145
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 4, juillet/août 2005
Le risque d’atteinte musculaire au cours d’un traitement
par statine est probablement dû à un effet dose-dépendant
et concentration-dépendant. Les atteintes musculaires
induites par les statines sont souvent liées à des prises
médicamenteuses concomitantes.
•La simvastatine (Lodalès®,Zocor®) subit un effet de pre-
mier passage hépatique important lié à l’isoforme CYP 3A4
du cytochrome P450. Sa concentration plasmatique peut
être augmentée par l’utilisation simultanée d’inhibiteurs du
CYP3A4 tels que l’itraconazole, le kétoconazole, l’érythro-
mycine, la clarithromycine, la ciclosporine et les antipro-
téases du traitement du VIH, ou par la consommation de jus
de pamplemousse (qui est aussi un inhibiteur du CYP3A4).
•L’association d’un inhibiteur du CYP 3A4 à l’atorvas-
tatine (Tahor®), métabolisée partiellement par le CYP
3A4, provoque une moindre augmentation de sa concen-
tration plasmatique.
•La pravastatine (Elisor®,Vasten®) est métabolisée par
sulfonation et non par le système des cytochromes. Elle est
la statine qui subit le moins d’interactions. Mais l’admi-
nistration concomitante de Gemfibrozil ou de ciclosporine
peut augmenter sa concentration plasmatique.
•La fluvastatine (Fractal®,Lescol®) est métabolisée prin-
cipalement par le CYP 2C9, et peu d’interactions ont été
rapportées.
•La rosuvastatine (Crestor®) est la dernière statine commer-
cialisée. Des effets musculaires tels que des myalgies, des
myopathies et, rarement, des rhabdomyolyses ont été
observés chez des patients traités par la rosuvastatine, et ce
à toutes les doses utilisées, en particulier celles supérieures
à 20 mg. La rhabdomyolyse semble rare avec ce traitement
(prévalence inférieure ou égale à 0,03% dans une étude ras-
semblant 12400 patients [14]). Les études de métabolisme
in vitro utilisant des hépatocytes humains montrent que la
rosuvastatine est un substrat mineur des cytochromes P450.
Notons qu’une augmentation de l’exposition systémique de
la rosuvastatine a été observée chez des sujets japonais et
chinois chez qui la dose de 40 mg est contre-indiquée.
Fibrates
D’exceptionnels cas de rhabdomyolyse ont été rapportés
au cours d’un traitement par fibrate seul (15). Le terrain
à risque de toxicité musculaire sous fibrate comprend:
– une hypoalbuminémie;
– une insuffisance rénale ;
– une hypothyroïdie non traitée ;
– un âge supérieur à 50 ans ;
– une association aux statines.
Diagnostic positif
Signes cliniques
Le tableau classique comporte :
– des myalgies ;
– une faiblesse musculaire ;
– des crampes.
En cas d’atteinte sévère peuvent apparaître :
– des myalgies très intenses ;
– un déficit moteur;
– une oligurie ou une anurie si la rhabdomyolyse est res-
ponsable d’une insuffisance rénale aiguë ;
– une émission d’urines de couleur brun foncé, liée à la
myoglobinurie ;
– une arythmie ou un arrêt cardiaque, pouvant survenir en
raison de l’hyperkaliémie et de l’hypocalcémie secondaires
à l’insuffisance rénale aiguë.
Stigmates biologiques
Ils associent une élévation des enzymes musculaires:
– créatine phosphokinase (CPK) susceptible de dépas-
ser de dix fois la valeur supérieure de la normale
(N : 0-150 UI/l) ;
– myoglobinémie avec myoglobinurie (> 20 mg/l).
Ces paramètres sont en fait non mesurés en pratique
courante.
Et en cas d’insuffisance rénale aiguë, par atteinte tubu-
laire rénale liée à la myoglobinurie :
– une élévation de la créatinémie;
– une hyperkaliémie ;
– une hyperuricémie.
Conduite à tenir
– Arrêt impératif du traitement en cause.
– Hospitalisation en service de réanimation.
– Sondage urinaire pour évaluer la diurèse.
– Apport en eau et électrolytes en fonction de la diurèse
et des pertes extracellulaires.
– Traitement symptomatique de l’hyperkaliémie.
– Discuter l’éventualité d’un recours à l’épuration extra-
rénale en cas d’insuffisance rénale aiguë.
– Surveillance clinique et biologique.
Prévention
Inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase (statines)
Une surveillance clinique et biologique régulière des
patients traités par statine est nécessaire.
Il est souhaitable d’effectuer une mesure du taux des CPK
avant le début du traitement, puis régulièrement après
l’instauration de celui-ci, a fortiori si des symptômes
évocateurs de rhabdomyolyse surviennent.
Cette attitude n’est cependant pas universellement adoptée
à ce jour, certains auteurs préconisant de ne mesurer le
taux de CPK avant d’initier un traitement par statine
qu’en cas d’hypothyroïdie, d’exogénose, de myopathie,
d’âge supérieur à 70 ans ou d’antécédent de toxicité mus-
culaire au cours de traitement par statine ou fibrate. Les
mêmes auteurs ne conseillent pas de dosage systématique
des CPK en l’absence de myalgies.
Mise au point
Mise au point