Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
méningée. Une équipe de Har-
vard a montré qu’un gramme
d’acide éicosapentanoïque aurait
des effets régulateurs de l’hu-
meur et serait bénéfique dans le
traitement des troubles de la per-
sonnalité de type Border-line
caractérisés par des tendances
dépressives et de l’agressivité.
‰
Neurosciences.
Olivier Mason à Londres a étudié
les critères permettant à des indi-
vidus à risque de développer une
psychose et constaté que 50 à
60 % des sujets identifiés étaient
en réalité des faux positifs c’est-à-
dire qu’ils ne développaient pas
d’état psychotique. Cet auteur a
donc mené une étude ayant pour
objectif de déterminer si l’histoire
familiale, les complications péri-
natales, le fonctionnement social
prémorbide, les événements de
vie récents et les symptômes
étaient susceptibles d’améliorer la
valeur prédictive d’une évolution
psychotique chez les sujets jeu-
nes qui consultaient en raison de
leur connaissance de facteurs de
risque.
Cette étude réalisée chez 74 sujets
suivis un an après la première éva-
luation clinique a montré que
50 % des sujets développaient
une psychose mais surtout que le
meilleur élément prédictif de cette
évolution était le degré des carac-
téristiques de la personnalité de
type schizotypique. Par exemple,
cet auteur a montré que lorsque
des individus développaient un
ratio de pensées magiques élevé,
un déficit de fonctionnement, des
troubles de l’affectivité, une anhé-
donie (perte de la capacité à se
procurer du plaisir), le fait d’être
peu sociable et des hallucinations
auditives, on constatait une prédic-
tivité de 84 % en sensibilité
(degré avec lequel la mesure se
révèle mesurer finement la va-
riable qu’elle doit mesurer) et de
86 % en spécificité (degré selon
lequel la mesure est capable de
mesurer uniquement la variable
pour laquelle elle a été choisie).
La difficulté de ces études est liée
à la pertinence des facteurs de
risque choisis en terme de pré-
vention. On identifie des sujets à
risque de la manière suivante
(Young et al., 1998) :
•symptômes psychotiques atté-
nués ;
•symptômes psychotiques francs
mais transitoires (une semaine) ;
•facteurs de risque de type trait
(personnalité) et état (réactionnel
à un contexte) : apparentés de
premier degré avec antécédents
psychotiques ou personnalité psy-
chotique, déficit du fonctionne-
ment général.
Parmi ces sujets 40 % ont déve-
loppé une psychose dans les six
mois, 35 % dans les douze mois
(Young et al., 2004).
‰
À propos du cannabis et du
risque de devenir schizophrène…
En Australie (Institut des Bio-
sciences Moléculaires de l’Uni-
versité du Queensland) Hall W.,
Dogenhardt L. et Teesson M. ont
examiné trois hypothèses à la
lumière de données issues
d’études épidémiologiques pros-
pectives récentes.
•La première hypothèse soutient
que le cannabis provoque une
psychose qui ne se serait jamais
produite si le sujet n’avait pas
fumé de cannabis.
•La deuxième hypothèse avance
que le cannabis précipite l’appari-
tion d’une schizophrénie ou
aggrave ses symptômes.
•Troisième hypothèse : le canna-
bis exacerbe les symptômes de
psychose.
On peut résumer les travaux de
ces auteurs en disant que peu
d’arguments sont en faveur de la
première hypothèse, un certain
nombre d’arguments valident la
seconde. En effet, quatre études
prospectives dans trois pays diffé-
rents ont mis en évidence un lien
entre la fréquence d’utilisation du
cannabis et le risque d’être dia-
gnostiqué schizophrène ou de
manifester des symptômes psy-
chotiques.
Ces liens sont plus forts chez les
sujets ayant une histoire de
symptômes psychotiques et per-
sistent après ajustement des
autres variables confondantes.
L’absence de modification de l’in-
cidence de la schizophrénie
durant les trois dernières décades
d’utilisation du cannabis en
Australie rend peu probable l’hy-
pothèse que le cannabis puisse
produire une psychose qui ne se
serait jamais manifestée si le sujet
n’avait pas fumé.
En conclusion, le cannabis peut
précipiter une schizophrénie chez
les sujets vulnérables. On ne peut
écarter la troisième hypothèse de
l’exacerbation de symptômes de
la psychose par le cannabis.
Conclusion
Les recherches que nous avons
mentionné dans cet article nous
enseignent que les méthodes
d’étude applicables en psychiatrie
sont très hétérogènes et que cha-
cune d’entre elles contribue à
l’avancée des connaissances sur
les effets des psychotropes, les
mécanismes à l’œuvre en psy-
chopathologie, les facteurs de
risque, les nouvelles thérapeu-
tiques, etc… Mais nous devons
absolument mous souvenir que
la grande majorité de ces études
est issue d’une seule discipline, la
plus importante, qui font de la
démarche expérimentale, c’est-à-
dire la clinique (science de l’ob-
servation !). Bonnes lectures et
surtout, bonnes observations.
Pr Charles-Siegfried Peretti,
Dr Florian Ferreri
Service de psychiatrie,
CHU Hôpital Saint-Antoine, Paris
Références bibliographiques
– Müller WE, Rolli M, Schafer C, Hagner
U. (1997) Effects of Hypericum extract (LI
160) in biochemical of antidepressant
activity. Pharmacopsychiatry, 30 (Suppl.2):
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– Young AR, Phillips LJ, Yuen HP, Mc
Gorry PD. (2004) Risk Factors for
Psychosis in an ultra high-risk group : psy-
chopathology and clinical features.
Schizophrenia Research, 67, 131-142.
– Hall W, Dogenhardt L, Teesson
M. (2004) Cannabis use and psychotic
disorders : an update. Drugs Alcohol Rev.
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