Îles Îles Îles Îles où l’on ne prendra jamais terre Îles où l’on ne descendra jamais Îles couvertes de végétations Îles tapies comme des jaguars Îles muettes Îles immobiles Îles inoubliables et sans nom Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu’à vous Blaise Cendrars, Feuilles de route, 1947 Editions Denoël L’écolier J’écrirai le jeudi j’écrirai le dimanche quand je n’irai pas à l’école j’écrirai des nouvelles j’écrirai des romans et même des paraboles je parlerai de mon village je parlerai de mes parents de mes aïeux de mes aïeules je décrirai les prés je décrirai les champs les broutilles et les bestioles puis je voyagerai j’irai jusqu’en Iran au Tibet ou bien au Népal et ce qui est beaucoup plus intéressant du côté de Sirius ou d’Algol où tout me paraitra tellement étonnant que revenu dans mon école je mettrai l’orthographe mélancoliquement Raymond Queneau, Battre la campagne, 1980. Editions Gallimard Sonnet Il faut, dans ce bas monde, aimer beaucoup de choses, Pour savoir, après tout, ce qu’on aime le mieux, Les bonbons, l’Océan, le jeu, l’azur des cieux, Les femmes, les chevaux, les lauriers et les roses. Il faut fouler aux pieds des fleurs à peine écloses ; Il faut beaucoup pleurer, dire beaucoup d’adieux. Puis le coeur s’aperçoit qu’il est devenu vieux, Et l’effet qui s’en va nous découvre les causes. De ces biens passagers que l’on goûte à demi, Le meilleur qui nous reste est un ancien ami. On se brouille, on se fuit. Qu’un hasard nous rassemble, On s’approche, on sourit, la main touche la main, Et nous nous souvenons que nous marchions ensemble que l’âme est immortelle, et qu’hier c’est demain. Alfred de Musset, Poésies nouvelles, 1850. Ouvre-moi tes bras Et me sois refuge Ouvre-moi tes bras Et me sois rempart Ouvre-moi tes bras Et me sois espoir Ouvre-moi tes bras Et me sois bien-être Ouvre-moi tes bras Quand me vois paraître Ouvre-moi tes bras… Et me sois… Refuge… Esther Granek, Je cours après mon ombre, 1981