Par Jean-Louis Pourriat*
LA REVUE DU PRATICIEN MÉDECINE GÉNÉRALE l TOME 24 l N° 834 l 26 JANVIER 2010
médecin. Pour le diagnostic et la prise en
charge thérapeutique qu’impose l’état de
son patient, il doit mettre en œuvre les
moyens techniques, intellectuels et humains
adaptés.2, 3 Ainsi, l’interrogatoire des proches
peut être un élément fondamental qu’il
importe de ne pas négliger.
L’avis d’un spécialiste est à rechercher
quand le problème dépasse le domaine de
compétence du médecin généraliste ou
urgentiste. Il s’agit, aux termes de la loi,
d’une obligation de faire. Avec cette réserve,
les erreurs diagnostiques ne constituent pas
forcément une faute si les moyens adaptés
ont été instaurés avec diligence.
Les erreurs de prescription sont à analyser
en fonction, soit de l’erreur diagnostique qui
justifie la prescription en cause, soit d’une
erreur thérapeutique sur un bon diagnostic,
soit d’une prescription correcte, mais mal ou
non effectuée.
Chez un patient ayant un accident vascu-
laire cérébral, un médecin a été condamné
pour n’avoir pas pris connaissance suffi-
samment tôt des résultats d’une numération
plaquettaire montrant une thrombopénie à
l’héparine bien qu’il ait prescrit cet examen
selon les règles.
Selon les bonnes pratiques, la prescription
ne doit en aucun cas être téléphonique ; elle
doit être écrite lisiblement, datée et signée et
comporter le médicament, la dose, la voie
d’administration et la durée du traitement.
Les erreurs techniques sont appréciées en
tenant compte de la difficulté du geste et du
risque « normal » à sa réalisation. Dans ce
dernier cas (soins bénins), le médecin a une
obligation de résultat.
Défaut d’appréciation du niveau de gra-
vité. À la suite d’un appel téléphonique
pour douleur thoracique atypique chez un
homme de 38 ans décédé quelques heures
plus tard, le médecin de garde a été
condamné pour avoir prescrit un anxio-
lytique sans tenir compte des facteurs de
■Quelle urgence ?
L’urgence médicale se définit par toute symp-
tomatologie dont le diagnostic et surtout le
traitement, voire l’orientation, ne peuvent
être différés.
Malheureusement, à ce jour, le nombre d’ap-
pels pour des « consultations d’urgence »
augmente alors que la démographie médi-
cale est en baisse et que l’exigence de per-
manence des soins persiste. Ce décalage
entre demande accrue et offre de soins limi-
tée explique que la responsabilité médicale
soit mise en cause : simples plaintes au
Conseil de l’Ordre, aux directions hospita-
lières, mais aussi actions en justice, admi-
nistratives, civiles ou pénales. Les plaintes
à l’encontre du généraliste qui ne se déplace
pas à domicile ne sont plus exceptionnelles,
de même que celles vis-à-vis des structures
d’urgences hospitalières ou préhospitalières
(SAMU/SMUR).1
■Le médecin confronté
à l’urgence
La réponse à l’urgence concerne tous les
médecins… C’est un devoir éthique :
«… Tout médecin qui se trouve en présence d’un
malade ou d’un blessé en péril ou, informé
qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui
porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les
soins nécessaires… » (art. 9 du code de déon-
tologie). Elle est indépendante du mode
d’exercice (libéral ou public), du type d’exer-
cice ou de la spécialité. Elle engage sa res-
ponsabilité personnelle. Comme tout
citoyen, mais également plus que tout autre,
le médecin se doit de porter secours et assis-
tance (art. 223-6 du code pénal).
Responsabilité du médecin
face à l’urgence
Quels risques et comment les prévenir ?
* Expert national, agréé par la Cour de cassation ;
université Paris-Descartes, faculté de médecine ;
service des urgences, Hôtel-Dieu-Cochin,
75004 Paris.
Il doit aussi assurer la continuité des soins :
« … Quelles que soient les circonstances, la
continuité des soins aux malades doit être assu-
rée. Hors le cas d’urgence et celui où il man-
querait à ses devoirs d’humanité, un médecin a
le droit de refuser ses soins pour des raisons
professionnelles ou personnelles. S’il se dégage
de sa mission, il doit alors en avertir le patient
et transmettre au médecin désigné par celui-ci
les informations utiles à la poursuite des
soins… » (art. 47 du CD).
Sa responsabilité peut être mise en cause.
Quand une plainte est déposée contre un
médecin, la procédure judiciaire est rapide-
ment complexe car les intervenants médi-
caux sont nombreux et se succèdent tout au
long de la chaîne de l’urgence depuis le
généraliste, le SAMU, jusqu’à l’établissement
de soins, privé ou public. Si bien qu’il s’avère
souvent plus simple pour le patient, en cas
de conflit, d’aller directement au pénal, ce
qui a pour avantage de concerner l’ensem-
ble des intervenants et de provoquer une
enquête sur tous les actes réalisés pour le
traitement de cette urgence (figure).
Fort heureusement, contrastant avec le
volume important des appels au centre 15,
les plaintes restent encore limitées. Ainsi,
en 2007, pour les seuls généralistes libéraux,
la sinistralité était de 1,15 % (1,17 % en 2006)
comprenant 48 plaintes pénales, 82 plaintes
ordinales, 106 assignations en référé,
188 réclamations et 78 saisines d’une CRCI*.
■Typologie des plaintes
Manquement à l’obligation de moyens.
Un médecin a été condamné pour diligence
insuffisante, en diagnostiquant une maladie
psychiatrique chez un patient ayant en réa-
lité une méningite. Il avait négligé de pro-
céder à un interrogatoire soigneux de la
compagne du patient (CA Paris, 19 nov. 1998 :
Juris Data n° 023476).
Cette obligation est impérative pour tout
74 JURISPRUDENCE
* Commission régionale de conciliation
et d’indemnisation des accidents médicaux, des
affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
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