ÉCOLE NATIONALE VETERINAIRE D’ALFORT Année 2006 INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE DU CHIEN : CONCEPTS PHYSIOPATHOLOGIQUES, RECONNAISSANCE CLINIQUE ET PRINCIPES THERAPEUTIQUES THESE Pour le DOCTORAT VETERINAIRE Présentée et soutenue publiquement devant LA FACULTE DE MEDECINE DE CRETEIL le…………… par Florence REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS Née le 9 janvier 1982 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines) JURY Président : M. Professeur à la Faculté de Médecine de CRETEIL Membres Directeur : M. DESBOIS Maître de conférences à l’E.N.V.A. Assesseur : M. TISSIER Maître de conférences à l’E.N.V.A Invité : M. TESSIER -VETZEL Praticien hospitalier, Urgences-réanimation, à l’E.N.V.A. LISTE DES MEMBRES DU CORPS ENSEIGNANT Directeur : M. le Professeur COTARD Jean-Pierre Directeurs honoraires : MM. les Professeurs MORAILLON Robert, PARODI André-Laurent, PILET Charles Professeurs honoraires: MM. BORDET Roger, BUSSIERAS Jean, LE BARS Henri, MILHAUD Guy, ROZIER Jacques DEPARTEMENT DES SCIENCES BIOLOGIQUES ET PHARMACEUTIQUES (DSBP) Chef du département : M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur - Adjoint : M. DEGUEURCE Christophe, Professeur - UNITE D’HISTOLOGIE , ANATOMIE PATHOLOGIQUE -UNITE D’ANATOMIE DES ANIMAUX DOMESTIQUES M. CRESPEAU François, Professeur Mme CREVIER-DENOIX Nathalie, Professeur M. FONTAINE Jean-Jacques, Professeur * M. DEGUEURCE Christophe, Professeur* Mme BERNEX Florence, Maître de conférences Mlle ROBERT Céline, Maître de conférences Mme CORDONNIER-LEFORT Nathalie, Maître de conférences M. CHATEAU Henri, Maître de conférences -UNITE DE PATHOLOGIE GENERALE , MICROBIOLOGIE, IMMUNOLOGIE Mme QUINTIN-COLONNA Françoise, Professeur* M. BOULOUIS Henri-Jean, Professeur -UNITE DE PHYSIOLOGIE ET THERAPEUTIQUE M. BRUGERE Henri, Professeur Mme COMBRISSON Hélène, Professeur* M. TIRET Laurent, Maître de conférences -UNITE DE PHARMACIE ET TOXICOLOGIE Mme ENRIQUEZ Brigitte, Professeur * M. TISSIER Renaud, Maître de conférences M. PERROT Sébastien, Maître de conférences -DISCIPLINE : BIOCHIMIE M. MICHAUX Jean-Michel, Maître de conférences - UNITE DE VIROLOGIE M. ELOIT Marc, Professeur * Mme LE PODER Sophie, Maître de conférences -DISCIPLINE : PHYSIQUE ET CHIMIE BIOLOGIQUES ET MEDICALES M. MOUTHON Gilbert, Professeur -DISCIPLINE : GENETIQUE MEDICALE ET CLINIQUE Melle ABITBOL Marie, Maître de conférences -DISCIPLINE : ETHOLOGIE M. DEPUTTE Bertrand, Professeur -DISCIPLINE : ANGLAIS Mme CONAN Muriel, Ingénieur Professeur agrégé certifié DEPARTEMENT D’ELEVAGE ET DE PATHOLOGIE DES EQUIDES ET DES CARNIVORES (DEPEC) Chef du département : M. FAYOLLE Pascal, Professeur - Adjoint : M. POUCHELON Jean-Louis , Professeur - UNITE DE PATHOLOGIE CHIRURGICALE M. FAYOLLE Pascal, Professeur * - UNITE DE MEDECINE M. POUCHELON Jean-Louis, Professeur* M. MAILHAC Jean-Marie, Maître de conférences Mme CHETBOUL Valérie, Professeur M. MOISSONNIER Pierre, Professeur M. BLOT Stéphane, Maître de conférences Mme VIATEAU-DUVAL Véronique, Maître de conférences M. ROSENBERG Charles, Maître de conférences Mlle RAVARY Bérangère, Maître de conférences (rattachée au DPASP) Mme MAUREY Christelle, Maître de conférences contractuel M. ZILBERSTEIN Luca, Maître de conférences contractuel M. HIDALGO Antoine, Maître de conférences contractuel - UNITE DE CLINIQUE EQUINE M. DENOIX Jean-Marie, Professeur - UNITE DE RADIOLOGIE M. AUDIGIE Fabrice, Maître de conférences* Mme BEGON Dominique, Professeur* Mme GIRAUDET Aude, Professeur contractuel Mme STAMBOULI Fouzia, Maître de conférences contractuel Mme MESPOULHES-RIVIERE Céline, Maître de conférences contractuel -UNITE D’OPHTALMOLOGIE Melle VIREVIALLE Hameline, Maître de conférences contractuel M. CLERC Bernard, Professeur* Melle CHAHORY Sabine, Maître de conférences contractuel -UNITE DE REPRODUCTION ANIMALE Mme CHASTANT-MAILLARD Sylvie, Maître de conférences* - UNITE DE PARASITOLOGIE ET MALADIES PARASITAIRES (rattachée au DPASP) M. CHERMETTE René, Professeur M. NUDELMANN Nicolas, Maître de conférences M. POLACK Bruno, Maître de conférences* M. FONTBONNE Alain, Maître de conférences M. GUILLOT Jacques, Professeur M. REMY Dominique, Maître de conférences (rattaché au DPASP) Mme MARIGNAC Geneviève, Maître de conférences contractuel M. DESBOIS Christophe, Maître de conférences Melle CONSTANT Fabienne, AERC (rattachée au DPASP) -UNITE DE NUTRITION-ALIMENTATION Melle LEDOUX Dorothée, Maître de conférences Contractuel M. PARAGON Bernard, Professeur * (rattachée au DPASP) M. GRANDJEAN Dominique, Professeur Mme BLANCHARD Géraldine, Professeur contractuel DEPARTEMENT DES PRODUCTIONS ANIMALES ET DE LA SANTE PUBLIQUE (DPASP) Chef du département : M.MAILLARD Renaud, Professeur - Adjoint : Mme DUFOUR Barbara, Maître de conférences -UNITE DES MALADIES CONTAGIEUSES - UNITE DE ZOOTECHNIE, ECONOMIE RURALE M. BENET Jean-Jacques, Professeur* M. COURREAU Jean-François, Professeur M. TOMA Bernard, Professeur M. BOSSE Philippe, Professeur Mme HADDAD/ H0ANG-XUAN Nadia, Maître de conférences Mme GRIMARD-BALLIF Bénédicte, Professeur Mme DUFOUR Barbara, Maître de conférences Mme LEROY Isabelle, Maître de conférences M. ARNE Pascal, Maître de conférences -UNITE D’HYGIENE ET INDUSTRIE DES ALIMENTS M. PONTER Andrew, Maître de conférences* D’ORIGINE ANIMALE M. BOLNOT François, Maître de conférences * - UNITE DE PATHOLOGIE MEDICALE DU BETAIL ET DES M. CARLIER Vincent, Professeur ANIMAUX DE BASSE-COUR M. CERF Olivier, Professeur M. MILLEMANN Yves, Maître de conférences* Mme COLMIN Catherine, Maître de conférences Mme BRUGERE-PICOUX Jeanne, Professeur M. AUGUSTIN Jean-Christophe, Maître de conférences M. MAILLARD Renaud, Maître de conférences M. ADJOU Karim, Maître de conférences - DISCIPLINE : BIOSTATISTIQUES M. SANAA Moez, Maître de conférences Mme CALAGUE, Professeur d’Education Physique * Responsable de l’Unité AERC : Assistant d’Enseignement et de Recherche Contractuel REMERCIEMENTS A Monsieur le Professeur De la faculté de Médecine de Créteil, Qui m’a fait l’honneur d’accepter la présidence de mon jury de thèse. Hommage respectueux. A Monsieur Christophe DESBOIS, Maître de Conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Qui m’a aidée, guidée dans l’élaboration et la conception de ce travail. Hommage respectueux. A Monsieur Renaud TISSIER, Maître de Conférences à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Qui m’a fait l’honneur de participer à ce jury de thèse, Sincères remerciements. A Monsieur Dominique TESSIER-VETZEL, Responsable du service d’Urgences-Réanimation à l’Ecole Nationale Vétérinaire d’Alfort, Qui m’a orientée sur la conception de ce sujet de thèse, m’a fait partager son expérience et m’a soutenue par ses encouragements, Qu’il trouve ici l’expression de ma profonde gratitude. A mes Parents, Pour leur confiance et leur amour Pour me soutenir dans mes démarches et m’aider à réaliser mes projets Pour m’avoir menée jusqu’ici. A mon frère, Pour être toujours présent quand il faut Pour notre complicité. Au reste de ma Famille. A Théo, Pour m’avoir initiée à la culture de « la fleur sauvage ». A Tim, Pour continuer à partager les décennies à venir. A Morgane, L’âme sœur….. A Alex, L’âme rousse…. A Antoine, Cécilus, Alice, Jérôme, Cauchy, Vince, Agathe, Nina, Laurence, Yvonne, Pour leur amitié. A mon Ancien, A Phil et Morgane, Les coloc’s noctambules de l’avenue Patton…. A PH, Georges, Guillaume, Jean-François, Aurélie, Stéphanie, Marjorie, Elodie, Ingrid, Nadia, Pascaline,Véro, Ma famille d’adoption cette année !! TABLE DES MATIERES LISTE DES FIGURES………………….....……………………………………...11 LISTE DES TABLEAUX…………………….…………………………………..13 LISTE DES ABREVIATIONS……………...………………………………….15 INTRODUCTION…………………………………………...……………………..17 1ère PARTIE PHYSIOLOGIE DE LA FONCTION CARDIOCIRCULATOIRE I. LA FONCTION CIRCULATOIRE……………………………………………19 1. Fonction physiologique ……...………………………………………………..19 2. Les déterminants de la fonction circulatoire et leur régulation……………19 2.1. La volémie………………………………………………………………...20 2.1.1. Définition…………………………………………………………..20 2.1.2. Répartition…………………………………………………………20 2.1.3. Régulation …………………………………………………………20 Modification de l’osmolalité……………………………………20 Régulation hormonale…………………………………………..21 Le système rénine-angiotensine-aldostérone……………….21 L’hormone anti-diurétique………………………………….21 Le facteur atrial natriurétique…………………………….…22 2.2. Les vaisseaux………………………………………………………......…22 2.2.1. Organisation anatomique et fonctionnelle………………………...22 Le circuit………………………………………………………. 22 Le secteur résistif……………………………………………….23 Les zones d’échanges…………………………………………..23 Le secteur capacitif……………………………………………..25 2.2.2. Contrôle de la circulation périphérique……………………………25 2.2.2.1. Maintien de la pression de perfusion………………………..25 2.2.2.2. Contrôle extrinsèque des circulations régionales…………....26 Le système nerveux autonome…………………………………26 La régulation neuro-hormonale………………………………...26 2.2.2.3. Contrôle intrinsèque des circulations régionales……………28 Régulation à court terme……………………………………….28 Régulation métabolique……………………………………28 Phénomène d’autorégulation………………………………28 Régulation myogénique…………………………………....30 Vasomotricité liée à l’endothélium………………………...30 1 Autres stimuli vasomoteurs………………………………...31 Régulation à long et moyen terme……………………………...31 2.3. La fonction cardiaque………………………………………………….31 2.3.1. Organisation anatomique et fonctionnelle………………………...31 Place au sein du réseau vasculaire……………………………...31 Le retour veineux au cœur……………………………………...32 Le couplage atria-ventricules…………………………………..32 Les gros troncs artériels de la base du cœur…………………....32 2.3.2. Le cycle cardiaque………………………………………………...33 Phase systolique…...…………………………………………...33 Phase diastolique……………………………………………….34 Interactions ventriculaires au cours du cycle cardiaque………..34 2.3.3. Principaux déterminants du fonctionnement cardiaque…………...34 II. LA PERFUSION TISSULAIRE ET SES DETERMINANTS…………….36 1. Le débit cardiaque………………………………… ………………………... 36 1.1. Définition……………………………………………………………….. 36 1.2. Mécanismes de régulation……………………………………………... 36 1.2.1. Régulation de la fréquence cardiaque…………………………..... 36 1.2.2. Régulation du volume d’éjection systolique…….………………...36 La pré-charge et le retour veineux:……………………………..37 Autres facteurs influençant le remplissage diastolique…...……37 La contraction myocardique et la performance contractile du myocarde …………………………………………………….. 39 La post-charge et le couplage ventriculo-artériel ….....………..39 2. La régulation de la pression artérielle……………………………..………..40 2.1. Définition………………………………………...………………………40 2.2. Rôle…...….……………………………………………………………….41 2.3. Mécanismes immédiats de régulation………………………………….43 2.3.1. Régulation rapide : le baroréflexe………………..………………43 2.3.2. Autres mécanismes de régulation rapide…………………...…….44 2.4. Mécanismes retardés de régulation…………………………………….45 2.4.1. Le système rénine-angiotensine-aldostérone……………………..45 Actions de l’angiotensine II sur le tonus vasomoteur .. …...…...45 Actions tissulaires de l’angiotensine II……………………...…46 Action de l’Angiotensine II sur la volémie……………………..46 2.4.2. L’hormone anti-diurétique ……………………………………….47 2.4.3. Le facteur atrial natriurétique ……………………………………47 3. Les circulations régionales et leur régulation……………………………….48 3.1. Définition…………………………………….…………………………...48 3.2. Partition du débit cardiaque……………….……………………………49 3.3. Autorégulation à l’échelle de l’organe ...….……………………………49 3.4. Régulation métabolique locale……….………………………………….49 2 3.5. Equilibre entre les facteurs de régulation intrinsèque et extrinsèques selon les tissus ………….…………………………………50 III. LE TRANSPORT ET L’UTILISATION DE L’ OXYGENE ..………...….51 1. Les déterminants de l’oxygénation tissulaire……………..…………………51 1.1. Le transport de l’oxygène…………………..…………….……………..51 1.2. La consommation d’oxygène …...………….…………….……………..52 1.3. L’extraction de l’oxygène……………………………………………….52 2. Les mécanismes de régulation physiologique de l’oxygénation tissulaire....52 2.1. Notion de seuil critique………………………………………………….52 2.2. Réponse circulatoire à l’hypoxie……………...………….……………..54 2.2.1. Réponse systémique…………………………...…………………54 2.2.2. Réponse locale……………………………………………………54 2.2.3. Les réponses spécifiques des différents organes…………………54 Le myocarde…………………………………………….………55 Le cerveau………………………………………………………55 2ème PARTIE PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE I. PERTURBATIONS HEMODYNAMIQUES AU COURS DE L’ETAT DE CHOC HYPOVOLEMIQUE .….....…….….......................................................57 1. Syndrome hémodynamique général……………………………………….....57 1.1. Modification de la pression veineuse centrale………………………....57 1.1.1. Mécanismes immédiats de compensation………………………...57 1.1.2. Mécanismes retardés de compensation…………………………...58 Rôle des volorécepteurs…… …………………………………...58 Rôle des différences de pression entre les différents compartiments………………………………………….……….59 Rôle des résistance vasculaires systémiques……………………60 1.2. Modification du débit cardiaque……………………….……………….60 1.2.1. Modification de la contractilité myocardique……………………60 1.2.2. Modification de la fréquence cardiaque……………………….…61 1.3. Modification de la pression artérielle………………………………….61 1.3.1. Phase sympatho-excitatrice………………………………………61 1.3.2. Phase sympatho-inhibitrice………………………………………62 2. Modification des circulations locales………………………………………...63 3. Modification des microcirculations…………………………………………..65 3.1. Modification des vaisseaux de la microcirculation……………………65 3 3.2. Conséquences…………………………………………………………....66 II. CONSEQUENCES SYSTEMIQUES DE LA DEFAILLANCE CIRCULATOIRE………………………………………………………….…….68 1. Hypoperfusion tissulaire……………………………………………………..68 1.1. Déficit du métabolisme énergétique cellulaire………………….……..68 1.2. Modification de l’homéostasie cellulaire………………………………70 1.3. Libération de radicaux libres……………….………………………….70 2. Modification du statut acido-basique…………….………………………….71 2.1. Développement de l’acidose tissulaire…………………………………71 2.2. Acidose lactique et hyperlactatémie………….………………………...71 2.3. Epuisement des systèmes tampons…………………….……………….72 2.4. Compensation respiratoire et PCO2…………………….……………..73 2.5. Conséquences des désordres acido-basiques sur le transport d’O2….74 3. Modifications électrolytiques…………………………………………………..75 4. Désordres métaboliques…………………………………………………….….75 4.1. Installation du syndrome de réponse inflammatoire systémique…….76 4.2. Pathogénie du syndrome de défaillance multiviscérale……………….78 4.3. Spécificités des dysfonctions d’organes………………………………..80 4.3.1. 4.3.2. 4.3.3. 4.3.4. 4.3.5. 4.3.6. Dysfonction rénale……………………………………………..…80 Dysfonction du tractus gastrointestinal…………………………..80 Dysfonction hépatique……………………………………………81 Dysfonction neurologique………………………………………..82 Dysfonction hématologique……………………………………....82 Dysfonction immunitaire……………………………………........83 3ème PARTIE MOYENS D’EVALUATION CLINIQUE ET PARACLINIQUE DE L’ANIMAL EN SITUATION D’INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE I. EVALUATION DE LA PRESSION ARTERIELLE…………........................85 1. Intérêts…………………………………………………………….…………...85 2. Evaluation quantitative………………………………………….……………87 2.1. Pression invasive…………………………………………….…………..87 2.1.1. Technique………………………………………………………...87 2.1.2. Limites……………………………………………………………87 2.2. Pression non invasive……………………………………………………87 2.2.1. Technique………………………………………………………...88 4 2.2.2. Limites……………………………………………………………88 3. Evaluation qualitative (pouls) ………………………………………………..89 II. EVALUATION DE LA PERFUSION TISSULAIRE…………....................90 1. Perfusion périphérique…………………………………………….………….90 1.1. Evaluation des muqueuses et du temps de recoloration capillaire…..90 1.2. Suivi de la température…………………………………………………91 1.3. Evaluation du pouls périphérique……………………………………...91 1.4. Evaluation de la perfusion rénale………………………………………92 1.5. Evaluation de la perfusion cérébrale…………………………………..92 2. Perfusion centrale……………………………………………………………..93 2.1. Intérêts de la mesure de la pression veineuse centrale………………..93 2.2. Techniques de mesure…………………………………………………..94 2.2.1. Mesure invasive…………………………………………………..94 2.2.2. Mesure non invasive……………………………………………...98 2.3. Limites……………………………………………….…………………..98 3. Débit cardiaque……………………………………………..…………………99 3.1. Mesure de la fréquence cardiaque………………….………………….99 3.2. Mesure du volume d’éjection systolique…………...…………………100 III. EVALUATION DE L’OXYGENATION TISSULAIRE……......................102 1. Evaluation directe…………………………………………………….………102 1.1. Mesure des apports…………………………………………….……….102 1.1.1. Déterminants de la délivrance en O2……………………………102 1.1.2. Méthode de mesure par l’évaluation des gaz sanguins.…………104 1.1.3. Mesure par l’oxymétrie de pouls………………………………..104 1.2. Mesure de la consommation tissulaire en O2…………...……………106 2. Evaluation indirecte…………………………………………...…………….107 2.1. Evaluation du statut acido-basique……………………...……………107 2.2. Mesure de la lactatémie………………………………………………..109 IV. EVALUATION DE REPERCUSSIONS SYSTEMIQUES………..………..111 1. Désordres électrolytiques…………………………………………...……….111 2. Désordres métaboliques………………………………………….….………112 3. Réaction inflammatoire systémique aiguë…………………….….………..113 4. Désordres hématologiques……………………………………..…….……...113 5 4éme PARTIE STRATEGIE THERAPEUTIQUE I. CARACTERISTIQUES HEMODYNAMIQUES ET CLINIQUES DU CHOC HYPOVOLEMIQUE…..…………………………………………… …..115 1. Principales causes de choc hypovolémique……………………...…………115 2. Profil hémodynamique………………………………………………………116 3. Evolution clinique théorique……………………………………...…………116 4. Applications en médecine vétérinaire………………………………………117 II. OBJECTIFS THERAPEUTIQUES………………..………….………………119 1. Objectif théorique unitaire du choc…………………………………………119 2. Objectifs thérapeutiques cliniques…………………………..………………120 III. ORGANISATION DE L’EVALUATION CLINIQUE D’UN ANIMAL EN ETAT DE CHOC HYPOVOLEMIQUE......……..…………………….…123 1. Reconnaissance initiale………………………………………………………123 2. Organisation de l’évaluation paraclinique…………………………………124 IV. RETABLISSEMENT DE LA VOLEMIE………………………….…………126 1. Préambule à la thérapeutique liquidienne……………………….…………126 1.1. Rappels sur les lois régissant la dynamique des fluides dans l’organisme……………………………………...………………………126 1.2. Définition des propriétés hémodynamiques des solutés…………...…127 2. Les solutés cristalloïdes………………………………………………………129 2.1. Les solutés cristalloïdes isotoniques…………………………...………130 Nature chimique et métabolisme…….…………………………130 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments………………………………………………….131 Propriétés hémodynamiques…………...………………………131 Effets particuliers………………………………………………131 Indications……………………………..….……………………132 Contre-indications…………………………...…………………133 Posologies recommandées……………………..………………133 Effets secondaires………………………………………………134 Présentation galénique…………………………………………135 2.2. Les solutés cristalloïdes hypertoniques…………...……………………136 Nature chimique et métabolisme……………………………….136 6 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments………………….……………………………...136 Propriétés hémodynamiques…………………………………...136 Effets particuliers………………………………………………137 Indications……………………………………………………...138 Contre-indications……………………………………………...139 Posologies recommandées……………………………………..139 Effets secondaires………………….. …………………………140 Présentation galénique…………………………………………140 3. Les solutés colloïdes…………………………………………….……………140 3.1. L’albumine humaine……………………………………...……………142 Nature chimique et métabolisme……………….………………142 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments………………………………………………....142 Propriétés hémodynamiques…………………………………...143 Effets particuliers………………………………………………143 Indications……………………………………………………...143 Contre-indications…………………………………………...…144 Posologies recommandées……………………………………..144 Effets secondaires………………………….. …………………145 Présentation galénique…………………………………………145 3.2. Le plasma……………………………………………………………….146 Nature chimique et métabolisme…………………….................146 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments………………………………………………….146 Propriétés hémodynamiques…………………………………...146 Indications……………………………………………………...147 Contre-indications……………………………………………...147 Posologie recommandée…………...…………………………..147 Effets secondaires……………………...………………………147 Disponibilité……………………………………………………148 3.3. Les dextrans……………………………………………….……………148 Nature chimique et métabolisme………………………….……148 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments………………………………………………….148 Propriétés hémodynamiques…………...………………………149 Effets particuliers………………………………………………149 Indications………………………………...……………………149 Contre-indications………………………...……………………150 Posologies recommandées…………………..…………………150 Effets secondaires…………….. ………………………………150 Présentation galénique…………………………………………151 3.4. Les gélatines fluides modifiées…………………………………………152 Nature chimique et métabolisme………….……………………152 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments………………………………………………….152 Propriétés hémodynamiques………...…………………………152 7 Effets particuliers………………………………………………152 Indications……………………………...………………………153 Posologie recommandée………………..………...……………153 Effets secondaires……………………………….. ……………153 Présentation galénique…………………………………………153 3.5. Les hydroxyéthylamidons……………………………………………..154 Nature chimique et métabolisme……………………………….154 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments………………………………………………....155 Propriétés hémodynamiques…………………………………...155 Effets particuliers………………………………………………155 Indications……………………………………………………...156 Contre-indications……………………………………………...156 Posologies recommandées……………………………………..157 Effets secondaires……………………….. ……………………157 Présentation galénique…………………………………………158 4. Choix du type de soluté………………………………………………………159 4.1. Phase d’instauration du choc (stade clinique I) ...……………………159 4.2. Phase de choc établi (stade clinique II)………………………………..161 4.3. Phase de décompensation du choc (stade clinique III)……………….164 5. Modalités d’administration des solutés……………………………………..166 5.1. Voies d’administration…………………………………………………166 5.2. Débit de perfusion………………………………………………………166 5.3. Surveillance et prévention des complications………………………...168 5.3.1. 5.3.2. 5.3.3. 5.3.4. V. Température……………………………………………………...168 Suivi de laboratoire………………………………………………168 Surveillance des complications…………… …………………….168 Cas des hémorragies non jugulées……………………………….169 RETABLISSEMENT DE L’OXYGENATION TISSULAIRE……………...171 1. Apport d’O2…...……………………………………………………………...171 2. Correction des capacités de transport de l’O2……………………………..171 2.1. Transfusion sanguine…………………………………………………..171 2.1.1. Indications……………………………………………………….171 2.1.2. Précautions, voies et rythme d’administration…………………..173 Précautions d’administration…………………………………...173 Voies et rythme d’administration………………………………173 2.1.3. Effets secondaires potentiels……………………………………174 2.2. Oxyglobine………………………………………………………………174 Nature chimique et métabolisme…………………………….…174 Propriétés hémodynamiques………………………………...…175 Effets particuliers………………………………………………175 Indications……………………………………………..….……176 8 Effets secondaires……………………….. ……………………176 Posologies recommandées……………………………………..177 Présentation galénique…………………………………………177 VI. EVALUATION DE LA REPONSE THERAPEUTIQUE ET GESTION DES COMPLICATIONS.……………………………………………………178 1. Evaluation de l’efficacité du remplissage vasculaire……………………….178 1.1. Correction de l’hypotension artérielle………………………………...178 1.2. Normalisation de la fréquence cardiaque……………………………..179 1.3. Correction de l’oligurie………………………………………………...179 1.4. Test de remplissage vasculaire………………………………………...180 1.5. Evaluation de l’oxygénation tissulaire………………………………...181 1.6. Suivi des animaux présentant une hémorragie active………………..181 2. Adaptation de la fluidothérapie………………………………….…………..181 2.1. Correction de la déshydratation……………………………………….182 2.2. Apport des besoins de maintenance…………………………………...182 2.3. Correction des pertes additionnelles…………………………………..183 3. Emploi des molécules vaso-actives…………………………………………..184 3.1. Présentation des agents vasopresseurs………………………………..184 3.2. Indications………………………………………………………………186 3.3. Schéma thérapeutique………………………………………………….186 3.4. Plan de sevrage en catécholamines……………………………………188 3.5. Effets secondaires………………………………………………………188 3.6. Incompatibilités physico-chimiques et stabilité………………………190 4. Conséquences sur le statut acido-basique…………………………………..190 5. Conséquences sur le statut électrolytique…………………………………..192 5.1. Contrôle de la kaliémie………………………………………………...192 5.2. Contrôle de la natrémie………………………………………………..193 6. Traitement et prévention des complications métaboliques………..………194 6.1. Prise en charge de la douleur………………….………………………194 6.2. Traitement anti-inflammatoire……………………..…………………194 6.3. Traitement anti-infectieux………………………..……………………195 6.4. Prévention des lésions gastro-intestinales………………….…………196 6.5. Suivi de la fonction de coagulation……………………………………197 7. Traitement de l’hypothermie………………………..………………………197 8. Lésions de reperfusion………………………………………….……………197 9 9. Suivi nutritionnel…………………………………………………..…………198 CONCLUSION…………………………………………………………………….199 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………..201 ANNEXES…………………………………………………………………………..209 10 LISTE DES FIGURES Figure 1 Caractéristiques des parois des vaisseaux de la circulation systémique (hors circulation pulmonaire) [42] Figure 2 Fonctions des différents secteurs de la circulation systémique [42] Figure 3 Intervention du système nerveux autonome sur le contrôle de la circulation cardiaque et de la microcirculation [5] Figure 4 Contrôle métabolique du flux sanguin local [21] Figure 5 Illustration des différentes phases du cycle cardiaque [38] Figure 6 Déterminants de la fonction cardiaque [42] Figure 7 Déterminants du retour veineux vers le cœur droit [76] Figure 8 Caractéristiques hémodynamiques de la circulation systémique [42] Figure 9 Rôle de la pression artérielle dans l’organisme [98] Figure 10 Réflexe médié par les barorécepteurs [22] Figure 11 Organisation du système rénine-angiotensine circulant [5] Figure 12 Actions de l’angiotensine II [98] Figure 13 Chronologie des mécanismes de régulation de la pression artérielle [98] Figure 14 Le concept d’autorégulation. Représentation de deux relations entre la pression de perfusion et le débit [37] Figure 15 Courbe de dissociation de l’Hb [13] Figure 16 Dépendance pathologique de la consommation en O2 [6] Figure 17 Réflexe médié par les volorécepteurs atriaux [22] Figure 18 Réponse neurohormonale à la suite d’une diminution du volume intravasculaire [28] Figure 19 Répartition des débits régionaux au cours de l’état de choc hypovolémique par rapport à l’état physiologique [17] Figure 20 Modifications des déterminants de l’oxygénation tissulaire durant le choc hypovolémique [17] Figure 21 Glycolyse anaérobie [73] Figure 22 Le système de transport membranaire du lactate [52] 11 Figure 23 Courbe de dissociation de l’Hb en fonction du pH et de la PCO2 [57] Figure 24 Représentation schématique des conditions d’installation du syndrome de réaction inflammatoire systémique [34] Figure 25 [74] Conséquences de la reperfusion tissulaire après une période d’ischémie Figure 26 Cascade des médiateurs impliqués dans les perturbations immunoinflammatoires au cours de l’état de choc [2] Figure 27 Enregistrements continus de pression artérielle invasive [55] Figure 28 Positionnement du brassard et du transducteur lors de la mesure de la pression artérielle par méthode Doppler [77] Figure 29 Positionnement de la colonne d’eau pour la mesure de la PVC [99] Figure 30 Remplissage de la colonne grâce à la poche de NaCl 0,9% [99] Figure 31 Mesure de la pression veineuse centrale après étalonnage [99] Figure 32 Obtention de la PVC par transducteurs électroniques [99] Figure 33 Positionnement du capteur de l’oxymètre de pouls sur la langue [4] Figure 34 Principales relations hémodynamiques à prendre en compte dans la prise en charge du choc [48] Figure 35 Phase d’instauration du choc (stade clinique I) Figure 36 Phase de compensation du choc (stade clinique II) Figure 37 Phase de décompensation du choc (stade clinique III) Figure 38 Choc hypovolémique (stade clinique II-III) suite à une hémorragie aiguë 12 LISTE DES TABLEAUX Tableau 1 Signes cliniques associés aux différents stades de déshydratation extracellulaire [39] Tableau 2 Normes usuelles du ionogramme et autres paramètres biochimiques [96] Tableau 3 Symptômes cliniques observés au cours des différentes phases du choc hypovolémique [96] Tableau 4 Objectifs thérapeutiques [64] Tableau 5 Composition du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate Tableau 6 Présentation galénique du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate Tableau 7 Formulations commerciales de l’albumine disponibles Tableau 8 Formulations commerciales à base de Dextrans disponibles Tableau 9 Formulations commerciales de GFM disponibles Tableau 10 Définitions concernant certaines caractéristiques des HEA [9] Tableau 11 Formulations commerciales des HEA disponibles Tableau 12 Paramètres pharmacocinétiques après administration d’une dose unique d’Oxyglobin ® [8] Tableau 13 Effets cardiovasculaires des récepteurs adrénergiques [96] Tableau 14 Effets des catécholamines sur les récepteurs adrénergiques [96] Tableau 15 Posologie utilisée lors d’administration catécholamines lors d’état de choc [96] Tableau 16 intraveineuse de Principaux effets thérapeutiques bénéfiques et secondaires des catécholamines lors d’état de choc [96] Tableau 17 Correction en potassium des fluides de maintenance [39] Tableau 18 continue Traitements potentiels de l’hyperkaliémie [39] 13 14 LISTE DES ABREVIATIONS CaO2 : CvO2 : CIVD : CO2 : D: EDHF : ERO2 : FC : FR : GFM : Hb : Ht : HAD : IL : LCR : NaCl : NO : O2 : PaO2 : PvO2 : PA : PAD : PAF : PAM : PAS : PEV : PG : PM : PMn : PMp : PVC : RL : SaO2 : SvO2 : SDMV : SIRS : SNC : SSH : TaO2 : TvO2 : TGF : TNF : TRC : TSM : VES : VO2 : Contenu artériel en oxygène Contenu veineux en oxygène Coagulation intravasculaire disséminée Dioxyde de carbone Dalton Facteur endothélial hyperpolarisant Extraction en oxygène Fréquence cardiaque Fréquence respiratoire Gélatines fluides modifiées Hémoglobine Hématocrite Hormone anti-diurétique Interleukine Liquide céphalorachidien Chlorure de sodium Nitroxyde d’azote Oxygène Pression artérielle en oxygène Pression veineuse en oxygène Pression artérielle Pression artérielle diastolique Platelet activated factor Pression artérielle moyenne Pression artérielle systolique Pouvoir d’expansion volémique Prostaglandine Poids moléculaire Poids moléculaire en nombre Poids moléculaire en poids Pression veineuse centrale Ringer Lactate Saturation artérielle en O2 Saturation veineuse en O2 Syndrome de défaillance multiviscérale Syndrome de réaction inflammatoire systémique Système nerveux central Soluté salin hypertonique Tension artérielle en oxygène Tension veineuse en oxygène Tumoral Growth Factor Tumoral Necrosis Factor Temps de recoloration capillaire Taux de substitution molaire Volume d’éjection systolique Consommation tissulaire en oxygène 15 16 INTRODUCTION L’état de choc est une condition labile qui se caractérise, quelle qu’en soit l’origine, par l’établissement plus ou moins rapide d’une insuffisance circulatoire systémique, ayant pour conséquence majeure la réduction des apports nutritionnels aux cellules et donc une inadéquation entre les besoins et les apports métaboliques, en particulier en oxygène. Lors de choc hypovolémique secondaire à une hémorragie, la baisse de l’hémoglobinémie majore d’autant plus ce risque d’hypoxie cellulaire, du fait d’une altération des capacités de transport de l’oxygène. Il en résulte une situation de mise en péril de l’organisme, les homéostasies cellulaire, énergétique et hémodynamique n’étant plus maintenues. En médecine vétérinaire, cette situation est rencontrée de manière relativement fréquente et constitue un enjeu particulier. L’animal présenté en état de choc est souvent dans une situation clinique critique et nécessite l’admission dans un service de soins intensifs permettant une surveillance continue. Cette activité requiert une infrastructure permettant la réalisation de bilans clinique et paraclinique, nécessitant un matériel onéreux et peu rentable pour des cliniques non spécialisées. Cependant, la non disponibilité de ce type d’équipement ne doit pas faire renoncer le praticien à prendre en charge ces patients, dont l’état critique impose la mise en œuvre de soins immédiats. Le but de ce travail est donc de proposer une démarche thérapeutique de prise en charge d’un chien en état de choc hypovolémique. Dans une première partie, un rappel sur le système cardiocirculatoire est effectué, afin de comprendre le fonctionnement et les modes de régulation cardiovasculaire en situation physiologique. Dans une seconde partie, l’état de choc hypovolémique est envisagé sous un aspect physiopathogénique. Les perturbations hémodynamiques et les phénomènes de compensation sont détaillés afin de comprendre le mode d’évolution de l’insuffisance circulatoire aiguë. La troisième partie décrit les moyens d’évaluation clinique et paraclinique de l’animal en état de choc. Une description détaillée des différentes phases de l’examen clinique et des appareils de surveillance y est effectuée. Certains examens complémentaires présentés sont à l’heure actuelle essentiellement disponibles dans les centres dits spécialisés (appareil de mesure de gaz sanguins, de la pression artérielle invasive…); d’autres sont plus largement accessibles, donc applicables, en structures non spécialisées (pression non invasive, ionogramme, évaluation de la diurèse…). Enfin, la dernière partie présente un protocole de prise en charge thérapeutique raisonnée des perturbations hémodynamiques accompagnant le syndrome d’état de choc hypovolémique. Une attention particulière est portée aux différents aspects de la thérapeutique liquidienne en proposant une description détaillée des différents solutés 17 disponibles actuellement en France. D’autre part, les traitements visant à corriger les perturbations secondaires à l’hypoperfusion tissulaire sont envisagés en fonction de la pertinence de leur utilisation. La prévention et la gestion des complications potentielles y sont également décrites. 18 1ère PARTIE PHYSIOLOGIE DE LA FONCTION CARDIOCIRCULATOIRE La connaissance des bases morphologiques et fonctionnelles du système cardiovasculaire permet de comprendre les mécanismes de régulation de la perfusion tissulaire, responsable entre autre du fonctionnement cellulaire. Il est donc indispensable de connaître les bases du fonctionnement du système cardiocirculatoire, afin d’aborder par la suite les mécanismes intervenants dans la régulation systémique et locale de la perfusion tissulaire. Enfin, un rappel sur le transport et l’utilisation de l’oxygène au sein de l’organisme sera effectué afin de comprendre les mécanismes mis en place lors de situation d’hypoxie. IV. LA FONCTION CIRCULATOIRE 1. Fonction physiologique [16, 23] Le système cardiovasculaire est composé du cœur, des vaisseaux et du sang. Sa fonction est primordiale car il assure le transport de nombreuses substances indispensables à l’organisme : oxygène, nutriments (glucose, acides aminés, acides gras, lipides…), hormones et composés immunologiques. Il participe aussi au transport des produits du métabolisme cellulaire (dioxyde de carbone, acide lactique, déchets du métabolisme azoté…) en vue de leur élimination. Il participe à l’homéostasie cellulaire par le biais du contrôle de la balance hydrique, de la chaleur corporelle et de la répartition tissulaire des nutriments et de l’oxygène. Avec les systèmes endocrinien et neurologique, il participe aux fonctions de coordination et d’intégration. 2. Les déterminants de la fonction circulatoire et leur régulation La circulation sanguine est régie par un ensemble de mécanismes complexes faisant intervenir la fonction cardiaque (fonction pompe du cœur), les systèmes vasculaires (le contenant) et la volémie sanguine (le contenu). 19 2.1. La volémie 2.1.1. Définition La volémie représente le volume sanguin circulant total, c’est à dire le volume plasmatique (55%) et le volume globulaire (45%). Le liquide plasmatique est composé à 93% d’eau, les 7% restants comprenant des électrolytes, des protéines, des gaz dissous, des nutriments, des hormones et des déchets du métabolisme azoté. Le volume globulaire correspond au volume occupé par les globules rouges, les globules blancs et les plaquettes. Le volume moyen sanguin chez le chien est de 80 mL/kg. [23] Le volume plasmatique résulte d’un équilibre hydrique entre les milieux intérieur et extérieur d’une part, entre le secteur vasculaire et le secteur interstitiel d’autre part. La différence de pression s’exerçant d’un compartiment à l’autre favorise la filtration ou au contraire la réabsorption d’eau principalement au niveau des capillaires. Le volume globulaire est principalement déterminé dans les conditions physiologiques par la libération d’érythropoïétine rénale: cette hormone entraîne la libération d’hématies du compartiment médullaire vers le sang. [23] 2.1.2. Répartition Le sang circule dans un système fermé classiquement divisé en circulation systémique et en circulation pulmonaire. La majeure partie du sang se trouve dans la circulation systémique (84%) dont 13% dans le secteur artériel, 7% dans les capillaires et 64% dans le secteur veineux. La circulation pulmonaire ne contient que 9% du sang (répartition égale dans chaque secteur) et le cœur en diastole 7%. [16] 2.1.3. Régulation La régulation de la volémie s’effectue à différents niveaux par le biais de l’osmolalité, et par l’intervention de volorécepteurs répartis dans tout l’organisme (foie, système nerveux central et vaisseaux). Modification de l’osmolalité En premier lieu, toute modification de la pression hydrostatique et/ou oncotique au niveau plasmatique ou interstitiel entraîne une redistribution passive de l’eau dans ces secteurs ce qui entraîne une modification de la volémie. L’équilibre électrolytique (déterminé principalement par la natrémie) ainsi que la concentration protéique plasmatique sont donc fondamentaux dans la régulation de la volémie. 20 Régulation hormonale A l’état d’équilibre, le volume sanguin fait l’objet d’un contrôle permanent par des mécanismes de rétrocontrôles endocriniens où le rein tient une place prépondérante. [82] Le système rénine angiotensine aldostérone Le foie, le système nerveux central et les vaisseaux sont dotés de volorécepteurs qui sont sensibles aux variations de la volémie. Le système vasculaire regroupe des volorécepteurs à haute pression (appareil juxtaglomérulaire, aorte et carotides) et à basse pression (oreillettes et vaisseaux pulmonaires). [16] La baisse de la volémie stimule des volorécepteurs auriculaires activant, après intégration au niveau des centres supérieurs, le système sympathique et le système rénine angiotensine avec libération d’angiotensine II dans le système circulatoire. Celle-ci provoque une vasoconstriction de l’artériole rénale afférente conduisant à une diminution de la perfusion rénale et secondairement à une baisse de la diurèse. Il en suit une augmentation de la volémie. [20, 64] D’autre part, l’angiotensine II stimule le centre de la soif ainsi que la libération d’aldostérone par la glande corticosurrénale. Cette hormone provoque une rétention de sodium et d’eau au niveau des tubes contournés distaux et collecteurs rénaux entraînant une augmentation du volume plasmatique. [22, 64] L’hormone anti-diurétique L’hormone anti-diurétique (HAD) ou vasopressine est impliquée dans la régulation du volume d’eau réabsorbé par le rein, et joue par ce contrôle de la volémie sanguine un rôle dans la régulation de la pression artérielle. L’HAD est synthétisée par l’hypothalamus en réponse à la stimulation d’osmorécepteurs suite à l’augmentation de l’osmolarité du liquide céphalorachidien par déshydratation ou par excès de sodium (et donc indirectement par l’angiotensine II). Des récepteurs à l’HAD sont présents au niveau de l’hypothalamus dont l’activation stimule la soif. L’HAD a également une action sur le centre vasomoteur du noyau du tractus solitaire conduisant à une vasoconstriction. Enfin, les récepteurs situés sur les tubes contournés distaux et les tubes collecteurs stimulent la réabsorption d’eau, ce qui a pour conséquence de rétablir la volémie et d’abaisser la concentration sodique plasmatique. [20] L’HAD étant sécrétée en continue, la régulation peut s’effectuer aussi bien par une diminution de celle-ci (et donc une diminution de la volémie) ou par augmentation de sa sécrétion (entraînant une hausse de la volémie). 21 Le facteur atrial natriurétique Le facteur atrial natriurétique (FAN) est synthétisé puis relargué dans la circulation par les cellules atriales en réponse à leur distension secondaire à une hypervolémie, à une tachycardie atriale ou encore en présence de substances vasoconstrictrices élevant la pression auriculaire. Sa libération est également stimulée par l’HAD suite à l’augmentation du retour veineux qu’elle entraîne. [5] Le FAN a d’une part une action vasodilatatrice directe au niveau de la circulation systémique conduisant à une diminution de la pression artérielle et à une augmentation de la filtration glomérulaire ; d’autre part il déprime les fibres myocardiques et inhibe le système sympathique. Enfin il agit indirectement sur la volémie en inhibant la libération de rénine, d’aldostérone et d’HAD ce qui favorise la diurèse et la natriurèse. [5] 2.2. Les vaisseaux 2.2.1. Organisation anatomique et fonctionnelle Le circuit Le circuit vasculaire est un circuit fermé dans lequel le sang est propulsé par un moteur (le cœur) dans un réseau vasculaire ordonné. Le sang qui quitte le cœur circule successivement dans les grosses artères, les branches artérielles et les artérioles, dont le diamètre luminal diminue jusqu’à atteindre la valeur d’un capillaire (10 microns). Le sang rejoint ensuite le cœur via un réseau veineux de plus en plus large, les veinules, les branches veineuses et les grosses veines. [23] Le rôle de ces différents vaisseaux repose sur leur structure histologique (figure 1). Ils sont divisés en 3 couches : l’adventice externe composée de tissu conjonctif riche en collagène, la media comprenant majoritairement des fibres musculaires lisses circulaires et des fibres élastiques et l’intima interne représentant un endothélium continu s’appuyant sur une membrane basale glycoprotéique. [23] Les grosses artères proximales contiennent une grande proportion de fibres élastiques, leur permettant de se distendre lors d’augmentation de pression importante. Plus on s’éloigne du cœur, plus les artères sont pourvues en fibres musculaires au détriment de la matrice. Les artérioles terminales constituant les sphincters précapillaires sont dotées d’un anneau musculaire unicellulaire potentiellement occlusif. [16] Les veines contiennent moins de fibres musculaires lisses circulaires : elles offrent peu de résistances au flux sanguin et ont une capacité de distension élevée. Par conséquent, l’augmentation du volume sanguin systémique est à l’origine d’une vasodilatation veineuse plus ou moins importante. [23] 22 Figure 1 : Caractéristiques des parois des vaisseaux de la circulation systémique (hors circulation pulmonaire) [42] L’organisation fonctionnelle du système cardiocirculatoire découle des différences architecturales vasculaires (figure 2). Le secteur résistif Le système résistif est formé par les vaisseaux qui offrent une résistance élevée au flux sanguin. Les ventricules, les artères et les artérioles, constitués d’une large proportion de fibre musculaires lisses et de tissu fibreux, assurent cette fonction du fait de leur faible compliance. Ils assurent le maintien d’une pression systémique élevée, et par conséquent le maintien d’une pression de perfusion périphérique indispensable pour le bon fonctionnement des organes. Le système résistif joue donc le rôle d’un réservoir de pression. [23, 25, 64] Les zones d’échanges Les échanges sanguins (nutriments, gaz, déchets) sont réalisés au niveau des capillaires. Les capillaires forment une vaste surface d’échange où le flot sanguin est continu et lent. Il s’agit d’un système à basse pression. [23, 64] 23 Pression intravasculaire (mmHg) Figure 2 : Fonctions des différents secteurs de la circulation systémique [42] Système résistif Système capacitif La structure de ces vaisseaux de très faible diamètre permet le passage des hématies en ligne ce qui améliore la diffusion des substances ; les échanges sont régulés par la taille des molécules et le degré de fenestration de la membrane endothéliale des capillaires. [23] Seuls 10% des capillaires sont utilisés au repos, les autres étant shuntés et représentant une réserve disponible lors d’augmentation du métabolisme. Leur variation de diamètre est modulée par les variations de résistances en amont ou en aval de ceuxci. [16] Si le métabolisme augmente, l’organisme peut, par le biais d’une variation des résistances, recruter les autres capillaires assurant l’irrigation des organes concernés afin d’augmenter la perfusion tissulaire tout en maintenant un débit sanguin constant au niveau de chaque capillaire. [23] 24 Le secteur capacitif Le système capacitif est composé des veinules et des veines qui assurent le retour du sang des capillaires jusqu’au cœur. Les veines, par leur capacité de distension, assurent une fonction de collecte du sang, modulent le retour veineux et le débit cardiaque. [16, 23, 64] Les vaisseaux lymphatiques drainent la lymphe à partir des capillaires lymphatiques situés au voisinage des capillaires sanguins. En plus du rôle indispensable du système lymphatique dans le transport des composés immunologiques et anti-infectieux, dans l’absorption des graisses par le tube digestif et dans le drainage des protéines de poids moléculaire élevé, celui-ci intervient également dans la régulation du retour sanguin au coeur. [16] En effet, la structure de ses vaisseaux est comparable à celle des veines et il possède une capacité de distension élevée malgré des variations de volume importantes. Le système capacitif est caractérisé par une basse pression même lors de variation importante de la volémie. Ce système est également appelé « réservoir de volume » car la forte capacité de distension des veines et des vaisseaux lymphatiques permet de contenir un volume sanguin important sans modification notable de la pression sanguine dans ces secteurs. [23, 25, 64] 2.2.2. Contrôle de la circulation périphérique Dans les organes, le flux sanguin local est déterminé par la pression de perfusion et les résistances des vaisseaux sanguins. débit sanguin = Pression de perfusion / Résistances périphériques vasculaires 2.2.2.1. Maintien de la pression de perfusion A l’exception des poumons, la pression de perfusion au niveau de chaque organe correspond à la pression systémique. Cette dernière est étroitement liée aux variations des résistances vasculaires systémiques et du débit cardiaque, déterminé par la fréquence cardiaque et le volume d’éjection systolique toute modification de l’un de ces facteurs peut donc entraîner des modifications des pressions de perfusion régionale. Afin d’adapter le débit sanguin régional, l’organisme peut réagir aux variations de pression systémique par le biais du contrôle des résistances vasculaires périphériques. La pression systémique est par définition la même pour tous les tissus de l’organisme, mais le débit régional diffère selon les organes : il existe donc des variations de régulation des résistances vasculaires périphériques en fonction des organes. [25] Le contrôle de la circulation périphérique repose sur le tonus vasomoteur, et donc de l’état de contraction ou de relaxation des muscles lisses vasculaires régionaux. Il existe des facteurs de régulation des résistances vasculaires extrinsèques et intrinsèques. [16, 21, 22] 25 2.2.2.2. Contrôle extrinsèque des circulations régionales Le contrôle extrinsèque des résistances vasculaires périphériques s’effectue par le biais de facteurs nerveux et humoraux qui ont une action systémique se repercutant au plan régional. En effet, ces systèmes de régulations contribuent au maintien d’une pression artérielle systémique compatible avec l’établissement d’une pression de perfusion périphérique adéquate. [64] Le système nerveux autonome Le contrôle nerveux s’effectue par le biais du système nerveux autonome. Les informations sont transmises aux centres cardiovasculaires (formation réticulée et région pontique) composés d’un centre presseur et d’un centre dépresseur tout en étant soumises à l’influence du noyau du tractus solitaire (site de projection des barorécepteurs et des chémorécepteurs) et contrôlées par le cortex et l’hypothalamus. L’intégration de l’ensemble des informations conduit à une réponse médiée soit par le système parasympathique soit par le système orthosympathique. [16, 64] Le système nerveux parasympathique agit principalement au niveau cardiaque alors que le système nerveux orthosympathique a une action cardiaque et périphérique (figure 3). Le système sympathique agit, par l’intermédiaire de neurotransmetteurs (adrénaline et noradrénaline principalement), sur les fibres myocardiques, les cellules endothéliales et les fibres musculaires lisses vasculaires. L’activation des récepteurs α-adrénergiques donne lieu à une constriction des artérioles et des veines. La stimulation des récepteurs β1 situé sur les cellules myocardiques a une action inotrope et chronotrope positive. [22, 64] Le système parasympathique stimule les récepteurs muscariniques (M) situés sur les muscles lisses des artérioles coronaires et des muscles squelettiques grâce à une libération d’acétylcholine. Il en résulte un effet vasoconstricteur de faible intensité et souvent surpassé par l’effet vasodilatateur du à la libération de monoxyde d’azote par l’endothélium (récepteur M endothélial). Il existe également des récepteurs M au niveau des noeuds sino-atrial, atrial et atrio-ventriculaire et des cellules myocardiques : leur stimulation provoque un effet chronotrope négatif important ainsi qu’un effet inotrope négatif modéré par effet direct et indirect (inhibition du système orthosympathique). [16, 22, 64] La régulation neuro-hormonale La stimulation du système orthosympathique peut entraîner également une libération d’adrénaline et de noradrénaline par la médullosurrénale ; ces substances n’agissent plus comme neurotransmetteurs mais comme hormones déversées dans la circulation systémique. A faible concentration, celles-ci viennent renforcer l’action 26 vasoconstrictrice au niveau des récepteurs α-adrénergiques. Libérées à forte dose, elles activent des récepteurs β2 adrénergiques situés sur les artérioles coronaires et musculaires squelettiques, conduisant à une vasodilatation. [16, 22, 64] D’autre part, la stimulation du système orthosympathique entraîne également une libération d’angiotensine II qui a de puissants effets vasoconstricteurs sur différents vaisseaux. [16, 64] Figure 3 : Intervention du système nerveux autonome sur le contrôle de la circulation cardiaque et de la microcirculation [5] NTS : Noyau du tractus solitaire ; CC : Centre cardiaque du parasympathique (pΣ) ; CVM : Centre vasomoteur du sympathique (Σ) ; PC : pression intracrânienne ; θ : température centrale, A : adrénaline ; NA : noradrénaline 27 2.2.2.3. Contrôle intrinsèque des circulations régionales A l’inverse du contrôle extrinsèque qui régit le maintien de la pression systémique, différents déterminants de régulations interviennent au niveau régional ou local pour adapter plus spécifiquement le débit sanguin aux besoins spécifiques de chaque organe. Au repos, presque tous les tissus, à l’exception des reins et de la peau, contrôlent le débit sanguin nécessaire à leur métabolisme basal. Si celui-ci est modifié, plusieurs facteurs interviennent pour permettre de maintenir le débit sanguin local aux besoins spécifiques de chaque organe. Régulation à court terme Régulation métabolique [21] La régulation métabolique est primordiale dans le contrôle de la circulation périphérique : elle permet en effet une adaptation rapide du flux sanguin local en réponse à une modification des besoins métaboliques. Au niveau tissulaire local, une augmentation du métabolisme entraîne une augmentation de la demande en oxygène alors que l’apport reste constant. Il en résulte une diminution de la concentration en oxygène et une hausse de la libération de catabolites tissulaires (CO2, adénosine, acide lactique…) ainsi que la fuite des ions potassium du milieu intracellulaire vers le milieu interstitiel. Ces facteurs exercent une action vasodilatatrice en relaxant le muscle lisse artériolaire ; par conséquent le flux sanguin local est augmenté. Parallèlement on observe une relaxation des sphincters précapillaires ce qui permet la mise en fonction d’un nombre supplémentaire de capillaires (en situation basale, seul 10 à 20% des capillaires sont utilisés). Ainsi, le flux sanguin local augmente et la distance de diffusion nette entre les cellules et le sang diminue : les apports en nutriments et en O2 sont alors rétablis par rapport aux besoins. Ce phénomène est appelé « hyperémie active ». Lorsque le flux est rétabli, il s’opère un rétrocontrôle négatif qui diminue la libération de substances vasodilatatrices assurant ainsi un retour à la normale (figure 4). La même réaction est observée en cas de restriction momentanée du flux sanguin à un tissu (suite à une obstruction). A la levée de l’occlusion, « l’hyperémie réactive » permet une hausse du débit local afin de répondre aux besoins métaboliques modifiés. Phénomène d’autorégulation [21, 37] La perfusion périphérique dépendant étroitement de la pression systémique, toute modification de la pression artérielle peut entraîner des modifications brutales de débit sanguin local. Le phénomène d’autorégulation permet de limiter les conséquences d’un 28 changement brutal de pression de perfusion régionale et donc de maintenir des débits sanguins adaptées au métabolisme des organes. La régulation métabolique permet d’adapter le flux sanguin en réponse à une modification des besoins métaboliques et participe en cela au phénomène d’autorégulation. Celui-ci a été objectivé lors d’expériences sur des organes ou des tissus dénervés auxquels on a appliqué des pressions de perfusion différentes. [21] Ainsi l’application de pressions comprises entre 60 et 190 mm Hg au niveau du cerveau sans modification du métabolisme local n’a entraîné que des modifications minimes du débit sanguin tissulaire. Ceci est du à une autorégulation de l’organe dans laquelle intervient la régulation métabolique. Figure 4 : Contrôle métabolique du flux sanguin local [21] ↑ demande métabolique tissulaire ↑ relargage facteurs vasodilatateurs (K+, CO2, Adénosine) ↑consommation O2 ↑ concentration facteurs vasodilatateurs ↓ concentration en O2 ↓ tonus sphincter pré-capillaire Rétrocontrôle négatif ↓ résistances artériolaires ↑ nombre capillaires ouverts ↑ surface capillaire totale ↓ distance de diffusion ↑ élimination K+, CO2 , adénosine ↑ apport en O2 29 ↑ Flux sanguin L’augmentation immédiate du débit sanguin conduit à une vasoconstriction artériolaire par le biais de la régulation métabolique (diminution de la libération locale de facteurs vasodilatateurs) et donc à une hausse des résistances vasculaires périphériques. Le rétrocontrôle négatif permet alors de restaurer le tonus vasculaire initial. Cependant, ce mécanisme de régulation est dépassé lors de variations extrêmes de la pression systémique. Ainsi, lors d’hypo- ou d’hypertension majeure, le débit d’organe devient directement dépendant de la pression artérielle systémique. Cet intervalle de pression au sein duquel le phénomène d’autorégulation est compétent diffère selon les organes. Régulation myogénique [16] Lorsque la pression de perfusion locale augmente, le vaisseau se détend de manière passive ce qui entraîne une augmentation du débit. 30 à 60 secondes plus tard, on observe une vasoconstriction qui permet un retour du débit sanguin à sa valeur initiale. Si au contraire une baisse de la perfusion est observée, on assiste à une vasodilatation locale. Ce réflexe est indépendant de la présence d’un endothélium mais implique une réponse de type musculaire lisse. [37] Les mécanismes de ce « réflexe myogénique » ne sont pas encore parfaitement compris mais il participe à la création d’un tonus de base, indispensable pour assurer les phénomènes de dilatation ou de constriction induits par différentes substances vasomotrices. D’autre part, cette réponse permettrait de protéger la paroi très fine des capillaires en cas d’augmentation importante de pression et ainsi réguler la pression capillaire hydrostatique. Vasomotricité liée à l’endothélium [16] L’endothélium vasculaire, s’il est intact, joue un rôle déterminant dans la vasomotricité locale via la libération de facteurs autocrines. Lors d’augmentation du débit local à pression constante, la contrainte de cisaillement que subit la paroi endothéliale est majorée ce qui entraîne la libération de substances vasodilatatrices comme le monoxyde d’azote (NO). Cette substance, très labile, est également produite suite à une stimulation par les bradykinines, la sérotonine, l’histamine… Le facteur endothélial hyperpolarisant (EDHF) ainsi que des prostacyclines (PGI2) sont également des facteurs vasodilatateurs libérés par l’endothélium. En revanche la libération locale d’endothéline et d’angiotensine II sous l’influence de facteurs mécaniques (étirement de la paroi artérielle), chimiques (hypoxie) ou hormonaux (noradrénaline, thrombine) induit une vasoconstriction permettant de maintenir le tonus vasculaire. L’endothéline exercerait également une action inotrope positive sur le myocarde. D’autres molécules telles que l’EDRF et les prostaglandines endothéliales ont aussi un rôle dans la contraction des artérioles. 30 Autres stimuli vasomoteurs [16] L’acétylcholine, le facteur atrial natriurétique, l’hyperosmolarité, l’adénosine, l’ATP, l’ADP, l’augmentation de la concentration en ions K+, H+, Mg++, Na+, acétate, citrate, CO2 ainsi que la chaleur ont une action vasodilatatrice. En revanche, les radicaux libres et le calcium à forte concentration, le thromboxane A2, l’alcalose, et le froid ont un effet vasoconstricteur artériolaire. La bradykinine, l’histamine, les eicosanoïdes, la sérotonine, le PAF, les kinines ont un rôle vasomoteur soit vasodilalatateur soit vasoconstricteur. Régulation à moyen et long terme [16] Les vaisseaux étant soumis à des contraintes régulières suite à des changements fréquents de pression sanguine ont une structure qui se modifie au cours du temps : aou hypertrophie, hypo- ou hyperplasie. Ce remodelage peut être influencé par une libération répétée d’angiotensine II endothéliale qui exerce une action trophique au niveau tissulaire. De plus, si la circulation est obstruée de manière chronique, une néovascularisation collatérale peut rapidement se mettre en place et modifier ainsi le flux sanguin 2.3. la fonction cardiaque 2.3.1. Organisation anatomique et fonctionnelle Place au sein du réseau vasculaire Le système cardiovasculaire est un circuit fermé dans lequel le sang circule grâce à l’établissement de gradients de pression dans le secteur artériel et l’existence de valves anti-reflux dans le secteur veineux à basse pression. Le cœur y tient une place prépondérante en y assurant plusieurs fonctions : - en tant que muscle myocardique, l’alternance de phases de contraction et de relaxation régule le volume et la force d’éjection du sang dans la circulation pulmonaire et systémique. - le cœur droit fait partie d’un système à basse pression qui va des capillaires périphériques au ventricule gauche en diastole alors que le coeur gauche est le moteur du système à haute pression comprenant le cœur gauche en systole aux sphincters pré-capillaires. - son activité autonome (pace-maker) est influencée par une régulation intrinsèque et extrinsèque dont les répercussions touchent l’ensemble du 31 système cardiovasculaire (modification du débit cardiaque et de la vasomotricité) Le retour veineux au cœur Le cœur droit et le cœur gauche sont alimentés par le sang provenant des veines en amont. La pompe cardiaque droite est alimentée par les troncs veineux (veine cave caudale, veine cave crâniale) qui se jettent dans l’atrium droit. Ces gros vaisseaux constituent l’abouchement final de l’ensemble des vaisseaux drainant les capillaires périphériques. La faible compliance des vaisseaux veineux leur permet d’assurer le rôle de réservoir volumique pour le cœur droit. Le cœur gauche reçoit le sang provenant des veines pulmonaires. Une des particularités du système veineux pulmonaire est la faible force du tonus vasomoteur comparé à la circulation systémique. De plus, il appartient à une circulation régie à basse pression. [25] Par conséquent, toute modification importante de la pression en aval ou toute augmentation du débit cardiaque droit conduit à une dilatation des veines pulmonaires et une baisse des résistances locales. Le sang est ramené dans chaque hémicoeur sous l’effet d’un gradient de pression existant entre les sphincters post-capillaires et les atria. Ce gradient de pression étant faible et l’activité pulsatile étant réduite, l’existence de valves unidirectionnelles dans la paroi des veines évite le reflux sanguin vers les capillaires. De plus, les mouvements respiratoires induisent des modifications de pression intrathoracique qui influencent le retour veineux. Le couplage atria-ventricules Chaque hémicoeur est constitué de 2 cavités, l’atrium et le ventricule, reliés par une valve atrio-ventriculaire. La pression moyenne dans les atria est régie par la relation entre le contenu sanguin et les propriétés mécaniques de la paroi (distensibilité, inotropisme) mais aussi par la pression diastolique du ventricule associé, par l’inextensibilité du péricarde et par l’existence de variations de pression intrathoracique par le biais des mouvements respiratoires. [76] Lors de l’ouverture de la valve, le sang passe de l’atrium au ventricule sous l’effet du gradient de pression alors que sa fermeture permet le remplissage de l’atrium et l’éjection sous pression du volume ventriculaire dans les troncs artériels. Les gros troncs artériels de la base du cœur Chaque ventricule éjecte le sang vers un tronc artériel majeur : le tronc pulmonaire pour le ventricule droit et le tronc aortique pour le ventricule gauche. Ces vaisseaux alimentent deux réseaux vasculaires dont le fonctionnement diffère. En effet, le réseau vasculaire pulmonaire est un système à haut débit et basse pression 32 puisqu’il est parcouru par l’intégralité du débit cardiaque (comme le tronc artériel) mais à une pression artérielle pulmonaire environ 6 fois inférieure à la pression artérielle systémique. [21] 2.3.2. Le cycle cardiaque [24, 64] Le cœur se contracte et se relâche selon un mode cyclique en réponse à une dépolarisation électrique et aux mouvements calciques cellulaires. Chacune des 4 cavités cardiaque subit cette contraction (phase systolique) et cette relaxation successive (phase diastolique). Ces différentes phases sont illustrées dans la figure 5. Au cours de ces étapes, on observe des modifications de pression et de volume cavitaire, qui sont à l’origine des fonctions de la pompe cardiaque. Figure 5 : Illustration des différentes phases du cycle cardiaque [38] Le cycle cardiaque est détaillé ci-dessous en prenant pour exemple le fonctionnement atrial et ventriculaire gauche. Le déroulement des différentes phases décrites est identique au sein du cœur droit. Phase systolique La phase de systole est composée de 2 étapes : - le ventricule se contracte sans modification de volume (contraction isovolumique) car les valves mitrales et aortiques sont closes. Il s’en suit une augmentation de pression intracavitaire, dépendante du volume initial contenu et de la force contractile de la paroi ventriculaire 33 - lorsque cette pression est supérieure à la pression régnant à la base du tronc aortique, la valve aortique s’ouvre et permet l’éjection du sang contenu dans le ventricule sous pression. Cette éjection se poursuit jusqu’à ce que la pression intracavitaire soit inférieure à la pression aortique ; la valve aortique se ferme alors et reste dans le ventricule une fraction volumique appelé volume de fin de systole. La différence de volume ventriculaire entre la fin de la diastole et la fin de la systole est appelée volume d’éjection systolique ventriculaire. Phase diastolique Le début de la diastole commence avec la fin de la systole ventriculaire. Les valves aortiques et mitrales sont closes : c’est la phase de relaxation isovolumique durant laquelle la pression ventriculaire gauche diminue rapidement. Parallèlement, la pression atriale gauche augmente du fait du remplissage progressif de l’atrium gauche. Lorsque celle-ci dépasse la pression ventriculaire, la valve mitrale s’ouvre et permet le remplissage passif puis actif du ventricule gauche (systole atriale mais diastole ventriculaire). Cette décharge de sang de l’atrium vers le ventricule relâché conduit à une diminution de la pression atriale et une fermeture de la valve mitrale qui s’oppose au reflux sanguin du ventricule vers l’atrium. Interactions ventriculaires au cours du cycle cardiaque Il est important de prendre en compte l’interaction du ventricule droit et gauche du fait de la présence du péricarde, sac fibreux inextensible qui entoure les 2 hémicoeurs, et ceci aussi bien durant la diastole que la systole. Ainsi, l’augmentation aiguë du volume ventriculaire droit limite le remplissage parallèle du ventricule gauche et inversement (bien que l’augmentation aigue du volume ventriculaire gauche soit limitée en raison de l’épaisseur de sa paroi). [76] 2.3.3. Principaux déterminants du fonctionnement cardiaque Le fonctionnement adéquat du système cardiaque repose sur plusieurs déterminants (figure 6): - la précharge et la postcharge - la contractilité myocardique - la fréquence et le rythme cardiaques 34 Figure 6 : Déterminants de la fonction cardiaque [42] Ces facteurs sont interdépendants ; leur régulation complexe est envisagée cidessous. 35 II. LA PERFUSION TISSULAIRE ET SES DETERMINANTS 1. Le débit cardiaque 1.1. Définition Le débit cardiaque est la quantité de sang éjecté par un ventricule en une minute ; il correspond donc au produit de la fréquence cardiaque et du volume d’éjection systolique. [24] La finalité du débit cardiaque est d’assurer à l’ensemble des tissus de l’organisme un apport en oxygène et en nutriments adapté à leurs besoins. Il doit donc être en permanence ajusté pour s’adapter aux variations métaboliques de l’organisme en fonctions des situations. 1.2. Mécanismes de régulation Pour modifier le débit cardiaque, l’organisme peut agir sur la fréquence cardiaque ou sur le volume d’éjection systolique. [16, 24] 1.2.1. Régulation de la fréquence cardiaque [16] La fréquence cardiaque dépend des interactions entre le système nerveux orthosympathique (rôle chronotrope positif) et le système nerveux parasymathique qui modère les effets du système orthosympathique (rôle chronotrope négatif). Le principal mécanisme de régulation à court terme chez un animal sain est lié à l’innervation vagale menant à l’arythmie sinusale respiratoire. [16, 64] D’autre part des mécanismes neuro-hormonaux, centraux, métaboliques et thermoénergétiques interviennent dans la modulation de la fréquence cardiaque. Le système nerveux autonome y joue un rôle majeur : sa stimulation peut conduire à un réflexe de bradycardie (par le biais de la stimulation des barorécepteurs aortiques et carotidiens, des chémorécepteurs carotidiens et coronariens) ou inversement à une tachycardie (inhibition des barorécepteurs carotidiens et aortiques, stimulation des volorécepteurs cardiaques, des chémorécepteurs aortiques, des récepteurs musculaires). [16, 22, 64] 1.2.2. Régulation du volume d’éjection systolique Le volume d’éjection systolique est la différence entre le volume ventriculaire en fin de diastole et celui en fin de systole. [24] Il dépend de trois facteurs : le remplissage diastolique et la pré-charge, la contraction myocardique et la performance contractile du myocarde, la post-charge et le couplage ventriculo-artériel. [5, 64] 36 La pré-charge et le retour veineux: Le système cardio-circulatoire étant fermé, le cœur ne peut éjecter en systole qu’un volume égal a celui qu il a reçu en diastole. Le volume d’éjection systolique du ventricule droit constituant le volume de remplissage du ventricule gauche, il en détermine la précharge. Par conséquent, le retour veineux est le déterminant principal de la pré-charge ventriculaire. [23, 64, 76] Le retour veineux est déterminé par la différence de pression entre les réservoirs veineux et l’oreillette droite. [82] Ce gradient de pression est régi par de nombreux facteurs tels que la forte capacitance et le tonus vasomoteur du système veineux périphérique, la résistance au retour veineux, la pression atriale droite et la pression artérielle systémique. Différents facteurs, dont l’intervention du système sympathique, conduisent à une constriction des veines entraînant une augmentation de la pression veineuse centrale et de la précharge par déplacement du volume sanguin vers le cœur droit. [22] Ainsi, d’après la loi de Starling, le remplissage ventriculaire diastolique augmente, ce qui entraîne une augmentation de la performance ventriculaire (sa contractilité) par augmentation de la longueur des sarcomères avant la contraction. [24, 76] Une augmentation de la précharge influence donc le débit cardiaque jusqu’à atteindre un plateau : pour un état contractile donné, le débit ventriculaire augmente jusqu’à un plateau lorsque la pression ventriculaire augmente (et donc le volume ventriculaire dépendant de la précharge). [76] La circulation systémique et la circulation pulmonaire étant placées en série, le remplissage du ventricule gauche est directement dépendant de la fonction ventriculaire droite (déterminée en majeure partie par le retour veineux). D’autre part, le retour veineux est directement conditionné par l’activité du ventricule gauche puisque celui-ci éjecte le sang dans la circulation artérielle et par conséquent alimente le réseau veineux. En revanche, le remplissage du ventricule droit n’est qu’indirectement lié à l’activité du ventricule gauche en raison de la capacitance importante du territoire veineux. Une augmentation du volume d’éjection systolique du ventricule gauche peut ainsi être absorbé par les vaisseaux veineux sans entraîner de modification importante de gradient de pression et donc de modification du retour veineux. [76] Les acteurs intervenant dans la régulation du retour veineux vers le cœur droit sont exposés dans la figure 7. Autres facteurs influençant le remplissage diastolique Le remplissage ventriculaire rapide réalisé en protodiastole dépend non seulement du gradient de pression entre l’atrium et le ventricule correspondant mais aussi des qualités de relaxation et des propriétés passives du myocarde. [24, 76] La relaxation est modifiée par de nombreux facteurs tels que la pression télésystolique, l’hypoxie, l’ischémie, l’acidose, l’hypertrophie du myocarde, les maladies primitives ou secondaires du myocarde, la température centrale, l’hyper- ou l’hypothyroïdie, les agents inotropes endogènes ou exogènes. [24, 76] 37 D’autre part, la fréquence cardiaque influence également de remplissage diastolique en modifiant la durée de la diastole. Une fréquence cardiaque supérieure à 150 bpm réduit de manière significative le temps de la diastole ce qui diminue le temps de remplissage du ventricule. Ceci mène à une diminution du volume d’éjection systolique alors que la pression atriale, la systole atriale et la compliance ventriculaire demeurent normales. [24] Figure 7 : Déterminants du retour veineux vers le cœur droit [76] Les propriétés passives du myocarde sont liées à sa composition (épaisseur de la paroi, fibrose interstitielle…) mais aussi à des facteurs extra-pariétaux liés à l’interaction diastolique des ventricules dans un péricarde inextensible ; ainsi toute dilatation rapide d’un ventricule va se faire aux dépens de l’autre et en limiter le remplissage. Il convient également de mentionner les facteurs extra-pariétaux liés à l’interaction coeur-poumon car l’expansion pulmonaire, en augmentant la pression externe appliquée sur le cœur, peut limiter le remplissage des ventricules et accentuer l’interaction ventriculaire. Enfin la contraction des atria intervient également sur la pré-charge en représentant environ 15% du remplissage ventriculaire. Elle dépend de l’énergie contractile, du volume de remplissage auriculaire mais aussi de la compliance ventriculaire. Si la fréquence cardiaque est supérieure à 180 bpm, la contraction atriale survient pendant la phase de remplissage rapide de ventricules ce qui diminue le volume de remplissage total. 38 La contraction myocardique contractile du myocarde et la performance La contractilité du myocarde est définie par la performance contractile des myocytes qui composent le muscle. Elle dépend de la vitesse et du nombre de liaisons qui se forment entre l’actine et la myosine, de la quantité de calcium libre dans le cytoplasme et du degré d’affinité de la troponine C pour le calcium. [64, 76] Les modifications de contractilité du myocarde ont une conséquence directe sur le volume d’éjection systolique : l’augmentation de l’activité contractile entraîne une diminution du volume ventriculaire de fin de systole (avec par conséquent une augmentation du volume d’éjection systolique), et inversement. [24] Ces modifications sont régulées par le système nerveux autonome. Le système nerveux sympathique produit par l’intermédiaire de récepteurs adrénergiques situés sur les fibres myocardiques une augmentation de la contractilité et de la fréquence cardiaque. Le système nerveux parasympathique a un effet chronotrope négatif et inotrope négatif par inhibition centrale du système nerveux sympathique. [24, 76] La post-charge et le couplage ventriculo-artériel Si la contractilité myocardique est un élément essentiel de la régulation du volume d’éjection systolique, ce dernier dépend également de l’impédance d’entrée du système artériel qui vient s’opposer à l’éjection ventriculaire. Celle-ci est déterminée par différents facteurs telles que la compliance, la surface de section du vaisseau, la viscosité et la densité du sang. [5, 24, 64] Dans des conditions physiologiques, l’augmentation de l’impédance artérielle (suite à une augmentation des résistances vasculaires systémiques) conduit à une augmentation de la postcharge aux dépens du volume d’éjection systolique. En fait, une régulation rapide s’effectue en augmentant la précharge (augmentation du volume télédiastolique) et l’inotropisme cardiaque (loi de Starling) permettant d’adapter le volume d’éjection systolique. Ces modifications sont associées à une diminution du rendement mécanique du ventricule gauche par augmentation de la consommation d’oxygène par rapport au travail d’éjection systolique fourni. [5] Ainsi, le débit cardiaque est régulé par de nombreux facteurs dont l’importance diffère. L’augmentation du débit cardiaque est principalement liée à [76]: - l’augmentation du gradient de pression systémique par diminution des résistances systémiques et contraction musculaire (transfert du sang du territoire tissulaire au territoire veineux) - la vasoconstriction du territoire veineux - la diminution de la pression atriale droite - l’action inotrope positive sur l’ensemble du myocarde 39 - l’action chronotrope positive (dans des valeurs n’entraînant cependant pas une diminution significative du remplissage ventriculaire diastolique) - l’augmentation de l’amplitude des mouvements respiratoires (diminution de la pression thoracique) 2. La régulation de la pression artérielle 2.1. Définition La pression artérielle (PA) correspond au produit du débit cardiaque et des résistances périphériques totales. On distingue la pression artérielle systolique et la pression artérielle diastolique. Au niveau aortique, la différence entre les deux est la pression pulsatile qui représente l’énergie potentielle disponible pour propulser le sang dans le circuit vasculaire. [25] Le débit cardiaque étant identique pour tous les tissus, la pression artérielle au sein des différents vaisseaux dépend de la résistance rencontrée. Les vaisseaux offrent une résistance différente au flux sanguin car celle-ci est fonction du diamètre du vaisseau. J. L. M. Poiseuille a en effet montré que la résistance d’un vaisseau est définie par la formule suivante : Résistance = 8ηl /πr 4 L= longueur du vaisseau ; R= rayon du vaisseau ; η=viscosité du fluide La viscosité du sang restant la même, la résistance est principalement dépendante du rayon du vaisseau et résulte de l’existence de forces de frottements du sang sur les parois des vaisseaux. Il en découle que la résistance est maximale dans les artérioles alors qu’elle diminue dans les grosses artères ainsi que dans le système veineux (figure 8). Les capillaires se distribuant en parallèle à partir d’une artériole, la somme de leur résistance individuelle est inférieure à la résistance régnant au sein de l’artériole qui les irrigue. [25] La grande compliance du secteur veineux entraîne de faibles variations de pression car elles opposent peu de résistances face à une modification du volume sanguin (rôle de réservoir de volume). En revanche, le secteur artériel constitue un réservoir de pression du fait de sa faible compliance. [25] 40 Figure 8 : Caractéristiques hémodynamiques de la circulation systémique [42] 2.2. Rôle La pression artérielle est le moteur indispensable à la circulation puisque c’est la différence de pression entre 2 points qui conduit le flux sanguin. Elle joue donc un rôle de force motrice du flux sanguin qui permet son transport et intervient dans les échanges du secteur vasculaire vers le secteur interstitiel et inversement (figure 9). [25, 98] 41 Figure 9 : Rôle de la pression artérielle dans l’organisme [98] Si les artérioles opposent la plus grande résistance au flux sanguin, il s’agit également du segment qui montre le plus de variations de résistance. De nombreux mécanismes de régulation entraînent une modification du tonus vasomoteur aboutissant soit à une vasoconstriction et donc une augmentation de la résistance locale par diminution du diamètre ou inversement à une vasodilatation. [25] 42 2.3. Mécanismes immédiats de régulation La régulation de la PA intervient par le biais de la modulation du débit cardiaque (fréquence cardiaque, inotropisme ou précharge) ou par la modification des résistances tissulaires. 2.3.1. Régulation rapide : le baroréflexe [16, 22, 64] Le baroréflexe est un mécanisme de régulation rapide médié par un réflexe nerveux qui tend à maintenir une pression constante grâce à un changement d’activité des systèmes ortho et parasympathiques destinés au cœur et aux vaisseaux sanguins. Les barorécepteurs sont des terminaisons nerveuses situés dans la paroi des sinus carotidiens et de la crosse aortique. L’étirement de la paroi vasculaire, lié à la pression exercée, est codé par ces récepteurs en potentiels d’action transmis à un centre intégrateur par le biais du nerf vague et du nerf glosso-pharyngien. Le centre intégrateur est intimement relié au noyau du tractus solitaire et soumis également à l’action de centres supérieurs. La fréquence des décharges transmises est directement liée à la pression artérielle ; il existe un tonus de base des barorécepteurs, stimulés dès 50 mm Hg. Au repos, la pression artérielle moyenne est de 100 mm Hg ce qui correspond à un certain nombre d’influx des barorécepteurs. Toute modification de la PA, aussi minime soit-elle entraîne une modification du nombre d’influx transmis au centre bulbaire. Celui-ci assure la commande du centre cardiaque parasympathique et du centre vasomoteur orthosympathique. Le centre cardiaque du parasympathique interfère à différents niveaux : il exerce un effet ralentisseur sur le nœud sinusal, une action inotrope négative sur les fibres myocardiques par le biais de récepteurs muscariniques et inhibe le système orthosympathique. Le centre vasomoteur orthosympathique entraîne des modifications multiples : il exerce, contrairement au centre parasympathique, une action cardio-accélératrice sur le nœud sinusal; par l’intermédiaire des récepteurs α1, β1 et β2 il augmente l’inotropisme des fibres musculaires myocardiques, il entraîne une constriction périphérique artériolaire et veineuse et stimule la libération de catécholamines par la médullosurrénale. Au repos, les décharges envoyées par les barorécepteurs favorisent l’activité du centre parasympathique au détriment du centre orthosympathique. Toute chute de la PA entraîne une diminution de l’activité des barorécepteurs conduisant à une inhibition immédiate du système parasympathique et à une stimulation légèrement différée du centre orthosympathique : il en résulte un effet chronotrope et inotrope positif sur le cœur ainsi qu’une vasoconstriction périphérique permettant une remontée de la PA (figure 10). Inversement, une augmentation de la PA conduit à une bradycardie et un inotropisme négatif sans augmentation du tonus vasomoteur suite à la baisse des décharges transmises par les barorécepteurs. Ce mécanisme de régulation très rapide (quelques secondes) ne permet pas de revenir à une PA initiale mais seulement d’en minimiser les variations. 43 Figure 10 : Réflexe médié par les barorécepteurs [22] fml : fibre musculaire lisse ; FC : fréquence cardique ; PA : pression artérielle ; NSC : système neveux central ; RVS : résistances vasculaires systémiques ; VC : vasoconstriction Rétrocontrôle négatif ↓ PA ↓ activité des barorécepteurs SNC fml artériolaire ↑ activité sympathique myocarde VC ↑ RVS ↑ contractilité ↓ durée systole ↑ Débit cardiaque ↓ activité parasympathique Nœud sino-atrial ↑ FC 2.3.2. Autres mécanismes de régulation rapide La pression artérielle étant déterminée par le tonus vasomoteur des vaisseaux, les mécanismes locaux de régulation de ceux-ci interviennent également dans la régulation de la pression artérielle. [22] D’autre part, les volorécepteurs ainsi que les chémorécepteurs qui participent à la régulation de la volémie sont également stimulés par des modifications de la pression artérielle. [22] Le rein joue une place prépondérante dans la régulation de la pression artérielle par la régulation de la diurèse. Suite à une chute de la PA, la stimulation du système sympathique conduisant à une vasoconstriction des artères rénales, le débit de filtration glomérulaire est diminué ainsi que la diurèse. D’autre part, une autorégulation conduit à la réabsorption tubulaire de NaCl suivie par une réabsorption passive d’eau. Ces mécanismes permettent d’augmenter la volémie et la pression artérielle. [16, 20, 64] 44 2.4. Mécanismes retardés de régulation 2.4.1. Le système rénine-angiotensine-aldostérone La synthèse et la libération de rénine par les cellules granulaires rénales est stimulée par plusieurs facteurs : chute de la pression de perfusion artériolaire rénale, stimulation β-adrénergique du système orthosympathique consécutive à l’action du baroréflexe, diminution du transport de NaCl au niveau de la macula densa. La rénine libérée dans la circulation permet le clivage de l’angiotensinogène en angiotensine I, transformé ensuite grâce à l’enzyme de conversion en angiotensine II lors de la traversée du poumon ainsi que dans la microcirculation (figure 11). L’angiotensine II exerce des actions au niveau du système circulatoire global et du système tissulaire. [64, 98] Figure 11 : Organisation du système rénine-angiotensine circulant [5] Actions de l’angiotensine II sur le tonus vasomoteur L’angiotensine II joue un rôle prépondérant dans le tonus vasomoteur en favorisant la libération de neurotransmetteurs par le système nerveux orthosympathique conduisant à une vasoconstriction généralisée. Elle a également une action inotrope 45 positive sur les fibres myocardiques. Ces deux actions concourent rapidement à une remontée de la pression artérielle. [18, 63, 97] Actions tissulaires de l’angiotensine II L’angiotensine II possède une action directe sur les fibres lisses musculaires des vaisseaux ainsi que sur l’endothélium. Elle entraîne une vasoconstriction locale, augmente les résistances périphériques et diminue la compliance des artères de grand format. [19, 98] A long terme elle possède des effets trophiques sur le myocarde et les vaisseaux. L’enzyme de conversion joue un rôle dans la vasomotricité endothéliale : en stimulant la dégradation des kinines en bradykinines inactives. [19, 98] Action de l’Angiotensine II sur la volémie La vasoconstriction rénale induite par l’angiotensine II conduit à une diminution de la perfusion rénale. Il en résulte une baisse de la diurèse et une augmentation secondaire de la volémie. [19, 64, 98] De plus, l’angiotensine II stimule le centre de la soif ainsi que la libération d’aldostérone par la corticosurrénale. Cette hormone provoque une rétention de sodium et d’eau au niveau des tube contourné distal et collecteurs rénaux entraînant une augmentation du volume plasmatique et une remontée de la PA. [19, 98] L’ensemble de ces effets est résumé dans la figure 12. Figure 12 : Actions de l’angiotensine II [98] Angiotensine II Vasoconstriction artériolaire Centre régulateur cardiovasculaire Hypothalamus ↑ débit cardiaque vasocontriction ↑ sécrétion HAD ↑ soif Cortex surrénalien ↑ sécrétion aldostérone Rétention hydrosodée PA Volémie 46 2.4.2. L’hormone anti-diurétique L’hormone anti-diurétique (HAD) ou vasopressine est impliquée dans la régulation du volume d’eau réabsorbé par le rein, et joue par ce contrôle de la volémie sanguine un rôle dans la régulation de la pression artérielle. [64] L’HAD est synthétisée par l’hypothalamus en réponse à la stimulation d’osmorécepteurs suite à l’augmentation de l’osmolarité du liquide céphalorachidien par déshydratation ou par excès de sodium (et donc indirectement par l’angiotensine II). Des récepteurs à l’HAD sont présents au niveau de l’hypothalamus dont l’activation stimule la soif. L’HAD a également une action sur le centre vasomoteur du noyau du tractus solitaire conduisant à une élévation de la pression artérielle. Enfin, les récepteurs situés sur le tube contourné distal et les tubes collecteurs stimulent la réabsorption d’eau, ce qui a pour conséquence de rétablir la volémie et d’abaisser la concentration sodique plasmatique. L’HAD étant sécrétée en continue, la régulation peut s’effectuer aussi bien par une diminution de celle-ci (et donc une diminution de la volémie) ou par augmentation de sa sécrétion (entraînant une hausse de la volémie). [98] 2.4.3. Le facteur atrial natriurétique Le facteur atrial natriurétique (FAN) est synthétisé puis relargué dans la circulation par les cellules atriales en réponse à leur distension suite à une hypervolémie, à une tachycardie atriale ou encore en présence de substances vasoconstrictrices élevant la pression auriculaire. [5, 64] Sa libération est également stimulée par l’HAD suite à l’augmentation du retour veineux qu’elle entraîne. [5] Le FAN a d’une part une action vasodilatatrice directe au niveau de la circulation systémique conduisant à une diminution de la PA et à une augmentation de la filtration glomérulaire ; d’autre part il déprime les fibres myocardiques et inhibe le système sympathique. Enfin il agit indirectement sur la volémie en inhibant la libération de rénine, d’aldostérone et d’HAD ce qui favorise la diurèse et la natriurèse. La pression artérielle est donc régulée par différents facteurs qui interviennent selon une chronologie précise (figure 13). 47 Figure 13 : Chronologie des mécanismes de régulation de la pression artérielle [98] Cette figure rappelle la chronologie des différents mécanismes intervenant dans la régulation de la PA suite à une chute brutale de celle-ci. Leur importance relative est définie par la valeur de l’aire sous chaque courbe. 3. Les circulations régionales et leur régulation 3.1. Définition C’est l’activité métabolique qui régi les besoins de chaque organe. Le débit cardiaque est réparti entre ces différents organes en fonction de leurs besoins selon les situations rencontrées. Si une augmentation de débit local est nécessaire, cela ne doit pas se faire au détriment des autres organes. Il se produit une augmentation du débit cardiaque qui permet d’augmenter le débit local sans modifier les autres tissus grâce à une vasoconstriction de ceux-ci. Ce mécanisme de régulation repose donc sur la vasomotricité locale mais est également dépendant des capacités d’augmentation du débit cardiaque. Lorsque celui-ci atteint ses limites, les organes critiques sont privilégiés aux dépens des autres tissus. [16] 48 3.2. Partition du débit cardiaque La distribution du sang entre les différents organes varie selon le niveau de résistance artérielle de chaque territoire par rapport aux autres mais est également dépendante de l’existence de mécanismes visant à protéger les organes vitaux. [37] Ces mécanismes de régulation sont soumis à la régulation du système nerveux autonome en grande majorité. Sa stimulation suite à une situation de stress entraîne une augmentation du débit cardiaque mais aussi une vasoconstriction préférentielle des territoires irriguant les organes non vitaux. Cela favorise les circulations cérébrales, coronaires et rénales aux dépens de la peau, des muscles et du territoire hépatosplanchnique. En effet, ces organes possèdent une réserve d’extraction d’oxygène importante par rapport au cœur et au cerveau, pour lesquels toute diminution du débit sanguin conduit rapidement à une situation d’hypoxie. [37] 3.3. Autorégulation à l’échelle de l’organe L’autorégulation est définie comme « l’aptitude d’un organe à maintenir constant son débit de perfusion face au modifications de pression de perfusion ». [37] Ceci représente un mécanisme protecteur face aux augmentations et aux diminutions de la pression artérielle, l’organe concerné répondant par une vasoconstriction artériolaire en cas de hausse de la pression de perfusion et inversement. Ce phénomène d’autorégulation repose sur l’intégrité endothéliale des vaisseaux concernés. En effet ces modifications du tonus vasomoteur sont dues à la libération de facteurs vaso-actifs par l’endothélium mais aussi à l’intervention de la réponse myogénique. Cependant, cette régulation n’intervient que dans certaines marges de modification de la PA. Au delà de certaines valeurs extrêmes (en hyper et en hypo), le débit devient directement dépendant de la pression appliquée à l’organe (figure 14). Ces valeurs limites varient selon les organes : les organes critiques, comme le cerveau et le cœur, ont un mécanisme d’autorégulation très puissant qui vise à préserver leur microcirculation. Ainsi, pour une variation importante de la PA entre 60 et 190 mmHg, le débit cérébral est rétabli en quelques minutes à sa valeur de base. [21, 37] 3.4. Régulation métabolique locale La régulation métabolique est la réponse intrinsèque suite à une augmentation de la demande métabolique ou face à une diminution des apports en oxygène. Afin de rétablir un équilibre, les vaisseaux régionaux subissent une vasodilatation qui permet d’augmenter le flux sanguin (figure 14). C’est le mécanisme le plus performant de contrôle de la régulation à l’échelle de l’organe. [21] 49 Figure 14 : Le concept d’autorégulation. Représentation de deux relations entre la pression de perfusion et le débit [37] La courbe en pointillé illustre la relation linéaire entre pression et débit de perfusion. En présence d’autorégulation (courbe en trait plein), le débit reste constant malgré d’importantes variations de la PA (entre le point A et le point B). Cependant, ce phénomène n’est plus adapté lors de variations extrêmes de la PA : en dehors de cette zone d’autorégulation, le débit devient directement dépendant de la PA. Débit A B Pression Artérielle 3.5. Equilibre entre les facteurs de régulation intrinsèque et extrinsèque selon les tissus [16, 21] Les contrôles intrinsèque et extrinsèque, dont les mécanismes ont déjà été envisagés, opèrent dans tous les tissus et organes mais d’une manière différente. Ainsi, le cerveau, le cœur ainsi que les muscles actifs sont majoritairement régulés par la voie intrinsèque ce qui leur permet de diminuer les effets induits par le système orthosympathique lors de manifestation de stress. Au contraire, le rein, la rate et les muscles au repos subissent un contrôle préférentiellement extrinsèque ce qui permet de réguler le flux sanguin vers les organes critiques lors de chute de la pression artérielle. En effet, si le débit cardiaque est suffisant, seule la régulation métabolique intervient ; si le débit cardiaque devient insuffisant pour assurer les besoins métaboliques, le système neuro-hormonal est activé afin de réorienter les flux sanguin vers les organes critiques. La peau subit l’influence du système intrinsèque (vasodilatation obligatoire pour l’élimination de la chaleur) ou du système extrinsèque (déviation du flux sanguin vers les organes critiques en cas de stress) selon les situations. On comprend ainsi comment est ajusté le débit local en fonction des besoins métaboliques des différents tissus et de leur importance fonctionnelle grâce à l’intégration du contrôle local et de la régulation neuro-hormonale à court terme. 50 III. LE TRANSPORT ET L’UTILISATION DE L’ OXYGENE 3. Les déterminants de l’oxygénation tissulaire 3.1. Le transport de l’oxygène L’oxygène est présent sous 2 formes : une forme dissoute dans le sang (0,003 mL pour 100mL de sang) et une forme combinée à l’hémoglobine. L’affinité de l’hémoglobine dépend de nombreux facteurs qui déterminent la courbe de dissociation de l’hémoglobine liée à l’O2 (figure 15). [18] % saturation Hb Contenu en 02 (mL/100 mL) Figure 15 : Courbe de dissociation de l’Hb [13] PO2 (mm Hg) L’hyperthermie, l’acidose, l’hypercapnie diminuent l’affinité de l’Hb pour l’O2 (déplacement de la courbe vers la droite). En revanche, l’hypothermie, l’alcalose, l’hypocapnie augmentent l’affinité (déplacement de la courbe vers la gauche): ainsi, pour une même PaO2, le transport de l’O2 augmente mais sa libération au niveau tissulaire diminue. [18] La saturation en oxygène de l’hémoglobine est le rapport entre la concentration d’hémoglobine liée à l’O2 sur la concentration en Hb totale capable de fixer l’O2. Les 51 valeurs physiologiques sont de 97 à 99% pour la saturation artérielle (SaO2) et 75% pour la saturation veineuse (SvO2). [18] 3.2. La consommation d’oxygène La consommation d’oxygène est estimée par la différence entre SaO2 et SvO2 et reflète l’oxygénation tissulaire. Elle peut aussi être estimée par analyse des gaz inspirés et expirés. [18] Dans des conditions physiologiques, elle reflète le travail métabolique de l’organe concerné ou de l’organisme entier. Elle augmente lors de stress, d’effort, d’hyperthermie, d’inflammation et d’infection. Au contraire elle diminue lors de repos, d’hypothermie, de sédation et de jeûne. [18] 3.3. L’extraction de l’oxygène Pour une consommation d’O2 donnée, l’oxygénation tissulaire dépend de l’apport en O2 délivré au lit vasculaire par minute (produit du débit cardiaque et du volume sanguin artériel en O2) et de l’extraction tissulaire d’O2 (EO2). Lorsque le besoin en oxygène augmente, l’organisme peut réagir soit en augmentant le débit cardiaque (et donc en augmentant l’apport en oxygène) soit en augmentant l’extraction en oxygène a partir d’une quantité d’O2 transportée. [7] Pour une consommation globale en oxygène donnée, plus le débit cardiaque diminue, plus l’extraction tissulaire en O2 augmente et donc la saturation veineuse en O2 (Sv02) baisse. La valeur normale d’EO2 est de 20 à 25% au repos et peut monter jusqu’à 80% lors d’effort intense. Cependant, certains organes possèdent une réserve d’extraction de O2 plus importante (organes non critiques) qui va moduler cette valeur ; la diffusion de l’O2 à travers les capillaires et l’utilisation de l’O2 par les mitochondries modifient aussi l’utilisation de cette réserve. [18] 4. Les mécanismes de régulation physiologique de l’oxygénation tissulaire 4.1. Notion de seuil critique La SvO2 reflète l’oxygénation tissulaire périphérique. Au repos, sa valeur moyenne est de 75% ; à l’effort, elle peut atteindre 45% sans que la perfusion tissulaire ne soit altérée. Plusieurs facteurs peuvent entraîner une baisse de la SvO2 : une diminution du débit cardiaque, une augmentation de la demande tissulaire en O2, une baisse de l’Hb et l’hypoxie (ces deux derniers facteurs entraînant également une baisse du contenu artériel en O2). [7] 52 Lors d’augmentation de la demande métabolique, on observe une augmentation du débit cardiaque ainsi qu’une augmentation de l’EO2, expliquant ainsi la baisse de la SvO2. Cependant, cette adaptation est limitée lorsque le débit cardiaque atteint son activité maximale et que la réserve d’EO2 est épuisée ; ce phénomène est d’autant plus marqué si le patient souffre d’une pathologie cardiaque limitant l’augmentation du débit cardiaque. En effet, l’EO2 est reflétée par la différence entre le contenu artériel et veineux en O2. L’augmentation de l’EO2 est due à une diminution de la concentration veineuse en O2, elle-même limitée par la valeur de la pression veineuse en O2. Lorsque celle-ci atteint une valeur critique de 17mmHg, la diffusion d’O2 au niveau capillaire n’est plus efficace du fait d’un trop faible gradient de pression. Pour cette valeur, la limite d’extraction tissulaire en oxygène est atteinte, la consommation tissulaire en O2 devient directement dépendante du contenu artériel en O2 dont la valeur est appelée seuil critique. [7,18] Ce phénomène est illustré dans la figure 16. Figure 16: Dépendance pathologique de la consommation en O2 [6] Lors de diminution de la capacité d’extraction en O2, la consommation tissulaire en O2 est directement dépendante des capacités de transport en O2 (passage du point A au point B). Seule une augmentation de la capacité de transport en O2 permet de compenser une altération des capacités d’extraction en O2 lors d’augmentation de la demande métabolique tissulaire (passage du point A au point C) 53 4.2. Réponse circulatoire à l’hypoxie 4.2.1. Réponse systémique Les chémorécepteurs regroupés dans les corps aortiques et carotidiens sont stimulés par une baisse de la PaO2. Ils conduisent à une stimulation du système nerveux sympathique : il en résulte une vasoconstriction des vaisseaux musculaires osseux, splanchniques et rénaux et une vasodilatation des territoires cutanés et coronaires. Parallèlement, on observe une réaction inotrope positive ainsi qu’une augmentation des résistances systémiques et pulmonaires. [18] Une hausse de la PCO2 ainsi que l’apparition d’une acidose amplifient cette réponse par augmentation de la sensibilité des chémorécepteurs. Une boucle de régulation se met en place car les chémorécepteurs ont aussi un rôle de modulation de la ventilation. Leur stimulation conduit à une hyperventilation, la baisse de PCO2 et de l’augmentation du pH. Ces modifications conduisent à une diminution de la réponse sympathique. [18] D’autre part, lors d’hypoxie grave, un autre mécanisme de régulation permet d’augmenter l’apport d’O2 aux tissus. Ce mécanisme fait intervenir la myoglobine dont l’affinité pour l’O2 est plus importante que celle de l’Hb. Cependant, pour des valeurs très basses de PO2, la myoglobine libère une grande quantité d’O2 et ce pour des 54 variations très faibles de PO2. Ce mécanisme protége l’organisme des effets délétères de l’hypoxie. [18] 4.2.2. Réponse locale La régulation locale n’est observée que pour des hypoxies graves (PaO2 < 40mmHg) et conduit à une vasodilatation locale par intervention de médiateurs endothéliaux vaso-actifs (NO, ADP, prostacycline) et par activation des canaux potassiques ATP-dépendants. Ceci entraîne une diminution des résistances, une augmentation des capillaires fonctionnels et une augmentation du flux sanguin afin d’améliorer la perfusion tissulaire. [18] Alors que la réponse systémique vise à privilégier l’oxygénation d’organes fondamentaux, la réponse locale agit comme un mécanisme de protection individuelle de l’organe face à une situation d’hypoxie majeure. [11] 4.2.3. Les réponses spécifiques des différents organes Les organes produisant un travail différent les uns par rapport aux autres, leur consommation en O2 diffèrent ainsi que leur seuil critique de transport artériel en O2. Les mécanismes d’adaptation face à une augmentation de la demande métabolique sont donc différents d’un organe à l’autre. Le myocarde Le myocarde possède une réserve d’extraction en O2 faible : si son travail augmente, ses besoins doivent être rapidement compensés par une augmentation du débit coronaire. Cependant, celui-ci étant limité, le travail myocardique devient vite dépendant de la concentration artérielle en O2. D’autre part, le myocarde contribuant de manière fondamentale à la circulation et donc à l’apport en O2 à tous les tissus de l’organisme, celui-ci est doublement protégé. En effet, la réponse systémique contribue à favoriser sa perfusion par la vasodilatation qu’elle entraîne et au niveau local, la dilatation coronarienne est plus importante que pour les autres organes. [18] Le cerveau La circulation cérébrale est peu influencée par la régulation au niveau systémique dans l’intervalle de pression physiologique (PAS : 60-160 mm Hg). En revanche, elle bénéficie d’une réponse locale importante à l’hypoxie entraînant une vasodilatation. La PCO2 joue également un rôle au niveau cérébral : une hypercapnie provoquant une vasodilatation importante alors que l’hypocapnie annule la vasodilatation cérébrale d’origine hypoxique ou hypercapnique. [18] 55 Conclusion Les mécanismes de régulation au niveau systémique et local permettent d’adapter l’apport tissulaire en O2 à la demande. Au niveau de chaque organe, cette adaptation dépend de la réserve d’EO2 : ci celle-ci est élevée, on observe une vasoconstriction locale visant à favoriser d’autres territoires incapables d’augmenter leur extraction en oxygène. Cependant, ces mécanismes de compensation dépendent de l’intégrité vasculaire et de la préservation des mécanismes de vasorégulation. [37] 56 2ème PARTIE PHYSIOPATHOLOGIE DE L’INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE L’état de choc se caractérise sur un plan hémodynamique par de profondes modifications touchant les différents acteurs du fonctionnement cardiovasculaires. Ces perturbations sont à l’origine de la mise en place de phénomènes de compensation à l’échelle systémique et locale, qui permettent de lutter contre l’aggravation de l’insuffisance circulatoire aiguë et de rétablir des conditions hémodynamiques compatibles avec la survie de l’animal. Cependant, si ces mécanismes sont insuffisants ou dépassés, on observe rapidement les répercussions physico-chimiques et métaboliques de l’hypoperfusion tissulaire engendrée. I. PERTURBATIONS HEMODYNAMIQUES AU COURS DE L’ETAT DE CHOC HYPOVOLEMIQUE 1. Syndrome hémodynamique général 1.1. Modification de la pression veineuse centrale Le choc hypovolémique est, par définition, la conséquence d’une diminution de la volémie réelle ou relative, à l’origine d’une baisse du retour veineux. Le retour veineux dépend de la charge volémique et du gradient de pression entre la pression veineuse systémique moyenne et l’oreillette droite. Le réseau veineux étant un système capacitif, une volémie minimale doit être présente afin d’assurer une certaine distension de la paroi vasculaire : ce volume correspond au volume de distension nul et est modifié par la vasomotricité veineuse. Celle-ci est régulée par le système sympathique et par l’action des catécholamines circulantes sur les récepteurs αadrénergiques des cellules musculaires lisses des parois veineuses. [76] 1.1.1. Mécanismes immédiats de compensation Dans la phase initiale d’instauration de l’état de choc, on n’observe pas de modification immédiate du tonus veinomoteur alors que la volémie diminue : il en résulte une baisse de la pression veineuse systémique moyenne et du gradient de pression qui constitue la force motrice du retour veineux. [76] 57 La baisse du retour veineux entraîne secondairement une chute de la pression artérielle à l’origine de l‘activation des barorécepteurs artériels : il en résulte une augmentation de l’activité du système sympathique et une diminution de celle du système parasympathique. La stimulation des récepteurs α adrénergiques vasculaires entraîne une vasoconstriction artériolaire au niveau des organes et une augmentation des résistances vasculaires périphériques. La hausse de la pression artérielle résultante conduit à une augmentation du flux sanguin vers les territoires non vasoconstrictés. [22] De plus, la diminution de volume sanguin est suivie d’une diminution de l’activité des volorécepteurs présents au niveau des atria. Ce changement d’activité est suivi de l’activation du réflexe des récepteurs au volume atrial. Ce réflexe agit au niveau du système nerveux central de manière synergique avec le baroréflexe, visant à augmenter l’activité sympathique efférente et diminuer l’activité parasympathique. [22, 64] Lors d’hémorragie importante, l’activation réflexe du système sympathique affecte également le territoire capacitif en stimulant la vasoconstriction veineuse. [20] Ceci conduit à une augmentation de la pression circulatoire moyenne veineuse et du gradient de pression entre les veinules post-capillaires et l’atrium droit, augmentant ainsi la précharge et se traduisant ainsi par une augmentation de la PVC. [76] De plus, cette activité vasomotrice touche également la rate et sa capsule musculaire périphérique : on observe une contraction splénique au cours de laquelle le sang séquestré dans la rate est relargué dans le secteur vasculaire. Chez le chien, cette mobilisation peut être équivalente à 10% du volume sanguin total. 1.1.2. Mécanismes retardés de compensation Rôle des volorécepteurs L’intervention des volorécepteurs ne se limite pas à l’activation du système nerveux central : ils permettent également la mise en place d’autres mécanismes compensateurs qui agissent à plus long terme pour restaurer le volume sanguin : - augmentation de la sensation de soif par action directe sur l’hypothalamus - stimulation de la libération d’hormone anti-diurétique par stimulation de l’hypothalamus et de la glande pituitaire - libération de rénine par le rein, à l’origine d’une activation du système rénineangiotensine favorisant la rétention hydro-sodée Ces 3 voies favorisent les apports hydriques et leur rétention dans l’organisme afin de restaurer le volume sanguin (figure 17). [22, 64] 58 Figure 17 : Réflexe médié par les volorécepteurs atriaux [22] HAD : Hormone anti-diurétique ; PA : Pression artérielle ; SNC : Système nerveux central. Rétrocontrôle - ↓Volémie Rétrocontrôle - ↓ PA Même effet que le baroréflexe ↓ activité du volorécepteur atrial ↑ sympathique ↓ parasympathique ↑ activité sympathique SNC Reins Hypophyse Hypothalamus ↑ Rénine ↑ HAD ↑ soif ↓excrétion sodique ↓ diurèse ↑ prise hydrique Rôle des différences de pression entre les compartiments Un autre mécanisme compensateur intervient par le biais de la régulation de la balance entre la pression hydrostatique et la pression oncotique au sein de l’organisme. La baisse de la volémie entraîne une chute de la pression hydrostatique, favorisant le passage des fluides interstitiels vers le secteur sanguin au niveau des capillaires. Durant les premières heures suivant la perte sanguine, cette réabsorption est effective mais passé ce délai, on observe une diminution de la pression hydrostatique interstitielle secondaire à la réabsorption des fluides par le secteur vasculaire. Le gradient de pression hydrostatique entre les 2 compartiments n’est plus suffisant pour assurer les mouvements passifs des fluides. De plus, les protéines n’étant pas réabsorbées dans le liquide plasmatique, l’augmentation de la pression oncotique interstitielle vient également s’opposer au passage des fluides vers le secteur vasculaire. Ce phénomène lié aux lois régissant la dynamique des fluides permet donc de compenser les pertes dans un premier temps mais est temporaire et n’assure pas à lui seul une restauration suffisante de la volémie. [20] 59 Rôle des résistances vasculaires systémiques La pression veineuse motrice ne dépend pas uniquement de la pression circulatoire moyenne. Elle est également déterminée par la résistance au retour veineux. Celle-ci dépend des veines et de la microcirculation artérielle. Au niveau veineux, l’augmentation des résistances limite l’écoulement dans les territoires veineux et augmente alors la volémie dans ces vaisseaux. Le réseau veineux étant un système capacitif, l’augmentation de volémie n’entraîne pas de modification importante de la pression ou alors trop faible pour vaincre l’augmentation des résistances. [76] Cependant, la veinoconstriction n’entraîne qu’une légère augmentation des résistances au passage du flux sanguin à travers les organes, les veines offrant beaucoup moins de résistances que les artérioles. [22, 25] La variation des résistances artériolaires module le débit d’entrée dans les circulations locales et donc la quantité de sang qui rejoint la circulation veineuse. Cependant, la faible compliance du système artériel fait que toute rétention de sang dans celui-ci accroît la pression de façon importante, ce qui a peu d’influence sur le débit de remplissage de la circulation veineuse. [64, 76] Ainsi, de très faibles variations de résistance au retour veineux peuvent induire des variations notables du débit de retour veineux. Celui-ci s’accroît à condition que les capacités d’éjection du cœur augmentent parallèlement, sans quoi l’augmentation des pressions de remplissage du ventricule et de l’oreillette droite ajuste automatiquement le débit de retour veineux au débit cardiaque. [76] 1.2. Modification du débit cardiaque Le débit cardiaque est déterminé par la fréquence cardiaque et la contractilité du myocarde mais également par le retour veineux, puisque celui-ci conditionne la précharge ventriculaire. De plus le retour veineux possède des effets spécifiques sur la contractilité myocardique. [24] 1.2.1. Modification de la contractilité myocardique Lors de choc hypovolémique, on observe une diminution du retour veineux, entraînant une diminution du remplissage ventriculaire et du volume ventriculaire de fin de diastole. Afin de maintenir un débit cardiaque correct, plusieurs mécanismes de régulation peuvent intervenir comme la contractilité du myocarde et le temps de remplissage ventriculaire. [24] D’après la loi de Starling, lorsque le remplissage ventriculaire diminue, la distension des fibres myocardiques diminue ainsi que leur force contractile. La chute de la contractilité ventriculaire entraîne une diminution du volume d’éjection systolique et donc du débit cardiaque. La diminution du débit cardiaque et de la pression artérielle conduit à une activation du baroréflexe. Le système nerveux central répond de manière réflexe par une augmentation de l’activité efférente sympathique destinée au cœur et aux vaisseaux ainsi que par une diminution de l’activité parasympathique cardiaque. La stimulation du système sympathique permet d’augmenter la contractilité du cœur : les cellules musculaires ventriculaires possèdent des récepteurs β adrénergiques sensibles à 60 la noradrénaline circulante. L’activation de ces récepteurs favorise la pénétration intracellulaire de calcium : il en résulte une augmentation de la fréquence et de l’intensité des contractions cardiaques. [20, 22, 24] La contractilité ne retrouve pas son niveau normal mais est restaurée à un niveau supérieur qu’en l’absence de compensation réflexe. [20] 1.2.2. Modification de la fréquence cardiaque La fréquence cardiaque joue également un rôle important dans le maintien d’un débit cardiaque optimal. Cependant, celui-ci n’est pas proportionnel au rythme cardiaque. En effet, lorsque la fréquence augmente, le temps de remplissage diastolique diminue : le volume de fin de diastole est donc réduit de même que le volume d’éjection. Par conséquent, le débit cardiaque n’augmente pas dans les mêmes proportions que la fréquence cardiaque. Lorsque la fréquence cardiaque dépasse 180 à 200 battements par minute, le volume d’éjection systolique est tellement abaissé qu’il en résulte une diminution du débit cardiaque. [24] L’activation du baroréflexe conduit à la stimulation du système sympathique dont l’action conduit à une augmentation de la fréquence cardiaque, bénéfique si celle-ci reste en dessous de 180 bpm. [22] Cela permet une compensation de la perte de débit cardiaque bien que le volume d’éjection systolique reste subnormal. Parallèlement, le système parasympathique est inhibé ce qui renforce l’action chronotrope positive du système sympathique. Il en résulte un remplissage diastolique plus rapide mais également une systole plus courte ce qui permet de préserver dans une certaine mesure le temps diastolique. Le cœur se relâche plus rapidement. [24] Ainsi lors de choc hypovolémique, la diminution du retour veineux entraîne une diminution du débit cardiaque. L’activation du système sympathique permet de diminuer l’ampleur de ce phénomène par un effet chronotrope et inotrope positif. [22, 14] De plus, lors de l’évolution du choc, la stimulation sympathique entraîne une veinoconstriction qui permet de déplacer le sang veineux vers la circulation centrale ce qui augmente la pression veineuse centrale, la précharge ventriculaire et par conséquent le débit cardiaque. Grâce aux mécanismes compensateurs, une perte sanguine évaluée à 40% du volume sanguin total est associée à une diminution du débit cardiaque de seulement 25%. [20] 1.3. Modification de la pression artérielle 1.3.1. Phase sympatho-excitatrice Lors de choc hypovolémique, on observe initialement une baisse de la pression artérielle secondaire à une diminution du retour veineux. Celle-ci provoque immédiatement la stimulation des barorécepteurs à haute pression situés au niveau du sinus carotidien, de la crosse aortique et du territoire splanchnique et des barorécepteurs 61 à basse pression cardio-pulmonaires (ou volorécepteurs). Ces récepteurs diminuent alors la fréquence de leurs impulsions inhibitrices afférentes allant aux centres régulateurs vasculaires centraux. Il en résulte une augmentation de l’activité sympathique périphérique efférente. [22] D’autre part, l’ischémie tissulaire qui se met en place suite au déficit de perfusion périphérique entraîne des variations de pH, de PO2, de PCO2 qui activent les chémorécepteurs aortiques, sino-carotidiens et centraux. Leur action entraîne une stimulation du système nerveux adrénergique périphérique. Ainsi, les baro-, volo- et chémorécepteurs répondent de manière synergique à la baisse de tension artérielle en activant le système adrénergique périphérique afin d’initier une vasoconstriction périphérique compensatrice dont le rôle est de normaliser la pression artérielle (figure 18). [22, 85] Les mécanismes compensateurs, médiés par le baroréflexe et le réflexe atrial volémique permettent de restaurer la pression artérielle moyenne dans des limites compatibles avec la survie : en effet, sans ces mécanismes, une perte sanguine équivalente à 40% du volume sanguin total serait suivie d’une diminution de 40% de la PAM mais l’intervention des réflexes permet de maintenir celle-ci à 90% de sa valeur initiale. [20] Lors de cette première phase adaptatrice, la pression artérielle est ainsi maintenue dans des valeurs normales ou sub-normales. L’activation de la glande surrénale par le système sympathique entraîne de plus une libération d’adrénaline en quantité modérée. [85] 1.3.2. Phase sympatho-inhibitrice Lorsque l’hypovolémie s’aggrave (hémorragie non contrôlée), on observe une baisse brutale de la pression artérielle. Celle-ci est manifeste pour une perte sanguine comprise entre 30 et 50% du volume sanguin total. Cette baisse n’est pas associée à une chute brutale du débit cardiaque, celui-ci étant réduit plutôt de manière linéaire lors de l’évolution du choc. On peut même observer une légère amélioration du débit cardiaque associée à cette baisse de la pression artérielle. Elle serait la conséquence d’une baisse brutale des résistances vasculaires systémiques. [85] Celle-ci est due à une inhibition centrale de l’activation sympathique présente au cours de la phase initiale. Il semblerait que cette inhibition soit secondaire la simulation de mécanorécepteurs intracardiaques. Ceux-ci seraient stimulés par une baisse du volume télésystolique du ventricule gauche et déclencheraient une activité de bradycardie par boucle réflexe vago-vagale. L’installation de cette bradycardie permettrait un meilleur remplissage diastolique lors d’hypovolémie extrême. [85] Afin de moduler la vasodilatation consécutive à la baisse de l’action sympathique adrénergique, les réponses neuro-hormonales sont stimulées. La sécrétion médullosurrénalienne de catécholamines, en particulier d’adrénaline, devient très importante au cours de cette phase hypotensive. Le système rénine angiotensine est particulièrement activé, libérant de l’angiotensine II et la libération d’ADH est également stimulée. Ces réponses neuro-hormonales participent au maintien d’une certaine vasoconstriction. [85] 62 Figure 18 : Réponse neurohormonale à la suite d’une diminution du volume intravasculaire [28] FC : Fréquence cardiaque, HAD : Hormone Anti-diurétique, SRAA : Système Rénine-AngiotensineAldostérone, VC : Vasoconstriction HYPOVOLEMIE ∆ Osmolalité Chute débit cardiaque Baroréflexe Hypothalamus Libération ACTH Activation système sympathique Inhibition système parasympathique Surrénales SRAA HAD Aldostérone Reins Rétention hydro-sodée Cortisol Foie Neoglucogénèse et synthèse protéique Noradrénaline VC Adrénaline ↑ FC et contractilité Augmentation volume intravasculaire et débit cardiaque 2. Modification des circulations locales Lors de l’installation de l’état de choc, le débit sanguin de chaque organe dépend du mode de partition du débit cardiaque entre les différents organes. Celui-ci dépend essentiellement du système nerveux autonome et vise à protéger les tissus les plus nobles au détriment d’autres organes moins utiles à la survie immédiate. [37] L’activation des barorécepteurs, des volorécepteurs et de chémorécepteurs au sein de l’organisme entraîne la stimulation du système nerveux autonome. Après intégration au niveau des centres supérieurs, les informations efférentes sont transmises aux systèmes ortho et parasympathiques. La stimulation du système sympathique provoque une augmentation du débit cardiaque mais aussi sa partition grâce à plusieurs mécanismes. Les terminaisons nerveuses parviennent dans les parois vasculaires où 63 elles stimulent la contraction des fibres musculaires lisses vasculaires grâce à la libération d’ATP, de neuropeptide Y et surtout de noradrénaline. Ces efférences nerveuses vasoconstrictrices sont essentiellement destinées aux vaisseaux résistifs précapillaires et à moindre degré au réseau veineux capacitif ; elles sont préférentiellement localisées dans les tissus non indispensables à la survie. [22, 37] D’autre part, les terminaisons sympathiques innervent les glandes médullosurrénales et déclenchent la libération par celle-ci d’adrénaline et de noradrénaline. Celles-ci sont libérées dans la circulation générale et agissent sur les récepteurs α et β de différents sous-types répartis de façon hétérogène dans les parois vasculaires des différents organes. La localisation de ces récepteurs vise à préserver la perfusion des organes indispensables à la vie. [37] Au final, l’adaptation de la distribution du débit cardiaque favorise les circulations cérébrale, coronaire et rénale dans un premier temps puis uniquement cérébrale et coronaire (figure 19). [85] Ces organes ayant une faible réserve d’extraction en O2, l’augmentation du débit est indispensable afin de maintenir un apport en O2 minimal pour leur métabolisme. Les circulations sacrifiées, à savoir la peau, les muscles et le territoire hépatosplanchnique, subissent une vasoconstriction précoce et intense. La mise en œuvre de la régulation métabolique locale, de la vasodilatation microcirculatoire et de l’augmentation de leur extraction en O2 permet de maintenir un certain niveau d’oxygénation au sein de ces organes malgré l’hypoperfusion. [37] Figure 19 : Répartition des débits régionaux au cours de l’état de choc hypovolémique par rapport à l’état physiologique[17] % du débit cardiaque 40 30 20 10 0 Cerveau Cœur Intestin 64 Rein Muscles Peau Cette partition impose que les mécanismes régulateurs vasomoteurs soient préservés ce qui est le cas en début d’installation du choc. En revanche, lorsque celui-ci persiste, on observe une défaillance de ces mécanismes, une baisse de la sensibilité des récepteurs aux effets du système nerveux autonome et par conséquent une aggravation de l’hypoperfusion. [37] 3. Modification des microcirculations 3.1. Modification des vaisseaux de la microcirculation La régulation de la microcirculation repose sur les réponses de l’endothélium et des fibres musculaires lisses vasculaires aux stimuli libérés lors de l’installation de l’état de choc. [16] Le tonus vasculaire est sous le contrôle extrinsèque du système nerveux végétatif, notamment du sympathique adrénergique, mais aussi sous l’influence du système endocrinien, de facteurs chimiques locaux (pression tissulaire en O2, en CO2, pH, calcémie extracellulaire…) et surtout de l’endothélium. [18] Celui-ci joue en effet un rôle majeur puisqu’il détermine en plus du tonus vasculaire, la thrombose intravasculaire, la structure de la paroi et les mouvements cellulaires. [16] Suite à l’activation du baroréflexe, la stimulation du système sympathique conduit à une vasoconstriction artérielle et veineuse au niveau des territoires rénal, intestinal, cutané, splanchnique et dans une moindre mesure au niveau des muscles squelettiques et du territoire cérébral. D’autre part, on observe la libération de facteurs humoraux par la médullosurrénale : l’adrénaline libérée a un effet constricteur à forte dose mais vasodilatateur à faible dose ; l’angiotensine II circulante exerce un effet vasoconstricteur balancé par les effets vasodilatateurs dus notamment à la bradykinine. L’intégration de l’ensemble des informations transmises au cortex, à l’hypothalamus et à la substance réticulée permet de moduler l’effet des différents centres vasomoteurs. Parallèlement, une régulation locale intrinsèque intervient : la régulation myogénique, la vasodilatation débit-dépendante liée à l’endothélium et la régulation métabolique modulent la vasomotricité en fonction des situations. De nombreux stimuli chimiques et mécaniques (température, pression, pH, forces de cisaillement vasculaires…) provoquent l’activation de récepteurs à la surface endothéliale. Il en résulte la libération de facteurs vasodilatateurs (prostaglandines, monoxyde d’azote, EDRF…) et vasoconstricteurs (thromboxane A2, leucotriènes, radicaux libres, endothéline…). [16, 64] La réponse locale à l’hypoxie entraîne une vasodilatation locale qui permet le recrutement capillaire et facilite la diffusion de l’O2 par un raccourcissement de la distance entre les capillaires et les cellules, mais cette vasodilatation n’intervient que pour des hypoxies graves (PaO2< 40 mmHg). [18] Les réponses systémiques et locales agissent donc en sens contraire, la première en protégeant certains territoires en sacrifiant des circulations locales, la seconde agissant comme une défense individuelle d’organe lorsque l’hypoxie menace leur intégrité. La régulation diffère selon les différents organes et les conditions pathologiques. [18] L’interaction entre ces différents mécanismes conduit dans un premier temps à une vasodilatation des territoires coronaires et cérébraux et une vasoconstriction des territoires cutanés, musculaires, splanchniques et rénaux. 65 Cette vasoconstriction s’effectue au niveau des sphincters pré et post-capillaires sous l’effet des catécholamines et conduit à l’ouverture de shunts artérioveineux ce qui favorise un retour du sang au cœur plus rapide. Cela entraîne deux phénomènes bénéfiques : la préservation des nutriments disponibles pour les organes vitaux et la réduction de la pression hydrostatique capillaire, ce qui aide à drainer vers les vaisseaux les fluides interstitiels. En revanche, les organes dont la vascularisation est shuntée subissent les conséquences de l’hypoxie tissulaire et du déficit en nutriments. Un métabolisme anaérobie se met en place et conduit à l’accumulation de catabolites et le développement d’une acidose. Ils représentent localement un signal conduisant à l’ouverture des sphincters capillaires : le flux sanguin insuffisant diffuse dans ces capillaires sans apporter les métabolites en quantité suffisante. L’acidose et l’accumulation de déchets continuent et conduisent à une inactivation des muscles lisses artériolaires. [15, 81] Parallèlement, l’adrénaline circulante entraîne la dégranulation des mastocytes et des péricytes : des médiateurs vaso-actifs (histamine, sérotonine, bradykinines…) sont alors libérés dans le torrent sanguin et ont un effet vasoconstricteur veinulaire et vasodilatateur artériolaire. Le maintien de la fermeture des sphincters post-capillaires conduit à une séquestration du sang dans les capillaires (trapping) et stimule l’extravasation des fluides des capillaires vers l’espace interstitiel. Progressivement, on observe une perte de la réponse des vaisseaux aux effets des catécholamines circulantes conduisant à une vasoplégie généralisée (vasodilatation artériolaire et veineuse) ce qui conduit à une aggravation de l’hypotension et du déficit de perfusion. [15, 81] 3.2. Conséquences La stase intracapillaire et l’extravasation sanguine qui en résultent conduisent à une aggravation de l’état hypovolémique du patient. La fuite plasmatique se traduit par une hémoconcentration, une augmentation de la viscosité et une tendance à l’empilement des hématies et à leur agrégation (« sludge »). [81] Les lésions endothéliales entraînent une augmentation de la perméabilité vasculaire qui contribue à l’aggravation de l’hémoconcentration, de l’hypotension, de l’hypoalbuminémie et à la formation d’œdème tissulaire. L’œdème des cellules endothéliales est à l’origine de l’altération des membranes cellulaires : le contenu enzymatique des lysosomes est alors déversé dans la circulation. Ces enzymes catalysent les réactions d’activation du système des kinines qui intervient dans la formation des thrombi vasculaires. De plus, la stase microvasculaire augmente l’activité procoagulante en favorisant la margination plaquettaire : celles-ci ont alors tendance à former des thrombi microvasculaires, à l’origine d’obstructions capillaires irréversibles. Ce phénomène (no-reflow phenomen) est également stimulé par l’adhésion des polynucléaires neutrophiles sur l’endothélium vasculaire suite à la libération de facteurs d’adhésion par les cellules endothéliales agressées. [32, 81, 85,] Ainsi, alors que l’endothélium a une action majoritairement anticoagulante en conditions normales afin de maintenir la fluidité sanguine, il contribue à la formation de thrombi lorsqu’il est endommagé. [32] 66 L’ensemble de ces phénomènes conduit à l’installation d’un cercle vicieux en génant le retour veineux et en aggravant l’hypovolémie. Les lésions mènent à une redistribution inadéquate du flux sanguin lors de la reperfusion ce qui peut entraîner une aggravation de l’état hémodynamique du patient lors de la réanimation. [74] 67 II. CONSEQUENCES SYSTEMIQUES DE LA DEFAILLANCE CIRCULATOIRE 1. Hypoperfusion tissulaire 1.1. Déficit du métabolisme énergétique cellulaire En situation d’insuffisance circulatoire aigue, l’apport d’oxygène aux cellules est compromis par plusieurs phénomènes : la diminution du débit sanguin (hypoperfusion), la diminution de la pression artérielle en oxygène et de la saturation artérielle en oxygène (hypoxémie) et la diminution de la concentration sanguine en hémoglobine (anémie). Le choc hypovolémique provoque une hypoperfusion qui se traduit ellemême par une hypoxie tissulaire. L’augmentation de l’extraction en O2 au niveau cellulaire permet de compenser ce déficit d’apport en O2 dans un premier temps ; mais ce mécanisme compensateur est dépassé lorsque les valeurs seuils critiques d’extraction sont atteintes (figure 20). L’hypoxie tissulaire se développe alors et entraîne des perturbations de l’homéostasie énergétique cellulaire. [66] Figure 20 : Modifications des déterminants de l’oxygénation tissulaire durant le choc hypovolémique [17] DO2 : Délivrance en O2, hta : hypertension artérielle, O2ER : Extraction en O2, PaO2 : Pression artérielle en O2, PvO2 : Pression veineuse en O2, PVC : Pression Veineuse Centrale, SaO2 : Saturation artérielle en O2, SvO2 : Saturation veineuse en O2, TaO2 : tension artérielle en O2, TvO2 : Tension veineuse en O2, VA : Ventilation Artérielle 68 Le métabolisme énergétique cellulaire provient de l’utilisation de l’oxygène et du métabolisme des nutriments, en particulier des glucides et des acides gras libres. Il permet de maintenir l’intégrité membranaire, la mobilité et les processus de biosynthèse. Au niveau mitochondrial, le processus de phosphorylation oxydative permet la production de quantités importantes d’énergie stockées dans les liaisons phosphates des molécules d’ATP. [45] Le niveau minimal de PO2 nécessaire aux mitochondries isolées pour maintenir une respiration adéquate est très faible (< 0,1 torr). En cas de réduction de l’apport d’oxygène, la production aérobie d’ATP est réduite, par manque de substrat : les tissus doivent réduire leur consommation énergétique ou bien recourir à des sources d’énergie anaérobies pour compléter la formation aérobie d’ATP. Il existe 3 voies anaérobies de production d’énergie : la glycolyse, la réaction adénylate kinase et la réaction créatine kinase. [45] Lors de glycolyse anaérobie (figure 21), le glucose est transformé en lactate avec la formation d’ATP, en quantité bien moindre que lors de phosphorylation oxydative (2 molécules d’ATP versus 36). C’est la voie la plus utilisée lors d’hypoxie car elle constitue le procédé biochimique le plus efficace pour produire de l’ATP lorsque l’oxygène devient rare. En effet, le métabolisme des protéines et des lipides permet la formation de quantité importante d’ATP mais nécessite plus de molécules d’oxygène. [45] Figure 21: Glycolyse anaérobie [73] La réaction adénylate kinase permet la formation d’une molécule d’ATP et d’une molécule d’AMP à partir de 2 molécules d’ADP. AK 2 ADP ATP + AMP L’AMP est alors utilisé pour la formation d’adénosine, qui agit comme un vasodilatateur local, sauf au niveau rénal, provoquant une augmentation du flux sanguin local en réponse à l’hypoxie. Mais l’AMP peut être dévié vers une autre voie 69 conduisant à la libération de NH3, lequel joue le rôle de tampon au niveau du pH cytosolique en consommant un ion H+ pour former NH4+. [45] La réaction créatine kinase consomme une liaison phosphate riche en énergie de la phosphocréatine, de l‘ADP et des ions H+ pour former de l’ATP et la créatine. CK Créatine Phosphate + ADP Créatine + ATP + P Elle est utilisée par les organes dont les besoins énergétiques sont élevés tels que les muscles squelettiques, le cœur et le cerveau. [45] 1.2. Modification de l’homéostasie cellulaire Malgré ces mécanismes compensateurs mis en place, on observe lors d’hypoxie tissulaire une diminution de l’ATP disponible ce qui entraîne une diminution des activités cellulaires nécessaire au maintien de l’homéostasie. Les pompes membranaires ne peuvent fonctionner normalement et mènent à l’accumulation intracellulaire de Na+ et Ca + et une fuite extracellulaire de potassium. L’augmentation de l’osmolarité intracellulaire entraîne un appel d’eau et à une turgescence des cellules qui se rompent. La matrice intracellulaire est détruite, les vésicules lysosomiales rompues et leur contenu enzymatique libéré dans le cytoplasme. [74] Ce déficit énergétique conduit également à une modification de l’homéostasie calcique au niveau cellulaire. Celui-ci s’accumule dans le cytoplasme et active des protéinases, des lipases et des phospholipases ce qui mène à une défaillance des réactions enzymatiques intracellulaires. Les échanges transmembranaires entre le sodium et le calcium sont perturbés, l’entrée de calcium est facilitée, les systèmes de stockage du calcium intracellulaire altérés. [74] 1.3. Libération de radicaux libres La réaction adénylate kinase conduit secondairement à la production et à l’accumulation d’un dérivé de l’AMP: l’hypoxanthine. Lors de la reperfusion tissulaire, ce précurseur conduit à la formation de radicaux libres dérivés de l’oxygène conduisant aux lésions de reperfusion. [45] En situation normale, les radicaux libres produits lors des réactions enzymatiques sont éliminés par des systèmes enzymatiques spécifiques (superoxyde dismutase, catalase et glutathion). Mais en situation d’hypoxémie, ces mécanismes enzymatiques sont altérés du fait de la perte de l’homéostasie cellulaire : ainsi, lorsque l’apport en O2 est rétabli, les radicaux libres accumulés ne sont plus pris en charge par ces enzymes. [74] Ces radicaux libres dérivés de l’oxygène sont produits par les mitochondries, les macrophages, les neutrophiles activés par des métabolites issus des tissus ischémiques. Ils ont des effets extrêmement néfastes puisqu’ils conduisent à la perte des fonctions mitochondriales, à l’inactivation des pompes membranaires cellulaires, à la production 70 de prostaglandines pro-inflammatoires, à la destruction du surfactant pulmonaire, à des lésions d’oxydation de l’ADN et à la mort cellulaire par apoptose. [74] 2. Modification du statut acido-basique 2.1. Développement de l’acidose cellulaire En condition d’hypoxie cellulaire, la glycolyse permet d’assurer le métabolisme énergétique mais a 2 inconvénients : d’une part, son rendement énergétique est très faible comparé à la voie aérobie et d’autre part, la transformation du glucose en lactate est associé à la formation d’acide. A chaque fois qu’une molécule d’ATP est formée, il y a libération d’un ion hydrogène. En aérobiose, ce phénomène et contrebalancé par l’utilisation d’ions hydrogène au cours de la phosphorylation oxydative. [66] En anaérobiose, le pyruvate formé à partir du glucose ne peut entrer dans la mitochondrie où se déroule le cycle de Krebs et est réduit en lactate dans le cytosol en échange de la régénération du NAD+. Par la suite, la réduction cytoplasmique du NAD+ en NADH conduit à la libération de protons. [31] D’autre part, l’hydrolyse de l’ATP s’accompagne de la libération d’un ion hydrogène qui s’accumule dans le cytoplasme. Ces 2 phénomènes (formation de lactate et utilisation de l’ATP) contribuent donc au développement d’une acidose cellulaire. [45] L’acidose tissulaire reflète donc en réalité le déséquilibre entre l’hydrolyse et la synthèse de l’ATP d’une part et les réactions d’oxydoréduction du NAD+. [31] 2.2. Acidose lactique et hyperlactatémie L’acidose lactique est un état d’acidose métabolique secondaire à une glycolyse accrue ayant conduit à l’accumulation d’acide lactique plasmatique (> 5 mEq/L) et d’ions hydrogène. Les cellules musculaires squelettiques, cérébrales, intestinales, sanguines et celles de la peau produisent toutes du lactate (figure 22). En situation d’hypoxie, les principaux producteurs sont les muscles et l’intestin. [31] Le lactate est éliminé par le foie et le rein par la voie de la néoglucogénèse ou en l’oxydant en CO2 et en eau. Ces réactions consomment des ions hydrogènes mais nécessitent une fonction oxydative mitochondriale normale. En conséquence, lorsque l’apport d’oxygène est insuffisant, non seulement on observe une augmentation de la production de lactate mais également une diminution de son extraction : celui-ci s’accumule de même que les ions hydrogène. L’extraction hépatique de lactate est réduite pour une PO2 artérielle avoisinant 30 mmHg. Le foie devient alors lui-même un producteur de lactate plutôt qu’un consommateur. Ce phénomène est accentué lors d’acidose importante ou d’insuffisance hépatique. [31, 66] 71 Figure 22 : Le système de transport membranaire du lactate [52] Grâce au système antiport membranaire lactate/OH-, les ions H+ intracellulaire sont tamponnées par les ions OH- qui sont échangés contre le lactate. 2.3. Epuisement des systèmes tampons La voie de l’adénylate kinase permet de modérer dans certaines limites l’acidose cellulaire et participe à la formation d’énergie. Elle conduit à la formation d’AMP et d’ATP à partir de molécules d’ADP. L’AMP peut être désaminé en IMP avec libération de NH3. Cette étape joue un rôle de tampon au niveau du pH cytosolique puisque le NH3 peut capter un ion hydrogène pour former du NH4+. Cependant, cette réaction n’est pas majoritaire et ne fait que retarder le développement de l’acidose. [45] La réaction créatine kinase permet égalent de diminuer l’acidité cytosolique en consommant des ions hydrogènes mais cette réaction est négligeable à l’échelle de l’organisme puisqu’elle n’intervient que dans les cellules musculaires, cardiaques et cérébrales. [45] L’accumulation importante d’ions hydrogène conduit à une saturation et un épuisement des principaux systèmes tampons de l’organisme. Au niveau extracellulaire le tampon majeur est représenté par les bicarbonates qui conduisent à la formation de CO2. Au niveau intracellulaire, ce rôle est tenu par les protéines et les phosphates organiques et inorganiques (ATP, ADP…). Il est à noter que l’hémoglobine est responsable de 80% de l’activité tampon ne faisant pas intervenir les bicarbonates au niveau du sang, les 20% restant étant dus aux protéines plasmatiques dont l’albumine en grande majorité. Il est à noter que lors d’hémorragie importante, la déplétion sanguine entraîne également une déplétion de ces facteurs tampons. Lorsque les ions hydrogènes s’accumulent, ceux-ci sont donc titrés par les ions bicarbonates dans le liquide extracellulaire et par les protéines et les phosphates en milieu intracellulaire. 72 Cette réponse intervient en quelques minutes et permet de protéger le pH des fluides extracellulaires. Le CO2 produit lors de l’utilisation des ions bicarbonates est éliminé par ventilation alvéolaire, ce qui permet de maintenir une PCO2 normale voire diminuée : on observe cliniquement une hyperventilation. Au bout de quelques heures, on observe une adaptation au niveau rénal : afin de reconstituer le pool d’ions bicarbonates utilisés comme tampons, ceux-ci sont réabsorbés au niveau rénal et les ions hydrogènes sont excrétés. Mais cette réponse met de 2 à 5 jours afin d’être effective. L’ensemble de ces phénomènes permet donc de rétablir un pH normal par le biais d’une compensation respiratoire rapide et d’une compensation métabolique secondaire. [30, 31] Si l’hypoxie tissulaire persiste, l’ensemble de ces mécanisme est dépassé : on observe alors une diminution de la concentration en ions bicarbonates, une hausse importante de la PCO2 sans que le pH ne soit normalisé : c’est l’acidose métabolique. 2.4. Compensation respiratoire et PCO2 L’hypoxie, la baisse du pH et l’augmentation de la PCO2 représentent 3 stimuli qui conduisent à une régulation de la ventilation afin de maintenir des taux sanguin d’O2 et de CO2 constants. Cette régulation fait intervenir des facteurs humoraux et nerveux. [19] Il existe des chémorécepteurs périphériques situés au niveau de la crosse aortique et au niveau de la bifurcation carotidienne (les corpuscules). Ceux-ci sont stimulés par une PCO2 supérieure à 30 mmHg : ils envoient des potentiels d’action au bulbe via le nerf X pour les corpuscules aortiques et via les nerfs glossopharyngiens et les nerfs sinocarotidiens pour les corpuscules carotidiens. La fréquence des potentiels d’action s’accroît avec la hausse de PCO2 ce qui conduit à l’augmentation de la fréquence respiratoire. [19] D’autre part, des cellules du système nerveux central comme les neurones bulbaires sont aussi sensibles à la PCO2 : le stimulus pouvant être une augmentation de la PCO2 du liquide céphalo-rachidien (LCR) ou bien le contact direct avec le CO2 du fait de sa grande diffusibilité. [19] La réponse périphérique est immédiate suite aux stimuli alors que la réponse centrale apparaît 20 à 40 s après la modification de PaCO2. L’accroissement du débit ventilatoire provoque une augmentation de l’élimination de CO2. [19] Ces récepteurs périphériques et centraux sont également sensibles à une modification du pH sanguin : l’acidose stimule d’abord les récepteurs périphériques, le pH du LCR n’étant pas modifié dans un premier temps du fait de la barrière hématoencéphalique. Il en résulte une hyperventilation qui provoque une hypocapnie se propageant au LCR avec une tendance à l’alcalose dans ce milieu. La sensibilité périphérique et la sensibilité centrale agissent alors en sens inverse : il en résulte une hyperventilation modérée. L’acidose métabolique s’accompagne alors d’une alcalose respiratoire compensatrice. [19] 73 2.5. Conséquences des désordres acido-basiques sur le transport d’O2 Le transport de l’oxygène s’effectue principalement grâce à l’hémoglobine (Hb) présente dans le sang. Cette molécule est également capable de transporter le CO2 et assure un rôle de tampon. L’affinité de l’Hb pour l’O2 dépend de sa configuration stéréochimique. L’Hb réduite a une conformation ouverte qui lui permet d’accepter les molécules d’O2 alors que l’Hb oxydée possède peu d’affinité pour l’O2 du fait d’une configuration dite fermée. [18] La courbe de dissociation de HbO2 est de forme sigmoïde. Dans sa partie horizontale, c'est-à-dire pour des valeurs de SaO2 supérieure à 90% et une PO2 supérieure à 60 mmHg, la concentration en HbO2 est élevée. L’HbO2 étant un acide plus fort que l’Hb réduite, il est moins capable de fixer les ions H+ ce qui facilite la libération des composés carbaminés et augmente la PCO2. [18] Dans la partie verticale de la courbe, la dissociation forte de HbO2 aux PO2 basses facilite l’oxygénation tissulaire. L’Hb réduite augmente et fixe d’une part le CO2 et d’autre part les ions H+ ce qui favorise la formation des bicarbonates à partir du H2CO3 (effet tampon). La diffusion du CO2 des cellules vers le sang est favorisée par augmentation de la capacité de transport du CO2 par l’Hb suite à la désoxygénation de l’Hb. En retour, l’augmentation de la PaCO2 diminue encore l’affinité de l’Hb pour l’O2. [18] Ainsi, l’augmentation des ions H+ et de la PCO2 déplace la courbe d’affinité vers la droite et par conséquent favorisent la libération d’O2 au niveau tissulaire mais diminue la quantité d’O2 transportée pour une même PaO2 (figure 23). En revanche, l’alcalose et l’hypocapnie déplacent cette même courbe vers la gauche et augmentent donc l’affinité. [18] Figure 23 : Courbe de dissociation de l’Hb en fonction du pH et de la PCO2 [57] 74 3. Modifications électrolytiques Le sodium est le principal ion extracellulaire et sa répartition dans les différents secteurs de l’organisme est un reflet de l’équilibre hydrique de l’animal, du volume du compartiment extracellulaire et de la volémie. [39] Le volume du compartiment extracellulaire est lié principalement à la natrémie et à la chlorémie, qui sont les principaux ions osmotiquement actifs dans ce secteur. Le maintien de l’osmolalité de ce compartiment dans des fourchettes très étroites est indispensable pour éviter les transferts d’eau entre le milieu intra et extracellulaire et passe par le contrôle de l’équilibre hydrique par le centre de la soif et la sécrétion d’hormones osmorégulatrices (hormones antidiurétique et aldostérone). [39, 64] D’autre part, la régulation de la volémie est dépendante de facteurs hémodynamiques systémiques (système nerveux sympathique, système rénine angiotensine) mais aussi de l’excrétion rénale de Na+ (influencée par le débit de filtration glomérulaire, l’aldostérone, les facteurs natriurétiques et le système nerveux sympathique). [64] Certaines de ces hormones et notamment l’aldostérone ou les catécholamines, jouent un rôle fondamental dans la répartition et la sécrétion du potassium. Associé à un trouble acido-basique, à une modification de l’osmolalité, leur libération accrue peut entraîner un déséquilibre de la kaliémie, à l’origine de graves complications du fonctionnement neuromusculaire cardiaque et périphérique. [39] Lors de l’évolution de l’insuffisance circulatoire aiguë, les perturbations hémodynamiques, les réponses neuro-hormonales rencontrées, la perte de l’homéostasie cellulaire sont des facteurs qui contribuent aux altérations de l’équilibre électrolytique au sein de l’organisme. Le déficit énergétique conduit à un dysfonctionnement des pompes membranaires ATP-dépendantes. Il en résulte une perturbation des transferts ioniques, et notamment sur la répartition intra et extracellulaire des ions sodium et potassium. Ces modifications peuvent également concerner les ions chlore, le calcium et le phosphore. [31, 39] Ces troubles dépendent également de la rapidité d’installation du choc, du statut de déshydratation associé, et des pathologies sous-jacentes rencontrées. Il est important d’évaluer leur importance car leur correction est indispensable au retour d’une homéostasie cellulaire correcte. 4. Désordres métaboliques Les dysfonctions observées au niveau cellulaire lors de choc sont à l’origine d’une défaillance progressive des différents organes pouvant conduire au syndrome de dysfonction multiple d’organes et à la mort. Ce syndrome est défini par l’existence de l’altération fonctionnelle organique chez des animaux sévèrement malades et dont l’homéostasie ne peut être rétablie sans intervention. Il résulte de l’évolution d’une condition inflammatoire généralisée associée ou non à un phénomène infectieux, appelée Syndrome de Réponse Inflammatoire Systémique (SIRS). [56] 75 4.1. Installation du syndrome de réponse inflammatoire systémique Lors de choc hypovolémique, les cellules subissent des agressions auxquelles elles répondent précocement par la synthèse ou le relargage de médiateurs proinflammatoires. Les principaux acteurs cellulaires sont les cellules endothéliales, les neutrophiles, les monocytes et les macrophages. Lors de lésion à la surface des vaisseaux, les cellules endothéliales participent activement à la réponse inflammatoire : elles libèrent des médiateurs (NO, PAF…) qui exercent des effets bénéfiques localement, en augmentant la perméabilité vasculaire, l’adhésion, la migration et l’action des polynucléaires et favorisent la reconstruction tissulaire. Pour limiter leur action, l’organisme réagit en initiant une réaction anti-inflammatoire (figure 24). [70] Si l’agression initiale se prolonge ou est sévère, les défenses locales deviennent insuffisantes : les médiateurs sont alors relargués dans la circulation systémique afin de solliciter d’autres défenses. Les neutrophiles sont recrutés sur le site de l’inflammation par le jeu de molécules d’adhésion exprimées à la surface des cellules endothéliales et des neutrophiles déjà présents, cette action étant renforcée par l’intervention des macrophages et de l’activation du complément. D’autre part, la libération des neutrophiles à partir de la réserve médullaire fait intervenir d’autres facteurs (endotoxines, cytokines, hormone de croissance) ce qui nécessite un certain délai. L’accumulation et la séquestration des neutrophiles au niveau de certains organes peuvent aboutir à la formation d’œdème et à la dysfonction de ces organes. Les cytokines déversées dans le torrent sanguin entraînent une vasodilatation et une augmentation de la perméabilité membranaire, ce qui peut aggraver le déficit volémique et déprimer la fonction cardiaque. [28] On observe alors les premiers signes cliniques de réaction inflammatoire systémique (hypotension, tachycardie, hypo ou hyperthermie…). D’autre part, l’agrégation massive des leucocytes au niveau du site inflammatoire a des conséquences néfastes : augmentation des résistances vasculaires, diminution de la perfusion tissulaire et formation de thrombus en parallèle avec l’activation plaquettaire. Il existe alors un déséquilibre entre les réactions pro et antiinflammatoires : la réponse anti-inflammatoire est dépassée, insuffisante ou bien une seconde agression est venue perturber cette balance. [70] De nombreux facteurs conduisent à l’activation des neutrophiles recrutés (produits de la cascade du complément, endotoxines, cytokines, induction du système coagulation-fibrinolyse) : les neutrophiles libèrent alors de nombreuses substances à propriété bactéricide (radicaux libres de l’oxygène, enzymes protéolytiques) ou proinflammatoire (cytokines). Si cette libération n’est pas contrôlée, elle peut conduire à une aggravation des lésions cellulaires. [28, 70] Les monocytes et les macrophages interviennent en libérant des médiateurs (cytokines, médiateurs lipidiques, NO…) responsables de l’amplification de la réponse inflammatoire et du recrutement des neutrophiles. Ils participent également à la phagocytose des micro-organismes sur le lieu d’infection. Cette fonction conduit à la libération de radicaux libres, de protéases et d’hydrolases localement. [70] Lorsque la réaction anti-inflammatoire s’enflamme, il en résulte une production excessive de médiateurs anti-inflammatoires (IL2, 4, 10, TGFβ et PGE2) qui régulent la 76 production de cytokines pro-inflammatoire, conduisant à un phénomène d’immunosuppression et favorisant la fréquence des infections secondaires. [70] Figure 24 : Représentation schématique des conditions d’installation du syndrome de réaction inflammatoire systémique [34] 1.1.1.1 La première agression (zone grisée 1, « first hit ») peut entraîner par sa sévérité une défaillance multiviscérale précoce dont le pronostic est aggravé par une prise en charge inadéquate. La survenue d'une seconde agression, infection ou intervention chirurgicale délabrante (zone grisée 2, « second hit » ) peut provoquer la défaillance multiviscérale tardive lorsque le syndrome inflammatoire, préalablement amorcé, n'est plus contrôlé. Ainsi, le choc, s’il est sévère ou prolongé, comporte une réaction inflammatoire systémique qui ajoute des conséquences néfastes au tableau hémodynamique initial : troubles de la perméabilité capillaire aggravant l’hypovolémie, modifications médiateurs-dépendantes des propriétés systoliques et diastoliques ventriculaires entravant l’adaptation cardiaque à la situation hémodynamique et altérations de la microcirculation modifiant la répartition du débit cardiaque non seulement entre les différentes circulations mais aussi à l’intérieur même des tissus et des organes. Ces conditions prédisposent à l’apparition d’un syndrome de défaillance multiviscérale 77 (SDMV), que l’on soit en présence d’une réaction inflammatoire persistante et non contrôlée ou bien face à un phénomène d’immunosuppression. 4.2. Pathogénie du syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV) Le collapsus fonctionnel des organes concernés lors de SDMV résulterait d’un phénomène d’apoptose cellulaire médié par les cytokines. Plusieurs mécanismes permettent d’expliquer l’origine de ces médiateurs. [56] D’une part, un phénomène de translocation bactérienne et de développement d’endotoxémie est mis en cause. Ces bactéries diffusant dans la circulation systémique proviendraient du tractus gastro-intestinal suite à une diminution de l’intégrité de la muqueuse. La circulation splanchnique est rapidement sacrifiée en cas de choc hypovolémique du fait de la richesse de ses territoires en récepteurs α-adrénergiques conduisant à une diminution de la perfusion mésentérique. La baisse du débit sanguin local, l’atrophie et les ulcérations mucosales, le manque de nutrition entérale lors d’un état de choc compromettent l’intégrité de cette barrière. De plus, ces lésions peuvent être aggravées par l’action des cytokines et d’autres médiateurs de l’inflammation, entraînant des troubles de la perméabilité et favorisant ainsi la translocation bactérienne et des déficits de l’immunité locale. Les endotoxines provoquent l’activation de la réaction inflammatoire au niveau hépato-splanchnique et favorisent par ces effets sur la microcirculation l’augmentation de la perméabilité intestinale et la translocation bactérienne, provoquant ainsi un cercle vicieux susceptible d’engendrer un SDMV. [56, 70] Les lésions de reperfusion associées à la formation de dérivés libres de l’oxygène lors de la phase d’hypoperfusion sont également impliquées dans la pathogénie du SDMV. Afin de se défendre des microorganismes, les neutrophiles activés et les macrophages produisent des radicaux libres et des enzymes protéolytiques. Cependant, les mécanismes de lutte contre ces radicaux sont dépassés du fait de la surproduction durant la période d’hypoperfusion : il en résulte un état de stress oxydatif. D’autre part, la production de radicaux libres peut être aussi due à une infection systémique ou à une inflammation sévère. [56] Enfin, le développement du SDMV repose sur la théorie du « 2-hit » : celle-ci spécule qu’une insulte primaire telle qu’un traumatisme ou un état de choc, active les systèmes inflammatoire, immunologique et cardiovasculaire de telle sorte que si une seconde insulte se produit, telle que le phénomène de translocation bactérienne ou le développement d’une infection, l’hôte développera une réponse exagérée. Cette réponse se manifeste par une libération massive de cytokines pro-inflammatoires (TNFα, IL6, IL1) qui facilitent l’évolution d’un état hémodynamique instable et donc le développement d’un SDMV. [56] Les cytokines élaborées par les macrophages activés conduisent à la formation d’autant plus de radicaux libres par les neutrophiles et sont des promoteurs de l’expression de facteurs d’adhésion des neutrophiles. Il en résulte une augmentation de leur margination, leur adhésion, leur extravasation et l’apparition de lésions au niveau des microvaisseaux veineux postcapillaires. La perméabilité microvasculaire est altérée, des lésions d’œdème interstitiel apparaissent ce qui conduit à une augmentation de la 78 pression tissulaire et diminue d’autant plus la perfusion capillaire. D’autre part, les radicaux libres ont une action cellulaire toxique : ils inactivent les récepteurs membranaires protéiques et induisent une peroxydation lipidique ce qui conduit à la destruction de la membrane cellulaire. [56] Cette cascade de processus pathologiques conduit à l’aggravation des dommages cellulaires et par conséquent des dommages tissulaires (figure 25). L’action des cytokines libérées conjointement à l’activation de la coagulation entraîne progressivement une dysfonction multiorganique. [28, 56] Figure 25 : Conséquences de la reperfusion tissulaire après une période d’ischémie [74] Ischémie ATP ↓ ↑ Hypoxanthine HYPOXIE Altération transport Na/K Transfert des fluides Œdème cellulaire pH ↓ Stase Déformabilité cellulaire Hémoconcentration Microthrombose Hypoperfusion capillaire Leucocytes Radicaux oxygénés Médiateurs de l’inflammation (TNF α, IL1) ↑ perméabilité microvasculaire Oedème interstitiel ↑ Pression tissulaire Peroxydation lipidique Reperfusion ↑ hypoxie ↑ Dommage tissulaire 79 Les organes les plus souvent affectés lors de SDMV sont le système respiratoire, rénal, cardiovasculaire, le système de coagulation, le SNC, le système gastro-intestinal et le système hépatique. Les patients souffrant d’une insuffisance d’organe préexistante sont plus exposés pour développer d’autres défaillances d’organes. [56] 4.3. Spécificité des dysfonctions d’organes 4.3.1. Dysfonction rénale Lors d’évolution d’un état hypovolémique chez un patient, une des premières conséquences est la diminution de la perfusion rénale. Dans un premier temps, la filtration glomérulaire est préservée mais les mécanismes compensateurs entraînant une vasoconstriction de l’artère rénale afférente conduisent rapidement à une diminution du débit sanguin local. Il en résulte une diminution de la pression de filtration glomérulaire et une chute de la diurèse. La distribution sanguine est modifiée au sein même de l‘organe : le cortex est moins perfusé que la médulla externe, ce qui modifie le gradient de concentration médullaire. [15] Au niveau cellulaire, l’ischémie et l’hypoxie entraînent une nécrose tubulaire aigue associée à des lésions glomérulaires, des cellules tubulaires et de la vascularisation rénale. Les dommages glomérulaires induisent une inflammation des cellules endothéliales, épithéliales et mésangiales. Cette réponse inflammatoire entraîne une diminution de la perfusion rénale et de la filtration glomérulaire. Les artérioles afférentes et efférentes subissent des lésions secondaires à l’ischémie, ce qui compromet le phénomène d’autorégulation à l’échelle rénale. [56] Lors d’ischémie relative, la consommation d’oxygène rénale diminue avec la diminution du taux de filtration glomérulaire ce qui permet de limiter l’apparition précoce des lésions rénales. Cependant, quand la pression artérielle est inférieure à 60 mmHg, le développement d’une insuffisance rénale aigue est imminent. 4.3.2. Dysfonction du tractus gastro-intestinal Les mécanismes compensateurs lors de choc hypovolémique conduisent rapidement à la vasoconstriction portale. En effet, même pour une courte période d’hypoxie, des substances vasoconstrictrices (endothélines) sont libérées par l’intestin ainsi que des cytokines qui affectent le système neuroendocrinien, pulmonaire, cardiaque, hépatique, rénal et gastro-intestinal. Les leucocytes activés produisent une nécrose épithéliale et favorisent la désintégration de la lamina propria. Il en résulte une perte de l’intégrité de la barrière muqueuse, intégrité énergie-dépendante. On observe la filtration transcapillaire de fluides et un œdème interstitiel entraînant l’apparition de diarrhée. L’augmentation de la perméabilité capillaire mène à une perte des protéines et du volume plasmatique et facilite la libération de radicaux libres dérivés de l’oxygène dans la circulation (xanthine oxydase). [74] La rupture de cette barrière entraîne non seulement une hémorragie et donc une perte liquidienne supplémentaire, mais aussi un passage des bactéries et des endotoxines dans la circulation portale, prédisposant le patient à une endotoxémie ou à 80 une septicémie. [15, 74] En effet, les endotoxines absorbées conduisent à la production massive de cytokines pro-inflammatoires et potentiellement à un syndrome de réaction inflammatoire systémique. [74] Cette endotoxémie favorise également une réduction de la motilité intestinale, l’apparition de vomissements, d’ulcérations gastriques et de malnutrition. [56] 4.3.3. Dysfonction hépatique Le foie, qui reçoit environ 30% du débit cardiaque, possède une double circulation : 20 à 25% du flux sanguin hépatique est fourni par l’artère hépatique et le reste par la veine porte. De même que les artères coronaires et cérébrales autorégulent le flux sanguin des organes qu’elles irriguent, l’artère hépatique dérivée de l’aorte autorégule le flux sanguin hépatique. La veine porte draine le sang issu des différents viscères et n’est pas soumise au même type de régulation : c’est donc l’artère hépatique qui est le régulateur principal de l’apport en oxygène au foie en cas de choc. [58, 59] Lors de l’installation d’un choc hypovolémique, le flux sanguin hépatique n’est pas réduit tant que la pression artérielle reste supérieure à 60% de sa valeur normale. Lorsque l’hypotension s’installe, la délivrance d’oxygène au foie est significativement réduite du fait de la diminution de la délivrance d’oxygène de l’artère hépatique et de la veine porte. La diminution de la délivrance en O2 de l’artère hépatique provient de la diminution de son flux sanguin alors que la teneur en O2 du sang reste normale. En revanche la diminution de la délivrance en O2 par la veine porte est due non seulement à une diminution de son flux mais aussi à une diminution de sa teneur en O2 suite à l’augmentation de l’extraction en O2 au niveau des viscères qu’elle irrigue (intestins, estomac, rate). Un mécanisme compensateur intrinsèque permet alors de favoriser l’apport d’oxygène au foie suite à la diminution du flux sanguin veineux portal et de la diminution de la délivrance d’O2 d’origine portale résultante: d’une part, on observe une augmentation du flux provenant de l’artère hépatique et une augmentation de l’extraction en O2 du sang provenant de cette dernière. [58, 59] Cependant, ces mécanismes de régulation sont insuffisants en cas de choc sévère et le dépassement de cette autorégulation conduit à l’hypoxie et à l’hypoperfusion locale. L’altération de la perfusion des viscères et notamment du foie entraîne une micro ischémie associée à une inflammation importante et la libération de radicaux libres oxygénés toxiques par les granulocytes neutrophiles. Lors de la réanimation, un déséquilibre entre la production d’endothélines (vasoconstrictrices) et le monoxyde d’azote (vasodilatateur) entraîne l’apparition de zones d’ischémies locales inégalement réparties. Cette ischémie entraîne une souffrance des cellules hépatiques qui est immédiatement suivie d’une augmentation des transaminases. [64] Les lésions histologiques retrouvées sont une dilatation des espaces sinusoïdaux, une nécrose cellulaire ainsi que la présence de cellules marginales. [56] L’hypoxie et les médiateurs inflammatoires libérés conduisent à une vasoconstriction veineuse hépatique : on observe alors une diminution du retour veineux par augmentation de la résistance du débit hépatique et par développement d’une hypertension portale. On observe alors une rétention biliaire dans les hépatocytes et les canalicules biliaires associées à des cellules hépatiques turgescentes et nécrotiques. [56] Le foie n’assure alors plus sa fonction de détoxification, une 81 cholécystite et une choléstase peuvent apparaître. [89] D’autre part, l’hypoxie et l’ischémie splanchnique grave entraînent la production du facteur dépresseur du myocarde à action inotrope négative et conduit à la dépression du système endothélial. [59] Lorsque l’hypoxie persiste, on observe progressivement le développement d’une insuffisance hépatique se manifestant par de troubles de la coagulation, une diminution de la synthèse protéique, de la clairance des triglycérides périphériques et de la libération du glucose, conduisant potentiellement à une hypoglycémie. [56] 4.3.4. Dysfonction neurologique L’hypotension associée à l’hypovolémie lors de l’état de choc ainsi que l’apparition de microthrombi vasculaires conduisent à une diminution de la perfusion cérébrale. Des mécanismes compensateurs sont mis en place afin de retarder l’hypotension cérébrale, mais une fois ces mécanismes dépassés, des signes d’hypoperfusion cérébrale apparaissent. [15] De plus les modifications biochimiques comme l’hypoglycémie favorisent l’apparition de troubles neurologiques en privant les neurones de leur seule source d’énergie. En effet, lors d’hypoxie, la consommation de glucose est augmentée car la glycolyse est le procédé biochimique le plus efficace pour produire de l’ATP lorsque l’oxygène devient rare : elle prédispose donc à l’hypoglycémie. [45] Les troubles électrolytiques entraînent une fragilisation des membranes cellulaires des neurones et facilitent l’installation d’œdème cérébral. [56] Ces modifications se traduisent cliniquement par des troubles du comportement et une dépression sensorielle : hyporéactivité, confusion, stupeur ou coma sont des signes fréquents. [56] 4.3.5. Dysfonction hématologique Les dommages subis par l’endothélium vasculaire ainsi que l’activation des médiateurs de l’inflammation (TNF et interleukines) créent un environnement propice à l’activation de la cascade de coagulation. De plus, l’acidose tissulaire, le ralentissement du flux sanguin, la décharge de thromboplastine à partir des tissus endommagés, les lésions plaquettaires et la libération de catécholamines sont autant d’évènements prédisposant à l’initiation de la cascade hémostatique. [15] Les agrégats plaquettaires, l’adhésion plaquettaire aux leucocytes et la diminution de la fibrinolyse contribuent à la formation de thrombose microvasculaire. Parallèlement, la consommation des facteurs de coagulation et des plaquettes prédispose le patient aux saignements. Des hémorragies ou une hémolyse microvasculaire peuvent conduire à l’apparition d’une anémie et à la formation de caillots au niveau de la microcirculation. Si ces derniers ne sont pas lysés en moins de 20 à 30 min, du fait de l’épuisement des facteurs de fibrinolyse, les cellules viennent à mourir par hypoxie, favorisant ainsi le développement d’un SDMV. [15, 56] De plus les dépôts de fibrine tout au long du système vasculaire renforcent les conditions d’ischémie, d’hypoxie et d’acidose. [12] 82 Ce phénomène est d’autant plus amplifié lors d’insuffisance hépatique (primaire ou développée secondairement à une ischémie prolongée) par diminution de production des facteurs de coagulation, synthèse de facteurs non fonctionnels et par diminution de la clairance des facteurs de coagulation activés. En cas d’obstruction biliaire, la diminution d’absorption de vitamine K entraîne la synthèse de facteurs non fonctionnels. [56] Une des complications potentielles secondaire à l’activation de la coagulation intravasculaire, la formation de microthrombi en quantité importante, la consommation des facteurs de coagulation, des plaquettes et de l’exacerbation de la fibrinolyse est l’apparition d’un phénomène de coagulation intravasculaire disséminée qui aggrave nettement le pronostic. [56] 4.3.6. Dysfonction immunitaire Dans un premier temps, les fonctions immunitaires sont stimulées : l’activation de la cascade du complément facilite la phagocytose (opsonisation), la lyse des organes étrangers et accroît la perméabilité capillaire. Cependant, l’hypoxie s’installant, on observe un blocage des capacités du système réticulo-endothélial à détruire les micro-organismes pathogènes. Les tissus ischémiés relâchent des métabolites toxiques qui activent les macrophages, les mastocytes, les cellules endothéliales et les neutrophiles, à l’origine du relargage de nombreuses substance inflammatoires dans la circulation systémique (histamine, kallicréine, sérotonine, prostaglandines, thromboxane, leucotriènes, TNF, PAF, endothélines, NO, radicaux libres). Ces molécules ont diverses actions cytotoxiques [voir annexe 1] qui conduisent à une défaillance du système immunitaire et à la mort cellulaire (figure 26). [74] La phagocytose diminuée, les organismes pathogènes (débris cellulaires, agrégats issus de la CIVD) s’accumulent dans la lumière des vaisseaux. [12] Conclusion La diminution de la masse sanguine circulante a des répercussion directes sur la perfusion tissulaire : l’hypoxie résultante conduit rapidement à un dysfonctionnement cellulaire au sein des différents organes. De nombreux récepteurs disséminés dans l‘organisme sont à l’origine de la mise en place de facteurs de régulation neurohormonaux : ceux-ci ont pour objectif le maintien d’une pression artérielle, d’un débit cardiaque et d’un retour veineux adéquats. Si ces mécanismes sont insuffisants, des modifications au niveau local et microcirculatoire sont mises en oeuvre afin de sauvegarder la perfusion des organes indispensables à la survie. Malgré ces phénomènes compensateurs, la baisse de la perfusion tissulaire est souvent à l’origine d’une défaillance du métabolisme aérobie cellulaire suite à l’hypoxie engendrée. Il en résulte une perturbation de l’homéostasie énergétique, acidobasique et électrolytique, à l’origine d’une défaillance des différents organes de manière réversible ou non. 83 Figure 26 : Cascade des médiateurs impliqués dans les perturbations immunoinflammatoires au cours de l’état de choc[2] 84 IIIeme PARTIE MOYENS D’EVALUATION CLINIQUE ET PARACLINIQUE DE L’ANIMAL EN SITUATION D’INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE L’état de choc hypovolémique constitue une urgence qui doit être surveillée de manière précise et organisée afin de mettre en place un traitement étiologique et symptomatique le plus efficace possible. L’évaluation de la pression artérielle constitue un critère fondamental à prendre en compte puis on évalue les répercussions de la baisse de la volémie au niveau tissulaire par le biais de la perfusion tissulaire périphérique et centrale et de l’apport en oxygène aux tissus. Enfin, les répercussions au sein de l’ensemble de l’organisme sont évaluées. I. EVALUATION DE LA PRESSION ARTERIELLE La mesure de la pression artérielle sanguine constitue un paramètre indispensable dans l’évaluation et le suivi du statut hémodynamique des patients. 1. Intérêts La pression artérielle renseigne sur la capacité du cœur à éjecter le sang à travers le corps, le tonus vasculaire et l’équilibre hydrique du patient. Le flux sanguin de la plupart des organes du corps est autorégulé pour une pression moyenne comprise entre 60 et 160 mmHg. La pression systolique doit être supérieure à 80 mmHg afin d’éviter tout risque d’hypoperfusion tissulaire notamment au niveau rénal et cérébral. [65] Lorsque la pression artérielle moyenne est inférieure à 60 mmHg, la perfusion des organes vitaux est compromise et peut entraîner des conséquences néfastes à court terme (développement d’une acidose) et à long terme (ischémie tissulaire, insuffisance rénale). [55] Cette situation est notamment observée lors de le la phase finale de l’évolution d’un état de choc. [29, 72] Une thérapeutique adaptée doit alors rapidement être mise en place afin d’éviter des complications irréversibles. En revanche, une pression moyenne normale ou augmentée n’est pas toujours synonyme de flux sanguin adéquat. En effet, une vasoconstriction systémique peut maintenir une pression normale alors que le débit cardiaque est sévèrement réduit ou lors d’hypothermie ou de douleur. [28, 72] 85 Lors d’hémorragie, le suivi de la pression artérielle permet de suivre l’évolution du choc : on observe dans un premier temps un maintien voire une légère augmentation de la pression diastolique ainsi qu’une diminution de la force pulsatile (diminution de l’écart entre la pression systolique et la pression diastolique). Si les pertes sanguines persistent, le remplissage ventriculaire est compromis de même que le débit cardiaque : on observe alors une diminution de la pression systolique ainsi qu’un effondrement de la pression diastolique par échappement de la réponse des vaisseaux à la stimulation neuro-hormonale. [65] Certains appareils de mesure directe de la pression artérielle permettent d’obtenir un tracé de la courbe d’évolution de la pression (figure 27): l’étude de celle-ci est un moyen d’évaluer la contractilité myocardique en fin de systole et le degré d’hypovolémie par le biais de l’incurvation de la courbe en diastole. [55] Figure 27 : Enregistrements continus de pression artérielle invasive [55] (a) : Pression artérielle sanguine normale. On note le degré d’inclinaison de la pente d’augmentation de la pression au début de la phase systolique et l’incurvation progressive de la courbe en période diastolique. (b) : Pression artérielle lors d’hypovolémie. Le pic d’accélération de la pression en début de systole est plus important (significatif de l’activité contractile du ventricule) ; la durée du pic est réduite, l’onde de pression étant absorbée du fait de l’hypovolémie vasculaire. L’aire sous la courbe de pression est diminuée par rapport à la courbe (a), révélatrice du degré d’hypovolémie. 0 L’interprétation de ce type de tracé connaît des limites en fonction de l’artère où s’effectue la mesure. En effet, l’enregistrement effectué à partir des artères proximales au cœur permet d’obtenir un tracé proche de l’activité pulsatile aortique. En revanche, 86 plus les artères sont éloignées du cœur, plus cette courbe est influencée par les tonus vasculaires périphériques. Son interprétation peut donc être rendue délicate lors de l’utilisation des artères périphériques (situation la plus fréquente en pratique). 2. Evaluation quantitative 2 techniques de mesures de la pression artérielle sont disponibles. [28, 55] 2.1. Pression invasive 2.1.1. Technique La méthode de référence est une mesure invasive nécessitant la mise en place d’un cathéter artériel : elle renseigne en continu sur la pression artérielle. Le cathéter est introduit au niveau de l’artère pédieuse dorsale, de l’artère fémorale ou encore au niveau de l’artère palmaire et est relié à un transducteur électronique de pression via une colonne de solution saline héparinée. Le transducteur est étalonné au point zéro au niveau de l’atrium droit et est connecté à un moniteur. Ces moniteurs permettent d’obtenir une mesure continue de la pression systolique et la pression diastolique et d’en déduire la pression moyenne par calcul. La tubulure reliant le cathéter au transducteur doit être assez rigide afin de ne pas entraîner de distorsion modifiant la valeur de la mesure. Une fois le cathéter mis en place , il permet d’obtenir une mesure continue et d’avoir accès à du sang artériel pour réaliser des analyses sanguines, d’autre part cette méthode est la plus précise pour des valeurs de pression extrêmes (<80 ou >250). [29, 75] 2.1.2. Limites Si cette mesure est considérée comme la méthode de référence, ce matériel est peu accessible en pratique et onéreux. D’autre part, il nécessite que l’animal soit immobile et une certaine expérience pour la pose du cathéter artériel. [55] De plus, afin d’éviter les risques de thrombose de l’artère, le cathéter doit être fréquemment hépariné. Une des principales limites est de maintenir l’animal immobilisé durant l’ensemble des mesures. Si l’animal est encore vigile lors de la réanimation, cette immobilisation passe par le biais d’une anesthésie générale, laquelle n’est pas forcément souhaitable lors de la réception d’un patient en état de choc. 2.2 Pression non invasive La deuxième méthode est une technique indirecte de mesure de la pression artérielle : elle est non invasive, plus aisément disponible mais moins précise. Elle constitue cependant un bon moyen de suivre les tendances d’évolution de la pression artérielle. 87 2.2.1. Technique Elle utilise la technique d’occlusion du flux sanguin au niveau de l’extrémité d’un membre grâce à l’inflation d’un brassard. Le flux pulsatile sanguin est détecté soit par des changements de la pression pulsatile (modifications des oscillations dues à des changements de diamètre de la paroi vasculaire) dans le brassard lui-même (méthode oscillométrique), soit en plaçant un transducteur de flux au niveau d’une artère distale en regard du brassard après avoir tondu et appliqué un gel de contact sur la zone (figure 28). Le transducteur utilisé est en général une sonde à ultrasons qui détecte le flux des globules rouges dans l’artère à travers un cristal piezzoélectrique (méthode Doppler) : les sons sont convertis et amplifiés. Un sphyngomanomètre est relié au brassard est gonflé jusqu’à disparition du son puis on diminue lentement la pression jusqu’à entendre la première pulsation : la valeur alors obtenue sur le manomètre est proche de la pression systolique. La pression du brassard est progressivement diminué jusqu’à atteindre une modification du signal sonore : la valeur correspondante sur le manomètre est proche de la pression diastolique. [28] Figure 28 : Positionnement du brassard et du transducteur lors de la mesure de la pression artérielle par méthode Doppler [77] 2.2.2. Limites Ces appareils permettent d’obtenir des mesures discontinues de la pression artérielle systolique et diastolique, et d’en déduire la pression artérielle moyenne. Certains inconvénients sont associés à cette technique : la taille du brassard doit être ajustée au membre de l’animal (la largeur du brassard doit représenter 40% de la circonférence du membre au niveau de la zone de mesure) afin de ne pas sur ou sous-estimer la pression et le marqueur du brassard doit être positionné en face de l’artère. L’animal est placé en décubitus latéral afin que le membre soit à la même hauteur que l’atrium droit. Cette technique est difficile à mettre en œuvre chez les races naines (surtout avec la méthode oscillométrique) ou chez les animaux au statut hypotendu ou vasoconstricté. [28] 88 D’autre part, cette technique semble manquer de fiabilité lors de tachycardie majeure ou lors d’arythmie. Les mesures obtenues par la méthode Doppler montrent une bonne corrélation avec les mesures directes de la pression artérielle, et ceci même chez les animaux de très petit format. [28, 55] 3. Evaluation qualitative (pouls) La différence de pression pulsatile entre la pression systolique et la pression diastolique peut être estimée par la prise du pouls de l’animal. Celui-ci peut être faible, voire impossible à obtenir ou au contraire de force augmentée. Lors de déplétion volémique, celui-ci est souvent difficilement palpable alors qu’une augmentation de la force du pouls est régulièrement obtenue lors de désordre cardiovasculaire ou d’anémie. [29] Le pouls périphérique n’est pas perceptible pour des pressions inférieure à 50 mmHg, perceptible mais faible pour des pressions entre 50 et 70 mmHg, normal ou subnormal pour des PA supérieures à 80 mmHg. [80] L’obésité d’un animal peut gêner la perception du pouls fémoral, il est conseillé de le chercher alors à l’artère sublinguale. [80] La prise du pouls fémoral est une mesure certes qualitative mais efficace et rapide afin d’évaluer dans un premier temps la pression artérielle, en attendant la mise en place d’un monitorage plus précis. Elle constitue un des premiers gestes d’urgence dans la prise en charge d’un animal en choc hypovolémique. 89 II. EVALUATION DE LA PERFUSION TISSULAIRE 1. Perfusion périphérique Plusieurs paramètres permettent d’évaluer la perfusion périphérique au niveau de l’organisme dans sa globalité. Il est possible d’estimer la perfusion périphérique par l’évaluation clinique de certains organes, dont le bon fonctionnement dépend du maintien d’une pression de perfusion correcte. Le rein et le cerveau apparaissent comme deux organes clés dont le métabolisme est vite endommagé en cas de diminution dramatique de la perfusion périphérique : les dysfonctionnements engendrés sont alors rapidement mis en évidence par certains paramètres. 1.1. Evaluation des muqueuses et du temps de recoloration capillaire Dans un premier temps l’état de déshydratation est apprécié par l’évaluation de plusieurs critères : la persistance du pli de peau, la position des globes oculaires, l’aspect collant des muqueuses buccales, anales, vulvaires et la sécheresse cornéenne. Cela permet d’estimer un pourcentage de déshydratation du patient (tableau 1). [48, 65] La persistance du pli de peau, lorsqu’elle est pincée entre les omoplates, est due à une diminution de la turgescence et de l’élasticité cutanée lors de diminution du liquide interstitiel. Chez les sujets jeunes, la présence d’une diminution de la turgescence cutanée est un indicateur fiable de déplétion volémique. Il est à noter que chez le sujet âgé ou cachectique, cet indicateur est moins fiable du fait de la diminution de l’élasticité cutanée. L’obésité peut masquer un état de déshydratation car la peau revient plus rapidement en place. Un pourcentage de déshydratation inférieur à 5% n’est pas détectable par l’examen clinique. Un pourcentage de déshydratation supérieur à 14% entraîne le décès du patient. Tableau 1 : Signes cliniques associés aux différents stades de déshydratation extracellulaire [39] Pourcentage déshydratation <5% 5-6% 7-8% 9-10% 11-12% de Persistance du pli Aspect de peau muqueuses aucune humides légère humides modérée collantes importante sèches importante très sèches des Enfoncement des globes oculaires aucun aucun aucun léger important Le temps de recoloration capillaire correspond au temps mis pour que la muqueuse retrouve une couleur rosée après pression sur celle-ci. Il peut être effectué au niveau de la muqueuse buccale, vulvaire, anale et nécessite une zone sans pigmentation. Le TRC 90 reflète le tonus du sphincter précapillaire : il est rallongé lors d’augmentation du tonus et inversement. Lors de l’installation d’un état de choc, la réponse sympathique de l’organisme entraîne une vasoconstriction périphérique. Il en résulte cliniquement une augmentation du TRC (>2s), paramètre qui permet de suggérer une hypoperfusion périphérique. [3] La couleur des muqueuses est également un bon indicateur : elles sont rosées chez un animal en bonne santé ; une couleur pâle est le signe d’une hypoperfusion et/ou d’une anémie alors qu’elles apparaissent rouges lors de congestion périphérique. Des muqueuses bleues violettes sont le signe d’une cyanose associées à un déficit d’oxygénation. [74, 89] 1.2. Suivi de la température La température cutanée permet aussi d’évaluer la perfusion périphérique : elle constitue un reflet de la circulation sous-jacente dans des conditions physiologiques. Il a été montré que la température cutanée et le débit sanguin évoluent dans le même sens : ainsi, toute vasodilatation du système artériolaire superficiel élève la température cutanée périphérique et qu’à l’inverse toute vasoconstriction abaisse la température périphérique. Malheureusement la température périphérique est difficilement mesurable chez le chien : il est cependant possible de l’estimer de manière subjective par palpation des extrémités de l’animal mais cette estimation manque de précision. [41] Il est intéressant d’évaluer la différence de température au niveau central (prise au niveau du nasopharynx ou du rectum) et au niveau périphérique. Si l’écart de température augmente dans le temps, il est vraisemblable qu’il existe un déficit de perfusion au niveau périphérique. Ce paramètre peut également être le signe précoce d’une chute du débit cardiaque. [55] 1.3. Evaluation du pouls périphérique Un autre indicateur de l’existence d’une perfusion périphérique est la reconnaissance d’un pouls périphérique. Un pouls faible est du à une diminution du débit cardiaque ou à une augmentation des résistances périphériques. En revanche, un pouls bondissant reflète une hausse du débit cardiaque ou une vasodilatation périphérique. [3] Si le pouls est difficile à mettre en évidence, il est possible d’utiliser un oxymètre de pouls. Si celui-ci détecte la présence d’un signal, il existe une perfusion locale. Certains oxymètres sont dotés d’indicateur de la force de perfusion (courbe de pléthysmographie ou simple signal analogique) mais doivent être interprétés avec précaution car la modification du signal détecté peut être due à d’autres motifs qu’un changement de perfusion. En effet, il existe plusieurs facteurs qui peuvent entraîner des artéfacts dans la détection du pouls : positionnement de l’oxymètre sur des muqueuses pigmentées, interférences avec la lumière ambiante, mouvements de l’animal, concentration en methémoglobine ou carboxyhémoglobine élevée. Un positionnement prolongé sur les muqueuses peut entraîner une compression locale du site et altérer la 91 perfusion tissulaire sous-jacente : il est donc essentiel de ne pas trop comprimer les muqueuses et de changer le positionnement régulièrement si nécessaire. [55] 1.4. Evaluation de la perfusion rénale Lors de choc hypovolémique ou de collapse cardiovasculaire, on observe une baisse de la pression artérielle moyenne qui conduit à une vasoconstriction des artères afférentes rénales. Cette modification du tonus vasomoteur conduit à une chute du débit de filtration glomérulaire associée à une diminution de la production urinaire. On observe d’abord une oligurie qui peut évoluer en anurie complète sans réanimation médicale. [55] La mesure du débit urinaire, de réalisation facile, apparaît donc comme un marqueur important et fiable de la perfusion rénale. La mise en place d’un cathéter de Foley dans la vessie ou d’une sonde urinaire classique permet de recueillir les urines durant un minimum de 30 minutes. Le débit urinaire normal est de 1 à 2 mL/kg par heure ; le débit est considéré comme réduit s’il est compris entre 0,5 et 1 mL/kg/h (oligurie) et très réduit s’il est inférieur à 0,5 mL/kg/h (oligurie voire anurie). [28, 65] D’autre part, l’analyse chimique des urines permet de renseigner sur l’état de perfusion rénale. Lorsque le débit urinaire chute, la filtration et l’élimination de sodium par les urines diminue. Une concentration urinaire en sodium inférieure à 10 mEq/L ou une fraction d’excrétion en sodium est inférieure à 1% ainsi qu’une osmolarité urinaire supérieure à 450 mOsm/L (concentration urinaire suite à l’action de l’HAD) sont attendues lors d’une azotémie prérénale (si la fonction rénale était normale auparavant). [72] Au niveau de la microcirculation rénale, l’insuffisance du flux sanguin provoquée par la vasoconstriction des artères afférentes prive les cellules tubulaires rénales proximales en O2 et conduit à une modification de l’homéostasie rénale. Leur capacité à réabsorber le glucose et les bicarbonates est diminuée ce qui entraîne l’apparition d’une glycosurie et d’une acidémie. [89] Le suivi de la fonction rénale doit être maintenu tout le long de la réanimation mise en œuvre dans le traitement du choc hypovolémique afin d’évaluer l’efficacité de la thérapeutique (se traduisant cliniquement par une reprise de la diurèse) mais aussi pour évaluer les complications potentielles associée à la réanimation. En effet, lors de la reprise de la perfusion, il est possible d’observer des spasmes aigus des artérioles préglomérulaires pouvant conduire à une nécrose tubulaire aigue et donc une aggravation de la fonction rénale à moyen terme. [65] 1.5. Evaluation de la perfusion cérébrale L’organisme est capable de mettre en jeu des mécanismes compensateurs afin de maintenir une perfusion cérébrale minimale malgré les modifications de pression artérielle systémique. Ces mécanismes sont actifs tant que la pression artérielle moyenne est supérieure à 50 mmHg. En dessous de cette valeur limite, on observe une 92 altération de la perfusion cérébrale qui se traduit cliniquement par une modification de l’état de conscience du patient (confusion, démence, stupeur voire coma). [65, 89] L’examen neurologique doit inclure : l’attitude générale de l’animal, le niveau de réponse à des stimuli divers, l’évaluation de la démarche ou le maintien du positionnement sur les 4 membres, le tonus musculaire, la symétrie des mouvements. L’examen des nerfs crâniens doit être effectué dans son intégralité ; une attention particulière doit être portée sur les réflexes pupillaires. L’ensemble de cet examen permet de définir un score dans l’échelle de Glasgow [voir annexe 3]. Le score de Glasgow permet d’obtenir une évaluation neurologique standardisée permettant d’apprécier de façon plus fiable l’évolution du statut neurologique. Ses capacités prédictives pronostiques ne sont cependant connues chez le chien que lors de traumatisme crânien. [83] 2. Perfusion centrale La pression veineuse centrale (PVC) est la pression régnant au sein de l’oreillette droite et correspondant donc indirectement à la précharge du ventricule droit. Elle est évaluée par la mesure de la pression hydrostatique dans la partie intrathoracique de la veine cave crâniale (ou parfois de la veine cave caudale). [29, 48, 86] En pratique, la PVC correspond à la pression télédiastolique du ventricule droit en l’absence de sténose tricuspidienne. En l’absence de pathologie cardiaque et en raison du fonctionnement symétrique des 2 ventricules cardiaques, elle reflète également la pression télédiastolique du ventricule gauche. [86] Elle dépend de plusieurs facteurs tels que le tonus venomoteur, le retour veineux, la compliance ventriculaire, de la pression intrathoracique ainsi que du débit cardiaque. [48, 89] Pour ces raisons, elle doit être interprétée en relation avec le débit cardiaque. Une diminution de la PVC peut être le signe d’une diminution du débit cardiaque du fait d’un état hypovolémique. Par contre, une augmentation de la PVC associée à une diminution du débit cardiaque est le signe d’une insuffisance cardiaque. [29] 2.1. Intérêt de la mesure de la pression veineuse centrale La PVC est la première variable à changer lors de modification de la balance hydrique dans l’organisme. Elle permet d’estimer l’état d’hydratation ainsi que la capacité de la pompe cardiaque. Son évolution dans le temps permet d’évaluer l’origine d’une pression artérielle basse (origine hypovolémique ou origine cardiaque). [55] Sa mesure informe sur le retour veineux et permet de juger de la nécessité d’un remplissage vasculaire. Elle permet d’estimer le risque de surcharge volémique, d’effusion péricardique ou d’insuffisance cardiaque droite. Lors de la réalisation de remplissage vasculaire, la mesure régulière de la PVC permet d’évaluer l’efficacité de celui-ci et de prévenir les complications telles que la surcharge volémique. [86] 93 Le suivi de la PVC apparaît d’autant plus important chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque ou rénale : en effet le risque de surcharge volémique est accru lors de perfusion. [65] Plus la compliance veineuse est basse, plus la valeur de la PVC est basse et moins celle-ci varie avec le remplissage vasculaire. En revanche, chez les patients dits « hyperadrénergiques », tels que dans la phase initiale d’un état de choc hémorragique, la PVC ne correspond pas au volume intravasculaire du fait de la modification du tonus vasomoteur. L’interprétation de la PVC doit donc être effectuée prudemment dans ce type de situation. [86] 2.2. Techniques de mesure 2.2.1. Mesure invasive La mesure invasive de la PVC permet d’obtenir une estimation directe de la valeur. Elle nécessite la mise en place d’un cathéter veineux central introduit en général par la veine jugulaire (mais le cathétérisme de la veine fémorale ou de la veine saphène est également possible). [29] Après préparation aseptique de la zone choisie, le cathéter est introduit dans la veine jusqu’à ce que son extrémité atteigne l’atrium droit (point zéro) ou la veine cave caudale. La réalisation d’un cliché radiographique permet de s’assurer du bon positionnement du cathéter. [29] Une tubulure d’extension permet de relier le cathéter à une colonne d’eau graduée et à une seringue de 20mL par le biais d’un robinet à 3 voies. La tubulure et la seringue sont remplies de solution saline isotonique héparinée de même que la colonne d’eau (figure 29 et 30). [46, 86] Le point zéro de la colonne d’eau graduée doit être placé au niveau du point zéro du cathéter, c'est-à-dire au niveau de l’atrium droit. Lorsque le patient est placé en décubitus latéral droit, la projection de l’atrium droit correspond à la position du manubrium ; si le patient est en décubitus sternal, le point de référence est au niveau de l’articulation scapulo-humérale. [29] Lors de l’ouverture du robinet à 3 voies, la colonne d’eau est placée en relation avec le cathéter veineux central : le niveau de la colonne d’eau baisse rapidement jusqu’à un point d’équilibre correspondant à la valeur de la PVC en cm d’H2O. [46, 86] La pression hydrostatique à l’intérieur de la colonne est alors en équilibre avec la pression hydrostatique régnant au niveau de l’extrémité du cathéter (figure 31). [46] 94 Figure 29 : Positionnement de la colonne d’eau pour la mesure de la PVC [99] Insertion du cathéter veineux central dans la veine jugulaire Manomètre Niveau zéro (hauteur de l’atrium droit) Marqueur de flottation (repère du niveau d’eau) Sonde nasogastrique Tubulure reliée à une poche de NaCl 0,9% Tubulure reliée au cathéter veineux central Robinet 3 voies 95 Figure 30 : Remplissage de la colonne grâce à la poche de NaCl 0,9% [99] Le flotteur monte (correspond au niveau d’eau arrivant dans le manomètre) Accès au cathéter fermé par le robinet Ouverture du robinet 3 voies entre la poche de NaCl 0,9% et le manomètre. Les fluides circulent dans le sens des flèches Figure 31 : Mesure de la pression veineuse centrale après étalonnage [99] Mètre indiquant la hauteur de la colonne Ouverture du robinet 3 voies entre le manomètre et le patient. Les fluides circulent dans la direction des flèches jusqu’à égalisation de la pression dans le manomètre et de la pression centrale veineuse. Le flotteur descend jusqu’à ce que la pression dans la colonne soit égale à la pression veineuse centrale La PVC est mesurée en cm H20 à l’aide d’un mètre par lecture de la hauteur du flotteur dans la colonne. 96 Le niveau de la hauteur du ménisque de la colonne d’eau varie avec la respiration et les battements cardiaques. [46] La valeur la plus proche de la PVC est celle obtenue en fin d’expiration : il est important de lire la valeur correspondant au point le plus bas du ménisque sur la colonne d’eau. [46] Il existe également des lecteurs automatiques de PVC par le biais de transducteurs électroniques. Ceux-ci permettent un enregistrement continu et par conséquent un suivi de la courbe d’évolution de la PVC (figure 32). [29] Figure 32 : Obtention de la PVC par transducteurs électroniques [99] Tubulures reliées aux cathéters Courbe de PVC Transducteurs Fils de connexion au moniteur Tubulures reliées aux poches de NaCl 0,9% Les transducteurs convertissent ici les changements de pression artérielle (en rouge) et veineuse (en bleu) en signaux électriques, lesquels sont retransmis sous forme de courbe de pression sur un moniteur (à droite). La PVC est ainsi mesurée en continu. Les tracés retransmis sur ce moniteur sont de haut en bas : la pression artérielle, la PVC, la pression artérielle pulmonaire (PAP), la SaO2 et la courbe de pCO2 (ETCO2 : End Tidal CO2). Les valeurs normales de PVC oscillent entre 0 et 10 cm H2O avec une majorité se trouvant entre 0 et 5 cm H2O. Une valeur inférieure à zéro indique un état hypovolémique et une valeur supérieure à 12-15 cm H2O suggère une surcharge volémique. Les valeurs obtenues en mm Hg peuvent être facilement converties en cm H2O (1 mm Hg = 1,36 cm H2O). [29] Si les fluctuations rythmiques sont absentes, une mauvaise position du cathéter doit être suspectée : celui-ci peut être de longueur inadéquate, buter contre une paroi vasculaire ou contre la paroi atriale. Une légère aspiration de sang par le cathéter permet de vérifier sa perméabilité : le sang doit venir rapidement et sans résistance 97 aucune. Si les fluctuations sont au contraire importantes et en rythme avec la fréquence cardiaque ou si la valeur obtenue est élevée, il se peut que l’extrémité du cathéter soit au niveau du ventricule droit : le cathéter doit alors être replacé de manière adéquate.[46] D’autres sources d’erreurs rencontrées sont dues à une pliure du cathéter, une mauvaise position du cathéter (cathétérisme de la veine azygos), une occlusion de la paroi vasculaire ou la formation d’un thrombus autour du cathéter. [29] Cette méthode n’est pas dénuée de risques infectieux lors de la manipulation du cathéter mais ces risques sont diminués avec la méthode électronique de mesure automatique [86] 2.2.2. Mesure non invasive La PVC peut être estimée de manière non invasive par évaluation du degré de distension jugulaire et par la présence d’un pouls visible à ce niveau. Ces signes sont le reflet d’une surcharge volémique. [29] Cependant cette technique soufre d’un manque de précision important : la prédiction clinique de la valeur de la PVC n’est correcte que dans 50% des cas en moyenne. Cette estimation est plus précise si la PVC est haute (corrélation dans 77 à 80% des cas) que si la PVC est basse (3 à 38% des cas). [86] Une autre méthode non invasive d’estimation de la PVC est le recours à l’échographie cardiaque par mesure du diamètre de la veine cave caudale. L’observation d’une distension de celle-ci reflète une valeur de PVC élevée mais une valeur normale ou abaissée du diamètre de la veine cave caudale ne permet pas de conclure. [54] Chez l’homme, des études ont montré un coefficient de corrélation supérieur à 0,70 avec cette technique. [86] Cependant, cette mesure n’est pas effectuée dans le cadre de la prise en charge urgente d’un patient hypovolémique. 2.3. Limites Les mesures obtenues comportent de nombreuses approximations, notamment avec la méthode manométrique. Ceci est du en grande partie au repérage du point zéro. [46, 86] La valeur de la PVC est souvent surestimée avec la méthode manométrique (de + 0,5 à +5 cm d’H2O) et ceci d’autant plus si le patient est en dyspnée, en hyperventilation ou sous ventilation artificielle. L’utilisation des transducteurs électroniques de pression permet souvent d’obtenir une mesure plus précise dans ces cas. [46] En moyenne, la valeur obtenue avec la méthode manométrique est supérieure de 2,7 mm Hg par rapport au transducteur électronique [78]. Il semble que la taille du cathéter utilisé ne modifie pas les valeurs obtenues, mais l’utilisation d’une gauge de 16 minimiserait les erreurs de mesure par méthode manométrique (en facilitant la lecture au niveau du ménisque car l’effet ménisque est relié à la tension de surface et le diamètre interne du manomètre). [78] Les modifications cycliques observées en parallèle avec le rythme respiratoire permettent une première interprétation de la PVC. En effet, la diminution de la PVC 98 lors de l’inspiration nécessite une certaine compliance du cœur droit : si ces fluctuations sont observées, un remplissage vasculaire est possible s’il est jugé nécessaire ; en revanche, si ces variations ne sont pas observées, cela laisse sous-entendre une diminution des capacités d’expansion vasculaire de l’organisme et d’élévation du débit cardiaque. [86] Une mesure isolée de la PVC ne porte que peu d’intérêt : un suivi régulier dans le temps doit être effectué afin d’évaluer la réponse de l’organisme à la thérapeutique mise en place. 3. Débit cardiaque La mesure du débit cardiaque constitue un paramètre de surveillance hémodynamique important mais insuffisant s’il est utilisé de manière isolée. En effet, de nombreux mécanismes interviennent pour maintenir un débit cardiaque normal lors de défaillance de la fonction cardiaque. Il n’existe pas de valeur de débit cardiaque normale, mais celle-ci doit être interprétée en relation avec les paramètres évaluant la perfusion tissulaire. Sa mesure permet alors d’adapter les thérapeutiques visant à adapter les performances cardiaques face à une situation donnée. [14] A l’heure actuelle, la mesure continue du débit cardiaque n’est pas réalisée en médecine vétérinaire. L’évaluation du débit cardiaque se fait donc de manière indirecte par la mesure de ses principaux déterminants. Le débit cardiaque étant le produit de la fréquence cardiaque et du volume d’éjection systolique du ventricule gauche, ces deux paramètres doivent être mesurés. 3.1. Mesure de la fréquence cardiaque Le suivi de la fréquence cardiaque revêt une importance particulière : la fréquence de dépolarisation diastolique est altérée par de nombreux facteurs tels que la température corporelle, le statut métabolique, le tonus sympathique et parasympathique, l’activité physique, l’état d’excitation… Lors d’observation d’une tachycardie (fréquence cardiaque supérieure à 160-180 bpm), la cause sous-jacente doit être systématiquement recherchée (douleur, anémie, hypoxémie, hypovolémie..) afin de décider de la mise en place ou non d’une thérapeutique. Elle est souvent le reflet d’une hyperactivité sympathique mais pas systématiquement. L’apparition d’une bradycardie lors d’hypovolémie majeure est un facteur de gravité : elle résulte d’une activation des mécanorécepteurs myocardiques et a pour but de préserver le remplissage ventriculaire. [53] La détermination de la pression veineuse centrale et de la pression artérielle peut donner des informations sur l’origine de la modification de fréquence cardiaque. [72] Toute augmentation du rythme cardiaque entraîne une augmentation de la demande en oxygène en diminuant le temps de remplissage ventriculaire sans forcément améliorer le débit cardiaque : il est donc essentiel de surveiller ce paramètre afin d’optimiser le débit cardiaque et de réduire le risque d’ischémie myocardique secondaire à un déficit en oxygène du myocarde. [64, 72] 99 La fréquence cardiaque peut être obtenue par auscultation directe, par la prise du pouls périphérique ou bien par l’intermédiaire d’un électrocardiogramme ou de l’oxymètre de pouls. L’électrocardiographie renseigne sur l’activité électrique du cœur. L’analyse morphologique et rythmique de la courbe obtenue permet de détecter immédiatement les arythmies cardiaques et d’évaluer des altérations de l’environnement myocardique telles qu’une hypoxie, hypercapnie, hyperkaliémie, acidose et hypercalcémie. L’électrocardiogramme permet un suivi aisé et continu des modifications rythmiques de l’activité cardiaque mais ne peut être utilisé comme seul moniteur de la fonction cardiaque : en effet, il ne reflète pas l’activité mécanique du cœur. Ainsi, un tracé électrique peut être enregistré encore plusieurs minutes après cessation de l’activité mécanique du cœur. [55] La fréquence cardiaque peut être évaluée de manière continue et non invasive par l’oxymètre de pouls. Ce moniteur permet de suivre l’activité mécanique et non électrique du cœur : l’utilisation concomitante avec l’ECG est donc intéressante car elle permet de détecter les déficits pulsatiles cardiaques. [55] 3.2. Mesure du volume d’éjection systolique La mesure du volume d’éjection systolique (VES) se fait par le biais de l’échocardiographie: c’est une technique non invasive mais qui fournit une information discontinue et nécessite un opérateur performant et expérimenté afin d’obtenir des mesures précises. [14] Deux techniques de mesure sont disponibles pour évaluer le débit cardiaque chez l’animal. La première consiste à estimer les volumes ventriculaires télédiastoliques et télésystoliques en mode bidimensionnel. La différence entre ces deux paramètres constitue le volume d’éjection systolique. Cette technique nécessite une grande qualité d’imagerie bidimensionnelle (les mesures doivent être effectuées dans la longueur du grand axe ventriculaire et au niveau du diamètre du petit axe). D’autre part, les mesures réalisées doivent être d’une grande précision. Il semble que cette technique conduise trop souvent à une sous-estimation du volume d’éjection systolique, rendant cette mesure peu fiable pour un diagnostic de précision. [14] La deuxième technique bénéficie de plus de précision : elle exploite les capacités de l’effet Doppler à mesurer la vélocité sanguine à travers une surface vasculaire ou valvulaire, afin d’en déduire le débit à ce niveau. La mesure est plus aisée et plus précise si elle est effectuée au niveau de la valve aortique. La vélocité du flux chez un animal ne présentant pas de pathologie cardiaque oscille autour de 1 m/s, dépassant très rarement 2,25 m/s. Pour obtenir le volume correspondant à ce flux, il est nécessaire de mesurer la vélocité moyenne (intégrale du spectre Doppler aortique) et de la multiplier par l’aire de l’anneau aortique. Cette technique nécessite de respecter plusieurs conditions de mesure : l’angle formé entre l’axe du faisceau Doppler et l’axe du flux sanguin étudié doit être le plus faible possible (<20°) ; la mesure du diamètre doit être très précise (une erreur minime au niveau du calcul du diamètre de la zone peut entraîner des modifications majeures dans le calcul du flux volumétrique) ; il ne doit pas exister de régurgitation au niveau de l’orifice étudié sinon le débit mesuré 100 surestimera le débit réel (il ne prendra pas en compte le débit régurgité). Les mesures doivent être répétées plusieurs fois afin d’en effectuer une moyenne et d’éviter de considérer un cycle cardiaque anormal. Cette méthode reste utilisable chez les patients montrant de nombreuses arythmies, mais il est indispensable de multiplier les mesures et les moyennes. [14, 64] Ces mesures, de même que celles de la PVC, ne montrent que peu d’intérêt si elles ne sont pas répétées dans le temps. Il est nécessaire de le réaliser régulièrement afin de suivre l’évolution du débit cardiaque, et donc la réponse clinique du patient en parallèle avec les mesures de réanimations entreprises. Les mesures du volume d’éjection systolique et de la fréquence cardiaque permettent donc d’obtenir une estimation du débit cardiaque. Lors d’insuffisance circulatoire aigue, cette valeur est fréquemment diminuée et ceci en raison de la baisse de la précharge (contraction volumique par déshydratation, perte sanguine, diurèse trop importante, diminution du remplissage ventriculaire associée à une tamponnade…) et peut être aussi associée à une diminution de la contractilité cardiaque. [48] Une des conséquences de la baisse du débit cardiaque est la diminution de la perfusion tissulaire et par conséquent une diminution de l’apport d’oxygène aux cellules. 101 III. EVALUATION DE L’OXYGENATION TISSULAIRE L’hypovolémie observée lors d’insuffisance circulatoire aigue est à l’origine d’une altération de la capacité de transport en O2, d’une diminution de l’apport d’oxygène aux différents tissus. Il en résulte une adaptation du métabolisme cellulaire (acidose métabolique). L’évaluation des différents paramètres d’oxygénation tissulaire et des répercussions au niveau cellulaire permet d’estimer la gravité du choc et de suivre l’évolution du patient lors de la mise en place d’une thérapeutique. 1. Evaluation directe 1.1. Mesure des apports 1.1.1. Déterminants de la délivrance en O2 La délivrance d’O2 au niveau tissulaire est régie par le débit cardiaque, le contenu artériel en O2 mais aussi par le débit régional et la microcirculation locale au niveau de chaque territoire. Le contenu artériel en O2 dépend de plusieurs phénomènes complémentaires : - celui-ci est directement lié aux échanges gazeux lors de la respiration (fonction du pourcentage en O2 des gaz inspirés et de l’utilisation d’un ventilateur qui permet d’augmenter la ventilation alvéolaire par recrutement des alvéoles collapsées, par hausse de la tension alvéolaire en O2 entraînant une amélioration de la diffusion de l’O2 entre les alvéoles et les capillaires). [72] - il n’est exploitable que si le sang est capable de diffuser vers les mitochondries pour amener l’O2, ce qui dépend de la pression et de la distance de perfusion. En présence d’œdème, cette diffusion est diminuée. [72] - enfin, le contenu artériel en O2 est intimement lié aux capacités de transport de l’O2 au niveau cardiovasculaire. Cette estimation se fait à partir des valeurs de concentration en hémoglobine (qui renseigne sur la quantité d’O2 artériel transportée par les hématies : 1g d’Hb est capable de transporter 1,36 mL d’O2) et de l’hématocrite (qui évalue le potentiel de transport d’O2 par le sang) [28]. En ce qui concerne l’hématocrite, l’interprétation doit être effectuée avec beaucoup de précautions lorsqu’on se trouve face à une hémorragie. En effet, dans un premier temps, la perte sanguine concernant tous les composants du sang, l’hématocrite n’est pas modifié puisque tous les composants restent proportionnels les uns aux autres. 102 Cependant, les capacités de transport de l’O2 sont nettement diminuées du fait de la perte importante d’hématies. Quelques heures plus tard, le phénomène de réabsorption des fluides interstitiels conduit à une dilution de l’hématocrite : celui-ci diminue de même que la concentration protéique plasmatique. L’estimation régulière de ces paramètres permet de suspecter la présence d’une hémorragie interne, jugulée ou non, en l’absence de signe extérieur de saignements. De plus, l’hématocrite peut être modifié par un autre mécanisme compensateur durant les premières heures du choc. En effet, l’activation du système sympathique conduit à une vasoconstriction des organes périphériques parmi lesquels la rate joue un rôle important. La contraction splénique permet de libérer dans la circulation systémique un volume correspondant à 10% du volume sanguin total. Ce sang libéré est plus riche en hématies que le sang total et conduit donc à une remontée de l’hématocrite qui vient compenser la dilution due à la réabsorption interstitielle. [20] L’estimation de l’apport d’O2 aux cellules de l’organisme se fait par la mesure de trois paramètres : la PaO2, la SaO2 et le CaO2. Il faut cependant garder en mémoire que cet apport diffère au niveau de chaque organe en fonction du débit régional et de la microcirculation locale. - La pression artérielle en O2 (PaO2) La PaO2 renseigne sur le degré d’oxygénation et est directement liée aux échanges d’O2 au niveau pulmonaire. [27] Elle doit être interprétée en fonction de la FiO2 et de la pression partielle alvéolaire en O2 afin d’estimer le degré d’hypoxémie. L’hypoxémie est définie comme une diminution de la PaO2 (< 60 mmHg) alors que l’hypoxie correspond à la diminution générale de la délivrance d’O2 au niveau de l’organisme, suite à une chute du débit cardiaque et/ou à l’hypoxémie. - La saturation artérielle en O2 (SaO2) La saturation artérielle de l’hémoglobine en O2 (SaO2) est définie par le rapport entre la concentration d’Hb liée à l’O2 et la concentration totale d’Hb capable de fixer l’O2 [18]: elle dépend de la pression en O2, de la température, du pH, de la valeur critique de PCO2 et du 2,3-DPG. En situation physiologique, la SaO2 est supérieure à 95%. [72] - Le contenu artériel en O2 (CaO2) Le produit de la capacité de transport d’O2 (lié à la concentration en Hb) et de la saturation en Hb par l’O2 permet d’estimer le contenu en O2 du sang artériel. Cependant, le contenu total est obtenu en y ajoutant la fraction d’O2 dissoute directement dans le sang et calculée à partir de la PaO2. Le CaO2 est donc obtenu à partir de l’équation suivante : 103 CaO2 = (Hb x SaO2 x 1,36) + (PaO2 x 0,003) où Hb représente la concentration en hémoglobine, 1,34 est la quantité d’O2 transportée par 1 g d’Hb et 0,003 le pourcentage d’O2 dissous dans le plasma. Le CaO2 est exprimé en mL O2/ dL de sang. Il est intéressant de remarquer que l’anémie affecte de manière plus importante la CaO2 que l’hypoxémie seule. A partir de cette variable il est ensuite possible de calculer la délivrance en O2 (DO2) : DO2= débit cardiaque x CaO2 Toute diminution de la DO2 doit donc faire suspecter une chute du débit cardiaque et/ou une diminution du contenu artériel en O2 par anémie ou par hypoxie. [48] 1.1.2. Méthode de mesure par l’évaluation des gaz sanguins [26] L’analyse des gaz sanguins artériels et veineux permet d’obtenir des informations sur ces paramètres. Les gaz sanguins artériels permettent d’évaluer plus précisément la fonction d’hématose au niveau pulmonaire et donc la capacité des poumons à oxygéner le sang. [28, 54, 55] L’échantillon est prélevé sur une seringue héparinée et doit être analysé le plus rapidement possible sans être mis en contact avec l’air afin de ne pas altérer les valeurs. Lors d’attente avant l’analyse de l’échantillon, on observe une augmentation de la PCO2 et des lactates ainsi qu’une diminution du pH et de la glycémie. Si l’échantillon ne peut être analysé immédiatement, il est conseillé de le maintenir au frais afin de ralentir les modifications éventuelles : il doit dans ce cas être analysé dans les 2 heures suivant le prélèvement. Afin de faciliter le prélèvement, un cathéter artériel peut être mis en place au niveau de l’artère fémorale, de l’artère pédieuse dorsale ou de l’artère auriculaire dorsale chez les races de grand format. Il existe plusieurs types d’analyseurs commercialisés. Ceux-ci mesurent directement les PCO2 et PO2 et le pH sanguin puis calculent à partir de ces valeurs la SO2, la TCO2, l’excès de base, la concentration en ions HCO3- et la lactatémie. Si l’utilisation des gaz sanguins est considérée comme la méthode standard pour évaluer l’oxygénation du sang, cette méthode connaît cependant certaines limites. Elle ne permet pas une mesure en continue, nécessite la mise en place d’un cathéter artériel (et d’un cathéter veineux) afin d’éviter les ponctions répétées, la réalisation d’analyses répétées s’avère vite dispendieuse. D’autre part, l’analyseur est rarement disponible dans les structures privées et doit être proche du patient afin d’éviter une latence entre la ponction et l’analyse afin de minimiser les modifications gazeuses à l’air ambiant. [87] 1.1.3. Mesure par l’oxymétrie de pouls Une méthode alternative en cas de non disponibilité de l’analyseur à gaz sanguins est l’utilisation de l’oxymètre de pouls. Celui-ci est non invasif et permet d’obtenir une 104 mesure en continue. Un capteur de taille adaptée au format de l’animal est mis en place à au niveau de la langue (figure 34) et permet d’obtenir la valeur de la saturation artérielle en O2 par spectrophotométrie. Il a été montré que cette valeur est bien corrélée à celle de la saturation artérielle de l’hémoglobine en O2 obtenue par l’analyse des gaz sanguins. [75] Figure 33: Positionnement du capteur de l’oxymètre de pouls sur la langue [4] La saturation de l’Hb en O2 est dépendante de la PaO2 : en se référant à la courbe de dissociation de l’HbO2, il est possible d’évaluer la SaO2 en fonction de la PaO2. Au delà d’une PaO2 de 60 mmHg, la SaO2 est supérieure à 90% et varie peu malgré de forte augmentation de la PaO2. En revanche, en dessous de cette valeur, de faibles variations de PaO2 entraînent une diminution important de la SaO2. Ainsi, en dessous d’une PaO2 de 60 mmHg, la SaO2 diminue rapidement et une situation d’hypoxie est à craindre. On obtient une saturation de 50% pour une PaO2 de 27 mmHg (pour une PCO2 à 40 mmHg et un pH de 7,38). Certains paramètres pouvant influencer la SaO2 doivent être pris en compte lors de sa mesure. L’hyperthermie, l’acidémie, l’augmentation de la PCO2 et l’augmentation du 2,3-DPG déplacent cette courbe vers la droite et diminuent par conséquent l’affinité de l’Hb pour l’O2 alors que l’hypothermie, l’alcalose, et l’hypocapnie déplacent la courbe vers la gauche en augmentant l’affinité mais en diminuant la libération d’O2 au niveau tissulaire. [18] La SaO2 donne une indication linéaire du transport en O2 par estimation du pourcentage utilisé de la capacité totale de transport d’O2 mais doit toujours être interprétée en fonction de l’hématocrite du patient. En effet, une modification de l’hématocrite conduit à une modification de la capacité totale de transport de l’O2 sans 105 que l’oxymètre puisse la détecter : ainsi, une baisse modérée de la SaO2 chez un patient anémié correspond à une baisse plus importante de la perfusion que chez un patient non anémié. [55] Il est important de noter qu’une SaO2 ne renseigne aucunement sur les capacités de ventilation du patient : celle-ci peut être altérée même avec une SaO2 adéquate. [75] L’utilisation de l’oxymétrie de pouls montre cependant certains inconvénients : elle requiert la présence d’un flux sanguin pulsatile périphérique, souvent diminué lors de déficit de la perfusion périphérique. [28] De plus, le capteur induit progressivement une compression locale entraînant une diminution de la perfusion locale et donc une chute du signal : il est donc conseillé de modifier sa position toutes les 10 minutes. D’autre part, le signal est mauvais lors de vasoconstriction périphérique (état de choc, anesthésie aux alpha2-agonistes, utilisation de molécules induisant une vasoconstriction ou extrémités froides), lors de pigmentation de la peau ou des muqueuses. La lumière ambiante peut entraîner des interférences. L’animal ne doit pas bouger afin de ne pas déplacer le capteur. Enfin, la valeur est faussée lors de la présence d’hémoglobine anormale (méthémoglobine, carboxyhémoglobine ou utilisation de substituts sanguins artificiels). [55, 75] De même le calcul de la SaO2 à partir de la courbe de dissociation de l’HbO2 doit être utilisée avec précaution car la valeur calculée peut s’écarter de la valeur mesurée avec l’oxymètre de pouls de 10% ce qui peut avoir de conséquences néfastes lors de la mise en place de la réanimation. [18] 1.2. Mesure de la consommation tissulaire en O2 La mesure de la consommation globale de l’organisme en O2 permet d’estimer la consommation tissulaire en O2. Elle correspond à la différence entre le contenu en oxygène du sang artériel et du sang veineux. L’analyse des gaz sanguins veineux permet de calculer la PvO2 et la SvO2. Les échantillons veineux informent sur le statut acido-basique et la perfusion tissulaire par détermination de la pression partielle veineuse en O2 et de la lactatémie. Le site d’échantillonnage idéal correspond à l’artère pulmonaire pour obtenir du sang veineux mélangé ; cependant, en raison des difficultés de cathétérisme de cette artère, le sang veineux utilisé provient généralement de la veine jugulaire chez les petits animaux de compagnie. Il a été montré qu’il existe une bonne corrélation entre le sang veineux jugulaire et le sang prélevé dans l’artère pulmonaire pour la détermination du statut acido-basique mais que cette corrélation diminue dans le cas des pressions partielles en O2. La PvO2 est normalement comprise entre 35 et 50 mm Hg. Si celle-ci chute entre 28 et 35 mm Hg, il s’agit du signe d’une diminution de la réserve tissulaire en O2 et de la mise en place d’un métabolisme anaérobie ; en dessous de 27 mmHg, elle révèle un métabolisme anaérobie strict ainsi qu’une acidose métabolique. [28] La SvO2 est de 75% au repos mais est capable de varier de manière importante lorsque la demande métabolique augmente et en fonction de l’adaptation du myocarde. [18] La baisse de la SvO2 traduit la mise en jeu d’un mécanisme de réserve dont 106 dispose l’organisme pour assurer un métabolisme anaérobie. Mais la baisse de la SvO2 ne peut être considérée comme pathologique que lorsqu’on y associe une augmentation du taux de lactate sanguin. Celle-ci est observée pour une SvO2< 40% et correspond à un métabolisme anaérobie et une extraction cellulaire en O2 maximale. [7] Le niveau d’extraction en oxygène (E02) correspond à la différence entre la saturation artérielle et la saturation veineuse en O2 et est estimé en pourcentage. Son calcul permet d’évaluer la consommation tissulaire en O2 en fonction des capacités de délivrance d’O2. Il est également possible d’estimer l’EO2 à partir des valeurs de PaO2 et de PvO2 en tenant compte de l’hématocrite du patient. Si la valeur de l’hématocrite est dans les valeurs physiologiques et que la PaO2 est supérieure à 60 mmHg, une valeur de PvO2 supérieure à 30 mmHg reflète une diffusion tissulaire de l’O2 correcte. Lorsque cette valeur baisse jusqu’à 10-20 mmHg, on considère que l’extraction en O2 est maximale. [72] La détermination de la PvO2 et de la SvO2 permet de calculer le contenu veineux en O2 (CvO2) de la même manière que pour le sang artériel. La différence entre la CaO2 et la CvO2 reflète l’oxygénation totale de l’organisme, de la consommation en O2 et de la perfusion. Une faible consommation en O2 reflète systématiquement un problème sous-jacent : une insuffisance de délivrance d’O2, un désordre métabolique ou la présence de shunts au niveau de certains lits vasculaires. [48] 2. Evaluation indirecte 2.1. Evaluation du statut acido-basique L’évaluation des désordres acido-basiques lors d’insuffisance circulatoire aiguë est fondamentale pour la prise en charge de la réanimation. L’un des désordres le plus fréquemment rencontré lors d’insuffisance circulatoire aigue est le développement d’une acidose métabolique due à une accumulation d’acide lactique. En raison de l’hypoxie tissulaire, un métabolisme anaérobie se met en place et conduit à la formation d’acide lactique en quantité importante par les muscles et les intestins. Les capacités d’extraction du foie et des reins sont dépassées et l’acidose lactique s’installe. [26, 65] L’acidose métabolique est caractérisée par une diminution de la concentration plasmatique en HCO3-, une augmentation de la concentration en H+, une diminution du pH et secondairement ou suite à une adaptation une diminution de la PCO2. [31] L’analyse du profil biochimique du patient permet dans un premier temps de suspecter la présence d’une acidose métabolique (diminution des HCO3-) et doit être confirmée par l’analyse des gaz sanguins. [31] Si seul un prélèvement artériel est utilisable pour déterminer le degré d’hypoxémie, en revanche l’échantillon peut être artériel ou veineux pour la détermination du pH, de la pCO2, de la concentration en bicarbonates. [102] 107 Il convient en premier lieu de s’intéresser au pH : la valeur normale de celui-ci est de 7,40. Si la valeur est inférieure, il s’agit d’une acidose ; si elle est supérieure, il s’agit d’une alcalose. [26] La détermination de la PvO2 informe sur l’utilisation périphérique de l’oxygène : lorsque celle-ci est inférieure à 27 mmHg, le métabolisme anaérobie est prépondérant et l’acidose lactique est installée. [26] En effet, à cette valeur, le foie hypoxémique ne peut plus extraire le lactate et devient plus un producteur de lactate qu’un consommateur. [31] Lorsque l’acidémie est telle que le pH est inférieur à 7,2, il existe des risques de complications cardiovasculaires telles qu’une sensibilisation aux arythmies ventriculaires et une diminution de sensibilité de l’organisme aux effets vasopresseurs des catécholamines, favorisant ainsi les vasodilatations périphériques. [26] D’autre part, l’acidose peut entraîner des signes cliniques tels que de la léthargie, des vomissements, de la stupeur ou même un état de coma. [31] Des expériences ont montré en revanche que l’acidose influence peu la contractilité myocardique : en effet, le myocarde est capable d’extraire le lactate, signe d’une absence d’hypoxie myocardique. Selon Teplinsky, la contractilité myocardique n’est affectée qu’à partir d’un pH inférieur à 6,8 en conditions expérimentales, même en présence d’hypotension artérielle et d’hypoxémie. [65] L’analyse des gaz sanguins permet également d’estimer le déficit de base (DE), lequel serait un paramètre plus précoce que l’estimation du pH pour évaluer la présence d’une modification du statut acido-basique. Le DE est défini comme la quantité de base forte qui devrait être ajoutée à un litre de sang pour normaliser le pH. Il est calculé à partir du pH et de la PaCO2 et est normalement supérieur à -2 mEq/L. Lorsque celui-ci est inférieur à -4 mEq/L, l’insuffisance circulatoire est installée et il existe de risques de défaillance multiple d’organes. [65] On analyse ensuite la PCO2 (norme : 40 mmHg) et la concentration en HCO3(norme : 24 mEq/L) afin d’évaluer l’origine du désordre acido-basique et la présence d’une éventuelle compensation. [26] Lors d’acidose métabolique aigue, l’augmentation de la concentration en H+ entraîne une stimulation des chémorécepteurs périphériques et centraux de la respiration. L’hyperventilation qui en résulte conduit à une diminution de la PCO2 et permet une normalisation du pH : c’est la compensation respiratoire. Chez le chien, on estime que chaque diminution de 1mEq/L de HCO3- est compensée par une diminution de 0,7 mmHg de la PCO2. [31] L’analyse simultanée du pH, de la PO2, la PCO2 et de la concentration en ions HCO3- sur les gaz sanguins permet d’évaluer si une réponse compensatoire a été mise en jeu et quelle est son influence (réponse compensatoire appropriée, désordre mixte ou désordre compensatoire). Un désordre compensatoire ne peut être identifié qu’en présence d’un pH normal avec une modification de la PCO2 et de [HCO3-]. [26] Ainsi lors de compensation respiratoire face à une situation d’acidose métabolique aigue, on observera un pH diminué dans un premier temps (pH <7,4) associé à une diminution de la pCO2 (< 40 mmHg) et une baisse de la [HCO3-] (<24 mEq/L). Il se développe alors une alcalose respiratoire qui vise à normaliser le pH. [26] 108 La détermination du statut acido-basique dans la prise en charge primaire d’un animal en état de choc est indispensable pour orienter la gestion du choc. D’autre part, certains des paramètres évalués ont une valeur pronostique qui peut déterminer l’orientation de la réanimation. Il est indispensable de suivre l’évolution de ces différents paramètres de manière régulière lors de la réanimation afin d’évaluer la mise en place de mécanismes compensatoires par l’organisme ou non, ainsi que la réponse à la thérapeutique instaurée. En effet, le phénomène de compensation respiratoire par développement d’une hypocapnie par hyperventilation est un phénomène rapide qui nécessite d’être suivi de près pour évaluer l’évolution acido-basique du patient et ajuster le traitement. 2.2. Mesure de la lactatémie L’estimation de la lactatémie à partir de sang veineux permet d’estimer la quantité de lactate accumulée et le degré d’hypoperfusion tissulaire. En effet, l’acide lactique formé est dissocié en lactate et en ion hydrogène. Le lactate s’accumule alors que les ions hydrogènes sont dirigés vers des molécules tampons. Quand l’hypoxie persiste, les capacités tampons de l’organisme sont dépassées et les ions hydrogènes s’accumulent conduisant à l’acidose lactique. La lactatémie apparaît donc comme un facteur précoce de détection de déviation des voies métaboliques cellulaires vers un métabolisme anaérobie, traduisant un défaut d’oxygénation cellulaire, avant même le développement d’une acidose lactique et de signes de diminution du débit cardiaque [65, 67]. Il est donc important de dissocier hyperlactatémie et acidose lactique, d’autant plus que l’acidose tissulaire peut être due à d’autres facteurs tels que l’insuffisance rénale aiguë. [99] D’autre part, certaines études envisagent l’utilisation de la lactatémie comme un facteur pronostic de survie : plus la valeur serait élevée, plus le pronostic serait réservé. Cependant, d’autres études doivent être menées afin de valider cette hypothèse. [67] L’interprétation de la lactatémie doit être effectuée avec précautions : en effet, il existe de nombreuses autres causes d’augmentation du lactate sanguin autre que l’hypoxie tissulaire périphérique comme la présence de processus pathologique sousjacent (affection hépatique, tumeur maligne, phéochromocytome, septicémie, intoxication…) détaillés dans l’annexe 2. [52] La mesure s’effectue soit par l’analyse des gaz sanguins, soit par appareil de mesure spécifique. Pour la détermination de la concentration en lactate, il est conseillé d’utiliser un échantillon veineux, car celui-ci reflète l’état de perfusion périphérique du patient. [26] Une valeur supérieure à 2-2,5 mEq/L est considérée comme anormale chez le chien. [26] Chez l’homme, une lactatémie de 2 mmol/L est associée à un pronostic de survie de 90% alors qu’une valeur de 8 mmol/L fait chuter le pronostic à 10%. Le suivi de la lactatémie est également utilisé pour suivre la réponse sur l’oxygénation globale de la thérapeutique mise en place : une normalisation de sa valeur après 24 heures de traitement est associée à une survie de 100% alors qu’elle chute à 75% si cette normalisation a lieu dans les 24 à 48 heures suivantes. Ces informations n’ont cependant pas été confirmées chez le chien. 109 D’autre part, une normolactatémie n’est pas synonyme de perfusion tissulaire normale : si la perfusion hépatique est maintenue, le lactate est extrait du sang par le foie et n’est donc pas retrouvé lors de l’analyse sanguine périphérique. En revanche, lors de reperfusion tissulaire massive, le lactate peut être brusquement déversé dans la masse sanguine circulante conduisant à son augmentation alors que la perfusion tissulaire est en voie d’amélioration. De plus, ce dosage soufre de manque de spécificité tissulaire : le taux de lactate retrouvé dans le sang est une moyenne pour du sang provenant de plusieurs tissus, et une valeur normale ne peut exclure la possibilité que certains d’entre eux soient hypoxiques. [45] Ainsi, il semble que le rein ne produise pas de lactate au cours d’un choc hémorragique évolué, même quand le débit sanguin est pratiquement nul : l’absence d’hyperlactatémie n’est donc pas synonyme d’absence de dysoxie régionale. [92] 110 IV. EVALUATION DES REPERCUSSIONS SYSTEMIQUES 1. Désordres électrolytiques Le maintien de l’intégrité de la balance électrolytique intra et extra cellulaire est fondamentale. Les électrolytes influencent l’équilibre acido-basique et la balance hydrique, l’intégrité cellulaire, la délivrance énergétique et sont essentiels pour le maintien des fonctions normales de la plupart des systèmes de l’organisme. [39] Un des problèmes majeur dans le diagnostic et le traitement des désordres électrolytiques provient du fait que les données proviennent d’échantillons plasmatiques et donc du plus petit compartiment de fluides de l’organisme correspondant au milieu extracellulaire. Cependant, ces données ne renseignent pas sur le milieu intracellulaire, dont la composition est complètement différente : en effet, le sodium et le chlore occupent majoritairement le compartiment extracellulaire alors que le potassium et les phosphates prédominent dans le compartiment intracellulaire. [39] D’autre part, une autre difficulté réside dans le fait que de nombreux mécanismes contrôlent les concentrations des électrolytes dans le sang et conduisent à masquer des phénomènes sous-jacents afin de maintenir ces concentrations. [39] D’importants mouvements d’eau interviennent lors du choc hypovolémique afin de reconstituer le volume plasmatique. Les réponses hormonales (système rénine-angiotensine, ADH) qui participent activement à ce phénomène ne sont pas efficaces à court terme. La vasoconstriction sympathique diminue la pression hydrostatique capillaire, facilitant le passage de liquide interstitiel vers le secteur plasmatique, expliquant ainsi l’hémodilution observée. De nombreux mécanismes sont activés pour maintenir la pression oncotique : forte augmentation du débit lymphatique avec mobilisation de l’albumine interstitielle, augmentation de l’anabolisme et baisse du catabolisme de l’albumine. Le transfert d’eau du milieu interstitiel est particulièrement important pendant les 6 premières heures du choc. Si celui-ci se prolonge (hémorragie non régulée par exemple) l’altération des membranes cellulaires aboutirait à une entrée d’eau dans le milieu intracellulaire et à une fuite plasmatique capillaire vers le secteur interstitiel. Plus tardivement, la réabsorption rénale d’eau et de sodium par l’aldostérone et d’eau libre par l’ADH participe également à la restauration du volume sanguin et aux modifications des concentrations électrolytiques. [85] Ces analyses sont obtenues à partir de prélèvements sanguins veineux et on mesure la natrémie, la chlorémie, la kaliémie, la bicarbonatémie et calcémie dont les valeurs usuelles sont rappelées dans le tableau 2. Tableau 2 : Normes usuelles du ionogramme et autres paramètres biochimiques [96] Natrémie [Na+] Chlorémie [Cl-] Potassium [K+] Bicarbonates [HCO3-] Calcium [Ca++] Normes usuelles 145-155 mmol/L 105-115 mmol/L 3,5-5,5 mmol/l 25 mEq/L 85-115 mg/L 111 Remarques Ininterprétable sans la pCO2 et le pH 2. Désordres métaboliques Les différents organes subissent de manière plus ou moins précoce les conséquences de l’hypoxie tissulaire et de l’hypotension artérielle lors d’insuffisance circulatoire aigue. Des valeurs de laboratoires permettent de suivre les modifications de leur métabolisme et permettent d’évaluer la présence d’une souffrance cellulaire. [16] Le dosage de l’urée et de la créatinine permet d’évaluer la fonction rénale en l’associant à la mesure de la densité rénale. L’anomalie la plus fréquemment rencontrée est une insuffisance rénale prérénale liée à l’état hypovolémique du patient. Ces paramètres permettent également de suspecter la présence de saignements gastrointestinaux. [15] La glycémie est un paramètre fréquemment augmenté lors de l’installation de l’état de choc : les contrôles neuro-hormonaux mis en place libèrent des hormones (adrénaline, noradrénaline, corticostéroïdes, glucagon, rénine) qui favorisent la libération du glucose dans le sang et inhibent leur utilisation périphérique par les tissus. [15, 65] L’altération de la perfusion des viscères et notamment du foie entraîne une micro ischémie associée à une inflammation importante. Cette ischémie entraîne une souffrance des cellules hépatiques qui est immédiatement suivie d’une augmentation des transaminases. [65] L’hypoxie et les médiateurs inflammatoires libérés conduisent à une vasoconstriction veineuse hépatique : on observe alors une diminution du retour veineux par augmentation de la résistance du débit hépatique et par développement d’une hypertension portale. Le foie n’assure alors plus sa fonction de détoxification, une cholécystite et une choléstase peuvent apparaître. [89] Les alanines transaminases (ALT), les aspartates transaminases (AST), les phosphatases alcalines (PAL), la déshydrogénase lactique (LDH) et la bilirubine plasmatique sont utilisées pour préjuger des fonctions biliaire et hépatique. Les techniques d’imagerie telle que l’échographie abdominale peuvent également être exploitées pour évaluer les conséquences du déficit de perfusion hépatique. D’autre part, si l’agression initiale persiste, on assiste à un dysfonctionnement complet du foie conduisant au développement d’une insuffisance hépatique. Celle-ci se traduit au niveau biochimique par une diminution de la synthèse protéique (diminution des protéines totales et de l’albuminémie), une baisse de la libération de glucose (hypoglycémie) et des troubles de la coagulation (augmentation des temps de coagulation). [56] L’évaluation de ces différents paramètres permet d’évaluer les réponses des différents organes à l’état de choc et de mettre en place des traitements visant à préserver au maximum leur intégrité. 112 3. Réaction inflammatoire systémique aiguë L’état de basse perfusion inhérent au choc peut favoriser une réaction inflammatoire systémique du fait de l’étendue de l’hypoxie tissulaire. Différents phénomènes entraînent une activation des neutrophiles et la libération de molécules qui favorisent l’adhésion des neutrophiles à l’endothélium vasculaire. Lorsqu’ils sont activés, ces neutrophiles toxiques endommagent les organes par la libération d’enzymes protéolytiques et de radicaux libres oxygénés. [65] D’autre part, lors d’évolution du choc, la baisse de la perfusion intestinale peut entraîner une rupture de la barrière muqueuse et ainsi favoriser le passage de bactéries et d’endotoxines dans la circulation portale. En effet, la vasoconstriction portale intense ne permet plus d’assurer la perfusion minimale nécessaire aux intestins pour maintenir l’intégrité de la barrière muqueuse qui la protège des enzymes présentes dans la lumière gastro-intestinale. Ainsi les substances toxiques absorbées par l’intestin augmentent alors que l’activité de détoxification du foie via le système réticuloendothélial diminue, le foie étant en situation d’hypoxie tissulaire. [15] En pratique, l’évolution de cette réaction inflammatoire s’effectue par le suivi de la température et du comptage leucocytaire. Lors de choc associé à un traumatisme perforant, la pénétration directe d’agents infectieux dans l’organisme est suivie d’une leucopénie par augmentation de la margination et de la séquestration des leucocytes. Leur nombre retourne à la normale en 6-8 heures mais leur capacité fonctionnelle est diminuée. [15] Dans les autres situations de choc hypovolémique, on peut observer des états de leucopénie ou de leucocytose selon l’étendue des lésions endothéliales. Le dosage des différents médiateurs de l’inflammation dans le sang renseigne également sur l’intensité de la réponse hôte mais celui-ci n’est pas encore disponible en médecine vétérinaire. [70] 4. Désordres hématologiques Lors de choc hypovolémique due à une hémorragie, un des principaux désordres hématologiques observé est l’apparition d’une anémie. L’analyse de l’hémogramme ne montre cependant pas toujours de modification immédiate majeure de l‘hématocrite. Celui-ci peut même être augmenté dans un premier temps par splénocontraction associée à la déshydratation (hémoconcentration). [15] Les multiples saignements observés par lésions endothéliales, la formation de microthrombi vasculaires et les réactions de lyse des caillots formés entraînent une consommation des facteurs de coagulation et des plaquettes. La réalisation des temps de coagulation et le comptage plaquettaire permettent d’estimer les déficits en facteurs de la coagulation et le risque de développement d’une coagulation intravasculaire disséminée (CIVD). Celle-ci se manifeste par des saignements des muqueuses, des pétéchies des ecchymoses (troubles de l’hémostase primaire) mais également par la formation d’hématomes et d’épanchements hémorragiques (troubles de l’hémostase secondaire). Les anomalies de laboratoire observées sont une diminution des plaquettes, une augmentation du temps de coagulation sur tube sec, du temps de Quick (voie 113 extrinsèque et voie commune), du temps de céphaline kaolin (voie intrinsèque et voie commune) et du temps de thrombine, une diminution du taux d’antithrombine III et une augmentation des PDF (Produits de Dégradation de la Fibrine). [56] Certains des facteurs de coagulation étant produits par synthèse hépatique, une évaluation de la fonction de synthèse du foie est intéressante afin de déceler une éventuelle insuffisance hépatique simultanée. Le déficit des facteurs de coagulation n’est alors plus du simplement à une consommation excessive mais également à un déficit de production. 114 IVème PARTIE STRATEGIE THERAPEUTIQUE I. CARACTERISTIQUES HEMODYNAMIQUES ET CLINIQUES DU CHOC HYPOVOLEMIQUE 1. Principales causes de choc hypovolémique La diminution brutale du volume sanguin circulant peut résulter de plusieurs phénomènes [28, 90] : - hémorragie interne ou externe, suite à un traumatisme, un acte chirurgical ou à une anomalie de l’hémostase (essentiellement secondaire) ; - pertes plasmatiques secondaires à la modification de la perméabilité tégumentaire (brûlures étendues) ou capillaire (réaction inflammatoire importante à l’origine de la formation d’un exsudat cavitaire) ; - pertes hydro-sodées sensibles: affections gastro-intestinales (occlusion intestinale, vomissements, diarrhée), présence d’un troisième secteur (transsudat), polyurie pathologique, ou pertes insensibles : coup de chaleur, évaporation importante suite à une hyperthermie, un drainage abdominal ouvert ; - défaut d’apport suite à une restriction hydrique prolongée associé à des pertes aiguës, qui peut également conduire à l’installation d’un état de choc hypovolémique. Les chocs hypovolémiques rencontrés en médecine vétérinaire sont majoritairement dus à des pertes hydro-sodées, par exemple suite à une affection aiguë du tractus gastrointestinal (syndrome dilatation-torsion de l’estomac, obstruction intestinale, vomissements et diarrhées…). Les chocs hémorragiques sont également relativement fréquents (rupture d’organe suite à un accident de la voie publique, hémopéritoine sur rupture viscérale, (évolution néoplasique ou torsion d’organe…). 115 2. Profil hémodynamique Quelle que soit l’origine du choc hypovolémique, la diminution de la volémie est à l’origine d’une cascade d’évènements conduisant à un déficit de la perfusion tissulaire périphérique L’hypovolémie réduit la précharge cardiaque et entraîne ainsi une réduction du débit cardiaque, induisant ainsi une chute de la pression artérielle systémique d’où une réduction de la perfusion tissulaire. Le syndrome « état de choc » est alors installé et se traduit in fine au niveau tissulaire par un déficit d’apport en nutriments et en oxygène. [93] Le profil hémodynamique de l’animal découle de cette physiopathogénie. Les principales caractéristiques retrouvées sont : une diminution de la volémie, une réduction du débit cardiaque, une augmentation des résistances périphériques ainsi qu’une diminution du différentiel systolo-diastolique de pression artérielle. En fonction de l’état d’avancement du choc, ces paramètres sont modifiés à des degrés divers et ont des retentissements cliniques dont l’évaluation permet l’appréciation de la gravité de l’état de choc. 3. Evolution clinique théorique [28, 89, 101] On décrit classiquement 3 phases successives et théoriques dans l’évolution du choc hypovolémique. La phase d’instauration du choc correspond à l’expression clinique de l’activation neurohormonale qui tente de compenser les conséquences de la perte volémique et de maintenir la perfusion tissulaire nécessaire aux besoins métaboliques des différents tissus. L’activation du système orthosympathique conduit à une augmentation du débit et de la fréquence cardiaque (stimulation myocardique) et des résistances périphériques (stimulation vasculaire) suite à la vasoconstriction induite. La perfusion tissulaire est maintenue au prix d’un effort métabolique cellulaire considérable (augmentation de la consommation en O2 et en substrats énergétiques). Cette activation sympathique est cependant limitée dans le temps et dans son efficacité. Elle ne permet de maintenir un débit cardiaque et une pression artérielle adéquats que lors de perte volémique modérée et ne peut être maintenue sur une longue période. Lors d’hypovolémie marquée non corrigée de façon prolongée, les mécanismes régulateurs sus-cités sont dépassés : un déséquilibre besoins/apports s’instaure et place l’organisme dans une phase de décompensation clinique. On assiste à un effondrement progressif ou brutal du débit cardiaque, une chute des résistances vasculaires systémiques conduisant à un phénomène de vasodilatation systémique paradoxale. Cet état se caractérise cliniquement par une tachycardie, l’apparition d’une hypothermie, d’une chute de la pression artérielle et de l’intensité du pouls périphérique, d’un allongement du temps de recoloration capillaire. Les mécanismes d’autorégulation deviennent alors inefficaces pour rétablir une perfusion tissulaire systémique adéquate. 116 Certains organes comme le cœur ou le cerveau, bénéficient d’une redistribution du flux sanguin dans un premier temps : la perfusion des organes vitaux est donc maintenue, mais en l’absence de correction rapide de l’hypoperfusion tissulaire, il se produit une vasodilatation périphérique pouvant conduire à un état de collapsus circulatoire complet. La diminution du flux sanguin vers le cerveau et le cœur amène à une défaillance myocardique et une dépression du système nerveux central. L’apparition d’arythmies cardiaques, d’hypocontractilité myocardique et d’une hypotension grave réfractaire à tout traitement est alors à craindre. Le choc a alors atteint une phase de décompensation terminale et l’arrêt cardiorespiratoire peut survenir de façon imminente. Ces différentes phases se traduisent cliniquement par l’association de différents paramètres évoqués dans le tableau 3. Cette classification clinique, très théorique, permet d’apprécier la gravité de l’état de choc lors de la prise en charge initiale et d’orienter ainsi les premières mesures de réanimation. Cependant, cette évaluation initiale doit prendre en compte le fait que l’état de choc est un phénomène dynamique : ce premier bilan clinique permet de mettre au point une stratégie thérapeutique qui doit être adaptée et corrigée en fonction de la réponse de l’animal et de l’évolution de l’état de choc. Cet aspect nécessite donc un suivi intensif de l’animal afin de réagir le plus rapidement possible en cas de modification brutale du statut clinique et hémodynamique de l’animal. Tableau 3: Symptômes cliniques observés au cours des différentes phases du choc hypovolémique [96] FC FR Couleur des muqueuses TRC Qualité du pouls périphérique Etat de conscience Température Phase d’instauration N à ↑↑ Nà↑ Phase de compensation ↑↑ ↑↑ Rose foncé à rouge brique <1s N à bondissant Rose pâle Phase de décompensation Nà↓ N à ↓ (arrêt respiratoire imminent) Pâle à cyanosée >2s Faible Absent Très faible à absent N N Déprimé ↓ Stupeur à coma ↓↓ 4. Applications en médecine vétérinaire Parmi les différents états de choc, le choc hypovolémique est certainement celui le plus fréquemment rencontré en médecine vétérinaire, et ceci notamment au sein de la population canine. Le développement de la médecine d’urgence et de réanimation a permis de mieux comprendre la physiopathologie de ce type de choc afin d’adapter la thérapeutique et de diminuer la mortalité associée. De nombreuses études 117 expérimentales en médecine humaine ont pris pour modèle le choc hémorragique dans l’espèce canine, ce qui a permis d’améliorer les connaissances théoriques et d’exploiter de nouvelles thérapeutiques chez l’animal. Si certains de ces modèles ne trouvent pas encore d’application en médecine vétérinaire (notamment pour des raisons financières et de difficultés techniques), le modèle canin reste un modèle de choix pour le développement de nouvelles stratégies diagnostiques et thérapeutiques. Bien qu’aucune étude n’ait été menée sur le sujet, il semble que cette forme de choc soit la moins létale chez le chien. Cet aspect doit donc être gardé en mémoire : l’usage raisonné et éclairé de l’arsenal thérapeutique dont disposent les vétérinaires pourrait permettre, dans de nombreux cas, de rétablir une perfusion tissulaire adéquate. Une bonne connaissance des mécanismes physiopathogéniques et de leurs conséquences cliniques, permettra donc la mise en place d’un diagnostic précoce et permet d’adopter une prise en charge thérapeutique prompte et adaptée. De plus, une des causes les plus fréquentes de choc hypovolémique chez le chien est la perte hydro-sodée consécutive à des troubles gastro-intestinaux. Ceux-ci peuvent évoluer de manière plus ou moins chroniques (vomissements et diarrhées répétées) entraînant un état de déshydratation avancé avant que l’animal ne soit présenté à la consultation. Cet aspect ne doit pas être négligé car il peut imposer certaines contraintes en termes de choix de solutés de remplissage et de correction de la déshydratation. L’ensemble de ces considérations souligne l’importance d’une prise en charge optimale le plus rapidement possible lors de choc hypovolémique. Cette prise en charge a pour but de répondre à des objectifs thérapeutiques définis. 118 II. OBJECTIFS THERAPEUTIQUES 1. Objectif théorique unitaire du choc Tous les types de choc sont caractérisés par un même déficit : le manque d’apport en nutriments et surtout en oxygène au niveau cellulaire. Lors de choc hypovolémique, ce déficit est du notamment à une perturbation du système circulatoire qui n’est plus capable d’assurer ces apports. S’il est impossible de diminuer directement le métabolisme cellulaire (en dehors de l’hypothermie fréquemment présente chez un animal en état de choc hypovolémique avancé), il est néanmoins envisageable de le soutenir en lui garantissant la délivrance des substrats nécessaires à son bon fonctionnement. L’objectif essentiel de la thérapeutique est donc de rétablir un apport en O2 et nutriments adéquat à l’ensemble des tissus de l’organisme. Comme l’illustre la figure 34, plusieurs paramètres agissent sur la délivrance tissulaire en O2. Il faut tout d’abord s’assurer que l’O2 transporté par le sang peut être délivré aux différents tissus. Ce point suppose le rétablissement d’une fonction circulatoire adéquate, en évitant toute vasodilatation ou vasoconstriction excessive. Pour se faire, il est donc essentiellement nécessaire de corriger l’hypovolémie par le biais du remplissage vasculaire. De plus, il est essentiel d’optimiser la quantité d’oxygène disponible dans le sang en augmentant les capacités de transport et de saturation du sang en O2 et la fraction en O2 inspirée par l’animal. La prise en charge de l’ensemble de ces paramètres permet d’assurer l’apport de sang riche en O2 jusqu’aux capillaires sanguins, à partir desquels les cellules sont approvisionnées. Figure 34 : Principales relations hémodynamiques à prendre en compte dans la prise en charge du choc [48] RVS Volémie PA Précharge Inotropisme FC Postcharge VES Débit cardiaque PaO2 Hb CaO2 Délivrance en O2 Consommation en O2 (VO2) 119 CvO2 2. Objectifs thérapeutiques cliniques La réanimation d’un patient en ICA doit rétablir la perfusion tissulaire, soit rétablir un apport en O2 et en nutriments suffisant pour le bon fonctionnement cellulaire. Cet objectif suppose ainsi la restauration de paramètres cliniques et paracliniques qu’il est nécessaire d’évaluer de manière objective ou subjective. Ces paramètres doivent être rétablis en fonction de valeurs « objectifs » dites cibles thérapeutiques. Certains auteurs préconisent de ramener ces paramètres à des valeurs supraphysiologiques [93]. Cette théorie est controversée et d’autres études, réalisées principalement en médecine humaine, n’ont pas montré d’amélioration de la morbidité ou de la mortalité dans ces conditions. Le tableau 4 indique les principaux objectifs thérapeutiques lors de la réanimation d’un chien en état de choc hypovolémique. Tableau 4 : Objectifs thérapeutiques [64] Paramètres Perfusion systémique FC Objectifs thérapeutiques 80-120 bpm (prise en compte du poids de l’animal) Alerte, répondant aux divers stimuli Etat de conscience >70 mmHg PAM >90 mmHg PAS 5-12 cmH20 PVC >37°C Température Perfusion tissulaire régionale 1-2 s TRC Roses et humides Muqueuses 1-2 mL/kg/h Débit urinaire Déterminants de la délivrance en O2 7,3-7,5 pH sanguin artériel >80 mmHg PaO2 >16 mL O2/dL CaO2 >35 mmHg PvO2 25-45% Ht Déterminants de l’activité métabolique >40-45 g/L Protéinémie >20 g/L Albuminémie 0,7-1,2 g/L Glycémie 140-150 mmol/L Natrémie 105-115 mmol/L (Chlorémie corrigée : 107Chlorémie 113) 3,5-5,5 mmol/L Kaliémie 120 >60 >80 >60 >30 Il est nécessaire de rappeler que ces objectifs sont théoriques et doivent être adaptés en fonction de l’anamnèse et des commémoratifs relevés. Deux situations communes doivent amener le clinicien à pondérer ces objectifs : - les animaux présentant un risque majeur de surcharge volémique (notamment lors d’insuffisance rénale ou cardiaque avérée) doivent être l’objet d’une prise en charge particulière, consistant principalement en un remplissage vasculaire plus progressif. - Lors d’hypoprotéinémie ou d’anémie grave, le risque d’hémodilution secondaire à une perfusion liquidienne massive peut aboutir à une dégradation des signes cliniques en majorant l’hypoxie tissulaire et le risque d’œdème. L’obtention de valeurs correspondant aux objectifs thérapeutiques peut être alors pondérée par la condition de l’animal. Par exemple, le débit urinaire mesuré peut être influencé par une affection métabolique touchant la fonction rénale indépendante ou secondaire à l’état d’hypoperfusion (insuffisance rénale aiguë, par ex). La correction dans un premier temps de la délivrance en O2 aux différents tissus peut permettre la correction spontanée d’autres paramètres évoqués ci-dessus. En ce qui concerne le pH sanguin, la présence d’une acidémie dans le bilan clinique initial ne doit pas conduire à l’utilisation prématurée d’agents basiques afin d’atteindre l’objectif thérapeutique fixé : une première étape consiste en la restauration de la perfusion tissulaire. Cette étape peut suffire parfois à ramener le pH à une valeur physiologique. Si une acidémie significative persiste malgré une fonction circulatoire restaurée, une correction spécifique peut alors être envisagée. La prise en charge thérapeutique d’un animal en état de choc obéit donc à des objectifs précis, devant être obtenus dans une chronologie déterminée. Conclusion Face à une situation d’insuffisance circulatoire aiguë, l’évaluation clinique et paraclinique permet d’estimer la gravité du choc. Cette évaluation est indispensable pour décider de la mise en œuvre d’un traitement mais ne doit pas retarder la prise en charge thérapeutique. Pour cela, il est essentiel d’organiser méthodiquement la réanimation. Cette démarche repose sur 5 principes thérapeutiques intitulés « VIPPS » par les anglo-saxons : V : ventilation I : infusion (perfusion liquidienne) P : pressure, vasopresseurs (pression) P : pharmacological agents (agents pharmacologiques) S : specific therapeutic (thérapeutique spécifique) 121 Dans un premier temps, l’instauration d’une hématose optimale, la restauration de la volémie et de la pression artérielle constituent des objectifs majeurs. Par la suite, la réévaluation de l’animal permet de déterminer la nécessité d’employer des agents pharmacologiques spécifiques afin d’atteindre les autres objectifs thérapeutiques et le retour de l’homéostasie métabolique (normalisation des paramètres biochimiques, électrolytiques et hématologiques, du pH sanguin). Les thérapeutiques spécifiques sont évaluées au cas par cas. 122 III. ORGANISATION DE L’EVALUATION CLINIQUE D’UN ANIMAL EN ETAT DE CHOC HYPOVOLEMIQUE 1. Reconnaissance initiale La première étape dans la prise en charge d’un animal en état de choc hypovolémique est le recueil des commémoratifs. Cette étape est essentielle et ne doit pas être négligée afin de pouvoir établir un plan de réanimation le plus adapté possible. Les informations suivantes doivent être recueillies le plus précisément : - âge - mode d’apparition du choc (aigu, chronique) - en cas d’hémorragie externe, évaluation des pertes sanguines si possible - … Les points les plus importants de l’anamnèse doivent également être recueillis : l’animal souffre-t-il d’une affection chronique, reçoit-il déjà un traitement…. Parallèlement, l’examen clinique initial de l’animal est effectué et comprend au minimum : - évaluation du TRC et de la couleur des muqueuses - calcul de la fréquence cardiaque et prise du pouls périphérique - fréquence et rythme respiratoire - évaluation de l’état de conscience Si l’état de l’animal le permet, un examen clinique approfondi est effectué afin de déterminer de manière précise la gravité du choc et d’établir un bilan diagnostic initial. Celui-ci tient lieu de référence pour suivre l’évolution de l’animal au cours de la thérapeutique. Si le pronostic vital de l’animal semble engagé dés l’admission, une démarche thérapeutique de réanimation est immédiatement établie avant d’avoir établi un diagnostic complet. Un plan ABCD de réanimation classique est alors mis en œuvre : A : Airways La perméabilité des voies aériennes supérieures est vérifiée afin d’assurer la ventilation ; si nécessaire (bradypnée par épuisement ventilatoire, gasps), l’animal est intubé. B : Breathing Un apport en oxygène est réalisé. En situation critique, de l’oxygène pur est administré afin d’améliorer la saturation artérielle en O2. Si l’animal est intubé, la fraction inspiré en O2 est maximale (FiO2 : 100%). Si l’animal est vigile, les techniques d’oxygénation diffèrent : masque à oxygène ou technique du flow-by. Le débit d’oxygène employé est adapté au format de l’animal et au mode d’administration (300mL/kg/min au max, par exemple) La collerette à oxygène ou l’utilisation d’une cage à O2 ne sont pas adaptées à cette étape car elles entravent l’évaluation clinique de l’animal. 123 C : Circulation L’évaluation succincte de la fonction circulatoire est mise en œuvre (FC, auscultation cardiaque, prise du pouls périphérique, évaluation de la perfusion périphérique). Lors de cette étape, un abord veineux est mis en place afin d’entamer immédiatement une thérapeutique liquidienne lors d’hypoperfusion flagrante. D : Drugs L’utilisation d’agents pharmacologiques dans le traitement du choc hypovolémique n’a d’indication en première instance que lors d’évolution drastique vers l’arrêt cardiorespiratoire (phase terminale du choc). La mise en place d’un électrocardiogramme continu est indispensable dans le choix des molécules utilisées. Cette première étape de reconnaissance initiale doit être rapide mais complète et suit un ordre chronologique exact. La synthèse des commémoratifs et des symptômes cliniques permet d’évaluer la gravité du choc en se reportant à la classification clinique du choc (phase d’instauration, de décompensation précoce ou tardive). Après la réalisation de ces premiers gestes d’urgence, l’évaluation de l’animal est approfondie par le biais d’appareils de mesure précis afin d’obtenir une estimation paraclinique plus fine des conséquences de l’état de choc. L’utilisation de matériel de surveillance clinique est alors nécessaire, mais la mise en place de celui-ci ne doit aucunement retarder la prise en charge thérapeutique de l’animal si celui-ci se trouve en situation critique « Le facteur le plus important pour réanimer efficacement un patient en état de choc est le temps…la mise en place rapide d’une thérapeutique hâtive dès les phases précoces permet d’obtenir de bons résultats, mais une thérapeutique adéquate qui est reportée peut se révéler inefficace. » Shoemaker et Kram (1991). 2. Organisation de l’évaluation paraclinique Après un bilan clinique complet, il est souhaitable d’avoir recours à un matériel d’évaluation paraclinique pour dresser un bilan plus précis. La réalisation d’investigations hémodynamiques doit être effectuée le plus rapidement possible afin d’obtenir des valeurs initiales, qui serviront de référence pour le suivi de l’animal au cours de la réanimation. L’évaluation paraclinique et la description détaillée des appareils de surveillance ayant été traitée précédemment, seul un bref rappel des différents éléments à prendre en compte est présenté ici. Afin de caractériser le statut hémodynamique du chien, les surveillances de la pression sanguine et de l’activité cardiaque sont souhaitables. La pression artérielle est mesurée de manière directe ou indirecte à intervalles réguliers. En l’absence d’appareil de mesure continu, les mesures doivent être répétées fréquemment (toutes les 5 à 10 minutes) durant les premières heures de la réanimation ; 124 elles peuvent alors être espacées lors de l’obtention de valeurs stables et correspondantes aux objectifs thérapeutiques. L’obtention d’un suivi électrocardiographique de l’activité électrique cardiaque est également intéressante : l’analyse du tracé permet de déceler la présence de troubles du rythme ou d’anomalies morphologiques. Celles-ci peuvent indiquer la présence d’un remodelage cardiaque, de perturbations électrolytiques ou être secondaires aux molécules employées au cours de la thérapeutique (et notamment des vasopresseurs). L’évaluation de la perfusion locorégionale peut être réalisée grâce au positionnement d’une sonde urinaire à demeure. Après une première vidange vésicale complète, le débit urinaire est mesuré régulièrement. La mesure de la pression veineuse centrale (PVC) nécessite une forte coopération de l’animal, la mise en place d’un cathéter veineux central et une surveillance clinique très rapproché. Si l’ensemble de ces conditions est réuni, l’obtention de la mesure de la PVC est un outil utile au suivi du remplissage vasculaire. Si l’on dispose d’un appareil de mesure des gaz sanguins, les paramètres reflétant l’oxygénation du sang et la délivrance d’O2 aux tissus peuvent être évalués. La mise en place d’un cathéter artériel doit alors être envisagée afin d’obtenir une surveillance optimale. En l’absence de tel matériel, un oxymètre de pouls permet de suivre de manière continue la saturation du sang en O2. Des examens biologiques sont également indispensables dès la prise en charge de l’animal et doivent être répétés en fonction de l’évolution clinique et de l’importance de la substitution volémique. Celui-ci doit comprendre au minimum la mesure de l’hématocrite (Ht), des protéines totales, de l’urée et de la créatinine plasmatique ainsi que la glycémie. Une protéinémie sérique <50 mg/L oriente vers une hypoalbuminémie ou une perte sanguine importante antérieure à quelques heures. Un bilan à la recherche d’une coagulation intravasculaire disséminée est parfois indiqué si la clinique est évocatrice ou lorsque l’animal a reçu une transfusion sanguine massive. Afin de caractériser le statut acido-basique et électrolytique, la mesure des lactates sanguins, des bicarbonates et la réalisation d’ionogramme est nécessaire. Ce bilan permet de déceler les perturbations secondaires ou associées à l’état de choc et oriente la thérapeutique initiale. [68] 125 IV. RETABLISSEMENT DE LA VOLEMIE En dehors de l’état de choc cardiogénique, tous les états de choc nécessitent le rétablissement d’une volémie adéquate. Cette correction thérapeutique initiale est le préambule à tout rétablissement d’une fonction circulatoire efficace. Le remplissage vasculaire, i.e. l’administration intraveineuse de solutés persistant dans le secteur vasculaire, est donc une priorité thérapeutique de la prise en charge d’un état de choc hypovolémique. Très souvent, ce remplissage vasculaire sera associé à l’administration de solutés ayant pour objectifs de corriger le déséquilibre hydrique extravasculaire de l’animal. En effet, la pérennisation du rétablissement de la fonction circulatoire ne s’obtient qu’après avoir pris en considération ce déficit hydro-électrolytique extravasculaire. Lors d’état de choc hypovolémique, il est donc fréquemment nécessaire d’avoir recours à des solutés assurant à la fois le remplissage vasculaire et la correction d’une déshydratation. L’association de solutés répond le plus souvent au mieux à cette exigence. Il est parfois difficile de déterminer quel est le soluté le plus adapté quand le statut hémodynamique est mal défini. En effet, le choix du soluté diffère selon l’importance des fuites vasculaires, de l’état de vasodilatation ou de vasoconstriction excessive, de l’intégrité de la fonction cardiaque, des modifications de la composition des fluides en présence et des pertes engendrées. L’ensemble de ces facteurs affecte la perfusion (qui reflète le volume intravasculaire) et l’état d’hydratation (qui reflète le volume extracellulaire et intracellulaire). L’état de la balance hydrique et la composition du soluté déterminent si le fluide administré reste dans le compartiment intravasculaire ou diffuse vers les autres compartiments. Le but de la thérapeutique liquidienne (qu’il s’agisse de la restauration volémique ou d’une perfusion de maintenance) est de restaurer la perfusion tissulaire et l’hydratation du patient en prévenant une surcharge volumique et l’apparition de complications pulmonaires, cérébrales ou la formation d’oedèmes périphériques. [61] 1. Préambule à la thérapeutique liquidienne 1.1. Rappels sur les lois régissant la dynamique des fluides dans l’organisme [39] Le corps est composé d’environ 60% d’eau se répartissant dans le compartiment intracellulaire (66%) et extracellulaire (33%). Ce dernier se divise entre le secteur interstitiel majoritaire et le secteur plasmatique. L’eau diffuse librement dans le corps et peut passer de l’espace intracellulaire (EIC) à l’espace interstitiel (EIS) puis à l’espace plasmatique (EP), et inversement. Les mouvements de l’eau entre l’EP et l’EIS sont contrôlés par la pression osmotique colloïde et hydrostatique de chaque secteur. La pression osmotique colloïde est également appelée pression oncotique au niveau plasmatique car elle est dépendante en majorité des protéines plasmatiques (et notamment de l’albumine). La pression oncotique tend à s’opposer au passage de l’eau vers un autre compartiment alors que la 126 pression hydrostatique favorise ce mouvement. Le mouvement net de l’eau est déterminé par la somme des forces de pression s’exerçant entre les 2 secteurs concernés. D’autre part, la force de pression osmotique joue également un rôle important. Elle est déterminée par le nombre de molécules dissoutes dans une solution (osmolarité). Si 2 fluides d’osmolarité différente sont séparés par une membrane perméable à l’eau, celle-ci va diffuser du milieu le plus concentré vers celui le moins concentré jusqu’à égalisation des concentrations osmotiques des 2 fluides. Il existe différents types de membrane de séparation entre les compartiments de l’organisme. Si elles sont perméables (capillaires sanguins) ou semi-perméables, elles permettent le passage de l’eau librement. Ainsi, le passage des fluides dans les différents compartiments de l’organisme dépend du type de membrane les séparant, de sa perméabilité et de la composition relative des 2 milieux. On distingue 2 interfaces principales au sein de l’organisme qui régissent la répartition des fluides : - le plasma et le milieu interstitiel ont une composition électrolytique similaire, c'est-à-dire qu’il existe peu de différence d’osmolarité. Le passage des fluides d’un milieu à l’autre est donc dépendant des différences de pression oncotique et hydrostatique. La diffusion des fluides s’effectue majoritairement au niveau des membranes capillaires fenestrées et donc perméables à l’eau. - en revanche, le milieu interstitiel et le milieu intracellulaire ont des compositions électrolytiques très différentes ; les fluides doivent traverser la membrane cellulaire, laquelle n’est pas librement perméable à l’eau. La force de pression osmotique joue donc un rôle important dans la répartition des fluides de part et d’autre de cette membrane. Ainsi, le choix d’un soluté de perfusion doit se faire en fonction de sa pression oncotique ou colloïde, hydrostatique et osmotique en fonction du compartiment de l’organisme que l’on souhaite restaurer. 1.2. Définition des propriétés hémodynamiques des solutés [47, 53] Les solutés sont caractérisés par leur durée d’action et leur pouvoir d’expansion volémique (PEV). Beaucoup de facteurs influencent le volume et la durée de l’expansion intravasculaire du soluté parmi lesquels : son pouvoir oncotique, ses caractéristiques moléculaires (forme, taille, degré de dispersion, concentration, degré de substitution et taux de substitution molaire). D’autres facteurs indépendants du soluté utilisé sont également importants : le statut volémique de l’animal avant la perfusion et la perméabilité microvasculaire. Le volume d’expansion intravasculaire initial est dû principalement à la pression osmotique ou oncotique du soluté utilisé. Les colloïdes synthétiques sont composés de 127 macromolécules non protéiques qui ne traversent pas librement la barrière microvasculaire: ils ne possèdent donc pas de pouvoir oncotique propre mais exercent une force de pression osmotique colloïde du fait de la présence de ces macromolécules. Cette « pression colloïde » est due au nombre de molécules présentes plutôt qu’à leur taille, et détermine le PEV initial du soluté. D’autres facteurs conditionnent l’expansion volémique initiale : - le volume perfusé, qui modifie peu la pression oncotique si le soluté est un colloïde mais beaucoup s’il s’agit d’un cristalloïde - la concentration en colloïde du soluté : plus celle-ci est importante, plus l’appel d’eau et de sodium du secteur extravasculaire est importante et l’extravasation vasculaire du fluide est faible - la vitesse de perfusion : plus elle est rapide, plus l’expansion volémique initiale est efficace. Concernant les solutés cristalloïdes, l’augmentation de la vitesse de perfusion entraîne également une l’augmentation des volumes de diffusion dans les espaces extravasculaires La cinétique du degré d’expansion volémique est la résultante de multiples paramètres dont la pérennisation des déperditions liquidiennes et / ou sanguines, la durée de vie intravasculaire des substituts du plasma, le métabolisme du plasma et de l’albumine endogènes. L’évolution de l’expansion volémique est donc conditionnée par les facteurs suivants : - la perméabilité capillaire - le poids moléculaire moyen et la dispersion du soluté : les plus petites molécules, présentes en majorité dans les colloïdes synthétiques et responsables en grande partie du pouvoir oncotique et donc du PEV, subissent une extravasation ou une excrétion dans les heures suivant la perfusion. Il en résulte une baisse du nombre de molécules alors que la concentration du soluté (masse par unité de volume) est toujours élevée car les molécules de haut poids moléculaires sont toujours présentes dans le milieu intravasculaire. D’un point de vue hémodynamique, il en résulte une baisse du pouvoir oncotique du soluté et une diminution de l’expansion plasmatique associée. Par la suite, l’hydrolyse des molécules de haut PM en molécules de plus faible PM modifie au cours du temps la quantité de molécules présentes dans le secteur plasmatique (et donc le pouvoir colloïde) et détermine leur vitesse d’excrétion. Le métabolisme et le catabolisme des solutés entraînent donc une évolution du remplissage vasculaire et de la volémie dans le temps. - la taille et la forme des molécules, qui conditionne le passage à travers la barrière capillaire - les mouvements de l’albumine endogène, équilibrés par le débit lymphatique, afin de maintenir un taux sanguin d’albumine adéquat lors d’hypovolémie modérée. Les caractéristiques physico-chimiques du soluté peuvent venir interférer avec ces déplacements. 128 Ainsi, un soluté est caractérisé par ses propriétés hémodynamiques : le PEV initial s’exprime en pourcentage du volume perfusé et se rapporte à une notion temporelle. La durée de l’expansion volémique correspond à l’intervalle de temps où le soluté exerce un effet efficace de remplissage vasculaire: lorsque 50% des molécules ont quitté l’espace intravasculaire, le volume intravasculaire peut être nettement réduit si ces molécules se retrouvent dans l’espace interstitiel où elles exercent également leur pouvoir osmotique. Par conséquent, même si des molécules du soluté perfusé sont encore présentes dans le secteur plasmatique, l’efficacité du fluide est estompée. Cette vitesse de passage d’un secteur à l’autre est déterminée par la perméabilité capillaire. 2. Les solutés cristalloïdes [39] Les solutés cristalloïdes sont composés composé d’eau, d’ions et/ou de glucose en proportion variable. Du fait de leur structure micromoléculaire, ils sont capables de diffuser dans tous les compartiments de l’organisme en agissant par le biais de l’osmolalité. Ces solutés sont caractérisés par leur teneur électrolytique et leur osmolalité, dont découle leur utilisation. Les solutés cristalloïdes dits d’entretien sont utilisés afin d’assurer les besoins quotidiens en eau (et pour certains en électrolytes) aux patients dont l’état général ne permet pas de s’abreuver ou dont les pertes journalières ne sont pas compensées (vomissement, diarrhée, polyurie importante). Il existe différents types de solutés qui remplissent cette fonction : mélange glucose 2,5% et NaCl 0,45%, glucose 5% ; ils sont administrés progressivement sur 24 heures et leur composition diffère de celle du milieu plasmatique. Ces solutions peuvent être initialement hypo-, iso- voire hypertonique mais une fois le glucose métabolisé, elles deviennent rapidement hypotonique et permettent un apport en eau libre en fonction de la pression hydrostatique au sein des secteurs. Ces solutés sont donc considérés comme un apport en eau, le glucose présent jouant juste le rôle de transporteur d’eau dans le milieu intravasculaire afin d’éviter l’hémolyse associée à l’injection intraveineuse d’eau pure. Cependant, perfusé en volume important, le glucose 5% peut provoquer une lyse hématique du fait de son hypotonicité (252 mOsm/L) ainsi qu’une fuite liquidienne extravasculaire. Une heure après administration d’1L de ce soluté, seuls 80 mL persistent dans le secteur vasculaire. D’autre part, la faible concentration en glucose de ces solutés ne subvient pas aux besoins énergétiques : une solution de glucose à 5% n’apporte en effet que 170 kcal/L.Ces solutions ne sont pas utilisées en première intention dans l’état de choc hypovolémique : leur action dans le milieu extracellulaire est trop fugace et leur composition ne permettent pas de corriger les désordres électrolytiques rencontrés. Le caractère très acide du glucose 5% (pH : 4,0) peut même venir aggraver une acidémie préalable et liée à l’état de choc. Les solutés cristalloïdes de remplacement sont des solutions isotoniques en ce qui concerne l’apport en sodium (NaCl 0,9%). Elles sont utilisées pour assurer un apport hydrique à l’organisme tout en assurant un apport électrolytique en sodium et en chlore, ions majoritaires dans les compartiments extracellulaires. Enfin, les solutés cristalloïdes de remplacement balancé (Ringer Lactate) sont ceux dont la composition est la plus proche du plasma : ils peuvent être administrés en grande quantité sans modification 129 importante de la composition des fluides intravasculaires (apport de sodium, chlore, potassium et lactate). Lors de choc hypovolémique, seuls les solutés de remplacement et de remplacement balancé sont utilisés. En effet, ceux-ci possèdent une action plus longue dans le milieu extracellulaire et leur composition entraîne moins de désordres électrolytiques que les solutés d’entretien. On distingue classiquement les solutés cristalloïdes hypo-, iso et hypertonique en fonction de leur osmolalité inférieure, égale ou supérieure à celle du plasma. Les solutés hypotoniques correspondant aux solutés d’entretien, ceux-ci ne seront donc pas envisagés dans le contexte d’un choc hypovolémique. 2.1. Les solutés cristalloïdes isotoniques Les solutés cristalloïdes isotoniques majoritairement utilisés en France sont le NaCl 0,9% et le Ringer Lactate (RL). Nature chimique et métabolisme La composition de ces solutés est présentée dans le tableau 5. Le NaCl 0,9% est un soluté cristalloïde dont la composition ne correspond pas exactement à celle du milieu extracellulaire. Il est enrichi en sodium (154 mmol/L) et surtout en chlorures (154 mmol/L), ne contient pas de potassium et est fortement acide (pH : 5,0-5,4). Il est dépourvu de tout tampon et est isotonique par rapport au plasma (306 mOsm/L). Le RL possède une composition plus proche du plasma : il est riche en sodium (131 mmol/L, valeur discrètement inférieure à la natrémie physiologique d’un chien) et plus équilibré en chlore (111 mmol/L) que le NaCL 0,9%, contient du calcium et du potassium. Il est discrètement hypotonique (278 mOsm/L) et possède un pH acide (pH : 5,1). Il est tamponné à l’aide de lactates, qui doivent être métabolisés par le foie en bicarbonates pour exercer leur rôle tampon. Tableau 5 : Composition du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate Composition (par L) Na+ (mmol) K+ (mmol) Ca++ (mmol) Lactate (mmol) Cl- (mmol) pH Osmolarité (mOsm) NaCl 0,9% 154 154 6,0 308 130 Ringer Lactate ® 131,23 5,36 1,82 28,5 111,63 5,0-7,0 278,5 Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments Les solutés isotoniques ne modifient pas l’osmolarité extracellulaire. Administrés dans le secteur plasmatique, ils entraînent une augmentation de la pression hydrostatique intravasculaire et une diminution de la pression oncotique par phénomène de dilution. Ils diffusent alors par le biais de l’osmolarité vers le secteur interstitiel. [28] L’augmentation de la pression hydrostatique interstitielle en découlant permet de compenser en partie la baisse de la pression oncotique plasmatique dans la régulation des échanges. [53] Au sein du secteur interstitiel, l’augmentation de la teneur en eau et en sodium provoque une inflation du milieu et une hausse du drainage lymphatique. L’albumine interstitielle est également mobilisée vers le secteur vasculaire. [53] Le secteur interstitiel est capable de stocker une large proportion d’eau et de sodium avant d’être saturé. Dans un premier temps, l’eau pénètre au sein du tissu conjonctif de l’interstitium entraînant une augmentation de la pression hydrostatique de cette portion et une augmentation du drainage lymphatique. Puis les molécules d’eau se lient progressivement aux glycoprotéines de la substance fondamentale, formant ainsi une sorte de gel dont l’état d’hydratation varie en fonction de l’apport en eau et en minéraux. Cette portion de l’interstitium joue alors un rôle de réserve hydrique et minérale ; la compliance de ce secteur augmente avec l’hydratation de l’espace interstitiel mais peut atteindre un niveau de surcharge lorsque le tissu conjonctif et la substance fondamentale sont saturés. Cette particularité permet d’expliquer la capacité de séquestration d’eau et de sodium lors d’apport excessif. [53] Propriétés hémodynamiques Les solutés cristalloïdes isotoniques n’entraînent pas d’appel d’eau vers le secteur vasculaire : l’expansion volémique dépend ainsi directement du volume et de la vitesse de perfusion. Leur PEV initial est de 95-100% dans les premiers instants suivant leur administration mais décroît rapidement. Seul 30% du volume de RL et 25% du volume de NaCl 0,9% administré par voie intraveineuse est retrouvé dans le secteur vasculaire dans l’heure qui suit leur administration, le reste étant réparti dans le secteur interstitiel. [28, 53] Le pouvoir de remplissage est donc faible et associé à une action très transitoire. Effets particuliers Ces solutés sont dénués de tout effet secondaire de type anaphylactique ou allergique ; contrairement aux colloïdes, ils n’entraînent pas de troubles de l’hémostase ce qui leur confère dans ce cadre une certaine sûreté d’emploi. Le soluté de RL peut entraîner des effets délétères lorsqu’il est perfusé en grande quantité. Il contribue à l‘activation des neutrophiles, possède des effets pro-apoptotiques propres, peut être à l’origine d’une incompatibilité physico-chimique avec une 131 transfusion sanguine administrée sur la même voie par interaction du calcium-citrate. De plus, sa concentration en lactate peut accentuer une hyperlactatémie lors d’état de choc décompensé à irréversible : en effet l’hypoperfusion hépatique conduit à un dysfonctionnement voire un arrêt du métabolisme hépatique, déjà saturé par le métabolisme des substances endogènes. Le lactate exogène s’accumule et renforce l’hyperlactatémie en place. En revanche, l’apport de lactate peut s’avérer bénéfique si le métabolisme hépatique est encore fonctionnel. La conversion hépatique des lactates en bicarbonates permet en effet de ralentir l’apparition d’une acidose métabolique, les bicarbonates jouant un rôle de tampon au niveau sanguin. Cependant, il faut tenir compte du fait que la conversion hépatique du lactate en bicarbonate demande 2 à 3 heures et des hépatocytes fonctionnels. Ce soluté permet donc d’éviter l’aggravation de l’acidose en place mais ne suffit pas toujours à la corriger. [80] Indications Au cours d’un état de choc hypovolémique, l’emploi des cristalloïdes vise à compenser rapidement la déshydratation du secteur interstitiel. Lors de son administration par voie intraveineuse, la volémie n’est restaurée que temporairement, et ce au prix d’un volume et une vitesse de perfusion importants. Ils peuvent donc être employés comme seuls solutés de thérapeutique liquidienne lors d’état de choc débutant et compensé, quand les volumes nécessaires à la correction de l’hypovolémie sont encore limités. Lors d’hémorragie, leur emploi en tant que seul soluté de perfusion est indiqué si les pertes sanguines ne dépassent pas 15% de la volémie afin de restaurer le milieu interstitiel. Si la perte est plus importante, d’autres solutés sont nécessaire afin de maintenir un volume vasculaire adéquat. [28] Des modèles expérimentaux et cliniques ont montré que la quantité de cristalloïdes à perfuser pour maintenir une volémie normale représente 5 à 6 fois le volume perdu, si celui-ci est compris entre 15 et 40% de la masse sanguine et 8 à 12 fois le volume perdu si celui-ci est compris entre 50 et 70%. [53] Leur action très transitoire et le risque d’inflation hydrosodée associé à la perfusion de tels volumes permettent de rejeter leur emploi comme soluté de remplissage vasculaire lors d’état de choc installé. En revanche les cristalloïdes, en corrigeant ou maintenant l’état d’hydratation du secteur extravasculaire, jouent un rôle indirect mais indispensable pour la restauration de la volémie. [28] En effet, si d’autres solutés sont plus efficaces en termes de remplissage vasculaire, leur action est dépendante de l’état d’hydratation du secteur interstitiel, à partir duquel ils puisent l’eau pour restaurer la volémie. Ainsi s’ils sont jugés inefficace lorsqu’employés seuls, les solutés cristalloïdes semblent indispensables pour assurer l’efficacité attendue des autre solutés de remplissage. Il est donc fortement recommandé d’utiliser une association de solutés lors de la réanimation liquidienne de l’état de choc hypovolémique avancé. Les solutés cristalloïdes isotoniques sont également indiqués lors de restauration de troubles électrolytiques. 132 Contre-indications Les solutés cristalloïdes présentent quelques contre-indications liées à leurs propriétés hémodynamiques. En raison des risques d’apparition d’œdème, il est contreindiqué d’administrer ces fluides en grande quantité chez les animaux présentant une insuffisance cardiaque. De même, l’existence de lésions pulmonaires altérant la perméabilité des vaisseaux crée un climat prédisposant à l’œdème pulmonaire interstitiel, voire alvéolaire dans les cas les plus graves. Ils ne doivent pas non plus être utilisés lors d’hypoprotéinémie marquée, puisque leur emploi entraîne une diminution de la pression oncotique plasmatique par dilution. L’emploi du RL est déconseillé lors de traumatisme crânien : en effet, son caractère légèrement hypotonique favorise le passage d’eau du milieu vasculaire vers le milieu interstitiel, notamment lors d’altération de la barrière hémato-méningée. Il en résulte une augmentation de la pression intracrânienne suite au développement d’un œdème cérébral ce qui altère les conditions de perfusion cérébrale et favorise l’ischémie neuronale. Le soluté de RL ne doit pas être employé lors d’hyperkaliémie, en raison de l’apport en potassium qu’il procure. Posologies recommandées Lorsqu’ils sont utilisés seuls, la posologie traditionnellement recommandée est de 90 mL/kg sur une période d’une heure. Ce débit est très théorique et le volume perfusé lors de cette période permettrait de compenser au moins toutes les pertes volumiques plasmatiques puisqu’il correspond au remplacement de la volémie totale chez un chien sain. En pratique, ce volume est rarement administré directement en première intention. Afin d’éviter l’apparition d’une surcharge hydrique et de réaliser une surveillance de la réponse à la thérapeutique plus précise, il est préférable de fractionner cet apport en plusieurs bolus. Ainsi, il est recommandé d’administrer d’un premier bolus de 20 à 40 mL/kg sur une période de 20 à 30 minutes (ce qui permet de maintenir le débit de perfusion à 90 mL/kg/h) à la suite duquel l’état clinique de l’animal est réévalué. En fonction des effets obtenus et des objectifs thérapeutiques fixés, un nouveau bolus peut être reconduit. Cette administration par palier permet d’assurer une perfusion rapide mais contrôlée. Si la réponse clinique n’est pas satisfaisante après l’administration d’une dose totale de 90 mL/kg, le choix du soluté doit être revu. Un des inconvénients majeurs dans la réalisation de ce plan de réanimation liquidienne est le débit de perfusion élevé. En effet, si ces fluides sont administrés trop lentement, il risque de se produire un équilibre entre l’espace intravasculaire et l’espace interstitiel avant d’avoir pu observer une restauration effective du volume intravasculaire. L’administration d’autant de fluides en si peu de temps nécessite souvent plusieurs voies veineuses de grands calibres. Ce volume impose un long délai d’administration, surtout chez les chiens de grand format, ce qui retarde l’efficacité de la fluidothérapie. 133 L’utilisation de systèmes d’administration de fluides sous pression permet alors d’augmenter le débit de perfusion. [89] Effets secondaires Risque d’hypokaliémie L’utilisation de grands volumes de remplissage entraîne une dilution du sang et par conséquent une modification de sa concentration en ions. Ainsi, il existe un risque de développement d’une hypokaliémie suite à une fluidothérapie intensive non compensée à base de NaCl 0,9%. De plus, lors de choc hypovolémique secondaire à des pertes digestives importantes, la kaliémie est souvent déjà diminuée et risque d’être d’autant plus aggravée par une administration massive de fluides non complémentée en potassium. Il est donc conseillé de complémenter les perfusions en chlorure de potassium aux besoins d’entretien (20mEq/L). La vitesse d’administration de ce soluté doit alors respecter les règles premières de correction d’hypokaliémie (<0.5-0.6 mEq/kg/h de potassium). Lors de la supplémentation du soluté en potassium, l’osmolarité de celui-ci est augmentée ce qui peut lui conférer un caractère hypertonique par rapport au plasma. Cette propriété peut modifier la diffusion du fluide dans le secteur interstitiel. Risque d’œdème L’inflation interstitielle provoquée lors de la diffusion de ces fluides est accompagnée d’une augmentation du drainage lymphatique et d’une mobilisation de l’albumine endogène vers le secteur vasculaire. Lorsque ces mécanismes sont saturés, on observe la formation d’œdèmes interstitiels périphérique, pulmonaire et cérébral sans que le déficit intravasculaire ne soit corrigé. [28] De plus, le développement de lésions endothéliales (trauma, action des radicaux libres… notamment lors du développement d’une SIRS), l’instabilité cardio-vasculaire et l’hypoprotéinémie, souvent présente lors de choc hypovolémique, renforcent ce risque. [28] Ces complications sont le plus souvent rencontrées chez des animaux atteints de dysfonction cardiaque ignorée, d’oligurie, de traumatisme crânien ou de contusions pulmonaires. Au niveau pulmonaire, il existe des mécanismes compensateurs permettent de limiter ou de retarder cette complication : les capillaires pulmonaires ont une perméabilité augmentée aux protéines ce qui abaisse le gradient de pression oncotique plasmatique/interstitiel et minimise ainsi les effets dus à la baisse de pression oncotique ; de plus, la circulation pulmonaire étant un secteur à basse pression, le drainage lymphatique peut s’élever dans des proportions d’autant plus considérables. [53] Cependant, si la surcharge du secteur interstitiel devient trop importante, ces mécanismes sont dépassés et on observe l’apparition d’oedème pulmonaire interstitiel puis alvéolaire. L’apport d’O2 aux cellules est alors fortement compromis par 134 diminution de l’hématose au niveau des capillaires pulmonaires et par diminution de la diffusion de l’O2 des capillaires sanguins vers les cellules (augmentation de la distance de diffusion lors d’œdème périphérique interstitiel). [28] Risque d’hémodilution Une hémodilution excessive est une contre-indication à l’usage des cristalloïdes en grande quantité. Ainsi, si l’hématocrite est inférieur à 15-20% ou la protéinémie inférieure à 40-45 g/L, ces solutés ne devraient pas être administrés. [47] Risque d’aggravation de l’acidose Les patients en choc hypovolémique présentent souvent une acidose métabolique dont l’importance varie. La forte teneur en chlore du NaCl 0,9% peut favoriser le développement d’une acidose métabolique hyperchlorémique, par absorption d’ions H+ et Cl- au niveau rénal. [28] Or le RL possède un pH acide (pH : 5,1) ce qui peut entraîner une aggravation de l’acidose lors de perfusion massive. Cependant, ce phénomène est balancé par la présence de lactates sodiques, qui lorsqu’ils sont transformés en bicarbonates par le foie, permettent de lutter contre l’installation d’une acidose hyperchlorémique (rencontrée lors de l’utilisation d’un volume important de sérum physiologique). [68] Présentation galénique (tableau 6) Tableau 6 : Présentation galénique du NaCl 0,9% et du Ringer Lactate Composition (par L) NaCl KCl Chlorure de calcium hexahydrate Lactate sodique à 60% Format Laboratoire NaCl 0,9% 9g Ringer Lactate ® 6g 400 mg 400 mg 5,33g Poche de 250, 500, 1000 mL Aguettant Conclusion Les solutés cristalloïdes se caractérisent par une expansion volémique faible (25 à 30%), une diffusion précoce dans le compartiment interstitiel (30-60 min), l’absence d’effet indésirable anaphylactique ou autre effet indésirable grave (ni infectants, ni allergisants, ni perturbateurs de l’hémostase), et leur faible coût. Lors d’état de choc en phase d’instauration, ils peuvent être administrés seuls. Dans les formes plus évoluées, ces solutés doivent vraisemblablement toujours être couplés à un soluté colloïde. 135 Le Ringer lactate, le NaCl 0,9% sont les solutés cristalloïdes utilisés préférentiellement dans l’état de choc. Le RL est à privilégier sauf lors d’insuffisance hépatique patente, de traumatisme crânien, d’hyperkaliémie, ou de transfusion sanguine combinée. 2.2. Les solutés électrolytiques hypertoniques Nature chimique et métabolisme Le principal soluté électrolytique hypertonique utilisé en France est le soluté salin hypertonique (SSH). Le NaCl 7,5% est le soluté cristalloïde hypertonique utilisé lors d’état de choc en médecine vétérinaire. Il s’agit de la concentration la plus élevée utilisable en pratique. Il est très riche en sodium (1283 mmol/L) et en chlore (1283 mmol/L) ce qui lui confère une osmolarité 9 fois supérieure à celle du plasma (2566 mOsm/L). [53] Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments Le SSH perfusé dans le milieu intravasculaire entraîne directement une augmentation du volume circulant, en procédant à un recrutement osmotique de fluides du secteur extravasculaire. Il provoque un apport massif en sodium, entraînant une mobilisation de l‘eau interstitielle vers le milieu vasculaire. [28] La déshydratation du milieu interstitiel qui en résulte est compensée partiellement par le transfert d’eau à partir du milieu intracellulaire. Mais cet effet de remplissage du milieu vasculaire est transitoire, la charge osmotique se distribue ensuite vers le compartiment extravasculaire et est accompagnée par un transfert hydrique qui équilibre les forces osmotiques. [9] Propriétés hémodynamiques L’administration de NaCl 7% à la dose de 5 mL/kg permet une expansion du volume plasmatique estimée à 20 mL/kg ce qui correspond à un PEV de 400%. L’expansion volumique maximale obtenue dépend directement du volume administré. Ce volume d’expansion maximal est obtenu dés la fin de l’administration du bolus (en 5 à 10 minutes) mais est transitoire [53] : seul 20% de l’effet initial persiste après 1 heure. Parallèlement, la mesure de la pression artérielle, du débit cardiaque et de la délivrance en O2 montre une amélioration optimale au même moment. [91] 136 Effets particuliers La rapidité d’action du SSH ne lui confère pas une efficacité durable dans le temps pour rétablir une volémie adéquate. En revanche, il possède d’autres propriétés qui lui permettent d’améliorer le débit cardiaque. Par le biais d’un réflexe vagal pulmonaire, il entraîne une vasoconstriction du territoire veineux capacitif qui conduit à une augmentation de la précharge du ventricule gauche sans augmenter la quantité d’eau pulmonaire. Il diminue également la postcharge en provoquant une vasodilatation précapillaire dans les territoires splanchnique, rénal et coronaire, diminuant ainsi les résistances vasculaires systémiques. La combinaison des effets vasodilatateurs et de la diminution de la résistance à l'écoulement du sang dans les capillaires, par modification du volume des hématies et des cellules endothéliales (du fait de l’appel d’eau vers le secteur plasmatique), crée des conditions de perfusion et d'oxygénation tissulaires particulièrement favorables dans le cadre d'un choc hypovolémique. De plus, il possède une action inotrope positive, dont l’origine est encore mal connue : celle-ci serait attribuée à un relargage important de catécholamines augmentant l’activité adrénergique, à une facilitation de l’entrée de calcium dans le myocyte via l’échangeur Na+/Ca+ et à une amélioration du débit coronarien qui améliorerait l’oxygénation myocardique. [36, 39] L’amélioration des conditions de charge du ventricule gauche et de la contractilité myocardique assure donc une amélioration du débit cardiaque et vient soutenir la fonction circulatoire. De plus cette action est prolongée durant 6 heures après administration. [36] D’autre part, le SSH permettrait de diminuer la pression intracrânienne et de maintenir une certaine pression de perfusion cérébrale, exerçant ainsi une action protectrice au niveau neuronal. Cette propriété est intéressante pour les patients présentés suite à un trauma crânien sans hémorragie intracrânienne. [89] Une action immunomodulatrice directe ou indirecte est également avancée lors de l’utilisation de SSH. Cet effet est du à une réduction de l’activation des polynucléaires et à une diminution de l’expression de molécules d’adhésion par l’endothélium vasculaire. Il en résulte une diminution de l’adhésion des polynucléaires aux parois vasculaires, de leur séquestration et de leur migration. Cet effet immunomodulateur permettrait de protéger les organes de lésions oxydatives et améliorerait la réponse immunitaire à médiation cellulaire. [91] De plus, le SSH permet de diminuer l’augmentation de perméabilité vasculaire et limite l’inflation du volume des cellules endothéliales vasculaires ; il en résulte une amélioration du flux microcirculatoire et une prévention des obstructions microvasculaires au cours de la reperfusion. [33] Enfin, il semble que le SSH permettrait de réprimer le fonctionnement lymphatique mésentérique. Ceci aurait pour conséquences d’amoindrir le phénomène de translocation bactérienne consécutif à l’ischémie tissulaire locale apparaissant suite au sacrifice systématique lors d’état de choc de ce territoire vasculaire fortement pourvu en récepteurs alpha-adrénergiques. La translocation bactérienne étant tenue pour responsable en partie du syndrome de défaillance multiviscérale, son atténuation a pour but de prévenir les complications secondaires à l’installation de l’état de choc. 137 Indications Ce soluté connaît un regain d’intérêt depuis que diverses études en médecine humaine ont montré une diminution de la mortalité dans le traitement du choc des polytraumatisés et de grands brûlés en comparaison au soluté isotonique de RL. Sa disponibilité et son faible coût sont 2 avantages à son utilisation en pratique courante. Le faible volume à administrer et la rapidité d’action (effet immédiat dés son administration) en font un soluté attrayant dans la gestion de tous les types de choc, à l’exception du choc cardiogénique. [15] Le SSH est principalement utilisé lors d’hypovolémie grave, engageant immédiatement le pronostic vital, du fait de son action rapide pour le rétablissement des paramètres hémodynamiques compatibles avec la survie de l’animal, et ce sans provoquer d’hémodilution marquée. D’un point de vue hémodynamique et en termes de survie, de nombreux travaux expérimentaux ont montré l’efficacité supérieure de ce soluté, utilisé seul ou associé à un soluté colloïde, et en comparaison à des volumes importants de solutés cristalloïdes isotoniques. Cependant, il ne doit pas être utilisé comme seule thérapeutique liquidienne. Après une administration initiale, la perfusion de solutés électrolytiques isotoniques doit être mise en œuvre durant plusieurs heures afin de maintenir l’expansion volumique plasmatique. [91] Afin de prolonger sa durée d’expansion volémique, le SSH peut être associé à un colloïde, qu’il s’agisse de dextran ou d’HEA sans modification de leurs propriétés pharmacocinétiques individuelles. L’effet de courte de durée du SSH est alors relayé par l’effet d’expansion volémique du colloïde employé. [9] En médecine humaine, l’association SSH-HEA, appelée également HEA hypertonique (HEA 200/0,5 à 6% : Hyperhes ®) a reçu son AMM dans l’indication « du traitement initial de l’hypovolémie aiguë et de l’état de choc » et le mélange SSH-dextran, également appelé dextran hypertonique (dextran 70 à 6% : RescueFlow ®) l’a eu pour « l’hypovolémie avec hypotension en rapport avec un état de choc traumatique ». [9] Lors de trauma crânien, son utilisation en première intention peut être bénéfique puisqu’il permet de limiter les risques d’œdème et d’augmentation de la pression intracrânienne par rapport aux cristalloïdes ou aux colloïdes. En effet, la thérapeutique liquidienne a pour but de rétablir la pression de perfusion intracrânienne, diminuée en général lors de choc hypovolémique du fait se l’hypotension systémique. L’utilisation des solutés colloïdes ou cristalloïdes isotonique dans cette indication, entraîne fréquemment une hausse de la pression intracrânienne à des valeurs supranormales. Cette augmentation est transitoire mais peut néanmoins favoriser le développement d’œdème cérébral. Le soluté salin hypertonique permettrait d’éviter ce genre de complications mais il semble que cette propriété soit dépendante de la dose utilisée : à la posologie de 4 mL/kg, la pression intracrânienne retourne à une valeur équivalente à celle précédent le choc alors qu’utilisée à 6 mL/kg, elle tombe à une valeur inférieure. Si une forte augmentation de la pression intracrânienne n’est pas souhaitable, une valeur basse ne l’est pas non plus car elle peut être le reflet d’une déshydratation intracrânienne et prédisposer à la formation d’hématomes sous-duraux. [39] Une autre indication de ce soluté serait le traitement des oedèmes du secteur interstitiel, notamment lors de perfusion excessive de cristalloïdes isotoniques. 138 Contre-indications Les solutés hypertoniques ne doivent pas être utilisés chez les animaux hypovolémiques fortement déshydratés puisque leur emploi repose sur le passage d’eau du milieu interstitiel vers le compartiment intravasculaire. Ainsi, leur emploi lors de choc hypovolémique associé à une déshydratation sévère peut accentuer le déficit extravasculaire en eau et exercerait ainsi un effet délétère. [28, 53] L’insuffisance cardiaque et l’insuffisance rénale anurique sont des contre-indications majeures à leur administration du fait du risque de surcharge volémique. [88] Leur emploi peut entraîner l’apparition d’une hypernatrémie transitoire et d’extrasytoles ventriculaires. Leur emploi est naturellement contre-indiqué lors d’hyperosmolarité préalable (hypernatrémie, diabète acido-cétosique grave évolué). Il est recommandé de surveiller la natrémie lors de leur emploi, surtout lors d’un volume de perfusion supérieur à 6mL/kg. D’autre part, leur administration peut aggraver une hypokaliémie déjà présente lors de choc hémorragique. L’ionogramme doit donc être attentivement suivi lors de l’utilisation de ce type de soluté. [88, 91] Une étude effectuée sur des chiens sains a montré que la perfusion de NaCl 7,2% entraînait l’apparition d’une hypernatrémie transitoire (> 160 mmol/L) durant 90 minutes suite à l’injection d’un bolus de 15 mL/kg. La natrémie restait dans les valeurs usuelles chez les chiens recevant un bolus de 2,5 ou 5 mL/kg mais peut augmenter los de l’administration de deux bolus successifs ou plus. [1, 28] D’autre part, la même étude montrait que la PaO2 diminuait chez les animaux recevant un bolus à forte dose (15 mL/kg) alors qu’elle augmentait chez les autres. Ceci pourrait être dû à un mécanisme réflexe qui diminue la circulation pulmonaire et accélère la fréquence cardiaque, suite à une baisse du débit cardiaque. [1] Posologies recommandées Le NaCl 7,5% est initialement administré par voie intraveineuse à la posologie moyenne de 4mL/kg (2 à 6 mL/kg en fonction de l’instabilité hémodynamique du chien). Certains auteurs recommandent l’administration de bolus de 2 mL/kg sur une période de 5 minutes [91]; selon la réponse clinique obtenue, il est possible de réitérer successivement ces bolus jusqu’à une dose maximale de 8mL/kg. Le rythme d’administration ne doit jamais être supérieur à 1 mL/kg/min. Lorsque la dose dépasse 6 mL/kg, il est conseillé d’effectuer un dosage de la natrémie avant de continuer l’administration. [91] Le NaCl 7,5% n’est jamais administré seul lors d’état de choc hypovolémique. Le plus souvent, à un bolus initial de SSH, succède une administration continue de soluté cristalloïde isotonique à la posologie de 20 mL/kg/h. Ce rythme est naturellement adapté à la réponse clinique observée et peut être initialement plus élevé, lors de déshydratation modérée associée. 139 Effets secondaires L’administration trop rapide (>1 mL/kg/min pour du NaCl 7,5%) est suivie de troubles cardio-pulmonaires correspondant à l’apparition d’une bradycardie, d’une hypotension, d’une bronchoconstriction et d’une respiration rapide et superficielle. Ceci serait dû à un réflexe médié par le nerf vague sur lequel l’atropine n’a aucun effet. Ces effets sont transitoires mais peuvent être très délétères chez un patient en état de choc. Seule l’administration lente du soluté permet d’éviter ces effets secondaires. [28, 88, 91] L’utilisation du SSH a été remise en question chez les animaux présentant des hémorragies incontrôlées et récentes. En effet, l’augmentation rapide du débit cardiaque et de la pression artérielle provoquée lors de leur emploi pourrait fragiliser et détruire les caillots formés récemment au niveau des brèches vasculaires et réinitier les saignements. De plus, le SSH semble être pourvu d’une activité anticoagulante mais ceci à une concentration bien supérieure que celle employée en réanimation. En pratique, le NaCl 7% n’entraîne pas d’effet délétère sur la paroi vasculaire, la coagulation et la fonction plaquettaire in vivo, à moins que les brèches vasculaires soient très importantes. Par mesure de précaution, il est tout de même préférable d’éviter l’usage de SSH ou des mélanges SSH-colloïde (les colloïdes étant connus pour inhiber la fonction plaquettaire et à l’origine de troubles de la coagulation) chez les animaux présentant des coagulopathies, des thrombocytopénies ou des dysfonctions plaquettaires. [91] Présentation galénique Le NaCl 7,5% est disponible à cette concentration en poches stériles prêtes à l’emploi. 3. Les solutés colloïdes Un soluté colloïde est un soluté dont le constituant de base est l’eau, dans laquelle ont été ajoutés des substances électrolytiques (Na+, K+, Cl-,…) diffusibles dans tous les compartiments, mais surtout des constituants de haut poids moléculaire, qui ne traversent pas la membrane des capillaires sanguins et ne subissent pas de filtration glomérulaire. Il est habituel de différencier les colloïdes naturels (sang total, plasma, albumine humaine) des colloïdes synthétiques (hydroxyéthylamidons, dextrans, gélatines, dérivés d’hémoglobine animale). [28] Les solutés naturels contiennent des colloïdes sous forme protéique, l’albumine étant le principal pourvoyeur de pression oncotique (environ 80% du pouvoir oncotique global). Les colloïdes naturels ne sont pas utilisés pour le remplissage vasculaire, mais viennent éventuellement aider à sa restauration en association avec d’autres solutés. Ils sont administrés dans un but thérapeutique précis, distinct de la restauration de la 140 volémie : correction d’une anémie, apports protéiques, de facteurs de coagulation ou encore apport plaquettaire. Les colloïdes synthétiques connaissent une pharmacocinétique complexe, rendant compte de leurs caractéristiques de concentration ou de poids moléculaire, de forme, de dispersion et de charges. Expansion volémique et durée d’action diffèrent beaucoup en fonction du soluté, à la différence des solutés cristalloïdes. Les solutés colloïdes sont dits polydispersés : ils contiennent des molécules de poids moléculaire très variable. L’avantage des solutions polydispersées réside dans la modification des propriétés du soluté avec le temps. Ces solutés sont caractérisés par deux types de poids moléculaire (PM). Le PM en nombre (PMn) est le PM moyen des molécules exerçant un pouvoir colloïdo-osmotique divisé par leur nombre. Le PM en poids (PMp) est la moyenne arithmétique des PM de toutes les molécules. Le PMp est donc toujours supérieur au PMn. Le rapport PMp/PMn est le coefficient de dispersion. Il s’agit d’un indicateur prédictif de l’importance et de la durée de l’expansion volémique. [53, 62] Plus le soluté comprend de molécules de faible PM, plus l’expansion volémique initiale est importante. [53] Cependant, ces molécules sont plus rapidement métabolisées et éliminées. La présence de molécules de PM élevé détermine la durée de l’expansion plasmatique. Les molécules de PM élevé sont en effet progressivement métabolisées de façon le plus souvent complexe, en molécules de PM inférieur qui exercent alors un PEV plus important. [62] Les solutés colloïdes augmentent directement le volume circulant, en procédant à un recrutement oncotique de fluides issus du secteur extravasculaire. L’expansion volumique maximale obtenue dépend directement du volume administré et du rythme de perfusion. [53] Ces solutés permettent une expansion volémique souvent plus précoce, systématiquement plus prolongée que les solutés cristalloïdes isotoniques et hypertoniques. Ils facilitent les procédures de réanimation, le volume perfusé étant réduit. Ils n’apportent pas d’amélioration dans la capacité de transport de l’O2 mais en rétablissant la perfusion des lits capillaires, ils favorisent la délivrance d’O2 aux tissus. [62] Leur efficacité dépend de leur devenir métabolique mais aussi de l’intégrité de la paroi vasculaire et de l’élimination rénale. [51, 62] Leur propriété de remplissage vasculaire est directement dépendante de la quantité de molécules présente dans le milieu intravasculaire et donc de l’intégrité de la paroi vasculaire. [53] Si la perméabilité de celle-ci est augmentée, les molécules passent au travers et exercent leur effet dans le milieu interstitiel, conduisant alors à une diminution du volume intravasculaire. Hors, il est difficile en clinique d’estimer l’état de perméabilité microvasculaire. Seule l’estimation d’une durée d’action particulièrement courte du colloïde infusé indiquant un passage anormal des molécules à travers la barrière microvasculaire permet de suspecter une altération de cette paroi. [50] 141 3.1. L’albumine humaine Nature chimique et métabolisme L’albumine est une protéine synthétisée par le foie puis est distribuée dans l’organisme via le plasma. 40 à 45 % de l’albumine synthétisée est retrouvée dans le secteur intravasculaire ce qui correspond à une concentration plasmatique comprise entre 24 et 43 g/L chez l’individu sain. Sa synthèse est régulée pour une grande part par la pression oncotique plasmatique observée au niveau de la circulation hépatique. Sa demi-vie plasmatique est de 16 heures. Elle ne franchit pas librement la barrière endothéliale car les membranes capillaires sont imperméables à l’albumine ; cependant, toutes les 2 heures, 10% du pool plasmatique est retrouvé dans le secteur interstitiel. Son élimination est principalement intracellulaire avec une demi-vie moyenne de 14 à 16 jours. [28, 51, 53, 62, 71] Elle possède un poids moléculaire de 69000 D et est responsable de 75% de la pression oncotique dans des vaisseaux sains (le reste de la pression oncotique étant due au fibrinogène et aux globulines plasmatiques). Les cellules sanguines ne modifiant pas la pression oncotique, les pressions du plasma et du sang total sont pratiquement identiques (entre 17 et 21 mmHg). [51, 62] L’albumine ne contribue pas uniquement au maintien de la pression oncotique plasmatique : elle assure également une fonction de ligand permettant l’épuration et le transport de certaines substances (hormones, enzymes, ions, médicaments et toxines) dans l’organisme ; elle possède d’autre part des propriétés anti-oxydantes [71] Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments Administrées par voie intraveineuse, les préparations d’albumine agissent par le biais de leur pouvoir oncotique important. Les préparations disponibles sur le marché sont composées d’albumine d’origine humaine, à des concentrations différentes (4% et 20%), diluées dans des solutés électrolytiques. L’albumine 4% est iso-oncotique alors que celle à 20% est hyperoncotique. La POC de l’albumine 25% est évaluée entre 186 et 207 mm Hg. [71] Si la barrière microvasculaire restreint le flux de macromolécules, les capillaires sanguins sont eux perméables à l’albumine ce qui permet sa diffusion dans le secteur interstitiel. Cette diffusion est donc plus rapide et plus prononcée que celle des colloïdes dans le secteur interstitiel. [28] La pression oncotique interstitielle en résultant est différente selon les tissus du fait de la différence de perméabilité aux protéines des territoires microvasculaires concernés. Ainsi la concentration lymphatique protéique de la peau ou des muscles squelettiques équivaut à 50% de celle du plasma alors qu’elle est de 65% au niveau pulmonaire. [51] Le temps de demi-vie de l’albumine dans le secteur vasculaire est de 16 heures. Deux heures après administration, près de 90% de l’albumine perfusée reste dans ce secteur mais une petite fraction (10%) est retrouvée au sein du compartiment interstitiel. [28] Cette persistance dans le milieu plasmatique dépend bien sûr de l’intégrité de la 142 paroi vasculaire. Si celle-ci est altérée, on peut observer une fuite de l’albumine dans le secteur extravasculaire. Sinon, l’équilibre entres les différents compartiments de ces espaces de distribution se fait au bout de 8 à 10 jours. [53] Propriétés hémodynamiques Le PEV des solutions d’albumine humaine dépend de leur concentration. L’administration de 500 mL d’albumine 4% permet d’augmenter le volume plasmatique de 450 à 500 mL (ce qui correspond à un PEV de 95 à 100%) alors qu’il suffit de 100 mL d’albumine 20% pour obtenir le même effet (PEV de 450 à 500%). [62] Cependant, ces propriétés hémodynamiques sont peu utilisées en pratique car les solutions d’albumine humaine ne sont pas utilisées à des fins de remplissage vasculaire. Les colloïdes de synthèses se substituent à l’albumine dans cette indication. Son action est plus longue que celles des cristalloïdes mais moins que l’HEA. Chez l’homme 10% de la quantité transfusée d’albumine a disparu du secteur intravasculaire au bout de 2 heures, et 75% au bout de 48 heures. [28] Effets particuliers Contrairement aux autres colloïdes disponibles sur le marché, l’albumine n’a aucun retentissement spécifique sur l’hémostase en dehors de ceux liés à l’hémodilution. De plus, alors que des effets apparaissent dès un niveau d’hémodilution de 20% avec les colloïdes synthétiques, l’albumine reste d’un emploi sûr en ce qui concerne l’hémostase jusqu’à une hémodilution atteignant 50%. [9] L’albumine ne présente aucune toxicité propre sur la fonction rénale. [9] Indications L’albumine humaine est utilisée chez le chien lors d’ICA associée à une hypoprotéinémie sévère ce qui constitue une indication assez restreinte dans la pratique courante. Lorsque la protéinémie sérique est inférieure à 50 mg/L, la pression oncotique plasmatique est égale à la pression hydrostatique plasmatique. Par conséquent, toute perte ultérieure de protéines va promouvoir la perte de fluides du milieu intravasculaire vers le milieu interstitiel. [9] L’utilisation d’albumine 25% permet alors d’augmenter la concentration sérique en albumine et la pression artérielle systolique, grâce à son pouvoir oncotique élevé e à la réabsorption des fluides interstitiels. [71] Lors d’hypovolémie aiguë accompagnée d’une hypotension majeure, l’emploi de colloïdes synthétiques (ou de cristalloïdes si l’hypotension est minime) permet de restaurer rapidement les paramètres hémodynamiques. Ainsi les HEA permettent de maintenir la pression oncotique colloïdale et d’assurer une expansion volémique plasmatique suffisante sans recourir à l’albumine jusqu’à une perte sanguine équivalente à 50% de la volémie. D’autre part, la transfusion sanguine étant indiquée lors de perte sanguine aiguë supérieure à 25-30% de la volémie initiale, et celle-ci assurant 143 également l’apport de facteurs de transport de l’O2 et de protéines plasmatiques, la place de l’albumine apparaît négligeable.[9] Les solutés colloïdes synthétiques permettent de remplacer l’albumine humaine en ce qui concerne la restauration de la pression oncotique plasmatique (bien qu’il s’agisse alors d’une pression colloïdale). En revanche, ils n’assurent pas les fonctions de transport exercées par l’albumine. Seuls les produits sanguins ou leurs dérivés (plasma) peuvent se substituer à l’albumine humaine pour assurer ce rôle, puisqu’ils permettent un apport direct en albumine. Cependant, son prix très élevé en fait un soluté très peu utilisé en clientèle canine : le choix se portera alors plutôt vers des produits sanguins canins pour restaurer la protéinémie. L’albumine apparaît alors comme un produit de remplacement en l’absence de sang ou de plasma disponible, tout en gardant à l’esprit que celle-ci n’apporte ni globules rouges, ni facteurs de coagulation. [28] En raison de son fort pouvoir d’expansion volémique, la solution d’albumine à 20% peut être employée en cas d’hyperinflation hydrique suite à une administration trop importante de solutés cristalloïdes isotoniques. L’utilisation d’albumine 25% a permis d’améliorer la condition clinique d’animaux présentant une accumulation de fluides dans les secteurs interstitiels et pulmonaires sans effet rebond après la fin de la perfusion d’albumine. [71] Cette indication reste rare, le choix s’orientant plutôt vers le NaCl 7,5% ou vers des solutés osmotiquement actifs (mannitol) dans cette situation. Contre-indications Du fait de leur pouvoir d’expansion volémique, les solutions d’albumine ne doivent pas être employées chez les animaux présentant une surcharge vasculaire ou susceptibles de développer une hypervolémie. Ainsi, leur emploi est contre-indiqué chez les chiens atteints d’insuffisance cardiaque, d’insuffisance rénale organique et postrénale ou d’œdème pulmonaire. Leur utilisation lors d’hémodilution importante est également fortement déconseillée en raison des risques d’aggravation des troubles de l’hémostase. L’emploi de sang ou de plasma est nettement préférable dans ces conditions, permettant non seulement la restauration de la protéinémie plasmatique mais assurant également l’apport en facteurs de coagulation et en globules rouges pour le sang. Posologies recommandées [51] L’albumine humaine est administrée par voie intraveineuse, soit directement, soit après dilution dans une solution isotonique (Glucose 5%, NaCl 0,9%). La dose à administrer et le débit de perfusion dépendent de l’affection sous-jacente et des pertes liquidiennes et protéiques. 144 Le déficit en albumine peut être calculé grâce à la formule suivante, qui tient compte du volume de distribution de l’albumine dans les secteurs intravasculaire et interstitiel : Déficit (g) = [ [alb] désirée (g/L) – [alb] mesurée (g/L)] x PV x 0,3 Ainsi pour restaurer une albuminémie à 25 g/L chez un chien de 20 kg dont l’albuminémie est mesurée à 15g/L, il faut amener 60 g d’albumine, soit 300 mL de solution d’albumine 20% ou 1,2 L de solution d’albumine 4% ! Il faut 2 L de plasma ou 4 L de sang total pour apporter la même quantité d’albumine. En pratique des doses ont été extrapolées à partir de l’utilisation faite en médecine humaine. Ainsi, en cas d’hypoprotéinémie sévère, l’albumine 4% est recommandée à la posologie de 10 à 20 mL/kg en bolus [28] et l’albumine 20% doit être administrée par bolus de 2 mL/kg. [89] Effets secondaires Du fait de leur pouvoir colloïdo-osmotique, les solutions d’albumine concentrée doivent être utilisées avec précautions chez les animaux présentant un état de déshydratation. Afin de ne pas aggraver une situation déjà critique, il est préférable d’y associer la perfusion d’un soluté cristalloïde isotonique afin de rétablir et de maintenir l’hydratation du secteur extravasculaire. Il n’existe pas de solutés d’albumine concentrée d’origine canine ou féline dans le commerce. Seule l’albumine d’origine humaine est disponible mais son utilisation répétée chez le chien peut entraîner des réactions allergiques graves suite au développement d’anticorps contre les protéines hétérologues. En revanche, aucune toxicité aiguë n’a été décrite lors de son emploi chez le chien. [62] Une étude sur l’emploi d’albumine humaine 25% chez des chiens dans un état clinique critique a montré une certaine sûreté d’emploi de ce produit : le seul effet secondaire observé a été un œdème facial apparu lors de la perfusion chez 2 chiens. [71] D’autre part, le risque de transmission d’agents infectieux par le biais de ces solutés ne peut être totalement exclu, et ceci malgré les mesures de prévention mises en œuvre lors de la fabrication de médicaments préparés à partir de sang ou de plasma d’origine humaine. Il ne semble cependant pas que ce genre de complication ait été décrit à l’heure actuelle lors de l’utilisation d’albumine d’origine humaine chez le chien. Présentation galénique (tableau 7) Tableau 7: Formulations commerciales de l’albumine disponibles Composition Présentation Laboratoire VIALEBEX ® 200 mg/mL Albumine 20% 50 et 100 mL LFB VIALEBEX ® 40mg/mL Albumine 4% 100, 250 et 500 mL LFB 145 ALBUMINE HUMAINE BAXTER ® Albumine 20% 50 et 100 mL Baxter 3.2. Le plasma Le sang et les dérivés sanguins (plasma frais congelé, plasma congelé) ne sont pas utilisés en tant que solutés de remplissage pour la réanimation des animaux en ICA. La principale indication de transfusion sanguine lors de choc hypovolémique aigu chez le chien est la restauration en hématies, permettant le transport d’O2. La description de ce fluide est effectuée par la suite. Nature chimique et métabolisme Le plasma est obtenu à partir de sang frais prélevé sur anticoagulant. Le prélèvement est centrifugé ce qui permet de séparer la partie globulaire du sang du plasma. Le plasma est alors transféré stérilement dans une poche plastique permettant sa conservation à long terme. La composition du plasma diffère légèrement selon les donneurs. Il contient des électrolytes, de l’albumine (entre 25 et 30 g/L), des immunoglobulines et des facteurs de coagulation. [49, 71] Le plasma frais est alors congelé à -30°C pour obtenir du plasma frais congelé. Par cette méthode de conservation, les facteurs de coagulation gardent une activité durant une période de 1 an, l’albumine est préservée durant 5 ans. Afin d’éviter une dégradation des poches de conservation du plasma (fissure du plastique), il est conseillé de les manipuler de manière précautionneuse lors de leur utilisation avant transfusion et de les entourer de poches de protection. [489] Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments Le plasma frais possède un pouvoir oncotique très légèrement inférieur au sang total. De par sa nature, le plasma frais ou congelé administré dans le secteur intravasculaire ne diffuse pas dans les autres compartiments, sauf lors d’altération de la perméabilité capillaire ou de brèches vasculaires non colmatées ayant provoqué la fuite initiale du plasma du receveur. Il exerce une pression oncotique liée à sa concentration en albumine : en moyenne chaque gramme de plasma transfusé permet de retenir 18 mL d’eau dans le secteur intravasculaire. [80] Propriétés hémodynamiques Le plasma agit dans le milieu intravasculaire par le biais de son pouvoir osmotique et oncotique lié à la concentration en albumine. La demi-vie des protéines plasmatiques est de 5 à 15 jours (16 h pour l’albumine), ce qui permet théoriquement d’assurer des effets durables. [80] 146 Indications De même que les solutions d’albumine humaine, ces solutés ne sont pas des solutés de remplissage. Le plasma frais congelé est indiqué lors de déficit en facteurs de la coagulation, situation rencontrée lors d’intoxication aux rodenticides, d’insuffisance hépatique ou de CIVD secondaire à une hémorragie. [49] Bien qu’il ne soit pas indiqué à cette fin, il peut être utilisé lors d’hypoprotéinémie et/ou d’hypoalbuminémie importante afin de restaurer la pression oncotique plasmatique du receveur et d’assurer les fonctions de transport et de tampon exercées par l’albumine. [62] Cependant, cet emploi doit être limité aux situations ou aucun autre soluté adapté n’est disponible pour remplir cette fonction. Contre-indications Le plasma frais congelé ne doit pas être utilisé en tant que soluté de remplissage vasculaire, ni comme source d’albumine ou en tant que support nutritionnel. [49] Posologie recommandée [49] Il a été montré qu’il faut transfuser 45 mL/kg de plasma pour augmenter la concentration d’albumine de 1g/dL. De telles doses rendent impossible le traitement correctif de l’hypoalbuminémie par administration de plasma en médecine vétérinaire. Pour le traitement des coagulopathies, la dose doit être administrée à effet ; on recommande une posologie initiale de 6 à 10 mL/kg lors de désordre de la coagulation. Cette dose doit ensuite être adaptée à la réponse de l’animal. Plusieurs administrations peuvent être nécessaires pour contrôler les saignements en raison de la demi-vie très courte des facteurs de coagulations. Le débit de perfusion peut atteindre les 4 à 6 mL/min et la durée totale de la transfusion ne doit pas excéder 4 heures afin d’éviter le risque de croissance bactérienne dans le plasma maintenu à température ambiante sur une période prolongée. Le plasma doit être réchauffé à température ambiante avant d’être administré ; l’usage de micro-ondes est déconseillé pour un réchauffement rapide car il entraîne une dénaturation des protéines. L’usage du bain marie doit être préféré pour un réchauffement rapide. Le plasma doit alors être utilisé dans les 4 heures suivant sa décongélation. Effets secondaires Il existe de nombreuses limites à l’utilisation pratique du plasma. En effet, ce soluté est rarement disponible, peut entraîner des réactions allergiques, diminue la concentration en calcium ionisé plasmatique, diminue l’inotropisme cardiaque et peut altérer la fonction pulmonaire. [28] 147 Disponibilité En pratique, peu de structures en France permettent de réaliser les manipulations nécessaires à l’obtention de plasma (matériel de cytocentrifugation spécifique), qu’il soit frais ou congelé. De ce fait, ces produits sont peu employés par manque de disponibilité. D’autre part, les banques de sang de petits animaux sont peu nombreuses et ne répondent pas aux attentes lors de situation de choc hypovolémique aiguë (nécessité d’une prise en charge immédiate ne permettant pas les délais d’attente du transport des solutés des banques de sang). Par conséquent, ces produits sont fréquemment remplacés par du sang frais total, lequel est plus facilement disponible et remplit les mêmes indications que le plasma en apportant en plus des globules rouges. De nombreuses structures possèdent en effet le matériel nécessaire au prélèvement immédiat de sang, ou encore de poches de sang conservées au frais. Même en l’absence de poches de sang de réserve, il est relativement aisé de trouver rapidement un donneur potentiel, dont on connaît le statut vaccinal et l’état de santé. [49] 3.3. Les dextrans Nature chimique et métabolisme Les dextrans sont des solutés polysaccharidiques isotoniques obtenus à partir de cultures bactériennes. Il existe plusieurs formulations différant par leur poids moléculaire : le dextran 40 et le dextran 70. Le poids moléculaire moyen du dextran 70 est de 70 000 D, ce qui le rapproche de l’albumine mais la majorité des molécules le composant ont un poids moléculaire proche de 39 000 D. [28, 47] Le dextran 40 possède un PMp de 40 000 D et un PMn de 26 000D. Ces molécules sont métabolisées de façon complexe au niveau splénique, hépatique, pulmonaire, rénal, cérébral et musculaire. [62] Une partie est métabolisée pour produire du CO2, une autre est éliminée par le tube digestif mais la majorité subit une épuration par les voies urinaires. Ainsi, au bout de 6 heures, environ 40 à 60% du dextran 40 perfusé est retrouvé dans les urines et 30% s’il s’agit de dextran 70. [53] Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments Ce type de soluté agit par son pouvoir colloïde propre. Celui-ci est estimé à 60 mm Hg pour le dextran 70 et est supérieur pour le dextran 40. Leur administration par voie intraveineuse entraîne donc un appel d’eau du secteur extravasculaire vers le secteur plasmatique. 148 La demi-vie des dextrans dans le plasma est déterminée par leur poids moléculaire : les polymères larges restent dans le sang jusqu’à ce qu’ils soient fractionnés en de plus petites molécules capables de passer la barrière endothéliale. Leur structure linéaire leur permet de franchir facilement les membranes capillaires pour rejoindre l’espace interstitiel ; il leur est possible ensuite de rejoindre le flux sanguin via le système lymphatique. [62] Propriétés hémodynamiques Le pouvoir d’expansion de ces solutés dépend de leur type et de leur concentration. Le PEV du dextran 70 est de 80 à 100% et sa demi-vie approximative de 25,5h avec un effet clinique de 24 heures. [28, 47] Le dextran 40 contenant plus un plus grand nombre de molécules que le dextran 70, il possède un PEV plus important : celui-ci est de 150% au bout d’1 heure, de 210% au bout de 2 heures de perfusion. Mais la majorité des molécules qui le composent ont un poids moléculaire moyen de 26 000D, ce qui lui confère une demi-vie très courte (1,5 à 3 heures). En effet, la demi-vie des molécules de PM< 36 000D est d’environ 30 minutes et 7,5 heures pour celles dont le PM est compris entre 44 et 55 000 D. [47] Ce sont les molécules de grande taille qui sont responsables de l’expansion plasmatique de longue durée. 24 heures après administration, 19% du volume perfusé est encore présent dans le secteur intravasculaire. [62] Les petites molécules composant ces solutés disparaissant plus rapidement du milieu intravasculaire que les plus larges, les dextrans sont plus efficaces après plusieurs jours d’utilisation continue. Les molécules dont le poids moléculaire moyen dépasse 50 000D sont distribuées dans le corps et sont ensuite métabolisées à raison d’environ 70 mg/kg de poids vif par jour. [39, 47, 62] Effets particuliers Comme tous les solutés de synthèses, ces produits écartent les risques de transmission de maladie infectieuse et sont compatibles avec tous les groupes sanguins. Ils se conservent à température ambiante pendant plusieurs mois, sont facilement disponibles et moins dispendieux que les produits d’origine humaine. [68] Les dextrans possèdent des propriétés anti-thrombotiques qui peuvent se révéler intéressantes chez les patients à risque de thromboembolie. Ces propriétés sont dues à l’hémodilution qu’ils provoquent, à un changement transitoire de la fonction du facteur VIIIc et à une diminution de la fonction agrégante plaquettaire et de la stabilité du thrombus. Ceci est d’autant plus marqué pour les dextrans de faible poids moléculaire. [62] Indications Les dextrans sont indiqués pour le remplissage vasculaire lors de situation d’hypovolémie aiguë afin de rétablir la volémie en restaurant la pression colloïde 149 plasmatique. Leur propriété anti-thrombotique encourage leur utilisation lors de risque de thromboembolie. Cependant, ces solutés sont progressivement délaissés au profit des hydroxyéthylamidons : en effet, ceux-ci semblent posséder des propriétés hémodynamiques similaires voire plus intéressantes, sans présenter les effets délétères associés à l’emploi des dextrans. Contre-indications De même que les autres solutés de remplissage, les dextrans sont contre-indiqués en cas de surcharge du milieu vasculaire. Leur administration est déconseillée lors d’altération majeure de la perméabilité membranaire qui favoriserait leur passage dans le milieu extravasculaire, l’apparition d’œdèmes périphériques et pulmonaires ainsi que la déplétion du volume plasmatique. L’administration de dextran 40 (surtout dans sa présentation à 10%) exposerait également au risque de développement d’insuffisance rénale aiguë, principalement lors d’utilisation de volumes de perfusion importants (>20 mL/kg/j) durant plusieurs jours consécutifs. En effet, son bas poids moléculaire autorise sa filtration par le glomérule rénal. Lors de réabsorption tubulaire d’eau, la lumière tubulaire est alors occupée par un liquide visqueux, dans lequel le dextran 40 peut précipiter et obstruer définitivement le tubule rénal (néphropathie tubulaire). Cet effet secondaire semble beaucoup plus rare lors d’utilisation de dextran 60 voire 70, la taille des molécules limitant leur passage à travers le glomérule rénal. [53, 62] Certaines formes de toxicité rénale aiguë réversible sont également décrites (altération du débit de filtration glomérulaire par des phénomènes osmotiques complexes). Pour cette raison, les dextrans semblent être contre-indiqués lors de néphropathie connue. Les dextrans et en particulier ceux ayant un poids moléculaire élevé peuvent entraîner diverses altérations de l’hémostase chez le chien, par le biais d’un effet dosedépendant. Cet effet se caractérise par une baisse des facteurs VIIIc et von Willebrand avec une diminution de l’adhésivité plaquettaire, ainsi qu’une altération de la polymérisation de la fibrine. [28] Cliniquement, ces altérations peuvent se traduire par un allongement du temps de saignement et du temps de céphaline activée. Ces altérations potentielles justifient la contre-indication des dextrans lors de thrombopénie ou d’altération de l’hémostase secondaire. Posologies recommandées La dose maximale recommandée est de 20 mL/kg/j qu’il s’agisse d’un bolus ou d’une perfusion continue. [28] Effets secondaires Les dextrans peuvent occasionner certains effets secondaires graves. La crainte de ces effets secondaires a très largement freiné leur utilisation en médecine vétérinaire au 150 profit des hydroxyéthylamidons. Ces effets sont largement décrits en médecine humaine, et beaucoup moins documentés en médecine vétérinaire. Des réactions allergiques graves sont rapportées. Elles sont de type anaphylactoïde pour les dextrans de poids moléculaire élevé, mais tous les dextrans peuvent entraîner une réaction anaphylactique avec réaction antigène-anticorps. En médecine humaine, ces réactions justifient l’utilisation préalable de dextran haptène de faible poids moléculaire (Promit ®, 20 mL, PMp = 1000 D) 2 minutes avant l’administration de dextran de poids moléculaire plus élevé. Cette pratique permettrait de réduire l’incidence de ces réactions et d’en éradiquer presque complètement les formes sévères. [53] En pratique vétérinaire, l’incidence de ces réactions demeure inconnue. [62] Face aux effets décrits sur l’hémostase, certains auteurs ont observé une diminution de la capacité de coagulation lors d’actes chirurgicaux ou de pose de cathéters chez des animaux ayant reçu ce type de soluté et ne recommandent pas leur emploi chez les patients nécessitant une intervention chirurgicale ou la mise en place d’un matériel de surveillance clinique invasif. [28] L’administration de dextrans peut potentiellement perturber diverses évaluations paracliniques. Il est ainsi possible d’observer une augmentation de la glycémie (résultat du métabolisme du soluté, donc proportionnelle au volume administré), une perturbation des méthodes de mesure de la bilirubinémie (fausse augmentation) et de la lecture de la protéinémie par réfractométrie, une formation spontanée de rouleaux hématiques et une perturbation de l’évaluation d’un test de compatibilité sanguine (adsorption à la surface de la membrane érythrocytaire) avec le dextran 70. [62] . Présentation galénique 2 spécialités à base de dextrans sont actuellement disponibles en France (tableau 8): l’une ne contient que des dextrans et l’autre est un mélange d’une solution saline hypertonique et d’une solution macromoléculaire de dextran. L’efficacité du SSH est de courte durée, son association à une solution colloïdale permet la prolongation de son activité. Cette association permet à la fois un effet sur le remplissage vasculaire, des actions sur la vasomotricité avec une amélioration de la microcirculation et de la fonction myocardique. [95] Tableau 8: Formulations commerciales à base de Dextrans disponibles Dextran 40 (g/L) Dextran (g/100mL) Sorbitol (g/L) NaCl (g/100 mL) Format Laboratoire 70 DEXTRAN 40 000 ® 100 0 RESCUEFLOW ® 0 6 50 0 Flacon 500 mL Fresenius Kabi France 0 7,5 Poche 250 mL Belamont 151 3.4. Les gélatines fluides modifiées Nature chimique et métabolisme Il s’agit de solutés polypeptidiques obtenus à partir de collagènes d’origine animale ou végétale. Les gélatines fluides modifiées (GFM) ont des chaînes de 8000 à 15 000 D avec des radicaux aminés à leurs extrémités, bloqués par succinylation. Leur poids moléculaire moyen est de 35 000 D. La concentration de ces solutions ne dépasse pas 3,5 à 4,5%. [28, 53] L’élimination de ces molécules se fait par voie urinaire avec une excrétion maximale dans les deux premières heures, ce qui explique la courte durée de leur expansion volémique. [53] Du fait d’un poids moléculaire élevé, la filtration glomérulaire est plus lente que pour les cristalloïdes ce qui autorise une durée d’action plus longue. [90] Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments Ce sont des solutés hypo-oncotiques au plasma. [95] Ils permettent d’augmenter la volémie d’un volume égal à celui qui a été perfusé. En effet, ils ne créent pas d’appel d’eau à partir du secteur extravasculaire mais leur composition empêche la diffusion du liquide plasmatique vers les autres secteurs. 20% des molécules sont de très petites tailles ce qui entraînent leur diffusion rapide dans le secteur interstitiel. [53] Propriétés hémodynamiques Ces solutés ne créent pas d’appel d’eau : l’expansion volémique qu’elles procurent est donc égale au maximum au volume perfusé. Cependant, les molécules de faible PM diffusant très vite vers le secteur interstitiel, leur PEV est réellement de 60-100% pour une durée d’action oscillant entre 3 et 4 heures. [53, 95] 60% de la dose administrée est éliminée au bout de 24 heures, il n’y a pas d’accumulation dans l’organisme. Effets particuliers Contrairement aux autres colloïdes synthétiques, les GFM n’entraînent pas de troubles de l’hémostase, en dehors de ceux liés à l’hémodilution. [53] En revanche leurs propriétés rhéologiques favorisent l’agrégation plaquettaire et érythrocytaire : il en résulte l’apparition de microthrombi capillaires qui accentue la stase sanguine 152 Ces propriétés associées à leurs effets hémodynamiques ne leur permettent donc pas de restaurer une perfusion tissulaire périphérique correcte et prolongée. [82, 90] Indications Les GFM sont indiquées pour le remplissage vasculaire en situation d’hypovolémie aiguë. Leur faible durée d’action n’en fait pas un soluté de choix pour les hypovolémies prolongées. Posologie recommandée Il n’existe pas de limitation de volume dans leur emploi. Leurs faibles concentrations font que les volumes d’administration peuvent être grands sans générer de complications de surcharge. [53] La posologie recommandée habituellement est de 10 à 20 mL/kg (dose unitaire renouvelable). [80] Effets secondaires Des réactions anaphylactiques ont été décrites lors de leur utilisation chez l’homme mais pas chez le chien. [53, 54] Une augmentation du temps de thromboplastine est rapportée lors de leur utilisation mais sans manifestation clinique de saignement associée. [13] Présentation galénique Quatre spécialités sont disponibles en France (tableau 9). Tableau 9 : Formulations commerciales de GFM disponibles Composition PLASMION PLASMAGEL PLASMAGEL GELOFUSINE (par L) 3% DESODE 4% GFM (g) 30 30 30 40 Glucose (g) 0 0 50 0 Na+ (mmol) 150 150 26 1540 Cl- (mmol) 100 150 0 1250 K+ (mmoL) 5 0 0 0 Lactate (mmol) 30 0 0 0 Ca++ (mmol) 6,2 13,5 0 0 pH 7,0-7,5 5,5-6,6 7,4 Osmolarité(mOsm/L) 287 - 300 311-350 2740 Format Poche 500 mL Laboratoire Fresenius Kabi France B Braun Medical 153 3.5. Les Hydroxyéthylamidon (HEA) Nature chimique et métabolisme Les HEA sont des solutions de polysaccharides naturels modifiés, extraits du maïs riche en amylopectine, dont la structure moléculaire est proche de celle du glycogène. [28] Ces solutés sont hydrolysés par l’alpha-amylase plasmatique. L’adjonction de groupements hydroxyéthyls- sur les molécules de glucose (sur les carbones en position 2 ou 6) permet de ralentir la dégradation enzymatique, de stabiliser la solution, de réduire sa viscosité et d’augmenter sa solubilité aqueuse. [9, 53] L’hydrolyse d’un HEA est plus lente lorsque le groupement est porté en position C2 et non en C6. Le rapport C2/C6 est défini par le ratio du nombre de carbones en C2 porteur d’un hydroxyéthyl- sur le nombre de carbones en C6 porteurs de ce même groupement. Ce rapport est dit élevé lorsqu’il est supérieur à 8. Le degré de substitution molaire est défini comme le pourcentage de molécules de glucose porteuses d’au moins un groupement hydroxyéthyl. Le taux de substitution molaire (TSM) est le rapport molaire des concentrations d’hydroxyéthyl et de glucose. [53] En France, les HEA commercialisés ont un TSM compris entre 0,45 et 0,70. Plus le TSM est élevé et plus la demi-vie plasmatique est longue du fait de l’accumulation des molécules de PMp élevé. Ce taux est dit élevé s’il est supérieur à 0,6. Seuls les HEA de poids moléculaire (PM) moyen sont commercialisés en France. Les HEA à découpage rapide (PM<100 000 D) exercent des effets rhéologiques favorables sur la viscosité sanguine et l’agrégation érythrocytaire. Les caractéristiques des HEA sont rappelées dans le tableau 10. Tableau 10: Définitions concernant certaines caractéristiques des HEA [9] PMp Haut Moyen Bas 450-480 130-200 40-70 Elevé Bas 0,6-0,7 0,4-0,5 Elevé Bas ≥8 <8 Elevé Bas 10 6 TSM Rapport C2/C6 Concentration 154 Le métabolisme des HEA est complexe, en raison du caractère polydispersé de ces solutés. Les molécules de PM inférieur à 70 000 D sont rapidement filtrées au niveau glomérulaire et connaissent ainsi une élimination urinaire. Les molécules de PM élevé sont dégradées par réaction enzymatique plasmatique (i.e, alpha-amylase) ou par le système réticulo-endothélial. [53] Les molécules de PM moyen passent dans le milieu interstitiel et circulent dans le réseau lymphatique. [28] Mode d’action et de diffusion dans les différents compartiments Les HEA possèdent un pouvoir oncotique élevé : chez l’homme, ils augmentent la pression oncotique de 36% alors que l’administration d’un volume équivalent d’albumine 5% n’augmente la pression oncotique que de 11%. Ils favorisent ainsi la rétention des fluides dans le secteur plasmatique et préviennent la fuite des protéines dans le milieu interstitiel, diminuant ainsi le risque d’oedème. [62] Propriétés hémodynamiques Les propriétés hémodynamiques des HEA dépendent de leurs caractéristiques physico-chimiques propres. Des études réalisées en médecine humaine ont montré que le pouvoir d’expansion volémique initial est similaire avec l’HEA 130, 200/05 et 200/0,6 : en effet, le PEV dépendant du nombre de molécules disponibles plus que de leur taille, l’augmentation de pression colloïdale est similaire avec les différents HEA. Il est d’environ 130 à 150% 30 minutes après la fin de la perfusion. En revanche la durée d’expansion volémique diffère selon ces solutés en raison de l’élimination des molécules en fonction de leur PM. Ainsi, on observe un retour à l’état basal 6 à 8 heures après la perfusion d’HEA 130 alors qu’il faut 24 à 48h pour que le volume plasmatique retourne à sa valeur initiale lors de l’utilisation d’HEA 200. Leur demi-vie dépend du taux d’absorption des molécules par les tissus (foie, rate, rein et cœur), de leur retour graduel dans la circulation systémique, de leur reprise par le système réticulo-endothélial, de leur dégradation enzymatique par l’amylase et de leur excrétion urinaire. [61] La demi-vie est nettement plus courte avec l’HEA 130 (12 heures) qu’avec l’HEA 200/0,5 (31 heures) et 200/0,6 (70 heures). [9] Bien que les HEA 200 possèdent peu de molécules de poids moléculaire > à 70000 D, ils persistent plus longtemps dans le secteur plasmatique que le dextran 70 car de nouvelles particules sont progressivement formées grâce à l’action de l‘α-amylase sur les larges molécules alors que les autres petites particules sont excrétées. [39, 62] Effets particuliers Un soluté d’HEA peut diminuer la perméabilité microvasculaire altérée par les radicaux libres libérés lors de la reperfusion. Ceci serait du à leur poids moléculaire 155 moyen oscillant entre 100 et 300 000 D. [50] De plus, il diminue la concentration plasmatique des molécules d’adhésion : il en résulte une diminution de l’adhésion des leucocytes aux cellules endothéliales et une amélioration de la microcirculation. [62] Chez l’homme, il a été montré que les HEA améliorent la pression de perfusion cérébrale et la récupération neurologique lors de trauma crânien, mais pourraient aussi être à l’origine d’hémorragie intracrânienne. [62] Les HEA à forte concentration (10%) et à haut TSM auraient des propriétés de colmatage au niveau des capillaires cérébraux altérés, permettant ainsi de réduire les lésions chez les patients présentant un œdème cérébral. [53] Indications Les HEA sont indiqués pour le remplissage vasculaire lors de situation d’hypovolémie afin de rétablir un volume vasculaire sur une période durable (dépendant du type d’HEA choisi). Lors d’hypovolémie aiguë, les HEA à faible concentration sont préférés : ceux-ci entraînent une augmentation du volume intravasculaire égale au volume perfusé ce qui permet d’estimer l’étendue des pertes en fonction des compensations obtenues. D’autre part, ils maintiennent les capacités de redistribution des fluides dans les différents espaces extracellulaires par rapport aux HEA de forte concentration. Ces deniers trouvent leur indication dans les cas d’hypovolémie très sévère où leur administration en faible quantité permet une expansion volémique maximale sans provoquer d’accumulation de colloïdes alors que le contrôle des pertes sanguines n’est pas encore possible. [53] Lors d’hypovolémie prolongée (>12-24 h), l’association de cristalloïdes à des HEA à durée de vie prolongée est préférée afin de stabiliser le volume du secteur vasculaire. Les solutés de choix sont alors les HEA de faible concentration à TSM élevé. [53] Si les pertes sont relatives mais durables, le choix doit s’orienter sur des HEA à durée de vie intermédiaire, c'est-à-dire ceux dont le TSM est faible. Ceux-ci permettent de rétablir un volume vasculaire adéquat en limitant les effets délétères sur l’hémostase, la fonction rénale et la saturation du système réticulo-endothélial retrouvés avec les produits à dégradation et élimination lente (HEA à longue durée de vie et utilisés de manière répétitive). [53] Lors d’hypoprotéinémie aiguë ou chronique, les HEA permettent de restaurer une pression oncotique colloïde plasmatique évitant la fuite des liquides vers l’espace interstitiel. Cependant, ce traitement n’est que palliatif et la cause primaire de l’hypoprotéinémie doit être recherchée et corrigée. [62] Contre-indications Une utilisation ponctuelle des HEA n’entraîne pas de conséquence sur la fonction hépatique, même en présence d’une cirrhose. Cependant, chez l’homme, l’emploi des HEA est contre-indiqué lors d’atteinte hépatique chronique. En effet, des perfusions 156 répétées et en volume important d’HEA 200 entraînent une accumulation dans le système macrophagique hépatique, à l’origine d’une hypertension portale sévère et d’une insuffisance hépatique. Cet effet est majoré lors d’atteinte chronique préalable du foie, avec ou sans cirrhose et en présence d’une insuffisance rénale. [53] Posologies recommandées Pour tous les HEA, la dose maximale est de 30-40 mL/kg le premier jour et 20 mL/kg les jours suivants. Ils peuvent être utilisés plus de 4 jours et à des doses cumulées de plus de 80 mL/kg à condition de surveiller l’hémostase. [62] Effets secondaires Les HEA utilisés en volume maximal de 30 mL/kg le premier jour ont une neutralité sur l’hémostase. Cependant, certaines altérations rares de l’hémostase sont rapportées, principalement en médecine humaine. Ces altérations se caractérisent par une diminution du facteur VII, du facteur von Willebrand et par une altération de la polymérisation du caillot de fibrine. [53] Cliniquement, ces altérations se traduisent par un allongement du temps de saignement, une diminution du temps de thrombine et un allongement du temps de céphaline activée. Ces accidents se produisent lors de perfusion massive (>40 mL/kg) et rapide d’HEA de PM, ratio C2/C6 et TSM élevés et lorsque l’hémodilution dépasse 30%. Pour ces raisons, ces solutés doivent être utilisés avec précaution lors d’état de choc associé à une coagulopathie acquise. Ils semblent être donc déconseillés lors d’hémophilie et de maladie de Von Willebrand. La surveillance doit être renforcée lors de l’utilisation concomitante d’AINS ou d’anti-thrombotiques. [9] L’ensemble de ces effets peut aboutir à une augmentation du temps de saignement chez des patients à traumatisme majeur lors de l’utilisation d’HEA, d’autant plus si l’on considère que son utilisation permet une augmentation du flux microcirculatoire et de la pression artérielle. Cependant, il semble que ces conséquences soient très rares si l’on respecte les doses préconisées. [62] En médecine humaine, des travaux ont démontré que les patients ayant reçu des HEA avaient une volémie mieux conservée dans le temps que ceux ayant reçu des GFM. Après plusieurs jours d’administration, les HEA peuvent perturber l’évaluation d’un test de compatibilité sanguine. L’administration par voie intraveineuse d’HEA peut entraîner une augmentation sérique temporaire de l’amylase, sans modification associée de la fonction pancréatique. [51, 53, 62] Cette augmentation est proportionnelle au volume perfusé. Aucune conclusion clinique ne doit en être tirée. Lors de leur absorption par le rein, les molécules d’HEA peuvent être stockées momentanément dans les cellules épithéliales des tubules rénaux sans altération de la fonction rénale. [62] Lors d’atteinte rénale modérée, il est possible d’employer des HEA de PM moyen et de TSM ≤ 0,5 à condition de surveiller attentivement les paramètres de la fonction rénale. En revanche, il est déconseillé d’utiliser les HEA de haut PM et TSM en quantité importante ou sur plusieurs jours afin d’éviter le développement d’une 157 insuffisance rénale aiguë hyperoncotique ou secondaire à une néphrose osmotique. Lors d’insuffisance rénale sévère, les HEA doivent être évités au profit de gélatines fluides modifiées. [9] La tolérance immuno-allergique des HEA est excellente. Leurs effets toxiques semblent rares en médecine vétérinaire, en particulier chez le chien, même après perfusion de volumes importants. L’HEA n’entraîne pas de réaction toxique ou allergique chez le chien mais peut entraîner une activation du complément. [62] Un des effets secondaires potentiels est lié au solvant des HEA (mais également de la majorité des colloïdes). Les solutions d’HEA sont diluées dans un solvant de sérum salé isotonique dont la perfusion en grande quantité pourrait entraîner une acidose hyperchlorémique : leur emploi peut donc en favoriser l’apparition ou l’aggravation. Afin de limiter l’apparition de cette acidose, il est conseillé d’employer le RL comme soluté de remplissage vasculaire en association avec les HEA plutôt que le NaCl 0,9% lors de choc hypovolémique. [9] Présentation galénique (tableau 11) Tableau 11: Formulations commerciales des HEA disponibles HEA (g/100 mL) NaCl (g/100 mL) [Na+] (mmol/L) [Cl-] (mmol/L) pH Osmolarité (mOsm/L) TSM Format Labo. VOLUVE N® HEAFUSINE 6% ® PLASMOHES 6% ® HYPERHES ® HEA 200 000….6g PENTASTARCH 6% ® HEA 200 000….6g HEA 130 000....6 g 0,9 HEA 200 000….6g 0,9 0,9 7,2 154 154 154 1232 154 154 154 1232 4,0-6,0 310 3,5-6,5 308 3,5-6,0 2464 4,0-5,5 308 0,38-0,45 Poche de 500 mL Fresenius Kabi 4,0-7,0 310 Poche 500 mL B Braun Medical 0,45-0,55 Poche 250, 500 mL Aguettant HEA 200 000....6g 0,43-0,55 Poche 250 mL Poche 250 mL Baxter Fresenius Kabi France Il existe également une spécialité à base d’HEA 240 000 (HESTERIL 6% ®, Laboratoire Fresenius Kabi France), mais celle-ci est en cours de retrait du marché du fait des effets secondaires rencontrés. L’HYPERHES ® est un mélange HEA/saline hypertonique prêt à l’emploi. 158 4. Choix du type de soluté Le choix du soluté à administrer est dépendant du degré d’hypoperfusion tissulaire, de la pression oncotique plasmatique, du besoin de produits sanguins ou dérivés (hématies, facteurs de coagulation…) et de l’état de la membrane capillaire dont dépend largement la survenue d’oedèmes dans certains territoires (poumons, cerveau, tissus périphériques). Il dépend également de l’efficacité des solutés, définie d’après l’expansion volémique qu’ils créent à court terme et d’après leur demi-vie intravasculaire dont dépend en partie leur efficacité à long terme et est influencé par la nature des propriétés de leur excipient. [53] Lors de déficit de la perfusion tissulaire, le clinicien est amené à rechercher la cause de ce déficit afin de le corriger de manière adéquate. Cependant, le temps étant souvent un facteur limitant lors de situation de choc, cette démarche étiologique ne doit pas retarder la restauration du volume plasmatique : dans cette optique, l’administration raisonnée de colloïdes sera toujours bénéfique qu’il s’agisse d’un choc circulatoire secondaire à un traumatisme, d’une hypovolémie ou d’une mauvaise distribution sanguine. [60] 4.1. Phase d’instauration du choc ( figure 35) Lorsque le choc est en phase d’instauration, que la perfusion tissulaire est peu modifiée et qu’il n’y a pas de signe d’augmentation de la perméabilité capillaire, la thérapeutique liquidienne a pour objectif thérapeutique de remplacer les pertes et maintenir le statut d’hydratation du patient. Une perfusion de cristalloïdes est alors indiquée. [60] Cette situation correspond à une déperdition sanguine minime (0 à 15% de la masse sanguine). Le choix du soluté se porte généralement sur du Ringer Lactate car celui-ci présente l’avantage d’apporter moins de chlore que le NaCl 0,9% et d’avoir un effet alcalinisant quand le lactate se transforme en bicarbonates au niveau du foie. Cependant, il est préférable d’utiliser le NaCl isotonique lors d’insuffisance hépatique, de traumatisme crânien, d’hyperkaliémie ou de transfusion sanguine combinée. [96] Utilisés dans des limites de volume raisonnable, l’avantage des cristalloïdes est leur faible coût, leur composition quasi physiologique et l’absence de risque anaphylactique ou de transmission d’agent pathogène. 159 Figure 35 : PHASE D’INSTAURATION DU CHOC (STADE CLINIQUE I) EXAMEN CLINIQUE Etat de conscience : N Muqueuses : roses foncées à rouges TRC<1s FC : élevée (grand CN >140, petit CN >160) PAM > 80 mmHg et pouls frappé EXAMEN PARACLINIQUE Ht > 15-20%, Ptot >40- 45 g/L, Alb >18 g/L OUI PRODUITS SANGUINS NON Perfusion CRISTALLOIDES ISOTONIQUES 20-40 mL/kg (IV) en 20 min (Ringer Lactate en première intention sauf si hyperkaliémie, trauma crânien, IH) -----------------------------------------------------------------------------------Protocole analgésique EXAMEN CLINIQUE Etat de conscience : N Muqueuses : roses TRC<2s FC : normalisée PAM > 80 mmHg, pouls frappé Etat hémodynamique stationnaire DOSE CUMULEE PERFUSEE Cristalloïdes < 90 mL/kg en 1 h CORRECTION DESHYDRATATION ET PERTES ADDITIONNELLES BESOINS D’ENTRETIEN Cristalloïdes isotoniques 40-60 mL/kg/j NON DETERIORATION CLINIQUE Envisager protocole Stade II ou III OUI BOLUS HEA 10 ml/kg (IV) en 10-15 min Volume cumulé < 30-40 mL/kg # Prise en compte de l’anamnèse Lors d’insuffisance cardiaque, de lésions pulmonaires, de traumatisme crânien : une surveillance de la PVC est souhaitable afin de diminuer les risques d’hypervolémie associés à la thérapeutique liquidienne # L’évaluation et la prise en charge rapide de la douleur permet d’améliorer le statut clinique et de diminuer les interférences avec les paramètre hémodynamiques de surveillance (FC, PA). 160 4.2. Phase de choc établi (figure 36) Si l’animal présente un déficit majeur de la perfusion tissulaire périphérique (stade clinique II), il semble que la perfusion de colloïdes synthétiques doive être entreprise d’emblée. Cette situation peut être rencontrée dés la prise en charge initiale de l’animal, chez les chiens présentant des signes d’inflammation systémique secondaire avec vasodilatation périphérique, altération de la perméabilité capillaire et hypoalbuminémie concomitante. Les animaux pris en charge en phase d’instauration du choc hypovolémique et ne montrant pas d’amélioration suite à la perfusion massive de cristalloïdes sont également des candidats à la perfusion de colloïdes. L’utilisation de colloïdes permet d’éviter les complications rencontrées avec les cristalloïdes: leur capacité et leur rapidité d’expansion volumique et leur temps de demivie autorise l’utilisation de faibles volumes de perfusion et diminue l’hémodilution. L’objectif est alors d’obtenir une pression oncotique supérieure à 17 mm Hg afin de retenir les fluides dans le milieu intravasculaire sans causer de surcharge volumique. [61] Leur emploi permet de diminuer les pertes dans le troisième secteur, d’améliorer les conditions de réanimation et de réduire le temps d’hospitalisation da l’animal. Les colloïdes permettent d’augmenter la pression oncotique et assurer le remplissage intravasculaire mais n’apportent ni hématies, ni facteurs de coagulation, ni albumine (sauf l’albumine humaine). Dans ce cas, une transfusion de sang ou de ses dérivés est indiquée, mais celle-ci ne peut être considérée comme un moyen d’augmenter la pression oncotique du sang puisque les produits transfusés ont la même pression oncotique que celle du plasma du receveur (sauf en cas d’hypoprotéinémie sévère). [61] Afin de sélectionner le colloïde le plus adapté pour traiter l’état de choc, le clinicien doit se référer aux caractéristiques des différents solutés disponibles. Dans ce contexte, la molécule d’albumine peut servir de marqueur de la taille des pores de membranes capillaires. En situation physiologique, la taille de cette molécule ne l’autorise pas à passer à travers la membrane capillaire. L’albumine reste alors dans le secteur intravasculaire et maintient la pression oncotique plasmatique. Si la perméabilité capillaire est altérée, on observe une fuite de l’albumine dans le secteur interstitiel ce qui aboutit à une baisse de la pression oncotique plasmatique et l’apparition d’une hypovolémie et à la formation d’œdème. [60] Par exemple, chez les animaux présentant une réaction inflammatoire systémique mais avec une fonction hépatique saine et sans lésion rénale ou gastro-intestinale à l’origine d’une fuite protéique, le dosage de l’albuminémie plasmatique peut orienter dans le choix d’un colloïde. En effet, une hypoalbuminémie est alors le marqueur d’une altération de la perméabilité capillaire autorisant la fuite de molécules de poids moléculaire au moins équivalent à 69 000 D, hors du secteur intravasculaire. Il est alors judicieux de perfuser un soluté dont le poids moléculaire est supérieur à 69000 D. En effet, des solutés de bas poids moléculaire, tel que le dextran 40 ou les GFM, seraient alors filtrés vers le milieu extravasculaire, entraînant l’eau avec eux et aggravant l’hypovolémie. Choisir un soluté de haut poids moléculaire permet de s’assurer du maintien des molécules dans le secteur plasmatique : une perfusion d’HEA (de poids moléculaire 200 000 D) semble donc adaptée. 161 En raison des avantages et des inconvénients de chaque type de soluté, il apparaît intéressant de combiner l’utilisation des colloïdes et des cristalloïdes dans la phase de stabilisation d’un patient en état de choc hypovolémique. En effet, les colloïdes synthétiques permettent une restauration rapide du volume intravasculaire tout en diminuant le risque de surcharge volumique interstitielle. Cependant, leur emploi est conditionné par la possibilité d’attirer les fluides du milieu extravasculaire vers le milieu plasmatique. L’utilisation de cristalloïdes seuls aurait pour conséquence d’augmenter la pression hydrostatique intravasculaire, de diminuer d’autant plus la pression oncotique et de favoriser le passage des fluides vers le milieu interstitiel. [61] Leur emploi en association avec les colloïdes est au contraire bénéfique voire indispensable pour remplir le milieu interstitiel et permettre le retour de ces fluides vers le secteur plasmatique via l’action des colloïdes. L’association des deux solutés assure donc le remplissage du milieu plasmatique tout en diminuant la surcharge du milieu interstitiel et donc les risques d’oedèmes. La quantité de cristalloïdes doit alors être diminuée de 40 à 60% par rapport à l’administration seule de cristalloïdes. [61] Si l’hypoalbuminémie est sévère (< 20 g/L), l’administration de plasma est nécessaire afin d’assurer les fonctions de transport de l’albumine (transport des électrolytes, des hormones et des médicaments). [60, 61] L’albumine d’origine humaine réponde parfaitement à cette indication mais son emploi est limité par son coût très élevé et sa difficulté d’accès (réservé aux milieux hospitaliers). Il est important de tenir compte des propriétés des différents colloïdes mis à disposition mais également de leur coût et de leur disponibilité sur le marché français. A l’heure actuelle, il semble que parmi les colloïdes synthétiques, les GFM et les dextrans soient progressivement abandonnés au profit des HEA de bas poids moléculaire. En effet, ce soluté semble présenter les mêmes avantages que les autres (restauration rapide du volume intravasculaire dans les phases initiales et les phases de maintenance de gestion du choc, faible volume à administrer) en présentant le moins d’effets secondaires. En effet, le poids moléculaire moyen permet d’apporter le meilleur compromis entre le pouvoir d’expansion volumique et sa durée d’action. D’autre part, la distribution de la taille des molécules permet de réduire l’augmentation de la perméabilité vasculaire. [51] Les effets rapportés sur l’hémostase ne doivent pas limiter leur emploi dans l’urgence, car ceux-ci semblent plus théoriques que pratiques. Il semble que ces effets soient dus aux molécules de large taille qui s’accumulent après des administrations répétées. Afin de diminuer l’incidence de ces complications, certains auteurs recommandent d’apporter chez les animaux à risque des facteurs de coagulation supplémentaires par le biais de plasma frais congelé. D’autre part, l’adjonction de desmopressine peut être intéressante chez les patients ayant reçu de l’HEA afin d’augmenter l’activité du facteur VIII C. [51] 162 Figure 36 : PHASE DE COMPENSATION DU CHOC (STADE CLINIQUE II) EXAMEN CLINIQUE Etat de conscience : diminué Muqueuses : pâles FC : N à élevée (grand CN >140, petit CN >160) TRC>2s PAM < 80 mmHg et pouls faible EXAMEN PARACLINIQUE Ht > 15-20%, Ptot >40- 45 g/L, Alb >18 g/L OUI NON Perfusion HEA 10 mL/kg (IV) en 10-15 min + CRISTALLOIDES ISOTONIQUES 20-30 mL/kg (IV) en 20 min --------------------------------------------------------------------------------------Protocole analgésique EXAMEN CLINIQUE Etat de conscience : N Muqueuses : roses TRC<2s FC : normalisée PAM > 80 mmHg, pouls frappé Etat hémodynamique stationnaire ou dégradation EXAMEN PARACLINIQUE Ht > 15% Ptot >40 g/L OUI CORRECTION DESHYDRATATION ET PERTES ADDITIONNELLES PERFUSION CONTINUE HEA NON DOSE CUMULEE PERFUSEE HEA < 30-40 mL/kg Cristalloïdes < 90 mL/kg BESOINS D’ENTRETIEN Cristalloïdes isotoniques 40-60 mL/kg/j ± P R O D U I T S OUI S A N G U I N S NON Répéter bolus HEA 10 mL/kg en 10-20 min + CRISTALLOIDES ISOTONIQUES 20-30 mL/kg en 20 min Dose max J1 : 40 mL/kg jours suivants : 20 mL/kg/j VASOPRESSEURS Contrôle ECG obligatoire ? # Lors d’hypoprotéinémie ou d’anémie importante avant remplissage vasculaire, privilégier l’emploi des colloïdes et limiter le volume total de cristalloïdes en première intention. 163 4.3. Phase de décompensation du choc (figure 37) Si la situation clinique est très critique et que le pronostic vital semble immédiatement engagé, le choix du soluté se porte alors sur le sérum salin hypertonique en première intention. En effet, cet emploi permet une restauration très rapide du volume intravasculaire (pouvoir d’expansion volumique de 400% atteint en 30 minutes) en administrant de très faibles doses (2 à 6 mL/kg) mais leur durée d’action impose de prendre le relais rapidement avec d’autres solutés (colloïdes pour la prolongation de l’effet et cristalloïdes pour correction de la déshydratation). [96] Leur utilisation nécessite impérativement un état d’hydratation correcte et sont donc plus adapté dans le cas d’une hypovolémie d’apparition brutale qu’associée à une déshydratation non traitée entraînant une déplétion du compartiment extravasculaire. L’emploi de ce type de soluté doit être rapidement relayé par la perfusion de colloïdes afin de maintenir dans le temps l’expansion volémique. D’autre part, cette combinaison semble plus efficace pour maintenir le débit cardiaque et la pression artérielle que l’utilisation du sérum salin hypertonique ou du colloïde seul. [97] Une perfusion de cristalloïdes est maintenue parallèlement afin d’assurer le remplissage du compartiment interstitiel. [28] Cette association est particulièrement recommandée pour la gestion des chiens présentant un trauma crânien ou des contusions pulmonaire, situations dans lesquelles le risque d’œdème est majoré. [28] 164 Figure 37 : PHASE DE DECOMPENSATION DU CHOC (STADE CLINIQUE III) EXAMEN CLINIQUE Etat de conscience : diminué, confusion, stupeur, coma TRC >> 2s FC : N à diminuée Muqueuses : pâles à cyanosées PAM < 80 mmHg et pouls filant à absent ACR IMMINENT (bradypnée, bradycardie, stupeur à coma) NON OUI SSH 2 mL/kg (IV) en 5 min Débit max: 1 mL/kg/min Débuter RL 30 mL/kg (IV) en 20 min DésH20 majeure (>8%) NON OUI EXAMEN CLINIQUE Etat hémodynamique stationnaire ou dégradation Amélioration EXAMEN PARACLINIQUE Ht > 15-20% Ptot >40- 45 g/L Alb >18 g/L NON RELAI IMMEDIAT HEA 10 mL/kg (IV) en 10-15 min + CRISTALLOIDES ISOTONIQUES 30 mL/kg en 20-30 min OUI Natrémie < 160-165 mmol/L NON Prévoir PRODUITS SANGUINS OUI Répéter bolus SSH 2 mL/kg (IV) en 5 min Dose max cumulée: 6-8 mL/kg (considérer natrémie et DésH20 initiales) + RL 30 mL/kg (IV) en 20 min Suivre le protocole correspondant au stade clinique II 165 5. Modalités d’administration des solutés 5.1. Voies d’administration Un remplissage vasculaire efficace nécessite des voies veineuse périphériques ou centrales ou encore une voie intra-osseuse. Lorsqu’on utilise une voie veineuse périphérique, plusieurs cathéters courts et de gros calibres sont nécessaires afin de diminuer les résistances au flux. D’après la loi de Poiseuille, doubler le diamètre interne d’un cathéter permet de multiplier par 16 le débit. Les veines céphaliques et saphène latérale sont habituellement utilisées dans cette optique. L’utilisation de poches de contre-pression peut être intéressante pour augmenter le débit de perfusion. [28, 89] Cependant, la mise en place de cathéters périphériques n’est pas toujours évidente chez des patients hypovolémiques, d’autant plus si ceux-ci sont jeunes ou obèses. Si la pression pulsatile est trop faible pour arriver à distinguer la veine, il est possible de réaliser un dénudement de celle-ci. L’administration de fluides par voie sous-cutanée ou voie intrapéritonéale n’est pas adaptée au traitement d’un état de choc : en effet la vasoconstriction périphérique réduit a quantité et le temps d’absorption des fluides perfusés par ces voies. [28] S’il est difficile d’accéder à une voie vasculaire, la mise en place d’un cathéter intraosseux doit alors être envisagée au niveau de la fosse du trochanter, de la crête iliaque ou de l’aile de l’ilium. Cette voie de perfusion permet d’accéder directement à la circulation systémique et ne subit pas de collapsus lors de choc hypovolémique. [39] Des études chez des chiots ont montré que le débit de perfusion maximal des cristalloïdes lors de l’utilisation d’un cathéter intraosseux était de 29 mL/min, ce qui est trop lent pour le traitement d’un choc hémorragique. Par conséquent cette voie doit être utilisée pour l’administration de solutés nécessitant de moindres volumes tels que les colloïdes. Les risques d’ostéomyélite sont pratiquement inexistants mais il est rapporté que l’administration de NaCl 7,5% par cette voie pourrait provoquer une nécrose de la moelle osseuse et des lésions endostées. [79] La pose d’un cathéter veineux central en urgence nécessite un délai plus long, présente plus de risques infectieux et la longueur du cathéter diminue le débit disponible. Cette voie n’est pas utilisée comme voie d’abord pour la réalisation de la fluidothérapie mais pour la surveillance de la pression veineuse centrale. Sa mise en place est donc généralement reportée après la réalisation des premiers gestes d’urgence. 5.2. Débit de perfusion L’hémodynamique des fluides au sein des différents compartiments varie selon l’état d’avancement du choc. Les jonctions endothéliales des membranes capillaires peuvent s’ouvrir lors de la reperfusion des tissus hypoxiques, augmentant ainsi la perméabilité capillaire et favorisant la fuite des protéines. La libération de médiateurs de l’inflammation lors de la réponse inflammatoire systémique et l’action de cytokines diverses contribuent à augmenter cette perméabilité capillaire et favorisent par 166 conséquent le passage d’eau vers le secteur interstitiel. Un volume intravasculaire adéquat doit donc être restauré et maintenu jusqu’à ce que les effets de la cascade de la réaction inflammatoire soient résiliés, tout en évitant une surcharge hydrique du milieu interstitiel. [61] La quantité de fluides à administrer dépend du statut hémodynamique, de l’état de déshydratation et des pertes rencontrées et à venir. Il n’est pas aisé de connaître la quantité de sang ou de fluides perdue par l’animal (hémorragie externe ou interne, pertes dans un troisième secteur…). Cependant, la mise en évidence d’un troisième secteur et la quantification de son volume (par ponction du liquide d’épanchement), est intéressante pour déterminer le volume de fluides nécessaire à la réanimation. [61] A moins que le chien présente une hémorragie interne, des contusions pulmonaires, une défaillance cardiaque ou un trauma crânien, l’administration rapide d’un premier bolus de colloïdes est indiquée afin de restaurer le plus rapidement possible le volume intravasculaire. Un bolus de 10 mL /kg d’HEA est administré par voie intraveineuse en 10 à 15 minutes selon la gravité de la situation. Parallèlement, les cristalloïdes sont perfusés dans un premier temps à un débit de 20-30 mL/kg afin de restaurer les déficits interstitiels sur une période de 20 minutes. Si l’animal souffre d’une hémorragie interne non jugulée, de contusions pulmonaires ou d’un traumatisme crânien, il est conseillé d’utiliser des volumes plus faibles dans un premier temps : un premier bolus de colloïdes (10 mL/kg) est administré en 10 à 15 minutes. L’état clinique de l’animal est alors réévalué et le bolus peut être répété jusqu’à amélioration des paramètres cliniques estimant la perfusion tissulaire. Afin de minimiser les risques d’extravasation des fluides vers le cerveau ou les poumons et de destruction de caillots préformés, la quantité minimale de colloïdes nécessaire à restaurer le volume intravasculaire doit être perfusée. [60] En effet, l’augmentation de pression artérielle engendrée par l’emploi de ces solutés peut déstabiliser un caillot déjà formé et précipiter de nouveaux saignements. [97] Immédiatement après obtention de l’effet clinique escompté grâce à ces bolus répétés, l’animal est maintenu sous une perfusion continue de colloïdes. Ceci permet d’aider à maintenir une pression oncotique, une pression de perfusion et une pression artérielle minimale alors que la perte de protéines peut perdurer si l’hémorragie n’est pas contrôlée. [60] Si une transfusion de sang ou de dérivé sanguin est jugée nécessaire, la perfusion de colloïdes doit être discontinuée durant la transfusion et le débit de perfusion des cristalloïdes diminué afin d’éviter l’apparition d’une surcharge vasculaire. [60] L’administration d’albumine 4% est indiquée à la posologie de 10 à 20 mL/kg à une vitesse de perfusion maximale. [28] Le NaCl 7% est utilisé en bolus rapide unique de 2 à 4 mL /kg sans dépasser la vitesse de 1 mL/kg/min. [28] Des bolus de 2 mL/kg peuvent être répétés selon la réponse du patient. Si la dose totale dépasse 6 à 8 mL/kg, il est conseillé de doser la natrémie avant de répéter l’administration. Le soluté hypertonique isooncotique (HYPERHES ®) est administré à la posologie de 4mL/kg en bolus. Toute administration de soluté salin hypertonique doit être suivie de la perfusion d’un soluté isotonique à la posologie de 20 mL/kg/h pendant plusieurs heures afin de permettre l’expansion volumique. [91] 167 Si une perfusion de cristalloïdes seuls est instaurée isolément, la dose initiale recommandée est de 90 mL/kg/h chez le chien durant la première heure de réanimation. [28] Ce volume correspond à la volémie totale chez un animal sain. Cependant le temps d’administration nécessaire, notamment chez un chien de grand format, les troubles de l’hémostase secondairement à l’hémodilution engendrée et le développement potentiel d’œdème sont autant de complications potentielles qui amènent à réduire ce volume de perfusion en pratique. Ainsi, on recommande l’administration de 30-50 mL/kg le plus rapidement possible (idéalement en 10 à 30 minutes) pour la gestion initiale du choc. Si ces fluides sont administrés trop lentement, il risque de se produire un équilibre entre l’espace intravasculaire et l’espace interstitiel avant d’avoir pu observer une restauration effective du volume intravasculaire. Il existe des systèmes d’administration de fluides sous pression qui permettent d’augmenter le débit de perfusion. [28, 89] 5.3. Surveillance et prévention des complications 5.3.1. Température Le réchauffement des perfusions est nécessaire lorsque le remplissage vasculaire est massif, et pour la transfusion de produits sanguins, qui sont conservés à 4°C. Il permet d'obtenir un débit de perfusion plus élevé et d'éviter l'hypothermie et ses complications propres. 5.3.2. Suivi de laboratoire Il est important de noter que le réfractomètre ne reflète pas la concentration effective en protéines totales des colloïdes synthétiques. L’HEA et le dextran 70 ont une concentration d’environ 45 g/L au réfractomètre. Lors de leur utilisation, la concentration plasmatique rejoint celle du colloïde. Ainsi, chez un animal dont la concentration initiale est inférieure à 45 g/L, l’administration de colloïdes augmente cette concentration jusqu’à une valeur proche de 45 g/L et inversement chez les animaux dont la concentration initiale est supérieure à 45 g/L. Cela peut induire en erreur le clinicien dans son interprétation d’une diminution de la concentration en protéines totales comme une indication à l’administration de plus de colloïdes. Pour le suivi de l’efficacité de l’administration des colloïdes, seule une mesure de la pression oncotique plasmatique peut être considérée comme satisfaisante. [51] 5.3.3. Surveillance des complications La survenue d'un œdème pulmonaire doit être redoutée et recherchée au cours de tout remplissage vasculaire, par l'auscultation pulmonaires et la réalisation de clichés radiographiques pulmonaires. La découverte d’un œdème pulmonaire conduit à l'arrêt, au moins momentané, du remplissage vasculaire, à la prescription d'amines sympathomimétiques inotropes positives et, en cas d'échec, à la mise en œuvre d'une surveillance hémodynamique. Il peut être également parfois nécessaire d’effectuer un traitement spécifique classique de cet œdème pulmonaire. 168 La surveillance comporte également la recherche des signes d'intolérance liés aux produits de remplissage vasculaire et particulièrement, avec les produits colloïdaux, de manifestations de type allergique qui doivent faire procéder immédiatement à l’arrêt et au changement de produit de remplissage. 5.3.4. Cas des hémorragies non jugulées (figure 38) Lors d’hémorragie, la restauration d’une perfusion tissulaire au niveau des organes vitaux est un objectif prioritaire et fait intervenir le remplissage vasculaire. Cependant, cette démarche ne doit pas retarder le traitement étiologique, notamment en cas d’hémorragie aigue persistante. La démarche thérapeutique en cas d’hémorragie aigue non contrôlée se prête à de nombreuses controverses à l’heure actuelle. En effet, si le rétablissement d’une perfusion tissulaire correcte est indispensable pour la survie des organes vitaux, l’augmentation de PAM, du débit cardiaque et l’hémodilution consécutive à un remplissage vasculaire agressif peut entraîner une majoration des saignements par majoration de la pression artérielle et diminution de la coagulation. Une étude a montré que le remplissage vasculaire réalisé avant l’hémostase chirurgicale est associé à une majoration du saignement et à une diminution de la survie. Cependant, la présence d’une hypotension artérielle majeure met en jeu le pronostic vital du patient et majore le risque anesthésique lors de la réalisation de l’acte chirurgical. [11] Certains auteurs recommandent la réalisation d’une réanimation aboutissant à une hypotension contrôlée (ou réanimation liquidienne retardée), permettant une amélioration de la volémie, de la PAM et du débit cardiaque sans atteindre des valeurs physiologiques. [43, 59] L’objectif thérapeutique est alors de maintenir une PAM juste au dessus de 60 mmHg. [10] D’autre part, le choix du soluté est délicat dans ces situations : les colloïdes ont un pouvoir d’expansion plasmatique plus important et permettent de réaliser un remplissage vasculaire plus rapide en administrant un volume réduit par rapport aux cristalloïdes. Cependant, chez un patient souffrant d’une hémorragie continue, le colloïde peut passer par des brèches vasculaires non colmatées, et diffuser dans le compartiment interstitiel. L’effet osmotique du colloïde s’exerce alors dans le compartiment extravasculaire et aggrave la situation en attirant l’eau du secteur plasmatique. Cette situation est d’autant plus dramatique si l’hémorragie se situe au niveau cérébral ou pulmonaire. L’utilisation de soluté hypertonique conduit au même type de contradictions. [10] Cependant, dans le cas d’une hémorragie interne non jugulée, il semble raisonnable d’administrer en première intention un bolus d’HEA (5 mL/kg IV en 10 min) associé à une perfusion de cristalloïdes isotoniques (20-40 mL/kg en 20-30 minutes). Cette période doit être mise à contribution pour trouver un donneur sanguin ou mettre à température adéquate du sang réfrigéré, et préparer l’animal pour une exploration chirurgicale. [28] 169 Figure 38 : CHOC HYPOVOLEMIQUE (stades II-III) SUITE A UNE HEMORRAGIE AIGUE REANIMATION INITIALE Rétablissement de paramètres hémodynamique compatibles avec la survie immédiate SI ACR IMMINENT SSH : 2-4 mL/kg, dose cumulée < 6-8mL/kg Si réalisable : CONTROLE DE L’HEMORRAGIE PERTES SANGUINES > 20% volémie ± Ht < 15-20%, Ptot < 40-45 g/L, Alb <18-20 g/L Ionogramme BOLUS HEA 10 mL/kg (IV) en 10-15 min + CRISTALLOIDES ISOTONIQUES 20-30 mL/kg en 20 min EXAMEN CLINIQUE PAM < 60 mmHg PAM > 60 mmHg DOSE CUMULEE PERFUSEE TRANSFUSION SANG TOTAL H EA< 30-40 mL/kg Cristalloïdes < 90 mL/kg Qté= [Ht souhaité –Ht receveur] x 70/ Ht donneur Ou 10-20 mL/kg + NaCl entretien durant la transfusion OUI NON VASOPRESSEURS Contrôle ECG obligatoire EXAMEN CLINIQUE Etat de conscience : N Muqueuses : roses TRC<2s FC : normalisée PAM > 80 mmHg Etat de conscience : N à diminué Muqueuses : rosées à pâles TRC >2s FC : N ou diminuée PAM < 80 mmHg et pouls faible VASOPRESSEURS + HEA (< 40mL/kg/j) CORRECTION DESHYDRATATION et PERTES ADDITIONNELLES Perfusion D’ENTRETIEN : Cristalloïdes isotoniques 40-60 mL/kg/j # Hémorragie interne non jugulée : mêmes procédures mais mise en place d’un plan de réanimation liquidienne aux objectifs hémodynamiques limités, PAM = 60-70 mmHg. # Lors d’hémorragie interne, toute dégradation hémodynamique rapide et significative malgré l’instauration du remplissage vasculaire, doit faire envisager une correction chirurgicale précoce. 170 V. RETABLISSEMENT DE L’OXYGENATION TISSULAIRE Le but de la fonction cardiovasculaire est avant tout l’oxygénation tissulaire. La prise en charge d’un animal en situation de choc hypovolémique consiste à corriger la volémie mais également à améliorer le transport de l’O2. Cette correction peut nécessiter l’apport de molécules de transport de l’O2 à l’animal : le choix s’oriente alors vers la transfusion de sang total ou vers des dérivés d’hémoglobine. Les concentrés érythrocytaires disponibles en médecine humaine pour assurer un apport exclusif en hématies ne sont pas traités ici du fait de leur très faible disponibilité en médecine vétérinaire. 1. Apport d’O2 Afin d’optimiser le transport de l’oxygène, celui-ci doit être administré à débit important et à forte concentration afin de saturer en oxygène l’hémoglobine encore disponible. La supplémentation en O2 est nécessaire même si les paramètres de laboratoire sont dans les valeurs usuelles : en effet, lors d’un choc, la consommation en 02 de l’organisme est souvent supranormale. Certains facteurs inhérents au choc agissent sur l’approvisionnement d’O2 aux tissus : ainsi, l’acidose métabolique souvent présente lors de choc hypovolémique, facilite la délivrance d’O2 aux tissus par déplacement de la courbe de dissociation de l’hémoglobine. De plus, l’hémodilution provoquée par la fluidothérapie favorise le transport de l’hémoglobine dans la microcirculation. L’apport initial s’effectue par une supplémentation par masque ou par technique du « flow-by ». Selon la taille et la coopération de l’animal, cette supplémentation peut être relayée par la mise en place d’une sonde nasale, d’une collerette à O2 ou en plaçant le patient dans une cage à O2. Si l’animal est inconscient et présente des signes d’épuisement ventilatoire ou d’insuffisance respiratoire, l’intubation endotrachéale est indiquée. [28] 2. Correction des capacités de transport de l’O2 2.1. Transfusion sanguine 2.1.1. Indications Lors d’hémorragie, l'apport d'oxygène aux tissus est abaissé par deux mécanismes: la baisse du retour veineux comme pour les autres hypovolémies et la baisse de l'hémoglobine qui est le principal transporteur d'oxygène. Cette situation peut évoluer de manière aiguë ou lors de pertes chroniques importantes, notamment lors de saignements gastro-intestinaux. Le statut de choc hémorragique apparaît quand les pertes sont supérieures à 30% de la masse sanguine. 171 L’analyse sanguine permet de mettre en évidence une chute de l’hématocrite (<20%) et une diminution de l’Hb (<5g/dL). Cependant, lors de perte aiguë, l’hématocrite demeure dans des valeurs physiologiques dans un premier temps (8 à 12 heures) du fait du relargage de globules rouges par splénocontraction. On observe parallèlement une diminution de la protéinémie sérique par redistribution des fluides du secteur extravasculaire vers le secteur plasmatique. [69] Par conséquent, l’indication de la transfusion érythrocytaire ne peut s’appuyer sur la seule mesure de l’hématocrite (Ht) ou de la concentration en hémoglobine (Hb). L’objectif de correction de l’anémie vise l’amélioration d’un indice pronostique (transport d’oxygène abaissé, extraction augmentée, acidose lactique, ischémie myocardique...). Un ensemble de données cliniques et de laboratoire mettant en évidence une hypoxie tissulaire doit être pris en compte. Autrement dit, un taux d’hémoglobine bas n’est plus une indication transfusionnelle en soi et, de plus, aucune valeur seuil isolée du contexte clinique ne peut être proposée. La normalisation de l’Hb est un objectif insuffisant : c’est le statut physiologique du malade qui devient prépondérant dans la prise de décision de transfuser. [28, 40] La plupart des animaux peuvent tolérer une perte sanguine égale à 10 à 15% de la volémie sans avoir recours à une transfusion sanguine. Si cette perte dépasse 20%, une transfusion doit être mise en œuvre parallèlement à une thérapeutique liquidienne adaptée à la situation clinique. Une perte supérieure à 50% assombrit nettement le pronostic. [28] Le sang total permet également l’apport de protéines capables de rétablir ou d’améliorer la pression oncotique, de plaquettes et de facteurs de coagulation. Chez des patients victimes d’une hémorragie aiguë, une transfusion sanguine paraît indiquée si l’hématocrite est inférieur à 20% et la protéinémie inférieure à 40g/L [69], ou lors de la mise en évidence d’une anémie lors du remplissage vasculaire : un hématocrite inférieur à 20% restreint le volume de soluté pouvant être perfusé ce qui compromet l’efficacité de la réanimation. Lors d’affection chronique, il est possible (en fonction de l’état clinique de l’animal), de n’effectuer la transfusion que si l’hématocrite chute en dessous de 15%. [28] Par ses propriétés, le sang permet un rétablissement de la volémie, de la pression artérielle et du volume d’éjection systolique. Cependant, il contribue à l’apparition d’une hyperviscosité sanguine qui favorise la stase périphérique et affecte ainsi la reprise de la perfusion périphérique. Afin de diminuer ces effets néfastes, le sang est administré en parallèle avec une solution de NaCl isotonique qui fluidifie le sang. La plupart du temps, une perfusion de cristalloïdes, de colloïdes ou de soluté salin hypertonique est mise en œuvre car le sang total ou les produits sanguins ne sont pas disponibles immédiatement. Durant cette période, il est nécessaire de déterminer l’origine et de contrôler les pertes sanguines internes ou externes afin que la transfusion ultérieure soit efficace. [28] 172 2.1.2. Précautions, voies et rythme d’administration Précautions d’administration Plusieurs précautions doivent être prises avant d’administrer du sang (ou un de ses dérivés) à un patient afin de limiter les risques de réaction transfusionnelle. Un test de compatibilité sanguine devrait toujours être effectué avant la transfusion, et est obligatoire si le patient a déjà reçu une transfusion ou s’il s’agit d’une femelle gestante. Les réactions transfusionnelles dues à une incompatibilité sanguine peuvent survenir dés les premières minutes de la transfusion (jusqu’à quelques semaines) ce qui justifie une surveillance clinique rapprochée. [62] Si on utilise du sang non frais, la date de péremption doit être vérifiée avant utilisation. Il convient d’avoir à l’esprit que les propriétés de transport de l’oxygène par les globules rouges conservés diminuent avec la durée de conservation. En effet, dans le sang conservé, le métabolisme du globule rouge se ralentit et on observe une diminution rapide du 2-3 DPG avec diminution du stock d’adénosine triphosphate. Lorsque le 2-3 DPG est bas, la courbe de dissociation de l’hémoglobine est déviée vers la gauche ; l’affinité de l’Hb pour l’O2 est grande, donc la libération aux tissus est faible, d’où le risque d’hypoxie tissulaire. En pratique, il est souhaitable au cours d’une transfusion massive en urgence d’avoir recours à des concentrés érythrocytaires dont la durée de conservation est la plus courte possible. [40] L’utilisation d’un perfuseur spécifique muni d’un filtre est indispensable, afin de prévenir le passage d’éventuels caillots. [80] Si le sang est conservé au réfrigérateur, il convient de le réchauffer avec précaution avant administration. [80] Le temps est souvent un facteur limitant lors de la prise en charge d’un patient présentant une hémorragie aigue non jugulée. Il n’est donc pas toujours possible d’effectuer un crossmatch ou de ramener le sang à température adéquate avant d’entamer la transfusion sanguine, ce qui majore les risques. Voies et rythme d’administration Le sang est administré par voie intraveineuse ou intraosseuse. La quantité de sang à transfuser est usuellement définie par formule mathématique qui prend en compte l’hématocrite désiré, l’hématocrite du receveur et celui du donneur. [80] Volume (mL) = [PV x (Hb désirée –Hb receveur ) x70]/ Hb donneur PV en kg, Hb en g/dL Cependant, lors d’hémorragie aigue, on n’observe pas immédiatement de modification de l’hématocrite du patient alors que les signes cliniques indiquent le besoin d’une transfusion. 173 La quantité de sang à perfuser peut être estimée à partir du pourcentage de pertes observées ou suspectées mais cette technique manque de précision : une surveillance clinique très rapprochée s’impose alors lors de la transfusion pour éviter toute surcharge volémique ou hypocalcémie si le volume nécessaire à été surestimé. [28] Idéalement, la transfusion doit être effectuée sur une période de 2 ou 3 heures afin de limiter le risque de réaction transfusionnelle, le risque infectieux et celui de surcharge volumique. La vitesse maximale de transfusion recommandée en théorie est de 22 mL/kg/h. Cependant certaines situations mettant en jeu le pronostic vital peuvent conduire à administrer ces produits plus rapidement. [28, 89] 2.1.3. Effets secondaires potentiels Lors de transfusion sanguine, il existe un risque de transmission de maladies virales, de contamination bactérienne, de micro-embolies et d’hyperviscosité sanguine préjudiciable à la circulation capillaire en cas d’augmentation trop importante de l’hématocrite. Ce dernier inconvénient est prévenu par l’administration simultanée de NaCl isotonique. [80] L’administration de large volume de sang ou de dérivés sanguins peut causer une hypocalcémie secondaire par liaison du calcium au citrate utilisé comme anticoagulant dans les poches de transfusion. Il est donc déconseillé d’administrer un produit contenant du calcium durant le temps de la transfusion afin d’éviter la formation de précipité de citrate avec le calcium. D’autre part, la calcémie doit être vérifiée, notamment lors de la réalisation de plusieurs transfusions chez le même animal. [62] D’autre part, même si la compatibilité sanguine a été vérifiée, toute transfusion doit être accompagnée d’une surveillance clinique rapprochée de détecter de manière précoce l’apparition d’un choc anaphylactique. L’augmentation de température, l’apparition de vomissements ou d’urticaire doivent être recherchées. Si un de ces symptômes est observé, la transfusion doit alors être immédiatement arrêtée et des anti-inflammatoires stéroïdiens à dose immuno-suppressive sont administrés. 2.2. Oxyhémoglobine [8, 27, 28] Lors d’hémorragie massive, le pouvoir oxyphorique du sang est très altéré. Si l’évaluation clinique indique la nécessité d’une transfusion sanguine et en l’absence de sang disponible, il est possible d’administrer un soluté de remplacement de l’hémoglobine afin d’améliorer les capacités de transport de l’O2 au sein de l’organisme de l’animal. Nature chimique et métabolisme La spécialité utilisée en médecine vétérinaire est un dérivé d’hémoglobine d’origine bovine (Oxyglobin ®).Elle est constituée de 13 g/dL d’hémoglobine polymérisée ultrapurifiée d’origine bovine, diluée dans un solvant de Ringer Lactate modifié d’osmolalité 290-310 mOsm/L et de pH 7,8. Les polymères d’hémoglobine ont un poids 174 moléculaire variant entre 65 et 500 000D avec un poids moléculaire moyen de 200 000 D. La viscosité de la solution est inférieure à celle du sang. [8] La concentration en methémoglobine, forme inactive de l’hémoglobine, est inférieure à 10%. [49] Propriétés hémodynamiques La taille moyenne des molécules autorise ce soluté à assurer une fonction semblable à celle des colloïdes en restaurant la pression oncotique plasmatique. In vitro, sa pression oncotique est de 43 mmHg (celle du sang étant de 28 mm Hg) : elle provoque donc une augmentation du volume intravasculaire bien supérieure à celle induite par le plasma. [8, 28] La pression partielle en O2 à laquelle 50% de l’hémoglobine issue de l’Oxyglobin ® est saturée est de 34 mm Hg, ce qui est plus élevée que celle du sang (P50 sang : 28 mm Hg) : par conséquent, la délivrance de l’O2 aux tissus est facilitée. [8, 28] Son affinité pour l’O2 est dépendante de la chlorémie et non du 2,3diphosphoglycérate comme les hématies sanguines. [28] Sa demi-vie est dose dépendante (tableau 12) et généralement de 24 heures aux doses utilisées. 90% de la dose administrée est éliminée de l’organisme 5 à 7 jours après la perfusion. [8, 49] Tableau 12 : Paramètres pharmacocinétiques après administration d’une dose unique d’Oxyglobin ® [8] Dose (mL/kg) 10 15 21 30 Concentration immédiate posttransfusion (g/dL) 1,5-2,0 2,0-2,5 3,4-4,3 3,6-4,8 Durée (h) : [Oxyglobin ®] >1g/dL 11-23 23-39 66-70 74-82 Demi-vie (h) 18-26 19-30 25-34 22-43 Elimination plasmatique définitive (j) 4-5 4-6 5-7 5-9 Effets particuliers L’Oxyglobin ® est universellement compatible et améliore instantanément les capacités de transport plasmatique de l’O2 lors de son administration. [8, 28] L’Oxyglobin ® peut être employée sans crossmatch préalable, ne stimule pas le système immunitaire, a une durée de conservation élevé par rapport au sang (3 ans) et se conserve à température ambiante. Sa présence et son activité dans le milieu intravasculaire est prolongée et améliore le transport en O2 sans qu’une supplémentation en O2 ne soit nécessaire. [8, 28] Sa faible viscosité facilite son administration par voie intraveineuse. 175 Cependant, une des limitations à son emploi est le coût actuellement prohibitif de ce soluté (225 euros la poche de 125 mL). Indications Son indication principale est la présence d’une anémie, quelle que soit son origine. Du fait de ses effets sur la pression oncotique, son utilisation en cas de choc hémorragique est d’autant plus indiquée puisqu’elle permet de restaurer les capacités de transport en O2 et aide à rétablir le volume intravasculaire. Cependant, pour que cette propriété soit réellement effective, le contrôle de l’origine de l’hémorragie doit être réalisé le plus rapidement possible. [8, 28] Les transporteurs d’oxygène dérivés de l’hémoglobine sont des solutés qui permettent d’améliorer le transport de l’oxygène. Ils ne remplissent pas d’autres rôles assurés par les composants sanguins naturels tels que les fonctions assurées par les globules blancs, les plaquettes et les facteurs de coagulation et ne constituent donc pas un soluté de remplacement du sang total. Effets secondaires Son utilisation lors d’état de choc est remise en question en raison des effets secondaires induits. En effet, ce soluté détourne le fonctionnement du système réticuloendothélial ce qui le détourne de son rôles de protection de l’organisme. [96] L’Oxyglobin ® peut provoquer une décoloration transitoire des muqueuses, de la sclère et des urines, dépendant de la quantité et de la rapidité de perfusion. Des troubles gastro-intestinaux peuvent survenir (vomissements, diarrhée) ainsi qu’une augmentation de la pression veineuse centrale. Ce dernier point est un atout lors de choc hypovolémique mais doit être attentivement surveillé si l’animal présente une cardiopathie. [8, 28] D’autre part, l’Oxyglobin ® possède des propriétés vasoactives qui aboutissent à une vasoconstriction associée à une augmentation des résistances périphériques systémiques et pulmonaires. Le mécanisme d’action n’est pas encore élucidé. [8] Son utilisation peut interférer avec diverses analyses colorimétriques de certains paramètres sanguins (concentration en hémoglobine, oxymétrie de pouls, analyse des gaz sanguins) et nécessite alors l’emploi d’analyseurs spéciaux, ce qui peut gêner le suivi du patient. Par contre, la numération sanguine, le typage sanguin et la mesure des concentrations en électrolytes ne semblent pas affectés. [27] Un suivi clinique du patient recevant de l’Oxyglobin ® est indispensable pour juger de l’efficacité de la perfusion. Les signes secondaires à l’anémie (augmentation de la fréquence cardiaque et/ ou présence d’arythmies, augmentation de la fréquence respiratoire et dyspnée, pouls fémoral bondissant, dépression mentale, intolérance à l‘exercice…) peuvent rapidement disparaître dés la première heure de perfusion. La 176 durée de la réponse clinique est dépendante de la quantité administrée, de la thérapie adjacente et de la cause de l’anémie. Le suivi de laboratoire s’effectue par la mesure de l’hématocrite, qui diminue rapidement après la perfusion du fait de l’expansion volumique intravasculaire, et du dosage de l’hémoglobine totale (contenue dans les hématies et dans le plasma) qui augmente progressivement. Cette dernière mesure nécessite un appareil spécialisé (hémoglobinomètre). [27] Posologies recommandées La dose recommandée est de 10 à 30 mL/kg à une vitesse n’excédant pas 10 mL/kg/h chez le chien. Sa demi-vie est proportionnelle à la dose administrée : elle est de 24 heures pour une posologie de 15 mL/kg et de 30-40 heures lorsqu’on utilise une posologie de 30 mL/kg. [8, 27] Afin d’éviter les risques de surcharge vasculaire, le débit de perfusion recommandé doit être inférieur à 10 mL/kg/h. [49] Présentation galénique Oxyglobin ® est délivrée par le laboratoire BIOPURE sous forme de poches à usage unique de 60 et 125 mL, prêtes à l’emploi et imperméables à l’oxygène. Elle peut être conservée à température ambiante ou au réfrigérateur (2-30°C), et ne doit pas être congelée au risque de dénaturer l’hémoglobine. Le temps de conservation est de 3 ans mais doit être utilisée dans les 24 heures suivant l’ouverture afin d’éviter les contaminations bactériennes et l’oxydation de l’hémoglobine en méthémoglobine. [8] 177 VI. EVALUATION DE LA REPONSE THERAPEUTIQUE ET GESTION DES COMPLICATIONS En médecine humaine, des recommandations ont été émises par la Société de Réanimation de la Langue Française (SRLF) concernant les indicateurs du remplissage vasculaire au cours de l’insuffisance circulatoire. Selon celles-ci, « le bénéfice attendu du remplissage vasculaire doit être analysé à travers les conséquences générales et régionales de l’augmentation du volume d’éjection systolique. Il concerne la régression des signes cliniques d’hypovolémie et l’augmentation de la délivrance en oxygène aux tissus, authentifiées par la correction d’une acidose lactique et d’une hypotension artérielle lorsqu’elles sont présentes et par une redistribution favorable des débits régionaux». [94] 1. Evaluation de l’efficacité du remplissage vasculaire Les critères d’efficacité du remplissage vasculaire sont à rechercher d’abord dans l’évolution des signes cliniques qui ont motivé la prescription des solutés de remplissage (anomalies de la fréquence cardiaque, de la pression artérielle, de la conscience, de la diurèse). Leur amélioration puis la disparition de ces signes après un remplissage initial standardisé, administré en dix à trente minutes, témoigne de l’efficacité du remplissage dans les situations simples. Dans un second temps, il convient de s’assurer que la perfusion tissulaire est optimale, afin d’éviter un phénomène de sous compensation, ou à l’inverse de surcompensation dont les conséquences, notamment pulmonaires, sont source de complications Il est alors nécessaire d’utiliser des moyens de surveillance plus invasifs telles que la mesure de la PVC ou l’analyse des gaz sanguins. [11] 1.1 Correction de l’hypotension artérielle Un des objectifs de la réanimation est d’obtenir une PAM supérieure à 70-80 mmHg, valeur permettant d’assurer la perfusion tissulaire des organes critiques tels que le rein et le cerveau. Cependant, le rétablissement de la PAM ne signifie pas forcément une normalisation de la volémie. En effet les animaux avec un débit cardiaque faible mais une vasoconstriction périphérique intense ont une PAM normale alors que le flux sanguin est dangereusement bas. En effet, en raison des réponses neuroendocriniennes lors d’établissement d’un état de choc hypovolémique, il a été montré que la baisse de la PAM ne pouvait être corrélée à l’importance des pertes sanguines que si celles-ci excédaient 25 mL/kg. Si la spoliation sanguine est inférieure à cette valeur, il n’existe pas corrélation avec la chute de la PAM. Celle-ci est en général modérée tant que la perte sanguine est inférieure à 35% : la modification des autres signes cliniques révélateurs de la perte sanguine prend alors toute 178 son importance. En revanche, lors de l’établissement de la thérapeutique liquidienne, on observe une normalisation de la PAM avant d’obtenir un rétablissement du volume sanguin total. Par conséquent, la normalisation de la PAM ne peut être considérée comme seul critère de l’efficacité du remplissage vasculaire. [11] Lors d’hémorragie active, la mise en place d’une réanimation liquidienne contrôlée modifie quelque peu ces objectifs. Afin de maintenir une pression de perfusion minimale pour les organes vitaux sans aggraver les saignements, le remplissage vasculaire est effectué afin d’atteindre une PAM légèrement supérieure à 60 mmHg jusqu’à réalisation de l’hémostase. Lorsque cette valeur est obtenue, les objectifs thérapeutiques sont les mêmes que lors d’une réanimation « classique ». [44] 1.2 Normalisation de la fréquence cardiaque Selon l’état de gravité du choc et l’intensité de la réponse sympathique, une tachycardie ou au contraire une bradycardie peuvent être rencontrées. La bradycardie représente souvent un facteur pronostic péjoratif de gravité. D’autre part, d’autres facteurs influencent la fréquence cardiaque de l’animal telles que la douleur, l’existence d’une endocrinopathie sous-jacente ou l’administration de certaines molécules. Ainsi, pour être considérées comme un facteur de suivi de l’efficacité de la thérapeutique mise en place, les variations de la fréquence cardiaque doivent être interprétées en association avec la PAM. En l’absence d’autres appareils de monitorage, la normalisation de la fréquence cardiaque associée à une remontée de la PA, chez des animaux sans cardiopathie, constituent des témoins de l’efficacité du remplissage vasculaire et autorisent la persistance de celui-ci. Cependant, ces paramètres ne permettent pas d’apprécier de façon précise la correction de l’hypovolémie car leur normalisation survient souvent avec la restitution complète du volume spolié. [11] 1.3 Correction de l’oligurie L’oligurie ne survient que pour des hypovolémies intenses et /ou prolongées. Elle est souvent associée à une augmentation de l’osmolalité urinaire et une baisse de la natriurèse. [11] Ainsi le suivi des paramètres urinaires doit comprendre la quantification de la diurèse (> 0,5 mL/kg/h) mais aussi la normalisation des paramètres biologiques des urines pour conclure à une restauration de la volémie. [11] L'interprétation de la diurèse doit tenir compte du fait qu'une oligo-anurie persistante peut traduire non pas la persistance de l'hypovolémie mais l'existence d’une insuffisance rénale aiguë organique. [84] 179 1.4 Test de remplissage vasculaire Le suivi des paramètres cliniques permet d’orienter la réanimation quant à l’efficacité du remplissage vasculaire. Il manque cependant de précision quant à l’évaluation du besoin exact de l’animal. Seule la mesure des pressions de remplissage peut permettre d’ajuster de manière minutieuse le volume de fluides nécessaire à la compensation de l’hypovolémie. [11] Chez les malades hypovolémiques qui n'ont aucune affection responsable de discordance entre les pressions de remplissage des ventricules droit et gauche, la mesure de la PVC est un élément important de la surveillance du remplissage vasculaire. Afin d’évaluer la capacité de réponse de l’organisme à un remplissage vasculaire important, un test de remplissage peut être réalisé. Celui-ci consiste à injecter un bolus de cristalloïdes (20 mL/kg) ou de colloïdes (5mL/kg) en 3 à 5 minutes au chien en suivant attentivement l’évolution de la PVC. Chez un animal normovolémique sans cardiopathie sous-jacente, on note une augmentation modérée de la PVC (+ 2 à 4 cm H2O) qui retourne à une valeur de base dans les 15 minutes. [29, 46] Cette augmentation ne préjuge en rien de l’efficacité du remplissage mais traduit une modification effective de la précharge. Si la PVC n’augmente pas d’au moins 2 à 4 cm H2O dans les minutes qui suivent l’injection du bolus, cela signifie que le volume vasculaire est réduit [46] : le remplissage doit être continué (à une vitesse théorique de 60 à 90 mL/kg/h pour les cristalloïdes) jusqu’à atteindre une augmentation d’au moins 5 cm H2O (ou 3 à 5 mmHg). [46] Parallèlement, l’évaluation clinique du patient permet aussi d’évaluer l’efficacité du remplissage (pression artérielle, débit urinaire) : si ceux-ci ne s’améliorent pas, il faut attendre d’avoir eu une augmentation d’au moins 2 cm H2O de la PVC avant de conclure à une inefficacité du remplissage vasculaire. [86] Si la PVC augmente et diminue rapidement, il faut suspecter une diminution du volume vasculaire associé à une adaptation rapide du tonus vasomoteur suite à l’injection du bolus. [46] Cependant, la baisse de la PVC ne permet pas de quantifier l’importance de l’hypovolémie. [11] Une augmentation significative de la PVC (>4cm H2O) révèle une diminution de la compliance cardiaque et/ou une augmentation du retour veineux. [46] Enfin, si le retour de la PVC à une valeur basale est lent (plus de 30 min), une surcharge volémique doit être envisagée. [46] Chez un animal hypovolémique, les bolus doivent être répétés jusqu’à atteindre une valeur de PVC comprise entre 7 et 10 cm H2O qui retombe à un taux basal en l’espace de 15 minutes Le volume sanguin et le retour veineux sont alors considérés comme optimaux par rapport à la performance cardiaque. [46] Si la PVC obtenue est supérieure à 10-12 cm H20, le risque d’œdème pulmonaire est accru, la pression pulmonaire veineuse étant de 12-15 cm H2O. 180 Chez les chiens atteints de cardiopathie ou d’insuffisance rénale, la surveillance de la PVC permet d’éviter une surcharge volémique lors de remplissage vasculaire : l’évaluation régulière de la PVC (toutes les 2 à 8 heures) permet d’adapter le débit de la perfusion. [46] Le remplissage vasculaire peut être poursuivi sans recours à un autre moyen tant que la fréquence cardiaque reste supérieure et tant que la pression artérielle et la PVC restent inférieures aux valeurs recherchées. [84] Une analyse isolée de la PVC ne montre que peu d’intérêt alors que son évolution dans le temps permet d’évaluer l’efficacité du remplissage vasculaire et surtout de prévenir l’apparition d’une surcharge vasculaire chez les patients à risque. La diminution de sa valeur signale l’inefficacité de cette thérapeutique mais ne permet pas de quantifier l’importance de l’hypovolémie : le suivi de la PAM semble alors plus adapté pour l’évaluation de ce paramètre. [11] 1.5 Evaluation de l’oxygénation tissulaire L’analyse des variables physiologiques reflétant l’oxygénation cellulaire permet de calculer le contenu artériel et veineux en oxygène. Le suivi de l’oxymétrie de pouls, la réalisation répétée des gaz du sang artériel et veineux et la mesure du taux d’hémoglobine permettent d’évaluer la réponse de l’organisme aux premières mesures de réanimation. Ces examens doivent être répétés jusqu’à obtenir une normalisation et une stabilisation des paramètres à des valeurs correspondantes aux objectifs thérapeutiques. Des études chez l’homme ont montré que la normalisation de ces paramètres, voire l’obtention de valeurs supra normales dans les premières 24 heures, permettrait de réduire la morbidité et la mortalité chez des patients victimes de traumatismes sévères. Cependant, ces résultats restent discutés à l’heure actuelle et ne peuvent être considérés comme une finalité dans le traitement du choc hypovolémique. [11] 1.6 Suivi des animaux présentant une hémorragie active Les animaux présentés pour hémorragie aiguë et ayant reçu une transfusion sanguine doivent faire l’objet d’un suivi très précis. Il est conseillé de renouveler régulièrement les mesures de l’hématocrite et de la protéinémie sérique. Celles-ci doivent rester stables après la transfusion et la fluidothérapie Si celles-ci diminuent et que l’état clinique du chien se détériore, une laparotomie exploratrice doit être rapidement mise en œuvre afin de réaliser l’hémostase nécessaire. [69] 2. Adaptation de la fluidothérapie Après la phase initiale de restauration de la volémie, la fluidothérapie doit être maintenue afin de restaurer les déficits hydriques (correction de la déshydratation), d’assurer les besoins journaliers (maintenance) et de compenser les pertes à venir (perte contemporaines). [39] 181 2.1. Correction de la déshydratation La thérapeutique liquidienne vise à restaurer la perfusion tissulaire mais également à rétablir un état d’hydratation correcte. L’hydratation correspond au contenu hydrique des compartiments extravasculaires. L’état de déshydratation s’évalue par la présence de la persistance du pli de peau cutané, la sécheresse des muqueuses, l‘enfoncement des globes oculaires et la sécheresse cornéenne et est estimé en pourcentage du poids corporel initial. La déshydratation intracellulaire entraîne une augmentation de l’osmolalité intracellulaire : l’eau diffuse lors du secteur interstitiel et intravasculaire vers les cellules. Une déshydratation importante résulte par conséquent en une diminution de la perfusion du fait de la déplétion volémique du secteur intravasculaire vers les autres secteurs. [61] La quantité de soluté à administrer par jour est calculée à partir de la formule suivante : Thérapeutique liquidienne de réhydratation (mL) = Poids Vif (kg) x % de déshydratation x 1000 L’état clinique de l’animal doit être réévalué fréquemment afin de décider si la thérapeutique liquidienne de réhydratation doit être maintenue. Si les paramètres cliniques se normalisent et que le poids corporel est stabilisé, celle-ci peut être arrêtée. Un animal déshydraté augmente de poids jusqu’au rétablissement d’un état d’hydratation correct puis sa courbe pondérale doit se stabiliser. Si sa charge pondérale augmente malgré un état clinique correspondant à un état d’hydratation normale, une surhydratation ou l’accumulation de fluides dans un troisième secteur doit être suspecté. Les autres signes d’hyperhydratation sont un retour du pli cutané plus rapide que la normale, la formation d’œdème périphérique, la présence de râles pulmonaires, d’épanchement pleural ou péritonéal. [39] 2.2. Apport des besoins de maintenance [39] Les solutés de maintenance visent à apporter l’eau perdue lors de fonctionnement normal de l’organisme. Les pertes insensibles comprennent les pertes par la transpiration, la ventilation, l’évaporation par les muqueuses et sont estimées à environ 20 mL/kg/j. Les pertes urinaires chez un animal sain sont évaluées à 1-1,5 mL /kg/h ce qui correspond environ à 35 à 45 mL/kg/j. Ceci doit être ajusté en fonction de l’animal ou peut être calculé de manière plus précise en mesurant le débit urinaire si un système de collection des urines est mis en place. Au final, chez un chien dont la fonction urinaire est normale, l’apport en fluides maintenance doit être d’environ 55 à 65 mL/kg/j. Cette quantité doit être réajustée quotidiennement selon la réponse clinique et l’état d’hydratation. Si l’animal est anurique, seules les pertes insensibles doivent être corrigées, afin d’éviter une surhydratation. Chez les animaux oliguriques (ou au contraire poly-uriques), il est préférable de quantifier le débit urinaire afin d’administrer la dose exacte de fluides nécessaires. Ceci permet d’éviter la surhydratation lors d’oligurie (ou 182 de déshydratation lors de phase polyurique) et d’éviter l’apparition d’une déshydratation (surhydratation) quand le débit urinaire se normalise. 2.3. Correction des pertes additionnelles [39] En dehors des pertes dues au fonctionnement physiologique de l’organisme, l’animal peut présenter des pertes hydriques additionnelles lors de vomissement, de diarrhée, d’hyperventilation, de saignements et de brûlures cutanées. Celles-ci doivent alors être estimées le plus précisément possible et ajoutées à la fluidothérapie de maintenance et de réhydratation. Pour compenser ces pertes, des solutés isotoniques au plasma, comme les cristalloïdes, sont utilisés. La réhydratation est assurée par les mouvements d’eau du secteur intravasculaire au secteur interstitiel puis au secteur intracellulaire. Les fluides doivent être administrés sur une période de 24 heures, ce qui permet l’installation d’un équilibre entre le secteur intravasculaire et intracellulaire. Sinon, il existe un risque de surcharge du secteur interstitiel avec l’apparition de complications (œdème sous-cutané ou pulmonaire, épanchement pleural ou péritonéal). Les quantités de fluides à administrer pour restaurer l’hydratation sont ajoutées à celles nécessaires pour la maintenance et la correction des pertes obligatoires. Si l‘état de déshydratation est jugé sévère, une combinaison de cristalloïdes et de colloïdes est adaptée au remplissage des compartiments interstitiel et intravasculaire. [61] L’utilisation des colloïdes en maintenance vise à maintenir une pression oncotique supérieure à 14 mmHg et une PAM > 80 mmHg. Elle est indiquée chez les animaux souffrant d’hypoprotéinémie ou d’altération profonde des membranes capillaires. En raison de leur durée d’action (>24 heures pour l’HEA) et pour éviter une surcharge volémique, leur débit ne doit pas dépasser 20 mL/kg/j (soit environ 0,8 à 1 mL/kg/h) et 33 mL/kg/j pour le Plasmohes®. Il semble que leur durée d’action soit cependant réduite chez les animaux dont la barrière vasculaire est endommagée ou présentant une hémorragie persistante. [88] Des cristalloïdes sont administrés parallèlement afin d’assurer l’hydratation du patient et de remplacer les pertes. Si le choc hypovolémique est associé au développement d’une réaction inflammatoire systémique, l’administration de colloïdes peut être nécessaire durant 48 à 72 heures. La perfusion d’HEA peut être maintenue sur plus de 4 jours mais le volume total administré ne doit pas dépasser 80 mL/kg. La perfusion ne doit être arrêtée que lorsque les paramètres cliniques sont stables, signe d’une disparition des déséquilibres hydriques. [60] Les mesures régulières de la pression oncotique, de l’hémoglobine et de l’hématocrite permettent de déterminer la part relative entre cristalloïdes et colloïdes. Une hypoprotéinémie importante (<40 g/L), une anémie (Ht>20-25%, hémodilution) ou la présence de phénomènes septiques (aggravation de la perméabilité vasculaire) constituent en effet une contre-indication à la perfusion de grands volumes de cristalloïdes. [96] 183 Le suivi rapproché des animaux recevant d’importants volumes de fluides permet de détecter de manière précoce l’apparition de complications tels qu’un œdème pulmonaire ou un épanchement pleural du à une augmentation de la pression hydrostatique. Dans ce cas, les perfusions doivent être immédiatement arrêtées, une supplémentation en O2 doit être instaurée ainsi que l’administration de diurétiques par voie intraveineuse. Une thoracentèse peut être nécessaire en cas d’épanchement pleural important. [60] 3. Emploi des molécules vaso-actives 3.1. Présentation des agents vasopresseurs Le traitement à visée hémodynamique d’un état de choc possède trois propriétés successives : a. rétablir la précharge : remplissage vasculaire b. rétablir a contractilité myocardique : agent inotrope positif c. rétablir les résistances vasculaires systémiques : agent vasopresseur Au cours des états de choc, le remplissage vasculaire et la supplémentation en oxygène constituent les mesures thérapeutiques initiales et systématiquement requises. L’adjonction d’agents pharmacologiques vasopresseurs ou inotropes est réservée aux formes graves de choc, où le remplissage vasculaire effectué seul se révèle insuffisant pour atteindre les objectifs thérapeutiques. L’évaluation continue de la pression veineuse centrale, de la pression artérielle invasive et la surveillance continue électrocardiographique constituent un pré-requis indispensable à une utilisation adéquate de ces traitements. La mise en place de ces agents pharmacologiques est rendue rationnelle et leurs effets secondaires peuvent ainsi être détectés précocement. Les traitements vasopresseurs et inotropes font essentiellement appel à des substances adrénergiques, dont les actions cardio-vasculaires dépendent de leurs effets alpha- et bêta-adrénergiques prédominants. Trois types de récepteurs sont impliqués : les récepteurs alpha, bêta et dopaminergiques (tableau 13). Les catécholamines stimulent de façon plus ou moins préférentielle un ou plusieurs de ces types de récepteurs, le plus souvent de façon dose-dépendante. (tableau 14). [96] Les catécholamines sont largement utilisées selon des modalités très variées. Il existe peu de conclusions consensuelles quant à leur utilisation dans l’état de choc en médecine humaine. Ces consensus sont principalement établis pour le choc septique. En médecine vétérinaire, l’utilisation de ces molécules ne fait l’objet d’aucun consensus. 184 Tableau 13: Effets cardiovasculaires des récepteurs adrénergiques [96] Action prédominante en gras. Coeur Vaisseaux Chronotrope et inotrope + Alpha 1 Vasoconstriction - Alpha 2 Vasoconstriction Chronotrope, inotrope, Bêta 1 dromotrope, bathmotrope + Chronotrope, inotrope + Bêta 2 Dopaminergique 1 - Dopaminergique 2 - Vasodilatation Vasodilatation Vasodilatation : rénale, coronaire, mésentérique Inhibe relargage noradrénaline Tableau 14: Effets des catécholamines sur les récepteurs adrénergiques [96] 0 : absence d’effet / effet faible (+), modéré (++), majeur (+++). DA : récepteurs dopaminergique Alpha1 Alpha2 Bêta 1 Bêta 2 DA 0-3 microg/kg/min 0 + 0 0 +++ 2-10 microg/kg/min + + ++ + > 10 microg/kg/min ++ ++ ++ + Dopexamine 0 0 + +++ +++ Dobutamine ++ 0 +++ ++ 0 Adrénaline +++ +++ ++ +++ 0 Noradrénaline +++ +++ ++ 0à+ 0 Phényléphrine +++ 0 0 0 0 Dopamine 185 3.2. Indications Les animaux en état de choc devant bénéficier des catécholamines sont ceux qui ont : - un niveau de remplissage vasculaire jugé satisfaisant associé à des signes d’insuffisance circulatoire ; - une mauvaise tolérance au remplissage vasculaire associée à des signes d’insuffisance circulatoire. Le niveau de remplissage satisfaisant peut s’apprécier par l’évaluation de la pression veineuse centrale (> 10 cm H20) ou par les données de l’échocardiographie. La mauvaise tolérance du remplissage vasculaire est recherchée en permanence par le suivi de la saturation en oxygène, par des mesures répétées de la pression partielle artérielle en oxygène (PaO2), par le suivi de l’hématocrite et de la protéinémie. La fréquence respiratoire est un paramètre clinique intéressant, que diverses altérations, dont une intolérance au remplissage, peuvent accroître. [96] L’administration d’adrénaline (0.02 mg/kg) par voie intraveineuse constitue la base du traitement du choc anaphylactique. [96] 3.3. Schéma thérapeutique La demi-vie de la plupart des catécholamines est de quelques minutes, imposant une administration intraveineuse continue. Il existe une dose seuil, à partir de laquelle l’effet débute et suit une augmentation linéaire en fonction du logarithme de la dose administrée. Cependant, ce traitement est l’objet de variations interindividuelles importantes, tant pour la dose seuil que pour la relation dose-effet. L’état de choc perturbe également profondément cette relation. Il est donc systématiquement nécessaire d’adapter la posologie d’administration continue en fonction du patient traité. Ainsi, les posologies recommandées (tableau 15) ne sont qu’indicatives. En effet, chez certains patients, les effets secondaires précèdent l’effet cardio-vasculaire recherché. Chez d’autres, il est nécessaire d’augmenter fortement le rythme d’administration habituellement recommandé. Aux fortes doses, il est nécessaire de garder en permanence à l’esprit la possibilité de réduire la perfusion viscérale en raison d’une éventuelle augmentation excessive des résistances vasculaires systémiques. [96] 186 Tableau 15: Posologie utilisée lors d’administration intraveineuse continue de catécholamines lors d’état de choc [96] Posologie Délai d’action Durée d’action microg/kg/min (en min) (en min) Dopamine 2-10 2-5 10 Dobutamine 5-20 1-2 10 Adrénaline 0.01-0.1 1-2 5-10 Noradrénaline 0.1-2.0 1 5-10 Dopexamine 5-20 1-2 10 Catécholamine Il est possible d’administrer une seule catécholamine, ou au plus une association de deux catécholamines. D’un point de vue pharmacologique, il n’est jamais justifié d’administrer plus de deux catécholamines. Le tableau 16 présente les propriétés pharmacologiques essentielles de chacune des catécholamines utilisées lors d’état de choc. Lors d’état de choc, lorsque prédomine l’hypocontractilité myocardique (situation rare), l’administration d’une catécholamine à effet inotrope positif est privilégiée. La dobutamine ou la dopamine (faible dose) répondent à cette indication. La dobutamine reste néanmoins toujours privilégiée. [96] Lorsque prédomine la diminution de tonus vasculaire (situation la + fréquente), on préfère utiliser une catécholamine produisant principalement une vasoconstriction : noradrénaline ou phényléphrine. [96] Lors d’altération mixte (hypocontractilité myocardique et diminution du tonus vasculaire), on peut administrer soit la dopamine à forte dose (peu privilégiée en pratique), soit l’adrénaline ou mieux l’association dobutamine-noradrénaline. L’association de la noradrénaline avec un inodilatateur comme la dobutamine autorise un maintien ou une augmentation du transport d’oxygène. Les effets hémodynamiques globaux d’une telle association seraient similaires à ceux de l’adrénaline, avec l’avantage d’en contrôler davantage les composantes vasculaires et myocardiques. [96] La posologie initiale est toujours minimale. Cette posologie est ensuite augmentée progressivement (25 %) toutes les 10-20 minutes jusqu’à obtention de l’effet recherché (stabilisation de la pression artérielle principalement) et en l’absence d’effets secondaires (troubles du rythme cardiaque). [96] En pratique clinique, les associations adrénaline-dobutamine et dobutaminenoradrénaline semblent être équivalentes. Cependant, l’absence d’effets bêta-2 de la noradrénaline pourra convaincre certains de préférer la première de ces associations, principalement lors de dysfonction ventriculaire gauche 187 3.4. Plan de sevrage en catécholamines L’arrêt de la perfusion continue de catécholamines doit être en théorie effectuée au moins 12 heures après stabilisation hémodynamique. L’examen clinique répété permet de s’en assurer. Le sevrage doit être progressif : sa rapidité dépend de la durée du traitement, qui peut avoir instauré une certaine désensibilisation des récepteurs adrénergiques. Les posologies sont diminuées progressivement, par palier, toutes les 30 minutes (délai nécessaire pour s’assurer de la stabilité hémodynamique de l’animal). Une diminution de 25 % de la posologie peut être envisagée à chaque palier. Lors d’association de plusieurs catécholamines, il faut vraisemblablement privilégier l’arrêt d’une catécholamine à effet alpha-adrénergique dominant. En effet, la désensibilisation de ces récepteurs n’a pas été montrée, contrairement à la stimulation bêta-adrénergique prolongée. Une exploration hémodynamique avant le début du sevrage est nécessaire : pression artérielle invasive, pression veineuse centrale, échocardiographie. L’échec du sevrage doit faire rechercher une hypovolémie (thérapeutique liquidienne insuffisante ? hémorragie ? pertes ? …), une insuffisance cardiaque ou encore la persistance d’un foyer infectieux voire un sevrage trop rapide. 3.5. Effets secondaires Toutes ces molécules sont arythmogènes (arythmies ventriculaires prédominantes). Bien que cet effet soit dose-dépendant, le contexte clinique associé peut exacerber ces effets secondaires, rendant imprévisible la tolérance rythmologique de l’animal à l’administration continue de catécholamines. La surveillance électrocardiographie doit donc être permanente. [96] La tolérance hémodynamique de ces molécules doit être étroitement surveillée. L’augmentation des résistances vasculaires systémiques peut en effet faire chuter de façon drastique le débit cardiaque, d’un animal souffrant en parallèle d’hypocontractilité myocardique. En cas de survenue de l’un de ces effets secondaires, l’administration intraveineuse continue doit être stoppée pendant 20 minutes. La réadministration peut être envisagée ensuite, en veillant à utiliser un rythme de perfusion diminué de 25 à 50 %. 188 Tableau 16: Principaux effets thérapeutiques bénéfiques et secondaires des catécholamines lors d’état de choc [96] DC : débit cardiaque / RVS : résistances vasculaires systémiques / PA : pression artérielle / FC : fréquence cardiaque. Effets bénéfiques Dopamine < 3microg/kg/min : vasodilatation coronaire, rénale et mésentérique, augmentation de la diurèse et de la natriurèse (stimulation dopaminergique prédominante). Diminue le péristaltisme digestif : accentue risque d’iléus (DA1/2). 3-10 microg/kg/min : action inotrope prédominante (effet bêta prédominant) Tachycardie Arythmie > 8-10 microg/kg/min : augmentation de la PA (effet alpha dominant) Constriction des veines capacitantes. Effet anti-émétique (DA2). Hypertension artérielle pulmonaire Dobutamine Augmente marquée et dose dépendante du DC sans induire de vasoconstriction. Augmentation minime de la PA. Augmentation faible de la FC aux doses faibles (< 10 microg/kg/min). Diminue la pression veineuse centrale et les RVS. 3-O-méthyldobutamine (métabolite majeur) inhibe les récepteurs alpha. Peut nécessiter l’adjonction de soluté au cours de son administration pour potentialiser ses effets. Désensibilisation des récepteurs bêta en 24-72 heures. Adrénaline Récepteurs bêta-adrénergiques plus sensibles : DC augmente dès les faibles doses (0.05-0.5 microg/kg/min). Doses plus élevées (0.5-1.0 microg/kg/min) augmentent en plus les RVS : la PA augmente par un effet équilibré sur les RVS et le DC. FC reste relativement stable à ces doses. Utilisé lors d’échec avec dobutamine et/ou dopamine. Inhibe la dégranulation mastocytaire. Dopexamine Est ajouté à un traitement initial insuffisant (dobutamine ou dopamine). Phényléphrine Thrombose au point d’injection Perte d’effet lors d’utilisation sur plusieurs jours. Peut diminuer fortement la perfusion viscérale ou augmenter de façon excessive la consommation en oxygène par rapport au débit sanguin. Hyperglycémie, hypokaliémie, diminution de la perfusion rénale, augmentation de l’agrégation plaquettaire. Augmente le DC tout en diminuant les RVS. Diminution faible de la PA. Amélioration de la perfusion viscérale. Moins arythmogène que la dopamine. Augmente le DC et les RVS. Noradrénaline Effets secondaires / inconvénients Peu d’effets sur la FC. Peut diminuer la perfusion viscérale. Risque de diminution du DC par augmentation trop importante des RVS. Effets métaboliques moindres que l’adrénaline. Augmentation plus marquée de la postcharge ventriculaire gauche qu’avec l’adrénaline (absence d’effets bêta2adrénergiques) : contre-indiqués lors de dysfonction ventriculaire gauche. Augmente le DC et les RVS. Est ajouté à un traitement initial insuffisant (dobutamine ou dopamine). 189 Peut diminuer la perfusion viscérale. 3.6. Incompatibilités physico-chimiques et stabilité Ces agents adrénergiques ne doivent jamais être administrés dans une solution alcaline (soluté complémenté en bicarbonates par exemple) ou mélangés entre eux. En pratique, on a recours à une ligne de perfusion spécifique par catécholamine. L’administration s’effectue de façon contrôlée au pousse-seringue uniquement. [96] Une fois préparée, les solutions sont stables pour environ 24 heures à température ambiante. Au cours de la prise en charge d’un état de choc, le traitement par une catécholamine est proposé lors d’échec de l’expansion volémique ou lors d’intolérance au remplissage vasculaire. Lors d’état de choc, la persistance d’une instabilité hémodynamique après remplissage vasculaire doit être explorée. La dobutamine peut être privilégiée lors d’hypocontractilité myocardique prédominante, la noradrénaline lors de perte de tonus vasculaire et l’association dobutamine-noradrénaline lors d’atteinte mixte. 4. Conséquences sur le statut acido-basique Un état d’insuffisance circulatoire aiguë se complique fréquemment d’une acidose métabolique suite à l’hypoxie cellulaire. [28] Ce désordre acido-basique est mis en évidence par l’analyse de paramètres sanguins tels que le pH sanguin, le déficit en base, la mesure des ions bicarbonates ou la lactatémie. [11] Des études sur des chiens éveillés n’ont montré aucune corrélation entre l’importance de l’acidose lactique et l’intensité de l’hypovolémie. Cependant, il existerait une relation étroite entre le déficit en base mesuré au niveau artériel et l’importance de l’hypovolémie, ce qui pourrait être du, entre autres, à l’accélération du métabolisme oxydatif des lactates en pyruvates durant l’hypovolémie. Le déficit en base résulterait alors de l’accumulation de molécules autres que le lactate, qui participeraient aussi à l’acidose métabolique. La correction ou la non aggravation du déficit en base mesurée au niveau artériel pourrait donc constituer un indice d’efficacité ou de non aggravation de l’hypovolémie. [11] Le premier traitement à mettre en œuvre pour rétablir l’état acido-basique est la restauration de la perfusion tissulaire afin de rétablir un métabolisme cellulaire aérobie et de relancer la fonction rénale qui permet l’excrétion des ions H+. Si le choc est modéré ou si le remplissage vasculaire est rapidement effectué, cette mesure peut suffir à corriger l’acidose métabolique. [11, 28] Cependant, les animaux présentant un état de choc grave et évoluant depuis un certain temps peuvent présenter une acidose métabolique importante (pH sanguin<7,2) pour laquelle la réanimation liquidienne ne suffit pas à rétablir l’équilibre acido-basique. Une telle situation prédispose aux arythmies ventriculaires, altère la contractilité myocardique, diminue la réponse aux effets vasopresseurs des catécholamines et 190 favorise le développement d’une hyperkaliémie. [11, 28, 31] L’administration de bicarbonates de sodium est alors indiquée afin de diminuer l’intensité de l’acidose et de ramener le pH à une valeur où les complications hémodynamiques sont moins menaçantes pour la vie de l’animal. Cette thérapeutique n’a pas pour objectif de rétablir un pH sanguin normal mais tend à le ramener à une valeur supérieure ou égale à 7,2. A partir de cette valeur, la correction de l’acidose peut faire intervenir le rein qui élimine les ions hydrogènes. [11] Si une acidose métabolique normochlorémique (i.e. trou anionique augmenté du fait de la présence d’anions organiques tels que le lactate) est présente, l’administration de bicarbonates peut conduire à l’apparition d’une alcalose métabolique, car les anions organiques non mesurés tels que les lactates peuvent être métabolisés en bicarbonates lors de la convalescence. Cependant, si la fonction rénale est saine, cette complication n’est pas dramatique car les reins peuvent éliminer l’excès d’ions bicarbonates. Lors d’acidose métabolique hyperchlorémique, l’absence d’anions organiques évite ce genre de complications : l’administration d’ions bicarbonates est donc plus sûre. [31] La quantité de bicarbonate de sodium est déterminée par la formule suivante : [HCO3-] = (20 – [HCO3-] mesuré) x Vd x PV Vd: volume de distribution du bicarbonate (généralement estimé à 0,3) PV : Poids vif (kg) Le volume de distribution est cependant difficile à estimer : il varie inversement à la concentration initiale en bicarbonates et change 90 minutes après l’administration de bicarbonates. Ceux-ci se répartissent dans le secteur extracellulaire en 15 minutes et atteignent le compartiment intracellulaire en 2 à 4 heures. [31] Il est important de tenir compte du fait qu’une variation minime de la concentration en bicarbonates a des effets d’autant plus importants sur le pH que la bicarbonatémie initiale est basse et que le pH est acide. Ainsi, chez les chiens qui présentent une acidose métabolique sévère, de très faibles doses de bicarbonates doivent être administrées pour ramener le pH à une valeur de 7,2. [28, 31] Afin de diminuer les risques d’effets secondaires, on administre en bolus la moitié de la dose calculée puis il est conseillé de répéter les analyses sanguines 30 minutes au moins après la fin de cette administration (gaz sanguin, dosage de la bicarbonatémie) avant de continuer l’administration. D’autre part, environ 10 à 15% des bicarbonates administrés sont convertis immédiatement en CO2, ce qui conduit le patient à hyperventiler afin d’éliminer le CO2 accumulé. Il est donc essentiel de s’assurer que le patient peut augmenter sa ventilation spontanément avant d’administrer ce produit et celui-ci doit être donné lentement afin de minimiser l’augmentation de la PCO2 dans le sang veineux. [31] Les effets secondaires potentiels suite à l’administration de ce bolus sont une surcharge volémique par hypernatrémie, une diminution de la concentration de calcium ionisé, une diminution de la délivrance en O2 aux tissus consécutive à l’augmentation de l’affinité de Hb pour l’O2, l’apparition d’une alcalose métabolique ou d’une hypokaliémie. [11, 28, 31] 191 5. Conséquences sur le statut électrolytique Afin de suivre les modifications de l’ionogramme, il est conseillé de réaliser des analyses répétées dans le temps. 5.1. Contrôle de la kaliémie En plus du désordre initial, les solutions de remplissage utilisées ne sont pas équilibrées d’un point de vue électrolytique et doivent donc être complémentées. Les animaux traités pour choc hypovolémique ont souvent un déficit en potassium du fait d’une diminution de la prise alimentaire, de pertes associées (diarrhée, vomissement, polyurie secondaire à la diurèse…). Une thérapeutique liquidienne intensive majore donc le risque d’hypokaliémie si les solutés ne sont pas corrigés. Les pertes hydriques journalières d’un animal sain contiennent environ 15 à 20 mEq/L de potassium et 40 à 60 mEq/L de sodium. La fluidothérapie de maintenance doit donc permettre de rétablir ces pertes. La complémentation des solutés doit tenir compte de la concentration initiale en potassium des fluides (nulle pour le NaCl 0,9% et 4mEq/L pour le RL) et s’effectue par l’ajout de chlorure de potassium dans la perfusion de maintenance. Cette quantité doit ensuite être ajustée en fonction de la kaliémie mesurée (tableau 17). Les fluides contenant une concentration en potassium supérieure à celle du plasma chez un animal sain doivent être impérativement administrés lentement afin d’éviter l’apparition une hyperkaliémie fatale. Le rythme d’administration du potassium ne doit pas dépasser 0,5 à 0.9 mEq/kg/h. [39] Tableau 17 : Correction en potassium des fluides de maintenance [39] Kaliémie mesurée <2 mEq/L 2,0-2,4 mEq/L 2,5-2,9 mEq/L 3,0-3,4 mEq/L 3,5-5,5 mEq/L sérique Concentration en potassium du fluide administré 80 mEq/L 60 mEq/L 40 mEq/L 30 mEq/L 20 mEq/L En revanche, l’acidose métabolique rencontrée chez les chiens en état de choc hypovolémique peut entraîner une hyperkaliémie par redistribution du potassium, ceci restant tout de même rare chez les patients en acidose métabolique aigue. Dans ce cas, il est préférable d’utiliser un soluté ne contenant pas de potassium comme le NaCl isotonique. Chez les animaux présentant une hyperkaliémie modérée, des bicarbonates ou bien une association d’insuline et de glucose peuvent être administrés afin de faciliter le passage de potassium dans le milieu intracellulaire. Si l’hyperkaliémie est très importante, il est recommandé d’associer à ces mesures une administration de 192 gluconate de calcium afin de protéger le cœur des arythmies, le temps que l’insuline/glucose produise son effet (tableau 18). [39] Tableau 18 : Traitements potentiels de l’hyperkaliémie [39] Agent thérapeutiq ue NaCl 0,9% RL Gluconate de Ca 10% Bicarbonate de sodium Insuline régulière et glucose 50% Dose Avantages Inconvénients Perfusion rapide -Expansion volumique Aucun -Augmentation de la natrémie favorise la diurèse et protège de l’hyperkaliémie -Absence de potassium Perfusion rapide -Expansion volumique -Faible teneur en Na+ -Bénéfice du au Na+ -Contient 4 mEq/L de K+ 0,5-1,0 mL/kg IV -Action rapide -Cardiotoxique si donné sur 5-10 min -Permet de corriger une rapidement éventuelle hypocalcémie -Ne diminue pas la -Antagonise les effets kaliémie cardiaques du K+ -Effet de courte durée 0.5-1 mEq/kg IV -Action progressive -Apparition de signes sur 10-15 min -Corrige l’acidose cliniques si éventuelle hypocalcémie présente -Diminue la kaliémie par -Peut entraîner une passage intracellulaire du alcalose métabolique K+ -Apport de Na+ important 0,1-0,25 UI /kg IV -Action progressive -Hypoglycémie possible 1g glucose/UI IV -Diminue la kaliémie par si administration en perfusion sur 6 pénétration intracellulaire inadéquate de glucose heures du K+ -Peut majorer une -Emploi sûr hypophosphatémie préexistante 5.2. Contrôle de la natrémie La natrémie doit également être surveillée attentivement. La plupart des fluides de maintenance ont une concentration en sodium plus élevée que celle du plasma. En effet les pertes de sodium mesurées au niveau urinaire chez des animaux sains sont environ de 40 à 60 mEq/L alors que les solutés isotoniques ont une concentration 193 sodique de 130 à140 mEq/L. Une thérapeutique liquidienne agressive pourrait donc entraîner une hypernatrémie. Cependant, en pratique, il n’est pas fréquent d’observer des troubles de la natrémie. L’hypernatrémie peut être rencontrée lors de l’utilisation des fluides hypertonique comme le NaCl 7%. Cependant, si les mécanismes d’adaptation de l’organisme ne sont pas endommagés, la natrémie est maintenue dans des limites acceptables pour l’organisme, notamment en modulant la natriurèse. La concentration urinaire en sodium est en effet très variable (de 18 à 252 mEq/L), preuve de l’efficacité de l‘organisme à maintenir l’homéostasie sodique. [39] Une hyponatrémie semble peu probable lors de l’utilisation des solutés précédemment cité 6. Traitement et prévention des complications métaboliques L’amélioration des connaissances sur la physiopathologie doit être mise à profit par le clinicien pour anticiper et reconnaître rapidement les complications potentielles associées et éviter une aggravation des symptômes. 6.1. Prise en charge de la douleur La douleur et la réponse physiologique engendrée peuvent être délétères pour l’animal en état de choc. En effet, elle augmente la consommation d’O2, la fréquence cardiaque, les arythmies et favorise la vasoconstriction périphérique, ce qui réduit le flux sanguin et la délivrance tissulaire en O2. [28] Il est donc essentiel de ne pas négliger cet aspect du choc et mettre en place une analgésie précoce. Celle-ci peut justifier l’emploi d’analgésiques centraux. En France, on dispose principalement de la morphine comme analgésique opioïde injectable (Chlorure de morphine Lavoisier ®). Elle peut être utilisée en perfusion intraveineuse continue à la posologie de 0,1 à 0,2 m/kg/h ou par injections par voie intraveineuse à la posologie de 0,1 à 0,2 mg/kg, répétée toutes les 4 heures. Cette posologie doit être adaptée à la réponse de l’animal. [28] L’utilisation des opioïdes est parfois remise en question en raison de leur effet dépresseur sur la fonction respiratoire. Cependant, à cette posologie, le bénéfice qu’ils apportent est supérieur au risque encouru sur cette fonction. [28] 6.2. Traitement anti-inflammatoire [28, 89, 96] L’utilisation des corticoïdes dans l’état de choc fait l’objet de controverses depuis plusieurs décennies. Certaines études expérimentales animales montrent un effet bénéfique des corticoïdes en termes de survie. Cependant, les études cliniques humaines n’ont jamais confirmé ces résultats, voire ont mis en évidence l’effet inverse. Les effets bénéfiques pressentis des corticoïdes dans l’état de choc sont multiples : inhibition de l’agrégation plaquettaire, de l’activation leucocytaire, stabilisation membranaire, amélioration du transport périphérique d’oxygène, inhibition du relargage 194 de substances vaso-actives, inhibition de la phospholipase A2, augmentation de la néoglucogenèse, amélioration de la microcirculation, diminution de la production d’endotoxines. Le bénéfice essentiel de l’administration des corticoïdes provient donc de leur puissant effet anti-inflammatoire. Ces arguments semblaient justifier une administration de corticoïdes à forte dose et la plus précoce possible (stopper l’inflammation dès son initiation). Cependant, l’administration de corticoïdes lors d’état de choc peut entraîner certains effets secondaires majeurs : ulcération digestive (hémorragie potentielle, augmentation de la translocation bactérienne), prédisposition à certaines infections (élément de controverse), retard de cicatrisation. Administrés à forte dose avant le remplissage vasculaire, ils accentuent nettement les conséquences de l’insuffisance circulatoire en raison de leur action vasodilatatrice sur les artérioles et les veinules. Certains décès ont en effet été attribués à une administration trop précoce de corticoïdes chez des individus en état de choc hypovolémique non corrigé par un remplissage vasculaire préalable. Les corticoïdes ne sont plus administrés lors d’état de choc non septique en médecine humaine. Leur utilisation dans le choc septique reste discutée. Certaines études expérimentales animales et cliniques humaines montrent un effet bénéfique de l’administration précoce d’hydrocortisone à faible dose. Une meilleure réponse vasomotrice aux catécholamines serait notamment obtenue, la survie des patients traités serait quant à elle discrètement augmentée. En pratique vétérinaire, le recours ou non aux corticoïdes dans l’état de choc ne connaît pas de réponse formelle confortée par les résultats d’études expérimentales et cliniques. A une utilisation antérieure massive en médecine vétérinaire, semble désormais succéder une éradication tacite et progressive de cet agent pharmacologique de toute forme de choc. Cependant, lors de traumatisme médullaire ou crânien associé à un état de choc, l’utilisation des corticoïdes semble dans ce contexte recommandée. Les molécules principalement utilisées sont la dexaméthasone (Dexadreson ®, Dexazone ®) à la posologie de 0,1 à 0,4 mg/kg ou le succinate de methylprednisolone (Solumedrol ®) 30 mg/kg IV. 6.3. Traitement anti-infectieux La mise en place d’un traitement anti-infectieux dépend de plusieurs facteurs parmi lesquels l’état d’avancée du choc et son étiologie. Les antibiotiques sont indiqués dans le cas d’un choc en phase de décompensation ou en présence de traumatisme externe. Si des prélèvements d’urines, de sang, de liquide d’épanchement doivent être effectués, il est conseillé de les réaliser avant l’instauration de l’antibiothérapie, mais celle-ci ne doit pas être retardée par l’attente des résultats de ces analyses. [28] Lors des chocs avancés ou lors de la reperfusion tissulaire, une des complications réside en la translocation bactérienne survenant au niveau de l’intestin suite à l’augmentation de la perméabilité cellulaire. Des germes peuvent alors pénétrer dans le sang par cette voie. Une antibioprophylaxie à large spectre est alors indiquée : les céphalosporines de première génération telles que la céfalexine à 20-30 mg/kg q8h IV peuvent par exemple être employées dans cette optique. [28] 195 Le maintien de l’antibiothérapie est déterminé en fonction de l’état clinique du patient. Si l’animal développe une réaction inflammatoire systémique, son statut peut évoluer vers un choc septique. Une tachycardie, une polypnée, une hypo ou hyperthermie importante associée à une leucocytose neutrophilique et une diminution de la PaCO2 (<32 mmHg) doivent faire suspecter l’apparition de ce type de complications. [27] Une antibiothérapie bactéricide est lors indiquée : les céphalosporines répondent à cette attente et présentent l’avantage d’être économiques tout en présentant peu de contre-indication à leur emploi (sauf allergie connue). Cependant, lorsque la perfusion tissulaire est rétablie et si le patient ne semble pas répondre à l’antibiothérapie initiale, il peut être intéressant d’associer un deuxième antibiotique. Dans cette optique, l’emploi d’une fluoroquinolone ou de métronidazole (25 mg/kg q12h) par voie intraveineuse permet d’élargir le spectre d’action des céphalosporines en assurant une bonne couverture des organismes Gram -. [28, 96] 6.4. Prévention des lésions gastro-intestinales En raison de l’hypoxie tissulaire et de la diminution de la perfusion des organes gastro-intestinaux lors de l’état de choc, de la production de radicaux libres suite à la peroxydation des lipides membranaires, du passage des ions hydrogènes de la lumière intestinale vers les cellules de la muqueuse et de la détérioration de l’intégrité de la muqueuse, des hémorragies et des ulcérations gastro-intestinales peuvent apparaître. Afin de protéger le tractus de ce type de complications, il existe différentes médications adaptées. [48] Le sucralfate (Ulcar ®) permet de recouvrir les zones ulcérées par réaction avec l’acide chlorhydrique. Il protège alors ces sites de l’action de la pepsine, d’acides ou de la bile. Sa posologie est de 0,25 à 1 mg toutes les 8 heures. Les anti-H2 tels que la cimétidine (Tagamet ®), la ranitidine ou la famotidine permettent de bloquer les récepteurs H2 de la membrane apicale des cellules pariétales de l’estomac et par conséquent de diminuer la production d’acides. La cimétidine est utilisée à la dose de 5 à 10 mg/kg PO, IV ou IM toutes les 6 à 8 heures, et doit être espacée de 2 heures de la prise d’un autre médicament. Les inhibiteurs de la pompe à protons sont également employés pour diminuer l’effet des ions hydrogènes déversés. L’oméprazole (Mopral ®) est utilisé à la posologie de 0,5 à 1 mg/kg/j PO. Enfin, le misoprostol (Cytotec ®) permet d’inhiber la sécrétion d’acide gastrique par les cellules pariétales et exerce un effet cytoprotecteur en augmentant la sécrétion de mucus gastrique et de bicarbonates. Il est particulièrement indiqué pour lutter contre les effets secondaires des médicaments à visée anti-prostaglandines sans interférer avec leur action anti-inflammatoire et analgésique. Il ne doit pas être utilisé chez la femelle gestante car il peut provoquer des contractions utérines. La posologie est de 1 à 5 µg/kg PO toutes les 8 heures. [47] 196 D’autre part, le suivi et la correction de la kaliémie sont importants pour le rétablissement d’une motricité intestinale correcte. En effet, l’hypokaliémie est souvent associée à un iléus. [39] 6.5. Suivi de la fonction de coagulation La concentration des facteurs de coagulation et de l’antithrombine diminue suite à l’activation de la cascade de coagulation lors de la réaction inflammatoire systémique. Afin de pallier ces déficits, une transfusion de sang frais peut être instaurée. L’administration de plasma congelé ou plasma frais congelé, préparé à partir d’un prélèvement de sang total, est également possible pour remplacer l’antithrombine et les facteurs de coagulation. Cependant, la concentration en globules blancs, en plaquettes et en facteur de coagulation V et VIII diminue (leur demi-vie est d’environ 6 à 8 heures dans le plasma) avec le temps de conservation. [62] Les chiens recevant une transfusion de plasma ne requièrent pas de crossmatch. Le plasma doit être décongelé progressivement et administré à l’aide d’un filtre microporeux de 18 microns à un rythme de 5 à 15 mL/kg toutes les 8 à 24 heures. [96] Si le plasma vise à corriger un déficit en antithrombine, il est conseillé de réaliser parallèlement une injection sous-cutanée d’héparine de 50 à 100 UI toutes les 8 heures, qui permet de faciliter l’activité antithrombique. [62] Le suivi de la fonction de coagulation de l’animal doit être maintenu tout au long de la réanimation. En effet, l’administration des colloïdes synthétiques peut entraîner des coagulopathies par dilution. Cependant, cet effet est rarement observé aux posologies recommandées. D’autre part, les dextrans et certains HEA peuvent interférer avec la fonction plaquettaire et allonger le temps de prothrombine, le temps d’activation partiel de la thromboplastine et le temps de coagulation activée. Si ce dernier apparaît anormalement élevé suite à la perfusion de colloïdes, une cause sous-jacente telle qu’une CIVD doit être recherchée et une transfusion de plasma doit être envisagée afin de restaurer les protéines nécessaires à la coagulation. [60] 7. Traitement de l’hypothermie [80] L’hypothermie doit être traitée progressivement par le biais d’un réchauffement progressif (bouillottes, ventilateurs à air chaud…) visant à augmenter la température corporelle de 1 degré par heure. Si le réchauffement est trop brutal, il entraîne une vasodilatation périphérique qui majore le défaut de perfusion tissulaire. Tous les fluides injectés doivent être réchauffés à température adéquate. 8. Lésions de reperfusion Certains animaux présentent une dégradation soudaine de leur état clinique après avoir montré des signes d’améliorations suite à la réanimation intensive. Cette rechute affecte principalement le tractus gastro-intestinal et le cerveau, mais d’autres organes 197 peuvent être atteints. Plusieurs phénomènes semblent être à l’origine de ces complications. La vasoconstriction induite par le calcium, l’agrégation des leucocytes sur les microvaisseaux et la formation d’oedèmes péri-tissulaires compromettant la vascularisation entravent la reperfusion cellulaire. Ces lésions créent des conditions favorables à la formation d’oedème cérébral et la translocation d’organismes pathogènes au niveau intestinal, pouvant conduire à des complications septiques. L’incidence et l’importance de ces lésions dépendent de la durée d’hypoperfusion tissulaire. Malheureusement, aucune thérapeutique ne permet de prévenir ces complications. D’autre part, un autre processus est impliqué dans cette dégradation et fait suite à la réanimation liquidienne. Lors du rétablissement de la perfusion tissulaire, la libération massive des déchets du métabolisme cellulaire dans le flux sanguin tels que les radicaux libres peut aboutir à l’apparition de lésions de reperfusion. Si les neurones sont touchés, le pronostic vital peut être mis en jeu. [28] 9. Suivi nutritionnel 24 à 48 heures après l’installation du choc, l’organisme rentre dans une phase d’hypermétabolisme au cours de laquelle les besoins sont augmentés. Si cet état n’est pas pris en charge, il peu conduire à un déséquilibre de la balance protéique et diminuer les réponses immunitaires de l’organisme. [89] Il est donc conseillé de commencer à réalimenter le chien au maximum 48 heures après sa prise en charge par le biais d’une alimentation parentérale ou entérale. La nutrition entérale est préférable car elle permet de maintenir en fonction la muqueuse intestinale, son imperméabilité et ses fonctions immunitaires. Elle permet de réduire les complications infectieuses et le relargage de médiateurs de l’inflammation par rapport à la nutrition parentérale. Lors de l’utilisation de sonde naso-oesophagienne ou de sonde gastrique, il est conseillé d’utiliser des prokinétiques tels que le métoclopramide (Primperid ®) ou le cisapride (Prepulsid ®) car certains animaux développent une stase gastrique qui limite l’efficacité de cette voie de réalimentation. [47] 198 CONCLUSION L’insuffisance circulatoire aiguë chez le chien est une situation clinique qui impose une prise en charge immédiate de l’animal. Celle-ci doit être effectuée de manière précise en suivant un protocole simple dont la chronologie peut cependant différer selon les cas : 1. recueil de l’anamnèse, réalisation d’un examen clinique initial, évaluation précise du statut hémodynamique de l’animal, puis établissement d’un plan de réanimation médicale immédiat en cas d’arrêt cardio-respiratoire imminent ; 2. pose d’une voie veineuse autorisant une thérapeutique liquidienne ; 3. réalisation d’un bilan paraclinique permettant de quantifier les déséquilibres présents: bilan sanguin (incluant si possible l’hémogramme, l’ionogramme et un bilan biochimique selon la situation clinique), exploration hémodynamique invasive ou non invasive, contrôle de la diurèse, examens d’imagerie,… 4. choix du soluté de perfusion selon les résultats des examens cliniques et paracliniques 5. mise en place d’une stratégie de correction des désordres électrolytiques, acidobasiques, gazométriques rencontrés ; 6. mise en place d’un protocole de surveillance permettant le suivi hémodynamique du patient Une fois cette stratégie thérapeutique instaurée, l’animal doit être l’objet d’une surveillance continue afin d’évaluer la réponse clinique au traitement mis en place. Le choix du ou des solutés de remplissage constitue une étape cruciale dans le plan de réanimation, afin de rétablir la perfusion et l’hydratation tout en prévenant l’apparition d’une surcharge vasculaire et ses conséquences néfastes (œdème pulmonaire, cérébral, périphérique). Le choix de ce soluté repose sur différents critères incluant la nature des pertes à l’origine de l’hypovolémie, les perturbations hémodynamiques rencontrées et les caractéristiques physicochimiques des solutés, leurs effets rhéologiques et secondaires. La diversité des produits disponibles permet de répondre de manière efficace à la majorité des situations cliniques rencontrées en médecine vétérinaire. Les solutés cristalloïdes isotoniques et les colloïdes synthétiques (en particulier les HEA), permettent le plus souvent de rétablir la volémie rapidement et de manière prolongée. Il convient néanmoins d’en respecter les indications et contre-indications, les posologies et rythmes d’administration. La réanimation peut parfois être plus délicate. Lors d’indication transfusionnelle par exemple (anémie importante, suite à une perte sanguine aigue par exemple) ou d’hypoprotéinémie majeure, la difficulté d’accès aux produits sanguins (par manque de donneur et de banques de sang de chien) et aux solutés d’albumine humaine (accès réservé à l’usage hospitalier, coût prohibitif) retardent et limitent l’établissement d’une stratégie thérapeutique adéquate. Les concentrés de globules rouges ou les dérivés d’hémoglobine d’origine bovine récemment mis sur le marché, restent d’une 199 disponibilité réduite et d’un emploi très onéreux. En l’absence d’autres moyens, le recours aux colloïdes et aux cristalloïdes reste la seule issue mais ce choix nécessite une surveillance clinique et paraclinique intensive afin de limiter les effets secondaires potentiels (hémodilution, efficacité controversée des « plans de réanimation liquidienne retardée…). D’autre part, une attention particulière doit être portée sur la place des molécules vasoactives dans la gestion du choc hypovolémique. Leur emploi n’est justifié que si les paramètres hémodynamiques ne sont pas rétablis malgré un remplissage vasculaire optimal. L’utilisation des tableaux décisionnels proposés aide le praticien à suivre une stratégie thérapeutique par étapes. Le rappel des posologies et vitesses de perfusion ainsi que des principales précautions d’emploi des solutés y est effectué. L’emploi raisonné des vasopresseurs est également abordé. Ces tableaux répondent aux principales situations cliniques rencontrées en favorisant le recours à des solutés faciles d’accès. Leur emploi ne doit pas faire l’objet d’une application rigide mais constitue une orientation de prise en charge thérapeutique. Le développement des banques de sang et dérivés sanguins d’origine canine (permettant également le typage des donneurs et limitant ainsi les risques transfusionnels) et de dérivés d’albumine d’origine canine pourrait permettre à l’avenir d’élargir les possibilités thérapeutiques en pratique courante. 200 BIBLIOGRAPHIE 1. AJITO T, SUZUKI K, IWABUCHI S. Effect of intravenous of a 7,2% hypertonic saline solution on serum electrolytes and osmotic pressure in healthy beagles. J. Vet. Med. Sci. 1999, 61 (6), 637-641. 2. ALBANESE J, BOURGOIN A, MARTIN C. Prophylaxie et traitement des infections chez le sujet polytraumatisé. Conférences d'actualisation 2002, Ed scientifiques et médicales Elsevier SAS, et Sfar, 2002, p. 621-640. 3. ALDRICH J. Global assessment of the emergency patient. Vet. Clin. Small Anim., 2005, 35, 281-305. 4. ANIMAL HOSPITAL OF ROWLETT (1996). Canine orchidectomy, medical procedure, surgeries. In: Surgeries, canine orchidectomy.[en-ligne]. 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Care, 1994, 4 (1), 23-27. 208 ANNEXES ANNEXE 1 : Origine et actions des substances inflammatoires libérées lors de choc [74] ANNEXE 2 : Classification des hyperlactatémies [52] ANNEXE 3 : Score de Glasgow modifié [83] 209 210 ANNEXE 1 : ORIGINE ET ACTIONS DES SUBSTANCES INFLAMMATOIRES LIBEREES LORS DE CHOC [74] Histamine Libéré par les mastocytes lors des réactions de liaison Ag-Ac (fièvre aiguë, inflammation cutanée, asthme, arthrite rhumatoïde) Bradykinine Provoque douleur, vasodilatation et œdème Stimule les prostacyclines Sérotonine Bronchoconstriction, agrégation plaquettaire, augmentation de la perméabilité membranaire Prostaglandines PGE2 : vasodilatation, érythème, hyperalgie, œdème PGF2α : vasoconstriction Thromboxane A2 Vasoconstriction Agrégation plaquettaire Relargage de lysosomes membranaires Leucotriènes C4, D4, E4 Bronchoconstriction Vasodilatation Augmentation de la perméabilité vasculaire Dépression cardiaque TNF Stimulation de médiateurs de l’inflammation et de cytokines Dépression myocardique Augmentation de la perméabilité capillaire Œdème CIVD PAF Effets asthmatiformes Vasodilatation Augmentation de la perméabilité capillaire Endothéline Vasoconstriction Augmentation de la perméabilité capillaire Œdème tissulaire NO Vasodilatation Hypotension Augmentation de la perméabilité capillaire Production de radicaux libres oxygénés Radicaux libres oxygénés (O2-, H2O2, OH-) Production de peroxynitrites et d’acide peroxynitreux Destruction membranaire Lyse cellulaire 211 212 ANNEXE 2 : CLASSIFICATION DES HYPERLACTATEMIES [52] Type A : Hyperlactatémies par hypoxie tissulaire Diminution de DO2 · baisse du débit cardiaque : choc septique, hypovolémique, cardiogénique · baisse de CaO2 : anémie sévère, anomalies de l'hémoglobine, hypoxémies sévères, asphyxie Altération de l'ExO2 ou de l'utilisation d'O2 · sepsis grave, défaillance polyviscérale, intoxication au cyanure Type B1 : Hyperlactatémies et maladies systémiques · insuffisance hépatique · diabète sucré · maladies néoplasiques · alcalose · sepsis Type B2 : Hyperlactatémies et intoxications · biguanides, fructose · éthanol, méthanol, éthylèneglycol · salicylates, cyanure, paracétamol Type B3 : Hyperlactatémies et augmentation des besoins en O2 · état de mal convulsif · exercice physique violent 213 214 ANNEXE 3 : SCORE DE GLASGOW MODIFIE [83] ETAT DE CONSCIENCE Périodes occasionnelles d'éveil et réceptif à l'environnement Dépressif ou "delirium", répond à la stimulation mais éventuellement de façon inappropriée Stupeur, répond aux stimuli visuels Stupeur, répond aux stimuli auditifs Stupeur, répond uniquement aux stimuli nociceptifs répétés Coma : ne répond à aucune stimulation ACTIVITE MOTRICE Démarche normale, réflexes médullaires normaux Hémiparésie, tétraparésie, rigidité de décérébration Décubitus, rigidité intermittente des extenseurs Décubitus, rigidité permanente des extenseurs Décubitus, rigidité permanente des extenseurs, opisthotonos Décubitus, hypotonie musculaire, réflexes médullaires diminués voire absents REFLEXES TRONC CEREBRAL Réflexes photomoteurs et oculo-céphalique normaux Réflexes photomoteurs ralentis, réflexe oculo-céphalique normal à diminué Myosis bilatéral aréflexique, réflexe oculo-céphalique diminué à absent Myosis bilatéral serré, réflexe oculo-céphalique diminué à absent Mydriase unilatérale aréflexique, réflexe oculo-céphalique diminué à absent Mydriase bilatérale aréflexique, réflexe oculo-céphalique diminué à absent Catégorie I II III Score 3-8 9 - 14 15 - 18 215 SCORE 6 5 4 3 2 1 6 5 4 3 2 1 6 5 4 3 2 1 Pronostic SUGGERE Situation grave Réservé Bon INSUFFISANCE CIRCULATOIRE AIGUE DU CHIEN : CONCEPTS PHYSIOPATHOLOGIQUES, RECONNAISSANCE CLINIQUE ET PRINCIPES THERAPEUTIQUES NOM et Prénom : REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS Florence RESUME : Cette thèse est une revue bibliographique détaillant les méthodes actuelles de reconnaissance et de prise en charge raisonnée d’un chien en situation de choc hypovolémique. L’auteur rappelle dans une première partie le fonctionnement du système cardio-circulatoire et les modes de régulation s’exprimant dans des conditions physiologiques. L’aspect physiopathologique est abordé dans une seconde partie où sont présentées les perturbations hémodynamiques observées lors de situation d’insuffisance circulatoire chez le chien. Les mécanismes compensateurs mis en œuvre par l’organisme afin de restaurer une situation hémodynamique stable sont également détaillés. Une description précise des moyens cliniques et paracliniques actuels d’évaluation de l’animal en situation d’insuffisance circulatoire fait l’objet de la troisième partie. Les principes thérapeutiques sont étudiés dans la dernière partie, en insistant sur les caractéristiques des solutés et des agents pharmacologiques utilisables. A l’issue de ce rappel, des stratégies thérapeutiques raisonnées et adaptées aux situations cliniques les plus fréquemment rencontrées sont proposées sous forme de tableaux décisionnels. Mots-Clés : Etat de choc – Hypovolémie – Thérapeutique liquidienne – Hémorragie – Vasopresseur – Carnivore – Chien Jury : Président : Pr. Directeur : Dr. DESBOIS Assesseur : Dr. TISSIER Invité : Dr. TESSIER-VETZEL Adresse de l’auteur : Melle Florence REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS 456 chemin des Argeiras 06460 SAINT VALLIER DE THIEY DOG’S ACUTE CIRCULATORY FAILURE : PHYSIOPATHOLOGICAL CONCEPTS, CLINICAL RECOGNITION AND THERAPEUTICS PRINCIPLES SURNAME and Given name: REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS Florence SUMMARY : This thesis is a literature review which covers the current methods used to diagnose and treat dogs suffering from a hypo-volumetric shock. In the first part of the thesis the author summarises how the cardio-vascular system works and how it is controlled in normal physiological conditions. The second part of the thesis describes the physio-pathological aspects of this system a situation where there is a disruption in haemodynamic control due to circulatory insufficiency in the dog. The adaptive mechanisms activated by the animal to re-establish stable haemodynamics are also described. In the third part of the thesis the author indicates the current clinical and para-clinical methods used to evaluate circulatory insufficiency. The final part of the thesis describes the main treatments. The author highlights the characteristics of the perfusion solutions and pharmacological agents which can be used. At the end of this section the treatment therapies adapted to the most frequently encountered clinical situations are described in the form of decision making tables. Keywords : Shock – Hypovolaemia – Fluidotherapy – Haemorrhages – Vasopressor – Carnivore - Dog Jury : President : Pr. Director : Dr. DESBOIS Assessor : Dr. TISSIER Guest : Dr. TESSIER-VETZEL Author’s address : Miss Florence REGNAULT de SAVIGNY de MONCORPS 456 chemin des Argeiras 06460 SAINT VALLIER DE THIEY