4
Osmolarité(mOsm/L)
287 - 300
311-350
2740
Format
Poche 500 mL
Laboratoire
Fresenius Kabi France
B Braun
Medical
153
3.5. Les Hydroxyéthylamidon (HEA)
Nature chimique et métabolisme
Les HEA sont des solutions de polysaccharides naturels modifiés, extraits du maïs
riche en amylopectine, dont la structure moléculaire est proche de celle du glycogène.
[28] Ces solutés sont hydrolysés par l’alpha-amylase plasmatique.
L’adjonction de groupements hydroxyéthyls- sur les molécules de glucose (sur les
carbones en position 2 ou 6) permet de ralentir la dégradation enzymatique, de stabiliser
la solution, de réduire sa viscosité et d’augmenter sa solubilité aqueuse. [9, 53]
L’hydrolyse d’un HEA est plus lente lorsque le groupement est porté en position C2 et
non en C6. Le rapport C2/C6 est défini par le ratio du nombre de carbones en C2 porteur
d’un hydroxyéthyl- sur le nombre de carbones en C6 porteurs de ce même groupement.
Ce rapport est dit élevé lorsqu’il est supérieur à 8.
Le degré de substitution molaire est défini comme le pourcentage de molécules de
glucose porteuses d’au moins un groupement hydroxyéthyl. Le taux de substitution
molaire (TSM) est le rapport molaire des concentrations d’hydroxyéthyl et de glucose.
[53] En France, les HEA commercialisés ont un TSM compris entre 0,45 et 0,70. Plus le
TSM est élevé et plus la demi-vie plasmatique est longue du fait de l’accumulation des
molécules de PMp élevé. Ce taux est dit élevé s’il est supérieur à 0,6.
Seuls les HEA de poids moléculaire (PM) moyen sont commercialisés en France. Les
HEA à découpage rapide (PM<100 000 D) exercent des effets rhéologiques favorables
sur la viscosité sanguine et l’agrégation érythrocytaire.
Les caractéristiques des HEA sont rappelées dans le tableau 10.
Tableau 10: Définitions concernant certaines caractéristiques des HEA [9]
PMp
Haut
Moyen
Bas
450-480
130-200
40-70
Elevé
Bas
0,6-0,7
0,4-0,5
Elevé
Bas
≥8
<8
Elevé
Bas
10
6
TSM
Rapport C2/C6
Concentration
154
Le métabolisme des HEA est complexe, en raison du caractère polydispersé de ces
solutés. Les molécules de PM inférieur à 70 000 D sont rapidement filtrées au niveau
glomérulaire et connaissent ainsi une élimination urinaire. Les molécules de PM élevé
sont dégradées par réaction enzymatique plasmatique (i.e, alpha-amylase) ou par le
système réticulo-endothélial. [53] Les molécules de PM moyen passent dans le milieu
interstitiel et circulent dans le réseau lymphatique. [28]
Mode d’action et de diffusion dans les différents
compartiments
Les HEA possèdent un pouvoir oncotique élevé : chez l’homme, ils augmentent la
pression oncotique de 36% alors que l’administration d’un volume équivalent
d’albumine 5% n’augmente la pression oncotique que de 11%. Ils favorisent ainsi la
rétention des fluides dans le secteur plasmatique et préviennent la fuite des protéines
dans le milieu interstitiel, diminuant ainsi le risque d’oedème. [62]
Propriétés hémodynamiques
Les propriétés hémodynamiques des HEA dépendent de leurs caractéristiques
physico-chimiques propres.
Des études réalisées en médecine humaine ont montré que le pouvoir d’expansion
volémique initial est similaire avec l’HEA 130, 200/05 et 200/0,6 : en effet, le PEV
dépendant du nombre de molécules disponibles plus que de leur taille, l’augmentation de
pression colloïdale est similaire avec les différents HEA. Il est d’environ 130 à 150% 30
minutes après la fin de la perfusion.
En revanche la durée d’expansion volémique diffère selon ces solutés en raison de
l’élimination des molécules en fonction de leur PM. Ainsi, on observe un retour à l’état
basal 6 à 8 heures après la perfusion d’HEA 130 alors qu’il faut 24 à 48h pour que le
volume plasmatique retourne à sa valeur initiale lors de l’utilisation d’HEA 200.
Leur demi-vie dépend du taux d’absorption des molécules par les tissus (foie, rate,
rein et cœur), de leur retour graduel dans la circulation systémique, de leur reprise par le
système réticulo-endothélial, de leur dégradation enzymatique par l’amylase et de leur
excrétion urinaire. [61] La demi-vie est nettement plus courte avec l’HEA 130 (12
heures) qu’avec l’HEA 200/0,5 (31 heures) et 200/0,6 (70 heures). [9]
Bien que les HEA 200 possèdent peu de molécules de poids moléculaire > à 70000
D, ils persistent plus longtemps dans le secteur plasmatique que le dextran 70 car de
nouvelles particules sont progressivement formées grâce à l’action de l‘α-amylase sur les
larges molécules alors que les autres petites particules sont excrétées. [39, 62]
Effets particuliers
Un soluté d’HEA peut diminuer la perméabilité microvasculaire altérée par les
radicaux libres libérés lors de la reperfusion. Ceci serait du à leur poids moléculaire
155
moyen oscillant entre 100 et 300 000 D. [50] De plus, il diminue la concentration
plasmatique des molécules d’adhésion : il en résulte une diminution de l’adhésion des
leucocytes aux cellules endothéliales et une amélioration de la microcirculation. [62]
Chez l’homme, il a été montré que les HEA améliorent la pression de perfusion
cérébrale et la récupération neurologique lors de trauma crânien, mais pourraient aussi
être à l’origine d’hémorragie intracrânienne. [62] Les HEA à forte concentration (10%)
et à haut TSM auraient des propriétés de colmatage au niveau des capillaires cérébraux
altérés, permettant ainsi de réduire les lésions chez les patients présentant un œdème
cérébral. [53]
Indications
Les HEA sont indiqués pour le remplissage vasculaire lors de situation
d’hypovolémie afin de rétablir un volume vasculaire sur une période durable (dépendant
du type d’HEA choisi).
Lors d’hypovolémie aiguë, les HEA à faible concentration sont préférés : ceux-ci
entraînent une augmentation du volume intravasculaire égale au volume perfusé ce qui
permet d’estimer l’étendue des pertes en fonction des compensations obtenues. D’autre
part, ils maintiennent les capacités de redistribution des fluides dans les différents
espaces extracellulaires par rapport aux HEA de forte concentration. Ces deniers
trouvent leur indication dans les cas d’hypovolémie très sévère où leur administration en
faible quantité permet une expansion volémique maximale sans provoquer
d’accumulation de colloïdes alors que le contrôle des pertes sanguines n’est pas encore
possible. [53]
Lors d’hypovolémie prolongée (>12-24 h), l’association de cristalloïdes à des HEA à
durée de vie prolongée est préférée afin de stabiliser le volume du secteur vasculaire. Les
solutés de choix sont alors les HEA de faible concentration à TSM élevé. [53]
Si les pertes sont relatives mais durables, le choix doit s’orienter sur des HEA à durée
de vie intermédiaire, c'est-à-dire ceux dont le TSM est faible. Ceux-ci permettent de
rétablir un volume vasculaire adéquat en limitant les effets délétères sur l’hémostase, la
fonction rénale et la saturation du système réticulo-endothélial retrouvés avec les
produits à dégradation et élimination lente (HEA à longue durée de vie et utilisés de
manière répétitive). [53]
Lors d’hypoprotéinémie aiguë ou chronique, les HEA permettent de restaurer une
pression oncotique colloïde plasmatique évitant la fuite des liquides vers l’espace
interstitiel. Cependant, ce traitement n’est que palliatif et la cause primaire de
l’hypoprotéinémie doit être recherchée et corrigée. [62]
Contre-indications
Une utilisation ponctuelle des HEA n’entraîne pas de conséquence sur la fonction
hépatique, même en présence d’une cirrhose. Cependant, chez l’homme, l’emploi des
HEA est contre-indiqué lors d’atteinte hépatique chronique. En effet, des perfusions
156
répétées et en volume important d’HEA 200 entraînent une accumulation dans le
système macrophagique hépatique, à l’origine d’une hypertension portale sévère et d’une
insuffisance hépatique. Cet effet est majoré lors d’atteinte chronique préalable du foie,
avec ou sans cirrhose et en présence d’une insuffisance rénale. [53]
Posologies recommandées
Pour tous les HEA, la dose maximale est de 30-40 mL/kg le premier jour et 20
mL/kg les jours suivants. Ils peuvent être utilisés plus de 4 jours et à des doses cumulées
de plus de 80 mL/kg à condition de surveiller l’hémostase. [62]
Effets secondaires
Les HEA utilisés en volume maximal de 30 mL/kg le premier jour ont une neutralité
sur l’hémostase. Cependant, certaines altérations rares de l’hémostase sont rapportées,
principalement en médecine humaine. Ces altérations se caractérisent par une diminution
du facteur VII, du facteur von Willebrand et par une altération de la polymérisation du
caillot de fibrine. [53] Cliniquement, ces altérations se traduisent par un allongement du
temps de saignement, une diminution du temps de thrombine et un allongement du temps
de céphaline activée. Ces accidents se produisent lors de perfusion massive (>40 mL/kg)
et rapide d’HEA de PM, ratio C2/C6 et TSM élevés et lorsque l’hémodilution dépasse
30%. Pour ces raisons, ces solutés doivent être utilisés avec précaution lors d’état de
choc associé à une coagulopathie acquise. Ils semblent être donc déconseillés lors
d’hémophilie et de maladie de Von Willebrand. La surveillance doit être renforcée lors
de l’utilisation concomitante d’AINS ou d’anti-thrombotiques. [9]
L’ensemble de ces effets peut aboutir à une augmentation du temps de saignement
chez des patients à traumatisme majeur lors de l’utilisation d’HEA, d’autant plus si l’on
considère que son utilisation permet une augmentation du flux microcirculatoire et de la
pression artérielle. Cependant, il semble que ces conséquences soient très rares si l’on
respecte les doses préconisées. [62] En médecine humaine, des travaux ont démontré que
les patients ayant reçu des HEA avaient une volémie mieux conservée dans le temps que
ceux ayant reçu des GFM.
Après plusieurs jours d’administration, les HEA peuvent perturber l’évaluation d’un
test de compatibilité sanguine.
L’administration par voie intraveineuse d’HEA peut entraîner une augmentation
sérique temporaire de l’amylase, sans modification associée de la fonction pancréatique.
[51, 53, 62] Cette augmentation est proportionnelle au volume perfusé. Aucune
conclusion clinique ne doit en être tirée.
Lors de leur absorption par le rein, les molécules d’HEA peuvent être stockées
momentanément dans les cellules épithéliales des tubules rénaux sans altération de la
fonction rénale. [62] Lors d’atteinte rénale modérée, il est possible d’employer des HEA
de PM moyen et de TSM ≤ 0,5 à condition de surveiller attentivement les paramètres de
la fonction rénale. En revanche, il est déconseillé d’utiliser les HEA de haut PM et TSM
en quantité importante ou sur plusieurs jours afin d’éviter le développement d’une
157
insuffisance rénale aiguë hyperoncotique ou secondaire à une néphrose osmotique. Lors
d’insuffisance rénale sévère, les HEA doivent être évités au profit de gélatines fluides
modifiées. [9]
La tolérance immuno-allergique des HEA est excellente. Leurs effets toxiques
semblent rares en médecine vétérinaire, en particulier chez le chien, même après
perfusion de volumes importants. L’HEA n’entraîne pas de réaction toxique ou
allergique chez le chien mais peut entraîner une activation du complément. [62]
Un des effets secondaires potentiels est lié au solvant des HEA (mais également de la
majorité des colloïdes). Les solutions d’HEA sont diluées dans un solvant de sérum salé
isotonique dont la perfusion en grande quantité pourrait entraîner une acidose
hyperchlorémique : leur emploi peut donc en favoriser l’apparition ou l’aggravation.
Afin de limiter l’apparition de cette acidose, il est conseillé d’employer le RL comme
soluté de remplissage vasculaire en association avec les HEA plutôt que le NaCl 0,9%
lors de choc hypovolémique. [9]
Présentation galénique (tableau 11)
Tableau 11: Formulations commerciales des HEA disponibles
HEA
(g/100
mL)
NaCl
(g/100
mL)
[Na+]
(mmol/L)
[Cl-]
(mmol/L)
pH
Osmolarité
(mOsm/L)
TSM
Format
Labo.
VOLUVE
N®
HEAFUSINE
6% ®
PLASMOHES
6% ®
HYPERHES
®
HEA
200 000….6g
PENTASTARCH
6% ®
HEA
200 000….6g
HEA
130 000....6
g
0,9
HEA
200 000….6g
0,9
0,9
7,2
154
154
154
1232
154
154
154
1232
4,0-6,0
310
3,5-6,5
308
3,5-6,0
2464
4,0-5,5
308
0,38-0,45
Poche de
500 mL
Fresenius
Kabi
4,0-7,0
310
Poche 500 mL
B Braun
Medical
0,45-0,55
Poche 250, 500
mL
Aguettant
HEA
200 000....6g
0,43-0,55
Poche 250 mL Poche 250 mL
Baxter
Fresenius
Kabi France
Il existe également une spécialité à base d’HEA 240 000 (HESTERIL 6% ®,
Laboratoire Fresenius Kabi France), mais celle-ci est en cours de retrait du marché du
fait des effets secondaires rencontrés.
L’HYPERHES ® est un mélange HEA/saline hypertonique prêt à l’emploi.
158
4. Choix du type de soluté
Le choix du soluté à administrer est dépendant du degré d’hypoperfusion tissulaire,
de la pression oncotique plasmatique, du besoin de produits sanguins ou dérivés
(hématies, facteurs de coagulation…) et de l’état de la membrane capillaire dont dépend
largement la survenue d’oedèmes dans certains territoires (poumons, cerveau, tissus
périphériques). Il dépend également de l’efficacité des solutés, définie d’après
l’expansion volémique qu’ils créent à court terme et d’après leur demi-vie
intravasculaire dont dépend en partie leur efficacité à long terme et est influencé par la
nature des propriétés de leur excipient. [53]
Lors de déficit de la perfusion tissulaire, le clinicien est amené à rechercher la cause
de ce déficit afin de le corriger de manière adéquate. Cependant, le temps étant souvent
un facteur limitant lors de situation de choc, cette démarche étiologique ne doit pas
retarder la restauration du volume plasmatique : dans cette optique, l’administration
raisonnée de colloïdes sera toujours bénéfique qu’il s’agisse d’un choc circulatoire
secondaire à un traumatisme, d’une hypovolémie ou d’une mauvaise distribution
sanguine. [60]
4.1. Phase d’instauration du choc ( figure 35)
Lorsque le choc est en phase d’instauration, que la perfusion tissulaire est peu
modifiée et qu’il n’y a pas de signe d’augmentation de la perméabilité capillaire, la
thérapeutique liquidienne a pour objectif thérapeutique de remplacer les pertes et
maintenir le statut d’hydratation du patient. Une perfusion de cristalloïdes est alors
indiquée. [60] Cette situation correspond à une déperdition sanguine minime (0 à 15% de
la masse sanguine).
Le choix du soluté se porte généralement sur du Ringer Lactate car celui-ci présente
l’avantage d’apporter moins de chlore que le NaCl 0,9% et d’avoir un effet alcalinisant
quand le lactate se transforme en bicarbonates au niveau du foie. Cependant, il est
préférable d’utiliser le NaCl isotonique lors d’insuffisance hépatique, de traumatisme
crânien, d’hyperkaliémie ou de transfusion sanguine combinée. [96]
Utilisés dans des limites de volume raisonnable, l’avantage des cristalloïdes est leur
faible coût, leur composition quasi physiologique et l’absence de risque anaphylactique
ou de transmission d’agent pathogène.
159
Figure 35 : PHASE D’INSTAURATION DU CHOC (STADE CLINIQUE I)
EXAMEN CLINIQUE
Etat de conscience : N
Muqueuses : roses foncées à rouges
TRC<1s
FC : élevée (grand CN >140, petit CN >160)
PAM > 80 mmHg et pouls frappé
EXAMEN PARACLINIQUE
Ht > 15-20%, Ptot >40- 45 g/L, Alb >18 g/L
OUI
PRODUITS
SANGUINS
NON
Perfusion CRISTALLOIDES ISOTONIQUES
20-40 mL/kg (IV) en 20 min
(Ringer Lactate en première intention sauf si hyperkaliémie, trauma crânien, IH)
-----------------------------------------------------------------------------------Protocole analgésique
EXAMEN CLINIQUE
Etat de conscience : N
Muqueuses : roses
TRC<2s
FC : normalisée
PAM > 80 mmHg, pouls frappé
Etat hémodynamique
stationnaire
DOSE CUMULEE PERFUSEE
Cristalloïdes < 90 mL/kg en 1 h
CORRECTION
DESHYDRATATION
ET PERTES
ADDITIONNELLES
BESOINS D’ENTRETIEN
Cristalloïdes isotoniques
40-60 mL/kg/j
NON
DETERIORATION
CLINIQUE
Envisager
protocole
Stade II ou III
OUI
BOLUS HEA
10 ml/kg (IV)
en 10-15 min
Volume cumulé
< 30-40 mL/kg
# Prise en compte de l’anamnèse
Lors d’insuffisance cardiaque, de lésions pulmonaires, de traumatisme crânien : une surveillance de la PVC est
souhaitable afin de diminuer les risques d’hypervolémie associés à la thérapeutique liquidienne
# L’évaluation et la prise en charge rapide de la douleur permet d’améliorer le statut clinique et de diminuer les
interférences avec les paramètre hémodynamiques de surveillance (FC, PA).
160
4.2. Phase de choc établi (figure 36)
Si l’animal présente un déficit majeur de la perfusion tissulaire périphérique (stade
clinique II), il semble que la perfusion de colloïdes synthétiques doive être entreprise
d’emblée. Cette situation peut être rencontrée dés la prise en charge initiale de l’animal,
chez les chiens présentant des signes d’inflammation systémique secondaire avec
vasodilatation périphérique, altération de la perméabilité capillaire et hypoalbuminémie
concomitante. Les animaux pris en charge en phase d’instauration du choc
hypovolémique et ne montrant pas d’amélioration suite à la perfusion massive de
cristalloïdes sont également des candidats à la perfusion de colloïdes.
L’utilisation de colloïdes permet d’éviter les complications rencontrées avec les
cristalloïdes: leur capacité et leur rapidité d’expansion volumique et leur temps de demivie autorise l’utilisation de faibles volumes de perfusion et diminue l’hémodilution.
L’objectif est alors d’obtenir une pression oncotique supérieure à 17 mm Hg afin de
retenir les fluides dans le milieu intravasculaire sans causer de surcharge volumique. [61]
Leur emploi permet de diminuer les pertes dans le troisième secteur, d’améliorer les
conditions de réanimation et de réduire le temps d’hospitalisation da l’animal.
Les colloïdes permettent d’augmenter la pression oncotique et assurer le remplissage
intravasculaire mais n’apportent ni hématies, ni facteurs de coagulation, ni albumine
(sauf l’albumine humaine). Dans ce cas, une transfusion de sang ou de ses dérivés est
indiquée, mais celle-ci ne peut être considérée comme un moyen d’augmenter la pression
oncotique du sang puisque les produits transfusés ont la même pression oncotique que
celle du plasma du receveur (sauf en cas d’hypoprotéinémie sévère). [61]
Afin de sélectionner le colloïde le plus adapté pour traiter l’état de choc, le clinicien
doit se référer aux caractéristiques des différents solutés disponibles. Dans ce contexte, la
molécule d’albumine peut servir de marqueur de la taille des pores de membranes
capillaires. En situation physiologique, la taille de cette molécule ne l’autorise pas à
passer à travers la membrane capillaire. L’albumine reste alors dans le secteur
intravasculaire et maintient la pression oncotique plasmatique. Si la perméabilité
capillaire est altérée, on observe une fuite de l’albumine dans le secteur interstitiel ce qui
aboutit à une baisse de la pression oncotique plasmatique et l’apparition d’une
hypovolémie et à la formation d’œdème. [60]
Par exemple, chez les animaux présentant une réaction inflammatoire systémique
mais avec une fonction hépatique saine et sans lésion rénale ou gastro-intestinale à
l’origine d’une fuite protéique, le dosage de l’albuminémie plasmatique peut orienter
dans le choix d’un colloïde. En effet, une hypoalbuminémie est alors le marqueur d’une
altération de la perméabilité capillaire autorisant la fuite de molécules de poids
moléculaire au moins équivalent à 69 000 D, hors du secteur intravasculaire. Il est alors
judicieux de perfuser un soluté dont le poids moléculaire est supérieur à 69000 D. En
effet, des solutés de bas poids moléculaire, tel que le dextran 40 ou les GFM, seraient
alors filtrés vers le milieu extravasculaire, entraînant l’eau avec eux et aggravant
l’hypovolémie. Choisir un soluté de haut poids moléculaire permet de s’assurer du
maintien des molécules dans le secteur plasmatique : une perfusion d’HEA (de poids
moléculaire 200 000 D) semble donc adaptée.
161
En raison des avantages et des inconvénients de chaque type de soluté, il apparaît
intéressant de combiner l’utilisation des colloïdes et des cristalloïdes dans la phase de
stabilisation d’un patient en état de choc hypovolémique. En effet, les colloïdes
synthétiques permettent une restauration rapide du volume intravasculaire tout en
diminuant le risque de surcharge volumique interstitielle. Cependant, leur emploi est
conditionné par la possibilité d’attirer les fluides du milieu extravasculaire vers le milieu
plasmatique. L’utilisation de cristalloïdes seuls aurait pour conséquence d’augmenter la
pression hydrostatique intravasculaire, de diminuer d’autant plus la pression oncotique et
de favoriser le passage des fluides vers le milieu interstitiel. [61] Leur emploi en
association avec les colloïdes est au contraire bénéfique voire indispensable pour remplir
le milieu interstitiel et permettre le retour de ces fluides vers le secteur plasmatique via
l’action des colloïdes. L’association des deux solutés assure donc le remplissage du
milieu plasmatique tout en diminuant la surcharge du milieu interstitiel et donc les
risques d’oedèmes. La quantité de cristalloïdes doit alors être diminuée de 40 à 60% par
rapport à l’administration seule de cristalloïdes. [61]
Si l’hypoalbuminémie est sévère (< 20 g/L), l’administration de plasma est
nécessaire afin d’assurer les fonctions de transport de l’albumine (transport des
électrolytes, des hormones et des médicaments). [60, 61] L’albumine d’origine humaine
réponde parfaitement à cette indication mais son emploi est limité par son coût très élevé
et sa difficulté d’accès (réservé aux milieux hospitaliers).
Il est important de tenir compte des propriétés des différents colloïdes mis à
disposition mais également de leur coût et de leur disponibilité sur le marché français. A
l’heure actuelle, il semble que parmi les colloïdes synthétiques, les GFM et les dextrans
soient progressivement abandonnés au profit des HEA de bas poids moléculaire. En
effet, ce soluté semble présenter les mêmes avantages que les autres (restauration rapide
du volume intravasculaire dans les phases initiales et les phases de maintenance de
gestion du choc, faible volume à administrer) en présentant le moins d’effets
secondaires. En effet, le poids moléculaire moyen permet d’apporter le meilleur
compromis entre le pouvoir d’expansion volumique et sa durée d’action. D’autre part, la
distribution de la taille des molécules permet de réduire l’augmentation de la
perméabilité vasculaire. [51] Les effets rapportés sur l’hémostase ne doivent pas limiter
leur emploi dans l’urgence, car ceux-ci semblent plus théoriques que pratiques. Il semble
que ces effets soient dus aux molécules de large taille qui s’accumulent après des
administrations répétées. Afin de diminuer l’incidence de ces complications, certains
auteurs recommandent d’apporter chez les animaux à risque des facteurs de coagulation
supplémentaires par le biais de plasma frais congelé. D’autre part, l’adjonction de
desmopressine peut être intéressante chez les patients ayant reçu de l’HEA afin
d’augmenter l’activité du facteur VIII C. [51]
162
Figure 36 : PHASE DE COMPENSATION DU CHOC (STADE CLINIQUE II)
EXAMEN CLINIQUE
Etat de conscience : diminué
Muqueuses : pâles
FC : N à élevée (grand CN >140, petit CN >160)
TRC>2s
PAM < 80 mmHg et pouls faible
EXAMEN PARACLINIQUE
Ht > 15-20%, Ptot >40- 45 g/L, Alb >18 g/L
OUI
NON
Perfusion HEA 10 mL/kg (IV) en 10-15 min
+ CRISTALLOIDES ISOTONIQUES 20-30 mL/kg (IV) en 20 min
--------------------------------------------------------------------------------------Protocole analgésique
EXAMEN CLINIQUE
Etat de conscience : N
Muqueuses : roses
TRC<2s
FC : normalisée
PAM > 80 mmHg, pouls frappé
Etat hémodynamique stationnaire ou
dégradation
EXAMEN PARACLINIQUE
Ht > 15%
Ptot >40 g/L
OUI
CORRECTION
DESHYDRATATION
ET PERTES
ADDITIONNELLES
PERFUSION CONTINUE HEA
NON
DOSE CUMULEE PERFUSEE
HEA < 30-40 mL/kg
Cristalloïdes < 90 mL/kg
BESOINS D’ENTRETIEN
Cristalloïdes isotoniques
40-60 mL/kg/j
±
P
R
O
D
U
I
T
S
OUI
S
A
N
G
U
I
N
S
NON
Répéter bolus
HEA 10 mL/kg
en 10-20 min
+
CRISTALLOIDES
ISOTONIQUES
20-30 mL/kg
en 20 min
Dose max J1 : 40 mL/kg
jours suivants : 20 mL/kg/j
VASOPRESSEURS
Contrôle ECG obligatoire
?
# Lors d’hypoprotéinémie ou d’anémie importante avant remplissage vasculaire, privilégier l’emploi des colloïdes et
limiter le volume total de cristalloïdes en première intention.
163
4.3. Phase de décompensation du choc (figure 37)
Si la situation clinique est très critique et que le pronostic vital semble
immédiatement engagé, le choix du soluté se porte alors sur le sérum salin hypertonique
en première intention. En effet, cet emploi permet une restauration très rapide du volume
intravasculaire (pouvoir d’expansion volumique de 400% atteint en 30 minutes) en
administrant de très faibles doses (2 à 6 mL/kg) mais leur durée d’action impose de
prendre le relais rapidement avec d’autres solutés (colloïdes pour la prolongation de
l’effet et cristalloïdes pour correction de la déshydratation). [96]
Leur utilisation nécessite impérativement un état d’hydratation correcte et sont donc
plus adapté dans le cas d’une hypovolémie d’apparition brutale qu’associée à une
déshydratation non traitée entraînant une déplétion du compartiment extravasculaire.
L’emploi de ce type de soluté doit être rapidement relayé par la perfusion de
colloïdes afin de maintenir dans le temps l’expansion volémique. D’autre part, cette
combinaison semble plus efficace pour maintenir le débit cardiaque et la pression
artérielle que l’utilisation du sérum salin hypertonique ou du colloïde seul. [97] Une
perfusion de cristalloïdes est maintenue parallèlement afin d’assurer le remplissage du
compartiment interstitiel. [28]
Cette association est particulièrement recommandée pour la gestion des chiens
présentant un trauma crânien ou des contusions pulmonaire, situations dans lesquelles le
risque d’œdème est majoré. [28]
164
Figure 37 : PHASE DE DECOMPENSATION DU CHOC (STADE
CLINIQUE III)
EXAMEN CLINIQUE
Etat de conscience : diminué, confusion, stupeur, coma
TRC >> 2s
FC : N à diminuée
Muqueuses : pâles à cyanosées
PAM < 80 mmHg et pouls filant à absent
ACR IMMINENT
(bradypnée, bradycardie, stupeur à coma)
NON
OUI
SSH 2 mL/kg (IV) en 5 min
Débit max: 1 mL/kg/min
Débuter RL 30 mL/kg (IV) en 20 min
DésH20 majeure (>8%)
NON
OUI
EXAMEN CLINIQUE
Etat hémodynamique
stationnaire
ou dégradation
Amélioration
EXAMEN PARACLINIQUE
Ht > 15-20% Ptot >40- 45 g/L Alb >18 g/L
NON
RELAI IMMEDIAT
HEA 10 mL/kg (IV)
en 10-15 min
+
CRISTALLOIDES
ISOTONIQUES
30 mL/kg
en 20-30 min
OUI
Natrémie < 160-165 mmol/L
NON
Prévoir
PRODUITS
SANGUINS
OUI
Répéter bolus SSH
2 mL/kg (IV) en 5 min
Dose max cumulée: 6-8 mL/kg
(considérer natrémie et DésH20
initiales)
+
RL 30 mL/kg (IV) en 20 min
Suivre le protocole correspondant au stade clinique II
165
5. Modalités d’administration des solutés
5.1. Voies d’administration
Un remplissage vasculaire efficace nécessite des voies veineuse périphériques ou
centrales ou encore une voie intra-osseuse.
Lorsqu’on utilise une voie veineuse périphérique, plusieurs cathéters courts et de
gros calibres sont nécessaires afin de diminuer les résistances au flux. D’après la loi de
Poiseuille, doubler le diamètre interne d’un cathéter permet de multiplier par 16 le débit.
Les veines céphaliques et saphène latérale sont habituellement utilisées dans cette
optique. L’utilisation de poches de contre-pression peut être intéressante pour augmenter
le débit de perfusion. [28, 89]
Cependant, la mise en place de cathéters périphériques n’est pas toujours évidente
chez des patients hypovolémiques, d’autant plus si ceux-ci sont jeunes ou obèses. Si la
pression pulsatile est trop faible pour arriver à distinguer la veine, il est possible de
réaliser un dénudement de celle-ci.
L’administration de fluides par voie sous-cutanée ou voie intrapéritonéale n’est pas
adaptée au traitement d’un état de choc : en effet la vasoconstriction périphérique réduit
a quantité et le temps d’absorption des fluides perfusés par ces voies. [28]
S’il est difficile d’accéder à une voie vasculaire, la mise en place d’un cathéter
intraosseux doit alors être envisagée au niveau de la fosse du trochanter, de la crête
iliaque ou de l’aile de l’ilium. Cette voie de perfusion permet d’accéder directement à la
circulation systémique et ne subit pas de collapsus lors de choc hypovolémique. [39] Des
études chez des chiots ont montré que le débit de perfusion maximal des cristalloïdes lors
de l’utilisation d’un cathéter intraosseux était de 29 mL/min, ce qui est trop lent pour le
traitement d’un choc hémorragique. Par conséquent cette voie doit être utilisée pour
l’administration de solutés nécessitant de moindres volumes tels que les colloïdes. Les
risques d’ostéomyélite sont pratiquement inexistants mais il est rapporté que
l’administration de NaCl 7,5% par cette voie pourrait provoquer une nécrose de la
moelle osseuse et des lésions endostées. [79]
La pose d’un cathéter veineux central en urgence nécessite un délai plus long,
présente plus de risques infectieux et la longueur du cathéter diminue le débit disponible.
Cette voie n’est pas utilisée comme voie d’abord pour la réalisation de la fluidothérapie
mais pour la surveillance de la pression veineuse centrale. Sa mise en place est donc
généralement reportée après la réalisation des premiers gestes d’urgence.
5.2. Débit de perfusion
L’hémodynamique des fluides au sein des différents compartiments varie selon l’état
d’avancement du choc. Les jonctions endothéliales des membranes capillaires peuvent
s’ouvrir lors de la reperfusion des tissus hypoxiques, augmentant ainsi la perméabilité
capillaire et favorisant la fuite des protéines. La libération de médiateurs de
l’inflammation lors de la réponse inflammatoire systémique et l’action de cytokines
diverses contribuent à augmenter cette perméabilité capillaire et favorisent par
166
conséquent le passage d’eau vers le secteur interstitiel. Un volume intravasculaire
adéquat doit donc être restauré et maintenu jusqu’à ce que les effets de la cascade de la
réaction inflammatoire soient résiliés, tout en évitant une surcharge hydrique du milieu
interstitiel. [61]
La quantité de fluides à administrer dépend du statut hémodynamique, de l’état de
déshydratation et des pertes rencontrées et à venir. Il n’est pas aisé de connaître la
quantité de sang ou de fluides perdue par l’animal (hémorragie externe ou interne, pertes
dans un troisième secteur…). Cependant, la mise en évidence d’un troisième secteur et la
quantification de son volume (par ponction du liquide d’épanchement), est intéressante
pour déterminer le volume de fluides nécessaire à la réanimation. [61]
A moins que le chien présente une hémorragie interne, des contusions pulmonaires,
une défaillance cardiaque ou un trauma crânien, l’administration rapide d’un premier
bolus de colloïdes est indiquée afin de restaurer le plus rapidement possible le volume
intravasculaire. Un bolus de 10 mL /kg d’HEA est administré par voie intraveineuse en
10 à 15 minutes selon la gravité de la situation. Parallèlement, les cristalloïdes sont
perfusés dans un premier temps à un débit de 20-30 mL/kg afin de restaurer les déficits
interstitiels sur une période de 20 minutes.
Si l’animal souffre d’une hémorragie interne non jugulée, de contusions pulmonaires
ou d’un traumatisme crânien, il est conseillé d’utiliser des volumes plus faibles dans un
premier temps : un premier bolus de colloïdes (10 mL/kg) est administré en 10 à 15
minutes. L’état clinique de l’animal est alors réévalué et le bolus peut être répété jusqu’à
amélioration des paramètres cliniques estimant la perfusion tissulaire. Afin de minimiser
les risques d’extravasation des fluides vers le cerveau ou les poumons et de destruction
de caillots préformés, la quantité minimale de colloïdes nécessaire à restaurer le volume
intravasculaire doit être perfusée. [60] En effet, l’augmentation de pression artérielle
engendrée par l’emploi de ces solutés peut déstabiliser un caillot déjà formé et précipiter
de nouveaux saignements. [97] Immédiatement après obtention de l’effet clinique
escompté grâce à ces bolus répétés, l’animal est maintenu sous une perfusion continue de
colloïdes. Ceci permet d’aider à maintenir une pression oncotique, une pression de
perfusion et une pression artérielle minimale alors que la perte de protéines peut perdurer
si l’hémorragie n’est pas contrôlée. [60]
Si une transfusion de sang ou de dérivé sanguin est jugée nécessaire, la perfusion de
colloïdes doit être discontinuée durant la transfusion et le débit de perfusion des
cristalloïdes diminué afin d’éviter l’apparition d’une surcharge vasculaire. [60]
L’administration d’albumine 4% est indiquée à la posologie de 10 à 20 mL/kg à une
vitesse de perfusion maximale. [28]
Le NaCl 7% est utilisé en bolus rapide unique de 2 à 4 mL /kg sans dépasser la
vitesse de 1 mL/kg/min. [28] Des bolus de 2 mL/kg peuvent être répétés selon la réponse
du patient. Si la dose totale dépasse 6 à 8 mL/kg, il est conseillé de doser la natrémie
avant de répéter l’administration. Le soluté hypertonique isooncotique (HYPERHES ®)
est administré à la posologie de 4mL/kg en bolus. Toute administration de soluté salin
hypertonique doit être suivie de la perfusion d’un soluté isotonique à la posologie de 20
mL/kg/h pendant plusieurs heures afin de permettre l’expansion volumique. [91]
167
Si une perfusion de cristalloïdes seuls est instaurée isolément, la dose initiale
recommandée est de 90 mL/kg/h chez le chien durant la première heure de réanimation.
[28] Ce volume correspond à la volémie totale chez un animal sain. Cependant le temps
d’administration nécessaire, notamment chez un chien de grand format, les troubles de
l’hémostase secondairement à l’hémodilution engendrée et le développement potentiel
d’œdème sont autant de complications potentielles qui amènent à réduire ce volume de
perfusion en pratique. Ainsi, on recommande l’administration de 30-50 mL/kg le plus
rapidement possible (idéalement en 10 à 30 minutes) pour la gestion initiale du choc. Si
ces fluides sont administrés trop lentement, il risque de se produire un équilibre entre
l’espace intravasculaire et l’espace interstitiel avant d’avoir pu observer une restauration
effective du volume intravasculaire. Il existe des systèmes d’administration de fluides
sous pression qui permettent d’augmenter le débit de perfusion. [28, 89]
5.3. Surveillance et prévention des complications
5.3.1. Température
Le réchauffement des perfusions est nécessaire lorsque le remplissage vasculaire est
massif, et pour la transfusion de produits sanguins, qui sont conservés à 4°C. Il permet
d'obtenir un débit de perfusion plus élevé et d'éviter l'hypothermie et ses complications
propres.
5.3.2. Suivi de laboratoire
Il est important de noter que le réfractomètre ne reflète pas la concentration effective
en protéines totales des colloïdes synthétiques. L’HEA et le dextran 70 ont une
concentration d’environ 45 g/L au réfractomètre. Lors de leur utilisation, la
concentration plasmatique rejoint celle du colloïde. Ainsi, chez un animal dont la
concentration initiale est inférieure à 45 g/L, l’administration de colloïdes augmente cette
concentration jusqu’à une valeur proche de 45 g/L et inversement chez les animaux dont
la concentration initiale est supérieure à 45 g/L. Cela peut induire en erreur le clinicien
dans son interprétation d’une diminution de la concentration en protéines totales comme
une indication à l’administration de plus de colloïdes. Pour le suivi de l’efficacité de
l’administration des colloïdes, seule une mesure de la pression oncotique plasmatique
peut être considérée comme satisfaisante. [51]
5.3.3. Surveillance des complications
La survenue d'un œdème pulmonaire doit être redoutée et recherchée au cours de tout
remplissage vasculaire, par l'auscultation pulmonaires et la réalisation de clichés
radiographiques pulmonaires. La découverte d’un œdème pulmonaire conduit à l'arrêt,
au moins momentané, du remplissage vasculaire, à la prescription d'amines
sympathomimétiques inotropes positives et, en cas d'échec, à la mise en œuvre d'une
surveillance hémodynamique. Il peut être également parfois nécessaire d’effectuer un
traitement spécifique classique de cet œdème pulmonaire.
168
La surveillance comporte également la recherche des signes d'intolérance liés aux
produits de remplissage vasculaire et particulièrement, avec les produits colloïdaux, de
manifestations de type allergique qui doivent faire procéder immédiatement à l’arrêt et
au changement de produit de remplissage.
5.3.4. Cas des hémorragies non jugulées (figure 38)
Lors d’hémorragie, la restauration d’une perfusion tissulaire au niveau des organes
vitaux est un objectif prioritaire et fait intervenir le remplissage vasculaire. Cependant,
cette démarche ne doit pas retarder le traitement étiologique, notamment en cas
d’hémorragie aigue persistante.
La démarche thérapeutique en cas d’hémorragie aigue non contrôlée se prête à de
nombreuses controverses à l’heure actuelle. En effet, si le rétablissement d’une perfusion
tissulaire correcte est indispensable pour la survie des organes vitaux, l’augmentation de
PAM, du débit cardiaque et l’hémodilution consécutive à un remplissage vasculaire
agressif peut entraîner une majoration des saignements par majoration de la pression
artérielle et diminution de la coagulation. Une étude a montré que le remplissage
vasculaire réalisé avant l’hémostase chirurgicale est associé à une majoration du
saignement et à une diminution de la survie. Cependant, la présence d’une hypotension
artérielle majeure met en jeu le pronostic vital du patient et majore le risque anesthésique
lors de la réalisation de l’acte chirurgical. [11]
Certains auteurs recommandent la réalisation d’une réanimation aboutissant à une
hypotension contrôlée (ou réanimation liquidienne retardée), permettant une
amélioration de la volémie, de la PAM et du débit cardiaque sans atteindre des valeurs
physiologiques. [43, 59] L’objectif thérapeutique est alors de maintenir une PAM juste
au dessus de 60 mmHg. [10]
D’autre part, le choix du soluté est délicat dans ces situations : les colloïdes ont un
pouvoir d’expansion plasmatique plus important et permettent de réaliser un
remplissage vasculaire plus rapide en administrant un volume réduit par rapport aux
cristalloïdes. Cependant, chez un patient souffrant d’une hémorragie continue, le colloïde
peut passer par des brèches vasculaires non colmatées, et diffuser dans le compartiment
interstitiel. L’effet osmotique du colloïde s’exerce alors dans le compartiment
extravasculaire et aggrave la situation en attirant l’eau du secteur plasmatique. Cette
situation est d’autant plus dramatique si l’hémorragie se situe au niveau cérébral ou
pulmonaire. L’utilisation de soluté hypertonique conduit au même type de
contradictions. [10]
Cependant, dans le cas d’une hémorragie interne non jugulée, il semble raisonnable
d’administrer en première intention un bolus d’HEA (5 mL/kg IV en 10 min) associé à
une perfusion de cristalloïdes isotoniques (20-40 mL/kg en 20-30 minutes). Cette période
doit être mise à contribution pour trouver un donneur sanguin ou mettre à température
adéquate du sang réfrigéré, et préparer l’animal pour une exploration chirurgicale. [28]
169
Figure 38 : CHOC HYPOVOLEMIQUE (stades II-III)
SUITE A UNE HEMORRAGIE AIGUE
REANIMATION INITIALE
Rétablissement de paramètres hémodynamique
compatibles avec la survie immédiate
SI ACR IMMINENT
SSH : 2-4 mL/kg, dose cumulée < 6-8mL/kg
Si réalisable : CONTROLE DE L’HEMORRAGIE
PERTES SANGUINES > 20% volémie
± Ht < 15-20%, Ptot < 40-45 g/L, Alb <18-20 g/L
Ionogramme
BOLUS HEA 10 mL/kg (IV) en 10-15 min
+
CRISTALLOIDES ISOTONIQUES 20-30 mL/kg en 20 min
EXAMEN CLINIQUE
PAM < 60 mmHg
PAM > 60 mmHg
DOSE CUMULEE PERFUSEE
TRANSFUSION SANG TOTAL
H EA< 30-40 mL/kg
Cristalloïdes < 90 mL/kg
Qté= [Ht souhaité –Ht receveur] x 70/ Ht donneur
Ou 10-20 mL/kg
+
NaCl entretien durant la transfusion
OUI
NON
VASOPRESSEURS
Contrôle ECG
obligatoire
EXAMEN CLINIQUE
Etat de conscience : N
Muqueuses : roses
TRC<2s
FC : normalisée
PAM > 80 mmHg
Etat de conscience : N à diminué
Muqueuses : rosées à pâles
TRC >2s
FC : N ou diminuée
PAM < 80 mmHg et pouls faible
VASOPRESSEURS
+ HEA (< 40mL/kg/j)
CORRECTION DESHYDRATATION et PERTES ADDITIONNELLES
Perfusion D’ENTRETIEN : Cristalloïdes isotoniques 40-60 mL/kg/j
# Hémorragie interne non jugulée : mêmes procédures mais mise en place d’un plan de
réanimation liquidienne aux objectifs hémodynamiques limités, PAM = 60-70 mmHg.
# Lors d’hémorragie interne, toute dégradation hémodynamique rapide et significative malgré
l’instauration du remplissage vasculaire, doit faire envisager une correction chirurgicale précoce.
170
V. RETABLISSEMENT DE L’OXYGENATION TISSULAIRE
Le but de la fonction cardiovasculaire est avant tout l’oxygénation tissulaire. La prise
en charge d’un animal en situation de choc hypovolémique consiste à corriger la volémie
mais également à améliorer le transport de l’O2.
Cette correction peut nécessiter l’apport de molécules de transport de l’O2 à
l’animal : le choix s’oriente alors vers la transfusion de sang total ou vers des dérivés
d’hémoglobine. Les concentrés érythrocytaires disponibles en médecine humaine pour
assurer un apport exclusif en hématies ne sont pas traités ici du fait de leur très faible
disponibilité en médecine vétérinaire.
1. Apport d’O2
Afin d’optimiser le transport de l’oxygène, celui-ci doit être administré à débit
important et à forte concentration afin de saturer en oxygène l’hémoglobine encore
disponible. La supplémentation en O2 est nécessaire même si les paramètres de
laboratoire sont dans les valeurs usuelles : en effet, lors d’un choc, la consommation en
02 de l’organisme est souvent supranormale.
Certains facteurs inhérents au choc agissent sur l’approvisionnement d’O2 aux
tissus : ainsi, l’acidose métabolique souvent présente lors de choc hypovolémique,
facilite la délivrance d’O2 aux tissus par déplacement de la courbe de dissociation de
l’hémoglobine. De plus, l’hémodilution provoquée par la fluidothérapie favorise le
transport de l’hémoglobine dans la microcirculation.
L’apport initial s’effectue par une supplémentation par masque ou par technique du
« flow-by ». Selon la taille et la coopération de l’animal, cette supplémentation peut être
relayée par la mise en place d’une sonde nasale, d’une collerette à O2 ou en plaçant le
patient dans une cage à O2. Si l’animal est inconscient et présente des signes
d’épuisement ventilatoire ou d’insuffisance respiratoire, l’intubation endotrachéale est
indiquée. [28]
2. Correction des capacités de transport de l’O2
2.1. Transfusion sanguine
2.1.1. Indications
Lors d’hémorragie, l'apport d'oxygène aux tissus est abaissé par deux mécanismes: la
baisse du retour veineux comme pour les autres hypovolémies et la baisse de
l'hémoglobine qui est le principal transporteur d'oxygène. Cette situation peut évoluer de
manière aiguë ou lors de pertes chroniques importantes, notamment lors de saignements
gastro-intestinaux. Le statut de choc hémorragique apparaît quand les pertes sont
supérieures à 30% de la masse sanguine.
171
L’analyse sanguine permet de mettre en évidence une chute de l’hématocrite (<20%)
et une diminution de l’Hb (<5g/dL). Cependant, lors de perte aiguë, l’hématocrite
demeure dans des valeurs physiologiques dans un premier temps (8 à 12 heures) du fait
du relargage de globules rouges par splénocontraction. On observe parallèlement une
diminution de la protéinémie sérique par redistribution des fluides du secteur
extravasculaire vers le secteur plasmatique. [69]
Par conséquent, l’indication de la transfusion érythrocytaire ne peut s’appuyer sur la
seule mesure de l’hématocrite (Ht) ou de la concentration en hémoglobine (Hb).
L’objectif de correction de l’anémie vise l’amélioration d’un indice pronostique
(transport d’oxygène abaissé, extraction augmentée, acidose lactique, ischémie
myocardique...). Un ensemble de données cliniques et de laboratoire mettant en évidence
une hypoxie tissulaire doit être pris en compte. Autrement dit, un taux d’hémoglobine
bas n’est plus une indication transfusionnelle en soi et, de plus, aucune valeur seuil isolée
du contexte clinique ne peut être proposée. La normalisation de l’Hb est un objectif
insuffisant : c’est le statut physiologique du malade qui devient prépondérant dans la
prise de décision de transfuser. [28, 40]
La plupart des animaux peuvent tolérer une perte sanguine égale à 10 à 15% de la
volémie sans avoir recours à une transfusion sanguine. Si cette perte dépasse 20%, une
transfusion doit être mise en œuvre parallèlement à une thérapeutique liquidienne
adaptée à la situation clinique. Une perte supérieure à 50% assombrit nettement le
pronostic. [28]
Le sang total permet également l’apport de protéines capables de rétablir ou
d’améliorer la pression oncotique, de plaquettes et de facteurs de coagulation. Chez des
patients victimes d’une hémorragie aiguë, une transfusion sanguine paraît indiquée si
l’hématocrite est inférieur à 20% et la protéinémie inférieure à 40g/L [69], ou lors de la
mise en évidence d’une anémie lors du remplissage vasculaire : un hématocrite inférieur
à 20% restreint le volume de soluté pouvant être perfusé ce qui compromet l’efficacité de
la réanimation. Lors d’affection chronique, il est possible (en fonction de l’état clinique
de l’animal), de n’effectuer la transfusion que si l’hématocrite chute en dessous de 15%.
[28]
Par ses propriétés, le sang permet un rétablissement de la volémie, de la pression
artérielle et du volume d’éjection systolique. Cependant, il contribue à l’apparition d’une
hyperviscosité sanguine qui favorise la stase périphérique et affecte ainsi la reprise de la
perfusion périphérique. Afin de diminuer ces effets néfastes, le sang est administré en
parallèle avec une solution de NaCl isotonique qui fluidifie le sang.
La plupart du temps, une perfusion de cristalloïdes, de colloïdes ou de soluté salin
hypertonique est mise en œuvre car le sang total ou les produits sanguins ne sont pas
disponibles immédiatement. Durant cette période, il est nécessaire de déterminer
l’origine et de contrôler les pertes sanguines internes ou externes afin que la transfusion
ultérieure soit efficace. [28]
172
2.1.2. Précautions, voies et rythme d’administration
Précautions d’administration
Plusieurs précautions doivent être prises avant d’administrer du sang (ou un de ses
dérivés) à un patient afin de limiter les risques de réaction transfusionnelle. Un test de
compatibilité sanguine devrait toujours être effectué avant la transfusion, et est
obligatoire si le patient a déjà reçu une transfusion ou s’il s’agit d’une femelle gestante.
Les réactions transfusionnelles dues à une incompatibilité sanguine peuvent survenir dés
les premières minutes de la transfusion (jusqu’à quelques semaines) ce qui justifie une
surveillance clinique rapprochée. [62]
Si on utilise du sang non frais, la date de péremption doit être vérifiée avant
utilisation. Il convient d’avoir à l’esprit que les propriétés de transport de l’oxygène par
les globules rouges conservés diminuent avec la durée de conservation. En effet, dans le
sang conservé, le métabolisme du globule rouge se ralentit et on observe une diminution
rapide du 2-3 DPG avec diminution du stock d’adénosine triphosphate. Lorsque le 2-3
DPG est bas, la courbe de dissociation de l’hémoglobine est déviée vers la gauche ;
l’affinité de l’Hb pour l’O2 est grande, donc la libération aux tissus est faible, d’où le
risque d’hypoxie tissulaire. En pratique, il est souhaitable au cours d’une transfusion
massive en urgence d’avoir recours à des concentrés érythrocytaires dont la durée de
conservation est la plus courte possible. [40]
L’utilisation d’un perfuseur spécifique muni d’un filtre est indispensable, afin de
prévenir le passage d’éventuels caillots. [80]
Si le sang est conservé au réfrigérateur, il convient de le réchauffer avec précaution
avant administration. [80]
Le temps est souvent un facteur limitant lors de la prise en charge d’un patient
présentant une hémorragie aigue non jugulée. Il n’est donc pas toujours possible
d’effectuer un crossmatch ou de ramener le sang à température adéquate avant d’entamer
la transfusion sanguine, ce qui majore les risques.
Voies et rythme d’administration
Le sang est administré par voie intraveineuse ou intraosseuse. La quantité de sang à
transfuser est usuellement définie par formule mathématique qui prend en compte
l’hématocrite désiré, l’hématocrite du receveur et celui du donneur. [80]
Volume (mL) = [PV x (Hb désirée –Hb receveur ) x70]/ Hb donneur
PV en kg, Hb en g/dL
Cependant, lors d’hémorragie aigue, on n’observe pas immédiatement de
modification de l’hématocrite du patient alors que les signes cliniques indiquent le
besoin d’une transfusion.
173
La quantité de sang à perfuser peut être estimée à partir du pourcentage de pertes
observées ou suspectées mais cette technique manque de précision : une surveillance
clinique très rapprochée s’impose alors lors de la transfusion pour éviter toute surcharge
volémique ou hypocalcémie si le volume nécessaire à été surestimé. [28]
Idéalement, la transfusion doit être effectuée sur une période de 2 ou 3 heures afin de
limiter le risque de réaction transfusionnelle, le risque infectieux et celui de surcharge
volumique. La vitesse maximale de transfusion recommandée en théorie est de 22
mL/kg/h. Cependant certaines situations mettant en jeu le pronostic vital peuvent
conduire à administrer ces produits plus rapidement. [28, 89]
2.1.3. Effets secondaires potentiels
Lors de transfusion sanguine, il existe un risque de transmission de maladies virales,
de contamination bactérienne, de micro-embolies et d’hyperviscosité sanguine
préjudiciable à la circulation capillaire en cas d’augmentation trop importante de
l’hématocrite. Ce dernier inconvénient est prévenu par l’administration simultanée de
NaCl isotonique. [80]
L’administration de large volume de sang ou de dérivés sanguins peut causer une
hypocalcémie secondaire par liaison du calcium au citrate utilisé comme anticoagulant
dans les poches de transfusion. Il est donc déconseillé d’administrer un produit contenant
du calcium durant le temps de la transfusion afin d’éviter la formation de précipité de
citrate avec le calcium. D’autre part, la calcémie doit être vérifiée, notamment lors de la
réalisation de plusieurs transfusions chez le même animal. [62]
D’autre part, même si la compatibilité sanguine a été vérifiée, toute transfusion doit
être accompagnée d’une surveillance clinique rapprochée de détecter de manière précoce
l’apparition d’un choc anaphylactique. L’augmentation de température, l’apparition de
vomissements ou d’urticaire doivent être recherchées. Si un de ces symptômes est
observé, la transfusion doit alors être immédiatement arrêtée et des anti-inflammatoires
stéroïdiens à dose immuno-suppressive sont administrés.
2.2. Oxyhémoglobine [8, 27, 28]
Lors d’hémorragie massive, le pouvoir oxyphorique du sang est très altéré. Si
l’évaluation clinique indique la nécessité d’une transfusion sanguine et en l’absence de
sang disponible, il est possible d’administrer un soluté de remplacement de
l’hémoglobine afin d’améliorer les capacités de transport de l’O2 au sein de l’organisme
de l’animal.
Nature chimique et métabolisme
La spécialité utilisée en médecine vétérinaire est un dérivé d’hémoglobine d’origine
bovine (Oxyglobin ®).Elle est constituée de 13 g/dL d’hémoglobine polymérisée
ultrapurifiée d’origine bovine, diluée dans un solvant de Ringer Lactate modifié
d’osmolalité 290-310 mOsm/L et de pH 7,8. Les polymères d’hémoglobine ont un poids
174
moléculaire variant entre 65 et 500 000D avec un poids moléculaire moyen de 200 000
D. La viscosité de la solution est inférieure à celle du sang. [8]
La concentration en methémoglobine, forme inactive de l’hémoglobine, est inférieure
à 10%. [49]
Propriétés hémodynamiques
La taille moyenne des molécules autorise ce soluté à assurer une fonction semblable
à celle des colloïdes en restaurant la pression oncotique plasmatique. In vitro, sa pression
oncotique est de 43 mmHg (celle du sang étant de 28 mm Hg) : elle provoque donc une
augmentation du volume intravasculaire bien supérieure à celle induite par le plasma. [8,
28]
La pression partielle en O2 à laquelle 50% de l’hémoglobine issue de l’Oxyglobin ®
est saturée est de 34 mm Hg, ce qui est plus élevée que celle du sang (P50 sang : 28 mm
Hg) : par conséquent, la délivrance de l’O2 aux tissus est facilitée. [8, 28]
Son affinité pour l’O2 est dépendante de la chlorémie et non du 2,3diphosphoglycérate comme les hématies sanguines. [28]
Sa demi-vie est dose dépendante (tableau 12) et généralement de 24 heures aux doses
utilisées. 90% de la dose administrée est éliminée de l’organisme 5 à 7 jours après la
perfusion. [8, 49]
Tableau 12 : Paramètres pharmacocinétiques après administration d’une dose
unique d’Oxyglobin ® [8]
Dose
(mL/kg)
10
15
21
30
Concentration
immédiate posttransfusion (g/dL)
1,5-2,0
2,0-2,5
3,4-4,3
3,6-4,8
Durée (h) :
[Oxyglobin ®]
>1g/dL
11-23
23-39
66-70
74-82
Demi-vie
(h)
18-26
19-30
25-34
22-43
Elimination
plasmatique
définitive (j)
4-5
4-6
5-7
5-9
Effets particuliers
L’Oxyglobin ® est universellement compatible et améliore instantanément les
capacités de transport plasmatique de l’O2 lors de son administration. [8, 28]
L’Oxyglobin ® peut être employée sans crossmatch préalable, ne stimule pas le
système immunitaire, a une durée de conservation élevé par rapport au sang (3 ans) et se
conserve à température ambiante. Sa présence et son activité dans le milieu
intravasculaire est prolongée et améliore le transport en O2 sans qu’une supplémentation
en O2 ne soit nécessaire. [8, 28] Sa faible viscosité facilite son administration par voie
intraveineuse.
175
Cependant, une des limitations à son emploi est le coût actuellement prohibitif de ce
soluté (225 euros la poche de 125 mL).
Indications
Son indication principale est la présence d’une anémie, quelle que soit son origine.
Du fait de ses effets sur la pression oncotique, son utilisation en cas de choc
hémorragique est d’autant plus indiquée puisqu’elle permet de restaurer les capacités de
transport en O2 et aide à rétablir le volume intravasculaire. Cependant, pour que cette
propriété soit réellement effective, le contrôle de l’origine de l’hémorragie doit être
réalisé le plus rapidement possible. [8, 28]
Les transporteurs d’oxygène dérivés de l’hémoglobine sont des solutés qui
permettent d’améliorer le transport de l’oxygène. Ils ne remplissent pas d’autres rôles
assurés par les composants sanguins naturels tels que les fonctions assurées par les
globules blancs, les plaquettes et les facteurs de coagulation et ne constituent donc pas
un soluté de remplacement du sang total.
Effets secondaires
Son utilisation lors d’état de choc est remise en question en raison des effets
secondaires induits. En effet, ce soluté détourne le fonctionnement du système
réticuloendothélial ce qui le détourne de son rôles de protection de l’organisme. [96]
L’Oxyglobin ® peut provoquer une décoloration transitoire des muqueuses, de la
sclère et des urines, dépendant de la quantité et de la rapidité de perfusion. Des troubles
gastro-intestinaux peuvent survenir (vomissements, diarrhée) ainsi qu’une augmentation
de la pression veineuse centrale. Ce dernier point est un atout lors de choc
hypovolémique mais doit être attentivement surveillé si l’animal présente une
cardiopathie. [8, 28]
D’autre part, l’Oxyglobin ® possède des propriétés vasoactives qui aboutissent à une
vasoconstriction associée à une augmentation des résistances périphériques systémiques
et pulmonaires. Le mécanisme d’action n’est pas encore élucidé. [8]
Son utilisation peut interférer avec diverses analyses colorimétriques de certains
paramètres sanguins (concentration en hémoglobine, oxymétrie de pouls, analyse des gaz
sanguins) et nécessite alors l’emploi d’analyseurs spéciaux, ce qui peut gêner le suivi du
patient. Par contre, la numération sanguine, le typage sanguin et la mesure des
concentrations en électrolytes ne semblent pas affectés. [27]
Un suivi clinique du patient recevant de l’Oxyglobin ® est indispensable pour juger
de l’efficacité de la perfusion. Les signes secondaires à l’anémie (augmentation de la
fréquence cardiaque et/ ou présence d’arythmies, augmentation de la fréquence
respiratoire et dyspnée, pouls fémoral bondissant, dépression mentale, intolérance à
l‘exercice…) peuvent rapidement disparaître dés la première heure de perfusion. La
176
durée de la réponse clinique est dépendante de la quantité administrée, de la thérapie
adjacente et de la cause de l’anémie.
Le suivi de laboratoire s’effectue par la mesure de l’hématocrite, qui diminue
rapidement après la perfusion du fait de l’expansion volumique intravasculaire, et du
dosage de l’hémoglobine totale (contenue dans les hématies et dans le plasma) qui
augmente progressivement. Cette dernière mesure nécessite un appareil spécialisé
(hémoglobinomètre). [27]
Posologies recommandées
La dose recommandée est de 10 à 30 mL/kg à une vitesse n’excédant pas 10 mL/kg/h
chez le chien. Sa demi-vie est proportionnelle à la dose administrée : elle est de 24
heures pour une posologie de 15 mL/kg et de 30-40 heures lorsqu’on utilise une
posologie de 30 mL/kg. [8, 27]
Afin d’éviter les risques de surcharge vasculaire, le débit de perfusion recommandé
doit être inférieur à 10 mL/kg/h. [49]
Présentation galénique
Oxyglobin ® est délivrée par le laboratoire BIOPURE sous forme de poches à usage
unique de 60 et 125 mL, prêtes à l’emploi et imperméables à l’oxygène. Elle peut être
conservée à température ambiante ou au réfrigérateur (2-30°C), et ne doit pas être
congelée au risque de dénaturer l’hémoglobine. Le temps de conservation est de 3 ans
mais doit être utilisée dans les 24 heures suivant l’ouverture afin d’éviter les
contaminations bactériennes et l’oxydation de l’hémoglobine en méthémoglobine. [8]
177
VI. EVALUATION DE LA REPONSE THERAPEUTIQUE ET
GESTION DES COMPLICATIONS
En médecine humaine, des recommandations ont été émises par la Société de
Réanimation de la Langue Française (SRLF) concernant les indicateurs du remplissage
vasculaire au cours de l’insuffisance circulatoire. Selon celles-ci, « le bénéfice attendu du
remplissage vasculaire doit être analysé à travers les conséquences générales et
régionales de l’augmentation du volume d’éjection systolique. Il concerne la régression
des signes cliniques d’hypovolémie et l’augmentation de la délivrance en oxygène aux
tissus, authentifiées par la correction d’une acidose lactique et d’une hypotension
artérielle lorsqu’elles sont présentes et par une redistribution favorable des débits
régionaux». [94]
1. Evaluation de l’efficacité du remplissage vasculaire
Les critères d’efficacité du remplissage vasculaire sont à rechercher d’abord dans
l’évolution des signes cliniques qui ont motivé la prescription des solutés de remplissage
(anomalies de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la conscience, de la
diurèse). Leur amélioration puis la disparition de ces signes après un remplissage initial
standardisé, administré en dix à trente minutes, témoigne de l’efficacité du remplissage
dans les situations simples.
Dans un second temps, il convient de s’assurer que la perfusion tissulaire est
optimale, afin d’éviter un phénomène de sous compensation, ou à l’inverse de
surcompensation dont les conséquences, notamment pulmonaires, sont source de
complications Il est alors nécessaire d’utiliser des moyens de surveillance plus invasifs
telles que la mesure de la PVC ou l’analyse des gaz sanguins. [11]
1.1 Correction de l’hypotension artérielle
Un des objectifs de la réanimation est d’obtenir une PAM supérieure à 70-80 mmHg,
valeur permettant d’assurer la perfusion tissulaire des organes critiques tels que le rein et
le cerveau. Cependant, le rétablissement de la PAM ne signifie pas forcément une
normalisation de la volémie. En effet les animaux avec un débit cardiaque faible mais
une vasoconstriction périphérique intense ont une PAM normale alors que le flux
sanguin est dangereusement bas.
En effet, en raison des réponses neuroendocriniennes lors d’établissement d’un état
de choc hypovolémique, il a été montré que la baisse de la PAM ne pouvait être corrélée
à l’importance des pertes sanguines que si celles-ci excédaient 25 mL/kg. Si la spoliation
sanguine est inférieure à cette valeur, il n’existe pas corrélation avec la chute de la PAM.
Celle-ci est en général modérée tant que la perte sanguine est inférieure à 35% : la
modification des autres signes cliniques révélateurs de la perte sanguine prend alors toute
178
son importance. En revanche, lors de l’établissement de la thérapeutique liquidienne, on
observe une normalisation de la PAM avant d’obtenir un rétablissement du volume
sanguin total. Par conséquent, la normalisation de la PAM ne peut être considérée
comme seul critère de l’efficacité du remplissage vasculaire. [11]
Lors d’hémorragie active, la mise en place d’une réanimation liquidienne contrôlée
modifie quelque peu ces objectifs. Afin de maintenir une pression de perfusion minimale
pour les organes vitaux sans aggraver les saignements, le remplissage vasculaire est
effectué afin d’atteindre une PAM légèrement supérieure à 60 mmHg jusqu’à réalisation
de l’hémostase. Lorsque cette valeur est obtenue, les objectifs thérapeutiques sont les
mêmes que lors d’une réanimation « classique ». [44]
1.2 Normalisation de la fréquence cardiaque
Selon l’état de gravité du choc et l’intensité de la réponse sympathique, une
tachycardie ou au contraire une bradycardie peuvent être rencontrées. La bradycardie
représente souvent un facteur pronostic péjoratif de gravité. D’autre part, d’autres
facteurs influencent la fréquence cardiaque de l’animal telles que la douleur, l’existence
d’une endocrinopathie sous-jacente ou l’administration de certaines molécules.
Ainsi, pour être considérées comme un facteur de suivi de l’efficacité de la
thérapeutique mise en place, les variations de la fréquence cardiaque doivent être
interprétées en association avec la PAM. En l’absence d’autres appareils de monitorage,
la normalisation de la fréquence cardiaque associée à une remontée de la PA, chez des
animaux sans cardiopathie, constituent des témoins de l’efficacité du remplissage
vasculaire et autorisent la persistance de celui-ci.
Cependant, ces paramètres ne permettent pas d’apprécier de façon précise la
correction de l’hypovolémie car leur normalisation survient souvent avec la restitution
complète du volume spolié. [11]
1.3 Correction de l’oligurie
L’oligurie ne survient que pour des hypovolémies intenses et /ou prolongées. Elle
est souvent associée à une augmentation de l’osmolalité urinaire et une baisse de la
natriurèse. [11]
Ainsi le suivi des paramètres urinaires doit comprendre la quantification de la diurèse
(> 0,5 mL/kg/h) mais aussi la normalisation des paramètres biologiques des urines pour
conclure à une restauration de la volémie. [11]
L'interprétation de la diurèse doit tenir compte du fait qu'une oligo-anurie persistante
peut traduire non pas la persistance de l'hypovolémie mais l'existence d’une insuffisance
rénale aiguë organique. [84]
179
1.4
Test de remplissage vasculaire
Le suivi des paramètres cliniques permet d’orienter la réanimation quant à
l’efficacité du remplissage vasculaire. Il manque cependant de précision quant à
l’évaluation du besoin exact de l’animal. Seule la mesure des pressions de remplissage
peut permettre d’ajuster de manière minutieuse le volume de fluides nécessaire à la
compensation de l’hypovolémie. [11]
Chez les malades hypovolémiques qui n'ont aucune affection responsable de
discordance entre les pressions de remplissage des ventricules droit et gauche, la mesure
de la PVC est un élément important de la surveillance du remplissage vasculaire.
Afin d’évaluer la capacité de réponse de l’organisme à un remplissage vasculaire
important, un test de remplissage peut être réalisé. Celui-ci consiste à injecter un bolus
de cristalloïdes (20 mL/kg) ou de colloïdes (5mL/kg) en 3 à 5 minutes au chien en
suivant attentivement l’évolution de la PVC.
Chez un animal normovolémique sans cardiopathie sous-jacente, on note une
augmentation modérée de la PVC (+ 2 à 4 cm H2O) qui retourne à une valeur de base
dans les 15 minutes. [29, 46] Cette augmentation ne préjuge en rien de l’efficacité du
remplissage mais traduit une modification effective de la précharge.
Si la PVC n’augmente pas d’au moins 2 à 4 cm H2O dans les minutes qui suivent
l’injection du bolus, cela signifie que le volume vasculaire est réduit [46] : le remplissage
doit être continué (à une vitesse théorique de 60 à 90 mL/kg/h pour les cristalloïdes)
jusqu’à atteindre une augmentation d’au moins 5 cm H2O (ou 3 à 5 mmHg). [46]
Parallèlement, l’évaluation clinique du patient permet aussi d’évaluer l’efficacité du
remplissage (pression artérielle, débit urinaire) : si ceux-ci ne s’améliorent pas, il faut
attendre d’avoir eu une augmentation d’au moins 2 cm H2O de la PVC avant de conclure
à une inefficacité du remplissage vasculaire. [86]
Si la PVC augmente et diminue rapidement, il faut suspecter une diminution du
volume vasculaire associé à une adaptation rapide du tonus vasomoteur suite à l’injection
du bolus. [46] Cependant, la baisse de la PVC ne permet pas de quantifier l’importance
de l’hypovolémie. [11]
Une augmentation significative de la PVC (>4cm H2O) révèle une diminution de la
compliance cardiaque et/ou une augmentation du retour veineux. [46]
Enfin, si le retour de la PVC à une valeur basale est lent (plus de 30 min), une
surcharge volémique doit être envisagée. [46]
Chez un animal hypovolémique, les bolus doivent être répétés jusqu’à atteindre une
valeur de PVC comprise entre 7 et 10 cm H2O qui retombe à un taux basal en l’espace
de 15 minutes Le volume sanguin et le retour veineux sont alors considérés comme
optimaux par rapport à la performance cardiaque. [46] Si la PVC obtenue est supérieure
à 10-12 cm H20, le risque d’œdème pulmonaire est accru, la pression pulmonaire
veineuse étant de 12-15 cm H2O.
180
Chez les chiens atteints de cardiopathie ou d’insuffisance rénale, la surveillance de la
PVC permet d’éviter une surcharge volémique lors de remplissage vasculaire :
l’évaluation régulière de la PVC (toutes les 2 à 8 heures) permet d’adapter le débit de la
perfusion. [46]
Le remplissage vasculaire peut être poursuivi sans recours à un autre moyen tant que
la fréquence cardiaque reste supérieure et tant que la pression artérielle et la PVC restent
inférieures aux valeurs recherchées. [84] Une analyse isolée de la PVC ne montre que
peu d’intérêt alors que son évolution dans le temps permet d’évaluer l’efficacité du
remplissage vasculaire et surtout de prévenir l’apparition d’une surcharge vasculaire
chez les patients à risque. La diminution de sa valeur signale l’inefficacité de cette
thérapeutique mais ne permet pas de quantifier l’importance de l’hypovolémie : le suivi
de la PAM semble alors plus adapté pour l’évaluation de ce paramètre. [11]
1.5 Evaluation de l’oxygénation tissulaire
L’analyse des variables physiologiques reflétant l’oxygénation cellulaire permet de
calculer le contenu artériel et veineux en oxygène.
Le suivi de l’oxymétrie de pouls, la réalisation répétée des gaz du sang artériel et
veineux et la mesure du taux d’hémoglobine permettent d’évaluer la réponse de
l’organisme aux premières mesures de réanimation. Ces examens doivent être répétés
jusqu’à obtenir une normalisation et une stabilisation des paramètres à des valeurs
correspondantes aux objectifs thérapeutiques.
Des études chez l’homme ont montré que la normalisation de ces paramètres, voire
l’obtention de valeurs supra normales dans les premières 24 heures, permettrait de
réduire la morbidité et la mortalité chez des patients victimes de traumatismes sévères.
Cependant, ces résultats restent discutés à l’heure actuelle et ne peuvent être considérés
comme une finalité dans le traitement du choc hypovolémique. [11]
1.6
Suivi des animaux présentant une hémorragie active
Les animaux présentés pour hémorragie aiguë et ayant reçu une transfusion sanguine
doivent faire l’objet d’un suivi très précis. Il est conseillé de renouveler régulièrement les
mesures de l’hématocrite et de la protéinémie sérique. Celles-ci doivent rester stables
après la transfusion et la fluidothérapie Si celles-ci diminuent et que l’état clinique du
chien se détériore, une laparotomie exploratrice doit être rapidement mise en œuvre afin
de réaliser l’hémostase nécessaire. [69]
2. Adaptation de la fluidothérapie
Après la phase initiale de restauration de la volémie, la fluidothérapie doit être
maintenue afin de restaurer les déficits hydriques (correction de la déshydratation),
d’assurer les besoins journaliers (maintenance) et de compenser les pertes à venir (perte
contemporaines). [39]
181
2.1. Correction de la déshydratation
La thérapeutique liquidienne vise à restaurer la perfusion tissulaire mais également à
rétablir un état d’hydratation correcte. L’hydratation correspond au contenu hydrique des
compartiments extravasculaires. L’état de déshydratation s’évalue par la présence de la
persistance du pli de peau cutané, la sécheresse des muqueuses, l‘enfoncement des
globes oculaires et la sécheresse cornéenne et est estimé en pourcentage du poids
corporel initial. La déshydratation intracellulaire entraîne une augmentation de
l’osmolalité intracellulaire : l’eau diffuse lors du secteur interstitiel et intravasculaire
vers les cellules. Une déshydratation importante résulte par conséquent en une
diminution de la perfusion du fait de la déplétion volémique du secteur intravasculaire
vers les autres secteurs. [61]
La quantité de soluté à administrer par jour est calculée à partir de la formule
suivante :
Thérapeutique liquidienne de réhydratation (mL)
= Poids Vif (kg) x % de déshydratation x 1000
L’état clinique de l’animal doit être réévalué fréquemment afin de décider si la
thérapeutique liquidienne de réhydratation doit être maintenue. Si les paramètres
cliniques se normalisent et que le poids corporel est stabilisé, celle-ci peut être arrêtée.
Un animal déshydraté augmente de poids jusqu’au rétablissement d’un état d’hydratation
correct puis sa courbe pondérale doit se stabiliser. Si sa charge pondérale augmente
malgré un état clinique correspondant à un état d’hydratation normale, une
surhydratation ou l’accumulation de fluides dans un troisième secteur doit être suspecté.
Les autres signes d’hyperhydratation sont un retour du pli cutané plus rapide que la
normale, la formation d’œdème périphérique, la présence de râles pulmonaires,
d’épanchement pleural ou péritonéal. [39]
2.2. Apport des besoins de maintenance [39]
Les solutés de maintenance visent à apporter l’eau perdue lors de fonctionnement
normal de l’organisme. Les pertes insensibles comprennent les pertes par la
transpiration, la ventilation, l’évaporation par les muqueuses et sont estimées à environ
20 mL/kg/j. Les pertes urinaires chez un animal sain sont évaluées à 1-1,5 mL /kg/h ce
qui correspond environ à 35 à 45 mL/kg/j. Ceci doit être ajusté en fonction de l’animal
ou peut être calculé de manière plus précise en mesurant le débit urinaire si un système
de collection des urines est mis en place.
Au final, chez un chien dont la fonction urinaire est normale, l’apport en fluides
maintenance doit être d’environ 55 à 65 mL/kg/j.
Cette quantité doit être réajustée quotidiennement selon la réponse clinique et l’état
d’hydratation. Si l’animal est anurique, seules les pertes insensibles doivent être
corrigées, afin d’éviter une surhydratation. Chez les animaux oliguriques (ou au contraire
poly-uriques), il est préférable de quantifier le débit urinaire afin d’administrer la dose
exacte de fluides nécessaires. Ceci permet d’éviter la surhydratation lors d’oligurie (ou
182
de déshydratation lors de phase polyurique) et d’éviter l’apparition d’une déshydratation
(surhydratation) quand le débit urinaire se normalise.
2.3. Correction des pertes additionnelles [39]
En dehors des pertes dues au fonctionnement physiologique de l’organisme, l’animal
peut présenter des pertes hydriques additionnelles lors de vomissement, de diarrhée,
d’hyperventilation, de saignements et de brûlures cutanées. Celles-ci doivent alors être
estimées le plus précisément possible et ajoutées à la fluidothérapie de maintenance et de
réhydratation.
Pour compenser ces pertes, des solutés isotoniques au plasma, comme les
cristalloïdes, sont utilisés. La réhydratation est assurée par les mouvements d’eau du
secteur intravasculaire au secteur interstitiel puis au secteur intracellulaire. Les fluides
doivent être administrés sur une période de 24 heures, ce qui permet l’installation d’un
équilibre entre le secteur intravasculaire et intracellulaire. Sinon, il existe un risque de
surcharge du secteur interstitiel avec l’apparition de complications (œdème sous-cutané
ou pulmonaire, épanchement pleural ou péritonéal). Les quantités de fluides à
administrer pour restaurer l’hydratation sont ajoutées à celles nécessaires pour la
maintenance et la correction des pertes obligatoires. Si l‘état de déshydratation est jugé
sévère, une combinaison de cristalloïdes et de colloïdes est adaptée au remplissage des
compartiments interstitiel et intravasculaire. [61]
L’utilisation des colloïdes en maintenance vise à maintenir une pression oncotique
supérieure à 14 mmHg et une PAM > 80 mmHg. Elle est indiquée chez les animaux
souffrant d’hypoprotéinémie ou d’altération profonde des membranes capillaires. En
raison de leur durée d’action (>24 heures pour l’HEA) et pour éviter une surcharge
volémique, leur débit ne doit pas dépasser 20 mL/kg/j (soit environ 0,8 à 1 mL/kg/h) et
33 mL/kg/j pour le Plasmohes®. Il semble que leur durée d’action soit cependant réduite
chez les animaux dont la barrière vasculaire est endommagée ou présentant une
hémorragie persistante. [88] Des cristalloïdes sont administrés parallèlement afin
d’assurer l’hydratation du patient et de remplacer les pertes. Si le choc hypovolémique
est associé au développement d’une réaction inflammatoire systémique, l’administration
de colloïdes peut être nécessaire durant 48 à 72 heures. La perfusion d’HEA peut être
maintenue sur plus de 4 jours mais le volume total administré ne doit pas dépasser 80
mL/kg.
La perfusion ne doit être arrêtée que lorsque les paramètres cliniques sont stables,
signe d’une disparition des déséquilibres hydriques. [60]
Les mesures régulières de la pression oncotique, de l’hémoglobine et de
l’hématocrite permettent de déterminer la part relative entre cristalloïdes et colloïdes.
Une hypoprotéinémie importante (<40 g/L), une anémie (Ht>20-25%, hémodilution) ou
la présence de phénomènes septiques (aggravation de la perméabilité vasculaire)
constituent en effet une contre-indication à la perfusion de grands volumes de
cristalloïdes. [96]
183
Le suivi rapproché des animaux recevant d’importants volumes de fluides permet de
détecter de manière précoce l’apparition de complications tels qu’un œdème pulmonaire
ou un épanchement pleural du à une augmentation de la pression hydrostatique. Dans ce
cas, les perfusions doivent être immédiatement arrêtées, une supplémentation en O2 doit
être instaurée ainsi que l’administration de diurétiques par voie intraveineuse. Une
thoracentèse peut être nécessaire en cas d’épanchement pleural important. [60]
3. Emploi des molécules vaso-actives
3.1. Présentation des agents vasopresseurs
Le traitement à visée hémodynamique d’un état de choc possède trois propriétés
successives :
a. rétablir la précharge : remplissage vasculaire
b. rétablir a contractilité myocardique : agent inotrope positif
c. rétablir les résistances vasculaires systémiques : agent vasopresseur
Au cours des états de choc, le remplissage vasculaire et la supplémentation en
oxygène constituent les mesures thérapeutiques initiales et systématiquement requises.
L’adjonction d’agents pharmacologiques vasopresseurs ou inotropes est réservée aux
formes graves de choc, où le remplissage vasculaire effectué seul se révèle insuffisant
pour atteindre les objectifs thérapeutiques.
L’évaluation continue de la pression veineuse centrale, de la pression artérielle
invasive et la surveillance continue électrocardiographique constituent un pré-requis
indispensable à une utilisation adéquate de ces traitements. La mise en place de ces
agents pharmacologiques est rendue rationnelle et leurs effets secondaires peuvent ainsi
être détectés précocement.
Les traitements vasopresseurs et inotropes font essentiellement appel à des
substances adrénergiques, dont les actions cardio-vasculaires dépendent de leurs effets
alpha- et bêta-adrénergiques prédominants. Trois types de récepteurs sont impliqués : les
récepteurs alpha, bêta et dopaminergiques (tableau 13). Les catécholamines stimulent de
façon plus ou moins préférentielle un ou plusieurs de ces types de récepteurs, le plus
souvent de façon dose-dépendante. (tableau 14). [96]
Les catécholamines sont largement utilisées selon des modalités très variées. Il existe
peu de conclusions consensuelles quant à leur utilisation dans l’état de choc en médecine
humaine. Ces consensus sont principalement établis pour le choc septique. En médecine
vétérinaire, l’utilisation de ces molécules ne fait l’objet d’aucun consensus.
184
Tableau 13: Effets cardiovasculaires des récepteurs adrénergiques [96]
Action prédominante en gras.
Coeur
Vaisseaux
Chronotrope et inotrope +
Alpha 1
Vasoconstriction
-
Alpha 2
Vasoconstriction
Chronotrope, inotrope,
Bêta 1
dromotrope, bathmotrope +
Chronotrope, inotrope +
Bêta 2
Dopaminergique 1
-
Dopaminergique 2
-
Vasodilatation
Vasodilatation
Vasodilatation : rénale,
coronaire, mésentérique
Inhibe relargage
noradrénaline
Tableau 14: Effets des catécholamines sur les récepteurs adrénergiques [96]
0 : absence d’effet / effet faible (+), modéré (++), majeur (+++).
DA : récepteurs dopaminergique
Alpha1
Alpha2
Bêta 1
Bêta 2
DA
0-3 microg/kg/min
0
+
0
0
+++
2-10 microg/kg/min
+
+
++
+
> 10 microg/kg/min
++
++
++
+
Dopexamine
0
0
+
+++
+++
Dobutamine
++
0
+++
++
0
Adrénaline
+++
+++
++
+++
0
Noradrénaline
+++
+++
++
0à+
0
Phényléphrine
+++
0
0
0
0
Dopamine
185
3.2. Indications
Les animaux en état de choc devant bénéficier des catécholamines sont ceux qui
ont :
-
un niveau de remplissage vasculaire jugé satisfaisant associé à des signes
d’insuffisance circulatoire ;
-
une mauvaise tolérance au remplissage vasculaire associée à des signes
d’insuffisance circulatoire.
Le niveau de remplissage satisfaisant peut s’apprécier par l’évaluation de la pression
veineuse centrale (> 10 cm H20) ou par les données de l’échocardiographie.
La mauvaise tolérance du remplissage vasculaire est recherchée en permanence par
le suivi de la saturation en oxygène, par des mesures répétées de la pression partielle
artérielle en oxygène (PaO2), par le suivi de l’hématocrite et de la protéinémie. La
fréquence respiratoire est un paramètre clinique intéressant, que diverses altérations,
dont une intolérance au remplissage, peuvent accroître. [96]
L’administration d’adrénaline (0.02 mg/kg) par voie intraveineuse constitue la base
du traitement du choc anaphylactique. [96]
3.3. Schéma thérapeutique
La demi-vie de la plupart des catécholamines est de quelques minutes, imposant une
administration intraveineuse continue.
Il existe une dose seuil, à partir de laquelle l’effet débute et suit une augmentation
linéaire en fonction du logarithme de la dose administrée. Cependant, ce traitement est
l’objet de variations interindividuelles importantes, tant pour la dose seuil que pour la
relation dose-effet. L’état de choc perturbe également profondément cette relation. Il est
donc systématiquement nécessaire d’adapter la posologie d’administration
continue en fonction du patient traité.
Ainsi, les posologies recommandées (tableau 15) ne sont qu’indicatives. En effet,
chez certains patients, les effets secondaires précèdent l’effet cardio-vasculaire
recherché. Chez d’autres, il est nécessaire d’augmenter fortement le rythme
d’administration habituellement recommandé. Aux fortes doses, il est nécessaire de
garder en permanence à l’esprit la possibilité de réduire la perfusion viscérale en raison
d’une éventuelle augmentation excessive des résistances vasculaires systémiques. [96]
186
Tableau 15: Posologie utilisée lors d’administration intraveineuse continue de
catécholamines lors d’état de choc [96]
Posologie
Délai d’action
Durée d’action
microg/kg/min
(en min)
(en min)
Dopamine
2-10
2-5
10
Dobutamine
5-20
1-2
10
Adrénaline
0.01-0.1
1-2
5-10
Noradrénaline
0.1-2.0
1
5-10
Dopexamine
5-20
1-2
10
Catécholamine
Il est possible d’administrer une seule catécholamine, ou au plus une association de
deux catécholamines. D’un point de vue pharmacologique, il n’est jamais justifié
d’administrer plus de deux catécholamines. Le tableau 16 présente les propriétés
pharmacologiques essentielles de chacune des catécholamines utilisées lors d’état de
choc.
Lors d’état de choc, lorsque prédomine l’hypocontractilité myocardique (situation
rare), l’administration d’une catécholamine à effet inotrope positif est privilégiée. La
dobutamine ou la dopamine (faible dose) répondent à cette indication. La dobutamine
reste néanmoins toujours privilégiée. [96]
Lorsque prédomine la diminution de tonus vasculaire (situation la + fréquente), on
préfère utiliser une catécholamine produisant principalement une vasoconstriction :
noradrénaline ou phényléphrine. [96]
Lors d’altération mixte (hypocontractilité myocardique et diminution du tonus
vasculaire), on peut administrer soit la dopamine à forte dose (peu privilégiée en
pratique), soit l’adrénaline ou mieux l’association dobutamine-noradrénaline.
L’association de la noradrénaline avec un inodilatateur comme la dobutamine autorise
un maintien ou une augmentation du transport d’oxygène. Les effets hémodynamiques
globaux d’une telle association seraient similaires à ceux de l’adrénaline, avec
l’avantage d’en contrôler davantage les composantes vasculaires et myocardiques. [96]
La posologie initiale est toujours minimale. Cette posologie est ensuite augmentée
progressivement (25 %) toutes les 10-20 minutes jusqu’à obtention de l’effet recherché
(stabilisation de la pression artérielle principalement) et en l’absence d’effets
secondaires (troubles du rythme cardiaque). [96]
En pratique clinique, les associations adrénaline-dobutamine et dobutaminenoradrénaline semblent être équivalentes. Cependant, l’absence d’effets bêta-2 de la
noradrénaline pourra convaincre certains de préférer la première de ces associations,
principalement lors de dysfonction ventriculaire gauche
187
3.4. Plan de sevrage en catécholamines
L’arrêt de la perfusion continue de catécholamines doit être en théorie effectuée au
moins 12 heures après stabilisation hémodynamique. L’examen clinique répété permet
de s’en assurer.
Le sevrage doit être progressif : sa rapidité dépend de la durée du traitement, qui
peut avoir instauré une certaine désensibilisation des récepteurs adrénergiques.
Les posologies sont diminuées progressivement, par palier, toutes les 30 minutes
(délai nécessaire pour s’assurer de la stabilité hémodynamique de l’animal). Une
diminution de 25 % de la posologie peut être envisagée à chaque palier.
Lors d’association de plusieurs catécholamines, il faut vraisemblablement
privilégier l’arrêt d’une catécholamine à effet alpha-adrénergique dominant. En effet, la
désensibilisation de ces récepteurs n’a pas été montrée, contrairement à la stimulation
bêta-adrénergique prolongée.
Une exploration hémodynamique avant le début du sevrage est nécessaire : pression
artérielle invasive, pression veineuse centrale, échocardiographie.
L’échec du sevrage doit faire rechercher une hypovolémie (thérapeutique
liquidienne insuffisante ? hémorragie ? pertes ? …), une insuffisance cardiaque ou
encore la persistance d’un foyer infectieux voire un sevrage trop rapide.
3.5. Effets secondaires
Toutes ces molécules sont arythmogènes (arythmies ventriculaires prédominantes).
Bien que cet effet soit dose-dépendant, le contexte clinique associé peut exacerber ces
effets secondaires, rendant imprévisible la tolérance rythmologique de l’animal à
l’administration continue de catécholamines. La surveillance électrocardiographie
doit donc être permanente. [96]
La tolérance hémodynamique de ces molécules doit être étroitement surveillée.
L’augmentation des résistances vasculaires systémiques peut en effet faire chuter de
façon drastique le débit cardiaque, d’un animal souffrant en parallèle d’hypocontractilité
myocardique.
En cas de survenue de l’un de ces effets secondaires, l’administration intraveineuse
continue doit être stoppée pendant 20 minutes. La réadministration peut être envisagée
ensuite, en veillant à utiliser un rythme de perfusion diminué de 25 à 50 %.
188
Tableau 16: Principaux effets thérapeutiques bénéfiques et secondaires des
catécholamines lors d’état de choc [96]
DC : débit cardiaque / RVS : résistances vasculaires systémiques / PA : pression artérielle / FC :
fréquence cardiaque.
Effets bénéfiques
Dopamine
< 3microg/kg/min : vasodilatation coronaire, rénale
et mésentérique, augmentation de la diurèse et de la
natriurèse (stimulation dopaminergique
prédominante).
Diminue le péristaltisme digestif :
accentue risque d’iléus (DA1/2).
3-10 microg/kg/min : action inotrope prédominante
(effet bêta prédominant)
Tachycardie
Arythmie
> 8-10 microg/kg/min : augmentation de la PA
(effet alpha dominant)
Constriction des veines capacitantes.
Effet anti-émétique (DA2).
Hypertension artérielle pulmonaire
Dobutamine
Augmente marquée et dose dépendante du DC sans
induire de vasoconstriction.
Augmentation minime de la PA.
Augmentation faible de la FC aux doses faibles (<
10 microg/kg/min).
Diminue la pression veineuse centrale et les RVS.
3-O-méthyldobutamine (métabolite majeur) inhibe
les récepteurs alpha.
Peut nécessiter l’adjonction de soluté au cours de
son administration pour potentialiser ses effets.
Désensibilisation des récepteurs bêta en 24-72
heures.
Adrénaline
Récepteurs bêta-adrénergiques plus sensibles :
DC augmente dès les faibles doses (0.05-0.5
microg/kg/min).
Doses plus élevées (0.5-1.0 microg/kg/min)
augmentent en plus les RVS : la PA augmente par
un effet équilibré sur les RVS et le DC.
FC reste relativement stable à ces doses.
Utilisé lors d’échec avec dobutamine et/ou
dopamine.
Inhibe la dégranulation mastocytaire.
Dopexamine
Est ajouté à un traitement initial insuffisant
(dobutamine ou dopamine).
Phényléphrine
Thrombose au point d’injection
Perte d’effet lors d’utilisation sur plusieurs
jours.
Peut diminuer fortement la perfusion
viscérale ou augmenter de façon excessive
la consommation en oxygène par rapport
au débit sanguin.
Hyperglycémie, hypokaliémie, diminution
de la perfusion rénale, augmentation de
l’agrégation plaquettaire.
Augmente le DC tout en diminuant les RVS.
Diminution faible de la PA.
Amélioration de la perfusion viscérale.
Moins arythmogène que la dopamine.
Augmente le DC et les RVS.
Noradrénaline
Effets secondaires /
inconvénients
Peu d’effets sur la FC.
Peut diminuer la perfusion viscérale.
Risque de diminution du DC par
augmentation trop importante des RVS.
Effets métaboliques moindres que
l’adrénaline.
Augmentation plus marquée de la postcharge ventriculaire gauche qu’avec
l’adrénaline (absence d’effets bêta2adrénergiques) : contre-indiqués lors de
dysfonction ventriculaire gauche.
Augmente le DC et les RVS.
Est ajouté à un traitement initial insuffisant
(dobutamine ou dopamine).
189
Peut diminuer la perfusion viscérale.
3.6. Incompatibilités physico-chimiques et stabilité
Ces agents adrénergiques ne doivent jamais être administrés dans une solution
alcaline (soluté complémenté en bicarbonates par exemple) ou mélangés entre eux. En
pratique, on a recours à une ligne de perfusion spécifique par catécholamine.
L’administration s’effectue de façon contrôlée au pousse-seringue uniquement. [96]
Une fois préparée, les solutions sont stables pour environ 24 heures à
température ambiante.
Au cours de la prise en charge d’un état de choc, le traitement par une
catécholamine est proposé lors d’échec de l’expansion volémique ou lors d’intolérance
au remplissage vasculaire.
Lors d’état de choc, la persistance d’une instabilité hémodynamique après
remplissage vasculaire doit être explorée. La dobutamine peut être privilégiée lors
d’hypocontractilité myocardique prédominante, la noradrénaline lors de perte de tonus
vasculaire et l’association dobutamine-noradrénaline lors d’atteinte mixte.
4. Conséquences sur le statut acido-basique
Un état d’insuffisance circulatoire aiguë se complique fréquemment d’une acidose
métabolique suite à l’hypoxie cellulaire. [28] Ce désordre acido-basique est mis en
évidence par l’analyse de paramètres sanguins tels que le pH sanguin, le déficit en base,
la mesure des ions bicarbonates ou la lactatémie. [11]
Des études sur des chiens éveillés n’ont montré aucune corrélation entre
l’importance de l’acidose lactique et l’intensité de l’hypovolémie. Cependant, il
existerait une relation étroite entre le déficit en base mesuré au niveau artériel et
l’importance de l’hypovolémie, ce qui pourrait être du, entre autres, à l’accélération du
métabolisme oxydatif des lactates en pyruvates durant l’hypovolémie. Le déficit en base
résulterait alors de l’accumulation de molécules autres que le lactate, qui participeraient
aussi à l’acidose métabolique. La correction ou la non aggravation du déficit en base
mesurée au niveau artériel pourrait donc constituer un indice d’efficacité ou de non
aggravation de l’hypovolémie. [11]
Le premier traitement à mettre en œuvre pour rétablir l’état acido-basique est la
restauration de la perfusion tissulaire afin de rétablir un métabolisme cellulaire aérobie
et de relancer la fonction rénale qui permet l’excrétion des ions H+. Si le choc est
modéré ou si le remplissage vasculaire est rapidement effectué, cette mesure peut suffir
à corriger l’acidose métabolique. [11, 28]
Cependant, les animaux présentant un état de choc grave et évoluant depuis un
certain temps peuvent présenter une acidose métabolique importante (pH sanguin<7,2)
pour laquelle la réanimation liquidienne ne suffit pas à rétablir l’équilibre acido-basique.
Une telle situation prédispose aux arythmies ventriculaires, altère la contractilité
myocardique, diminue la réponse aux effets vasopresseurs des catécholamines et
190
favorise le développement d’une hyperkaliémie. [11, 28, 31] L’administration de
bicarbonates de sodium est alors indiquée afin de diminuer l’intensité de l’acidose et de
ramener le pH à une valeur où les complications hémodynamiques sont moins
menaçantes pour la vie de l’animal. Cette thérapeutique n’a pas pour objectif de rétablir
un pH sanguin normal mais tend à le ramener à une valeur supérieure ou égale à 7,2. A
partir de cette valeur, la correction de l’acidose peut faire intervenir le rein qui élimine
les ions hydrogènes. [11]
Si une acidose métabolique normochlorémique (i.e. trou anionique augmenté du fait
de la présence d’anions organiques tels que le lactate) est présente, l’administration de
bicarbonates peut conduire à l’apparition d’une alcalose métabolique, car les anions
organiques non mesurés tels que les lactates peuvent être métabolisés en bicarbonates
lors de la convalescence. Cependant, si la fonction rénale est saine, cette complication
n’est pas dramatique car les reins peuvent éliminer l’excès d’ions bicarbonates.
Lors d’acidose métabolique hyperchlorémique, l’absence d’anions organiques évite
ce genre de complications : l’administration d’ions bicarbonates est donc plus sûre. [31]
La quantité de bicarbonate de sodium est déterminée par la formule suivante :
[HCO3-] = (20 – [HCO3-] mesuré) x Vd x PV
Vd: volume de distribution du bicarbonate (généralement estimé à 0,3)
PV : Poids vif (kg)
Le volume de distribution est cependant difficile à estimer : il varie inversement à la
concentration initiale en bicarbonates et change 90 minutes après l’administration de
bicarbonates. Ceux-ci se répartissent dans le secteur extracellulaire en 15 minutes et
atteignent le compartiment intracellulaire en 2 à 4 heures. [31]
Il est important de tenir compte du fait qu’une variation minime de la concentration
en bicarbonates a des effets d’autant plus importants sur le pH que la bicarbonatémie
initiale est basse et que le pH est acide. Ainsi, chez les chiens qui présentent une acidose
métabolique sévère, de très faibles doses de bicarbonates doivent être administrées pour
ramener le pH à une valeur de 7,2. [28, 31] Afin de diminuer les risques d’effets
secondaires, on administre en bolus la moitié de la dose calculée puis il est conseillé de
répéter les analyses sanguines 30 minutes au moins après la fin de cette administration
(gaz sanguin, dosage de la bicarbonatémie) avant de continuer l’administration.
D’autre part, environ 10 à 15% des bicarbonates administrés sont convertis
immédiatement en CO2, ce qui conduit le patient à hyperventiler afin d’éliminer le CO2
accumulé. Il est donc essentiel de s’assurer que le patient peut augmenter sa ventilation
spontanément avant d’administrer ce produit et celui-ci doit être donné lentement afin
de minimiser l’augmentation de la PCO2 dans le sang veineux. [31]
Les effets secondaires potentiels suite à l’administration de ce bolus sont une
surcharge volémique par hypernatrémie, une diminution de la concentration de calcium
ionisé, une diminution de la délivrance en O2 aux tissus consécutive à l’augmentation
de l’affinité de Hb pour l’O2, l’apparition d’une alcalose métabolique ou d’une
hypokaliémie. [11, 28, 31]
191
5. Conséquences sur le statut électrolytique
Afin de suivre les modifications de l’ionogramme, il est conseillé de réaliser des
analyses répétées dans le temps.
5.1. Contrôle de la kaliémie
En plus du désordre initial, les solutions de remplissage utilisées ne sont pas
équilibrées d’un point de vue électrolytique et doivent donc être complémentées. Les
animaux traités pour choc hypovolémique ont souvent un déficit en potassium du fait
d’une diminution de la prise alimentaire, de pertes associées (diarrhée, vomissement,
polyurie secondaire à la diurèse…). Une thérapeutique liquidienne intensive majore
donc le risque d’hypokaliémie si les solutés ne sont pas corrigés.
Les pertes hydriques journalières d’un animal sain contiennent environ 15 à 20
mEq/L de potassium et 40 à 60 mEq/L de sodium. La fluidothérapie de maintenance
doit donc permettre de rétablir ces pertes. La complémentation des solutés doit tenir
compte de la concentration initiale en potassium des fluides (nulle pour le NaCl 0,9% et
4mEq/L pour le RL) et s’effectue par l’ajout de chlorure de potassium dans la perfusion
de maintenance. Cette quantité doit ensuite être ajustée en fonction de la kaliémie
mesurée (tableau 17). Les fluides contenant une concentration en potassium supérieure à
celle du plasma chez un animal sain doivent être impérativement administrés lentement
afin d’éviter l’apparition une hyperkaliémie fatale. Le rythme d’administration du
potassium ne doit pas dépasser 0,5 à 0.9 mEq/kg/h. [39]
Tableau 17 : Correction en potassium des fluides de maintenance [39]
Kaliémie
mesurée
<2 mEq/L
2,0-2,4 mEq/L
2,5-2,9 mEq/L
3,0-3,4 mEq/L
3,5-5,5 mEq/L
sérique Concentration en potassium du fluide administré
80 mEq/L
60 mEq/L
40 mEq/L
30 mEq/L
20 mEq/L
En revanche, l’acidose métabolique rencontrée chez les chiens en état de choc
hypovolémique peut entraîner une hyperkaliémie par redistribution du potassium, ceci
restant tout de même rare chez les patients en acidose métabolique aigue. Dans ce cas, il
est préférable d’utiliser un soluté ne contenant pas de potassium comme le NaCl
isotonique. Chez les animaux présentant une hyperkaliémie modérée, des bicarbonates
ou bien une association d’insuline et de glucose peuvent être administrés afin de
faciliter le passage de potassium dans le milieu intracellulaire. Si l’hyperkaliémie est
très importante, il est recommandé d’associer à ces mesures une administration de
192
gluconate de calcium afin de protéger le cœur des arythmies, le temps que
l’insuline/glucose produise son effet (tableau 18). [39]
Tableau 18 : Traitements potentiels de l’hyperkaliémie [39]
Agent
thérapeutiq
ue
NaCl 0,9%
RL
Gluconate de
Ca 10%
Bicarbonate
de sodium
Insuline
régulière et
glucose 50%
Dose
Avantages
Inconvénients
Perfusion rapide
-Expansion volumique
Aucun
-Augmentation de la
natrémie favorise la diurèse
et protège de
l’hyperkaliémie
-Absence de potassium
Perfusion rapide
-Expansion volumique
-Faible teneur en Na+
-Bénéfice du au Na+
-Contient 4 mEq/L de
K+
0,5-1,0 mL/kg IV -Action rapide
-Cardiotoxique si donné
sur 5-10 min
-Permet de corriger une
rapidement
éventuelle hypocalcémie
-Ne diminue pas la
-Antagonise les effets
kaliémie
cardiaques du K+
-Effet de courte durée
0.5-1 mEq/kg IV -Action progressive
-Apparition de signes
sur 10-15 min
-Corrige l’acidose
cliniques si
éventuelle
hypocalcémie présente
-Diminue la kaliémie par
-Peut entraîner une
passage intracellulaire du
alcalose métabolique
K+
-Apport de Na+ important
0,1-0,25 UI /kg IV
-Action progressive
-Hypoglycémie possible
1g glucose/UI IV
-Diminue la kaliémie par
si administration
en perfusion sur 6 pénétration intracellulaire
inadéquate de glucose
heures
du K+
-Peut majorer une
-Emploi sûr
hypophosphatémie préexistante
5.2. Contrôle de la natrémie
La natrémie doit également être surveillée attentivement. La plupart des fluides de
maintenance ont une concentration en sodium plus élevée que celle du plasma.
En effet les pertes de sodium mesurées au niveau urinaire chez des animaux sains
sont environ de 40 à 60 mEq/L alors que les solutés isotoniques ont une concentration
193
sodique de 130 à140 mEq/L. Une thérapeutique liquidienne agressive pourrait donc
entraîner une hypernatrémie. Cependant, en pratique, il n’est pas fréquent d’observer
des troubles de la natrémie. L’hypernatrémie peut être rencontrée lors de l’utilisation
des fluides hypertonique comme le NaCl 7%. Cependant, si les mécanismes
d’adaptation de l’organisme ne sont pas endommagés, la natrémie est maintenue dans
des limites acceptables pour l’organisme, notamment en modulant la natriurèse. La
concentration urinaire en sodium est en effet très variable (de 18 à 252 mEq/L), preuve
de l’efficacité de l‘organisme à maintenir l’homéostasie sodique. [39]
Une hyponatrémie semble peu probable lors de l’utilisation des solutés
précédemment cité
6. Traitement et prévention des complications métaboliques
L’amélioration des connaissances sur la physiopathologie doit être mise à profit par
le clinicien pour anticiper et reconnaître rapidement les complications potentielles
associées et éviter une aggravation des symptômes.
6.1. Prise en charge de la douleur
La douleur et la réponse physiologique engendrée peuvent être délétères pour
l’animal en état de choc. En effet, elle augmente la consommation d’O2, la fréquence
cardiaque, les arythmies et favorise la vasoconstriction périphérique, ce qui réduit le
flux sanguin et la délivrance tissulaire en O2. [28] Il est donc essentiel de ne pas
négliger cet aspect du choc et mettre en place une analgésie précoce. Celle-ci peut
justifier l’emploi d’analgésiques centraux.
En France, on dispose principalement de la morphine comme analgésique opioïde
injectable (Chlorure de morphine Lavoisier ®). Elle peut être utilisée en perfusion
intraveineuse continue à la posologie de 0,1 à 0,2 m/kg/h ou par injections par voie
intraveineuse à la posologie de 0,1 à 0,2 mg/kg, répétée toutes les 4 heures. Cette
posologie doit être adaptée à la réponse de l’animal. [28]
L’utilisation des opioïdes est parfois remise en question en raison de leur effet
dépresseur sur la fonction respiratoire. Cependant, à cette posologie, le bénéfice qu’ils
apportent est supérieur au risque encouru sur cette fonction. [28]
6.2. Traitement anti-inflammatoire [28, 89, 96]
L’utilisation des corticoïdes dans l’état de choc fait l’objet de controverses depuis
plusieurs décennies. Certaines études expérimentales animales montrent un effet
bénéfique des corticoïdes en termes de survie. Cependant, les études cliniques humaines
n’ont jamais confirmé ces résultats, voire ont mis en évidence l’effet inverse.
Les effets bénéfiques pressentis des corticoïdes dans l’état de choc sont multiples :
inhibition de l’agrégation plaquettaire, de l’activation leucocytaire, stabilisation
membranaire, amélioration du transport périphérique d’oxygène, inhibition du relargage
194
de substances vaso-actives, inhibition de la phospholipase A2, augmentation de la
néoglucogenèse, amélioration de la microcirculation, diminution de la production
d’endotoxines. Le bénéfice essentiel de l’administration des corticoïdes provient donc
de leur puissant effet anti-inflammatoire. Ces arguments semblaient justifier une
administration de corticoïdes à forte dose et la plus précoce possible (stopper
l’inflammation dès son initiation).
Cependant, l’administration de corticoïdes lors d’état de choc peut entraîner certains
effets secondaires majeurs : ulcération digestive (hémorragie potentielle, augmentation
de la translocation bactérienne), prédisposition à certaines infections (élément de
controverse), retard de cicatrisation. Administrés à forte dose avant le remplissage
vasculaire, ils accentuent nettement les conséquences de l’insuffisance circulatoire en
raison de leur action vasodilatatrice sur les artérioles et les veinules. Certains décès ont
en effet été attribués à une administration trop précoce de corticoïdes chez des individus
en état de choc hypovolémique non corrigé par un remplissage vasculaire préalable.
Les corticoïdes ne sont plus administrés lors d’état de choc non septique en
médecine humaine. Leur utilisation dans le choc septique reste discutée. Certaines
études expérimentales animales et cliniques humaines montrent un effet bénéfique de
l’administration précoce d’hydrocortisone à faible dose. Une meilleure réponse
vasomotrice aux catécholamines serait notamment obtenue, la survie des patients traités
serait quant à elle discrètement augmentée.
En pratique vétérinaire, le recours ou non aux corticoïdes dans l’état de choc ne
connaît pas de réponse formelle confortée par les résultats d’études expérimentales et
cliniques. A une utilisation antérieure massive en médecine vétérinaire, semble
désormais succéder une éradication tacite et progressive de cet agent pharmacologique
de toute forme de choc. Cependant, lors de traumatisme médullaire ou crânien associé à
un état de choc, l’utilisation des corticoïdes semble dans ce contexte recommandée.
Les molécules principalement utilisées sont la dexaméthasone (Dexadreson ®,
Dexazone ®) à la posologie de 0,1 à 0,4 mg/kg ou le succinate de methylprednisolone
(Solumedrol ®) 30 mg/kg IV.
6.3. Traitement anti-infectieux
La mise en place d’un traitement anti-infectieux dépend de plusieurs facteurs parmi
lesquels l’état d’avancée du choc et son étiologie. Les antibiotiques sont indiqués dans
le cas d’un choc en phase de décompensation ou en présence de traumatisme externe. Si
des prélèvements d’urines, de sang, de liquide d’épanchement doivent être effectués, il
est conseillé de les réaliser avant l’instauration de l’antibiothérapie, mais celle-ci ne doit
pas être retardée par l’attente des résultats de ces analyses. [28]
Lors des chocs avancés ou lors de la reperfusion tissulaire, une des complications
réside en la translocation bactérienne survenant au niveau de l’intestin suite à
l’augmentation de la perméabilité cellulaire. Des germes peuvent alors pénétrer dans le
sang par cette voie. Une antibioprophylaxie à large spectre est alors indiquée : les
céphalosporines de première génération telles que la céfalexine à 20-30 mg/kg q8h IV
peuvent par exemple être employées dans cette optique. [28]
195
Le maintien de l’antibiothérapie est déterminé en fonction de l’état clinique du
patient.
Si l’animal développe une réaction inflammatoire systémique, son statut peut
évoluer vers un choc septique. Une tachycardie, une polypnée, une hypo ou
hyperthermie importante associée à une leucocytose neutrophilique et une diminution de
la PaCO2 (<32 mmHg) doivent faire suspecter l’apparition de ce type de complications.
[27] Une antibiothérapie bactéricide est lors indiquée : les céphalosporines répondent à
cette attente et présentent l’avantage d’être économiques tout en présentant peu de
contre-indication à leur emploi (sauf allergie connue). Cependant, lorsque la perfusion
tissulaire est rétablie et si le patient ne semble pas répondre à l’antibiothérapie initiale, il
peut être intéressant d’associer un deuxième antibiotique. Dans cette optique, l’emploi
d’une fluoroquinolone ou de métronidazole (25 mg/kg q12h) par voie intraveineuse
permet d’élargir le spectre d’action des céphalosporines en assurant une bonne
couverture des organismes Gram -. [28, 96]
6.4. Prévention des lésions gastro-intestinales
En raison de l’hypoxie tissulaire et de la diminution de la perfusion des organes
gastro-intestinaux lors de l’état de choc, de la production de radicaux libres suite à la
peroxydation des lipides membranaires, du passage des ions hydrogènes de la lumière
intestinale vers les cellules de la muqueuse et de la détérioration de l’intégrité de la
muqueuse, des hémorragies et des ulcérations gastro-intestinales peuvent apparaître.
Afin de protéger le tractus de ce type de complications, il existe différentes médications
adaptées. [48]
Le sucralfate (Ulcar ®) permet de recouvrir les zones ulcérées par réaction avec
l’acide chlorhydrique. Il protège alors ces sites de l’action de la pepsine, d’acides ou de
la bile. Sa posologie est de 0,25 à 1 mg toutes les 8 heures.
Les anti-H2 tels que la cimétidine (Tagamet ®), la ranitidine ou la famotidine
permettent de bloquer les récepteurs H2 de la membrane apicale des cellules pariétales
de l’estomac et par conséquent de diminuer la production d’acides. La cimétidine est
utilisée à la dose de 5 à 10 mg/kg PO, IV ou IM toutes les 6 à 8 heures, et doit être
espacée de 2 heures de la prise d’un autre médicament.
Les inhibiteurs de la pompe à protons sont également employés pour diminuer
l’effet des ions hydrogènes déversés. L’oméprazole (Mopral ®) est utilisé à la posologie
de 0,5 à 1 mg/kg/j PO.
Enfin, le misoprostol (Cytotec ®) permet d’inhiber la sécrétion d’acide gastrique par
les cellules pariétales et exerce un effet cytoprotecteur en augmentant la sécrétion de
mucus gastrique et de bicarbonates. Il est particulièrement indiqué pour lutter contre les
effets secondaires des médicaments à visée anti-prostaglandines sans interférer avec leur
action anti-inflammatoire et analgésique. Il ne doit pas être utilisé chez la femelle
gestante car il peut provoquer des contractions utérines. La posologie est de 1 à 5 µg/kg
PO toutes les 8 heures. [47]
196
D’autre part, le suivi et la correction de la kaliémie sont importants pour le
rétablissement d’une motricité intestinale correcte. En effet, l’hypokaliémie est souvent
associée à un iléus. [39]
6.5. Suivi de la fonction de coagulation
La concentration des facteurs de coagulation et de l’antithrombine diminue suite à
l’activation de la cascade de coagulation lors de la réaction inflammatoire systémique.
Afin de pallier ces déficits, une transfusion de sang frais peut être instaurée.
L’administration de plasma congelé ou plasma frais congelé, préparé à partir d’un
prélèvement de sang total, est également possible pour remplacer l’antithrombine et les
facteurs de coagulation. Cependant, la concentration en globules blancs, en plaquettes et
en facteur de coagulation V et VIII diminue (leur demi-vie est d’environ 6 à 8 heures
dans le plasma) avec le temps de conservation. [62]
Les chiens recevant une transfusion de plasma ne requièrent pas de crossmatch. Le
plasma doit être décongelé progressivement et administré à l’aide d’un filtre
microporeux de 18 microns à un rythme de 5 à 15 mL/kg toutes les 8 à 24 heures. [96]
Si le plasma vise à corriger un déficit en antithrombine, il est conseillé de réaliser
parallèlement une injection sous-cutanée d’héparine de 50 à 100 UI toutes les 8 heures,
qui permet de faciliter l’activité antithrombique. [62]
Le suivi de la fonction de coagulation de l’animal doit être maintenu tout au long de
la réanimation. En effet, l’administration des colloïdes synthétiques peut entraîner des
coagulopathies par dilution. Cependant, cet effet est rarement observé aux posologies
recommandées. D’autre part, les dextrans et certains HEA peuvent interférer avec la
fonction plaquettaire et allonger le temps de prothrombine, le temps d’activation partiel
de la thromboplastine et le temps de coagulation activée. Si ce dernier apparaît
anormalement élevé suite à la perfusion de colloïdes, une cause sous-jacente telle
qu’une CIVD doit être recherchée et une transfusion de plasma doit être envisagée afin
de restaurer les protéines nécessaires à la coagulation. [60]
7. Traitement de l’hypothermie [80]
L’hypothermie doit être traitée progressivement par le biais d’un réchauffement
progressif (bouillottes, ventilateurs à air chaud…) visant à augmenter la température
corporelle de 1 degré par heure. Si le réchauffement est trop brutal, il entraîne une
vasodilatation périphérique qui majore le défaut de perfusion tissulaire.
Tous les fluides injectés doivent être réchauffés à température adéquate.
8. Lésions de reperfusion
Certains animaux présentent une dégradation soudaine de leur état clinique après
avoir montré des signes d’améliorations suite à la réanimation intensive. Cette rechute
affecte principalement le tractus gastro-intestinal et le cerveau, mais d’autres organes
197
peuvent être atteints. Plusieurs phénomènes semblent être à l’origine de ces
complications.
La vasoconstriction induite par le calcium, l’agrégation des leucocytes sur les
microvaisseaux et la formation d’oedèmes péri-tissulaires compromettant la
vascularisation entravent la reperfusion cellulaire. Ces lésions créent des conditions
favorables à la formation d’oedème cérébral et la translocation d’organismes pathogènes
au niveau intestinal, pouvant conduire à des complications septiques. L’incidence et
l’importance de ces lésions dépendent de la durée d’hypoperfusion tissulaire.
Malheureusement, aucune thérapeutique ne permet de prévenir ces complications.
D’autre part, un autre processus est impliqué dans cette dégradation et fait suite à la
réanimation liquidienne. Lors du rétablissement de la perfusion tissulaire, la libération
massive des déchets du métabolisme cellulaire dans le flux sanguin tels que les radicaux
libres peut aboutir à l’apparition de lésions de reperfusion. Si les neurones sont touchés,
le pronostic vital peut être mis en jeu. [28]
9. Suivi nutritionnel
24 à 48 heures après l’installation du choc, l’organisme rentre dans une phase
d’hypermétabolisme au cours de laquelle les besoins sont augmentés. Si cet état n’est
pas pris en charge, il peu conduire à un déséquilibre de la balance protéique et diminuer
les réponses immunitaires de l’organisme. [89] Il est donc conseillé de commencer à
réalimenter le chien au maximum 48 heures après sa prise en charge par le biais d’une
alimentation parentérale ou entérale.
La nutrition entérale est préférable car elle permet de maintenir en fonction la
muqueuse intestinale, son imperméabilité et ses fonctions immunitaires. Elle permet de
réduire les complications infectieuses et le relargage de médiateurs de l’inflammation
par rapport à la nutrition parentérale. Lors de l’utilisation de sonde naso-oesophagienne
ou de sonde gastrique, il est conseillé d’utiliser des prokinétiques tels que le
métoclopramide (Primperid ®) ou le cisapride (Prepulsid ®) car certains animaux
développent une stase gastrique qui limite l’efficacité de cette voie de réalimentation.
[47]
198
CONCLUSION
L’insuffisance circulatoire aiguë chez le chien est une situation clinique qui impose
une prise en charge immédiate de l’animal. Celle-ci doit être effectuée de manière
précise en suivant un protocole simple dont la chronologie peut cependant différer selon
les cas :
1. recueil de l’anamnèse, réalisation d’un examen clinique initial, évaluation
précise du statut hémodynamique de l’animal, puis établissement d’un plan de
réanimation médicale immédiat en cas d’arrêt cardio-respiratoire imminent ;
2. pose d’une voie veineuse autorisant une thérapeutique liquidienne ;
3. réalisation d’un bilan paraclinique permettant de quantifier les déséquilibres
présents: bilan sanguin (incluant si possible l’hémogramme, l’ionogramme et un
bilan biochimique selon la situation clinique), exploration hémodynamique
invasive ou non invasive, contrôle de la diurèse, examens d’imagerie,…
4. choix du soluté de perfusion selon les résultats des examens cliniques et
paracliniques
5. mise en place d’une stratégie de correction des désordres électrolytiques, acidobasiques, gazométriques rencontrés ;
6. mise en place d’un protocole de surveillance permettant le suivi
hémodynamique du patient
Une fois cette stratégie thérapeutique instaurée, l’animal doit être l’objet d’une
surveillance continue afin d’évaluer la réponse clinique au traitement mis en place.
Le choix du ou des solutés de remplissage constitue une étape cruciale dans le plan
de réanimation, afin de rétablir la perfusion et l’hydratation tout en prévenant
l’apparition d’une surcharge vasculaire et ses conséquences néfastes (œdème
pulmonaire, cérébral, périphérique). Le choix de ce soluté repose sur différents critères
incluant la nature des pertes à l’origine de l’hypovolémie, les perturbations
hémodynamiques rencontrées et les caractéristiques physicochimiques des solutés, leurs
effets rhéologiques et secondaires. La diversité des produits disponibles permet de
répondre de manière efficace à la majorité des situations cliniques rencontrées en
médecine vétérinaire.
Les solutés cristalloïdes isotoniques et les colloïdes synthétiques (en particulier les
HEA), permettent le plus souvent de rétablir la volémie rapidement et de manière
prolongée. Il convient néanmoins d’en respecter les indications et contre-indications, les
posologies et rythmes d’administration.
La réanimation peut parfois être plus délicate. Lors d’indication transfusionnelle par
exemple (anémie importante, suite à une perte sanguine aigue par exemple) ou
d’hypoprotéinémie majeure, la difficulté d’accès aux produits sanguins (par manque de
donneur et de banques de sang de chien) et aux solutés d’albumine humaine (accès
réservé à l’usage hospitalier, coût prohibitif) retardent et limitent l’établissement d’une
stratégie thérapeutique adéquate. Les concentrés de globules rouges ou les dérivés
d’hémoglobine d’origine bovine récemment mis sur le marché, restent d’une
199
disponibilité réduite et d’un emploi très onéreux. En l’absence d’autres moyens, le
recours aux colloïdes et aux cristalloïdes reste la seule issue mais ce choix nécessite une
surveillance clinique et paraclinique intensive afin de limiter les effets secondaires
potentiels (hémodilution, efficacité controversée des « plans de réanimation liquidienne
retardée…).
D’autre part, une attention particulière doit être portée sur la place des molécules
vasoactives dans la gestion du choc hypovolémique. Leur emploi n’est justifié que si les
paramètres hémodynamiques ne sont pas rétablis malgré un remplissage vasculaire
optimal.
L’utilisation des tableaux décisionnels proposés aide le praticien à suivre une
stratégie thérapeutique par étapes. Le rappel des posologies et vitesses de perfusion
ainsi que des principales précautions d’emploi des solutés y est effectué. L’emploi
raisonné des vasopresseurs est également abordé. Ces tableaux répondent aux
principales situations cliniques rencontrées en favorisant le recours à des solutés faciles
d’accès. Leur emploi ne doit pas faire l’objet d’une application rigide mais constitue une
orientation de prise en charge thérapeutique. Le développement des banques de sang et
dérivés sanguins d’origine canine (permettant également le typage des donneurs et
limitant ainsi les risques transfusionnels) et de dérivés d’albumine d’origine canine
pourrait permettre à l’avenir d’élargir les possibilités thérapeutiques en pratique
courante.
200
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208
ANNEXES
ANNEXE 1 : Origine et actions des substances inflammatoires libérées lors de choc
[74]
ANNEXE 2 : Classification des hyperlactatémies [52]
ANNEXE 3 : Score de Glasgow modifié [83]
209
210
ANNEXE 1 :
ORIGINE ET ACTIONS DES SUBSTANCES INFLAMMATOIRES
LIBEREES LORS DE CHOC [74]
Histamine
Libéré par les mastocytes lors des réactions de liaison Ag-Ac
(fièvre aiguë, inflammation cutanée, asthme, arthrite rhumatoïde)
Bradykinine
Provoque douleur, vasodilatation et œdème
Stimule les prostacyclines
Sérotonine
Bronchoconstriction, agrégation plaquettaire, augmentation de la
perméabilité membranaire
Prostaglandines
PGE2 : vasodilatation, érythème, hyperalgie, œdème
PGF2α : vasoconstriction
Thromboxane A2
Vasoconstriction
Agrégation plaquettaire
Relargage de lysosomes membranaires
Leucotriènes C4,
D4, E4
Bronchoconstriction
Vasodilatation
Augmentation de la perméabilité vasculaire
Dépression cardiaque
TNF
Stimulation de médiateurs de l’inflammation et de cytokines
Dépression myocardique
Augmentation de la perméabilité capillaire
Œdème
CIVD
PAF
Effets asthmatiformes
Vasodilatation
Augmentation de la perméabilité capillaire
Endothéline
Vasoconstriction
Augmentation de la perméabilité capillaire
Œdème tissulaire
NO
Vasodilatation
Hypotension
Augmentation de la perméabilité capillaire
Production de radicaux libres oxygénés
Radicaux libres
oxygénés (O2-,
H2O2, OH-)
Production de peroxynitrites et d’acide peroxynitreux
Destruction membranaire
Lyse cellulaire
211
212
ANNEXE 2 : CLASSIFICATION DES HYPERLACTATEMIES [52]
Type A : Hyperlactatémies par hypoxie tissulaire
Diminution de DO2
· baisse du débit cardiaque : choc septique, hypovolémique, cardiogénique
· baisse de CaO2 : anémie sévère, anomalies de l'hémoglobine, hypoxémies
sévères, asphyxie
Altération de l'ExO2 ou de l'utilisation d'O2
· sepsis grave, défaillance polyviscérale, intoxication au cyanure
Type B1 : Hyperlactatémies et maladies systémiques
· insuffisance hépatique
· diabète sucré
· maladies néoplasiques
· alcalose
· sepsis
Type B2 : Hyperlactatémies et intoxications
· biguanides, fructose
· éthanol, méthanol, éthylèneglycol
· salicylates, cyanure, paracétamol
Type B3 : Hyperlactatémies et augmentation des besoins en O2
· état de mal convulsif
· exercice physique violent
213
214
ANNEXE 3 : SCORE DE GLASGOW MODIFIE [83]
ETAT DE CONSCIENCE
Périodes occasionnelles d'éveil et réceptif à l'environnement
Dépressif ou "delirium", répond à la stimulation mais
éventuellement de façon inappropriée
Stupeur, répond aux stimuli visuels
Stupeur, répond aux stimuli auditifs
Stupeur, répond uniquement aux stimuli nociceptifs répétés
Coma : ne répond à aucune stimulation
ACTIVITE MOTRICE
Démarche normale, réflexes médullaires normaux
Hémiparésie, tétraparésie, rigidité de décérébration
Décubitus, rigidité intermittente des extenseurs
Décubitus, rigidité permanente des extenseurs
Décubitus, rigidité permanente des extenseurs, opisthotonos
Décubitus, hypotonie musculaire, réflexes médullaires
diminués voire absents
REFLEXES TRONC CEREBRAL
Réflexes photomoteurs et oculo-céphalique normaux
Réflexes photomoteurs ralentis, réflexe oculo-céphalique
normal à diminué
Myosis bilatéral aréflexique, réflexe oculo-céphalique
diminué à absent
Myosis bilatéral serré, réflexe oculo-céphalique diminué à
absent
Mydriase unilatérale aréflexique, réflexe oculo-céphalique
diminué à absent
Mydriase bilatérale aréflexique, réflexe oculo-céphalique
diminué à absent
Catégorie
I
II
III
Score
3-8
9 - 14
15 - 18
215
SCORE
6
5
4
3
2
1
6
5
4
3
2
1
6
5
4
3
2
1
Pronostic SUGGERE
Situation grave
Réservé
Bon
INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE DU CHIEN :
CONCEPTS PHYSIOPATHOLOGIQUES,
RECONNAISSANCE CLINIQUE ET PRINCIPES
THERAPEUTIQUES
NOM et Prénom : REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS Florence
RESUME :
Cette thèse est une revue bibliographique détaillant les méthodes actuelles de reconnaissance
et de prise en charge raisonnée d’un chien en situation de choc hypovolémique.
L’auteur rappelle dans une première partie le fonctionnement du système cardio-circulatoire
et les modes de régulation s’exprimant dans des conditions physiologiques.
L’aspect physiopathologique est abordé dans une seconde partie où sont présentées les
perturbations hémodynamiques observées lors de situation d’insuffisance circulatoire chez le
chien. Les mécanismes compensateurs mis en œuvre par l’organisme afin de restaurer une
situation hémodynamique stable sont également détaillés.
Une description précise des moyens cliniques et paracliniques actuels d’évaluation de
l’animal en situation d’insuffisance circulatoire fait l’objet de la troisième partie.
Les principes thérapeutiques sont étudiés dans la dernière partie, en insistant sur les
caractéristiques des solutés et des agents pharmacologiques utilisables. A l’issue de ce rappel,
des stratégies thérapeutiques raisonnées et adaptées aux situations cliniques les plus
fréquemment rencontrées sont proposées sous forme de tableaux décisionnels.
Mots-Clés : Etat de choc – Hypovolémie – Thérapeutique liquidienne – Hémorragie –
Vasopresseur – Carnivore – Chien
Jury :
Président : Pr.
Directeur : Dr. DESBOIS
Assesseur : Dr. TISSIER
Invité : Dr. TESSIER-VETZEL
Adresse de l’auteur :
Melle Florence REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS
456 chemin des Argeiras
06460 SAINT VALLIER DE THIEY
DOG’S ACUTE CIRCULATORY FAILURE :
PHYSIOPATHOLOGICAL CONCEPTS, CLINICAL
RECOGNITION AND THERAPEUTICS PRINCIPLES
SURNAME and Given name: REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS Florence
SUMMARY :
This thesis is a literature review which covers the current methods used to diagnose and treat
dogs suffering from a hypo-volumetric shock.
In the first part of the thesis the author summarises how the cardio-vascular system works and
how it is controlled in normal physiological conditions.
The second part of the thesis describes the physio-pathological aspects of this system a
situation where there is a disruption in haemodynamic control due to circulatory insufficiency
in the dog. The adaptive mechanisms activated by the animal to re-establish stable
haemodynamics are also described.
In the third part of the thesis the author indicates the current clinical and para-clinical methods
used to evaluate circulatory insufficiency.
The final part of the thesis describes the main treatments. The author highlights the
characteristics of the perfusion solutions and pharmacological agents which can be used. At
the end of this section the treatment therapies adapted to the most frequently encountered
clinical situations are described in the form of decision making tables.
Keywords : Shock – Hypovolaemia – Fluidotherapy – Haemorrhages – Vasopressor –
Carnivore - Dog
Jury :
President : Pr.
Director : Dr. DESBOIS
Assessor : Dr. TISSIER
Guest : Dr. TESSIER-VETZEL
Author’s address :
Miss Florence REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS
456 chemin des Argeiras
06460 SAINT VALLIER DE THIEY
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