La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale • n° 330 - juillet-août-septembre 2012 | 11
CONGRÈS
RÉUNION
les plus de 4 ans, ou plus de 2 rhinosinusites/an) ou
inhabituelles (infection par un germe opportuniste,
candidose buccale ou cutanée récidivante), ainsi que
chez les enfants qui ont une diarrhée chronique et
une cassure de la courbe staturo-pondérale.
Le bilan de dépistage de première intention (2)
repose sur des examens de routine, réalisables en
ville :
➤NFS, à la recherche d’une anémie, d’une neutro-
pénie, d’une lymphopénie (attention, la lympho-
cytose est à interpréter en fonction de l’âge :
3 000 lymphocytes/mm3, c’est normal chez l’ado-
lescent, mais cela témoigne d’un déficit immunitaire
combiné sévère chez un enfant de moins de 3 mois) ;
➤
dosage pondéral des immunoglobulines sériques,
après 4 mois, à interpréter en fonction de l’âge pour
les IgA et les IgM ;
➤
sérologies postvaccinales (anticorps anti-diphté-
riques et anti-tétaniques) et post-infectieuses
(pneumocoque, méningocoque, Haemophilus).
En cas d’anomalies de ce premier bilan, des inves-
tigations complémentaires vont permettre de
confirmer le déficit immunitaire et de préciser son
type :
➤
si la NFS et les sérologies sont normales, il
faut évaluer les fonctions phagocytaires : étude
du chimiotactisme, test au nitrobleu ou test de
réduction de la dihydrorhodamine, qui sont perturbés
en cas de granulomatose septique chronique ;
➤
en cas de lymphopénie ou de sérologies basses,
phénotypage lymphocytaire pour le diagnostic d’une
maladie de Bruton (IgG < 2-3 g/l, IgA et IgM basses,
pas de lymphocyte B), d’un déficit immunitaire
combiné comme dans le syndrome de Di George
(pas ou peu de lymphocytes T), etc.
Attention, des examens normaux ne permettent
pas d’écarter formellement un déficit immunitaire,
et, au moindre doute, il faut adresser l’enfant dans
un service spécialisé.
Biofilms en ORL : définition,
démonstration et recherche
D’après la communication du Pr Romain Kania
(hôpital Lariboisière, Paris)
On oppose les bactéries planctoniques, isolées, aux
bactéries qui vivent en communautés, enchâssées
dans une matrice d’exopolysaccharides qui forment
des biofilms.
La constitution d’un biofilm comporte plusieurs
phases :
➤
adhésion à une surface (peau, muqueuse ou
biomatériau) ;
➤prolifération ;
➤
maturation et synthèse de la matrice, avec des
voies de communication pour les nutriments ou
l’évacuation des déchets.
Les biofilms permettent la survie des bactéries
dans un environnement défavorable (température,
irradiation, nettoyants chimiques ou mécaniques,
antibiotiques). À partir du biofilm, des bactéries
peuvent être relarguées pour coloniser de nouvelles
niches. C’est ainsi que des bactéries de la plaque
dentaire peuvent provoquer une endocardite et des
bactéries sur un cathéter peuvent provoquer une
septicémie.
Les bactéries composant un biofilm échangent du
matériel génétique, ce qui facilite leur adaptation
à l’environnement.
Les bactéries présentes dans les biofilms sont très
difficiles à cultiver in vitro. Les biofilms peuvent être
mis en évidence en microscopie électronique, ou en
microscopie confocale avec double marquage de
la matrice et des bactéries (3). On estime que les
deux tiers des infections cliniques sont dues à des
biofilms. Il a été mis en évidence des biofilms sur
la muqueuse de l’oreille moyenne, sur la muqueuse
sinusienne en cas de rhinosinusite chronique, sur
les amygdales palatines (3) et sur les végétations
adénoïdes (4).
Pour traiter ces infections, plusieurs approches sont
envisageables :
➤
avoir une très forte concentration locale d’antibio-
tiques, ce qui peut être obtenu par les antibiotiques
locaux ; c’est ainsi que l’on peut traiter les otorrhées
sur aérateur transtympanique (5) ;
➤
apport de nouvelles bactéries pour modifier
l’écologie bactérienne et fongique : c’est l’approche
probiotique ;
➤traitement pilicide pour empêcher l’adhésion ;
➤
interruption du “quorum sensing”, limitation de
la communication entre les colonies bactériennes :
c’est le rôle, par exemple, du traitement antibiotique
prophylactique des infections bactériennes dans la
mucoviscidose ;
➤
inhibition de la synthèse de la matrice, utilisation
de biomatériaux dont la surface est traitée pour
empêcher le développement de biofilms ;
➤
dégradation de la matrice pour activer les défenses
de l’hôte et restaurer l’efficacité des antibiotiques.