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Pas d’assimilation aux choses
Les infractions contre les animaux apparaissaient
autrefois, dans le Code pénal de 1810, dans le livre
relatif aux crimes et délits contre les biens.
Actuellement, l’animal et l’embryon sont envisagés
tous deux dans le livre V du Code pénal intitulé "des
autres crimes et délits" qui traite des infractions contre
les animaux et des infractions aux lois dites bioéthiques
du 29 juillet 1994. Selon le législateur, porter atteinte à
l’intégrité de l’animal et de l’embryon ne constitue pas
un crime ou un délit contre les personnes, ni contre les
biens.
Mesures protectrices
L’embryon et l’animal ne sont pas des personnes, ils ne
sont donc pas dotés de la personnalité juridique ; mais
ils ne sont pas non plus des choses et bénéficient de
mesures protectrices particulières.
A propos de l’embryon, les lois du 29 juillet 1994 ont
créé un arsenal répressif considérable. La seule protec-
tion de l’embryon fait l’objet d’une section à part entiè-
re dans le livre V du code pénal. L’intégrité physique
de l’embryon est protégée par des dispositions assorties
de sanctions sévères d’emprisonnement et d’amende
(ainsi, selon l’article 511-19, "le fait de procéder à une
étude ou une expérimentation sur l’embryon en viola-
tion des dispositions de l’article 152-8 du CSP est puni
de 7 ans d’emprisonnement et de 700 000 francs
d’amende").
A propos de l’animal, la loi Grammont du 2 juillet
1850 est le premier texte à avoir incriminé les mau-
vais traitements envers lui. Depuis, cette protection
n’a cessé de se développer. La loi du 6 janvier 1999
est venue accroître les peines prévues par l’article
521-1 du code pénal (qui punit désormais les sévices
graves ou actes de cruauté envers un animal domes-
tique ou apprivoisé ou tenu en captivité, de deux ans
d’emprisonnement et de 200 000 francs d’amende
[ 4 ] ) .
Divergences
Contrairement à l’animal, l’embryon peut être titulaire
de droit, mais il s’agit en fait de droits virtuels, limités
à la période de gestation. Ainsi, la règle "infans
conceptus" signifie que l’enfant conçu est considéré
comme "né" chaque fois qu’il y va de son intérêt. Par
exemple, l’enfant seulement conçu peut bénéficier
d’une donation, à condition qu’ultérieurement, il nais-
se vivant et viable.
Aucune règle similaire ne concerne l’animal. S’il exis-
tait une graduation entre la chose et la personne, l’em-
bryon serait plus proche de la personne que ne l’est
l’animal.
La xénotransplantation
La recherche sur l’animal est admise et strictement enca-
drée par des dispositions réglementaires. Ces dernières
années, la protection de l’animal a été renforcée mais les
juristes les plus favorables à une personnification adap-
tée, n’évoluent pas vers l’anthropomorphisme [5]. Ainsi,
ceux qui estiment que toute vie - humaine et animale - a
égale valeur, ne trouvent pas d’écho juridique.
Le débat éthique soulevé par la xénotransplantation est
justifié par le risque pandémique de maladie infectieu-
se. Sur ce point, quand le profane se demande si le
mieux être de quelques-uns justifie de prendre le risque
de décimer la population tout entière, le scientifique
s’interroge sur les moyens de réduire ce risque à un
seuil acceptable [6].
Cette question a conduit le Royaume-Uni, la Suède,
l’Allemagne, à adopter des moratoires. Aux Etats-
Unis, la Food et Drug Administration est revenue sur sa
décision d’autoriser des essais cliniques et des scienti-
fiques ont demandé aussi un moratoire [7]. En France,
le CCNE estime que "des pré requis de succès sur les
animaux, des suivis d’efficacité, une estimation maxi-
male de garanties quant aux risques infectieux, des
études psychosociologiques doivent être exigés avant
le passage à la phase clinique (...)". Mais il ne deman-
de pas de moratoire de la recherche pré clinique sur la
xénogreffe [8]. Enfin, le Comité des ministres du
Conseil de l’Europe souhaite que la recherche fonda-
mentale, les programmes de xénotransplantation et la
surveillance à long terme des receveurs et des animaux
donneurs [9] soient réglementés dans tous les Etats
membres.
Contrairement à ses homologues du monde entier, le
législateur français est déjà intervenu sur la question,
dans sa loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement
de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sani-
taire des produits destinés à l’homme [10]. La France
est donc le seul pays au monde à avoir prévu l’utilisa-
tion d’organes, de tissus ou de cellules d’origine ani-
male à des fins thérapeutiques Une telle loi était pré-
maturée et se contente donc d’énoncer des principes.
Ainsi, selon le nouvel article L 209-18.3 du code de la
santé publique :
- les recherches cliniques portant sur l’utilisation théra-
peutique des organes, tissus ou cellules d’origine ani-
male sont soumises à une autorisation du ministre char-
gé de la Santé après avis de l’Agence française de la
sécurité sanitaire des produits de santé et de
l’Etablissement français des greffes;
- des règles de bonne pratique doivent être préparées
par l’Agence française de la sécurité sanitaire des pro-
duits de santé après avis de l’Etablissement français
des greffes. Elles concernent le prélèvement, la conser-
vation, la transformation, le transport et l’utilisation
Morgane Daury-Fauveau, Jacques Petit, Progrès en Urologie (2000), 10, 1277-1281