Congrès du Groupe de réflexion sur la recherche cardiovasculaire (GRRC) I

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N F O R M A T I O N S
Congrès du Groupe de réflexion
sur la recherche cardiovasculaire (GRRC)
● L. Hittinger*
TABLES RONDES
Le congrès du GRRC, dont le but est de favoriser le
développement de la recherche cardiovasculaire
dans ses composantes fondamentales, cliniques et
thérapeutiques et d’encourager le rapprochement
et les échanges entre cliniciens et fondamentalistes
de la recherche institutionnelle, universitaire et
industrielle, s’est tenu les 25 et 26 avril au palais des
Congrès d’Orléans sous la coordination de F. Pinet.
Il a rassemblé 392 participants, et 226 communications affichées y ont été présentées. Au cours de ces
deux journées, trois conférences ont été données
par les Prs
– F. Abboud, Iowa City, États-Unis : “Mécanismes
moléculaires de l’activation du baroréflexe” ;
– P. Vanhoutte, Courbevoie : “Retour vers le futur :
du post-génome à la fonction” ;
– A. Cohen-Solal, Clichy : “Traitement de l’insuffisance cardiaque : succès et limites”.
Neuf tables rondes sur les sujets les plus innovants
de la recherche cardiovasculaire ont donné lieu à
d’intéressants débats, que nous résumons ci-après.
Au cours du congrès, quatre bourses de recherche
et six prix pour les meilleures communications affichées présentées par de jeunes chercheurs ou cliniciens ont été attribués.
Le prochain congrès se déroulera à Grenoble les 15
et 16 avril 2003 sous la coordination de A. Duperray ([email protected]).
* Service de cardiologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.
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Automatisme cardiaque : mécanismes de régulation et intérêt
clinique (avec le soutien des laboratoires Servier-Biopharma)
Modérateurs : S. Hatem (Paris) et A. Berdeaux (Le KremlinBicêtre)
L’automatisme cardiaque, c’est la vie. C’est aussi un des aspects
les plus complexes de la physiologie cardiaque. C’est pourquoi
son étude passionne toujours autant les physiologistes, qui
essaient de comprendre comment les cellules du sinus se dépolarisent brièvement et spontanément pendant toute une vie.
Comme l’a rappelé M. Mangoni, le courant “pacemaker” if est
un des acteurs majeurs de ce mécanisme d’horlogerie. Les cliniciens et les pharmacologues aussi s’intéressent de plus en plus à
l’automatisme cardiaque et au courant if”.
D. Logeart a montré que la fréquence cardiaque est une variable
qui intervient dans la morbi-mortalité de nombreuses affections
cardiovasculaires. Les inhibiteurs du courant if existent. Ce sont
de puissants agents bradycardisants dont il reste à préciser la place
dans l’arsenal thérapeutique de la cardiologie, et en particulier
par rapport aux agents bêtabloquants. Les données expérimentales montrent que l’ivabradine (un bloqueur d’if) diminue la
consommation en oxygène du myocarde, mais moins bien qu’un
bêtabloquant, et facilite la récupération du myocarde sidéré mieux
que ne le fait un bêtabloquant (P. Colin, X. Monnet).
Dans l’insuffisance cardiaque expérimentale, cet agent prévient
certains des aspects du remodelage myocardique, sans que l’on
sache encore son effet sur la survie des animaux (P. Mudler).
Réponses vasculaires aux contraintes hémodynamiques
Modérateurs : P. Lacolley (Paris) et V. Richard (Rouen)
Cette table ronde a rassemblé un ensemble de présentations à la
fois fondamentales et cliniques. La première partie a consisté en
un rappel du rôle majeur des contraintes de cisaillement liées au
débit sanguin dans le tonus vasomoteur et la géométrie des artères
de conductance chez l’homme, puis des principaux facteurs structuraux impliqués dans la régulation de l’élasticité artérielle directement en relation avec la pression artérielle.
Les travaux expérimentaux ensuite présentés ont montré plusieurs
aspects de la modulation fonctionnelle de la paroi artérielle : augmentation des canaux calciques de type L chez le rat spontanément hypertendu SHR (S. Bonnet), augmentation du tonus vasoLa Lettre du Cardiologue - n° 357 - septembre 2002
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moteur des artères de résistance liées à l’activation des protéines
kinases Rho chez le rat hypertendu de souche lyonnaise
(M.R. Freitas), mise en évidence du rôle majeur de la kallicréine/kinine tissulaire dans la régulation de la vasodilatation
endothélium-dépendante des artères de résistance (S. Bergaya),
et activation des métalloprotéases dans le remodelage vasculaire
liée à l’augmentation des contraintes de pression (S. Lehoux).
Des travaux cliniques présentés, nous pouvons retenir que les calcifications artérielles constituent un facteur indépendant de mortalité globale corrélé significativement à la pression pulsée chez
l’insuffisant rénal chronique (A. Guérin), et que la glycémie est
aussi un facteur indépendant de progression d’une hypertrophie
carotidienne chez le patient hypertendu (A.I. Tropeano). Cela
souligne le rôle des facteurs métaboliques en association avec
l’HTA dans le développement des lésions athéroscléreuses.
Utilisation thérapeutique de l’angiogenèse
Modérateurs : T. Couffinhal (Pessac) et C. Bauters (Lille)
La session s’est ouverte sur un rappel des bases physiologiques
de la circulation collatérale en pathologie humaine. L’apparition
d’une hypoperfusion dans un territoire myocardique induit le
développement d’une circulation collatérale qui a pour finalité
de réduire l’ischémie musculaire. Cette circulation collatérale se
développe par artériogenèse ou par angiogenèse (C. Bauters).
Les patients atteints d’une myocardiopathie ischémique ou d’une
artériopathie des membres inférieurs présentent des variations
considérables quant à leur possibilité de développer une circulation collatérale. D’où l’intérêt de nouveaux traitements permettant d’augmenter et d’accélérer l’angiogenèse physiologique.
Trois approches pourraient être utilisées pour augmenter et accélérer l’angiogenèse physiologique (angiogenèse thérapeutique) :
– utilisation de certains médicaments comme les IEC ou les statines,
– utilisation de facteurs de croissance (VEGF ou FGF) sous forme
protéique ou sous forme de gènes (thérapie génique – études cliniques humaines déjà en cours) ou l’utilisation de cellules précurseurs de la moelle capables de se différencier en cellules endothéliales (études précliniques concluantes) (T. Couffinhal).
Les communications ont porté sur la démonstration du rôle angiogénique de nouveaux facteurs (EPAS1, FrzA) (J. Favier,
P. Dufourcq) ou sur les mécanismes de régulation de l’angiogenèse avec implication des phosphodiestérases, du récepteur de
type 2 de l’angiotensine II ou du facteur tissulaire (L. Favot, J.S.
Silvestre, F. Mouquet). Tout ceci laisse percevoir une recherche
dynamique et variée sur ce sujet en pleine expansion.
Inflammation et paroi vasculaire (avec le soutien des laboratoires Glaxo-SmithKline)
Modérateurs : G. Loirand (Nantes) et Z. Mallat (Paris)
Les réactions inflammatoires conduisant à l’activation du facteur
de transcription NF-κB jouent un rôle majeur dans le développement de l’athérosclérose. Il a été démontré récemment qu’une
pathologie humaine liée au chromosome X (l’incontinence pigmentaire) était liée à une mutation conduisant à une dysfonction
de la voie d’activation de NF-κB. Cette observation renforce le
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rôle de cette voie de signalisation dans le contrôle de multiples
fonctions cellulaires impliquées dans les réponses immunes et
inflammatoires, l’adhésion, la prolifération ou la protection contre
l’apoptose (G. Courtois). D’autre part, un polymorphisme du
gène de l’interleukine 1ß semble être associé à la sévérité des
lésions athéroscléreuses coronaires, une plus faible fréquence de
l’allèle -511T du gène étant associée à une extension réduite des
lésions (I. Dubus). L’interleukine 18 paraît également jouer un
rôle important dans le développement de l’athérosclérose. L’interleukine 18 et son récepteur sont fortement exprimés dans les
plaques athéroscléreuses, le niveau d’expression de l’interleukine
18 étant positivement corrélé à l’instabilité des plaques (Z. Mallat).
Arythmies ventriculaires malignes
Modérateurs : D. Babuty (Tours) et D. Escande (Nantes)
Deux point forts se sont dégagés de cette table ronde : l’étude du
transcriptome génomique appliqué au remodelage des canaux
ioniques et l’analyse du système de conduction cardiaque par
marquage de la connexine Cx 40.
D. Escande a présenté une méthode globale d’analyse du remodelage des canaux ioniques au cours de situations pathologiques
comme l’insuffisance cardiaque, l’hyperthyroïdie ou l’hypothyroïdie. Cette méthode utilise des puces à ADN fixées sur une
matrice qui révèlent l’ADNc marqué du témoin et de l’individu
pathologique. La comparaison des deux patrons d’expression
génomique ainsi obtenus permet d’évaluer l’ensemble des gènes
sous- ou surexprimés dans une situation pathologique donnée.
Bien que limitée actuellement aux gènes et non aux produits de
ces gènes, cette nouvelle approche de la physiopathologie semble
très intéressante.
P. Abran a étudié le système de conduction cardiaque grâce à
l’identification de la connexine Cx 40. La technique consiste à
insérer un vecteur eGPF dans le locus de Cx 40 par recombinaison homologue, puis à révéler eGPF par fluorescence. L’ensemble
du tissu de conduction, faisceau de His et réseau de Purkinje, est
ainsi visualisé. L’application de ce type de marquage sur des animaux transgéniques devrait permettre d’étudier le rôle de la
connexine 40, et donc du système de conduction cardiaque, dans
certaines situations pathologiques.
Imagerie et techniques non invasives chez le petit animal
Modérateurs : L. Carrier (Paris) et G. Derumeaux (Rouen)
Cette table ronde a porté sur les techniques non invasives de
mesure de la fonction cardiaque et vasculaire chez le petit animal. G Derumeaux a fait une synthèse de toutes les techniques
actuelles d’étude de la fonction ventriculaire gauche chez le petit
animal, allant de l’échocardiographie au PET scan en passant par
l’imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM). L’utilisation d’une sonde écho de haute fréquence (13 MHz) permet la
mesure fiable et reproductible de la fonction myocardique régionale ventriculaire gauche et droite. L’utilisation combinée du flux
transmitral et du doppler tissulaire de l’anneau mitral permet une
évaluation non invasive de la pression télédiastolique ventri7
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culaire gauche et un suivi longitudinal chez le rat. Les résultats
sont corrélés à ceux obtenus par cathétérisme (F. Prunier). Enfin,
il apparaît clairement que l’IRM est la technique du futur et qu’elle
peut même être utilisée sur des souris dont le cœur bat à 600/mn
(G. Derumeaux, J. Hoerter), mais le problème demeure son coût
très élevé (environ un million d’euros).
Hot Topics
Modérateurs : A. Tedgui (Paris) et R. Isnard (Paris)
La session “Hot Topics” est consacrée à la présentation de résultats particulièrement novateurs. P. Ratajczak a essayé de comprendre pourquoi le monoxyde d’azote (NO), présent dans les
cellules endothéliales et responsable de la vasodilatation des
artères, est moins actif dans le cœur sénescent. Il montre que la
cavéoline, une protéine normalement ancrée dans la membrane
cellulaire et qui lie le NO et le maintient sous la forme inactive,
se retrouve en abondance à l’intérieur de la cellule (cytoplasme)
au cours du vieillissement. La délocalisation de la cavéoline expliquerait la baisse d’activité du NO avec le vieillissement.
I. Garcin et C. Carrion ont étudié les mécanismes responsables
de l’amélioration de la fonction cardiaque par la transplantation
de myoblastes squelettiques après un infarctus du myocarde. Elles
montrent que l’injection de myoblastes dans la zone infarcie du
cœur de rat après ligature de l’artère coronaire ne provoque pas
la formation de nouveaux vaisseaux. Le bénéfice fonctionnel
obtenu par la transplantation de cellules squelettiques n’est donc
pas dû à une néo-angiogenèse myocardique.
D. Godreau s’est intéressé à une famille de protéines, les
MAGUKs, qui permettent l’assemblage des canaux ioniques au
niveau de la membrane cellulaire. Il montre qu’au cours de la
fibrillation auriculaire, certaines de ces protéines sont dégradées
sous l’effet d’une protéase, la calpaïne. Le clivage des MAGUKs
pourrait être un élément moteur de la plasticité des canaux
ioniques dans les oreillettes humaines.
M. Oak rapporte des travaux sur l’effet des polyphénols présents
dans le vin rouge sur l’angiogenèse. Ces composés diminuent
l’expression du facteur angiogénique VEGF dans les cellules musculaires lisses in vitro, et inhibent la formation de vaisseaux dans
le modèle in vivo de membrane chorio-allantoïque d’embryon de
poulet. Les propriétés antiangiogéniques des polyphénols du vin
rouge pourraient contribuer à leurs effets protecteurs cardiovasculaires.
La resténose 25 ans après
Modérateurs : N. Danchin (Paris) et J. Bonnet (Bordeaux)
La resténose est, depuis que l’angioplastie coronaire existe, le
point faible de cette technique de revascularisation, même si l’apparition des endoprothèses a permis une avancée. N. Danchin a
rappelé l’importance de la resténose (25 000 cas/an en France,
nécessitant 15 000 nouvelles interventions) et a rapporté les résultats spectaculaires obtenus chez l’homme avec des endoprothèses
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recouvertes d’un médicament, le sirolimus, qui est ainsi largué
dans la paroi artérielle au contact de la zone dilatée.
J. Bonnet a décrit le mécanisme d’action du sirolimus, un agent
immunosuppresseur qui a la propriété de bloquer le cycle de division cellulaire en phase G1.
C. Baquey a exposé les nombreuses difficultés rencontrées pour
fixer un médicament sur une endoprothèse et les solutions originales qui sont envisagées.
I. De Scheerder a présenté les différentes études en cours avec
d’autres agents destinés à éviter la resténose (paclitaxel, corticoïdes, inhibiteurs des métalloprotéases, etc.) : il ressort de résultats tout récents que la détermination des doses optimales des substances utilisées n’est pas aisée, et que des effets secondaires peu
prévisibles peuvent annihiler les espoirs mis dans certaines d’entre
elles.
Enfin, Y. Goueffic et D. Busseuil ont présenté leurs résultats
expérimentaux portant sur l’ensemencement de cellules musculaires lisses et sur l’utilisation de la curiethérapie intra-artérielle.
Marqueurs biologiques de l’ischémie et de l’insuffisance cardiaque
Modérateurs : A. Cohen-Solal (Clichy) et J.B. Michel (Paris)
À côté de l’ECG et de l’échocardiographie, des marqueurs biologiques qui semblent posséder une valeur diagnostique et pronostique sont apparus ces dernières années. J.B. Michel a rappelé les
aspects expérimentaux de l’activation des systèmes neuro-hormonaux impliqués dans l’insuffisance cardiaque (IC), en insistant sur
l’intérêt de l’endothéline. A. Cohen-Solal a confirmé l’intérêt en
clinique du dosage plasmatique de cette hormone et a décrit
d’autres systèmes (adrénomédulline et cytokines : TNFα, interleukine 6). Z. Mallat a montré qu’il existait une augmentation de
l’interleukine 18 dans l’insuffisance cardiaque, avec une diminution du taux de son récepteur. À côté de ces nouveaux marqueurs,
celui dont le rôle se révèle le plus intéressant sur le plan diagnostique, mais aussi pronostique et thérapeutique, est le BNP (peptide
natriurétique de type B). Il peut maintenant être dosé en 15 minutes
au lit du malade. Diverses études ont montré que des taux de BNP
normaux, inférieurs à 100 picog/ml, excluent le diagnostic d’IC,
alors qu’à l’inverse, des taux supérieurs à 300 picog/ml traduisent
une IC patente (D. Logeart et P. Jourdain).
Les troponines T et I sont des marqueurs de l’infarctus du myocarde transmural. J.P. Collet a montré que, lorsqu’elles sont augmentées dans les syndromes de menace, il existe une relation pronostique linéaire entre l’augmentation des taux plasmatiques de
troponine I et la mortalité. Une augmentation du taux de troponine apparaît donc comme une indication à un traitement agressif (anti-GPIIb/IIIa et coronarographie rapide avec angioplastie).
D’autres marqueurs sont en évaluation, comme le taux de protéine C-réactive (CRP), protéine de l’inflammation augmentée
en cas de rupture de plaques et qui semble être associée à un mauvais pronostic à moyen terme. Toutefois, son dosage ne fait pas
partie de la pratique clinique courante.
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